Vous trouverez ci-dessous le document complet de la Contribution de l’Assemblée des évêques à la consultation publique organisée par la Commission des Institutions sur le projet de loi 62 Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements religieux dans certains organismes:
Introduction
Nous remercions la Commission des Institutions de nous avoir invités dans le cadre de cette consultation. Nous sommes heureux et honorés de pouvoir apporter notre contribution à la réflexion sur un sujet qui est de grande importance pour le Québec.
Notre délégation est composée de trois membres du comité exécutif de notre Assemblée:
Monsieur le cardinal Gérald Cyprien Lacroix, archevêque de Québec;
Monseigneur Christian Lépine, archevêque de Montréal;
et Monseigneur Paul Lortie, évêque de Mont-Laurier, président de l’Assemblée.
Un mot, d’abord, pour présenter l’Assemblée des évêques catholiques du Québec.
D’après un document d’archives, les évêques du Québec se réunissent en Assemblée depuis 1849. Il y a donc 167 ans.
Aujourd’hui, nous nous réunissons en assemblée plénière deux fois par année, quatre jours en mars et quatre jours en septembre. Entre ces plénières, un comité exécutif de sept évê- ques, élus par l’Assemblée, assure le suivi, avec le concours du secrétariat général. Celui-ci a été créé il y a cinquante ans cette année, en septembre 1966, et est incorporé sous le nom de Secrétariat des évêques catholiques du Québec; cinq personnes y travaillent à temps plein, dont le secrétaire général.
Les membres de l’Assemblée sont les évêques catholiques exerçant leur ministère au Québec, c’est-à-dire non seulement les dix-neuf évêques diocésains de rite latin, mais aussi leurs auxiliaires et les évêques de rites orientaux — maronites, grecs-melkites, syro-catholi- que — ayant leur siège au Québec. Il y a actuellement vingt-huit évêques qui sont membres. On en trouvera la liste en annexe au présent mémoire.
L’Assemblée est ce que son nom indique: une assemblée. Ce n’est pas une instance supplé- mentaire de la hiérarchie de l’Église, ni une autorité qui serait au-dessus des évêques. C’est un lieu d’entraide, de concertation, de fraternité. Le président n’est pas « le président des évêques », mais président d’assemblée. Lorsqu’il intervient, avec l’Exécutif, sur la place pu- blique, il tâche d’exprimer ce qui fait consensus au sein de l’Assemblée.
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Notre intervention portera principalement sur trois sujets, sur lesquels nous ferons des re- commandations qui pourraient, à notre avis, bonifier le projet de loi:
• La signification et la raison d’être de la neutralité religieuse de l’État. • La liberté de conscience et de religion.
• La valeur du pluralisme québécois actuel.
1. La signification et la raison d’être de la neutralité religieuse de l’État.
1.1 Dans le titre du projet de loi et dans son premier article, il est question de la « neutralité reli- gieuse de l’État » et il est précisé que le but de cette loi sera d’« en favoriser le respect ».
Cependant, on note que cette notion de neutralité religieuse « de l’État » n’est pas définie. Elle est plutôt utilisée — et de fait, désignée, à l’article 10 —, comme « un principe ».
L’article 5 contient bien une définition de la neutralité religieuse, mais ce n’est pas celle de l’État, mais son application au cas particulier d’« un membre du personnel d’un organisme public », exprimée ainsi: « veiller à ne pas favoriser ni défavoriser une personne en raison de l’appartenance ou non de cette dernière à une religion ».
1.2 Mais que signifie pour l’État lui-même d’être neutre sur le plan religieux ?
Comme toute loi doit toujours, éventuellement, être interprétée, il faut s’assurer au départ, dans la mesure du possible, que les termes qu’elle contient sont parfaitement clairs et définis. Il serait très risqué de construire un texte législatif autour de termes ambigus ou sujets à in- terprétations divergentes.
Or, actuellement, la notion de neutralité religieuse est ambiguë, car elle est comprise au moins de deux façons assez différentes:
i. Pour les uns — dont nous sommes— , être neutre signifie ne pas avoir de préférence ou de parti pris. Du point de vue d’un État, la neutralité religieuse signifie donc que cet État n’a pas de préférence en la matière. Il n’est ni pour ni contre telle religion ou telle autre. Ni pour ni contre la religion en elle-même. Ni pour ni contre sa présence ou son absence dans l’es- pace public. Ni pour ni contre la croyance, l’incroyance, l’athéisme ou l’indifférence par rap- port à la religion. Il est neutre.
Toute personne, bien sûr, est libre d’adhérer ou non à une religion ou à une pensée de type religieux. C’est fondamental. Comme individu, on a le droit d’être croyant, incroyant, athée, agnostique ou tout à fait indifférent par rapport à la religion. Et on a le droit de ne pas avoir d’opinion sur le sujet. Si l’État est neutre, c’est qu’il respecte toutes les options en la matière.
ii. Pour d’autres, la neutralité religieuse de l’État signifierait qu’il bannit toute manifestation de la dimension religieuse dans l’appareil étatique, notamment les signes et symboles qui se- raient visibles dans les lieux, dans les documents ou encore dans le comportement ou l’ha- billement du personnel. Neutralité religieuse signifierait alors absence de tout signe reli- gieux.
À notre avis, cette compréhension de la neutralité religieuse de l’État contient en elle-même une contradiction, puisque l’État aurait alors une préférence en matière religieuse, celle d’en exclure toute manifestation. Il ne serait donc pas neutre. On se rapprocherait, dans les faits, d’une sorte d’athéisme officiel.
1.3 C’est pourquoi il faut pousser la réflexion plus loin et chercher la raison d’être de la neutrali- té religieuse de l’État. Car, de fait, ce n’est pas une caractéristique qui est associée « automa- tiquement » à un État. C’est un choix, une option.
- Il y a, et il y a eu, des États qui sont confessionnels ou qui intègrent des éléments religieux dans leurs institutions; par exemple, il y a des États démocratiques modernes qui font réfé- rence à Dieu dans leurs constitutions, chartes, hymnes, lois, discours officiels ou documents.
- Il y a, et il y a eu, des États athées — qui, on le sait, n’étaient pas nécessairement neutres par rapport à la religion: qu’on pense seulement aux terribles persécutions religieuses et goulags que le XXe siècle a connus sous des régimes officiellement athées.
1.4 Alors pourquoi un État choisit-il la neutralité religieuse?
- On peut penser que, dans la conjoncture historique, sociologique et culturelle actuelle, c’est parce que cela paraît la manière la plus appropriée — et politiquement réaliste — de garantir concrètement l’exercice des libertés fondamentales, et en particulier de la liberté de con- science et de la liberté de religion.
- Ces libertés, il faut le souligner, précèdent l’État; elles ne viennent pas de lui. L’État les re- connaît et les respecte; il n’en est pas la source. Ce n’est pas l’État qui accorde des libertés aux citoyens. Ce sont les citoyens qui se donnent un État, sur lequel ils comptent notamment pour faire respecter leurs droits et libertés. L’État existe pour les citoyens, et non l’inverse.
- Si on fait une loi pour « favoriser le respect de la neutralité religieuse de l’État », c’est parce que cette neutralité a elle-même une raison d’être, qui est de garantir, d’assurer et de proté- ger l’exercice des libertés de conscience et de religion. La neutralité religieuse n’est pas un principe, mais un moyen. Ce n’est pas la neutralité qui est une valeur fondamentale à proté- ger, mais les droits et libertés qu’elle a pour fonction de garantir.
1.5 C’est pourquoi nous suggérons que soit clairement exprimé dans le projet de loi que l’option de l’État québécois pour la neutralité religieuse se fonde sur un engagement: celui de garan- tir, protéger et promouvoir l’exercice des libertés fondamentales.
À notre avis, une bonne façon de le faire serait de déclarer, dans un préambule ou un article, que l’État québécois fait sien l’engagement qui a été pris par les États signataires de la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par les Nations Unies en 1948. Dans le préambule de cette déclaration, laquelle est en quelque sorte un document fondateur de l’ONU, on lit en effet que « les États membres se sont engagés à assurer… le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
1.6 Si l’État est neutre en matière religieuse, c’est donc non seulement parce qu’en tant qu’État il n’a pas de préférence en la matière, mais surtout parce que son devoir est d’assurer, de protéger et de garantir, par ses lois et ses institutions, le libre exercice des droits et libertés. Et par le fait même, de fortifier la démocratie.
Aussi osons-nous poser une question qui pourra surprendre: le titre du projet de loi est-il le bon ? ll se lit: « Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements religieux dans certains organismes ».
Mais quel est le but poursuivi ? L’objectif n’est pas de protéger l’État, mais ses citoyens. Ne faudrait-il pas le dire explicitement même dans le titre de la loi ?
La Commission des Institutions pourrait recommander une nouvelle formulation, qui devrait faire référence prioritairement au respect et à la protection des citoyens. Ce pourrait être quelque chose comme: « Loi favorisant le respect de la liberté de conscience et de la liberté de religion … »
Nous en venons ainsi au deuxième sujet que nous désirons aborder.
2.La liberté de conscience et la liberté de religion.
2.1 On ne trouve dans le projet de loi aucune mention explicite de la liberté de conscience et de la liberté de religion. De fait, le mot « conscience » en est totalement absent, alors qu’il est pourtant au coeur de toute la problématique.
À l’article 1, il est question « des conditions suivant lesquelles un accommodement pour un motif religieux peut être accordé ». Parler seulement de « motif religieux » n’est pas à la hauteur de l’importance de ce qui est en jeu ici.
Et l’article 6, qui a pourtant pour but évident de protéger la liberté de conscience d’un pro- fessionnel de la santé, s’en tient à l’expression « en raison de ses convictions personnelles ». C’est vrai, bien sûr, mais c’est insuffisant.
2.2 Parler seulement de « motifs religieux » et de « convictions personnelles » ne permet pas de donner au projet de loi des assises solides, à la mesure de la gravité des enjeux. Cela pour- rait même être interprété comme une façon d’éviter le point central de tout le débat, qui est l’exercice et le respect des droits et libertés.
Aussi, nous croyons qu’étant donné tout ce qui a conduit à ce projet de loi au cours des der- nières années, il faut qu’il repose sur rien de moins que la reconnaissance explicite des liber- tés fondamentales que sont la liberté de conscience et de religion.
2.3 C’est pourquoi nous recommandons:
i. que le projet de loi fasse explicitement référence à ces libertés de conscience et de religion, en les nommant clairement;
ii.qu’il utilise la formulation qui se trouve dans un « considérant » du préambule de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, à savoir que:
« le respect de la dignité de l’être humain, l’égalité entre les femmes et les hommes et la reconnaissance des droits et libertés dont ils sont titulaires constituent le fondement de la justice, de la liberté et de la paix ».
iii.et surtout qu’il cite explicitement l’article 18 de la Déclaration universelle, lequel constitue sans aucun doute la référence la plus solide pour un législateur :
« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en com- mun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.»
Le fait de reprendre explicitement ces affirmations, qui sont universelles et incontestables, aurait un double avantage: d’abord, d’élever tout le débat — et la législation qui en découle — au niveau approprié, qui est celui des valeurs universelles reconnues dans le concert des nations; et de plus d’éviter que les interprétations de la loi ne s’enlisent dans des discussions stériles sur le caractère privé ou public de la religion; la Déclaration universelle est sans équivoque: la religion se vit, s’exprime et se manifeste « tant en public qu’en privé ».
3. La valeur du pluralisme québécois actuel.
3.1 L’article 13 du projet de loi reconnaît la valeur des « éléments emblématiques ou toponymi- ques du patrimoine culturel du Québec, notamment du patrimoine culturel religieux, qui té- moignent de son parcours historique » en spécifiant qu’on ne pourra interpréter la présente loi pour les affecter d’une façon ou d’une autre. C’est sage et nous ne pouvons qu’approuver.
Cependant, cela nous paraît plutôt réducteur, car les « éléments emblématiques ou topony- miques » auxquels on réfère sans les nommer n’appartiennent pas seulement au passé ou au patrimoine. Il y a bien des éléments du présent, de la vie actuelle de notre Église par exem- ple, qui seront sans aucun doute considérés dans l’avenir comme faisant partie de l’héritage ou du patrimoine. Nouveaux noms de paroisses, bâtiments rénovés ou réaménagés, ajouts importants propres à notre époque (on pense, par exemple, à la Porte Sainte installée en 2013 dans la cathédrale de Québec), relance ou nouvelle vie dans des lieux fort fréquentés grâce à des investissements majeurs (on pense à l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal)…
Ce qui est en cause, ici, c’est que la réalité religieuse fait encore et toujours partie, bien que de façon différente, du Québec contemporain. Pour notre part, nous voyons sans cesse des manifestations inédites, en particulier chez les jeunes, qui permettent d’entrevoir la naissance d’une toute nouvelle façon d’être Église. Au cours des dernières années, par exemple, des milliers de jeunes adultes catholiques québécois, certains avec leur petite famille, se sont rendus à Sydney (2008), à Madrid (2011), à Rio de Janeiro (2013), à Cracovie (2016) pour y célébrer, avec le Pape et des millions d’autres jeunes venus de partout dans le monde, les Journées mondiales de la Jeunesse. Cela n’avait pas d’équivalent dans les générations passées.
3.2 En outre, le catholicisme québécois actuel est de plus en plus multiculturel. Il suffit de se rendre dans certaines de nos paroisses ou dans nos grands sanctuaires pour voir que la mon- dialisation est une réalité bien concrète pour nous. Les Québécois catholiques pratiquants sont de toutes races, langues, peuples et nations. Les prêtres aussi. Le dimanche, au Québec, la messe est maintenant célébrée dans plus de quarante langues différentes. On ne peut cer- tainement plus associer le catholicisme seulement à une forme de tradition ou d’héritage du Québec « pure laine», « de vieille souche ». Il est en pleine transformation et en évolution constante.
3.3 À ce pluralisme interne au catholicisme s’ajoute bien sûr la nouvelle diversité religieuse à laquelle la plupart des Québécois et des Québécoises n’étaient vraiment pas habitués, ni pré- parés, surtout quand elle devient plus visible. C’est évidemment l’une des causes principales du débat qui a conduit à ce projet de loi,
Nous croyons qu’il est de première importance d’affirmer dans cette loi la valeur de ce nou- veau pluralisme québécois. Il faut le traiter comme une richesse, non comme une menace qu’il faut encadrer.
3.4 On peut même se demander s’il est toujours approprié d’aborder la question à partir d’une logique des « accommodements ». La diversité et le pluralisme ne devraient plus être consi- dérés comme des éléments qui viennent déranger ou perturber la normalité des choses, mais comme la nouvelle réalité, point. Il ne s’agit plus — et il ne s’agira plus — d’accommoder, mais d’apprendre un nouveau vivre-ensemble, dans lequel la dimension religieuse à visages multiples — il faut le reconnaître — restera incontournable.
La société québécoise est devenue, et va demeurer culturellement et religieusement diversi- fiée et plurielle. C’est la réalité. Il faut non seulement prendre acte de cette nouvelle réalité, mais surtout l’intégrer à notre compréhension de ce que signifie être Québécois, Québécoise. Ce n’est qu’ainsi qu’on pourra aborder sereinement et avec pondération la question du port de signes religieux distinctifs par les employés de l’État, que le projet de loi n’aborde pas — sauf de façon indirecte à l’article 9 sur les services à visage découvert — mais qui revient sans cesse dans le débat public.
3.5 À notre avis, le port de signes ou de vêtements manifestant une appartenance religieuse est un cas évident d’exercice de la liberté de religion telle que décrite à l’article 18 de la Déclaration universelle. Il faudrait avoir des raisons graves et inattaquables pour restreindre cette liberté. Nous n’avons connaissance d’aucune raison suffisante pour le faire. Qui pourrait soutenir sérieusement, par exemple, que le fait qu’un employé de l’État québécois porte une kippa, un hijab ou une croix pourrait laisser croire que l’État voudrait soudainement imposer une confession religieuse ? La question n’est pas là. Il faut bien admettre qu’au fond, c’est qu’il y a des gens qui invoquent la neutralité ou la « laïcité » parce qu’ils ne veulent pas voir de signes religieux.
Mais la société québécoise est désormais pluraliste; cela se voit, et cela va continuer à se voir. Il faut s’y faire: il y va du respect de droits et libertés universellement reconnus. La fonction publique ne devrait-elle pas refléter cette nouvelle réalité et être à l’image de la so- ciété au service de laquelle elle est ? On a longtemps réclamé que les minorités dites « visi- bles » soient mieux représentées au sein de l’appareil gouvernemental. Faudrait-il mainte- nant faire marche arrière alors qu’elles commencent à l’être vraiment ?
Les catholiques, quant à eux, n’ont pas et n’ont jamais eu à porter obligatoirement un signe manifestant leur identité religieuse. Quand on évoque les costumes des prêtres, religieux et religieuses du Québec d’avant la Révolution tranquille, on parle de tout autre chose. Ces costumes manifestaient l’appartenance à un ordre ou à une congrégation, et non le simple fait d’être catholique. Le port de ces vêtements religieux relevait de règlements et de coutu- mes qui pouvaient être changés et qui, de fait, l’ont été dans la foulée du renouveau lancé par le concile Vatican II qui s’est tenu de 1962 à 1965.
Mais les croyants appartenant à d’autres églises, religions ou traditions peuvent avoir une sensibilité et des repères bien différents en cette matière. Que l’on soit catholique pratiquant ou simplement marqué par la culture catholique du Québec, il nous faut aujourd’hui faire preuve de grande prudence et d’ouverture pour essayer de comprendre ces concitoyens et concitoyennes qui voient les choses autrement que nous.
3.6 Une dernière considération. Le projet de loi évite les mots « laïcité » et « laïque ». Dans le contexte québécois, c’est un choix judicieux.
En effet, le mot « laïque », chez nous, a toujours été employé dans le sens courant de « qui n’est pas un clerc », donc de façon générale pour désigner les catholiques qui ne sont ni prêtres ni religieux ou religieuses. Et c’est toujours ainsi qu’il est largement utilisé dans nos communautés locales: ainsi, nous parlons des « employés laïques » de nos organismes et de nos paroisses. Il existe même un régime de retraite, regroupant une cinquantaine d’employeurs, spécifiquement pour les employés laïques de notre réseau à travers tout le Québec.
Et surtout, nous avons dans nos communautés paroissiales de nombreux « agents de pasto- rale laïques » — qui sont, de fait, majoritairement des agentes de pastorale. Nous les appe- lons les APL et ils (elles) assument bien des responsabilités, qui vont de la catéchèse et de l’initiation aux sacrements à la préparation des mariages et des liturgies dominicales, jus- qu’aux funérailles. C’est là le sens usuel et traditionnel du mot « laïque » pour un grand nombre de Québécois et de Québécoises.
L’usage plus théorique, qui renvoie au concept de laïcité, fait plutôt figure d’un mot importé d’un contexte culturel autre que le nôtre. D’ailleurs, il faut toujours souligner, lorsqu’on en- tend le mot, que la laïcité est une notion qui peut s’appliquer à des institutions, et non à la société en général, car celle-ci est composée de personnes qui ont toutes sortes de convic- tions, de croyances, de spiritualités et d’appartenances religieuses. Les Églises et autres or- ganisations religieuses et confessionnelles font partie de la société. On ne peut donc pas qualifier celle-ci de « laïque » à moins d’exclure bon nombre de citoyens et d’institutions. On peut parler d’« État laïque », d’« institutions laïques », mais non pas de « société laïque ». Ce serait une méprise. La société est diversifiée, plurielle, pluraliste.
En conclusion
Nous voulons redire notre profond attachement à nos institutions démocratiques, et particu- lièrement à notre Assemblée nationale, ainsi que notre admiration toujours renouvelée pour la capacité du peuple québécois à maintenir ouverts des espaces de partage, d’écoute et de dialogue même quand les débats peuvent s’enflammer et se charger d’émotion.
Avec ses valeurs profondément enracinées d’entraide, de compassion, de solidarité et de gé- nérosité, notre peuple est un peuple d’accueil et de convivialité, qui préfère la conciliation à la confrontation, qui veut toujours être du côté de la liberté, de la justice et de la tolérance. Sachons préserver et protéger cette dimension si précieuse de notre identité collective.
Pour notre part, nous avons la conviction que la foi qui nous habite — cette foi chrétienne, catholique qui a imprégné notre histoire et nos traditions — est et demeurera une source de sens, de confiance et d’espérance.
Au nom de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec,
+ Gérald Cyprien cardinal Lacroix + Paul Lortie + Christian Lépine
archevêque de Québec évêque de Mont-Laurier archevêque de Montréal
membre de l’Exécutif président membre de l’Exécutif