Cette semaine à « Église en Sortie » on parle du livre « Marcher, parler, écouter: l’exercice pèlerin » avec l’auteure Brigitte Harouni. On vous présente la deuxième partie de notre portrait de l’artiste peintre Pierre Lussier. Et on discute des grandes tendances du pèlerinage au Québec avec le théologien Éric Laliberté.Église en sortie est tous les lundis à 20H30 et en reprise les vendredis à 19H30. Sur les ondes de Sel + Lumière, votre chaîne canadienne de télévision catholique.
Un mur qui fait pleurer
Vous vous êtes déjà demandé pourquoi nous lui donnons le nom du Mur des Lamentations ? La réponse est évidente dès qu’on s’en approche, dès qu’on se fait une petite place devant le mur pour appuyer sa main contre la pierre et prier. Pendant mon séjour en Israël, avec mes collègues de travail, nous avons tous eu la chance de prier devant le Mur. Lorsqu’à mon tour j’observais les femmes à ma droite et à ma gauche, j’ai remarqué leur posture : elles avaient la tête baissée, leur livre de prière en main et les récitaient en se balançant par devant et par derrière. Certaines d’entre elles… pleuraient. J’étais profondément touchée par ce que je voyais et émue de prier à côté de ces femmes d’une autre confession. Comme elles, je me suis mise à pleurer. Et je me suis dit que ce n’est pas un nom si bizarre pour un mur, après tout !
Le Mur des Lamentations porte un autre nom. Il est mieux connu comme le Mur Occidental et l’un des derniers vestiges du Temple construit par Hérode vers l’an 19 av. J.-C. Ce Temple a été détruit par les romains en 70 A.D. Depuis, les juifs s’y rendent pour prier. Le Mur Occidental est tout de même demeuré un lieu saint pour eux. C’était l’endroit le plus près du lieu où reposait Dieu à l’intérieur du Temple, ce que l’on appelle le Saint des Saints ou l’Arche de l’Alliance. De plus, dans la tradition juive, Abraham aurait offert son fils Isaac en sacrifice à Dieu sur le Mont du Temple ou le Mont Moriah, où se trouve désormais le Dôme du Rocher et la mosquée Al-Aqsa.
Dans la tradition juive, on se rend au Mur pour prier, jour et nuit, pour se « lamenter » de la destruction du Temple et la ville de Jérusalem considérée sainte. C’est la raison pour laquelle nous l’appelons le Mur des Lamentations. D’innombrables plaintes sont entendues dans d’autres parties du monde : des populations entières font face à l’effondrement de leur ville, de leur maison, des lieux saints, où ils avaient l’habitude de sentir, de manière concrète, la proximité de Dieu. Alors que nous étions devant le Mur, je songeais à ceux et celles qui sont dispersés à cause de la violence et du danger de la guerre. Devant ce Mur, j’étais particulièrement consciente du fait que j’étais au Moyen Orient ! Nous étions assez loin de la violence qui menace les pays avoisinants mais assez proche pour ressentir la fragilité de l’endroit, de ses frontières, des relations entre chrétiens, juifs et musulmans, entre le gouvernement et son peuple, entre palestiniens et israéliens… Dans de telles situations, le rétablissement de la paix, et la réconciliation, nous semblent hors d’atteinte.
Dans l’ancien testament, le psalmiste cri vers Dieu :
« Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur. Seigneur, écoute mon appel ! Que ton oreille se fasse attentive au cri de ma prière ! Si tu retiens les fautes, Seigneur, qui subsistera ? Mais près de toi se trouve le pardon pour que l’homme te craigne. J’espère le Seigneur de toute mon âme; je l’espère, et j’attends sa parole. Mon âme attend le Seigneur plus qu’un veilleur ne guette l’aurore. Plus qu’un veilleur ne guette l’aurore, attends le Seigneur, Israël. Oui, près du Seigneur, est l’amour; près de lui, abonde le rachat. C’est lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes ».
Ce n’est qu’un psaume parmi tant d’autres qui exprime la prière profonde de toute l’humanité vers Dieu. Même Jésus, à l’heure de sa mort, a prononcé les mots du psaume 21, que nous redisons chaque Dimanche des Rameaux, « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Malgré la prière puissante du psalmiste, avons-nous raison d’espérer le rétablissement de la paix en Terre Sainte? Au Moyen Orient? En effet, Dieu se montre fidèle à son peuple. Il nous rappelle sa proximité, son amour et sa sollicitude de toute sorte de manière.
Quand le pape François a effectué un pèlerinage en Israël en 2014, il a accompli un geste fort devant le Mur Occidental. Il était accompagné par des amis proches qu’il avait connu en Argentine, un rabbin et un professeur musulman. Il les a embrassés après avoir prié devant le Mur. Plus tard, il a affirmé plus tard le grand besoin d’amour et de respect entre les personnes de différentes confessions, de travailler ensemble pour « la paix et la justice » et voir en chaque personne un frère ou une sœur.
Il a de plus déposé une prière entre les pierres du mur – une pratique commune pour les pèlerins. La prière du Pape était celle du Notre Père : une prière quotidienne qui nous rappelle que Dieu agi dans notre vie à l’instant présent et nous donne tout ce dont nous avons besoin pour surmonter les défis qui se présentent au jour le jour. Dépasser les divisions est donc un travail qui se fait au jour le jour, qui se construit entre les personnes et dans l’humilité. « Devant le mystère de Dieu, nous sommes tous pauvres », nous dit le Pape.
Leçon d’humilité pour les disciples de Jésus
Pendant son pèlerinage en Terre Sainte, Sel et Lumière a visité le lieu qui commémore la Dernière Cène, où les disciples ont partagé leur dernier repas ensemble avant la Passion du Chirst. Ce lieu, nous l’appelons aussi Coenaculum ou « Cénacle ».
Les disciples avaient sûrement l’habitude de prendre le repas ensemble et de se retrouver pour les grandes fêtes juives. Ils se sont retrouvés encore une fois pour celle de la Pâques. Pâques, veut dire, « passage »; dans la tradition juive, elle commémore le passage des juifs en Égypte, celui qui les ont amenés à leur délivrance en sécurité. La Dernière Cène anticipe, elle aussi, un passage. Celui de Jésus. Par son sacrifice sur la croix, Jésus nous assure un passage sécuritaire. De la mort à la vie. Comme un pont entre nous, l’humanité, et le Ciel, auprès de Dieu.
Ce dernier repas est donc différent des autres. Dans quelques heures Jésus serait livré, jugé, tué. Marqué par l’attente de sa Passion, Jésus accompli des gestes que ses disciples pourront revivre encore et encore: le lavement des pieds, le partage du pain, la récitation de psaumes et d’hymnes. Mais chaque geste prend une toute autre dimension. Ce mémorial s’accomplit complètement en Jésus. Il leur donne leur forme définitive, non pas pour lui-même ni seulement pour un petit groupe d’amis. Mais pour le salut de toute l’humanité, le salut des pécheurs. Et c’est en devenant le serviteur des serviteurs que cela s’accomplira.
En commençant par le lavement des pieds, un rite bien connu dans la tradition juive. Mais c’est une pratique qui revient normalement au serviteur de la maison et non à l’invité d’honneur, dont Jésus. Il s’identifie alors au serviteur. Laver les pieds était la plus grande humiliation. Les pieds étaient soumis et exposés aux conditions les plus dures, la poussière, les roches, la boue… Pourtant Jésus, le Messie, Fils de Dieu, lave les pieds de chacun de ses disciples. Ces derniers sont scandalisés devant cette humilité. Pierre lui dit: « Tu ne me laveras jamais les pieds! ». Jésus lui répond: « Si je ne te lave pas les pieds, tu n’auras pas de part avec moi ». Refuser de se faire laver par Jésus, c’est refuser son amitié. Tout comme refuser son pardon est un obstacle à sa grâce. Puis il leur dit que celui qui veut être son disciple doit l’imiter.
Au moment de se mettre à table, Jésus leur dit « J’ai ardemment désiré manger cette Pâque avec vous ». Il a désiré depuis longtemps manger ce repas avec ses amis. Pour leur montrer la profondeur de son amour. En partageant le pain et le vin, il dit « Ceci est mon corps donné pour vous », « Ceci est mon sang versé pour vous ». Ainsi il exprime son désir de se donner lui-même en partage. De se donner totalement à ceux qu’il aime. Le don de lui-même qui permettra à chaque homme et femme d’entrer en communion avec lui pour les siècles à venir. Car il dit « Faites ceci en mémoire de moi » et confère son sacerdoce à ses apôtres.
Eucharistie veut dire rendre grâce. Et l’action de grâce implique une participation, un engagement, au don reçu. C’est pourquoi quand nous participons à l’Eucharistie, nous acceptons en même temps de faire de notre vie un don pour les autres, une Eucharistie. Cela devrait se transmettre dans des gestes concrets d’humilité et de service à l’exemple de Jésus. Il nous a montré que c’est la seule façon de l’imiter parfaitement. Comment notre vie est-elle Eucharistie? Jusqu’où irions-nous pour ceux que nous aimons? ou encore pour ceux que nous aimons moins?