Retour dans cette émission sur la fête de Pâques et les célébrations de la semaine sainte au Vatican
Office de la Passion : homélie du père Cantalamessa
« LAISSEZ-VOUS RECONCILIER AVEC DIEU »
« Dieu nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné le ministère de la réconciliation […].Nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu. En tant que coopérateurs de Dieu, nous vous exhortons encore à ne pas laisser sans effet la grâce reçue de lui. Car il dit dans l’Écriture : Au moment favorable je t’ai exaucé, au jour du salut je t’ai secouru. Le voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut! (2 Cor 5, 18-21- 6,1-2).
Ce sont les paroles de Saint Paul dans sa deuxième lettre aux Corinthiens. L’appel de l’apôtre à se réconcilier avec Dieu ne regarde pas la réconciliation historique entre Dieu et l’humanité (celle-ci – il vient de le dire – a eu lieu par le Christ sur la croix) ; ni même la réconciliation sacramentelle qui a lieu dans le baptême et dans le sacrement de la réconciliation; il renvoie à une réconciliation existentielle et personnelle à mettre en pratique maintenant, dans l’instant présent. L’appel s’adresse aux chrétiens de Corinthe qui sont baptisés et vivent dans l’Eglise depuis longtemps ; il s’adresse donc aussi à nous, maintenant et ici. « Le moment favorable, le jour du salut » c’est, pour nous, l’année de la miséricorde que nous sommes en train de vivre.
Mais que signifie, dans un sens existentiel et psychologique, se réconcilier avec Dieu? Une des causes, peut-être la principale, de l’éloignement de l’homme moderne de la religion et de la foi est l’image déformée que celui-ci a de Dieu. Quelle est, en effet, l’image « prédéfinie » de Dieu dans l’inconscient humain collectif? Pour le découvrir, posons-nous la question: « Quelle association d’idées faisons-nous et comment réagissons-nous, sans même réfléchir, quand, dans la prière du « Notre Père », arrive le moment de dire: « Que ta volonté soit faite » ?
On prononce la phrase en baissant intérieurement la tête, comme résigné, comme si on se préparait au pire. Inconsciemment, on relie la volonté de Dieu à tout ce qui est désagréable, douloureux, à ce qui, d’une façon ou d’une autre, sera vu comme quelque chose qui porte atteinte à la liberté et au développement individuel, nous mutile. Un peu comme si Dieu était l’ennemi de toute fête, de toute joie et de tout plaisir. Un Dieu hargneux et inquisiteur.
Dieu est vu comme l’Etre suprême, le Tout-puissant, le Seigneur du temps et de l’histoire, c’est-à-dire comme une entité qui s’impose à l’individu de l’extérieur; aucun détail de la vie humaine ne lui échappe. Enfreindre sa Loi entraine inexorablement un désordre qui exige une réparation adéquate que l’homme sait ne pas être en mesure de lui donner. D’où la peur et parfois cette sourde rancune contre Lui. Nous avons là les restes de l’idée païenne de Dieu, jamais tout à fait déracinée, et peut-être bien indéracinable, du coeur humain. Toute la tragédie grecque est basée sur ça; Dieu intervient, par punition divine, pour remettre en place l’ordre moral qui vient d’être bouleversé.
Certes, dans le christianisme, la miséricorde de Dieu n’a jamais été ignorée! Mais on ne lui reconnaissait pour seule tâche que celle de modérer les rigueurs absolues de la justice. La miséricorde était l’exception, pas la règle. L’année de la miséricorde est l’occasion pour ramener au jour la vraie image du Dieu biblique, un Dieu qui ne se limite pas à faire miséricorde, mais qui est miséricorde.
Cette affirmation audacieuse se base sur le fait que « Dieu est amour » (1 Jn 4, 8.16). Dans la Trinité seulement, Dieu est amour, sans être « miséricorde ». Que le Père aime le Fils, n’est pas une grâce ou une concession ; c’est une nécessité ; il a besoin d’aimer pour exister en tant que Père. Que le Fils aime le Père, n’est pas un acte de miséricorde ou une grâce ; même très libre, c’est une nécessité ; il a besoin d’être aimé et d’aimer pour être « Fils ». Pareil pour l’Esprit Saint qui est l’amour personnifié.
C’est quand Dieu crée le monde et y met des créatures libres, que son amour cesse d’être de l’ordre de la nature et devient une grâce. Cet amour est une libre concession, qui pourrait ne pas exister; il est ḥesed, grâce et miséricorde. Le péché de l’homme ne change pas la nature de cet amour, mais provoque en lui un saut de qualité: de la miséricorde comme don on passe à la miséricorde comme pardon. D’un amour de donation, on passe à un amour de souffrance, parce que Dieu souffre de voir son amour refusé. « J’ai fait grandir des enfants, je les ai élevés, mais ils se sont révoltés contre moi » (Is 1, 2). Demandons à tant de pères et tant de mères qui en ont fait l’expérience, s’il ne s’agit pas là d’une souffrance, et parmi les plus amères de la vie.
* * *
Et qu’en est de la justice de Dieu? Serait-elle oubliée, sous-estimée? Saint Paul a répondu une fois pour toutes à cette question. Dans sa Lettre aux Romains, il commence son annonce du salut en disant: «Maintenant la justice de Dieu s’est révélée» (Rom 3, 21). On se demande : quelle justice ? Celle qui donne « unicuique suum », à chacun ce qui lui revient, autrement dit des récompenses ou des châtiments selon ses mérites? Bien sûr, le jour arrivera où cette justice de Dieu, qui consiste à donner à chacun ce qu’il mérite, aura lieu. Car, comme écrit l’apôtre, Dieu,
« rendra à chacun selon ses oeuvres. Ceux qui font le bien avec persévérance et recherchent ainsi la gloire, l’honneur et une existence impérissable, recevront la vie éternelle ; mais les intrigants, qui se refusent à la vérité pour se donner à l’injustice, subiront la colère et la fureur » (Rom 2, 6-8).
Mais l’apôtre ne parle pas de cette justice-là quand il écrit: «Maintenant la justice de Dieu s’est révélée». Dans le premier cas il s’agit d’un événement futur, dans le deuxième d’un événement en cours, qui se réalise « maintenant ». Si ce n’était pas le cas, l’affirmation de Paul serait absurde, démentie par les faits. Du point de vue de la justice rétributive, rien n’a changé dans le monde avec la venue du Christ. On continue, disait Bossuet1, à voir souvent les coupables sur le trône et les innocents à l’échafaud ; mais pour qu’on ne croit pas qu’il existe une quelconque justice ou ordre fixe dans le monde, même si dans le sens opposé, voilà qu’il nous arrive parfois de voir le contraire, autrement dit l’innocent sur le trône et le coupable à l’échafaud. Non, ce n’est pas cela la nouveauté apportée par le Christ. Ecoutons ce que nous dit l’apôtre:
« Tous les hommes ont péché, ils sont privés de la gloire de Dieu, et lui, gratuitement, les fait devenir justes par sa grâce, en vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus. Car le projet de Dieu était que le Christ soit instrument de pardon, en son sang, par le moyen de la foi. C’est ainsi que Dieu voulait manifester sa justice, lui qui, dans sa longanimité, avait fermé les yeux sur les péchés commis autrefois. Il voulait manifester, au temps présent, en quoi consiste sa justice, montrer qu’il est juste et rend juste celui qui a foi en Jésus. » (Rm 3, 23-26).
Dieu manifeste sa justice, en manifestant sa miséricorde! Voilà la grande révélation. L’apôtre dit que Dieu est « juste et rend juste », c’est-à-dire qu’il est juste avec lui-même, quand il rend juste l’homme ; il est à la fois amour et miséricorde; c’est pourquoi il est juste avec lui-même – c’est-à-dire, qu’il se montre vraiment pour ce qu’il est – quand il exerce sa miséricorde.
Mais on ne comprend rien de tout cela, si l’on ne comprend pas ce que veut dire exactement l’expression « justice de Dieu ». Il y a risque que l’on entende parler de cette justice mais qu’au lieu de nous sentir encouragés, nous en ayons peur parce qu’on ignore son sens. Saint Augustin l’avait déjà clairement expliqué: « La ‘justice de Dieu’, écrivait-il, est celle par laquelle sont justes les hommes que Dieu justifie par sa grâce, exactement comme ‘le salut du Seigneur’ (salus Domini) (Sal 3,9) est celui par lequel le Seigneur nous sauve »2. En d’autres termes, la justice de Dieu est l’acte par lequel Dieu rend justes ceux qui croient en son Fils. Ce n’est pas se faire justice, mais rendre justes.
Luther a eu le mérite de ramener au jour cette vérité, après des siècles d’oubli, du moins dans la prédication chrétienne, et c’est de cela que la chrétienté est surtout redevable à la Réforme, qui célèbrera l’année prochaine son cinquième centenaire. « Quand je découvris cela, avait écrit plus tard le réformateur, je me sentis carrément renaître et il me sembla entrer au paradis même par des portes grandes ouvertes 3.Mais Augustin et Luther ne furent pas les premiers à expliquer de la sorte le concept de « justice de Dieu » ; les Ecritures elles-mêmes l’avaient fait avant eux:
« Lorsque Dieu, notre Sauveur, a manifesté sa bonté et son amour pour les hommes, il nous a sauvés, non pas à cause de la justice de nos propres actes, mais par sa miséricorde.” (Tt 3, 4-5). « Dieu est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ : c’est bien par grâce que vous êtes sauvés. » (Ep 2, 4-5)
Donc dire que « la justice de Dieu s’est manifestée », revient à dire que Dieu a manifesté sa bonté, son amour, et sa miséricorde. Non seulement la justice de Dieu ne contredit pas sa miséricorde, mais c’est en cela qu’elle consiste!
* * *
Qu’est-il arrivé de si important sur la croix qui justifie un changement aussi radical dans le destin de l’humanité ? Dans son livre sur Jésus de Nazareth, Benoît XVI écrit:
« L’injustice, le mal comme réalité, ne peut pas être simplement ignoré, ne peut être laissé là. Il doit être éliminé, vaincu. C’est là seulement la vraie miséricorde. Et puisque les hommes n’en sont pas capables, Dieu lui même s’en charge maintenant – c’est là la bonté inconditionnelle de Dieu »4
Dieu ne s’est pas contenté de pardonner à l’homme ses péchés. Il a fait infiniment plus, il a pris sur lui ces péchés, les a portés sur ses épaules. Le fils de Dieu, dit saint Paul, « s’est fait péché pour nous ». Une parole terrible! Déjà au Moyen Age certains avaient du mal à croire que Dieu exige la mort de son Fils pour se réconcilier avec le monde. Saint Bernard leur répondait: « Ce n’est pas la mort du Fils qui lui a plu mais sa volonté de mourir spontanément pour le salut du monde »: « Non mors placuit sed voluntas sponte morientis »5. Ce n’est donc pas la mort qui nous a sauvés mais l’amour!
L’amour de Dieu a rejoint l’homme dans ses retranchements les plus extrêmes, c’est-à-dire dans la mort. La mort du Christ devait apparaître aux yeux de tous comme la preuve suprême de la miséricorde de Dieu envers les pécheurs. Et c’est pourquoi elle n’a pas non plus la majesté d’une mort solitaire, mais liée à la mort de deux brigands. Jésus veut rester l’ami des pécheurs jusqu’au bout. Il meurt donc comme eux et avec eux.
* * *
L’heure est venue de nous rendre compte que l’opposé de la miséricorde n’est pas la justice, mais la vengeance. Jésus n’a pas opposé la miséricorde à la justice, mais à la loi du talion: «OEil pour oeil dent pour dent ». En pardonnant les péchés, Dieu ne renonce pas à la justice, mais à la vengeance; il ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et vive (cf. Ez 18, 23). Jésus sur la croix n’a pas demandé au Père de venger sa cause ; il lui a demandé de pardonner à ceux qui l’ont crucifiés.
La haine et la brutalité des attaques terroristes de cette semaine à Bruxelles nous aident à comprendre la force divine contenue dans les dernières paroles du Christ: «Père, pardonne-leur : ils ne savent ce qu’ils font» (Lc 23, 34). Pour grande qu’elle soit la haine des hommes, l’amour de Dieu a été, et sera, toujours plus fort. C’est à nous qu’elle est adressée, dans les circonstances actuelles, l’exhortation de l’apôtre Paul: «Ne te laisse pas vaincre par le mal, sois vainqueur du mal par le bien » (Rm 12,
Nous devons démythifier la vengeance! Celle-ci est devenue un mythe envahissant qui contamine tout et tout le monde, à commencer par les enfants. Une grande partie des histoires portées à l’écran et des jeux électroniques sont des histoires de vengeance, que l’on fait parfois passer pour une victoire du gentil héros. 50%, voire plus, de la souffrance présente dans le monde (quand il ne s’agit pas de maux naturels) vient du désir de vengeance, tant dans les relations interpersonnelles que dans les rapports entre Etats et peuples.
Dostoïevski a dit que « la beauté sauvera le monde »6; mais la beauté peut aussi porter à la ruine. La miséricorde est la seule chose qui puisse vraiment sauver le monde! La miséricorde de Dieu pour les hommes et des hommes entre eux. Et celle-ci peut sauver, aujourd’hui tout particulièrement, ce qu’il y a de plus précieux et de plus fragile en ce moment dans le monde : le mariage et la famille.
Dans le mariage il arrive en quelque sorte ce qui est arrivé entre Dieu et les hommes, dans leurs relations, que l’Eglise décrit en utilisant justement l’image des noces. Au tout début, disais-je, est présent l’amour, pas la miséricorde. Dans le mariage aussi, au début il n’y a que l’amour. On ne se marie pas par miséricorde mais par amour. Mais après des années, ou des mois, de vie commune, des limites commencent à apparaître de part et d’autre, des problèmes de santé, de finance, des enfants. La routine s’installe et la joie s’éteint.
Ce qui peut sauver un mariage de la dégringolade et l’aider à remonter la pente c’est la miséricorde, comprise au sens biblique, c’est-à-dire non seulement comme pardon réciproque mais comme un « revêtement de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience » (Col 3, 12). La miséricorde ajoute l’agape à l’eros, l’amour du don de soi et la compassion à celui de la recherche. Dieu « prend pitié » de l’homme (Ps 102, 13): mari et femme ne
devraient-ils pas prendre pitié l’un de l’autre? Et ne devrions-nous pas, nous qui vivons en communauté, avoir pitié les uns des autres, au lieu de nous juger?
Prions. Père céleste, pour les mérites de ton Fils qui « s’est fait péché » sur la croix pour nous, sors le désir de vengeance du coeur des personnes, des familles et des peuples, et fais-nous aimer la miséricorde. Fais en sorte que l’intention du Saint-Père à proclamer cette année sainte de la miséricorde, trouve une réponse concrète dans nos coeurs et nous fasse tous connaître la joie d’être réconcilié avec Toi au plus profond de nous mêmes. Ainsi soit-il !
Chemin de Croix présidé par le pape François
Vendredi Saint – Passion du Seigneur
Chemin de Croix présidé par le pape François au Colisée – Rome, 25 mars 2016
INTRODUCTION
Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ, le Père plein de tendresse, le Dieu de qui vient tout réconfort ! (2 Co 1, 3).
En ce Jubilé extraordinaire, la Via Crucis du Vendredi Saint nous attire avec une force particulière, celle de la miséricorde du Père céleste, qui veut répandre sur nous tous son Esprit de grâce et de consolation.
La miséricorde est le canal de la grâce qui, de Dieu, arrive à tous les hommes et à toutes les femmes d’aujourd’hui. Hommes et femmes trop souvent égarés et confus, matérialistes et idolâtres, pauvres et seuls. Membres d’une société qui semble avoir éliminé le péché et la vérité.
« Ils regarderont vers moi, Celui qu’ils ont transpercé » (Za 12, 10) : elles s’accomplissent aussi en nous, ce soir, les paroles prophétiques de Zacharie ! Que le regard s’élève de nos infinies misères pour se fixer sur Lui, Christ Seigneur, Amour miséricordieux. Alors nous pourrons rencontrer son visage et entendre ses paroles : « Je t’aime d’un amour éternel » (Jr 31, 3). Lui, avec son pardon, efface nos péchés et nous ouvre le chemin de la sainteté, sur lequel nous embrasserons notre croix, avec Lui, par amour de nos frères. La source qui a lavé notre péché deviendra en nous « une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle » (Jn 4, 14).
brève pause de silence
Prions.
Père éternel,
à travers la Passion de ton Fils bien-aimé,
tu as voulu nous révéler ton cœur
et nous donner ta miséricorde.
Fais que, unis à Marie, sa mère et notre mère,
nous sachions accueillir et garder toujours le don de l’amour.
Que ce soit elle, Mère de la Miséricorde,
qui présente les prières
que nous faisons monter vers toi pour nous et pour toute l’humanité,
afin que la grâce de cette Via crucis
rejoigne chaque cœur humain
et y infuse une nouvelle espérance,
cette espérance indéfectible
qui rayonne de la Croix de Jésus,
qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit
pour les siècles des siècles. Amen.
Première Station
Jésus est condamné à mort
V. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De l’Évangile selon saint Marc (15, 14-15)
Pilate leur disait : « Qu’a-t-il donc fait de mal ? » Mais ils crièrent encore plus fort : « Crucifie-le ! » Pilate, voulant contenter la foule, relâcha Barabbas et, après avoir fait flageller Jésus, il le livra pour qu’il soit crucifié.
Jésus est seul devant le pouvoir de ce monde. Et il se soumet jusqu’au bout à la justice des hommes. Pilate se trouve devant un mystère qu’il n’arrive pas à comprendre. Il s’interroge et demande des explications. Il cherche une solution et arrive, peut-être, au seuil de la vérité. Mais il choisit de ne pas le franchir. Entre la vie et la vérité, il choisit sa propre vie. Entre l’aujourd’hui et l’éternité, il choisit l’aujourd’hui.
La foule choisit Barabbas et abandonne Jésus. La foule veut la justice sur terre et choisit le justicier: celui qui pourrait les libérer de l’oppression et du joug de l’esclavage. Mais la justice de Jésus ne s’accomplit pas avec une révolution : elle passe à travers le scandale de la croix. Jésus bouleverse tout plan de libération parce qu’il prend sur lui le mal du monde et ne répond pas au mal par le mal. Et cela les hommes ne le comprennent pas. Ils ne comprennent pas que d’une défaite de l’homme peut venir la justice de Dieu.
Aujourd’hui, chacun de nous fait partie intégrante de cette foule qui crie : « Crucifie-le ! » Aucun de nous ne peut se sentir exclu. La foule et Pilate, en effet, sont dominés par une sensation intérieure qui unit tous les hommes : la peur. La peur de perdre ses propres sécurités, ses biens, sa vie. Mais Jésus indique une autre route.
Seigneur Jésus,
Comme nous nous sentons semblables à ces personnages.
Que de peur n’y-a-t-il pas dans notre vie !
Nous avons peur de celui qui est différent, de l’étranger, du migrant.
Nous avons peur de l’avenir, des imprévus, de la misère.
Que de peur dans nos familles, dans nos milieux de travail, dans nos villes…
Et peut-être avons-nous aussi peur de Dieu : cette peur du jugement divin qui naît du peu de foi, de la méconnaissance de son cœur, du doute sur sa miséricorde.
Seigneur Jésus, condamné par la peur des hommes, libère-nous de la crainte de ton jugement.
Fais que le cri de nos angoisses ne nous empêche pas d’entendre la douce force de ton invitation « N’ayez pas peur ! »
__________
Tous :
Pater noster, qui es in caelis :
sanctificetur nomen tuum ;
adveniat regnum tuum ;
fiat voluntas tua, sicut in caelo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie ;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem ;
sed libera nos a malo. Amen.
Stabat Mater dolorosa
iuxta crucem lacrimosa
dum pendebat Filius.
Deuxième Station
Jésus est chargé de sa croix
V. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De l’Évangile selon saint Marc (15, 20)
Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui enlevèrent le manteau de pourpre, et lui remirent ses vêtements. Puis, de là, ils l’emmènent pour le crucifier.
La peur a émis la sentence, mais ne peut se montrer et elle se cache derrière les attitudes du monde : raillerie, humiliation, violence et dérision. Maintenant, Jésus est revêtu de ses vêtements, de sa seule humanité, douloureuse et sanglante, sans plus aucune « pourpre », ni aucun signe de sa divinité. Et le présente Pilate comme tel : « Voici l’homme !» (Jn 19, 5).
C’est la condition de quiconque se met à la suite du Christ. Le chrétien ne cherche pas les applaudissements du monde ou le consensus des places. Le chrétien ne flatte pas et ne dit pas des mensonges pour conquérir le pouvoir. Le chrétien accepte la dérision et les humiliations qui viennent de l’amour de la vérité.
« Qu’est-ce que la vérité ? » (Jn 18, 38), avait demandé Pilate à Jésus. Là est la question de chaque époque. C’est la question d’aujourd’hui. Voilà la vérité : la vérité du Fils de l’homme annoncé par les Prophètes (cf. Is 52, 13-53,12), un visage humain défiguré qui révèle la fidélité de Dieu.
Trop souvent, au contraire, nous allons à la recherche d’une vérité à bon marché, qui rende notre vie confortable, qui réponde à nos insécurités ou qui donne pleinement satisfaction à nos intérêts les plus bas. De cette façon, nous finissons par nous contenter de vérités partielles et apparentes, nous laissant tromper par les « prophètes d’aventure qui annoncent toujours le pire » (Saint Jean XXIII) ou par d’habiles joueurs de fifre qui anesthésient notre cœur par des musiques persuasives qui nous éloignent de l’amour du Christ.
Le Verbe de Dieu s’est fait homme,
il est venu pour nous dire la vérité tout entière, sur Dieu et sur l’homme.
Dieu est celui qui prend la croix sur ses épaules (cf. Jn 19, 17)
et se met en marche sur le chemin du don miséricordieux de soi.
Et l’homme qui se réalise dans la vérité est celui qui le suit sur ce même chemin.
Seigneur Jésus, donne-nous de te contempler dans la théophanie de la croix, le point le plus haut de ta révélation,
et de reconnaître aussi dans la splendeur mystérieuse de ton visage les traits de notre visage.
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Tous :
Pater noster, qui es in caelis :
sanctificetur nomen tuum ;
adveniat regnum tuum ;
fiat voluntas tua, sicut in caelo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie ;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem ;
sed libera nos a malo. Amen.
Cuius animam gementem
constristatam et dolentem
pertransivit gladius.
Troisième Station
Jésus tombe pour la première fois
V. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
Du livre du prophète Isaïe (53, 4.7)
En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu’il était frappé, meurtri par Dieu, humilié. Maltraité, il s’humilie, il n’ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n’ouvre pas la bouche.
Jésus est l’Agneau, annoncé par le prophète, qui s’est chargé sur les épaules du péché de l’humanité entière. Il a pris en charge la faiblesse de l’aimé, ses souffrances et ses crimes, ses iniquités et ses malédictions. Nous sommes arrivés au point extrême de l’incarnation du Verbe. Mais il y a un point encore plus bas : Jésus tombe sous le poids de cette croix. Un Dieu qui tombe !
Dans cette chute, c’est Jésus qui donne sens à la souffrance des hommes. La souffrance pour l’homme est parfois absurde, incompréhensible à l’esprit, présage de mort. Il y a des situations de souffrance qui semblent nier l’amour de Dieu. Où est Dieu dans les camps d’extermination ? Où est Dieu dans les mines et les usines où les enfants travaillent comme des esclaves ? Où est Dieu dans les carrioles de la mer qui coulent dans la Méditerranée ?
Jésus tombe sous le poids de la croix, mais il n’en demeure pas écrasé. Voici, le Christ est là. Déchet parmi les déchets. Dernier avec les derniers. Naufragé avec les naufragés.
Dieu s’est chargé de tout cela. Un Dieu qui par amour renonce à montrer sa toute-puissance. Mais aussi ainsi, vraiment ainsi, tombé à terre comme un grain de blé, Dieu est fidèle à lui-même : fidèle dans l’amour.
Nous te prions, Seigneur,
Pour toutes ces situations de souffrance qui semblent ne pas avoir de sens,
Pour les juifs morts dans les camps d’extermination,
Pour les chrétiens tués en haine de la foi,
Pour les victimes de toute persécution,
Pour les enfants qui sont rendus esclaves au travail,
Pour les innocents qui meurent dans les guerres.
Fais-nous comprendre, Seigneur, quelle liberté et quelle force intérieure il y a dans cette révélation inédite de ta divinité, si humaine qu’elle tombe sous la croix des péchés de l’homme, si divinement miséricordieuse qu’elle vainc le mal qui nous opprime.
___________
Tous :
Pater noster, qui es in caelis :
sanctificetur nomen tuum ;
adveniat regnum tuum ;
fiat voluntas tua, sicut in caelo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie ;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem ;
sed libera nos a malo. Amen.
O quam tristis et afflicta
fuit illa benedicta
Mater Unigeniti!
Quatrième Station
Jésus rencontre sa Mère
V. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De l’Évangile selon saint Luc (2, 34-35.51)
Syméon les bénit, puis il dit à Marie sa mère : « Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction – et toi, ton âme sera traversée d’un glaive – : ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre ». Sa mère gardait dans son cœur tous ces événements.
Dieu a voulu que la vie vienne au monde à travers les douleurs de l’enfantement : à travers les souffrances d’une mère qui donne la vie au monde. Tout le monde a besoin d’une Mère, même Dieu. « Le Verbe s’est fait chair (Jn 1, 14) dans le sein d’une Vierge. Marie l’a accueilli, l’a mis au monde à Bethléem, l’a enveloppé de langes, l’a gardé et fait grandir par la chaleur de son amour, et est arrivée avec Lui à son “heure”.
Maintenant, au pied du Calvaire, s’accomplit la prophétie de Syméon : une épée lui traverse l’âme. Marie revoit son Fils, défiguré et épuisé sous le poids de la croix. Les yeux douloureux, ceux de la Mère, elle participe jusqu’au bout à la douleur de son fils, mais aussi les yeux pleins d’espérance, qui depuis le jour de son “oui” à l’annonce de l’ange (cf. Lc 1, 26-38) n’ont jamais cessé de refléter cette lumière divine qui resplendit aussi en ce jour de souffrance.
Marie est épouse de Joseph et mère de Jésus. Hier comme aujourd’hui, la famille est le cœur battant de la société ; cellule inaliénable de la vie commune ; architrave irremplaçable des relations humaines ; amour pour toujours qui sauvera le monde.
Marie est femme et mère. Génie féminin et tendresse. Sagesse et charité. Marie, comme mère de tous, « est signe d’espérance pour les peuples qui souffrent les douleurs de l’enfantement », elle est « la missionnaire qui se fait proche de nous pour nous accompagner dans la vie » et « comme une vraie mère, elle marche avec nous, lutte avec nous, et répand sans cesse la proximité de l’amour de Dieu » (Exhort. ap. Evangelii gaudium n. 286).
O Marie, Mère du Seigneur,
Tu as été pour ton divin Fils le premier reflet de la miséricorde de son Père,
cette miséricorde qu’à Cana, tu lui as demandé de manifester.
À l’heure où ton Fils nous révèle le Visage du Père jusqu’aux conséquences extrêmes de l’amour,
tu temets, en silence, sur ses pas, première disciple de la croix.
O Marie, Vierge fidèle,
prends soin de tous les orphelins de la Terre,
protège toutes les femmes, objet d’exploitation et de violence.
Suscite des femmes courageuses pour le bien de l’Église.
Inspire à chaque mère d’éduquer ses enfants dans la tendresse de l’Amour de Dieu,
et, à l’heure de l’épreuve, d’accompagner leur chemin avec la force silencieuse de sa foi.
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Tous :
Pater noster, qui es in caelis :
sanctificetur nomen tuum ;
adveniat regnum tuum ;
fiat voluntas tua, sicut in caelo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie ;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem ;
sed libera nos a malo. Amen.
Quae mœrebat et dolebat
pia Mater, dum videbat
Nati pœnas incliti.
Cinquième Station
Jésus est aidé par Simon de Cyrène à porter sa croix
V. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De l’Évangile selon saint Marc (15, 21-22)
Ils réquisitionnent, pour porter sa croix, un passant, Simon de Cyrène, le père d’Alexandre et de Rufus, qui revenait des champs. Et ils amènent Jésus au lieu-dit Golgotha, ce qui se traduit : ‘Lieu-du-crâne’.
Dans l’histoire du salut apparaît un homme inconnu, Simon de Cyrène, un travailleur qui revenait des champs, est contraint à porter la croix. Mais justement, en lui, agit d’abord la grâce de l’amour du Christ qui passe à travers cette croix. Et Simon, contraint à porter un poids à contre cœur, deviendra un disciple du Seigneur.
La souffrance, quand elle frappe à notre porte, n’est jamais attendue. Elle apparaît toujours comme une contrainte, parfois même comme une injustice. Et elle peut nous trouver dramatiquement démunis. Une maladie peut ruiner nos projets de vie. Un enfant avec un handicap pourrait troubler les rêves d’une maternité si désirée. Cette peine non voulue frappe, cependant, d’une façon impérieuse le cœur de l’homme. Comment nous comportons-nous devant la souffrance d’une personne aimée ? Sommes-nous vraiment attentifs au cri de celui qui souffre mais vit loin de nous ?
Le Cyrénéen nous aide à entrer dans la fragilité de l’âme humaine et met en lumière un autre aspect de l’humanité de Jésus. Même le Fils de Dieu a eu besoin de quelqu’un qui l’aide à porter la croix. Qui est donc le Cyrénéen ? C’est la miséricorde de Dieu qui se rend présente dans l’histoire des êtres humains. Dieu se salit les mains avec nous, avec nos péchés et nos fragilités. Il n’en a pas honte. Et il ne nous abandonne pas.
Seigneur Jésus,
nous te remercions pour ce don qui dépasse toute attente et nous révèle ta miséricorde.
Tu nous as aimés non seulement jusqu’à nous donner le salut, mais jusqu’à nous rendre instrument du salut.
Alors que ta croix donne sens à chacune de nos croix, la grâce suprême de la vie nous est donnée à nous :
participer activement au mystère de la rédemption,
être instrument de salut pour nos frères.
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Tous :
Pater noster, qui es in caelis :
sanctificetur nomen tuum ;
adveniat regnum tuum ;
fiat voluntas tua, sicut in caelo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie ;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem ;
sed libera nos a malo. Amen.
Quis est homo qui non fleret,
Matrem Christi si videret
In tanto supplicio ?
Sixième Station
Véronique essuie le visage de Jésus
V. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
Du livre du prophète Isaïe (53, 2-3)
Il était sans apparence ni beauté qui attire nos regards, son aspect n’avait rien pour nous plaire. Méprisé abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, il était pareil à celui devant qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien.
Au milieu de l’agitation de la foule qui assiste à la montée de Jésus au Calvaire, apparaît Véronique, une femme sans visage, sans histoire. C’est pourtant une femme courageuse, prête à écouter l’Esprit et à en suivre les inspirations, capable de reconnaître la gloire du Fils de Dieu dans le visage défiguré de Jésus, et d’en percevoir l’invitation : « Ô vous tous qui passez sur le chemin, regardez et voyez s’il est une douleur pareille à la douleur que j’endure » (Lm 1, 12).
L’amour, que cette femme incarne, nous laisse sans paroles. L’amour la rend forte pour défier les gardes, pour dépasser la foule, pour s’approcher du Seigneur et accomplir un geste de compassion et de foi : arrêter le sang des blessures, essuyer les larmes de douleur, contempler le visage défiguré, derrière lequel est caché le visage de Dieu.
Nous sommes portés instinctivement à fuir la souffrance, parce que la souffrance fait horreur. Que de visages défigurés par les afflictions de la vie viennent à notre rencontre et trop souvent nous tournons le regard de l’autre côté. Comment ne pas voir le visage du Seigneur dans celui des millions de migrants, de réfugiés et de déplacés qui fuient désespérément l’horreur des guerres, des persécutions et des dictatures ? Pour chacun d’eux, avec son visage unique, Dieu se manifeste toujours comme un sauveteur courageux. Comme Véronique, la femme sans visage, qui essuie avec amour le visage de Jésus.
« C’est la face, Seigneur, que je cherche » (Ps 26, 8).
Aide-moi à la trouver dans les frères qui parcourent le chemin de la souffrance et de l’humiliation.
Fais que je sache essuyer les larmes et le sang des vaincus de tout temps,
de tous ceux que la société riche et insouciante écarte sans scrupule.
Fais que derrière chaque visage, même celui de l’homme le plus abandonné, je puisse voir ton visage d’une beauté infinie.
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sanctificetur nomen tuum ;
adveniat regnum tuum ;
fiat voluntas tua, sicut in caelo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie ;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem ;
sed libera nos a malo. Amen.
Quis non posset contristari,
Christi Matrem contemplari
dolentem cum Filio ?
Septième Station
Jésus tombe pour la deuxième fois
V. Adoramus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
Du livre du prophète Isaïe (53, 5)
C’est à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé, à cause de nos fautes qu’il a été broyé. Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui : par ses blessures, nous sommes guéris.
Jésus tombe encore. Broyé mais non tué par le poids de la croix. Encore une fois il met à nu son humanité. C’est une expérience à la limite de l’impuissance, de la honte devant qui le raille, d’humiliation devant qui avait espéré en lui. Personne ne voudrait jamais tomber à terre et faire l’expérience de l’échec. Spécialement devant d’autres personnes.
Souvent, les hommes se rebellent à l’idée de ne pas avoir de pouvoir, de ne pas avoir la capacité d’avancer dans leur vie. Jésus, au contraire, incarne le “pouvoir des sans pouvoir”. Il expérimente le tourment de la croix et la force salvifique de la foi. Seul Dieu peut nous sauver. Seul Lui peut transformer un signe de mort en une croix glorieuse.
Si Jésus est tombé à terre une deuxième fois, à cause du poids de notre péché, acceptons alors nous aussi de tomber, d’être tombé, de pouvoir encore tomber à cause de nos péchés. Reconnaissons que nous ne pouvons pas nous sauver par nos propres forces.
Seigneur Jésus, qui as accepté l’humiliation de tomber encore sous les yeux de tous,
nous voudrions te contempler non seulement tandis que tu es dans la poussière,
mais fixer notre regard en toi,
dans la même position, nous aussi à terre, tombés à cause de nos faiblesses.
Donne-nous la conscience de notre péché,
cette volonté de nous relever qui naît de la douleur.
Donne à toute ton Église la conscience de la souffrance.
Offre en particulier aux ministres de la Réconciliation le don des larmes pour leur péché.
Comment pourraient-ils invoquer sur eux-mêmes et sur les autres ta miséricorde
s’ils ne savaient pas d’abord pleurer leurs propres fautes ?
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Pater noster, qui es in caelis :
sanctificetur nomen tuum ;
adveniat regnum tuum ;
fiat voluntas tua, sicut in caelo, et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie ;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris;
et ne nos inducas in tentationem ;
sed libera nos a malo. Amen.
Pro peccatis suae gentis
vidit Iesum in tormentis
et flagellis subditum.
Huitième Station
Jésus rencontre les femmes de Jérusalem
V. Adoremus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De l’Évangile selon saint Luc (23, 27-28).
Le peuple, en grande foule, le suivait, ainsi que des femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur Jésus. Il se retourna et leur dit : « Filles de Jérusalem ne pleurez pas sur moi ! Pleurez plutôt sur vous-même et sur vos enfants ! ».
Jésus, même s’il est transpercé de douleur et cherche refuge dans le Père, éprouve de la compassion pour le peuple qui le suit et il s’adresse directement aux femmes qui l’accompagnent sur le chemin du Calvaire. Et son appel est un appel fort à la conversion.
Ne pleurez pas pour moi, dit le Nazaréen, parce que j’accomplis la volonté du Père, mais pleurez sur vous pour toutes les fois où vous ne faites pas la volonté de Dieu.
Il est l’Agneau de Dieu qui parle et qui, en portant sur ses épaules le péché du monde, purifie le regard de ces filles, déjà tourné vers lui, mais de manière encore imparfaite. « Que devons-nous faire ? » semblent crier les pleurs de ces femmes devant l’Innocent. C’est la même demande que les foules avaient adressée au Baptiste (cf. Lc 3, 10) et qu’ensuite répètent les auditeurs de Pierre après la Pentecôte, sentant leur cœur se transpercer : « Que devons-nous faire ? » (Ac 2, 37).
La réponse est simple et nette : « Convertissez-vous ». Une conversion personnelle et communautaire : « Priez les uns pour les autres afin d’être guéris » (Jc 5, 16). Il n’y a pas de conversion sans charité. Et la charité est la manière d’être Église.
Seigneur Jésus,
Que ta grâce soutienne notre chemin de conversion pour revenir à toi, en communion avec nos frères, envers qui nous te demandons de nous donner tes entrailles mêmes de miséricorde, entrailles maternelles qui nous rendent capables d’éprouver de la tendresse et de la compassion les uns pour les autres, et d’arriver aussi au don de nous-mêmes pour le salut du prochain.
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Pater noster, qui es in cælis :
sanctificetur nomen tuum ;
adveniat regnum tuum ;
fiat voluntas tua, sicut in cælo et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie ;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris ;
et ne nos inducas in tentationem ;
sed libera nos a malo. Amen.
Eia, Mater, fons amoris,
me sentire vim doloris
fac, ut tecum lugeam.
Neuvième Station
Jésus tombe pour la troisième fois
V. Adoremus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De la lettre aux Philippiens (2, 6-7).
Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes.
Jésus tombe pour la troisième fois. Le Fils de Dieu fait l’expérience jusqu’au bout de la condition humaine. Avec cette chute il entre encore plus durablement dans l’histoire de l’humanité. Et il accompagne, à chaque instant, l’humanité souffrante. « Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28, 20).
Que de fois les hommes et les femmes tombent à terre ! Que de fois les hommes, les femmes et les enfants souffrent pour une famille brisée ! Que de fois les hommes et les femmes pensent ne plus avoir de dignité parce qu’ils n’ont pas de travail ! Que de fois les jeunes sont contraints de mener une vie précaire et perdent l’espérance pour l’avenir !
L’homme qui tombe, et qui contemple le Dieu qui tombe, est l’homme qui peut admettre enfin sa propre faiblesse et impuissance, sans plus de crainte ni de désespoir, justement parce que Dieu aussi les a éprouvées en son Fils. C’est par miséricorde que Dieu s’est abaissé à ce point, jusqu’à être couché dans la poussière de la route. Poussière imprégnée de la sueur d’Adam et du sang de Jésus et de tous les martyrs de l’histoire ; poussière bénie par les larmes de tant de frères tombés en raison de la violence et de l’exploitation de l’homme par l’homme. Le Seigneur a réservé sa dernière étreinte à cette poussière bénie, outragée, violée et pillée par l’égoïsme des hommes.
Seigneur Jésus,
prostré sur cette terre desséchée,
tu es proche de tous les hommes qui souffrent
et tu infuses en leurs cœurs la force de se relever.
Je te prie, Dieu de miséricorde,
pour tous ceux qui sont à terre pour diverses raisons :
péchés personnels, échec dans le mariage, solitude,
perte du travail, drames familiaux, angoisse pour l’avenir.
Fais sentir que tu n’es pas loin de chacun d’eux,
puisque le plus proche de toi, qui es la miséricorde incarnée,
c’est l’homme qui reconnaît qu’il a le plus besoin de pardon
et qui continue à espérer contre toute espérance.
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adveniat regnum tuum ;
fiat voluntas tua, sicut in cælo et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie ;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris ;
et ne nos inducas in tentationem ;
sed libera nos a malo. Amen.
Fac, ut ardeat cor meum
in amando Christum Deum,
ut sibi complaceam.
Dixième Station
Jésus est dépouillé de ses vêtements
V. Adoremus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De l’Évangile selon saint Marc (15, 24).
Alors ils le crucifient, puis se partagent ses vêtements, en tirant au sort pour savoir la part de chacun.
Au pied de la croix, sous le Crucifié et les larrons qui souffrent, se trouvent les soldats qui se disputent les vêtements de Jésus. C’est la banalité du mal.
Le regard des soldats est loin de cette souffrance, distant de l’histoire qui les entoure. Il semble que ce qui est en train de se passer ne les touche pas. Alors que le Fils de Dieu subit le supplice de la croix, ils continuent imperturbables à mener une vie où les passions ont le dessus sur tout. Voilà le grand paradoxe de la liberté que Dieu a accordée à ses enfants. Face à la mort de Jésus, tout homme peut choisir : contempler Jésus ou bien « tirer au sort ».
La distance qui sépare le Crucifié de ses bourreaux est énorme. L’intérêt mesquin pour les vêtements ne leur permet pas de saisir le sens de ce corps sans défense et méprisé, moqué et martyrisé, dans lequel s’accomplit la volonté divine de salut de toute l’humanité.
Ce corps que le Père a « préparé » pour le Fils (cf. Ps 40, 7 ; He 10, 5) exprime à présent l’amour du Fils envers le Père et le don total de Jésus aux hommes. Ce corps dépouillé de tout, hormis l’amour, renferme en lui la douleur immense de l’humanité et raconte toutes ses plaies. Surtout les plus douloureuses : les plaies des enfants profanés dans leur intimité.
Ce corps muet et sanglant, flagellé et humilié, indique la route de la justice. La justice de Dieu qui transforme la souffrance la plus atroce en lumière de la Résurrection.
Seigneur Jésus,
Je voudrais te présenter toute l’humanité souffrante.
Les corps d’hommes et de femmes, d’enfants et de personnes âgées, de malades et de personnes handicapées qui ne sont pas respectés dans leur dignité.
Combien de violences tout au long de l’histoire de cette humanité ont atteint ce que l’homme a de plus intime, quelque chose de sacré et de béni parce que venant de Dieu.
Nous te prions, Seigneur, pour celui qui est violenté dans son intimité.
Pour celui qui ne saisit pas le mystère de son corps, ne l’accepte pas ou en défigure la beauté,
pour celui qui ne respecte pas la faiblesse et la sacralité du corps qui vieillit et qui meurt.
Et qui, un jour, ressuscitera !
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Pater noster, qui es in cælis :
sanctificetur nomen tuum ;
adveniat regnum tuum ;
fiat voluntas tua, sicut in cælo et in terra.
Panem nostrum cotidianum da nobis hodie ;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris ;
et ne nos inducas in tentationem ;
sed libera nos a malo. Amen.
Sancta Mater, istud agas,
crucifixi fige plagas
cordi meo valide.
Onzième Station
Jésus est crucifié
V. Adoremus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De l’Évangile selon saint Luc (23, 39-43).
L’un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » Mais l’autre lui fit de vifs reproches : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné toi aussi ! Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. » Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » Jésus lui déclara : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
Jésus est sur la croix, « arbre fécond et glorieux », « chambre nuptiale, trône et autel » (Hymne liturgique « Voici l’étendard de la croix »). Et du haut de ce trône, point d’attraction de l’univers entier (cf. Jn 12, 32), il pardonne à ceux qui le crucifient « parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34). Sur la croix du Christ, « la balance du grand rachat » (Hymne liturgique « Voici l’étendard de la croix »), resplendit une toute-puissance qui se dépouille, une sagesse qui s’abaisse jusqu’à la folie, un amour qui s’offre en sacrifice.
À droite et à gauche de Jésus il y a deux malfaiteurs, probablement deux meurtriers. Ces deux malfaiteurs parlent au cœur de tout homme parce qu’ils indiquent deux manières différentes d’être sur la croix : le premier maudit Dieu ; le second reconnaît Dieu sur cette croix. Le premier malfaiteur propose la solution la plus facile pour tous. Il propose un salut humain, et il a un regard tourné vers le bas. Le salut signifie pour lui s’échapper de la croix et éliminer la souffrance. C’est la logique de la culture du déchet. Il demande à Dieu d’éliminer tout ce qui n’est pas utile et tout ce qui n’est pas digne d’être vécu.
Le second malfaiteur, en revanche, ne marchande pas une solution. Il propose un salut divin et il a un regard entièrement tourné vers le ciel. Le salut signifie pour lui accepter la volonté de Dieu, même dans les pires conditions. C’est le triomphe de la culture de l’amour et du pardon.
C’est la folie de la croix à l’égard de laquelle toute sagesse humaine ne peut que disparaître et se taire dans le silence.
Donne-moi, Ô Crucifié par amour,
ton pardon qui oublie et ta miséricorde qui recrée.
Fais-moi expérimenter, à chaque confession,
la grâce qui m’a créé à ton image et ressemblance
et qui me recrée chaque fois que je dépose ma vie,
avec toutes ses misères, dans les mains pleines de pitié du Père.
Que ton pardon résonne pour moi comme la certitude de l’amour qui me sauve,
me renouvelle et me fait demeurer avec toi pour toujours.
Alors je serai vraiment un malfaiteur gracié
et chaque fois ton pardon sera comme un avant-goût du Paradis, dès aujourd’hui.
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Panem nostrum cotidianum da nobis hodie ;
et dimitte nobis debita nostra,
sicut et nos dimittimus debitoribus nostris ;
et ne nos inducas in tentationem ;
sed libera nos a malo. Amen.
Tui Nati vulnerati,
tam dignati pro me pati,
pœnas mecum divide.
Douzième Station
Jésus meurt sur la croix
V. Adoremus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De l’Évangile selon saint Marc (15, 33-39).
Quand arriva la sixième heure, l’obscurité se fit sur toute l a terre jusqu’à la neuvième heure. Et à la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : « Éloï, Éloï, lema sabactani ? », ce qui se traduit : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » L’ayant entendu, quelques-uns de ceux qui étaient là disaient : « Voilà qu’il appelle le prophète Élie ! » L’un deux courut tremper une éponge dans une boisson vinaigrée, il la mit au bout d’un roseau, et il lui donnait à boire en disant : « Attendez ! nous verrons bien si Élie vient le descendre de là ! » Mais Jésus, poussant un grand cri, expira. Le rideau du Sanctuaire se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas. Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, déclara : « Vraiment cet homme était Fils de Dieu ! »
Obscurité à midi : il se passe quelque chose d’absolument inouï et d’imprévisible sur la terre, mais qui n’appartient pas seulement à la terre. L’homme tue Dieu ! Le Fils de Dieu a été crucifié comme un malfaiteur.
Jésus s’adresse au Père en criant les premières paroles du Psaume 22. C’est le cri de la souffrance et de la désolation, mais c’est aussi le cri de la complète « confiance en la victoire divine » et de la « certitude de la gloire » (Benoît XVI, Catéchèse, 14 septembre 2011).
Le cri de Jésus est le cri de chaque crucifié de l’histoire, de l’abandonné et de l’humilié, du martyr et du prophète, de celui qui est calomnié et injustement condamné, de celui qui est en exil ou en prison. C’est le cri de la désespérance humaine, qui aboutit cependant dans la victoire de la foi qui transforme la mort en vie éternelle. « Je proclame ton nom devant mes frères, je te loue en pleine assemblée » (Ps 21, 23).
Jésus meurt sur la croix. Est-ce la mort de Dieu ? Non, c’est la célébration la plus haute du témoignage de la foi. Le XXème siècle a été défini comme le siècle des martyrs. Des exemples comme ceux de Maximilien Kolbe et d’Édith Stein expriment une immense lumière. Mais encore aujourd’hui le corps du Christ est crucifié en de nombreuses régions du monde. Les martyrs du XXIème siècle sont les vrais apôtres du monde contemporain.
Dans la grande obscurité la foi s’allume : « Vraiment cet homme était le fils de Dieu ! », parce que celui qui meurt ainsi, transformant en espérance de vie le désespoir de la mort, ne peut pas être simplement un homme.
Le crucifié est l’offrande parfaite.
Il ne s’est rien gardé, ni un lambeau de vêtement, ni une goutte de sang, ni sa Mère.
Il a tout donné : « Consummatum est ».
Quand il n’y a plus rien à donner parce que tout a été donné,
alors on devient capable de véritables dons.
Dépouillé, nu, dévoré par les blessures, par la soif de l’abandon, par les injures :
il n’a plus de figure humaine.
Tout donner : voilà la charité.
Où finit ce qui est mien, commence le Paradis.
(don Primo Mazzolari)
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sicut et nos dimittimus debitoribus nostris ;
et ne nos inducas in tentationem ;
sed libera nos a malo. Amen.
Vidit suum dulcem Natum
moriendo desolatum,
dum emisit spiritum.
Treizième Station
Jésus est déposé de la croix
V. Adoremus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De l’Évangile selon saint Marc (15, 42-43. 46a).
Déjà il se faisait tard ; or, comme c’était le jour de la Préparation, qui précède le sabbat, Joseph d’Arimathie intervint. C’était un homme influent, membre du Conseil, et il attendait lui aussi le règne de Dieu. Il eut l’audace d’aller chez Pilate pour demander le corps de Jésus. Alors il acheta un linceul et descendit Jésus de la croix.
Joseph d’Arimathie accueille Jésus avant d’avoir encore vu sa gloire. Il l’accueille en tant que vaincu. En tant que malfaiteur. En tant que rejeté. Il réclame le corps à Pilate pour ne pas permettre qu’il soit jeté dans la fosse commune. Joseph met en danger sa réputation et peut-être également, comme Tobie, sa vie (cf. Tb 1, 15-20). Mais le courage de Joseph n’est pas l’audace des héros dans la bataille. Le courage de Joseph c’est la force de la foi. Une foi qui devient accueil, gratuité et amour. En un mot : charité.
Le silence, la simplicité et la sobriété avec lesquels Joseph s’approche du corps de Jésus contraste avec l’ostentation, la banalisation et le faste des funérailles des puissants de ce monde. Le témoignage de Joseph rappelle, en revanche, tous ces chrétiens qui, encore aujourd’hui, mettent leur vie en danger pour des funérailles.
Qui pouvait accueillir le corps sans vie de Jésus si non celle qui lui avait donné la vie ? Nous pouvons imaginer les sentiments de Marie qui l’accueille dans ses bras, elle qui avait cru aux paroles de l’Ange et avait tout gardé dans son cœur.
Marie, alors qu’elle embrasse son enfant inanimé, répète encore une fois son « fiat ». C’est le drame et l’épreuve de la foi. Aucune créature ne l’a soufferte comme Marie, la mère qui nous a tous engendrés à la foi au pied de la croix.
Il répétait la prière du monde :
« Père, Abba, s’il est possible… ».
Seul un rameau d’olivier se balançait au-dessus de sa tête
par un vent silencieux…
Mais tu n’as pas ôté une épine de la couronne.
Transpercée aussi la pensée,
elle ne peut, elle ne peut là-haut,
la pensée, ne pas saigner !
Et pas une main
tu ne lui a déclouée du bois :
pour qu’il essuie le sang de ses yeux
et lui soit donné de voir
au moins la Mère là,
seule…
Même les puissants,
et les maîtres en férocité,
et les gens en le voyant
se couvraient la face
et lui, flottant dans un nuage :
dans le nuage du divin abandon.
Et après, seulement après.
Toi et nous à lui rendre la vie
(Padre Turoldo)
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sed libera nos a malo. Amen.
Fac me tecum pie flere
Crucifixo condolere
donec ego vixero.
Quatorzième Station
Jésus est mis au tombeau
V. Adoremus te, Christe, et benedicimus tibi.
R. Quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum.
De l’Évangile selon saint Matthieu (27, 59-60).
Prenant le corps [de Jésus], Joseph l’enveloppa dans un linceul immaculé, et le déposa dans le tombeau neuf qu’il s’était fait creuser dans le roc. Puis il roula une grande pierre à l’entrée du tombeau et s’en alla.
Alors que Joseph ferme le tombeau de Jésus, celui-ci descend aux enfers et en ouvre grand les portes.
Ce que l’Église occidentale appelle « descente aux enfers », l’Église orientale le célèbre déjà comme Anastasi, c’est-à-dire « Résurrection ». Les Églises sœurs communiquent ainsi à l’homme la pleine Vérité de cet unique Mystère : « Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter, ô mon peuple. Je mettrai en vous mon esprit et vous vivrez » (Ez 37, 12.14).
Ton Église, Seigneur, chante chaque matin : « Grâce à la tendresse, à l’amour de notre Dieu, quand nous visite l’astre d’en-haut, pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort » (Lc 1, 78-79).
L’homme aveuglé de lumières qui ont la couleur des ténèbres, poussé par les forces du mal, a roulé une grande pierre et t’a enfermé dans le tombeau. Mais nous savons que toi, Dieu humble, dans le silence où t’a mis notre liberté, tu es à l’œuvre plus que jamais pour engendrer une grâce nouvelle dans l’homme que tu aimes. Entre donc, dans nos tombeaux : ravive l’étincelle de ton amour dans le cœur de tout homme, au sein de toute famille, sur le chemin de tout peuple.
O Christ Jésus !
Nous marchons tous vers notre mort
et notre tombe.
Permet-nous de nous arrêter en esprit
près de ton tombeau.
Que la puissance de Vie,
qui s’y est manifestée,
transperce nos cœurs.
Que cette Vie devienne
la lumière de notre pèlerinage sur la terre.
Amen.
(Saint Jean-Paul II)
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sed libera nos a malo. Amen.
Quando corpus morietur,
fac, ut animæ donetur
Paradisi gloria.
Amen.
Ô Croix du Christ !
Ce vendredi Saint le Pape présidait le traditionnel chemin de Croix au Colisée de Rome. Les méditations de cette célébration ont été confiées au cardinal Gualtiero Bassetti, archevêque de Pérouse (Italie) sur le thème « Dieu est miséricorde« . À l’issue de la cérémonie le pape François a récité la prière ci-dessous qu’il a lui-même rédigée.
Ô Croix du Christ, symbole de l’amour divin et de l’injustice humaine, icône du sacrifice suprême par amour et de l’égoïsme extrême par stupidité, instrument de mort et chemin de résurrection, signe de l’obéissance et emblème de la trahison, échafaud de la persécution et étendard de la victoire.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dressée en nos soeurs et nos frères tués, brûlés vifs, égorgés et décapités avec des épées barbares et dans le silence lâche.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les visages des enfants, des femmes et des personnes, épuisés et apeurés qui fuient les guerres et les violences et ne trouvent souvent que la mort et tant de Pilate aux mains lavées.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les docteurs de la lettre et non de l’esprit, de la mort et non de la vie, qui au lieu d’enseigner la miséricorde et la vie, menacent de punition et de mort et condamnent le juste.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les ministres infidèles qui au lieu de se dépouiller de leurs vaines ambitions dépouillent même les innocents de leur dignité.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les coeurs endurcis de ceux qui jugent facilement les autres, coeurs prêts à les condamner même à la lapidation, sans jamais s’apercevoir de leurs propres péchés et de leurs fautes.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les fondamentalismes et dans le terrorisme des adeptes de certaines religions qui profanent le nom de Dieu et l’utilisent pour justifier leurs violences inouïes.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui en ceux qui veulent t’enlever des lieux publics et t’exclure de la vie publique, au nom de quelque paganisme laïc ou même au nom de l’égalité que tu nous as toi-même enseignée.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les puissants et dans les vendeurs d’armes qui alimentent le four des guerres avec le sang innocent des frères.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les traitres qui, pour trente deniers, livrent n’importe qui à la mort.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les voleurs et les corrompus qui au lieu de sauvegarder le bien commun et l’éthique se vendent dans le misérable marché de l’immoralité.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les sots qui construisent des entrepôts pour conserver des trésors qui périssent, laissant Lazare mourir de faim à leurs portes.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les destructeurs de notre “maison commune” qui par leur égoïsme ruinent l’avenir des générations futures.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les personnes âgées abandonnées de leurs proches, dans les personnes avec un handicap et dans les enfants sous-alimentés et écartés par notre société hypocrite et égoïste.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans notre Méditerranée et dans la Mer Égée devenues un cimetière insatiable, image de notre conscience insensible et droguée.
Ô Croix du Christ, image de l’amour sans fin et chemin de la Résurrection, nous te voyons encore aujourd’hui dans les personnes bonnes et justes qui font le bien sans chercher les applaudissements ou l’admiration des autres.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les ministres fidèles et humbles qui éclairent l’obscurité de notre vie comme des bougies qui se consument gratuitement pour éclairer la vie de ceux qui sont les derniers.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les visages des soeurs et des personnes consacrées – les bons samaritains – qui abandonnent tout pour panser dans le silence évangélique, les blessures de la pauvreté et de l’injustice.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les miséricordieux qui trouvent dans la miséricorde l’expression la plus haute de la justice et de la foi.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les personnes simples qui vivent joyeusement leur foi dans le quotidien et dans l’observance filiale des commandements.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les repentis qui savent, de la profondeur de la misère de leurs péchés, crier : Seigneur, souviens-toi de moi dans ton Royaume !
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les bienheureux et dans les saints qui savent traverser l’obscurité de la nuit de la foi sans perdre la confiance en toi et sans prétendre comprendre ton silence mystérieux.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les familles qui vivent leur vocation au mariage avec fidélité et fécondité.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les bénévoles qui secourent généreusement les personnes dans le besoin et celles qui sont battues.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les persécutés pour leur foi qui dans la souffrance continuent à rendre un témoignage authentique à Jésus et à l’Évangile.
Ô Croix du Christ, nous te voyons encore aujourd’hui dans les rêveurs qui vivent avec un coeur d’enfant et qui travaillent chaque jour pour rendre le monde un peu meilleur, plus humain et plus juste. Dans ta sainte Croix, nous voyons Dieu qui aime jusqu’au bout, et nous voyons la haine qui fait la loi et assèche les coeurs et les esprits de ceux qui préfèrent les ténèbres à la lumière.
Ô Croix du Christ, Arche de Noé qui a sauvé l’humanité du déluge du péché, sauve-nous du mal et du malin!
Ô Trône de David et sceau de l’alliance divine et éternelle, réveille-nous des séductions de la vanité !
Ô cri d’amour, suscite en nous le désir de Dieu, du bien et de la lumière.
Ô Croix du Christ, enseigne-nous que l’aube du soleil est plus forte que l’obscurité de la nuit.
Ô Croix du Christ, enseigne-nous que l’apparente victoire du mal se dissipe devant le tombeau vide et face à la certitude de la Résurrection et de l’amour de Dieu que rien ne peut vaincre ou obscurcir ou affaiblir.
Amen !
Échos du Vatican
Le Pape fait son entrée sur Instagram et l’Église rentre dans la semaine sainte.
Pape François : 3 ans de pontificat
Trois années sont passées depuis l’élection, le 13 mars 2013, du pape François sur le trône de Pierre. Depuis ce temps, le pape argentin n’a cessé de surprendre, en paroles et en actes, avec un style franc, percutant et parfois provocateur.
Le Souverain Pontife venu du bout du monde a réussi, par sa sobriété, sa simplicité et sa proximité à imposer au Vatican un style nouveau, qui contribue au caractère inédit de son pontificat. Aussitôt arrivé, Jorge Mario Bergoglio lançait déjà un grand chantier pour nettoyer l’Église de l’intérieur et balayer les vices qui La rongent en son sein : établissement d’un conseil de cardinaux qu’il choisit pour l’aider à réformer la Curie. Instauration d’un secrétariat pour l’économie afin d’assurer la transparence des finances du Saint-Siège. Création d’une instance chargée de juger les évêques qui ont couvert les crimes commis par des prêtres pédophiles…
Voilà pourquoi François a lancé cette année le jubilé extraordinaire de la miséricorde. Pour rendre l’Église « attentive aux cris des plus petits », pour « donner à manger aux affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, accueillir les étrangers, assister les malades, visiter les prisonniers ». L’occasion également de donner à l’Église l’image d’un « hôpital de campagne après la bataille », de sortir du confort et d’ouvrir les yeux pour voir les misères du monde.
En trois ans de pontificat l’ancien archevêque de Buenos Aires, de nature plutôt casanière selon son propre aveu, s’est lui-même rendu aux quatre coins du monde, dans ces « périphéries humaines, géographiques et existentielles », pour se rapprocher notamment des personnes en souffrance et leur apporter la tendresse de Dieu.
À l’instar d’un bon père de famille qui visite ses enfants malades, il trouve des mots pour réconforter ceux qui vivent en marge de la société, et pour dénoncer la « culture du rejet », depuis son tout premier déplacement en juillet 2013 sur l’île de Lampedusa où il fustigeait la « mondialisation de l’indifférence », jusqu’à son dernier voyage en février 2016 où il condamnait « la tragédie humaine des migrations forcées », lors d’une messe célébrée à la frontière entre le Mexique et les États-Unis.
Sur la scène politique, n’en déplaise à certains, sa parole résonne au-delà des murs du Vatican. Son encyclique sur l’environnement par exemple était très attendue pour influencer l’opinion publique en faveur d’une action pour le changement climatique.
Sur le terrain social, le souverain Pontife plaide en faveur d’une Église engagée, agissante et impliquée afin de promouvoir des alternatives créatives à « l’économie sans visage », qui « tue » et qui « exclut ».
Concernant le dialogue interreligieux, le Saint-Père multiplie les gestes forts pour appeler chrétiens, juifs, et musulmans à collaborer ensemble pour la paix et la justice. Son étreinte, tout autant symbolique qu’amicale, avec un rabbin et un professeur musulman devant le mur des Lamentations est inédite, mais le dialogue et l’annonce, précise-t-il, « ne doivent pas être confondus, ni instrumentalisés, ni considérés comme équivalents ou interchangeables ».
Dans la sphère diplomatique son influence n’est pas négligeable non plus. Et c’est un euphémisme, car le Pape lui-même s’est engagé dans la reprise des discussions entre Cuba et les États-Unis, puis dans le réchauffement des relations entre les deux pays. Son voyage apostolique aux USA en septembre dernier, précédé d’une visite à Cuba, est une allégorie du rôle qu’il a joué entre les deux parties.
En l’espace de trois ans le pape François a déjà parcouru plus de 150 000 km en avion à travers le monde, effectuant 12 voyages apostoliques (hors d’Italie) et visitant une vingtaine de pays. Il a également convoqué deux synodes des évêques pour répondre aux défis de la famille aujourd’hui, publié une exhortation apostolique présentée comme un programme sur la joie de l’Évangile, écrit deux encycliques dont une sur « notre maison commune », la Création. Le souverain Pontife a par ailleurs canonisé deux de ses prédécesseurs, Jean XXIII et Jean Paul II, et il canonisera le 4 septembre prochain la bienheureuse Mère Teresa.
Commentant ces trois premières années de pontificat, le père Federico Lombardi, porte-parole du Vatican, a estimé qu’elles sont marquées par la capacité du Saint-Père à intercepter et répondre aux questions de dimension planétaire. Le pape François quant à lui confiait déjà l’année dernière avoir « la sensation » que son pontificat pourrait être assez bref, de l’ordre de quatre ou cinq ans…
Échos du Vatican
Retour dans cette émission sur 3 ans de pontificat avec le pape François, et retour également sur l’affaire Vatileaks 2
Reconsidérer le rôle de l’Église en éducation au Québec
(Photo: Catholic News Service)
Depuis toujours, l’Église catholique s’est consacrée à la mission d’éducation. En effet, selon l’esprit même de son Fondateur, elle a su mettre en pratique sa mission d’aider à faire fructifier toutes les dimensions de la personne humaine qu’elle soit corporelle, intellectuelle ou spirituelle. Au cours de l’histoire, cette implication fondamentale a suscité la création de nombreuses institutions totalement dédiées à l’enseignement et à la formation des nouvelles générations. Des lieux où le savoir et la connaissance de la vérité seraient au cœur de la vie des personnes et qui, par la suite, pourraient améliorer le sort de l’espèce humaine par la découverte de nouvelles applications pratiques. Ces lieux sont ce que l’on nomme encore aujourd’hui « université » c’est-à-dire des lieux où l’universel prend le dessus sur le particulier, où la recherche de la vérité fait norme. C’est au Moyen-Âge et sous l’impulsion et la collaboration de l’Église que de telles institutions reçurent la forme qu’elles ont encore aujourd’hui.
Mais justement, quelle place l’Église doit-elle prendre aujourd’hui dans le domaine de l’éducation. Au Québec, par exemple, l’histoire récente montre que sa présence n’est plus aussi grande qu’elle a pu l’être. Certains diront même que la religion n’a plus sa place à l’école. Cette opinion, que l’on entend souvent, est toutefois quelque peu différente de ce que l’Église elle-même prône. De fait, la liberté de religion demande à ce que soit garantie l’affirmation des orientations fondamentales qu’une religion se donne à elle-même pas de celles qu’elle reçoit de l’extérieur. Ainsi, si l’on regarde partout dans le monde, on trouve dans la majorité des pays du monde des écoles et des universités catholiques qui sont, bien souvent, parmi les plus réputées. Comme le disait le pape François dans Evangelii Gaudium, ne cachant pas sa fierté : « Et combien est grande la contribution des écoles et des universités catholiques dans le monde entier ! » (no 65). Mais revenons à notre sujet de la présence pastorale de l’Église dans les institutions d’enseignement chez nous au Québec et au Canada. Il est clair que le « processus de sécularisation tend à réduire la foi et l’Église au domaine privé et intime » (no 64). Dans ces circonstances, certains croient bénéfique de restreindre la portée des initiatives religieuses puisqu’elles sont considérées comme nuisibles à la paix et à la concorde sociale et à un climat d’étude sain. Toutefois, cette crainte, qu’on peut comprendre si on regarde la présentation qui en est faite dans les médias de masse, n’est pas justifiée.
Selon Sabrina Di Matteo, directrice du Centre étudiant Benoît-Lacroix, l’Église et la pastorale universitaire pourraient jouer un rôle de leadership dans l’offre de services spirituels et intellectuels auprès des étudiants universitaires. Toutefois, cela présupposerait de la part des universités une ouverture au phénomène religieux et une réelle reconnaissance du rôle positif de celui-ci dans la vie universitaire dans son ensemble. De fait, comme l’affirme le pape François « en bien des occasions, l’Église a servi de médiatrice pour favoriser la solution de problèmes qui concernent la paix, la concorde, l’environnement, la défense de la vie, les droits humains et civils, etc. » (no 65). Ainsi, loin d’être un fardeau à porter, les religions doivent être considérées comme des instruments utiles à la vie universitaire et, comme le disait cette semaine le député québécois Amir Kadir, « à la société dans son ensemble ». Que ce soit dans leur souci de recherche de la vérité, la centralité qu’elles accordent à l’éthique, leur ouverture au dialogue et à l’universel sans compter leur souci de situer les différents savoirs à l’intérieur d’un horizon existentiel et des questions de sens, les religions ont une mission essentielle à jouer dans tous les milieux, y compris les universités. De plus, le christianisme et, plus particulièrement, la religion catholique, portant déjà cette mission et ce leadership, ces dernières auraient tout à gagner à lui confier cette nouvelle responsabilité.
Enfin, l’implication de l’Église dans les milieux universitaires n’est pas seulement nécessaire pour les universités, elle l’est également pour l’Église et les chrétiens eux-mêmes qui ont besoin d’être intellectuellement confrontés dans leur croyance et, ce, pour deux raisons principales. D’abord, la raison et les savoirs tels que les sciences humaines et pures, permettent aux croyants, de se défaire de tous les éléments de superstition qui pourraient entacher leur foi et, par conséquent, leur relation avec le Christ. Secondo, cette même confrontation (Disputatio disait-on au Moyen-Âge) permet de mettre en pratique l’appel missionnaire reçu au baptême. En effet, « Les Universités sont un milieu privilégié pour penser et développer cet engagement d’évangélisation de manière interdisciplinaire et intégrée. Les écoles catholiques, qui se proposent toujours de conjuguer la tâche éducative avec l’annonce explicite de l’Évangile, constituent un apport de valeur à l’évangélisation de la culture, même dans les pays et les villes où une situation défavorable nous encourage à faire preuve de créativité pour trouver les chemins adéquats » (no 134).
Comme nous l’avons vu, la mission éducative fait partie intégrante de la mission de l’Église. Celle-ci a donc la responsabilité de s’investir dans ce lieu de recherche et d’étude de la vérité que sont les universités afin de mener non seulement à terme son appel au développement intégral de la personne humaine mais également pour que chaque chrétien puisse, par son engagement missionnaire, grandir dans sa relation avec le Christ. Pour ceux et celles que le sujet intéresse, je vous invite à regarder l’épisode d’Église en sortie du 11 mars 2016 dans lequel nous nous interrogeons, avec le P. André Descôteaux o.p. et Sabrina Di Matteo, sur cette questions ainsi que sur les initiatives concrètes en cette matière, dont le Centre étudiant Benoît-Lacroix.
Échos du Vatican
Écoutez dans cette émission la réaction du Pape après l’assassinat de 4 religieuses missionnaires de la charité, tuées avec 12 autres personnes au Yémen vendredi dernier (4 mars).
Leçon d’humilité pour les disciples de Jésus
Pendant son pèlerinage en Terre Sainte, Sel et Lumière a visité le lieu qui commémore la Dernière Cène, où les disciples ont partagé leur dernier repas ensemble avant la Passion du Chirst. Ce lieu, nous l’appelons aussi Coenaculum ou « Cénacle ».
Les disciples avaient sûrement l’habitude de prendre le repas ensemble et de se retrouver pour les grandes fêtes juives. Ils se sont retrouvés encore une fois pour celle de la Pâques. Pâques, veut dire, « passage »; dans la tradition juive, elle commémore le passage des juifs en Égypte, celui qui les ont amenés à leur délivrance en sécurité. La Dernière Cène anticipe, elle aussi, un passage. Celui de Jésus. Par son sacrifice sur la croix, Jésus nous assure un passage sécuritaire. De la mort à la vie. Comme un pont entre nous, l’humanité, et le Ciel, auprès de Dieu.
Ce dernier repas est donc différent des autres. Dans quelques heures Jésus serait livré, jugé, tué. Marqué par l’attente de sa Passion, Jésus accompli des gestes que ses disciples pourront revivre encore et encore: le lavement des pieds, le partage du pain, la récitation de psaumes et d’hymnes. Mais chaque geste prend une toute autre dimension. Ce mémorial s’accomplit complètement en Jésus. Il leur donne leur forme définitive, non pas pour lui-même ni seulement pour un petit groupe d’amis. Mais pour le salut de toute l’humanité, le salut des pécheurs. Et c’est en devenant le serviteur des serviteurs que cela s’accomplira.
En commençant par le lavement des pieds, un rite bien connu dans la tradition juive. Mais c’est une pratique qui revient normalement au serviteur de la maison et non à l’invité d’honneur, dont Jésus. Il s’identifie alors au serviteur. Laver les pieds était la plus grande humiliation. Les pieds étaient soumis et exposés aux conditions les plus dures, la poussière, les roches, la boue… Pourtant Jésus, le Messie, Fils de Dieu, lave les pieds de chacun de ses disciples. Ces derniers sont scandalisés devant cette humilité. Pierre lui dit: « Tu ne me laveras jamais les pieds! ». Jésus lui répond: « Si je ne te lave pas les pieds, tu n’auras pas de part avec moi ». Refuser de se faire laver par Jésus, c’est refuser son amitié. Tout comme refuser son pardon est un obstacle à sa grâce. Puis il leur dit que celui qui veut être son disciple doit l’imiter.
Au moment de se mettre à table, Jésus leur dit « J’ai ardemment désiré manger cette Pâque avec vous ». Il a désiré depuis longtemps manger ce repas avec ses amis. Pour leur montrer la profondeur de son amour. En partageant le pain et le vin, il dit « Ceci est mon corps donné pour vous », « Ceci est mon sang versé pour vous ». Ainsi il exprime son désir de se donner lui-même en partage. De se donner totalement à ceux qu’il aime. Le don de lui-même qui permettra à chaque homme et femme d’entrer en communion avec lui pour les siècles à venir. Car il dit « Faites ceci en mémoire de moi » et confère son sacerdoce à ses apôtres.
Eucharistie veut dire rendre grâce. Et l’action de grâce implique une participation, un engagement, au don reçu. C’est pourquoi quand nous participons à l’Eucharistie, nous acceptons en même temps de faire de notre vie un don pour les autres, une Eucharistie. Cela devrait se transmettre dans des gestes concrets d’humilité et de service à l’exemple de Jésus. Il nous a montré que c’est la seule façon de l’imiter parfaitement. Comment notre vie est-elle Eucharistie? Jusqu’où irions-nous pour ceux que nous aimons? ou encore pour ceux que nous aimons moins?