Échos du Vatican

Écoutez dans cette émission la réaction du Pape après l’assassinat de 4 religieuses missionnaires de la charité, tuées avec 12 autres personnes au Yémen vendredi dernier (4 mars).

Leçon d’humilité pour les disciples de Jésus

Visitors walk into the Cenacle, the upper room believed to be the site of Jesus’ Last Supper, on Mount Zion in Jerusalem March 28. Pope Francis will celebrate Mass with the ordinaries of the Holy Land and the papal delegation in the Cenacle during his pilgrimage to the Holy Land in May. (CNS photo/Debbie Hill) (March 31, 2014) See HOLYLAND-SCHEDULE (UPDATED) March 27, 2014.

Pendant son pèlerinage en Terre Sainte, Sel et Lumière a visité le lieu qui commémore la Dernière Cène, où les disciples ont partagé leur dernier repas ensemble avant la Passion du Chirst. Ce lieu, nous l’appelons aussi Coenaculum ou « Cénacle ».

Les disciples avaient sûrement l’habitude de prendre le repas ensemble et de se retrouver pour les grandes fêtes juives. Ils se sont retrouvés encore une fois pour celle de la Pâques. Pâques, veut dire, « passage »; dans la tradition juive, elle commémore le passage des juifs en Égypte, celui qui les ont amenés à leur délivrance en sécurité. La Dernière Cène anticipe, elle aussi, un passage. Celui de Jésus. Par son sacrifice sur la croix, Jésus nous assure un passage sécuritaire. De la mort à la vie. Comme un pont entre nous, l’humanité, et le Ciel, auprès de Dieu.

Ce dernier repas est donc différent des autres. Dans quelques heures Jésus serait livré, jugé, tué. Marqué par l’attente de sa Passion, Jésus accompli des gestes que ses disciples pourront revivre encore et encore: le lavement des pieds, le partage du pain, la récitation de psaumes et d’hymnes. Mais chaque geste prend une toute autre dimension. Ce mémorial s’accomplit complètement en Jésus. Il leur donne leur forme définitive, non pas pour lui-même ni seulement pour un petit groupe d’amis. Mais pour le salut de toute l’humanité, le salut des pécheurs. Et c’est en devenant le serviteur des serviteurs que cela s’accomplira.

En commençant par le lavement des pieds, un rite bien connu dans la tradition juive. Mais c’est une pratique qui revient normalement au serviteur de la maison et non à l’invité d’honneur, dont Jésus. Il s’identifie alors au serviteur. Laver les pieds était la plus grande humiliation. Les pieds étaient soumis et exposés aux conditions les plus dures, la poussière, les roches, la boue… Pourtant Jésus, le Messie, Fils de Dieu, lave les pieds de chacun de ses disciples. Ces derniers sont scandalisés devant cette humilité. Pierre lui dit: « Tu ne me laveras jamais les pieds! ». Jésus lui répond: « Si je ne te lave pas les pieds, tu n’auras pas de part avec moi ». Refuser de se faire laver par Jésus, c’est refuser son amitié. Tout comme refuser son pardon est un obstacle à sa grâce. Puis il leur dit que celui qui veut être son disciple doit l’imiter.

Au moment de se mettre à table, Jésus leur dit « J’ai ardemment désiré manger cette Pâque avec vous ». Il a désiré depuis longtemps manger ce repas avec ses amis. Pour leur montrer la profondeur de son amour. En partageant le pain et le vin, il dit « Ceci est mon corps donné pour vous », « Ceci est mon sang versé pour vous ». Ainsi il exprime son désir de se donner lui-même en partage. De se donner totalement à ceux qu’il aime. Le don de lui-même qui permettra à chaque homme et femme d’entrer en communion avec lui pour les siècles à venir. Car il dit « Faites ceci en mémoire de moi » et confère son sacerdoce à ses apôtres.

Eucharistie veut dire rendre grâce. Et l’action de grâce implique une participation, un engagement, au don reçu. C’est pourquoi quand nous participons à l’Eucharistie, nous acceptons en même temps de faire de notre vie un don pour les autres, une Eucharistie. Cela devrait se transmettre dans des gestes concrets d’humilité et de service à l’exemple de Jésus. Il nous a montré que c’est la seule façon de l’imiter parfaitement. Comment notre vie est-elle Eucharistie? Jusqu’où irions-nous pour ceux que nous aimons? ou encore pour ceux que nous aimons moins?

L’euthanasie ou l’humanisme perdu

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Jeudi le 25 février dernier, un rapport d’un comité mixte spécial fédéral a été déposé rendant publiques ses recommandations au Gouvernement fédéral sur l’enjeu crucial de la légalisation de l’euthanasie au pays. Faisant suite au jugement Carter de la Cour Suprême du Canada jugeant la criminalité de l’euthanasie inconstitutionnelle, ce rapport demande à l’éventuelle législation fédérale d’être beaucoup plus large que celle adoptée au Québec. En effet, selon ce rapport, l’État devrait non seulement permettre l’euthanasie volontaire dans les cas de mort imminente suite à une maladie incurable mais également pour les handicapés (Recommandation no 1), les personnes souffrant de troubles psychologiques (Recommandation no 3-4) et même pour les mineurs (Recommandation no 6). Ce document, long de 67 pages, donne ainsi raison à ceux qui craignaient que l’étendard des cas extrêmes utilisés lors des campagnes pro euthanasie n’aient été que le « cheval de Troie » d’un agenda caché. Tout compte fait, l’argument de la « pente glissante » aura encore une fois montré toute sa pertinence. Devant l’importance de cet enjeu, il était naturel que les évêques du Canada se lèvent pour dénoncer un tel effritement du droit le plus fondamental des Canadiens : le droit à la vie.

D’où vient donc cet acharnement en vue de conquérir ce prétendu « droit » à mourir? À ce sujet, plusieurs arguments sont avancés par les défenseurs de l’euthanasie. D’abord, il y a ceux qui voient dans cet enjeu l’exemple d’un combat d’une soi-disant libération. En ce sens, militer pour l’euthanasie aurait une valeur symbolique, ce serait l’occasion de s’insérer dans le mythe d’une modernité émancipatrice et de projeter une image de soi-même, à tort, au côté des grands héros tel Martin Luther King ou William Wilberforce.

D’autres pensent qu’il s’agit d’un combat motivé par la compassion, par une volonté de comprendre l’autre dans sa souffrance et dans les choix qui en découlent. J’imagine que certains pensent vraiment que l’euthanasie est un moyen raisonnable de venir en aide à une personne qui souffre. Loin de moi l’idée de juger l’intention des personnes favorables à cette pratique. Toutefois, l’enjeu mérite que l’on s’intéresse davantage aux arguments avancés plutôt qu’à l’honnêteté des interlocuteurs. Ici comme ailleurs, le prétendu « goût de mourir » n’est rien d’autre qu’un appel à l’aide déguisé. Une requête d’euthanasie ne tiendrait jamais dans des circonstances d’accompagnement adapté, répondant au besoin d’amour et de valorisation à la hauteur de la dignité humaine. Pensez-y deux minutes, pourrait-on croire qu’une personne entourée, aimée, valorisée, visitée, à qui l’on demande conseil, etc. entourée de petits-enfants ou de proches pourrait désirer quitter ce monde plus tôt que prévu ? Évidemment que non ! Pourquoi donc ne pas créer ces circonstances favorables autour de nous et socialement ?

Finalement, il y a ceux qui croient que ce « droit de mourir » entre parfaitement dans la logique du libéralisme effréné de notre monde actuel. Cette « culture du déchet » tant décriée par le pape François n’a pas que des applications économiques. En effet, elle réduit les hommes et les femmes à leur condition de consommateur c’est-à-dire à des machines à plaisir. Le citoyen n’est donc plus considéré comme une personne mais comme une « monade » dont le seul but est d’accroître les profits et les intérêts des puissants de ce monde, qu’ils soient PDG de multinationales, actionnaires, politiciens ou fonctionnaires gouvernementaux.

C’est de cette façon que, peu à peu, le moteur de la société est passé d’une vision holiste du bonheur humain à celle de la jouissance à tout prix. Passée d’une perspective humaniste à une perspective utilitariste, notre société en est venue à confondre la recherche légitime du bonheur avec celle du plaisir égoïste. Pas étonnant que, faute de ne plus comprendre le sens de la souffrance, nous ne soyons plus capables ni de la supporter ni de la tolérer ! C’est ici qu’a eu lieu le déplacement majeur qui aujourd’hui nous empêche de comprendre les implication de cette vérité fondamentale que la vie humaine est bien absolu. Puisque la vie n’est plus le Bien central à protéger mais plutôt le moyen par lequel nous jouissons des réalités qui nous entourent, il n’est pas surprenant qu’il soit commun de dire que la vie, peut, « ne plus valoir la peine d’être vécue ». En effet, si ma qualité de vie dépend de ma capacité de jouir, ne nous étonnons pas si la disparition de cette aptitude suffise à me convaincre que ma vie n’a plus de sens. Ainsi, puisqu’il est normal que les lois d’un pays suivent la culture et la mentalité d’un peuple, les changements de lois actuelles ne sont qu’un symptôme de cette révolution plus profonde.

Pour bien faire face à cette nouvelle menace contre la dignité des plus faibles de notre société, l’Assemblée des évêques du Québec a récemment publié un Parcours de réflexion intitulé Les soins de fin de vie à la lumière de la Parole de Dieu qui permet au lecteur de voir, à la fois, à quel point le riche patrimoine de la foi chrétienne donne un sens lumineux à la fin de vie mais également comment la mort peut être un chemin de réconciliation et d’humanisation. En ce sens, je vous invite à regarder l’épisode de l’émission Église en sortie  du 26 février 2016 dans lequel Mgr Paul Lortie, évêque de Mont-Laurier et président de l’AECQ nous présente ce document en cinq étapes ainsi que la lettre pastorale intitulée « Approcher de la mort avec le Christ ».

Échos du Vatican

Retour dans cette émission sur l’appel du pape François pour l’abolition de la peine de mort, et sur le bilan de son voyage au Mexique.

Dans l’avion du retour


Pope Francis answers questions from journalists aboard his flight from Ciudad Juarez, Mexico, to Rome Feb. 17. (CNS photo/Paul Haring)

Cité du Vatican, 19 février 2016 (VIS). Dans l’avion le ramenant à Rome, et comme à son habitude, le Saint-Père a conversé avec les journalistes qui l’ont accompagné tout au long de son périple mexicain. Voici les principales questions auxquelles il a répondu:

Q. Pourquoi ne pas avoir rencontré les familles des 43 disparus d’ Ayotzinapa, ou envoyé un message aux familles de milliers de disparus?

R. J’ai continuellement évoqué les meurtres, les vies volées pour tous ces gangs de la drogue et du trafic d’êtres humains. J’ai parlé d’une des plaies qui afflige le Mexique. Il était pratiquement impossible de recevoir tous les groupes. La société mexicaine est une victime de tout cela, de ces crimes, des enlèvements, de ce rejet des gens.

Q. Le drame de la pédophilie a au Mexique des racines dangereuses et douloureuses. Le cas Maciel a laissé une blessure profonde et durable, y compris chez les victimes. On a encore l’impression que le déplacement du prêtre suspect et son changement paroisse sont l’option choisie.

R. Un évêque qui déplace un curé quand sa pédophile est découverte est un inconscient. La meilleure chose à faire pour lui serait de démissionner. Quant au cas Maciel, je voudrais rendre hommage à celui qui a combattu alors qui n’était pas en mesure de s’imposer: Le Cardinal Ratzinger. Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, il avait tout en main. Il mené des enquêtes mais sans pouvoir aller plus loin. Dix jours avant la mort de Jean-Paul II, il avait dit l’urgence de nettoyer l’Eglsie de sa saleté. Lors de la messe d’entrée en conclave, alors qu’il se savait éligible, il ne s’est pas soucié pas de corriger sa position et redit la même chose. Il est l’homme courageux qui a tant aidé pour ouvrir cette porte. Nous poursuivons ce travail, et il a notamment été décidé de nommer un troisième sous-secrétaire pour la Doctrine de la foi, pour prendre en charge spécifiquement la question. Il y a désormais aussi la Commission pour la protection des mineurs, qui renforce son action. Quant à la congrégation fondée par le P.Maciel, le Supérieur général est maintenant élu par le Conseil et le Chapitre général, mais le Vicaire est choisi par le Pape. Deux Conseillers généraux sont élus par le Chapitre Général et deux nommés par le Pape.

Q. Vous avez parlé avec éloquence aujourd’hui des problèmes de l’immigration. Mais de l’autre côté de la frontière, c’est un thème très débattu dans la campagne électorale. L’un des candidats à la Maison Blanche, le républicain Donald Trump, a récemment dit que vous seriez un politique, un pion du gouvernement mexicain et de sa politique de l’immigration. S’il est élu, il veut construire un mur de 2500 km le long de la frontière et expulser onze millions d’immigrants illégaux. Que pensez-vous de cette accusation, et si un catholique américaine peut voter pour un candidat de ce genre.

R. Aristote a dit que l’homme est un animal politique. Etant homme je dois être politique! Un pion? Peut-être, je ne sais pas. A chacun de juger. Quant à une personne qui pense à dresser des murs plutôt que des ponts, elle n’est pas chrétienne. Recommander à l’électeur de voter ou de ne pas voter, je ne veux pas m’en mêler. Ceci dit, s’il a vraiment dit ces choses, cet homme n’est pas chrétien.

Q. La rencontre avec le Patriarche Cyrille a été saluée comme une étape historique. Mais les greco-catholiques d’Ukraine se sentent trahis. Ils parlent de la déclaration commune comme d’un document politique d’appui de la Russie. Pensez-vous aller à Moscou, le Patriarche vous a-t-il invité, peut-être au concile pan-orthodoxe de Crète?

R. J’y serai spirituellement par un message mais aussi dans la prière. Ils entendent inviter des observateurs et il y aura des catholiques. J’aurais aimé m’y rendre mais je dois respecter nos frères orthodoxes. Nous prierons tous pour que l’orthodoxie aille de l’avant. Avec le Patriarche nous avons parlé pendant deux heures et rien n’a filtré. J’ai été surpris et même préoccupé de la réaction de Mgr.Sviatoslav Shevchuk. Je le connais bien, depuis Buenos Aires, et nous avons travaillé quatre ans ensemble. Après son élection, il est revenu chercher ses affaires, et m’a laissé une petite icône. Je l’aie sur mon bureau à Rome. L’Ukraine est en guerre et il faut d’autant plus prier pour eux. Personnellement j’ai salué et encouragé les accords de Minsk. Quant à l’Eglise de Rome et au Pape, ils ont toujours encouragé à rechercher la paix.

Q. Le parlement italien débat des unions civiles. Le débat est violent au sein de la classe politique, de la société, mais aussi parmi les catholiques.

R.Tout d’abord, je ne sais pas ce qui se passe au parlement italien. Le Pape ne doit pas interférer dans la politique italienne. Le Pape étant pour tout le monde, il ne peut entrer dans les débats de politique intérieure. Mon opinion est celle de l’Eglise. Je pense ce que l’Eglise a toujours dit.

Q. En Amérique latine, mais aussi en Europe, la préoccupation grandit face au danger du virus Zika, qui fait courir un grave risque aux femmes enceintes. Certaines autorités ont proposé l’avortement ou éviter une grossesse. Dans ce cas, l’Eglise ne peut prendre en compte en concept de je de «mineur masculin»?

R. L’avortement n’est jamais un moindre mal, mais un crime, le mal absolu. Ce moindre mal de l’avortement comme de la contraception pour prévenir la grossesse touche au cinquième et sixième commandement. Paul VI, le grand, dans une situation difficile en Afrique, accorda une permission pour les religieuses en cas de violence. Evitons de confondre le mal qu’est éviter la grossesse avec l’avortement.

Q. Vous allez recevoir le Prix Charlemagne, l’une des récompenses les plus prestigieuses de la Communauté européenne.

R. J’avais pour habitude de n’accepter aucune distinction ni doctorats honoris causa. Mais Dans ce cas, on ne m’a pas forcé mais le Cardinal Kasper m’a persuadé d’accepter le prix. A Strasbourg j’avais plaidé en faveur d’une maman Europe contre la perspective d’une grand-mère Europe. J’ai récemment lu à propos de la crise une formule qui m’a plu: Une refondation de l’Union européenne. L’Europe est pas vraiment une unité, mais une force, une culture, une histoire dont on ne peut pas se priver. L’Union européenne doit avoir la force et l’Inspiration d’aller de l’avant.

Q. Pendant le voyage, vous avez parlé à beaucoup de familles et de l’Année de la Miséricorde. Comment une Eglise que se dit miséricordieuse peut-elle pardonner plus facilement un assassin que des divorcés remariés?

R. Deux Synodes et le Pape chaque mercredi en ont parlé toute l’année. Il faut une nouvelle pastorale de préparation au mariage. Par exemple, il existe encore trop souvent le recours au mariage à la hâte parce qu’un bébé est en route et qu’il faut sauvegarder socialement l’honneur de la famille. Souvent cela donne des mariages vides. Les évêques doivent aussi penser au bien premier de l’enfant. L’éducation des enfants est un sujet crucial également. Nous devons aller à la rencontre des familles. Lors de la rencontre de Tuxtla, j’ai parlé à un couple de divorcés remariés pour montrer que leur situation doit être intégrée dans la pastorale de l’Eglise. Intégrer a été le mot-clé utilisé au Synode.

Q. Pourront-ils communier?

R. Intégration dans Eglise ne signifie pas communier. Ses portes sont ouvertes, mais on ne peut pas dire qu’à partir de maintenant ces fidèles peuvent prendre la communion. Ce serait une blessure également pour eux.

Q. Les media ont évoqué l’intense correspondance amicale entre Jean-Paul II et la philosophe américaine Anna Tymieniecka. Selon vous, un Pape peut-il avoir un rapport aussi amical avec une femme?

R. Je connaissais cette amitié. Les livres de cette personne sont connus. Pour moi un homme qui ne sait pas avoir de bons amis femme est un homme auquel il manque quelque chose. Une amitié féminine n’est pas un péché. L’homme, même Pape, a besoin de la pensée des femmes. Pensons à François et Claire! A Thérèse d’Avila et Jean de la Croix!

Q. Après Moscou, Le Caire? Un autre dégel s’annonce-t-il avec Al-Azhar?

R. Le Secrétaire Conseil pontifical pour le dialogue inter-religieux, présidé par le Cardinal Tauran, est allé au Caire pour dire que je voudrais rencontrer l’Imam, pour chercher ensemble comment reprendre notre chemin.

Q. Revenant sur la loi qui va être votée par le parlement italien: Quel doit être le comportement des parlementaires catholiques. Le document de 2003 de la Congrégation pour la doctrine de la foi est-il encore valable?

R. Je ne me souviens pas bien du document de 2003. En tout cas un parlementaire catholique doit voter selon sa conscience, selon une conscience bien formée, non selon celle qui me convient.

Q. Pensez-vous déjà à de prochains voyages pastoraux? Quand viendrez-vous en Argentine? Retournerez-vous en Amérique latine, irez-vous en Chine?

R. J’aimerais tant aller en Chine! D’abord je voudrais dire que le peuple mexicain est surprenant, un peuple d’une grande richesse de cultures et de foi. Il a conservé la foi malgré la persécution religieuse. Il a souffert et a ses martyrs. Il ne peut se résumer, pour l’expliquer, au mot peuple. Le mot peuple n’est pas une catégorie logique mais mystique. Au-delà de son héritage millénaire, la vitalité du peuple mexicain s’explique par la Guadalupe. Je vous invite tous à sérieusement étudier la question Guadalupe. La Vierge est là!

Discours final du pape François à Ciudad Juarez

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Ci-dessous le discours final du Pape à la Foire de Ciudad Juarez, mercredi 17 février 2016

Monseigneur José Guadalupe Torres Campos, Evêque de Ciudad Juárez, Chers frères dans l’Episcopat, Distinguées Autorités, Mesdames et Messieurs,

Vous tous, chers amis,

Merci beaucoup, Monseigneur, pour votre aimable adresse d’au revoir ; c’est le moment de remercier le Seigneur pour m’avoir permis cette visite au Mexique. Je ne voudrais pas m’en aller sans remercier pour l’effort de ceux qui ont rendu possible ce pèlerinage. Je remercie toutes les autorités fédérales et locales, pour l’intérêt et l’aide prévenante avec lesquels vous avez contribué au bon déroulement de cette initiative. En même temps, je voudrais remercier de grand cœur tous ceux qui ont collaboré de diverses manières à cette visite pastorale.Capture d’écran 2016-02-17 à 19.47.05

Merci à tant de serviteurs anonymes qui, dans le silence, ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour que ces jours soient une fête de famille ! Je me suis senti accueilli, reçu par l’affection, par la fête, par l’espérance de cette grande famille mexicaine ; merci de m’avoir ouvert les portes de vos vies, de votre Nation.

L’écrivain mexicain Octavio Paz dit dans son poème Hermandad : « Je suis un homme : je dure peu et la nuit est immense. Mais je regarde vers le haut : les étoiles écrivent. Sans saisir, je comprends : je suis également écriture et à l’instant même quelqu’un m’épelle » (Un sol más vivo. Antología poética, Ediciones Era, México 2014, p. 268).

Empruntant ces belles expressions, j’ose dire que ce qui nous épelle et nous trace le chemin est la présence mystérieuse mais réelle de Dieu dans la chair concrète de toutes les personnes, surtout les plus pauvres et les plus nécessiteux du Mexique. La nuit peut nous sembler immense et très obscure, mais ces jours-ci j’ai pu constater qu’il y a dans ce peuple beaucoup de lumières qui annoncent l’espérance ; j’ai pu voir à travers beaucoup de vos témoignages, à travers beaucoup de vos visages, la présence de Dieu qui continue de marcher sur cette terre en vous guidant et en soutenant l’espérance ; de nombreux hommes et femmes, par leur effort quotidien, permettent à cette société mexicaine de ne pas rester dans le noir. Ils sont les prophètes de l’avenir, ils sont le signe d’une aube nouvelle.

Que Marie, la Mère de Guadalupe, continue de vous visiter, qu’elle continue de parcourir ce pays, en vous aidant à être des missionnaires ainsi que des témoins de miséricorde et de réconciliation.

De nouveau, merci beaucoup !

Homélie du Pape lors de la messe à Ciudad Juarez

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Ci-dessous l’homélie du pape François lors de la messe célébrée à la Foire de Ciudad Juarez, mercredi 17 février 2016. 

La gloire de Dieu est la vie de l’homme, disait saint Irénée dans le S. II, expression qui continue de résonner dans le cœur de l’Eglise. La gloire du Père est la vie de ses enfants. Il n’y a pas de plus grande gloire pour un père que de voir la réussite de ses proches ; il n’y a pas [pour lui] de plus grande satisfaction que de les voir progresser, de les voir grandir et s’épanouir. Ainsi l’atteste la première lecture que nous avons écoutée. Ninive une grande ville qui s’auto détruisait, fruit de l’oppression et de la dégradation, de la violence et de l’injustice. Les jours de la grande capitale étaient comptés, puisque la violence qu’elle générait en elle-même n’était plus soutenable.

Voilà qu’apparaît le Seigneur, secouant le cœur de Jonas, voilà qu’apparaît le Père qui invite et qui envoie son messager. Jonas est convoqué pour recevoir une mission. Va, lui dit-il, car ‘‘dans quarante jours, Ninive sera détruite’’ (Jon 3, 4). Va, aide-les à comprendre qu’avec cette manière de se traiter, de se réguler, de s’organiser, ils ne font que provoquer la mort et la destruction, la souffrance et l’oppression. Montre-leur qu’il n’y a de vie pour personne, ni pour le roi ni pour ses sujets, ni pour les champs ni pour le bétail. Va et annonce qu’ils se sont tellement habitués à la dégradation qu’ils ont perdu la sensibilité face à la douleur. Va et dis-Capture d’écran 2016-02-17 à 18.51.57leur que l’injustice s’est installée dans leur regard. C’est pour cela que Jonas part ! Dieu l’envoie pour mettre en évidence ce qui se passe, il l’envoie pour réveiller un peuple ivre de lui-même.

Et dans ce texte, nous nous trouvons face au mystère de la miséricorde divine. La miséricorde rejette toujours le mal, en prenant très au sérieux l’être humain. Elle s’adresse toujours à la bonté endormie, anesthésiée de chaque personne. Loin d’anéantir comme bien souvent nous souhaitons ou voulons le faire, la miséricorde s’approche de toute situation pour la transformer de l’intérieur. C’est précisément le mystère de la miséricorde divine. Elle s’approche et invite à la conversion, elle invite au repentir ; elle invite à voir le dommage qu’on crée à tous les niveaux. La miséricorde pénètre toujours le mal pour le transformer. Le roi a écouté, les habitants de la ville ont réagi et la pénitence a été décrétée. La miséricorde de Dieu a pénétré le cœur en révélant et en manifestant ce qui sera notre certitude ainsi que notre espérance : il y a toujours une possibilité de changement, il est temps de réagir et de transformer, de modifier et de changer, de convertir ce qui nous détruit comme peuple, ce qui nous dégrade comme humanité.

La miséricorde nous encourage à regarder le présent et à faire confiance à ce qui bat de sain et de bon dans chaque cœur. La miséricorde de Dieu est notre bouclier et notre Jonas a aidé à voir, il aide à prendre conscience. Et aussitôt, son appel trouve des hommes et des femmes capables de se repentir, capables de pleurer. Pleurer pour l’injustice, pleurer pour la dégradation, pleurer pour l’oppression.

Ce sont des larmes qui peuvent ouvrir la voie à la transformation, ce sont les larmes qui peuvent attendrir le cœur, ce sont les larmes qui peuvent purifier le regard et aider à voir le cercle du péché dans lequel souvent on est enfermé. Ce sont les larmes qui réussissent à rendre sensible le regard ainsi que l’attitude rigide et surtout d’indifférence face à la souffrance d’autrui. Ce sontCapture d’écran 2016-02-17 à 18.57.16 les larmes qui peuvent provoquer une rupture capable de nous ouvrir à la conversion. voix qui crie dans le désert et nous invite à la conversion.

En cette année de la miséricorde, je voudrais avec vous, implorer ici la miséricorde divine, je voudrais demander avec vous le don des larmes, le don de la conversion.

Ici, à Juárez, comme dans d’autres régions frontalières, se sont concentrés des milliers de migrants centraméricains et provenant d’autres pays, sans oublier les nombreux mexicains qui cherchent aussi à passer ‘‘de l’autre côté’’. Un passage, un parcours parsemé de terribles injustices : des personnes réduites en esclavage, séquestrées, victimes d’extorsion ; beaucoup de nos frères sont objet du trafic de transit humain.

Nous ne pouvons nier la crise humanitaire qu’a représentée, ces dernières années, la migration de milliers de personnes, que ce soit par train, par la route, voire à pied parcourant des
centaines de kilomètres à travers des montagnes, des déserts, par des chemins impraticables. Cette tragédie humaine, que représente la migration forcée, est aujourd’hui un phénomène global. Cette crise qu’on peut mesurer par des chiffres, nous voulons la mesurer par des noms, des histoires, par des familles.

Ce sont des frères et des sœurs qui partent, chassés par la pauvreté et la violence, par le narcotrafic et par le crime organisé. Face à de nombreux vides juridiques, se déploie un réseau qui attrape et détruit toujours les plus pauvres. Non seulement ils souffrent de la pauvreté, mais de surcroît ils souffrent de ces formes de violence. Une injustice qui se radicalise chez les jeunes, ‘‘chair à canon’’, ils sont persécutés et menacés lorsqu’ils cherchent à sortir de la spirale de la violence et de l’enfer des drogues.

Demandons à notre Dieu le don de la conversion, le don des larmes, demandons-lui d’avoir le cœur ouvert, comme les Ninivites, à son appel à travers le visage souffrant de tant d’hommes et de femmes !  Plus de mort ni d’exploitation ! Il est toujours temps de changer, il y a toujours une issue et une opportunité, il est toujours temps d’implorer la miséricorde du Père.

Comme au temps de Jonas, aujourd’hui nous comptons aussi sur la conversion ; il y a des signes qui deviennent lumière sur le chemin et annonce de salut. Je connais le travail de nombreuses d’organisations de la société civile en faveur des droits des migrants ! Je connais également le travail engagé de tant de religieuses, de religieux et prêtres, de laïcs qui se dévouent dans l’accompagnement et la défense de la vie ! Ils sont en première ligne, risquant souvent leur propre vie. Par leurs vies, ils sont des prophètes de la miséricorde, ils sont le cœur compréhensif et les pieds solidaires de l’Eglise qui ouvre ses bras et soutient.

C’est le temps de la conversion, c’est le temps du salut, c’est le temps de la miséricorde. Disons donc ensemble à la souffrance de tant de visages : « Pitié pour moi, Seigneur, dans ton amour, selon ta grande miséricorde… Purifie-nous de nos péchés et crée en nous un cœur pur, un esprit nouveau » (cf. Ps 50, 1-4).

Discours du Pape au monde du travail (Ciudad Juarez)

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Ci dessous le discours du Pape au monde du travail à Ciudad Juarez, mercredi 17 février 2016

Chers frères et soeurs,

J’ai voulu vous rencontrer ici, sur cette terre de Juárez, à cause de la relation spéciale de cette ville avec le monde du travail. Non seulement, je vous remercie pour la salutation de bienvenue et pour vos témoignages, qui ont révélé les soucis, les joies et les espérances que vous expérimentez dans vos vies, mais je voudrais aussi vous remercier pour cette opportunité d’échanges et de réflexion. Tout ce que nous pourrons faire pour dialoguer, pour nous rencontrer, pour chercher de meilleures alternatives et opportunités est déjà un acquis à valoriser et à souligner.

Evidemment, cela ne suffit pas, mais aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous permettre le luxe de supprimer les instances de rencontre, de débat, de confrontation, de recherche. C’est pour nous l’unique manière de pouvoir continuer de construire l’avenir, de tisser des relations durables capables d’ériger l’échafaudage nécessaire qui, peu à peu, reconstruira les liens sociaux si abîmés par manque de communication, si abîmés par manque de respect du minimum nécessaire pour une saine cohabitation. Merci et que cette instance serve à construire l’avenir ; qu’elle soit une bonne opportunité pour forger le Mexique que votre peuple et vos enfants méritent.

Je voudrais m’arrêter sur ce dernier aspect. Aujourd’hui, se trouvent ici diverses organisations de travailleurs ainsi que des représentants de chambres et de corporations d’entreprises. A première vue, vous pouvez paraître antagonistes, mais une même responsabilité vous unit : chercher à créer des milieux de travail digne et vraiment utile pour la société et surtout pour les jeunes de ce pays. L’un des plus grands fléaux auxquels sont exposés les jeunes est le manque d’opportunités de formation ainsi que de travail durable et rémunéré qui leur permette de faire des projets ; cela crée dans beaucoup de cas des situations de pauvreté. Et donc, cette pauvreté est le meilleur terreau du cercle vicieux du narcotrafic et de la violence. C’est un luxe que personne ne peut se permettre ; on ne peut laisser seuls et abandonnés le présent et l’avenir du Mexique.

Malheureusement, le temps que nous vivons a imposé le paradigme de l’utilité économique comme principe des relations personnelles. La mentalité régnante prône le plus de profits possible, à n’importe quel prix et immédiatement. Non seulement elle provoque la perte de la dimension éthique des entreprises mais on oublie aussi que le meilleur investissement qu’on puisse faire est d’investir dans les gens, dans les personnes, dans leurs familles. Le meilleur investissement est de créer des opportunités. La mentalité régnante met le flux des personnes au service du flux des capitaux, provoquant dans beaucoup de cas l’exploitation des employés comme s’ils étaient des objets à utiliser et à jeter (cf. Laudato sí, n. 123). Dieu demandera compte aux ‘‘esclavagistes’’ d’aujourd’hui, et nous, nous devons faire tout le possible pour que ces situations ne se reproduisent plus. Le flux du capital ne peut déterminer le flux et la vie des personnes.

Bien souvent, par rapport à certaines prises de position, on remet en question la doctrine sociale de l’Eglise, en disant : ‘‘Ils veulent que nous soyons des organisations de bienfaisance ou que nous transformions nos entreprises en institutions de philanthropie’’. L’unique prétention de la doctrine sociale de l’Eglise est de veiller à l’intégrité des personnes et des structures sociales.

Chaque fois que, pour diverses raisons, cette intégrité est menacée ou réduite à un bien de consommation, la doctrine sociale de l’Eglise sera la voix prophétique qui nous aidera tous à ne pas nous perdre dans la mer séductrice de l’ambition. Chaque fois que l’intégrité d’une personne est violée, c’est toute la société qui, d’une certaine manière, commence à se détériorer. Et cela n’est contre personne, mais en faveur de tous. Chaque secteur a l’obligation de veiller au bien de l’ensemble ; nous sommes tous dans la même barque. Nous devons tous lutter pour que le travail soit un lieu d’humanisation et d’avenir, pour qu’il soit un espace pour construire la société et la citoyenneté. Cette attitude non seulement crée une amélioration immédiate, mais aussi à la longue se transforme peu à peu en une culture capable de promouvoir des espaces dignes pour tous. Cette culture, née souvent de tensions, donne progressivement naissance à un nouveau type de relations, un nouveau type de Nation.

Quel monde voulons-nous laisser à nos enfants ? Je crois qu’en grande majorité, nous pouvons tomber d’accord. C’est précisément cela notre horizon, voilà notre but, et pour eux, aujourd’hui nous devons nous unir et travailler. Il est toujours bon de penser à ce que je voudrais laisser à mes enfants ; c’est également une bonne façon de penser aux enfants des autres. Qu’est- ce que le Mexique voudrait léguer à ses enfants ? Veut-il léguer une mémoire d’exploitation, de salaires insuffisants, de harcèlement au travail ? Ou bien voudrait-il léguer une culture de la mémoire d’un travail digne, d’un logement décent et d’une terre à travailler ? Dans quelle culture voudrions-nous voir naître ceux qui nous suivront ? Quelle atmosphère vont-ils respirer ? Un air vicié par la corruption, la violence, l’insécurité et la méfiance ou, au contraire, un air capable de créer des alternatives, de générer du renouvellement et du changement ?

Je sais que ce qui a été abordé n’est pas facile, mais je sais aussi qu’il est pire de laisser l’avenir dans les mains de la corruption, de la sauvagerie, de l’injustice. Je sais également qu’il n’est pas souvent facile de mettre d’accord toutes les parties dans une négociation, mais je sais aussi que le manque de négociation ainsi que le manque de valorisation sont pires et finissent par nous causer plus de dommages. Je sais qu’il n’est pas facile de s’entendre dans un monde toujours plus compétitif, mais il est pire de permettre au monde compétitif de finir par déterminer le destin des peuples. Le profit et le capital ne sont pas un bien au-dessus de l’homme, ils sont au service du bien commun. Et lorsque le bien commun est contraint à être au service du profit et du capital, jugés l’unique gain possible, cela s’appelle l’exclusion.

Je commençais en vous remerciant pour l’opportunité de nous rencontrer, je voudrais vous inviter à rêver le Mexique, à construire le Mexique que vos enfants méritent ; le Mexique où il n’y aura pas des personnes de première, de deuxième ou de quatrième catégorie, mais le Mexique qui sait reconnaître dans l’autre la dignité de l’enfant de Dieu. Que la Guadalupana, qui s’est manifestée à Juan Diego, et a révélé comment ceux qui étaient apparemment laissés pour compte étaient ses amis privilégiés, vous aide et vous accompagne dans cette construction.

Discours du Pape à la prison de Ciudad Juarez

pape prison

Ci-dessous le discours du pape François à la prison de Ciudad Juarez, mercredi17 février 2016.

Chers frères et sœurs,

Je suis sur le point de conclure ma visite au Mexique et je ne voulais pas m’en aller sans venir vous saluer, sans célébrer le Jubilé de la Miséricorde avec vous. Je vous remercie de tout cœur pour les paroles de salutation que vous m’avez adressées, par lesquelles vous manifestez beaucoup d’espérance et d’aspirations, mais aussi beaucoup de douleur, de crainte et d’interrogations.

Lors de mon voyage en Afrique, dans la ville de Bangui, j’ai pu ouvrir la première porte de la miséricorde pour le monde entier. Aujourd’hui, uni à vous et avec vous, je veux réaffirmer une fois de plus la confiance à laquelle Jésus nous invite : la miséricorde qui embrasse tout le monde, et jusqu’aux confins de la terre. Il n’y a pas d’endroit où sa miséricorde ne puisse arriver, il n’y a pas de milieu ni de gens qu’elle ne puisse toucher.

Célébrer le Jubilé de la miséricorde avec vous, c’est rappeler le chemin urgent que nous devons emprunter pour rompre les cercles de la violence et de la délinquance. Nous avons déjà perdu plusieurs décennies, pensant et croyant que tout se résout en isolant, en écartant, en emprisonnant, en nous débarrassant des problèmes, en croyant que ces mesures solutionnent vraiment les problèmes. Nous avons oublié de nous concentrer sur ce qui doit être réellement notre préoccupation : la vie des personnes, leurs vies, celle de leurs familles, celle de ceux qui ont souffert aussi de ce cercle de la violence.

La miséricorde divine nous rappelle que les prisons sont un symptôme du genre de société que nous formons, elles sont un symptôme, dans de nombreux cas, des silences et des omissions qui ont provoqué une culture du rejet. Elles sont un symptôme d’une culture qui a cessé de miser sur la vie ; d’une société qui a abandonné progressivement ses enfants.

La miséricorde nous rappelle que la réinsertion ne commence pas ici dans cette enceinte, mais qu’elle commence avant, elle commence « au dehors », dans les rues de la ville. La réinsertion ou la réhabilitation commence par la création d’un système que nous pourrions qualifier de santé sociale, c’est-à-dire, d’une société qui cherche non pas à rendre malade en polluant les relations dans le quartier, dans les écoles, sur les places, dans les rues, dans les maisons, dans l’ensemble de la société ; mais un système de santé sociale qui permet de générer une culture efficace et qui cherche à prévenir ces situations, ces chemins qui finissent par abîmer et détériorer le tissu social.

 Il semblerait parfois que les prisons se proposent de mettre les personnes dans l’incapacité de continuer à commettre des délits, plus que de promouvoir les processus de réhabilitation qui permettent de répondre aux problèmes sociaux, psychologiques et familiaux ayant conduit une personne à une attitude déterminée. Le problème de la sécurité ne se résout pas par le seul emprisonnement, mais il est un appel à intervenir pour faire face aux causes structurelles et culturelles de l’insécurité qui touchent tout le tissu social.

La préoccupation de Jésus à répondre aux affamés et aux assoiffés, à ceux qui n’ont pas de toit et aux prisonniers (Mt 25, 34-40) était pour exprimer les entrailles de la miséricorde du Père. Cela devient un impératif moral pour toute société qui désire avoir les conditions nécessaires pour une meilleure cohabitation. Dans la capacité à construire une société qui inclut ses pauvres, ses malades ou ses prisonniers, réside la possibilité que ceux-ci puissent guérir de leurs blessures et être les artisans d’une bonne cohabitation. La réinsertion sociale commence par l’insertion de tous nos enfants dans les écoles et par un travail digne à leurs familles, par la création d’espaces publiques de loisirs et de divertissement, par l’habilitation des instances de participation citoyenne, des services sanitaires, par l’accès aux services de base, pour n’énumérer que quelques mesures.

Célébrer le Jubilé de la miséricorde avec vous c’est apprendre à ne pas rester prisonnier du passé, d’hier. C’est apprendre à ouvrir la porte de l’avenir, du lendemain ; c’est croire que les choses peuvent être différentes. Célébrer le Jubilé de la miséricorde avec vous, c’est vous inviter à relever la tête et à travailler pour gagner cet espace de liberté désiré.

Nous savons qu’on ne peut pas retourner en arrière, nous savons que ce qui a été fait est fait ; c’est pourquoi j’ai voulu célébrer avec vous le Jubilé de la miséricorde, puisque cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de possibilité d’écrire une nouvelle histoire en avançant. Vous expérimentez la douleur de la chute, vous sentez le remords à cause de vos actes et je sais que, dans beaucoup de cas, au sein des grandes limitations, que vous cherchez à refaire votre vie dans la solitude.

Vous avez connu la force de la douleur et du péché, n’oubliez pas que vous avez à votre portée la force de la résurrection, la force de la miséricorde divine qui renouvelle toute chose. Maintenant, vous pouvez affronter la partie plus dure, la plus difficile, mais qui, peut être, sera celle qui portera plus de fruit ; luttez ici, à l’intérieur, pour inverser les situations qui causent le plus d’exclusion. Parlez avec les vôtres, tirez profit de vos expériences, aidez à briser le cercle de la violence et de l’exclusion. Celui qui a affronté la douleur jusqu’au plus haut point et dont nous pourrions dire « il a vécu l’enfer » peut devenir prophète dans la société. Travaillez pour que cette société qui utilise et jette ne continue pas à faire des victimes.

Je voudrais aussi encourager le personnel qui travaille dans ce Centre, ou dans d’autres centres similaires : les dirigeants, les agents de la Police pénitentiaire, tous ceux qui apportent une quelconque assistance dans ce Centre. Je salue l’effort des aumôniers, les personnes consacrées et les laïcs qui se dévouent pour maintenir vivante l’espérance de l’Évangile de la miséricorde dans la prison. Tous, ne l’oubliez pas : vous pouvez êtres des signes des entrailles du Père. Nous avons besoin les uns des autres pour aller de l’avant.

Avant de vous donner la bénédiction, je voudrais que nous priions un moment en silence. Que chacun demande à Dieu, dans l’intimité du cœur, de nous aider à croire en sa miséricorde.

Et je vous demande de ne pas oublier de prier pour moi.

Échos du Vatican

Revivez dans cette émission les premières étapes du voyage du pape François au Mexique.

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