Le dialogue dans la vérité: réflexion sur « Nos voisins évangéliques »

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Cette semaine, la Commission épiscopale pour l’unité chrétienne, les relations religieuses avec les Juifs et le dialogue interreligieux de la Conférence des évêques catholiques du Canada publiait un document intitulé « Nos voisins évangéliques : Réflexion sur l’évangélisme chrétien ». Cette brochure de 12 pages, se veut une ressource pour les catholiques afin qu’ils en apprennent davantage sur le christianisme évangélique à travers «  l’histoire et les croyances des évangéliques et en prêtant une attention particulière aux relations entre les évangéliques et les catholiques ». Je retiens de ma lecture une foule d’informations tant historiques que théologiques ainsi qu’une posture cohérente avec le souhait du pape François pour que « la collaboration interreligieuse et œcuménique montre que les hommes et les femmes ne doivent pas oublier leur propre identité, ethnique ou religieuse, pour vivre en harmonie avec leurs frères et sœurs ».

Regard historique et théologique 

La première chose que l’on note, c’est que les différences qui séparent les catholiques des évangéliques s’enracinent dans une longue histoire. En effet, on commémore cette année le 500ième anniversaire de la Réforme protestante ! L’évangélisme est donc un mouvement chrétien issu de la tradition protestante , ce qui implique l’acceptation des principes théologiques qui y sont liés tels que « l’autorité exclusive de l’Écriture » et « la justification par la seule foi » (p.2). Le document de la CECC offre ensuite une description des différentes explications et implications de ces principes avant de présenter quelques-unes de ces manifestations dans la vie concrète de nos frères protestants. On explique ainsi les expressions tels que « born again », de « revivalism » ou de « fondamentalisme », tout en spécifiant que « les évangéliques forment un groupe diversifié » (p.4).

D’une perception à une autre

Ce qui est significatif dans ce document, c’est que l’on ose sortir de l’énumération des traits distinctifs, à la manière d’une encyclopédie, pour prendre en compte l’expérience concrète que ces mêmes différences peuvent avoir sur la vie quotidienne des membres des deux communautés chrétiennes. On offre ainsi pour les deux perspectives, un dialogue qui tient compte des critiques réciproques.

En effet, on se demande d’abord ce que pensent les catholiques des évangéliques ? On offre alors un portrait réaliste des éléments dont les catholiques peuvent naturellement faire l’éloge comme leur attachement à la Parole de Dieu telle que transmise dans la Bible mais également l’emphase mise sur la relation personnelle au Christ. capture-decran-2016-10-22-a-10-36-39Toutefois, on ne cache pas les réticences que les catholiques peuvent également avoir face à une certaine tendance à interpréter l’Écriture Sainte d’une manière trop littérale sans tenir compte de la Tradition c’est-à-dire la vie des chrétiens qui nous ont précédés ou, en d’autres termes, « la grande communauté chrétienne qui s’étend aussi bien à travers le temps que dans l’espace » (p.7). Enfin, l’unité de l’Église catholique et sa structure hiérarchique bien définie, expliquent comment « l’aspect transconfessionnel de l’évangélisme engendrent une sorte de corps indéfini que les catholiques ont de la difficulté à identifier au Corps du Christ » (p.7).

Dans un deuxième temps, on se demande ce qui, dans la pratique catholique, peut sembler étranger à un christianisme authentique tel que le conçoivent les évangéliques. D’abord, bien que l’on souligne les nombreuses avancées du dialogue œcuménique, on affirme qu’un certain nombre de cette mouvance ne sont toujours pas certains que les catholiques soient de véritables chrétiens (p.8). De plus, on montre comment l’accent mis sur la relation personnelle avec le Christ peut pousser les évangéliques à parler de leur salut « à l’imparfait » c’est-à-dire comme quelque chose de déjà accompli tandis que, du côté catholique, on a souvent tendance à parler du salut « au futur », mettant ainsi l’accent davantage sur la dimension ultime c’est-à-dire après la mort.

Le dialogue, une responsabilité partagée

Dans la dernière partie du document, on trouve une analyse de la réalité du dialogue œcuménique aujourd’hui tout en manifestant l’ouverture que nous devons avoir pour être fidèles au souhait du Christ « Ut unum sint ».

Le contexte actuel et l’expansion rapide du phénomène de sécularisation doivent nous pousser à dépasser nos différences et les blessures héritées du passé afin d’offrir au monde un témoignage plus à même de convaincre de la véracité de la Révélation chrétienne. Toutefois, puisque l’estime mutuelle qui se construit peu à peu entre les deux communautés « scandalise certaines personnes » (p.11), le document de la CECC insiste sur le contexte dans lequel ce dialogue est en mesure de porter des fruits. En ce sens, pour que la vérité puisse être au centre des aspirations de tous les interlocuteurs, il est essentiel que des liens de charité profonde soient d’abord créés entre les membres. Ainsi le travail œcuménique ne pourra être concluant que s’il « s’établit au quotidien dans la vie chrétienne des croyants […] le succès du dialogue à venir dépend en grande partie de vous » (p.11).

Tant du point de vue de la richesse des informations contenues dans ce document que de la place laissée à l’expérience concrète des croyants des deux communautés, il est possible de conclure que ce document de la CECC remplit bien son mandat d’instrument au service de l’œcuménisme. Que ce soit dans le fait d’affirmer haut et fort les points de désaccord inhérents aux identités respectives que dans l’estime mutuelle et dans la capacité de reconnaître l’autre d’abord comme un frère « dans le contexte d’une foi commune » (p.5), ce document est certainement un outil de premier plan facilitant cette responsabilité missionnaire  qui nous incombe à tous.

Échos du Vatican

Revivez dans cette émission la canonisation des 7 nouveaux saints proclamés par le Pape ce dimanche, avec en bonus un éclairage sur le sens de la canonisation dans l’Église.

Nouveau document de la CECC: Nos voisins évangéliques Réflexion sur l’évangélisme chrétien

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(CECC – Ottawa)… Aujourd’hui, en la fête liturgique de saint Luc l’évangéliste, la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC), par l’entremise de sa Commission épiscopale pour l’unité chrétienne, les relations religieuses avec les juifs et le dialogue interreligieux, a publié une nouvelle ressource intitulée : « Nos voisins évangéliques – Réflexion sur l’évangélisme chrétien ». La ressource donne aux catholiques du Canada une introduction au christianisme évangélique en explorant ses origines, ses similitudes et ses différences du catholicisme. La ressource a été élaborée en étroite collaboration avec l’Alliance évangélique du Canada (AÉC), un partenaire de dialogue officiel de la CECC depuis 2010.

Le document fait ressortir que « Dans une société qui se sécularise de plus en plus, catholiques et évangéliques peuvent mesurer plus facilement que ce qui les sépare est moins important que ce qui les unit. » Les catholiques et les évangéliques au Canada ont bénéficié des partenariats fructueux dans leurs efforts pour promouvoir les valeurs évangéliques dans la société canadienne. Dans les deux groupes chrétiens, il y a des mariages mixtes qui fournissent un autre lieu pour le dialogue. Il est mentionné dans cette ressource que le « dialogue qui s’établit au quotidien dans la vie chrétienne de croyantes et de croyants qui ont dans leur famille des fidèles de l’autre confession, qui en côtoient au travail ou qui militent avec eux pour la justice dans la société, à l’extérieur de cliniques d’avortement ou à l’intérieur de soupes populaires… ces dialogues, où des croyantes et des croyants se soucient les uns des autres, prient les uns pour les autres et travaillent les uns avec les autres, peuvent préparer le terrain sur lequel pousseront les fruits de dialogues plus officiels. »

Dans une lettre adressée à Mgr Douglas Crosby O.M.I., évêque de Hamilton et président de la CECC, le président de l’AÉC, M. Bruce Clemenger, fait remarquer que la nouvelle ressource Nos voisins évangéliques « offre un aperçu clair des croyances et des pratiques évangéliques; je crois que la plupart des évangéliques au Canada se trouveraient assez bien représentés dans ses pages. »

La nouvelle ressource est maintenant disponible sur le site Internet de la CECC, et il est possible d’en commander des exemplaires aux Éditions de la CECC au 1-800-769-1147 ou par courriel publi@cccb.ca. Le code de commande pour la version française est 184-928, et pour la version anglaise, 184-929. Le prix de vente est de 3,00 $ l’unité et il y a un rabais pour les commandes de 50 exemplaires et plus.

Version PDF

Lien à la lettre du Président de l’AÉC

Vous pouvez également visionner une brève présentation du document lors de l’édition de Perspectives du 18 octobre 2016 en cliquant sur le lien suivant:

Échos du Vatican

Après la décision du pape François de créer 17 nouveaux cardinaux, éclairage dans cette émission sur le rôle et la mission de ces collaborateurs du Pape.

Annonce de la création de 17 nouveaux cardinaux par le pape François

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Suivant la célébration de la Messe pour le Jubilé marial, tout de suite après la récitation de l’Angelus place Saint-Pierre, le pape François a annoncé la tenue d’un consistoire le 19 novembre prochain dans lequel seront créé 17 nouveaux cardinaux. De ce nombre, 13 proviennent de 11 nations différentes représentant ainsi les 5 continents. Se trouve également parmi ces derniers deux archevêques ainsi qu’un évêque émérite.

Une singularité attire cependant une attention particulière. La création à venir du père Ernest Simoni, prêtre de l’archidiocèse de Shkodrë-Pult (Scutari – Albanie). Ce prêtre avait profondément ému le pape François lors de son voyage en Albanie. En effet, ce prêtre de 87 ans avait alors témoigné de son expérience d’emprisonnement. Il avait effectivement fait le récit ses 30 années de prison et de travaux forcés à l’époque où l’Albanie était sous le joug du régime totalitaire athée.

À l’issue de ce consistoire, le pape François célébrera la Messe de la solennité du Christ Roi en leur compagnie. Cette célébration eucharistique marquera la fin du Jubilé de la Miséricorde.

Vous trouverez ci-dessous la liste des nouveaux cardinaux :

1- Mgr Mario Zenari, nonce apostolique en Syrie

2- Mgr Dieudonné Nzapalainga, C.S.Sp., archevêque de Bangui (RCA)

3- Mgr Carlos Osoro Sierra, archevêque de Madrid (Espagne)

4- Mgr Sérgio da Rocha, archevêque de Brasilia (Brésil)

5- Mgr Blase J. Cupich, archevêque Chicago (États-Unis)

6- Mgr Patrick D’Rozario, C.S.C., archevêque de Dacca (Bangladesh)

7- Mgr Baltazar Enrique Porras Cardozo, archevêque de Merida (Venezuela)

8- Mgr Jozef De Kesel, archevêque de Bruxelles (Bruxelles)

9- Mgr Maurice Piat, archevêque de Port-Louis (Maurice)

10- Mgr Kevin Joseph Farrell, préfet du dicastère pour les laïcs, la famille et la vie

11- Mgr Carlos Aguiar Retes, archevêque de Tlalnepantla (Mexique)

12- Mgr John Ribat, M.S.C., archevêque de Port Moresby (Papouasie-Nouvelle Guinée)

13- Mgr Joseph William Tobin, C.SS.R., archevêque d’Indianapolis (États-Unis)

Évêque et archevêques émérites :

1- Mgr Anthony Soter Fernandez, archevêque émérite de Kuala Lumpur (Malaisie)

2- Mgr Renato Corti, archevêque émérite de Novara (Italie)

3- Mgr Sebastian Koto Khoarai, O.M.I,  évêque émérite de Mohale’s Hoek (Lesotho)

Prêtre:

1- Père Ernest Simoni, prêtre de l’archidiocèse de Shkodrë-Pult (Scutari – Albanie).

Échos du Vatican

Retour dans cette émission sur le voyage du Pape dans le Caucase. Éclairage sur les nouvelles procédures de canonisation. Et retour également sur l’héritage de l’ancien Président Israélien, Shimon Peres.

Visite du Pape en Azerbaïdjan: Discours lors de la cérémonie de départ

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Monsieur le Président,
Distinguées Autorités,
Illustres Membres du Corps Diplomatiques Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de visiter l’Azerbaïdjan et je vous remercie de l’accueil cordial dans cette ville, capitale du pays, située sur les rives de la Mer caspienne, ville qui a transformé radicalement son visage avec de très récentes constructions, comme celle dans laquelle se déroule cette rencontre. Je vous suis vivement reconnaissant, Monsieur le Président, pour les aimables paroles de bienvenue que vous m’avez adressées au nom du Gouvernement et du peuple azerbaïdjanais, et pour m’avoir offert la possibilité, grâce à votre courtoise invitation, d’échanger la visite que vous avez effectuée l’année dernière au Vatican, avec Madame votre Épouse.

Je suis venu dans ce pays, en portant dans le cœur l’admiration pour la complexité et la richesse de sa culture, fruit de l’apport de nombreux peuples qui, tout au long de l’histoire, ont habité ces terres, en donnant vie à un réseau d’expériences, de valeurs e de particularités qui caractérisent la société actuelle et se traduisent dans la prospérité de l’État azerbaïdjanais moderne. Le 18 octobre prochain, l’Azerbaïdjan célèbrera le 25ème anniversaire de son indépendance et cette date offre la possibilité de jeter un regard d’ensemble sur les événements de ces décennies, sur les progrès accomplis et sur les problématiques que le pays est en train d’affronter.

Le chemin parcouru jusqu’ici montre clairement les remarquables efforts faits pourcapture-decran-2016-10-02-a-15-44-55 consolider les institutions et favoriser la croissance économique et civile de la Nation. C’est un parcours qui demande une constante attention à tous, spécialement aux plus faibles, un parcours possible grâce à une société qui reconnaît les bénéfices du multiculturalisme et de la complémentarité nécessaire des cultures, en sorte que parmi les diverses composantes de la communauté civile et parmi ceux qui appartiennent à différentes confessions religieuses s’instaurent des relations de collaboration mutuelle et de respect.

Cet effort commun dans la construction d’une harmonie entre les différences a une signification particulière en ce moment, car il montre qu’il est possible de témoigner de ses propres idées et de sa propre conception de la vie sans empiéter sur les droits de ceux qui sont porteurs d’autres conceptions et d’autres visions. Toute appartenance ethnique ou idéologique, comme tout chemin authentique religieux, ne peut qu’exclure des attitudes et des conceptions qui instrumentalisent les convictions personnelles, l’identité personnelle ou le nom de Dieu pour légitimer des desseins d’oppression et de domination.

Je souhaite vivement que l’Azerbaïdjan continue sur la route de la collaboration entre les diverses cultures et confessions religieuses. Que toujours plus l’harmonie et la coexistence pacifique nourrissent la vie sociale et civile du pays, dans ses multiples expressions, assurant à tous la possibilité d’apporter sa propre contribution au bien commun.

Le monde expérimente, malheureusement, le drame de nombreux conflits alimentés par l’intolérance, fomentée par des idéologies violentes et par la négation pratique des droits de plus faibles. Pour s’opposer valablement à ces dérives dangereuses, il faut que grandisse la culture de la paix, qui se nourrit d’une incessante prédisposition au dialogue et de la conscience qu’il n’existe pas d’alternative raisonnable à la recherche patiente et assidue de solutions partagées, à travers des négociations loyales et constantes.

Tout comme à l’intérieur des Nations il faut promouvoir l’harmonie entre ses diverses composantes, de même, entre les États, il est nécessaire de continuer avec sagesse et capture-decran-2016-10-02-a-15-46-18courage sur la voie qui conduit au progrès authentique et à la liberté des peuples, en ouvrant des pistes originales qui visent à des accords durables et à la paix. Ainsi, on épargnera aux peuples de graves souffrances et des déchirements douloureux, difficiles à guérir.

Vis-à-vis de ce pays aussi, je désire exprimer de tout cœur ma proximité à ceux qui ont dû laisser leur terre et aux nombreuses personnes qui souffrent à cause de conflits sanglants. Je souhaite que la communauté internationale sache offrir avec constance son aide indispensable. En même temps, afin de rendre possible l’ouverture d’une phase nouvelle, ouverture à une paix stable dans la région, j’adresse à chacun l’invitation à tout tenter pour arriver à une solution satisfaisante. J’ai espoir que, avec l’aide de Dieu et grâce à la bonne volonté des parties, le Caucase pourra être le lieu où, par le dialogue et la négociation, les différends et les divergences trouveront leur règlement et leur dépassement, en sorte que cette région, ‘‘porte entre l’Orient et l’Occident’’, selon la belle image utilisée par saint Jean-Paul II quand il a visité votre pays (cf. Discours lors de la cérémonie de bienvenue, 22 mai 2002 : Insegnamenti XXV, 1 [2002], p. 838), devienne également une porte ouverte vers la paix et un exemple à regarder pour résoudre les vieux et les nouveaux conflits.

L’Église catholique, même si elle constitue dans le pays une présence numériquement limitée, est insérée dans la vie civile et sociale de l’Azerbaïdjan, participe à ses joies et est solidaire pour affronter ses difficultés. La reconnaissance juridique, rendue possible suite à la ratification de l’Accord international avec le Saint-Siège en 2011, a de plus offert un cadre normatif plus stable pour la vie de la communauté catholique en Azerbaïdjan.

Par ailleurs, je suis particulièrement heureux des relations cordiales que la communauté catholique entretient avec les communautés musulmane, orthodoxe et juive, et je souhaite que s’accroissent les signes d’amitié et de collaboration. Ces bonnes relations revêtent un haute signification pour la cohabitation pacifique ainsi que pour la paix dans le monde et montrent qu’entre les fidèles de diverses confessions religieuses sont possibles les relations cordiales, le respect et la coopération en vue du bien de tous.

L’attachement aux valeurs religieuses authentiques est tout à fait incompatible avec la volonté d’imposer aux autres par la violence ses propres visions, en se réfugiant derrière le saint nom de Dieu. Que la foi en Dieu soit, au contraire, source et inspiration de compréhension mutuelle et de respect ainsi que d’aide réciproque, en faveur du bien commun de la société.

Que Dieu bénisse l’Azerbaïdjan par l’harmonie, la paix et la prospérité. [01529-FR.01] [Texte original: Italien]

Église en sortie 30 septembre 2016

Cette semaine à Église en sortie, nous recevons sœur Lorraine Caza CND avec qui Francis Denis s’entretient sur sa vie de religieuse et théologienne et sur sa vision de l’Église catholique au Québec. Et l’abbé Claude Paradis de l’Apostolat Notre-Dame-de-la-rue nous offre sa première chronique de la saison sur les actualités de la rue à Montréal.

Échos du Vatican

Au sommaire de cette émission: rencontre entre le pape François et les proches des victimes de l’attentat de Nice. Retour sur le discours du cardinal Parolin à l’ONU. Éclairage sur le prochain voyage du Pape dans le Caucase.

Thérèse de Lisieux et Padre Pio : La joie de souffrir et d’offrir en donnant la Miséricorde

 

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Nous commémorons aujourd’hui la mort de Padre Pio (23 septembre 1968), et la semaine prochaine  celle de Thérèse de Lisieux (30 septembre 1897). À cette occasion nous publions ici un texte écrit sur ces deux figures de sainteté, par Francesco Armenti, diacre, journaliste et écrivain. Originaire de San Severo, dans le sud de l’Italie, Don Francesco a grandi dans la même province que Padre Pio, dont il est un spécialiste.

1. Durant cette Année de la Miséricorde, il est important de se plonger dans la vie des saints, parce que, comme nous l’a dit le Pape François, “ils sont entrés dans la profondeur de la Miséricorde”.

La vie de Sainte Thérèse de Lisieux (1873-1897) et celle de Padre Pio (1887-1968), comme d’ailleurs celle de tous les saints, et si nous le voulons, de chacun d’entre nous et de tout homme, est une histoire d’amour entre Dieu et l’âme, entre le Père et le Fils, en lequel le Seigneur se manifeste par sa miséricorde, sa tendresse, sa compassion et sa charité infinie.

Au cours de cette réflexion, nous chercherons la présence de Dieu en ces deux saints, en pénétrant dans leur chemin de sanctification et dans leur spiritualité, avec le but d’être guidés par leur exemple, vers la rencontre avec le Miséricordieux.

Ces deux saints ne se sont pas connus personnellement : en fait, quand Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus est morte, Padre Pio n’avait que 10 ans.

Mais, Padre Agostino de San Marco in Lamis, le directeur spirituel de Padre Pio, et professeur de théologie, lui inculqua la dévotion envers Sainte Thérèse, et l’invita à lire l’ “Histoire d’une âme”

Padre Pio devint ainsi profondément amoureux de la spiritualité de la petite Thérèse, jusqu’à intérioriser son langage spirituel et mystique.

Comme nous le verrons, ces deux saints ont vécus des phénomènes mystiques similaires, comme la blessure d’amour, l’abandon à l’amour divin, et la Nuit de l’Esprit.

De fait, en comparant la description qu’ils font de ces phénomènes, on s’aperçoit que le langage, les sentiments, les émotions exprimés par Padre Pio, sont très similaires à ce qu’écrit Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus.

La participation du Saint de Pietrelcina, en bilocation, à la béatification et à la canonisation de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, est un fait reconnu.

Monseigneur Thomas Gregorio Comacho, Archevêque de Salto (Uruguay) a en effet, déclaré avoir vu, le 29 avril 1923, le frère capucin dans la Basilique Saint Pierre. Toutefois quand il s’approcha pour le saluer, celui-ci disparut.

 Puis, deux ans plus tard, le 17 mai 1925, le jour de la canonisation de Sainte Thérèse, ce fut Don Orione (Saint Louis Orione) qui témoigna de la présence de Padre Pio, toujours en bilocation. Don Orione, déclara lui aussi, que Padre Pio disparaissait chaque fois qu’il essayait de s’en approcher.

Ces deux bilocations, survenues lors de deux évènements écclésiaux importants regardant Sainte Thérèse, montrent la dévotion que le capucin stigmatisé nourrissait pour la sainte Patrone des Missions.

Dans une lettre à sa fille spirituelle, Raffaelina Cerase, également très dévote de la petite Thérèse, Padre Pio, reprenant un conseil de Padre Agostino, dit ceci de la carmélite « Voici, ma fille, l’exemple d’une âme totalement détachée d’elle même, et pleine de Dieu. C’est précisément ce que vous devez vous efforcer de devenir, vous aussi, avec l’aide de Dieu ».

2. Voyons maintenant la spiritualité qui a caractérisé et uni la vie de ces deux saints. Spiritualité que nous pouvons synthétiser ainsi : la “petite voie” et l’humilité, l’amour de l’Eucharistie, l’abandon à l’amour de Dieu, la “Folie de la Croix” et l’expérience de la Miséricorde.

La “Petite Voie”

Bien que de manière différente, ces deux saints, pour aller à l’encontre du Seigneur, ont choisi et vécu la “petite voie”.

Un chemin fait de petits gestes quotidiens, pleins d’amour, de reconnaissance, d’offrande de ses propres souffrances, d’incompréhensions, d’humiliations, de dépouillement total de soi-même à l’imitation de “ l’abaissement de Dieu”.

A la lecture de leur vie et de leurs écrits, il apparaît que – que ce soit Thérèse ou que se soit Padre Pio – ils ont toujours désiré une vie cachée et qu’ils se sont toujours pris pour “un petit rien”. Tous les deux se sont vraiment faits “enfants”, pour suivre Jésus et rechercher l’amour dans les petites choses (cf. Mc 10,14-16). Padre Pio disait de lui-même « Je ne suis qu’un pauvre frère qui prie ».

Le choix de l’humilité et de la “petite voie” chez ces deux saints nait de la méditation du mystère de l’incarnation, de la Kénose de Dieu et de l’amour de l’Enfant Jésus. A ce sujet, examinons en parallèle, deux de leurs écrits.

Dans son autobiographie, la petite Thérèse s’offre « à l’Enfant-Jésus pour être son petit jouet … non pas comme un de ces jouets de prix que les enfants se contentent de regarder sans oser y toucher, mais comme une petite balle de nulle valeur, qu’il pouvait jeter à terre, pousser du pied, percer, laisser dans un coin, ou bien presser sur son cœur si celui faisait plaisir ».

En 1912, Padre Pio qui a déjà lu “L’histoire d’une âme”, et qui connait donc l’expérience spirituelle et mystique de Saint Thérèse, écrit dans une lettre du 18 janvier 1913 adressée à Padre Agostino, lettre dans laquelle il révèle aussi les attaques du démon: « Comme il me le répète souvent, je suis le jouet de l’Enfant-Jésus, mais ce qui est pire, c’est qu’il a choisi un jouet sans aucune valeur. Je regrette seulement qu’il salisse ses menottes divines. Je pense qu’un jour, il le jettera dans un fossé pour ne plus jouer avec lui. Je ne mérite pas un autre sort».

La pensée de Padre Pio, dans le fond et dans la forme, est semblable à celle de la jeune carmélite, simplement parce qu’il a vécu la même expérience spirituelle.

Amour de l’Eucharistie

Où la Carmélite et le Capucin se réfugient-ils pour puiser la force et le courage d’être et de vivre «cachés avec Dieu et en Dieu »? (Col 3,3).  Toujours et uniquement devant le Tabernacle, l’Eucharistie, le “sacrement du quotidien”. C’était la source de leur vie.

 Je rappellerai simplement deux pensées sur l’Eucharistie de ces deux saints.

La petite Thérèse, toujours désireuse de recevoir le corps du Seigneur,  écrivait : « Il descend tous les jours du ciel, non pas pour rester dans le ciboire d’or, mais pour en trouver un autre : le ciel de notre âme. Ce ciel lui est infiniment plus cher que le premier parce qu’il est fait à son image : c’est un temple vivant de l’adorable Trinité » (Manuscrit “A”).

Sans l’Eucharistie, sans l’autel et le confessional, on ne comprendrait pas le mystère de Padre Pio, qui dans la Sainte Messe revivait la passion du Christ, en s’offrant victime pour les pécheurs.

Le 29 mars 1911, il écrit à Padre Benedetto « Mon cœur se sent comme attiré par une force supérieure avant de s’unir à lui le matin dans le Saint Sacrement. J’ai une telle faim et soif avant de le recevoir, que je manque de mourir d’angoisse. Et c’est justement parce que je ne peux pas ne pas m’unir à Lui que, même fiévreux, je suis obligé d’aller me nourrir de ses chairs. Et cette faim et soif, au lieu d’être apaisées après l’avoir reçu en sacrement, croissent de plus en plus. Alors ensuite, quand je suis déjà en possession de ce bien suprême, alors bien que la plénitude de douceur soit vraiment grande, il s’en faut de peu pour que je ne dise à Jésus : ça suffit, je n’en peux vraiment plus. J’oublie presque d’être de ce monde, l’intelligence et le coeur ne désirent plus rien, et pendant un long moment, quelquefois, même involontairement, il ne me vient aucun désir d’autre chose ».

Abandon à l’Amour de Dieu

Dans les épreuves et les souffrances, dans la nuit obscure de l’Esprit, Padre Pio, guidé par son directeur spirituel, est poussé à imiter Thérèse dans sa capacité à s’abandonner, à se fier aveuglément à l’amour de Dieu, et à tout vivre dans la logique de l’Amour.

Padre Agostino encourage Padre Pio à la confiance, en l’invitant à réfléchir sur une des phrases que Sainte Thérèse, empruntait elle-même à Saint Jean de la Croix : « A la fin de notre vie, nous serons jugés sur l’amour » (cf. Mt 25,35). En effet, dans une lettre du 13 octobre 1915 Padre Agostino écrit : « Tâche encore d’apaiser tes angoisses en t’abreuvant à la fontaine de l’amour divin; tu dois les apaiser par la foi, la confiance, l’humilité et la soumission à la volonté de Dieu. La vénérable sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus disait : « Je suis une petite âme ; je ne veux décider, ni de mourir, ni de vivre, mais que Jésus fasse de moi ce qu’il veut! ».

Et Padre Pio il 17 octobre 1915 lui répond ainsi : « Mon Père, que mon malheur est grand! Qui pourra jamais le comprendre? Je sais fort bien que je suis un mystère pour moi-même, je n’arrive pas à me comprendre. Vous m’écrivez que la vénérable sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus avait l’habitude de dire : « Je ne veux décider, ni de mourir, ni de vivre; mais que Jésus fasse de moi ce qu’il veut! Je vois bien, hélas, que c’est la caractéristique de toutes les âmes dépouillées d’elles-mêmes et pleines de Dieu. Mais comme mon âme est loin d’un tel dépouillement! Je n’arrive pas à refréner les élans de mon cœur; pourtant, mon Père, je m’efforce de correspondre à ce que la vénérable sœur Thérèse disait, car cela devrait être la conviction de toute âme brûlante d’amour pour Dieu. Je dois avouer que je n’y parviens pas, car cela signifie rester prisonnier d’un corps de mort. C’est le signe que je n’ai pas d’amour pour Dieu : si c’était le cas, en effet, puisqu’un est l’esprit qui vivifie, un aussi devrait en être l’effet. Comprenons-nous bien: si celui qui agit en moi était le même que celui qui agissait en sœur Thérèse, mon âme partagerait sa conviction. Or, dites-moi : n’ai-je pas raison d’en douter? Pauvre de moi! Qui délivrera mon cœur de cette torture? ».

Miséricorde et “Folie” de la Croix

La Sainte de Lisieux et le Saint de Pietrelcina sont entrés dans le mystère de la Miséricorde de Dieu, chacun avec la vocation et les charismes qu’ils ont reçus, parce qu’ils ont contemplés le Miséricordieux, crucifié et ressuscité, et qui comme Marie, sont restés, sous la Croix où ils ont appris à aimer. Sainte Thérèse voyait dans la Croix, la possibilité concrète d’aimer les pécheurs qu’elle considérait comme des fils à sauver, et pour eux, elle offrait son amour crucifié avec Jésus sur la Croix.

En effet, elle écrivait, que «[…] La saintété ne consiste pas à dire de belles choses, ni à les penser ou à les ressentir; mais elle consiste dans le vouloir bien souffrir ». Toute sa vie, après la découverte de la “petite voie”, est illuminée par le soleil de la Miséricorde de Dieu. L’amour de Miséricorde chez Thérèse peut être synthétisé dans une de ses affirmations : « Le propre de l’amour est de s’abaisser ». Etre  miséricordieux signifie donc, s’abaisser, s’humilier, se dépouiller de soi à l’imitation du Christ.

La Croix et la miséricorde sont des caractéristiques inéliminables dans la vie de Padre Pio, qui, à la différence de Sainte Thérèse, en plus d’avoir été destinataire de l’amour de Dieu, a été aussi dispenciateur de sa miséricorde et de son pardon, dans le confessional et dans la direction spirituelle.

Le Frère stigmatisé était conscient de cette mission de “pardonneur” pour laquelle il avait été choisi par le Seigneur, et c’est cette mission qui était âprement et férocement combattue par satan.

De fait, le 3 juin 1919, il écrit à Padre Benedetto « Je n’ai pas une minute de libre : tout mon temps est consacré à tirer les frères des lacets de satan […]. La charité la plus grande est celle d’arracher des âmes accrochées à satan pour les gagner à Dieu. C’est justement cela que je fais avec assiduité, et la nuit et le jour ».

Que ce soit en Sainte Thérèse, comme en Padre Pio, la “folie de la Croix” coïncide dans le don “d’être holocauste” pour les pécheurs, et dans la mission de “porter des âmes au Seigneur”.

3. Au terme de cette méditation, il est beau de regarder, encore une fois, Sainte Thérèse et Padre Pio, comme deux étoiles qui indiquent la lumière de la Croix, laquelle est l’icone la plus parfaite de la miséricorde du Seigneur.

Ces deux saints encouragent à « être miséricordieux comme le Père » (Lc 6,36), en portant avec espérance et confiance la « Croix de la passion, et en s’identifiant au péché du monde moderne » (Cardinale Carlo  Caffarra).

La Sainte, Docteur de l’Eglise, et le Frère Capucin, modèle de vie sacramentelle et de vie sacerdotale, qui se considéraient fragiles et petits, et participaient à la Passion du Christ, sont, aujourd’hui encore, témoins de la Miséricorde du Seigneur qui continue à sauver le monde et l’humanité.

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