L’Église au service de la solidarité

CNS photo/Pascal Rossignol, Reuters

Le 1er novembre 2016, le Conseil Église et Société de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (AECQ) publiait le document intitulé « Des solidarités à reconstituer et à reconstruire ». Se situant dans le prolongement d’un autre document publié auparavant sur le thème de la corruption (et dont j’ai déjà parlé), ce texte d’une quinzaine de pages manifeste bien les causes des différentes crises sociales actuelles, tout en proposant des solutions humaines et spirituelles.

Une société inéluctablement en décomposition ?

Ce n’est un secret pour personne, nos sociétés ne sont pas arrivées à un si haut degré de cynisme toutes seules. Que ce soit à cause des magouilles qui furent le sujet de la commission Charbonneau ou à cause des nombreuses déceptions créées par les politiciens tout parti confondu, -ce «cynisme du pouvoir » (no42) comme disait Benoît XVI- les citoyens du Québec ont de moins en moins l’espoir de voir les choses s’améliorer dans un avenir rapproché. En d’autres termes, notre société de plus en plus individualiste semble de moins en moins en mesure de faire face aux défis qui s’annoncent.

Dans ce contexte, le document de l’AECQ nous empêche de nous exonérer de tout examen de conscience. En effet, la dissolution graduelle du lien social et des institutions témoigne d’un problème plus profond. En effet, cette « culture individualiste » (no 1.3) nous influence grandement à ne plus considérer le bien de la collectivité dans nos choix personnels. Ainsi, atomisés dans des modes de vies centrés sur l’assouvissement des plaisirs, le bien commun, fondement et fin de la société, s’en trouve grandement affecté, frappant au passage les plus faibles et les plus vulnérables de nos sociétés.

Or, en cette heure où les vieilles idéologies ne semblent plus être capables d’être des forces attractives, comme par exemple « l’État providence qui n’arrive pas à satisfaire les attentes », il est primordial de retrouver un socle plus solide pour « reconstituer et reconstruire les solidarités ».

Au-delà des idéologies

En ce sens, le document de l’AECQ propose trois pistes de solutions qui, bien qu’étant présentées dans la perspective d’une nécessité de la Grâce pour agir efficacement, peut interpeler tout homme et toute femme de bonne volonté.

Dans un premier temps, il est impératif de travailler à reconstituer les institutions de ce que la Doctrine sociale de l’Église nomme « la société civile » c’est-à-dire le voisinage, la paroisse et la famille déjà durement affaiblis par la culture ambiante. En ce sens :

« Face au nombre de plus en plus grand de personnes seules, de foyers brisés, de liens purement virtuels (ordinateur, cellulaire, iPod, tablette, télévision), il est absolument nécessaire de reconstituer ces solidarités fondamentales que sont la famille et le voisinage, voire, la paroisse. Ils jouent un rôle inestimable d’amortisseur face aux épreuves subies par les personnes en situation précaire. »

Une deuxième dimension de ce travail de reconstitution de ce qui est le fondement de notre société se trouve dans l’exercice même de la solidarité envers les plus démunis. Dans ce qui a tous les airs d’un cercle vertueux, l’AECQ montre bien comment l’engagement auprès des pauvres doit être au centre « de nos stratégies pastorales et catéchétiques » (no 3.2). Cette présence auprès des personnes faibles aura l’avantage de nous mettre en présence de nos propres vulnérabilités, nous qui sommes souvent imbus et profondément illusionnés par une soi-disant autonomie. De plus, cette proximité nous dépouillera des styles de vie néfastes de la « consommation à outrance » (no 3.3). Enfin, et étant plus particulièrement adressée aux laïcs, cette solidarité existentielle avec les personnes pauvres pourra développer de nouvelles sensibilités qui motiveront un engagement renouvelé pour « s’attaquer aux causes structurelles de la pauvreté, de l’inégalité et de l’injustice » (no 3.4).

Évitant brillamment les pièges de l’idéologie et des mirages de l’utopie, le dernier document du Conseil Église et Société de l’AECQ montre bien l’urgence de prendre au sérieux les exigences sociales de la vie chrétienne. Si comme l’affirme la Lettre à Diognète « ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde »[13], il est impératif de suivre les conseils du pape François et de l’AECQ selon lesquels :

« N’ayons pas peur de déployer les voiles de notre cœur, de quitter le port de nos sécurités individuelles pour naviguer sur la mer des solidarités entre les pays et les gens d’ici et d’ailleurs. […] D’où la nécessité d’une « mystique du vivre ensemble » qu’il nous faut découvrir et transmettre ».

** Pour approfondir la question, vous pouvez visionner l’épisode d’Église en sortie consacré à ce document dans une entrevue avec Mgr Noël Simard, évêque du Diocèse de Valleyfield et membre du Conseil Église et société de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec.

Mémoire de l’AECQ lors des consultations publiques sur le projet de loi 62

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Vous trouverez ci-dessous le document complet de la Contribution de l’Assemblée des évêques à la consultation publique organisée par la Commission des Institutions sur le projet de loi 62 Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements religieux dans certains organismes:

Introduction

Nous remercions la Commission des Institutions de nous avoir invités dans le cadre de cette consultation. Nous sommes heureux et honorés de pouvoir apporter notre contribution à la réflexion sur un sujet qui est de grande importance pour le Québec.

Notre délégation est composée de trois membres du comité exécutif de notre Assemblée:

Monsieur le cardinal Gérald Cyprien Lacroix, archevêque de Québec;

Monseigneur Christian Lépine, archevêque de Montréal;

et Monseigneur Paul Lortie, évêque de Mont-Laurier, président de l’Assemblée.

Un mot, d’abord, pour présenter l’Assemblée des évêques catholiques du Québec.

D’après un document d’archives, les évêques du Québec se réunissent en Assemblée depuis 1849. Il y a donc 167 ans.

Aujourd’hui, nous nous réunissons en assemblée plénière deux fois par année, quatre jours en mars et quatre jours en septembre. Entre ces plénières, un comité exécutif de sept évê- ques, élus par l’Assemblée, assure le suivi, avec le concours du secrétariat général. Celui-ci a été créé il y a cinquante ans cette année, en septembre 1966, et est incorporé sous le nom de Secrétariat des évêques catholiques du Québec; cinq personnes y travaillent à temps plein, dont le secrétaire général.

Les membres de l’Assemblée sont les évêques catholiques exerçant leur ministère au Québec, c’est-à-dire non seulement les dix-neuf évêques diocésains de rite latin, mais aussi leurs auxiliaires et les évêques de rites orientaux — maronites, grecs-melkites, syro-catholi- que — ayant leur siège au Québec. Il y a actuellement vingt-huit évêques qui sont membres. On en trouvera la liste en annexe au présent mémoire.

L’Assemblée est ce que son nom indique: une assemblée. Ce n’est pas une instance supplé- mentaire de la hiérarchie de l’Église, ni une autorité qui serait au-dessus des évêques. C’est un lieu d’entraide, de concertation, de fraternité. Le président n’est pas « le président des évêques », mais président d’assemblée. Lorsqu’il intervient, avec l’Exécutif, sur la place pu- blique, il tâche d’exprimer ce qui fait consensus au sein de l’Assemblée.

•••

Notre intervention portera principalement sur trois sujets, sur lesquels nous ferons des re- commandations qui pourraient, à notre avis, bonifier le projet de loi:

• La signification et la raison d’être de la neutralité religieuse de l’État. • La liberté de conscience et de religion.

• La valeur du pluralisme québécois actuel.

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