Pape François en Roumanie: homélie lors de la Messe en la cathédrale Saint-Joseph

Le pape François se rend à la cathédrale catholique Saint-Joseph de Bucarest, en Roumanie, pour célébrer la messe du 31 mai 2019. (Photo CNS / Paul Haring)

Le 31 mai 2019, premier jour de son voyage apostolique en Roumanie et fête de la Visitation, le pape François a présidé la Messe à la cathédrale Saint-Joseph de Bucarest, capitale de la Roumanie. Dans son homélie, il a évoqué la visite de Marie à sa cousine Élisabeth. Lire le texte intégral de son homélie ci-dessous:

 

L’Evangile que nous venons d’entendre nous plonge dans la rencontre de deux femmes qui s’embrassent et qui remplissent tout de joie et de louanges: l’enfant exulte de joie et Elisabeth bénit sa cousine pour sa foi; Marie chante les merveilles que le Seigneur a réalisées en son humble servante avec le grand cantique d’espérance pour ceux qui ne peuvent plus chanter parce qu’ils ont perdu la voix… Cantique d’espérance qui veut nous réveiller nous aussi et nous inviter à l’entonner aujourd’hui par le moyen de trois précieux éléments qui naissent de la contemplation de la première disciple: Marie marche, Marie rencontre, Marie se réjouit.

Marie marche… de Nazareth à la maison de Zacharie et d’Elisabeth: c’est le premier des voyages de Marie que raconte l’Ecriture. Le premier d’un grand nombre. Elle ira de Galilée à Bethléem, où naîtra Jésus; elle fuira en Egypte pour sauver l’enfant d’Erode; elle se rendra encore à Jérusalem chaque année pour la Pâque, jusqu’au dernier où elle suivra Jésus au Calvaire. Ces voyages ont une caractéristique: ils n’ont jamais été des chemins faciles, ils ont demandé courage et patience. Ils nous disent que la Vierge connaît les montées, elle connaît nos montées: elle est pour nous une sœur sur le chemin. Experte en effort, elle sait comment nous prendre par la main dans les aspérités, quand nous nous trouvons face aux tournants les plus raides de la vie. En bonne mère, Marie sait que l’amour se fait chemin dans les petites choses quotidiennes. Amour et ingéniosité maternelle capables de transformer une grotte pour animaux en maison de Jésus, avec quelques pauvres langes et une montagne de tendresse. (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 286). Contempler Marie nous permet de poser le regard sur tant de femmes, de mères et de grand-mères de ces terres qui, avec sacrifice et de manière cachée, abnégation et engagement, façonnent le présent et tissent les rêves de demain. Donation silencieuse, persévérante et inaperçue, qui n’a pas peur de “se remonter les manches” et de charger les difficultés sur les épaules pour faire avancer la vie de ses enfants, et de toute la famille «espérant contre toute espérance» (Rm 4, 18). C’est un souvenir vivant le fait que, dans votre peuple, vit et palpite un fort sentiment d’espérance, au-delà de toutes les conditions qui peuvent l’obscurcir ou tentent de l’éteindre. En regardant Marie et tant de visages maternels, on fait l’expérience de l’espace et on le nourrit pour l’espérance (cf. Document d’Aparecida, n. 536) qui engendre et ouvre l’avenir. Disons-le avec force: dans notre peuple il y a de la place pour l’espérance. C’est pourquoi Marie marche et nous invite à marcher ensemble.

Marie rencontre Elisabeth (cf. Lc 1, 39-56), déjà avancée en âge (v. 7). Mais c’est elle, l’ancienne, qui parle d’avenir, qui prophétise: “remplie d’Esprit Saint” (v. 41), elle l’appelle «bienheureuse» parce qu’«elle a cru» (v. 45), anticipant la dernière béatitude de l’Evangile: bienheureux celui qui croit (cf. Jn 20, 29). Voilà, la jeune va à la rencontre de l’ancienne à la recherche des racines, et l’ancienne renaît et prophétise sur la jeune lui donnant un avenir. Ainsi, jeunes et anciens se rencontrent, s’embrassent et sont capables, chacun, de réveiller le meilleur de l’autre. C’est le miracle suscité par la culture de la rencontre où personne n’est écarté ni étiqueté, au contraire, où tous sont recherchés parce que nécessaires, pour faire transparaître le Visage du Seigneur. Ils n’ont pas peur de marcher ensemble et, quand cela arrive, Dieu vient et accomplit des prodiges dans son peuple. Car c’est l’Esprit Saint qui nous pousse à sortir de nous-mêmes, de nos enfermements et de nos particularismes, pour nous apprendre à regarder au-delà des apparences et nous offrir la possibilité de dire du bien des autres – “les bénir” – spécialement de beaucoup de nos frères qui sont laissés sans abri, privés peut être, non seulement d’un toit ou d’un peu de pain, mais de l’amitié et de la chaleur d’une communauté qui leur ouvre les bras, les protège et les accueille. Culture de la rencontre qui nous pousse, nous chrétiens, à faire l’expérience du miracle de la maternité de l’Eglise qui cherche, défend et unit ses enfants. Dans l’Eglise, lorsque des rites divers se rencontrent, quand ce ne sont pas les appartenances de chacun, son groupe ou son ethnie qui passent en premier, mais le Peuple qui, ensemble, sait louer Dieu, alors de grandes choses se produisent. Disons-le avec force: bienheureux celui qui croit (cf. Jn 20, 29) et s’efforce de créer rencontre et communion.

Marie qui marche et qui rencontre Elisabeth nous rappelle où Dieu a voulu demeurer et vivre, quel est son sanctuaire et en quel lieu nous pouvons entendre le battement [de son cœur ]: au milieu de son Peuple. Il est là, il vit là, il nous attend là. Nous sentons l’invitation du prophète qui nous est adressée de ne pas craindre, de ne pas baisser les bras. Car le Seigneur notre Dieu est au milieu de nous, il est un sauveur puissant (cf. So 3, 16-17), il est au milieu de son peuple. Cela c’est le secret du christianisme: Dieu est au milieu de nous comme un sauveur puissant. Cette certitude nous permet, comme pour Marie, de chanter et d’exulter de joie. Marie se réjouit, elle se réjouit parce qu’elle est celle qui porte l’Emmanuel, le Dieu avec nous. «Etre chrétien est joie dans l’Esprit Saint» (Exhort. ap. Gaudete et exsultate, n. 122). Sans joie nous restons paralysés, esclaves de nos tristesses. Souvent le problème de la foi n’est pas tant le manque de moyens et de structures, de quantité, ni même la présence de celui qui ne nous accepte pas; le problème de la foi est le manque de joie. La foi vacille quand on navigue dans la tristesse et dans le découragement. Quand nous vivons dans le manque de confiance, enfermés sur nous-mêmes, nous contredisons la foi, car au lieu de nous sentir enfants pour lesquels Dieu fait de grandes choses (cf. v. 49), nous réduisons tout à la mesure de nos problèmes et nous oublions que nous ne sommes pas orphelins; dans la tristesse, nous oublions que nous ne sommes pas orphelins, que nous avons un Père au milieu de nous, sauveur et puissant. Marie nous vient en aide car, au lieu de rapetisser, elle magnifie, c’est-à-dire, elle“grandit” le Seigneur, elle loue sa grandeur. Voilà le secret de la joie. Marie, petite et humble, part de la grandeur de Dieu et, malgré ses difficultés – qui étaient nombreuses – elle demeure dans la joie, car elle fait, en tout, confiance au Seigneur. Elle nous rappelle que Dieu peut toujours accomplir des merveilles si nous restons ouverts à lui et aux frères. Pensons aux grands témoins de ces terres: des personnes simples, qui ont fait confiance à Dieu au milieu des persécutions. Ils n’ont pas mis leur espérance dans le monde, mais dans le Seigneur, et ils sont ainsi allés de l’avant. Je voudrais rendre grâce pour ces humbles vainqueurs, pour ces saints de la porte d’à côté qui nous montrent le chemin. Leurs larmes n’ont pas été stériles, elles ont été une prière qui est montée au ciel et qui a irrigué l’espérance de ce peuple.

Chers frères et sœurs, Marie marche, elle rencontre et se réjouit parce qu’elle a porté une chose plus grande qu’elle-même: elle a été porteuse d’une bénédiction. Comme elle, nous aussi n’ayons pas peur d’être les porteurs de la bénédiction dont a besoin la Roumanie. Soyez les promoteurs d’une culture de la rencontre qui désavoue l’indifférence et qui désavoue la division et permet à cette terre de chanter avec force les miséricordes du Seigneur.

Pape François en Roumanie: méditation sur le Notre-Père en la cathédrale orthodoxe de Bucarest

Le pape François et le patriarche orthodoxe roumain Daniel prient le Notre Père en latin dans la nouvelle cathédrale orthodoxe roumaine de Bucarest, en Roumanie, le 31 mai 2019. (Photo CNS / Paul Haring)

Au cours de son voyage apostolique de trois jours en Roumanie, le pape François s’est rendu à la cathédrale orthodoxe de Bucarest, où il a rencontré le patriarche orthodoxe Daniel. Lors de cette rencontre, le Saint Père a médité sur la prière du Notre Père. Voici le texte complet de son allocution :

Sainteté, cher Frère, chers frères et sœurs!

Je voudrais exprimer ma gratitude et mon émotion de me trouver en ce temple saint, qui nous rassemble dans l’unité. Jésus a appelé les frères André et Pierre à laisser les filets pour devenir ensemble des pêcheurs d’hommes (cf. Mc 1, 16-17). L’appel personnel n’est pas complet sans celui du frère. Nous voulons aujourd’hui, élever, les uns à côté des autres, du cœur du pays, la prière du Notre Père. Notre identité d’enfants y est contenue et, aujourd’hui de manière particulière, [notre identité] de frères qui prient l’un à côté de l’autre. La prière du Notre Père contient la certitude de la promesse faite par Jésus à ses disciples: «Je ne vous laisserai pas orphelins» (Jn 14, 18), et elle nous donne confiance pour recevoir et accueillir le don du frère. Je voudrais donc partager quelques paroles en préparation à la prière que je réciterai pour notre chemin de fraternité et pour que la Roumanie puisse toujours être une maison pour tous, une terre de rencontre, un jardin où fleurissent la réconciliation et la communion.

Chaque fois que nous disons Notre Père, nous rappelons que le mot Père ne peut pas être sans dire notre. Unis dans la prière de Jésus, nous nous unissons aussi à son expérience d’amour et d’intercession qui nous conduit à dire: mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu (cf. Jn 20, 17). C’est une invitation à ce que le “mon” se transforme en notre et que le notre devienne prière. Aide-nous, Père, à prendre au sérieux la vie du frère, à faire nôtre son histoire. Aide-nous, Père, à ne pas juger le frère pour ses actions et ses limites, mais à l’accueillir d’abord comme ton enfant. Aide-nous à vaincre la tentation de nous sentir des fils aînés, qui, à force de rester au centre, oublient le don de l’autre (cf. Lc 15, 25-32).

A Toi, qui es aux cieux – les cieux qui embrassent tout le monde et où tu fais lever le soleil sur les bons et sur les méchants, les justes et les injustes (cf. Mt 5, 45), à Toi nous demandons cette entente que nous n’avons pas su préserver sur terre. Nous la demandons par l’intercession de tant de frères et sœurs dans la foi qui habitent ensemble ton Ciel après avoir cru, aimé et beaucoup souffert, également de nos jours, du seul fait d’être chrétien.

Nous voulons aussi, comme eux, sanctifier ton nom en le mettant au centre de toutes nos préoccupations. Que ce soit ton Nom Seigneur, et non pas le nôtre qui nous pousse et nous éveille à exercer la charité. Combien de fois, en priant, nous nous limitons à demander des dons, et à faire la liste de requêtes, en oubliant que la première chose à faire est de louer ton nom, adorer ta personne, pour, ensuite, reconnaître dans la personne du frère que tu as mis à côté de nous ton reflet vivant. Au milieu de tant de choses qui passent et pour lesquelles nous nous inquiétons, aide-nous, Père à rechercher ce qui demeure: ta présence et celle du frère.

Nous sommes dans l’attente que ton règne vienne: nous le demandons et nous le désirons car nous voyons que les dynamiques du monde ne le favorisent pas. Des dynamiques orientées par les logiques de l’argent, des intérêts, du pouvoir. Alors que nous nous trouvons plongés dans une consommation toujours plus effrénée, qui séduit avec des éclats scintillants mais évanescents, aide-nous, Père, à croire ce pourquoi nous prions: renoncer aux sécurités confortables du pouvoir, aux séductions trompeuses de la mondanité, à la présomption vide de nous croire autosuffisants, à l’hypocrisie de soigner les apparences. Ainsi, nous ne perdrons pas de vue ce Règne où tu nous appelles.

Que ta volonté soit faite, non la nôtre. «La volonté de Dieu c’est le salut de tous» (S. Jean Cassien, Conférences spirituelles, IX, n. 20). Nous avons besoin, Père, d’élargir les horizons afin de ne pas réduire à nos limites ta miséricordieuse volonté de salut, qui veut embrasser tout le monde. Aide-nous, Père, en envoyant sur nous, comme à la Pentecôte, l’Esprit Saint, auteur du courage et de la joie, pour qu’il nous pousse à annoncer le joyeuse nouvelle de l’Evangile au-delà des frontières de nos appartenances, des langues, des cultures et des nations.

Chaque jour nous avons besoin de Lui, notre pain quotidien. Il est le pain de la vie (cf. Jn 6, 35.48), qui nous fait nous sentir enfants aimés, et qui nourrit toute solitude et toute situation d’orphelin. Il est le pain du service: il est rompu pour se faire notre serviteur, il nous demande de nous servir mutuellement (cf. Jn 13, 14). Père, alors que tu nous donnes le pain quotidien, nourris en nous la nostalgie du frère, le besoin de le servir. En demandant le pain quotidien, nous te demandons aussi le pain de la mémoire, la grâce d’affermir les racines communes de notre identité chrétienne, racines indispensables en un temps où l’humanité, et les jeunes générations en particulier, risquent de se sentir déracinées au milieu de tant de situations liquides, dans l’incapacité de fonder leur existence. Que le pain que nous demandons, avec sa longue histoire qui va de la semence à l’épi, de la récolte à la table, inspire en nous le désir d’être de patients cultivateurs de communion qui ne se fatiguent pas de faire germer des semences d’unité, de faire lever le bien, d’œuvrer toujours à côté du frère: sans suspicion et sans distance, sans contrainte et sans homologations, dans la convivialité des diversités réconciliées.

Le pain que nous demandons aujourd’hui est aussi le pain dont chaque jour beaucoup sont privés, alors que quelques-uns ont du superflu. Le Notre Père n’est pas une prière qui tranquillise, c’est un cri face aux pénuries d’amour de notre époque, face à l’individualisme et à l’indifférence qui profanent ton nom, Père. Aide-nous à avoir faim de nous donner. Rappelle-nous, chaque fois que nous prions, que pour vivre nous n’avons pas besoin de nous conserver, mais de nous rompre; de partager, non pas d’accumuler; de nourrir les autres plus que de nous remplir nous-mêmes, car le bien être est tel seulement s’il appartient à tous.

Chaque fois que nous prions, nous demandons que nos dettes soient remises. Il nous faut du courage, parce qu’en même temps nous nous engageons à remettre les dettes que les autres ont envers nous. Par conséquent, nous devons trouver la force de pardonner de tout cœur au frère (cf. Mt 18, 35) comme toi, Père, tu pardonnes nos péchés: de laisser derrière nous le passé et d’embrasser ensemble le présent. Aide-nous, Père, à ne pas céder à la peur, à ne pas voir dans l’ouverture un danger; à avoir la force de nous pardonner et de marcher, le courage de ne pas nous contenter d’une vie tranquille et de rechercher toujours, avec transparence et sincérité, le visage du frère.

Et quand le mal, tapi à la porte du cœur, (cf. Gn 4, 7), nous incitera à nous enfermer en nous-mêmes; quand la tentation de nous isoler se fera plus forte, en cachant la réalité du péché, qui est éloignement de Toi et de notre prochain, aide-nous encore, Père. Encourage-nous à trouver dans le frère ce soutien que tu as mis à nos côtés pour marcher vers Toi, et ensemble avoir le courage de dire: “Notre Père”. Amen.

Et maintenant récitons la prière que le Seigneur nous a enseignée.

Pape François en Roumanie: discours au corps diplomatique

Photo: Le pape François parle lors d’une réunion avec des dirigeants civils et politiques et des membres du corps diplomatique au Palais Cotroceni à Bucarest, en Roumanie, le 31 mai 2019. (Photo CNS / Paul Haring)

Ce matin, le pape François a commencé son voyage apostolique en Roumanie. Après son arrivée à Bucarest, la capitale de la Roumanie, il a rencontré les dirigeants du pays. Voici le discours qu’il a prononcé devant les autorités civils et les membres du corps diplomatique:

Monsieur le Président,
Madame le Premier Ministre,
Béatitude,
Illustres Membres du Corps Diplomatiques,
Distinguées Autorités,
Distingués Représentants des diverses confessions religieuses et de la société civile,
Chers frères et sœurs,

J’adresse ma cordiale salutation et ma gratitude à Monsieur le Président et à Madame le Premier Ministre pour l’invitation à visiter la Roumanie et pour les aimables paroles de bienvenue à mon égard, également au nom des autres Autorités de la Nation et de votre peuple bien-aimé. Je salue les membres du Corps Diplomatique et les représentants de la société civile ici réunis.

Je salue avec un amour fraternel mon frère Daniel. Je présente avec déférence mon salut à tous les Métropolites et aux Évêques du Saint Synode, ainsi qu’à tous les fidèles de l’Église orthodoxe Roumaine. Je salue avec affection les Évêques, les prêtres, les religieux, les religieuses et tous les membres de l’Église catholique, que je viens confirmer dans la foi et encourager dans leur cheminement de vie et de témoignage chrétiens.

Je suis heureux de me trouver sur votre belle terre, à vingt ans de la visite de saint Jean-Paul II et alors que la Roumanie – pour la première fois depuis qu’elle est entrée dans l’Union Européenne – préside ce semestre le Conseil Européen.

C’est un moment propice pour jeter un regard d’ensemble sur les trente ans déjà passés depuis que la Roumanie s’est libérée d’un régime qui opprimait la liberté civile et religieuse et l’isolait des autres pays européens, et qui en outre avait conduit à la stagnation de son économie et à l’épuisement de ses forces créatrices. Durant ce temps, la Roumanie s’est engagée dans la construction d’un projet démocratique à travers le pluralisme des forces politiques et sociales et leur dialogue réciproque, pour la reconnaissance fondamentale de la liberté religieuse et pour la pleine insertion du pays dans un espace international plus vaste. Il est important de reconnaître qu’on a beaucoup progressé sur ce chemin même au milieu de grandes difficultés et privations. La volonté de progresser dans les divers domaines de la vie civile, sociale et scientifique, a mis en marche de nombreuses énergies et projets, a libéré beaucoup de forces créatrices tenues autrefois captives et a donné un nouvel élan aux multiples initiatives commencées, introduisant le pays dans le 21ème siècle. Je vous encourage à continuer de travailler pour consolider les structures et les institutions nécessaires non seulement pour donner une réponse aux justes aspirations des citoyens, mais aussi pour stimuler et permettre à votre peuple d’exprimer tout le potentiel et le génie dont nous le savons capable.

Il faut en même temps reconnaître que les transformations rendues nécessaires par l’ouverture d’une nouvelle ère ont comporté – avec les acquis positifs – l’émergence d’inévitables obstacles à surmonter et de conséquences pas toujours faciles à gérer pour la stabilité sociale et même pour l’administration du territoire. Je pense, en premier lieu, au phénomène de l’émigration qui a touché plusieurs millions de personnes qui ont quitté leur maison et leur patrie à la recherche de nouvelles opportunités de travail et de vie digne. Je pense au dépeuplement de tant de villages, qui ont vu en peu d’années partir une partie considérable de leurs habitants, et aux conséquences que tout cela peut avoir sur la qualité de la vie en ces territoires et à la fragilisation de vos plus riches racines culturelles et spirituelles qui vous ont soutenus durant les plus difficiles moments. Je rends hommage aux sacrifices de nombreux fils et filles de la Roumanie qui, par leur culture, leur patrimoine de valeurs et leur travail, enrichissent les pays où ils ont émigré, et qui par le fruit de leur labeur aident leurs familles restées dans leur patrie. Penser aux frères et sœurs qui sont à l’extérieur est un acte de patriotisme, un acte de fraternité, c’est un acte de justice. Continuez à le faire!

Pour affronter les problèmes de cette nouvelle étape historique, pour identifier des solutions efficaces et trouver la force de les appliquer, il faut promouvoir la collaboration positive des forces politiques, économiques, sociales et spirituelles; il est nécessaire de marcher ensemble, de marcher ensemble, et de s’engager tous avec conviction à ne pas renoncer à la vocation la plus noble à laquelle un État doit aspirer: assurer le bien commun de son peuple. Marcher ensemble, comme façon de construire l’histoire, demande la noblesse de renoncer à quelque chose de sa propre vision ou d’un intérêt propre spécifique en faveur d’un projet plus grand, de façon à créer une harmonie qui permette d’avancer en toute sécurité vers des objectifs communs. Voilà la noblesse de base!

De cette manière, on peut construire une société inclusive, dans laquelle chacun, mettant à disposition ses propres talents et compétence, avec une éducation de qualité et un travail créatif, participatif et solidaire (cf. Evangelii gaudium, n. 192), devient protagoniste du bien commun; une société où les plus faibles, les plus pauvres et les derniers ne sont pas vus comme des indésirables, comme des entraves qui empêchent la ‘‘machine’’ de fonctionner, mais comme des citoyens, comme des frères à intégrer de plein droit dans la vie civile; bien au contraire, il sont vus comme le meilleur test de la bonté réelle du modèle de société qu’on est en train de construire. En effet, plus une société se soucie du sort des plus désavantagés, plus elle peut se dire vraiment civilisée.

Il faut que tout cela ait une âme et un cœur ainsi qu’une direction de marche claire, non pas imposée par des considérations extrinsèques ou par le pouvoir envahissant des centres de la haute finance, mais par la conscience de la centralité de la personne humaine et de ses droits inaliénables (cf. ibid., n. 203). Pour un harmonieux développement durable, pour l’activation concrète de la solidarité et de la charité, pour la sensibilisation des forces sociales, civiles et politiques envers le bien commun, il ne suffit pas de mettre à jour les théories économiques, ni ne suffisent les techniques et les aptitudes professionnelles, certes nécessaires. Il s’agit, en effet, de développer l’âme de votre peuple ainsi que l’ensemble des conditions matérielles. Parce que les peuples sont dotés d’une âme, ils ont une façon de saisir la réalité, de vivre la réalité. Retourner toujours à l’âme de son propre peuple, cela fait progresser le peuple.

En ce sens, les Églises chrétiennes peuvent aider à retrouver et à alimenter le cœur palpitant d’où faire jaillir une action politique et sociale qui parte de la dignité de la personne et conduise à s’engager loyalement et généreusement pour le bien commun de la collectivité. En même temps, elles s’efforcent de devenir un reflet crédible et un témoignage attrayant de l’action de Dieu, et ainsi se promeuvent entre elles une amitié et une collaboration authentiques. L’Église catholique veut se situer à ce niveau, elle veut apporter sa contribution à l’édification de la société, désireuse d’être un signe d’harmonie, d’espérance ainsi que d’unité et se mettre au service de la dignité humaine et du bien commun. Elle entend collaborer avec les Autorités, avec les autres Églises et avec tous les hommes et femmes de bonne volonté afin de marcher ensemble et de mettre ses talents au service de la communauté tout entière. L’Église catholique n’est pas étrangère, mais elle partage pleinement l’esprit national, comme le montre la participation de ses fidèles au façonnement du destin de la nation, à la création et au développement de structures d’éducation intégrale et de formes d’assistance propres à un État moderne. C’est pour cela qu’elle souhaite offrir sa contribution à l’édification de la société et de la vie civile et spirituelle sur votre belle terre de Roumanie.

Monsieur le Président, en souhaitant à la Roumanie prospérité et paix, j’invoque sur vous, sur votre famille, sur toutes les personnes présentes, ainsi que sur la population tout entière du pays l’abondance des bénédictions divines et la protection de la Sainte Mère de Dieu.

Que Dieu bénisse la Roumanie!

Discours du pape François lors de la rencontre oecuménique et interreligieuse avec les jeunes à Skopje

Le pape François salue des jeunes Nord-Macédoniens à son arrivée au Centre pastoral, le 7 mai 2019. (Vatican Media)

Chers amis, 

C’est toujours un motif de joie et d’espérance de pouvoir avoir ces rencontres. Je vous remercie de l’avoir rendu possible et de m’avoir offert cette opportunité. Je vous remercie de tout cœur pour votre danse et vos questions. Je les avais reçues et je les connaissais, et j’ai préparé quelques points pour cette rencontre. 

Je commence par la dernière (comme disait le Seigneur, les derniers seront les premiers). Liridona, après avoir partagé avec nous tes aspirations, tu me demandais : « Est-ce que je rêve trop ? ». Une demande très belle à laquelle il nous plairait de pouvoir répondre ensemble. Pour vous, Liridona rêve-t-elle trop ? 

Je voudrais vous dire : rêver n’est jamais de trop. Un des principaux problèmes d’aujourd’hui et de tant de jeunes, est qu’ils ont perdu la capacité de rêver. Ni trop ni peu, ils ne rêvent pas. Et quand une personne ne rêve pas, quand un jeune ne rêve pas, cet espace est occupé de plainte et de résignation. « Celles-là, nous les laissons à ceux qui suivent la “déesse lamentation” […] Elle est une tromperie ; elle te fait prendre la mauvaise route. Quand tout semble immobile et stagnant, quand les problèmes personnels nous inquiètent, quand les malaises sociaux ne trouvent pas les réponses qu’ils méritent, ce n’est pas bon de partir battus » (Exhort. Ap. Postsyn. Christus vivit, n.141). Pour cela, chère Liridona, chers amis, jamais et encore jamais on ne rêve trop. Cherchez à penser à vos rêves les plus grands, à ceux comme celui de Liridona – vous rappelez- vous ? – : donner espérance à un monde fatigué, ensemble avec les autres, chrétiens et musulmans. Sans doute, c’est un très beau rêve. Elle n’a pas pensé à des petites choses, “au ras du sol”, mais elle a rêvé en grand. 

Il y a quelques mois, avec un ami, le Grand Imam d’Al-Azhar Ahmad Al-Tayyeb, nous aussi, nous avions un rêve très semblable au tien qui nous a conduits à vouloir nous engager et à signer ensemble un document qui dit que la foi doit nous conduire, nous les croyants, à voir dans les autres des frères que nous devons soutenir et aimer sans nous laisser manipuler par des intérêts mesquins1. Il n’y a pas d’âge pour rêver…Rêvez, et rêvez en grand ! 

Et ceci me fait penser à ce que nous disait Bozanka : que vous les jeunes, vous aimez les aventures. Et je suis content que cela soit ainsi, parce que c’est la belle manière d’être jeunes : vivre une aventure, une bonne aventure. Le jeune n’a pas peur de faire de sa vie une bonne aventure. Et je vous demande : quelle aventure demande plus de courage que ce rêve que Liridona nous a partagé : donner espérance à un monde fatigué ? Le monde est fatigué, le monde est divisé et il semble avantageux de le diviser et de nous diviser encore plus. Comme résonnent fortement les paroles du Seigneur : « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 9) ! Quelle adrénaline plus grande que de s’engager tous les jours, avec dévouement, à être artisans de rêves, artisans d’espérance ? Les rêves nous aident à maintenir vivante la certitude de savoir qu’un autre monde est possible et que nous sommes appelés à nous impliquer en lui et à en faire partie avec notre travail, avec notre engagement et notre action. 

Dans ce pays, il y a une belle tradition, celle des artisans tailleurs de pierre, habiles à tailler la pierre et à la travailler. Ainsi, il faut faire comme ces artistes et devenir des bons tailleurs de pierre de ses rêves. Un tailleur de pierre prend la pierre dans ses mains et lentement commence à lui donner forme et à la transformer, avec application et effort, et spécialement avec un grand désir de voir comment cette pierre, pour laquelle personne n’aurait rien donné, devient une œuvre d’art. 

« Les rêves les plus beaux se conquièrent avec espérance, patience et effort, en renonçant à l’empressement. En même temps il ne faut pas s’arrêter par manque d’assurance, il ne faut pas avoir peur de parier et de faire des erreurs. Il faut avoir peur de vivre paralysés, comme morts dans la vie, transformés en des personnes qui ne vivent pas, parce qu’elles ne veulent pas risquer, parce qu’elles ne persévèrent pas dans leurs engagements et parce qu’elles ont peur de se tromper. Même si tu te trompes, tu pourras toujours lever la tête et recommencer, parce que personne n’a le droit de te voler l’espérance » (Exhort. Ap. Postsyn. Christus vivit, n. 142). N’ayez pas peur de devenir artisans de rêves et d’espérance. 

« En tant que membres de l’Eglise, il est certain que nous ne devons pas être des personnes étranges. Tous doivent sentir que nous sommes frères et proches, comme les Apôtres qui « avaient la faveur de tout le peuple » (Ac 2,47; cf. 4, 21.33; 5,13). Mais, en même temps, nous devons oser être différents, afficher d’autres rêves que ce monde n’offre pas, témoigner de la beauté de la générosité, du service, de la pureté, du courage, du pardon, de la fidélité à sa vocation, de la prière, de la lutte pour la justice et le bien commun, de l’amour des pauvres, de l’amitié sociale » (ibid., n. 36). 

Pensez à Mère Teresa : quand elle vivait ici, elle ne pouvait pas imaginer comment aurait été sa vie, mais elle ne se cessa pas de rêver et de se remuer pour chercher toujours à découvrir le visage de son grand amour, Jésus, dans tous ceux qui demeuraient au bord de la route. Elle a rêvé en grand et pour cela, elle a aimé en grand. Elle avait les pieds bien plantés ici, dans sa terre, mais elle ne restait pas inactive avec ses mains. Elle voulait être “un crayon dans les mains de Dieu”. Voici son rêve artisanal. Elle l’a offert à Dieu, elle y a cru, elle en a souffert, mais elle n’y a jamais renoncé. Et Dieu a commencé à écrire avec ce crayon des pages inédites et superbes. 

Chacun de vous, comme Mère Teresa, est appelé à travailler avec ses propres mains, à prendre la vie au sérieux, pour faire d’elle quelque chose de beau. Ne permettons pas qu’on nous vole les rêves (cf. ibid., n. 17), ne nous privons pas de la nouveauté que le Seigneur veut nous offrir. Vous rencontrerez beaucoup d’imprévus, beaucoup…, mais c’est important que vous puissiez les affronter et chercher avec créativité comment les transformer en opportunité. Jamais seuls ; personne ne peut combattre seul. Comme nous ont témoigné Dragan et Marija : “notre communion nous donne la force pour affronter les défis de la société d’aujourd’hui”. 

Voici un très beau secret pour rêver et faire de notre vie une belle aventure. Personne ne peut affronter la vie de manière isolée, on ne peut pas vivre la foi, les rêves sans communauté, seul dans son cœur ou à la maison, fermés et isolés entre quatre murs, nous avons besoin d’une communauté qui nous soutient, qui nous aide et dans laquelle nous nous aidons mutuellement à regarder de l’avant. 

Comme c’est important de rêver ensemble ! Comme vous faites aujourd’hui : ici, tous unis, sans barrière. S’il vous plaît, rêvez ensemble, pas seuls ; avec les autres, jamais contre les autres. Seuls, on risque d’avoir des mirages par lesquels tu vois ce qu’il n’y a pas ; les rêves se construisent ensemble. Dragan et Marija nous ont dit combien c’est difficile quand tout semble nous isoler et nous priver de l’opportunité de nous rencontrer. A mon âge (et ce n’est pas peu), savez-vous quelle est la meilleure leçon que j’ai reçue et expérimentée dans toute ma vie ? Le “face à face”. Nous sommes entrés dans l’ère des connexions, mais nous savons peu des communications. Beaucoup sont connectés et peu sont impliqués les uns avec les autres. Parce que s’impliquer demande la vie, exige d’y être et de partager des beaux moments…et d’autres moins beaux. Au Synode consacré aux jeunes l’année dernière, nous avons pu vivre l’expérience de nous rencontrer face à face, jeunes et moins jeunes, et de nous écouter, de rêver ensemble, de regarder en avant avec espérance et gratitude. Cela a été le meilleur antidote contre le découragement et la manipulation, contre la culture de l’éphémère et des faux prophètes qui annoncent seulement malheurs et destructions : écouter et s’écouter. Et permettez-moi de vous dire quelque chose que je ressens dans mon cœur : donnez-vous l’opportunité de partager et de vous réjouir d’un bon “face à face” avec tous, mais surtout avec vos grands-parents, avec les anciens de votre communauté. Quelqu’un m’a peut-être déjà entendu le dire, mais je pense que c’est un antidote contre tous ceux qui veulent vous enfermer dans le présent en vous noyant et en vous étouffant par des pressions et des exigences d’un présumé bonheur, où il semble que le monde est en train de finir et il faut tout faire et vivre et tout de suite. Cela engendre avec le temps beaucoup d’anxiété, d’insatisfaction et de résignation. Pour un cœur malade de résignation, il n’y a pas de remède meilleur que d’écouter les expériences des anciens. 

Chers amis, prenez le temps avec vos personnes âgées, avec vos anciens, écoutez leurs longs récits, qui parfois semblent pleins de fantaisies, mais, en réalité, sont remplis d’une expérience précieuse, de symboles éloquents et de sagesse cachée à découvrir et à valoriser. Ce sont des récits qui demandent du temps (cf. Exhort. Ap. Christus vivit, n. 195). N’oublions pas le dicton qu’un nain peut voir plus loin en étant sur les épaules d’un géant. De cette manière vous acquerrez une vision jusque-là jamais atteinte. Entrez dans la sagesse de votre peuple, de vos gens, sans honte ni complexe, et vous trouverez une source de créativité insoupçonnée qui remplira tout, vous permettra de voir des routes là où les autres voient des murs, des possibilités là où d’autres voient du danger, la résurrection là où beaucoup annoncent seulement la mort. 

Merci, chers jeunes, pour cette rencontre. Dans vos témoignages et vos questions, je trouve des inquiétudes, des rêves, une recherche, tout un terrain fécond pour faire de grandes choses dans votre vie. Cela me donne tant d’espérance de voir des jeunes qui démentent les étiquettes pré- confectionnées et qui ne supportent plus les divisions du passé et du présent, et qui vont au-delà ; qui n’acceptent pas la logique du déchet et qui osent prendre des risques ; des jeunes qui consacrent du temps à servir les pauvres, à défendre la vie humaine, à promouvoir la famille ; des jeunes qui ne se résignent pas à la corruption et luttent pour la légalité ; des jeunes qui voient la maison commune malade et qui s’engagent à la rendre plus propre. Ainsi, chers amis, vous êtes des artisans d’espérance. 

Et quand les rêves diminuent et que le cœur semble s’éteindre, cherchez une communauté, prenez-vous par la main et rappelez-vous qu’il y a Quelqu’un qui vous veut vivants (cf. ibid., n. 1). 

Que le Miséricordieux et le Clément – comme l’invoquent si souvent nos frères et sœurs musulmans – vous renforce et fasse que, ce dont vous rêvez dans votre cœur, vous puissiez le transformer jour après jour avec vos mains. 

Avant de conclure, prions ensemble cette prière de Mère Teresa, afin que cette certitude s’imprime dans tous nos cœurs et puisse toujours devenir vie. 

Seigneur, veux-tu mes mains ? (Prière de Mère Teresa)

Seigneur, veux-tu mes mains pour passer cette journée à aider les pauvres et les malades qui en ont besoin ? 

Seigneur, aujourd’hui je te donne mes mains. 

Seigneur, veux-tu mes pieds pour passer cette journée à visiter ceux qui ont besoin d’un ami ? 

Seigneur, aujourd’hui, je te donne mes pieds. 

Seigneur, veux-tu ma voix pour passer cette journée à parler à ceux qui ont besoin de paroles d’amour ? 

Seigneur, aujourd’hui je te donne ma voix. 

Seigneur, veux-tu mon cœur pour passer cette journée à aimer chaque homme seul, rien que parce qu’il est un homme ? 

Seigneur, aujourd’hui je te donne mon cœur. 

Homélie du pape François lors de la Messe à Skopje, Macédoine

Traduit de l’anglais: Une sculpture d’un lion est visible sur la Place de Macédoine alors que le pape François célèbre la messe à Skopje, Macédoine du Nord, 7 mai 2019. (Photo CNS/Paul Haring)

Après avoir visité le Mémorial dédié à Mère Teresa, le pape François a célébré la Messe sur la Place de la Macédoine, à Skopje. Veuillez trouver, ci-dessous, le texte complet de son homélie :

« Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jn 6, 35), vient de nous dire le Seigneur. 

Dans l’Evangile, autour de Jésus, se concentre une foule qui avait encore devant les yeux la multiplication des pains. Un de ces moments qui sont restés imprimés dans les yeux et dans le cœur de la première communauté des disciples. Cela avait été une fête… La fête de découvrir la surabondance et la sollicitude de Dieu envers ses enfants, rendus frères par la fraction et le partage du pain. Imaginons un moment cette foule. Quelque chose avait changé. Pendant quelques instants, ces personnes assoiffées et silencieuses qui suivaient Jésus, à la recherche d’une parole, ont pu toucher de leurs mains et sentir dans leurs corps le miracle de la fraternité, capable de rassasier et de faire surabonder. 

Le Seigneur est venu pour donner la vie au monde et il le fait toujours d’une manière qui réussit à défier l’étroitesse de nos calculs, la médiocrité de nos attentes et la superficialité de nos intellectualismes ; il remet en cause nos vues et nos certitudes en nous invitant à passer à un horizon nouveau, qui donne de la place à une manière différente de construire la réalité. Il est le Pain vivant descendu du ciel ; « celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif ». 

Tous ces gens ont découvert que la faim de pain portait aussi d’autres noms : faim de Dieu, faim de fraternité, faim de rencontre et de fête partagée. 

Nous nous sommes habitués à manger le pain dur de la désinformation, et nous avons fini prisonniers du discrédit, des étiquettes et de la honte ; nous avons cru que le conformisme aurait rassasié notre soif, et nous avons fini par nous abreuver d’indifférence et d’insensibilité. 

Nous nous sommes nourris de rêves de splendeur et de grandeur, et nous avons fini par manger distraction, fermeture et solitude. Nous nous sommes gavés de connexions, et nous avons perdu le goût de la fraternité. Nous avons cherché le résultat rapide et sûr, et nous nous retrouvons opprimés par l’impatience et l’anxiété. Prisonniers de la virtualité, nous avons perdu le goût et la saveur du réel. Disons-le avec force et sans peur : nous avons faim, Seigneur… 

Nous avons faim, Seigneur, du pain de ta Parole capable d’ouvrir nos fermetures et nos solitudes ; nous avons faim, Seigneur, de fraternité où l’indifférence, le discrédit, la honte ne remplissent pas nos tables et n’ont pas la première place chez nous. Nous avons faim, Seigneur, de rencontres où ta Parole soit en mesure de faire grandir l’espérance, de réveiller la tendresse, de sensibiliser le cœur en ouvrant des voies de transformation et de conversion. Nous avons faim, Seigneur, de faire l’expérience, comme cette foule, de la multiplication de ta miséricorde, capable de rompre les stéréotypes, de répartir et de partager la compassion du Père pour toute personne, spécialement pour celles dont personne ne prend soin, celles qui sont oubliées ou méprisées. Disons-le avec force et sans peur, nous avons faim de pain, Seigneur, du pain de ta parole et du pain de la fraternité. 

Dans quelques instants, nous nous mettrons en route, nous irons à la table de l’autel pour nous nourrir du Pain de Vie en suivant le commandement du Seigneur : « Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jn 6, 35). C’est la seule chose que le Seigneur nous demande : venez. Il nous invite à nous mettre en chemin, en mouvement, en sortie. Il nous exhorte à marcher vers lui pour nous rendre participants de sa vie même, et de sa mission. « Venez », nous dit le Seigneur : une venue qui ne signifie pas seulement se déplacer d’un endroit à un autre, mais qui signifie la capacité de se laisser émouvoir, transformer par sa Parole dans nos choix, dans nos sentiments, dans les priorités pour nous aventurer à faire ses mêmes gestes et parler de son même langage, « le langage du pain qui dit la tendresse, la compagnie, le dévouement généreux aux autres »[1], un amour concret et palpable parce que quotidien et réel. 

Dans chaque Eucharistie, le Seigneur se rompt et se distribue, et il nous invite nous aussi à nous rompre et à nous distribuer avec lui, et à participer à ce miracle de multiplication qui veut rejoindre et toucher tous les coins de cette ville, de ce pays, de cette terre, avec un peu de tendresse et de compassion. 

Faim de pain, faim de fraternité, faim de Dieu. Mère Teresa connaissait bien tout cela, elle qui a voulu fonder sa vie sur deux piliers : Jésus incarné dans l’Eucharistie et Jésus incarné dans les pauvres ! Amour que nous recevons, amour que nous donnons. Deux piliers inséparables qui ont marqué son chemin, qui l’ont mise en mouvement, désireuse elle aussi d’apaiser sa faim et sa soif. Elle est allée vers le Seigneur, et, dans le même acte, elle est allée vers le frère méprisé, mal aimé, seul et oublié ; elle est allée vers le frère et elle a trouvé le visage du Seigneur… Car elle savait que « l’amour de Dieu et l’amour du prochain se fondent l’un dans l’autre : dans le plus petit, nous rencontrons Jésus lui-même et en Jésus nous rencontrons Dieu »[2], et cet amour était la seule chose capable de rassasier sa faim. 

Frères et sœurs, aujourd’hui le Seigneur ressuscité continue de marcher au milieu de nous, là où passe et se joue la vie quotidienne. Il connaît notre faim et il nous dit encore : « Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jn 6, 35). Encourageons-nous mutuellement à nous mettre debout et à faire l’expérience de l’abondance de son amour ; laissons-le rassasier notre faim et notre soif dans le sacrement de l’autel et dans le sacrement du frère. 

Discours du pape François devant la communauté catholique en Bulgarie

Le pape François arrive pour une réunion avec la communauté catholique de Rakovski, en Bulgarie, 9 mai 2019. (Vatican Media)

Ci-dessous, retrouvez le texte complet du discours du pape François devant la communauté catholique à Rakovski, en Bulgarie, dans l’église Saint-Michel-Archange.

Chers frères et sœurs,

Bon après-midi ! Je vous remercie pour l’accueil chaleureux, pour les danses et les témoignages. C’est toujours un motif de joie de pouvoir rencontrer le saint Peuple de Dieu avec ses mille visages et charismes. 

Mgr Iovcev m’a demandé de vous aider à “voir avec les yeux de la foi et de l’amour”. Avant tout, je voudrais vous remercier parce que vous m’avez aidé à mieux voir et à comprendre un peu plus le motif pour lequel cette terre a été tant aimée et aussi importante pour saint Jean XXIII, où le Seigneur était en train de préparer ce qui serait un pas important dans notre cheminement ecclésial. Parmi vous a germé une amitié forte envers les frères orthodoxes qui le poussa sur une route capable d’engendrer la fraternité tant attendue et fragile entre les personnes et les communautés. 

Voir avec les yeux de la foi. Je désire rappeler les paroles du “bon Pape” qui a su accorder son cœur au Seigneur, de manière à pouvoir dire qu’il n’était pas d’accord avec ceux qui, autour de lui, voyaient seulement le mal et à les nommer prophètes de malheur. D’après lui, il fallait avoir confiance dans la Providence qui nous accompagne continuellement et qui, au milieu des adversités, est capable de réaliser des projets supérieurs et inattendus (Discours d’ouverture du Concile Vatican II, 11 octobre 1962). 

Les hommes de Dieu sont ceux qui ont appris à voir, à avoir confiance, à découvrir et à se laisser guider par la force de la résurrection. Ils reconnaissent évidemment qu’il existe des situations ou des moments douloureux et particulièrement injustes, mais ils ne restent pas les bras croisés, effrayés ou, pire encore, en alimentant un climat d’incrédulité, de malaise ou de nuisance, parce que cela ne fait que blesser l’âme, en affaiblissant l’espérance et en empêchant toutes les solutions possibles. Les hommes et les femmes de Dieu sont ceux qui ont le courage de faire le premier pas et qui cherchent avec créativité à être aux avant-postes en témoignant que l’Amour n’est pas mort, mais a vaincu tout obstacle. Ils se risquent parce qu’ils ont appris que Dieu Lui-même, en Jésus, s’est risqué. Il a mis en jeu sa propre chair, afin que personne ne puisse se sentir seul ou abandonné. 

En ce sens, je voudrais partager avec vous une expérience faite il y a quelques heures. Ce matin, j’ai eu la joie de rencontrer, dans le camp de réfugiés de Vrazhedebna, des réfugiés provenant de divers pays du monde pour trouver un cadre de vie meilleur que celui qu’ils ont abandonné, et aussi des volontaires de la Caritas. Là-bas, ils m’ont dit que le cœur du Centre naît de la conscience que toute personne est enfant de Dieu, indépendamment de l’ethnie ou de la confession religieuse. Pour aimer quelqu’un, il n’y a pas besoin de lui demander son curriculum vitae ; l’amour précède, il anticipe. Parce qu’il est gratuit. Dans ce centre de la Caritas, il y a beaucoup de chrétiens qui ont appris à voir avec les yeux mêmes du Seigneur qui ne s’arrête pas sur les qualificatifs, mais qui cherche et attend chacun, avec des yeux de Père. Voir avec les yeux de la foi est une invitation à ne pas passer sa vie en collant des étiquettes, en cataloguant celui qui est digne d’amour et celui qui ne l’est pas, mais à chercher à créer des conditions pour que chaque personne puisse se sentir aimée, surtout celles qui se sentent oubliées par Dieu, parce qu’elles sont oubliées par leurs frères. Celui qui aime ne perd pas de temps à s’apitoyer sur lui-même, mais il voit toujours quelque chose de concret à pouvoir faire. Dans ce Centre, vous avez appris à voir les problèmes, à les reconnaître, à les affronter ; vous vous laissez interpeler et vous cherchez à discerner avec les yeux du Seigneur. Comme a dit le Pape Jean : « Je n’ai jamais connu un pessimiste qui ait réalisé quelque chose de bien ». Le Seigneur est le premier à ne pas être pessimiste et, continuellement, il cherche à ouvrir pour nous tous des chemins de Résurrection. Que c’est beau quand nos communautés sont des chantiers d’espérance ! 

Mais pour acquérir le regard de Dieu, nous avons besoin des autres, nous avons besoin qu’ils nous apprennent à regarder et à entendre comment Jésus regarde et entend ; que notre cœur puisse palpiter de ses propres sentiments. Pour cela, j’ai apprécié quand Mitko et Miroslava, avec leur petit ange Bilyana, nous ont dit que la paroisse a toujours été pour eux leur seconde maison, le lieu où ils trouvent toujours, dans la prière communautaire et dans le soutien des personnes chères, la force pour aller de l’avant. 

Ainsi, la paroisse se transforme en un foyer au milieu de tous les foyers et est capable de rendre présent le Seigneur là justement où chaque famille, chaque personne cherche quotidiennement à gagner sa vie. Là, au croisement des routes, il y a le Seigneur qui n’a pas voulu nous sauver par un décret, mais qui est entré et veut entrer au plus intime de nos familles et nous dire comme à ses disciples : “ La paix soit avec vous !”. 

Je suis content de savoir que vous trouvez bonne cette “maxime” qu’il me plaît de partager avec les époux : “Ne jamais aller se coucher en colère, pas même une nuit” (et, à ce que je vois, avec vous ça marche). Une maxime qui peut aussi servir pour nous tous chrétiens. C’est vrai que, comme vous l’avez aussi raconté, on passe à travers diverses épreuves ; pour cela, il est nécessaire d’être attentifs parce que la colère, la rancœur ou l’amertume ne doivent jamais prendre possession du cœur. Et en cela, nous devons nous aider, prendre soin les uns des autres afin que la flamme que l’Esprit a allumée dans notre cœur ne s’éteigne pas. 

Vous reconnaissez, et vous en êtes reconnaissants, que vos prêtres et vos sœurs prennent soin de vous. Mais quand je vous écoutais, j’ai été touché par ce prêtre qui partageait non pas combien il avait été bon durant ces années de ministère, mais qui a plutôt parlé des personnes que Dieu a mises à ses côtés pour l’aider à devenir un bon ministre de Dieu. 

Le Peuple de Dieu remercie son pasteur et le pasteur reconnaît qu’il apprend à être croyant avec l’aide de son peuple, de sa famille et au milieu d’eux. Une communauté vivante qui soutient, accompagne, intègre et enrichit. Jamais séparés, mais unis, chacun apprend à être signe et bénédiction de Dieu pour les autres. Le prêtre, sans son peuple, perd son identité et le peuple, sans ses pasteurs, peut se diviser. L’unité du pasteur qui soutient et lutte pour son peuple et le peuple qui soutient et lutte pour son pasteur. Chacun consacre sa vie aux autres. Personne ne peut vivre seulement pour soi, nous vivons pour les autres. C’est le peuple sacerdotal qui, avec le prêtre, est en mesure de dire : « Ceci est mon corps livré pour vous ». Ainsi, nous apprenons à être une Église- famille-communauté qui accueille, écoute, accompagne, se préoccupe des autres en révélant son vrai visage qui est un visage de mère. Église-mère qui vit et fait siens les problèmes de ses enfants, non pas en offrant des réponses toutes faites, mais en cherchant ensemble des chemins de vie, de réconciliation ; en cherchant à rendre présent le Règne de Dieu. Église-famille-communauté qui prend en main les nœuds de la vie qui, très souvent, sont de grosses pelotes, et avant de les dénouer, les fait siens, les reçoit dans ses mains et les aime. 

Une famille parmi les familles, ouverte pour témoigner, comme nous disait la sœur, au monde d’aujourd’hui de la foi, de l’espérance et de l’amour envers le Seigneur et envers ceux qu’Il aime avec prédilection. Une maison avec les portes ouvertes. 

En ce sens, j’ai un “petit travail” pour vous. Vous êtes des enfants dans la foi des grands témoins qui furent capables de témoigner, par leur vie, de l’amour du Seigneur sur cette terre. Les frères Cyrille et Méthode, hommes saints et avec de grands rêves, se convainquirent que la manière la plus authentique pour parler avec Dieu était de le faire dans sa propre langue. Ceci leur donna l’audace de se décider à traduire la Bible pour que personne ne restât privé de la Parole qui donne la vie. 

Être une maison aux portes ouvertes, sur les pas de Cyrille et Méthode, requiert aujourd’hui aussi de savoir être audacieux et créatifs pour se demander comment il est possible de traduire de manière concrète et compréhensible aux jeunes générations l’amour que Dieu a pour nous. Nous savons et nous expérimentons que « les jeunes, dans les structures habituelles, ne trouvent souvent pas de réponses à leurs préoccupations, à leurs besoins, à leurs problèmes et à leurs blessures » (Exhort. Ap. Christus vivit, n. 202). Et ceci nous demande un nouvel effort d’imagination dans nos actions pastorales pour chercher la manière d’atteindre leur cœur, de connaître leurs attentes et d’encourager leurs rêves, en tant que communauté-famille qui soutient, accompagne et invite à regarder l’avenir avec espérance. Une grande tentation que les nouvelles générations affrontent réside dans le manque de racines qui les soutiennent, et cela les conduit au déracinement et à une grande solitude. Nos jeunes, au moment où ils se sentent appelés à exprimer tout le potentiel dont ils disposent, restent maintes fois à mi-chemin à cause des frustrations ou des déceptions qu’ils expérimentent parce qu’ils n’ont pas de racines sur lesquelles prendre appui pour regarder de l’avant (cf. ibid., nn. 179-186). Et cela s’accroît quand ils se voient obligés d’abandonner leur terre, leur patrie, leur famille. 

N’ayons pas peur d’accepter de nouveaux défis, à condition que nous nous efforcions par tous les moyens de faire en sorte que notre peuple ne soit pas privé de la lumière et de la consolation qui naissent de l’amitié avec Jésus, d’une communauté de foi qui le soutient et d’un horizon toujours stimulant et rénovateur qui lui donne sens et vie (cf. Exhort. Ap. Evangelii Gaudium, n. 49). N’oublions pas que les pages les plus belles de la vie de l’Église ont été écrites quand le peuple de Dieu, avec créativité, se mettait en route pour chercher à traduire l’amour de Dieu en chaque moment de l’histoire, avec les défis qu’il rencontrait progressivement. C’est beau de savoir que vous pouvez compter sur une grande histoire vécue, mais c’est encore plus beau de prendre conscience qu’il vous a été donné d’écrire ce qui est à venir. Ne vous lassez pas d’être une Église qui continue d’engendrer, au milieu des contradictions, des douleurs et de la pauvreté, les enfants dont cette terre a besoin aujourd’hui au début du 21ème siècle, en ayant une oreille sur l’Évangile et l’autre sur le cœur de votre peuple. 

Je vous remercie pour cette belle rencontre et, en pensant au Pape Jean, je voudrais que la bénédiction que je vous donne maintenant soit une caresse du Seigneur sur chacun de vous. 

Homélie du pape François lors de la première communion de 245 enfants en Bulgarie

Le pape François donne la première communion aux enfants lors d’une messe à l’église du Sacré-Cœur à Rakovski, en Bulgarie, 6 mai 2019. (CNS photo/Paul Haring)

Ce matin, le Saint Père a présidé la première communion de 245 enfants dans l’église du Sacré-Coeur à Rakovski, en Bulgarie. Voici le texte complet de son homélie:

Chers frères et sœurs, 

Je suis heureux de saluer les garçons et les filles, de la Première Communion, ainsi que leurs parents, familles et amis. A vous tous j’adresse la belle salutation qui est utilisée aussi dans votre pays en ce temps pascal : « Le Christ est ressuscité ». Ce salut est l’expression de notre joie, à nous chrétiens, disciples de Jésus, parce que lui, qui a donné sa vie par amour sur la croix pour détruire le péché, est ressuscité et a fait de nous des enfants adoptifs de Dieu le Père. Nous sommes contents parce qu’il est vivant et présent parmi nous aujourd’hui et toujours. 

Vous, chers enfants, vous êtes venus ici de tous les coins de cette « Terre des roses » pour participer à une fête merveilleuse que, j’en suis sûr, vous n’oublierez jamais : votre première rencontre avec Jésus dans le sacrement de l’Eucharistie. L’un de vous pourrait me demander : mais comment pouvons-nous rencontrer Jésus qui a vécu il y a de nombreuses années et puis qui est mort et a été mis au tombeau ? C’est vrai : Jésus a fait un acte immense d’amour pour sauver l’humanité de tous les temps. Il est resté trois jours dans la tombe, mais nous savons – les Apôtres et beaucoup d’autres témoins qui l’ont vu vivant nous l’ont assuré – que Dieu, son Père et notre Père, l’a ressuscité. Et maintenant Jésus est vivant et il est ici avec nous, c’est pourquoi aujourd’hui nous pouvons le rencontrer dans l’Eucharistie. Nous ne le voyons pas avec nos yeux, mais nous le voyons avec les yeux de la foi. 

Je vous vois vêtus avec les tuniques blanches : c’est un signe important et beau. Parce que vous portez des habits de fête. La Première Communion est avant tout une fête, dans laquelle nous célébrons Jésus qui a voulu demeurer toujours à nos côtés et qui ne se séparera jamais de nous. Fête qui a été possible grâce à nos parents, à nos grands-parents, à nos familles et aux communautés qui nous ont aidé à grandir dans la foi. 

Pour venir ici, dans cette ville de Rakovski, vous avez parcouru une longue route. Vos prêtres et vos catéchistes, qui ont suivi votre parcours de catéchèse, vous ont accompagnés aussi sur la route qui vous conduit aujourd’hui à rencontrer Jésus et à le recevoir dans votre cœur. Lui, comme nous l’avons entendu dans l’Evangile d’aujourd’hui (cf. Jn 6, 1-15), un jour, a multiplié miraculeusement cinq pains et deux poissons, rassasiant la foule qui l’avait suivi et écouté. Vous êtes-vous rendus compte de la manière dont le miracle a commencé ? Des mains d’un enfant qui a apporté ce qu’il avait : cinq pains et deux poissons (cf. Jn 6,9). De la même manière que vous, aujourd’hui, vous contribuez à l’accomplissement du miracle pour que nous tous, les grands ici présents, nous nous rappelions la première rencontre que nous avons eue avec Jésus dans l’Eucharistie et que nous puissions rendre grâce pour ce jour. Aujourd’hui, vous nous permettez d’être de nouveau en fête et de célébrer Jésus qui est présent dans le Pain de la Vie. Parce qu’il y a des miracles qui peuvent se produire seulement si nous avons un cœur comme le vôtre, capable de partager, de rêver, de remercier, d’avoir confiance et d’honorer les autres. Faire la Première Communion signifie vouloir être chaque jour plus unis à Jésus, grandir dans l’amitié avec lui et désirer que les autres puissent aussi bénéficier de la joie qu’il veut nous donner. Le Seigneur a besoin de vous pour pouvoir accomplir le miracle de rejoindre avec sa joie beaucoup de vos amis et de membres de vos familles. 

Chers enfants, je suis heureux de partager avec vous ce grand moment et de vous aider à rencontrer Jésus. Vous vivez vraiment une journée dans un esprit d’amitié, de joie et de fraternité, et de communion entre vous et avec toute l’Église qui, spécialement dans l’Eucharistie, manifeste la communion fraternelle entre tous ses membres. Notre carte d’identité est celle-ci : Dieu est notre Père, Jésus est notre Frère, l’Eglise est notre famille, nous sommes frères, notre loi est l’amour. 

Je désire vous encourager à prier toujours avec cet enthousiasme et cette joie que vous avez aujourd’hui. Et rappelez-vous que c’est le sacrement de la Première Communion et non de la dernière, rappelez-vous que Jésus vous attend toujours. C’est pourquoi, je vous souhaite qu’aujourd’hui ce soit le commencement de nombreuses Communions, pour que votre cœur soit toujours comme aujourd’hui, en fête, plein de joie et surtout de reconnaissance. 

Homélie du pape François lors de la Messe à Sofia, Bulgarie

Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie du pape François lors de la Messe dominicale en la Place Knyaz Alexandar 1 de Sofia en Bulgarie:

Chers frères et sœurs, le Christ est ressuscité !

Comme elle est merveilleuse la salutation avec laquelle les chrétiens de votre pays s’échangent la joie du Ressuscité en ce temps pascal.

Tout l’épisode que nous avons écouté, raconté à la fin des Évangiles, nous permet de nous immerger dans cette joie que le Seigneur nous invite à “contagionner” en nous rappelant trois réalités merveilleuses qui marquent notre vie de disciples : Dieu appelle, Dieu surprend, Dieu aime.

Dieu appelle. Tout se passe sur la rive du lac de Galilée, là où Jésus avait appelé Pierre. Il l’avait appelé à abandonner le métier de pêcheur pour devenir pêcheur d’hommes (cf. Lc 5, 4-11). Maintenant, après tout ce cheminement, après l’expérience d’avoir vu mourir le Maître et malgré l’annonce de sa résurrection, Pierre retourne à sa vie d’avant : « Je m’en vais à la pêche », dit-il. Et les autres disciples ne sont pas en reste : « Nous aussi, nous allons avec toi » (Jn 21, 3). Ils semblent faire un pas en arrière ; Pierre reprend en main les filets auxquels il avait renoncé pour Jésus. Le poids de la souffrance, de la déception, voire de la trahison était devenu une pierre difficile à ôter du cœur des disciples ; ils étaient encore blessés sous le poids de la douleur et de la faute et la bonne nouvelle de la Résurrection n’avait pas pris racine dans leur cœur. Le Seigneur sait combien est forte pour nous la tentation de retourner aux choses d’avant. Les filets de Pierre, comme les oignons d’Égypte, sont dans la Bible un symbole de la tentation de la nostalgie du passé, de vouloir revenir à quelque chose que l’on avait voulu abandonner. Devant l’expérience de l’échec, de la douleur, voire du fait que les choses ne se déroulent pas comme on l’espérait, apparaît toujours une subtile et dangereuse tentation qui invite au découragement et à baisser les bras. C’est la psychologie du sépulcre qui colore tout de résignation, nous faisant nous attacher à une tristesse doucereuse qui, comme une mite, ronge toute espérance. Ainsi se développe la plus grande menace qui peut s’enraciner au sein d’une communauté : le pragmatisme gris de la vie dans lequel tout se passe apparemment bien dans la normalité, mais, en réalité, la foi s’épuise et dégénère en mesquinerie (cf. Exhort. Ap. Evangelii Gaudium, n. 83).

Mais, là justement, dans l’échec de Pierre, Jésus arrive et recommence depuis le début, et avec patience, il va à sa rencontre et lui dit « Simon » (v. 15) : c’était le nom du tout premier appel. Le Seigneur n’attend pas des situations ou des états d’âme idéaux, il les crée. Il n’attend pas de rencontrer des personnes sans problèmes, sans déceptions, sans péchés ou limites. Lui-même, il a affronté le péché et la déception pour aller à la rencontre de tout être vivant et l’inviter à cheminer. Frères, le Seigneur ne se fatigue pas d’appeler. C’est la force de l’Amour qui a renversé tout pronostic et qui sait recommencer. En Jésus, Dieu cherche toujours à donner une possibilité. Il fait comme cela aussi avec nous : il nous appelle chaque jour à revivre notre histoire d’amour avec Lui, à nous refonder dans la nouveauté qu’Il est, Lui. Tous les matins, il nous cherche là où nous sommes et il nous invite « à nous lever, à nous redresser sur sa Parole, à regarder vers le haut et à croire que nous sommes faits pour le Ciel, non pas pour la terre ; pour les hauteurs de la vie, non pas pour les bassesses de la mort », et il nous invite à ne pas chercher « parmi les morts Celui qui est vivant » (Homélie de la Veillée Pascale, 20 avril 2019). Quand nous l’accueillons, nous montons plus haut, nous embrassons notre plus bel avenir, non pas comme une possibilité mais comme une réalité. Quand c’est l’appel de Jésus qui oriente la vie, le cœur rajeunit.

Dieu surprend. Il est le Seigneur des surprises qui invite non seulement à être surpris, mais aussi à réaliser des choses surprenantes. Le Seigneur appelle et, en rencontrant les disciples avec les filets vides, il leur propose quelque chose d’insolite : pêcher en plein jour, chose plutôt étrange sur ce lac. Il leur redonne confiance en les mettant en mouvement et en les poussant de nouveau à risquer, à ne considérer rien, ni surtout personne, comme perdu. Il est le Seigneur de la surprise qui brise les fermetures paralysantes en restituant l’audace capable de surmonter la suspicion, la méfiance et la crainte qui se cachent derrière le “on a toujours fait comme cela”. Dieu surprend quand il appelle et invite à jeter non seulement les filets, mais nous-mêmes au large de l’histoire et à regarder la vie, à regarder les autres et nous-mêmes avec ses propres yeux qui, « dans le péché, voit des enfants à relever ; dans la mort, des frères à ressusciter ; dans la désolation, des cœurs à consoler. Ne crains donc pas : le Seigneur aime cette vie qui est la tienne, même quand tu as peur de la regarder et de la prendre en main » (Ibid.).

Ainsi, nous arrivons à la troisième certitude d’aujourd’hui. Dieu appelle, Dieu surprend parce que Dieu aime. L’amour est son langage. C’est pourquoi, il demande à Pierre et à nous de s’accorder sur le même langage : « M’aimes-tu ? ». Pierre accueille l’invitation et, après beaucoup de temps passé avec Jésus, il comprend qu’aimer veut dire arrêter d’être au centre. Maintenant, il ne part plus de lui, mais de Jésus : « Tu sais tout » (Jn 21, 17), répond-il. Il se reconnaît fragile, il comprend qu’il ne peut pas aller de l’avant uniquement avec ses forces. Et il se fonde sur le Seigneur, sur la force de son amour, jusqu’au bout. Ceci est notre force que nous sommes invités chaque jour à renouveler : le Seigneur nous aime. Être chrétien est un appel à avoir confiance que l’Amour de Dieu est plus grand que toute limite ou tout péché. Une des plus grandes souffrances et un des plus grands obstacles dont nous faisons l’expérience aujourd’hui ne naît pas tant dans la compréhension que Dieu est amour, mais dans le fait que nous sommes arrivés à l’annoncer et à en témoigner de telle manière que, pour beaucoup, ce n’est pas son nom. Dieu est amour qui aime, qui se donne, qui appelle et qui surprend.

Voici le miracle de Dieu qui fait de nos vies des œuvres d’art, si nous nous laissons guider par son amour. De nombreux témoins de la Pâque, en cette terre bénie ont réalisé des chefs-d’œuvre magnifiques, inspirés par une foi simple et par un grand amour. En offrant leur vie, ils ont été des signes vivants du Seigneur, en sachant surmonter avec courage l’apathie et en offrant une réponse chrétienne aux préoccupations qui se présentaient à eux (cf. Exhort. Ap. Christus vivit, n. 174). Aujourd’hui, nous sommes invités à regarder et à découvrir ce que le Seigneur a fait dans le passé afin de nous projeter avec Lui vers l’avenir, en sachant que, dans le succès et dans les erreurs, il reviendra toujours nous appeler pour nous inviter à jeter les filets. Ce que j’ai dit aux jeunes dans l’Exhortation que j’ai récemment écrite, je désire le dire à vous aussi. Une Église jeune, une personne jeune, non par l’âge mais par la force de l’Esprit, nous invite à témoigner de l’amour du Christ, un amour qui presse et qui nous conduit à être prêts à lutter pour le bien commun, serviteurs des pauvres, protagonistes de la révolution de la charité et du service, capables de résister aux pathologies de l’individualisme consumériste et superficiel. Amoureux du Christ, témoins vivants de l’Évangile en tout recoin de cette ville (cf. ibid., nn. 174-175). N’ayez pas peur d’être les saints dont cette terre a besoin, une sainteté qui ne vous enlèvera pas la force, la vie ou la joie ; mais, bien au contraire, parce que vous et les fils de cette terre, vous arriverez à être ce dont le Père a rêvé quand il vous a créés (cf. Exhort. Ap. Gaudete et exsultate, 32).

Appelés, surpris et envoyés par amour ! [00743-FR.01] [Texte original: Italien]

Allocution du pape François lors de la rencontre avec le Patriarche orthodoxe de Bulgarie

(Photo CNS/Paul Haring) Vous trouverez ci-dessous le texte de l’allocution du pape François tel que prononcé lors de la Visite au Patriarche orthodoxe Neofit et au Saint Synode:

Sainteté, vénérables Métropolites et Évêques, chers frères,

Christos vozkrese !

Dans la joie du Seigneur ressuscité, je vous adresse le salut pascal en ce dimanche, qui, dans l’Orient chrétien, est appelé “dimanche de Saint Thomas”. Contemplons l’Apôtre qui met la main dans le côté du Seigneur et, touchant ses plaies, confesse : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (Jn 20, 28). Les plaies, qui, tout au long de l’histoire, se sont ouvertes entre nous chrétiens, sont des déchirures douloureuses infligées au Corps du Christ qu’est l’Église. Aujourd’hui encore, nous en touchons avec la main les conséquences. Mais peut-être que si nous mettons ensemble la main dans ces plaies et confessons que Jésus est ressuscité, et si nous le proclamons notre Seigneur et notre Dieu, si en reconnaissant nos manques, nous nous immergeons dans ses plaies d’amour, nous pouvons retrouver la joie du pardon et avoir un avant-goût du jour où, avec l’aide de Dieu, nous pourrons célébrer sur le même autel le mystère pascal.

Dans ce cheminement, nous sommes soutenus par de nombreux frères et sœurs, à qui je voudrais avant tout rendre hommage : ce sont les témoins de la Pâque. Combien de chrétiens dans ce pays ont souffert pour le nom de Jésus, en particulier durant la persécution du siècle dernier ! L’œcuménisme du sang ! Ils ont répandu un doux parfum sur la “Terre des roses”. Ils sont passés à travers les épines de l’épreuve pour répandre la fragrance de l’Évangile. Ils ont germé dans un terrain fertile et bien travaillé, dans un peuple riche de foi et d’humanité authentique qui leur a donné des racines robustes et profondes : je pense, en particulier, au monachisme qui, de génération en génération, a nourri la foi du peuple. Je crois que ces témoins de la Pâque, frères et sœurs de diverses confessions unis dans le Ciel par la charité divine, nous regardent actuellement comme des semences plantées en terre pour donner du fruit. Et pendant que beaucoup de frères et sœurs dans le monde continuent de souffrir à cause de la foi, ils nous demandent de ne pas demeurer fermés, mais de nous ouvrir, parce c’est seulement de cette manière que les semences portent du fruit.

Sainteté, cette rencontre, que j’ai tant désirée, succède à celle de saint Jean-Paul II avec le Patriarche Maxime durant la première visite d’un Évêque de Rome en Bulgarie et suit les pas de saint Jean XXIII qui, dans les années passées ici, s’est attaché à ce peuple « simple et bon » (Giornale dell’anima, Bologna 1987, n. 325), en en appréciant l’honnêteté, les habitudes laborieuses et la dignité dans les épreuves. Je me trouve moi aussi, ici, hôte accueilli avec affection et j’éprouve dans le cœur la nostalgie du frère, cette nostalgie salutaire pour l’unité entre les fils du même Père que le Pape Jean a eu certainement l’occasion de mûrir dans cette ville. Justement, durant le Concile Vatican II convoqué par lui, l’Église orthodoxe bulgare envoya ses observateurs. Depuis lors les contacts se sont multipliés. Je pense aux visites des délégations bulgares qui, depuis cinquante ans, se rendent au Vatican et que j’ai la joie d’accueillir chaque année ; ainsi qu’à la présence à Rome d’une communauté orthodoxe bulgare qui prie dans une église de mon diocèse. Je me réjouis de l’accueil exquis réservé, ici, à mes envoyés, dont la présence s’est intensifiée dans les dernières années, et à la collaboration avec la communauté catholique locale, surtout dans le domaine culturel. Je suis confiant que, avec l’aide de Dieu et dans les temps que la Providence disposera, ces contacts pourront avoir des répercussions positives sur de nombreux autres aspects de notre dialogue. En même temps, nous sommes appelés à cheminer et à faire ensemble pour rendre témoignage au Seigneur, en particulier en servant les frères les plus pauvres et oubliés, dans lesquels Il est présent. L’œcuménisme du pauvre.

Ce sont surtout les saints Cyrille et Méthode qui nous orientent sur ce chemin. Ils nous ont liés depuis le premier millénaire et leur mémoire vivante dans nos Églises demeure comme une source d’inspiration parce que, malgré les adversités, ils privilégièrent l’annonce du Seigneur, l’appel à la mission. Comme disait saint Cyrille : « Je pars avec joie pour la foi chrétienne ; aussi fatigué et physiquement éprouvé que je suis, j’irai avec joie » (Vita Constantini VI, 7 ; XIV, 9). Et pendant que s’annonçaient les signes prémonitoires des douloureuses divisions qui allaient survenir dans les siècles suivants, ils choisirent la perspective de la communion. Mission et communion : deux paroles toujours déclinées dans la vie des deux Saints et qui peuvent illuminer notre chemin pour croître dans la fraternité. L’œcuménisme de la mission.

Cyrille et Méthode, byzantins de culture, eurent l’audace de traduire la Bible en une langue accessible aux peuples slaves pour que la Parole divine précédât les paroles humaines. Leur courageux apostolat demeure pour tous un modèle d’évangélisation. L’un des domaines qui nous interpelle dans l’annonce, c’est celui des jeunes générations. Combien il est important, dans le respect des traditions respectives et des particularités, que nous nous aidions et que nous trouvions les moyens pour transmettre la foi selon des langages et des formes qui permettent aux jeunes d’expérimenter la joie d’un Dieu qui les aiment et les appellent ! Autrement ils seront tentés de faire confiance aux nombreuses sirènes trompeuses de la société de consommation.

Communion et mission, proximité et annonce, les saints Cyrille et Méthode ont beaucoup à nous dire aussi en ce qui concerne l’avenir de la société européenne. En fait, « ils ont été, dans un sens, les promoteurs d’une Europe unie et d’une paix profonde entre tous les habitants du continent, montrant les fondements d’un nouvel art de vivre ensemble, dans le respect des différences qui ne sont pas absolument un obstacle à l’unité » (St Jean-Paul II, Salut à la Délégation officielle de la Bulgarie, 24 mai 1999 : Insegnamenti XXII, n. 1 (1999), 1080). Nous aussi, héritiers de la foi des saints, nous sommes appelés à être artisans de communion, instruments de paix au nom de Jésus. En Bulgarie, « carrefour spirituel, terre de rencontre et de compréhension réciproque » (Id., Discours durant la Cérémonie de bienvenue, Sofia, 23 mai 2002 : Insegnamenti XXV, n. 1 (2002), 864), diverses Confessions ont été accueillies, de la Confession arménienne à la Confession évangélique, et diverses expressions religieuses, de la religion juive à la religion musulmane. L’Église catholique trouve accueil et respect, aussi bien dans la tradition latine que dans la tradition byzantino-slave. Je suis reconnaissant à votre Sainteté et au Saint Synode pour cette bienveillance. Dans nos relations aussi, les saints Cyrille et Méthode nous rappellent qu’« une certaine diversité des us et coutumes ne s’oppose pas au minimum à l’unité de l’Église » et que, entre l’Orient et l’Occident, « plusieurs formules théologiques se complètent assez fréquemment, plutôt que de s’opposer » (Conc. Oecum. Vat. II, Décr. Unitatis redintegratio, nn. 16-17). « Nous pouvons apprendre tant de choses les uns des autres ! » (Exhort. Ap. Evangelii Gaudium, n. 246).

Sainteté, bientôt j’aurai la possibilité d’entrer dans la Cathédrale Patriarcale de Saint Alexandre Nevski pour me recueillir dans le souvenir des saints Cyrille et Méthode. Saint Alexandre Nevski de la tradition russe et les Saints frères provenant de la tradition grecque et apôtres des peuples slaves révèlent combien la Bulgarie est un pays-pont. Sainteté, chers Frères, je vous vous assure de ma prière pour vous, pour les fidèles de ce peuple bien-aimé, pour la haute vocation de ce pays, pour notre cheminement dans un œcuménisme du sang, du pauvre et de la mission. A mon tour, je demande une place dans vos prières, dans la certitude que la prière est la porte qui ouvre tout chemin de bien. Je désire renouveler ma gratitude pour l’accueil reçu et vous assurer que je porterai dans mon cœur le souvenir de cette rencontre fraternelle.

Christos vozkrese !

[00741-FR.02] [Texte original: Italien]

Allocution du pape François lors du Regina Caeli en Bulgarie


Vous trouverez ci-dessous le texte de l’allocution du pape François précédant la récitation du Regina Caeli Place di San Alexander Nevsky de Sofia, Bulgarie:

Chers frères et sœurs, “ Christ est ressuscité!”
Par ces paroles, depuis des temps anciens, en ces terres de Bulgarie les chrétiens – orthodoxes et catholiques – échangent les vœux du temps de Pâques : Christos vozkrese ! [La foule répond]. Elles expriment la grande joie pour la victoire de Jésus Christ sur le mal, sur la mort. Elles sont une affirmation et un témoignage du cœur de notre foi : le Christ vit. Il est notre espérance et la plus belle jeunesse de ce monde. Tout ce qu’il touche devient nouveau, se remplit de vie. C’est pourquoi, les premières paroles que je veux adresser à chacun de vous sont : il vit et il te veut vivant ! il est en toi, il est avec toi et il ne te lâche jamais. Il marche avec toi. Bien que tu puisses t’éloigner, à côté de toi il y a le Ressuscité, qui t’appelle constamment, t’attend pour recommencer. Il n’a jamais peur de recommencer : toujours il nous donne la main pour recommencer, pour nous relever et recommencer. Quand tu te sens vieux par la tristesse –la tristesse vieillit-, les rancunes, les peurs, les doutes et les échecs, lui sera là pour te redonner force et espérance (cf. Exhort. ap. Christus vivit, nn. 1-2). Il vit, il te veut vivant et il marche avec toi.

Cette foi en Christ ressuscité est proclamée depuis deux mille ans en tout lieu de la terre, à travers la mission généreuse de tant de croyants qui sont appelés à tout donner pour l’annonce évangélique, sans rien garder pour soi. Dans l’histoire de l’Église, ici aussi en Bulgarie, il y a eu des Pasteurs qui se sont distingués par la sainteté de leur vie. Parmi eux, j’aime me souvenir de mon prédécesseur, que vous appelez “le saint bulgare”, saint Jean XXIII, un saint pasteur, dont la mémoire est particulièrement vivante sur cette terre, où il a vécu de 1925 à 1934. Ici, il a appris à apprécier la tradition de l’Église Orientale, instaurant des relations d’amitié avec les autres Confessions religieuses. Son expérience diplomatique et pastorale en Bulgarie a laissé une empreinte si forte dans son cœur de pasteur qu’elle l’a conduit à promouvoir au sein de l’Église la perspective du dialogue œcuménique, qui eut une impulsion remarquable dans le Concile Vatican II, voulu justement par le Pape Roncalli. En un certain sens, nous devons remercier cette terre pour l’intuition sage et inspiratrice du “ bon Pape ”.

Dans le sillon de ce chemin œcuménique, d’ici peu, j’aurai la joie de saluer les représentants des diverses Confessions religieuses de Bulgarie, qui, tout en étant un pays orthodoxe, est un carrefour où se rencontrent et dialoguent diverses expressions religieuses. La présence appréciée à cette rencontre des Représentants de ces diverses Communautés, indique le désir de tous de parcourir le chemin, chaque jour plus nécessaire, « d’adopter la culture du dialogue comme chemin ; la collaboration commune comme conduite ; la connaissance réciproque comme méthode et critère » (Document sur la fraternité humaine, Abu Dhabi, 4 février 2019).

Nous nous trouvons près de l’antique église de Sainte Sophie, et à côté de l’église patriarcale de Saint Alexandre Nevsky, où, précédemment, j’ai prié dans le souvenir des saints Cyrille et Méthode, évangélisateurs des peuples slaves. Avec le désir de manifester estime et affection à cette vénérable Église orthodoxe de Bulgarie, j’ai eu la joie de saluer et d’embrasser, auparavant, mon Frère Sa Sainteté le Patriarche Neofit, ainsi que les Métropolites du Saint Synode.

Nous nous adressons maintenant à la Bienheureuse Vierge Marie, Reine du ciel et de la terre, afin qu’elle intercède auprès du Seigneur Ressuscité, pour qu’il donne à cette terre bien-aimée l’impulsion toujours nécessaire pour être terre de rencontre, sur laquelle, au-delà des différences culturelles, religieuses ou ethniques, vous puissiez continuer à vous reconnaître et à vous estimer comme enfants d’un même Père. Notre invocation s’exprime avec le chant de l’antique prière du Regina Caeli. Nous le faisons ici, à Sofia, devant l’icône de la Vierge de Nesebar, qui signifie “ Porte du ciel ”, si chère à mon prédécesseur saint Jean XXIII, qui a commencé à la vénérer ici, en Bulgarie, et l’a portée avec lui jusqu’à la mort.

[Chant du Regina Caeli]
Regina Caeli, laetare ! Alleluia !… Prière
[Bénédiction]

[00742-FR.02] [Texte original: Italien]

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