Retour dans cette émission sur la rencontre d’Assise où les leaders religieux du monde ont lancé ensemble un appel à la paix. Éclairage également sur la diplomatie du Vatican, dans le cadre du jubilé des nonces apostoliques.
Discours du pape François lors de la cérémonie conclusive de la Journée Mondiale de Prière pour la Paix à Assise
À 17:15, les participants des différentes religions se sont rencontrés sur la Place de Saint-François à Assise pour une cérémonie de conclusive de la Journée Mondiale de Prière pour la Paix. Le Saint-Père est arrivé sur la scène en compagnie du Rabbin Abraham Skorka, Recteur du Séminaire rabbinique de Marshall Meyer (Argentine); du professeur Abbas Schuman, Vice-Président de l’Université Al-Azhar (Égypte) ainsi que du Vénérable Gijun Sugitani, Conseillé Suprême de l’école Bouddhiste de Tendai (Japon).
La cérémonie a débutée avec les salutations de Son Excellence Domenico Sorrentino, Archevêque d’Assise-Novera (Umbra-Gualdo Tadino), et de père Mauro Gambetti o.f.m., Gardien du Couvent sacré d’Assise. Après une introduction du professeur Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté Sant’Egidio, une victime de la guerre en Syrie, Ms. Tamar Mikalli, réfugiée en provenance d’Alep (Syrie) a partagé son témoignage. Après l’allocution du Patriarche Bartholomée 1er, le professeur David Brodman, Rabbin d’Israël; le Vénérable Koei Morikawa, Patriarche du Bouddhisme Tendai (Japon), le Professeur Din Syamsuddin, Président du Conseil Ulema (Indonésie) ont prononcé leurs discours devant l’assemblée. Finalement, le pape François a prononcé le discours que voici:
Saintetés,
illustres Représentants des Églises, des Communautés chrétiennes et des Religions, chers frères et sœurs !Je vous salue avec grand respect et affection et je vous remercie de votre présence. Je remercie la Communauté de Sant’Egidio, le diocèse d’Assise et les Familles franciscaines qui ont préparé cette journée de prière. Nous sommes venus à Assise comme des pèlerins en recherche de paix. Nous portons en nous, et nous mettons devant Dieu les attentes et les angoisses de nombreux peuples et personnes. Nous avons soif de paix, nous avons le désir de témoigner de la paix, nous avons surtout besoin de prier pour la paix, car la paix est un don de Dieu et il nous revient de l’invoquer, de l’accueillir et de la construire, chaque jour avec son aide.
« Bienheureux les artisans de paix » (Mt 5,9). Beaucoup d’entre vous ont fait une longue route pour rejoindre ce lieu béni. Sortir, se mettre en route, se retrouver ensemble, se prodiguer pour la paix : ce ne sont pas seulement des mouvements physiques, mais surtout des mouvements de l’âme, ce sont des réponses spirituelles concrètes pour vaincre les fermetures en s’ouvrant à Dieu et aux frères. Dieu nous le demande, en nous exhortant à faire face à la grande maladie de notre époque : l’indifférence. C’est un virus qui paralyse, qui rend inertes et insensibles, un mal qui attaque le centre même de la religiosité, provoquant un nouveau paganisme extrêmement triste : le paganisme de l’indifférence.
Nous ne pouvons pas rester indifférents. Aujourd’hui, le monde a une ardente soif de paix. Dans de nombreux pays on souffre de guerres souvent oubliées, mais qui sont toujours causes de souffrance et de pauvreté. A Lesbos, avec le cher Patriarche œcuménique Bartholomée, nous avons vu dans les yeux des réfugiés la douleur de la guerre, l’angoisse de peuples assoiffés de paix. Je pense aux familles dont la vie a été bouleversée ; aux enfants qui n’ont rien connu d’autre dans la vie que la violence ; aux personnes âgées contraintes de laisser leurs terres : tous ont une grande soif de paix. Nous ne voulons pas que ces tragédies tombent dans l’oubli. Nous désirons prêter notre voix à tous ceux qui souffrent, à tous ceux qui sont sans voix et sans personne qui les écoute. Eux savent bien, souvent mieux que les puissants, qu’il n’y a aucun avenir dans la guerre, et que la violence des armes détruit la joie de la vie.
Nous, nous n’avons pas d’armes. Mais nous croyons dans la douce et humble force de la prière. En ce jour, la soif de paix s’est faite invocation à Dieu, pour que cessent les guerres, le terrorisme et les violences. La paix que nous invoquons d’Assise n’est pas seulement une protestation contre la guerre, elle n’est pas non plus le résultat « de négociations, de compromis politiques ou de marchandages économiques. Elle résulte de la prière » (Jean Paul II, Discours, Basilique Sainte Marie des Anges, 27 octobre 1986: Enseignements IX, 2 [1986], 1252). Cherchons en Dieu, source de la communion, l’eau limpide de la paix dont l’humanité est assoiffée : elle ne peut jaillir des déserts de l’orgueil ni des intérêts de parti, des terres arides du gain à tout prix et du commerce des armes.
Nos traditions religieuses sont diverses. Mais la différence n’est pas pour nous un motif de conflit, de polémique ou de froide distance. Nous n’avons pas prié aujourd’hui les uns contre les autres, comme c’est malheureusement arrivé parfois dans l’histoire. Sans syncrétisme et sans relativisme, nous avons en revanche prié les uns à côté des autres, les uns pour les autres. Saint Jean-Paul II, en ce même lieu, a dit : « Peut-être que jamais comme maintenant dans l’histoire de l’humanité, le lien intrinsèque qui unit une attitude religieuse authentique et le grand bien de la paix est devenu évident pour tous » (Id., Discours, Place de la Basilique inférieure de Saint François, 27 octobre 1986 : l.c., 1268). En poursuivant le chemin commencé il y a trente ans à Assise – où la mémoire de cet homme de Dieu et de paix que fut saint François est vivante – « une fois encore, nous qui sommes réunis ici, nous affirmons ensemble que celui qui utilise la religion pour fomenter la violence en contredit l’inspiration la plus authentique et la plus profonde » (Id., Discours aux Représentants des Religions, Assise, 24 janvier 2002: Enseignements XXV, 1 [2002], 104), qu’aucune forme de violence ne représente « la vraie nature de la religion. Elle en est au contraire son travestissement et contribue à sa destruction » (Benoît XVI, Intervention à la journée de réflexion, de dialogue et de prière pour la paix et la justice dans le monde, Assise, 27 octobre 2011 : Enseignements VII, 2 [2011], 512). Ne nous lassons pas de répéter que jamais le nom de Dieu ne peut justifier la violence. Seule la paix est sainte. Seule la paix est sainte, pas la guerre !
Aujourd’hui, nous avons imploré le saint don de la paix. Nous avons prié pour que les consciences se mobilisent pour défendre la sacralité de la vie humaine, pour promouvoir la paix entre les peuples et pour sauvegarder la création, notre maison commune. La prière et la collaboration concrète aident à ne pas rester prisonniers des logiques de conflit et à refuser les attitudes rebelles de celui qui sait seulement protester et se fâcher. La prière et la volonté de collaborer engagent une vraie paix qui n’est pas illusoire : non pas la tranquillité de celui qui évite les difficultés et se tourne de l’autre côté, si ses intérêts ne sont pas touchés ; non pas le cynisme de celui qui se lave les mains des problèmes qui ne sont pas les siens ; non pas l’approche virtuelle de celui qui juge tout et chacun sur le clavier d’un ordinateur, sans ouvrir les yeux aux nécessités des frères ni se salir les mains pour qui en a besoin. Notre route consiste à nous immerger dans les situations et à donner la première place à celui qui souffre ; d’assumer les conflits et de les guérir de l’intérieur ; de parcourir avec cohérence les voies du bien, en repoussant les faux-fuyants du mal ; d’entreprendre patiemment, avec l’aide de Dieu et de la bonne volonté, des processus de paix.
La paix, un fil d’espérance qui relie la terre et le ciel, un mot si simple, et en même temps difficile. Paix veut dire Pardon qui, fruit de la conversion et de la prière, naît de l’intérieur et, au nom de Dieu, rend possible de guérir les blessures du passé. Paix signifie Accueil, disponibilité au dialogue, dépassement des fermetures, qui ne sont pas des stratégies de sécurité, mais des ponts sur le vide. Paix veut dire Collaboration, échange vivant et concret avec l’autre, qui est un don et non un problème, un frère avec qui chercher à construire un monde meilleur. Paix signifie Education : un appel à apprendre chaque jour l’art difficile de la communion, à acquérir la culture de la rencontre, en purifiant la conscience de toute tentation de violence et de raidissement, contraires au nom de Dieu et à la dignité de l’homme.
Nous ici, ensemble et dans la paix, nous croyons et nous espérons en un monde fraternel. Nous désirons que les hommes et les femmes de religions différentes, partout se réunissent et créent de la concorde, spécialement là où il y a des conflits. Notre avenir est de vivre ensemble. C’est pourquoi nous sommes appelés à nous libérer des lourds fardeaux de la méfiance, des fondamentalismes et de la haine. Que les croyants soient des artisans de paix dans l’invocation à Dieu et dans l’action pour l’homme ! Et nous, comme Chefs religieux, nous sommes tenus à être de solides ponts de dialogue, des médiateurs créatifs de paix. Nous nous tournons aussi vers ceux qui ont une responsabilité plus haute dans le service des peuples, aux Leaders des Nations, pour qu’ils ne se lassent pas de chercher et de promouvoir des chemins de paix en regardant au-delà des intérêts de parti et du moment : que ne demeurent pas inécoutés l’appel de Dieu aux consciences, le cri de paix des pauvres et les bonnes attentes des jeunes générations. Ici, il y a trente ans, saint Jean-Paul II a dit : « La paix est un chantier ouvert à tous et pas seulement aux spécialistes, aux savants et aux stratèges. La paix est une responsabilité universelle » (Discours, Place inférieure de la Basilique de saint François, 27 octobre 1986 : l.c., 1269). Sœurs et frères, assumons cette responsabilité, réaffirmons aujourd’hui notre oui à être, ensemble, constructeurs de la paix que Dieu veut et dont l’humanité est assoiffée.
Échos du Vatican
C’est la fin de la pause estivale et donc la reprise des Échos du Vatican.
Belle visite au diocèse de Mont-Laurier pour le lancement de l’année pastorale
Chaque année, les personnes engagées dans les différents diocèses du Québec se réunissent pour échanger, approfondir leur foi et connaître les grandes priorités pastorales de leur diocèse. C’est à cet exercice auquel j’ai assisté jeudi dernier pour le lancement de l’année pastorale 2016-17 du diocèse de Mont-Laurier. S’étaient donc réunies quelque 150 personnes autour de leur évêque Mgr Paul Lortie pour vivre en sa compagnie une journée de ressourcement avant le départ en mission.
Je dis « mission » parce que cette année souligne la troisième étape d’une série de trois années dédiées au recentrement missionnaire de cette église diocésaine. En lien avec l’exhortation apostolique « Evangelii Gaudium », Mgr Lortie avait décrété comme priorité pastorale l’invitation pontificale à être « portés par la joie de l’Évangile ». En effet, mettant l’emphase sur la dimension missionnaire de la vocation baptismale, l’évêque de Mont-Laurier avait pensé présenter cette redécouverte en trois étapes, histoire de bien l’assimiler. Après « Semons la Parole. Va, je t’envoie » et « Donnons notre amour. Sors de chez toi ! » le thème de cette année est « Donnons notre pain ! Quitte ton confort. ». Faisant toujours référence au fabuleux texte du pape François, cette invitation, en deux parties, présentée dans un petit document remis aux participants, présente non seulement une vision réaliste des différents défis qui se présentent mais manifeste également une grande confiance en la présence du Seigneur.
Quitte ton confort
Dans un premier temps, le thème de l’année propose un regard critique et réaliste sur la réalité du monde d’aujourd’hui. À la manière du pape François, on décline les principaux défis culturels auxquels les acteurs pastoraux auront affaire alors même qu’ils tenteront d’entreren dialogue avec leurs contemporains, soit pour témoigner de la foi qui les habite, soit pour éduquer directement les personnes de tous âges qui leur seront confiées. « Quitte ton confort » signifie sortir de soi-même et de ses préférences personnelles pour embrasser la réalité de l’autre en montrant comment la miséricorde de Dieu est à leur portée. Pour que cela soit possible, nous dit le document, il ne faut pas se surprendre des réactions parfois négatives qui ne tiennent pas compte des efforts et de la générosité des disciples missionnaires. Au contraire, nous devons être conscients que notre société baigne dans une culture « narcissique » ou « l’indifférence religieuse » est très répandue et où les notions de base de dignité humaine et de respect de la vie ne sont plus comprises dans leur intégralité. En ce sens, l’invitation préalable à faire un deuil de notre propre confort nous permet d’être mieux préparés à la dure réalité de la mission en 2016.
Donne de ton pain
De ce « camps d’entraînement » spirituel que ce dénuement propose, la deuxième partie du thème de l’année pastorale du diocèse de Mont-Laurier vient apporter un baume qui saura réconforter ceux qui pourraient être tentés par le découragement. De fait, le document divulgue plusieurs façons de voir jusqu’à quel point le don généreux de soi peut être un réconfort inégalable tant pour celui qui s’engage que pour celui qui en bénéficie. Confier nos actions et notre bonheur dans les mains du Christ n’est jamais du temps perdu et les répercussions de cette dédication remplit le cœur de bonheur. Non pas de ce « bonheur » apparent que le pape François appelait « divan » dans son discours aux jeunes de Cracovie l’été dernier, mais d’un bonheur profond refusant de voir les personnes qui nous entourent laissées à elles-mêmes, dans l’ignorance de l’Amour qui est à portée de main depuis que le Seigneur a été glorifié sur la Croix.
Je fus très touché par la rencontre de toutes ces personnes présentes à cette journée importante de ressourcement. J’y ai rencontré des gens généreux, confiants de la présence du Seigneur à leurs côtés et enthousiastes de faire partie de cette Œuvre d’évangélisation qui est toujours à refaire. J’ai pu également être témoin d’une grande unité et fraternité de cette communauté avec leur évêque et leurs prêtres. En ce sens, l’envoi en mission à la fin de la journée fut certainement l’occasion de mettre les efforts à venir dans les mains de Dieu afin qu’Il les bénisse et qu’Il permette, s’Il le désire, cette « pêche miraculeuse » tant attendue !
Usons de miséricorde envers notre maison commune
En union avec les frères et les soeurs orthodoxes, et avec l’adhésion d’autres Églises et Communautés chrétiennes, l’Église catholique célèbre aujourd’hui l’annuelle « Journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la création ». Cette occasion entend offrir « à chacun des croyants et aux communautés la précieuse opportunité de renouveler leur adhésion personnelle à leur vocation de gardiens de la création, en rendant grâce à Dieu pour l’oeuvre merveilleuse qu’Il a confiée à nos soins et en invoquant son aide pour la protection de la création et sa miséricorde pour les péchés commis contre le monde dans lequel nous vivons »
Il est très encourageant que la préoccupation pour l’avenir de notre planète soit partagée par les Églises et les Communautés chrétiennes avec d’autres religions. En effet, au cours des dernières années, de nombreuses initiatives ont été prises par des Autorités religieuses et par des organisations pour sensibiliser encore plus l’opinion publique aux dangers de l’exploitation irresponsable de la planète. Je voudrais mentionner ici le Patriarche Bartholomée et son prédécesseur Dimitrios, qui pendant de nombreuses années se sont prononcés constamment contre le péché de provoquer des dommages à la création, attirant l’attention sur la crise morale et spirituelle qui est à la base des problèmes environnementaux et de la dégradation. Répondant à l’attention croissante pour l’intégrité de la création, la Troisième Assemblée OEcuménique Européenne (Sibiu, 2007), proposait de célébrer un « Temps pour la Création » d’une durée de cinq semaines entre le 1er septembre (mémoire orthodoxe de la divine création) et le 4 octobre (mémoire de François d’Assise dans l’Église catholique et dans certaines autres traditions occidentales). A partir de ce moment cette initiative, avec l’appui du Conseil Mondial des Églises, a inspiré de nombreuses activités oecuméniques dans diverses parties du monde. Ce doit être aussi un motif de joie le fait que dans le monde entier des initiatives similaires, qui promeuvent la justice environnementale, la sollicitude envers les pauvres et l’engagement responsable à l’égard de la société, font se rencontrer des personnes, surtout des jeunes, de divers contextes religieux. Chrétiens et non-chrétiens, personnes de foi et de bonne volonté, nous devons être unis pour montrer de la miséricorde envers notre maison commune – la terre – et valoriser pleinement le monde dans lequel nous vivons comme lieu de partage et de communion.
1. La terre crie…
Avec ce Message, je renouvelle le dialogue avec chaque personne qui habite cette planète au sujet des souffrances qui affligent les pauvres et la dévastation de l’environnement. Dieu nous a fait don d’un jardin luxuriant, mais nous sommes en train de le transformer en une étendue polluée de « décombres, de déserts et de saletés » (Enc. Laudato si’, n. 161). Nous ne pouvons pas nous résigner ou être indifférents à la perte de la biodiversité et à la destruction des écosystèmes, souvent provoquées par nos comportements irresponsables et égoïstes. « A cause de nous, des milliers d’espèces ne rendront plus gloire à Dieu par leur existence et ne pourront plus nous communiquer leur propre message. Nous n’en avons pas le droit » (ibid. n. 33).
La planète continue à se réchauffer, en partie à cause de l’activité humaine : 2015 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée et probablement 2016 le sera encore plus. Cela provoque sécheresse, inondations, incendies et événements météorologiques extrêmes toujours plus graves. Les changements climatiques contribuent aussi à la crise poignante des migrants forcés. Les pauvres du monde, qui sont aussi les moins responsables des changements climatiques, sont les plus vulnérables et en subissent déjà les effets.
Comme l’écologie intégrale le met en évidence, les êtres humains sont profondément liés les uns aux autres et à la création dans son ensemble. Quand nous maltraitons la nature, nous maltraitons aussi les êtres humains. En même temps, chaque créature a sa valeur propre intrinsèque qui doit être respectée. Écoutons « tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres » (ibid. n. 49), et cherchons à comprendre attentivement comment pouvoir assurer une réponse adéquate et rapide.
2. …parce que nous avons péché
Dieu nous a donné la terre pour la cultiver et la garder (cf. Gn 2, 15) avec respect et équilibre. La cultiver « trop » – c’est-à-dire en l’exploitant de manière aveugle et égoïste –, et la garder peu est un péché.
Avec courage le cher Patriarche OEcuménique Bartholomée a, à maintes reprises et prophétiquement, mis en lumière nos péchés contre la création : « Que les hommes détruisent la diversité biologique dans la création de Dieu ; que les hommes dégradent l’intégrité de la terre en provoquant le changement climatique, en dépouillant la terre de ses forêts naturelles ou en détruisant ses zones humides ; que les hommes polluent les eaux, le sol, l’air : tout cela, ce sont des péchés ». En effet, « un crime contre la nature est un crime contre nous-mêmes et un péché contre Dieu ».2
Face à ce qui arrive à notre maison, puisse le Jubilé de la Miséricorde appeler les fidèles chrétiens « à une profonde conversion intérieure » (Enc. Laudato si’, n. 217), soutenue de façon particulière par le Sacrement de la Pénitence. En cette Année jubilaire, apprenons à chercher la miséricorde de Dieu pour les péchés contre la création que jusqu’à maintenant nous n’avons pas su reconnaître et confesser ; et engageons-nous à accomplir des pas concrets sur la route de la conversion écologique, qui demande une claire prise de conscience de notre responsabilité à l’égard de nous-mêmes, du prochain, de la création et du Créateur (cf. ibid. nn. 10 ; 229).
3. Examen de conscience et repentir
Le premier pas sur ce chemin est toujours un examen de conscience, qui « implique gratitude et gratuité, c’est-à-dire une reconnaissance du monde comme don reçu de l’amour du Père, ce qui a pour conséquence des attitudes gratuites de renoncement et des attitudes généreuses […] Cette conversion implique aussi la conscience amoureuse de ne pas être déconnecté des autres créatures, de former avec les autres êtres de l’univers une belle communion universelle. Pour le croyant, le monde ne se contemple pas de l’extérieur mais de l’intérieur, en reconnaissant les liens par lesquels le Père nous a unis à tous les êtres » (ibid. n. 220).
A ce Père plein de miséricorde et de bonté, qui attend le retour de chacun de ses enfants, nous pouvons nous adresser en reconnaissant nos péchés envers la création, les pauvres et les générations futures. « Dans la mesure où tous nous causons de petits préjudices écologiques », nous sommes appelés à reconnaître « notre contribution, petite ou grande, à la défiguration et à la destruction de la création ».3 C’est le premier pas sur le chemin de la conversion.
En l’an 2000, qui fut aussi une Année jubilaire, mon prédécesseur saint Jean-Paul II a invité les catholiques à reconnaître leurs torts pour l’intolérance religieuse passée et présente, ainsi que pour les injustices commises envers les Juifs, les femmes, les peuples indigènes, les immigrés, les pauvres et les enfants à naître. En ce Jubilé extraordinaire de la Miséricorde, j’invite chacun à faire de même. Comme individus, désormais habitués à des styles de vie entrainés soit par une culture mal comprise du bien-être soit par un « désir désordonné de consommer plus qu’il n’est réellement nécessaire » (ibid. n. 123), et comme participants d’un système « qui a imposé la logique du profit à n’importe quel prix, sans penser à l’exclusion sociale ou à la destruction de la nature »,4 repentons-nous du mal que nous faisons à notre maison commune.
Après un sérieux examen de conscience et habités par ce repentir, nous pouvons confesser nos péchés contre le Créateur, contre la création, contre nos frères et nos soeurs. « Le catéchisme de l’Église catholique nous fait voir le confessionnal comme un lieu où la vérité nous rend libres pour une rencontre ».5 Nous savons que « Dieu est plus grand que notre péché »,6 que tous les péchés, y compris ceux contre la création. Nous les confessons parce que nous sommes repentants et que nous voulons changer. Et la grâce miséricordieuse de Dieu que nous recevons dans le Sacrement nous aidera à le faire.
4. Changer de route
L’examen de conscience, le repentir et la confession au Père riche en miséricorde conduisent à un ferme propos de changer de vie. Et cela doit se traduire en attitudes et comportements concrets plus respectueux de la création, comme par exemple de faire un usage raisonnable du plastique et du papier, de ne pas gaspiller l’eau, la nourriture et l’énergie électrique, de trier les déchets, de traiter avec soin les autres êtres vivants, d’utiliser les transports publics et de partager un même véhicule entre plusieurs personnes, et ainsi de suite (cf. Enc. Laudato si’, n. 211). Nous ne devons pas croire que ces efforts sont trop petits pour améliorer le monde. Ces actions « suscitent sur cette terre un bien qui tend à se répandre toujours, parfois de façon invisible » (ibid., n. 212) et encouragent « un style de vie prophétique et contemplatif, capable d’aider à apprécier profondément les choses sans être obsédé par la consommation » (ibid., n. 222).
Egalement l’intention de changer de vie doit imprégner notre manière de contribuer à construire la culture et la société dont nous faisons partie : en effet « la préservation de la nature fait partie d’un style de vie qui implique une capacité de cohabitation et de communion » (ibid., n. 228). L’économie et la politique, la société et la culture ne peuvent pas être dominées par une mentalité du court terme et de la recherche d’un gain financier ou électoral immédiat. Elles doivent au contraire être d’urgence réorientées vers le bien commun, qui comprend la durabilité et la sauvegarde de la création.
Un cas concret est celui de la “dette écologique” entre le Nord et le Sud du monde (cf. ibid., nn. 51-52). Sa restitution demanderait de prendre soin de l’environnement des pays plus pauvres, leur fournissant des ressources financières et une assistance technique qui les aident à gérer les conséquences des changements climatiques et à promouvoir le développement durable.
La protection de la maison commune demande un consensus politique croissant. En ce sens, c’est un motif de satisfaction qu’en septembre 2015 les pays du monde aient adopté les Objectifs de Développement durable, et que, en décembre 2015, ils aient approuvé l’Accord de Paris sur les changements climatiques, qui fixe l’objectif exigeant mais fondamental de contenir l’augmentation de la température globale. Maintenant les gouvernements ont le devoir de respecter les engagements qu’ils ont pris, tandis que les entreprises doivent assumer leur part de façon responsable, et il revient aux citoyens d’exiger qu’il en soit ainsi, et qu’on vise même des objectifs toujours plus ambitieux.
Changer de route consiste donc à « respecter scrupuleusement le commandement originel de préserver la création de tout mal, soit pour notre bien soit pour le bien des autres êtres humains ».7 Une question peut nous aider à ne pas perdre de vue l’objectif : « Quel genre de monde voulons-nous laisser à ceux qui nous succèdent, aux enfants qui grandissent » (Enc. Laudato si’, n. 160).
5. Une nouvelle oeuvre de miséricorde
« Rien n’unit davantage à Dieu qu’un acte de miséricorde – qu’il s’agisse de la miséricorde avec laquelle le Seigneur nous pardonne nos péchés, ou qu’il s’agisse de la grâce qu’il nous accorde pour pratiquer les oeuvres de miséricorde en son nom ».
Paraphrasant saint Jacques, « la miséricorde sans les oeuvres est morte en elle-même. […] A cause des mutations de notre univers mondialisé, certaines pauvretés matérielles et spirituelles se sont multipliées : laissons donc place à l’imagination de la charité pour distinguer de nouvelles modalités d’action. De cette façon, la voie de la miséricorde deviendra toujours plus concrète ».
La vie chrétienne inclut la pratique des oeuvres de miséricorde corporelles et spirituelles traditionnelles. « Il est vrai que nous pensons d’habitude aux oeuvres de miséricorde, séparément, et en tant que liées à une oeuvre : hôpitaux pour les malades, cantines pour ceux qui ont faim, maisons d’accueil pour ceux qui sont dans la rue, écoles pour ceux qui ont besoin d’instruction, le confessionnal et la direction spirituelle pour celui qui a besoin de conseil et de pardon… Mais si nous les regardons ensemble, le message est que l’objet de la miséricorde est la vie humaine elle-même et dans sa totalité ».
Évidemment la vie humaine elle-même et dans sa totalité comprend la sauvegarde de la maison commune. Donc, je me permets de proposer un complément aux deux listes traditionnelles des sept oeuvres de miséricorde, ajoutant à chacune la sauvegarde de la maison commune.
Comme oeuvre de miséricorde spirituelle, la sauvegarde de la maison commune demande « la contemplation reconnaissante du monde » (Enc. Laudato si’, n. 214) qui « nous permet de découvrir à travers chaque chose un enseignement que Dieu veut nous transmettre » (ibid., n. 85). Comme oeuvre de miséricorde corporelle, la sauvegarde de la maison commune demande les « simples gestes quotidiens par lesquels nous rompons la logique de la violence, de l’exploitation, de l’égoïsme […] et se manifeste dans toutes les actions qui essaient de construire un monde meilleur » (ibid., nn. 230-231).
6. En conclusion, prions
Malgré nos péchés et les terribles défis que nous avons face à nous, ne perdons jamais l’espérance : « Le Créateur ne nous abandonne pas, jamais il ne fait marche arrière dans son projet d’amour, il ne se repent pas de nous avoir créés […] parce qu’il s’est définitivement uni à notre terre, et son amour nous porte toujours à trouver de nouveaux chemins » (ibid., nn. 13 ; 245). En particulier le 1er septembre, et ensuite pour tout le reste de l’année, nous prions :
« Ô Dieu des pauvres, aide-nous à secourir les abandonnés et les oubliés de cette terre qui valent tant à tes yeux. […] Ô Dieu d’amour, montre-nous notre place dans ce monde comme instruments de ton affection pour tous les êtres de cette terre (ibid., n. 246). Ô Dieu de miséricorde, accorde-nous de recevoir ton pardon et de transmettre ta miséricorde dans toute notre maison commune. Loué sois-tu. Amen».
Du Vatican, 1er septembre 2016
FRANÇOIS
La jeunesse invitée à rêver
Ce soir d’été, il y a un mois jour pour jour, lors de la veillée finale des JMJ dans la campagne polonaise, le soleil se couche et offre à 2 millions de jeunes un spectacle éblouissant dans un ciel dégagé. À une quinzaine de kilomètres de Cracovie, sur ce campus Misericordiae, la foule immense reste silencieuse, attentive aux paroles du pape François.
Dans son allocution, après avoir exhorté la jeunesse d’aujourd’hui à construire le monde de demain, en y laissant « une empreinte », le Saint-Père invite cette même jeunesse « à rêver ». À ce moment-là, spontanément, je m’interroge en pensant à Saint-Exupéry. À quoi bon avoir des rêves s’ils ne deviennent pas réalité ? Mais la question en fait devrait plutôt se poser dans l’autre sens : pourquoi ne pas faire de ses rêves une réalité ? C’est peut-être une des plus belles choses que nous puissions faire lors de notre passage sur cette terre !
Cette réflexion ensuite m’a logiquement ramené à l’essentiel. Pourquoi existons-nous ? Probablement pas simplement pour travailler, pour payer ses factures ou attendre les prochaines vacances. Mais plutôt pour réaliser ce pour quoi nous sommes fait : le bonheur. Un bonheur qui ne se trouve pas dans le consumérisme ou dans le confort d’un canapé, mais, notamment, dans la réalisation de nos rêves.
Ne pas confondre « le bonheur avec un divan » insiste le Pape, avec passion, auprès des jeunes. Il est faux de croire, « que pour être heureux nous avons besoin d’un bon divan. Un divan qui nous aide à nous sentir à l’aise, tranquilles, bien en sécurité […] qui nous garantit des heures de tranquillité pour nous transférer dans le monde des jeux vidéo ».
Le monde d’aujourd’hui n’a pas besoin de chasseurs de Pokémons, de jeunes endormis, vautrés dans cette « paralysie silencieuse ». Nous ne sommes pas venus au monde pour « végéter », pour rester passif et regarder faire les autres. Et encore moins pour les envier ou les jalouser.
N’attendons plus que le monde change et que nos rêves, « un jour peut-être », se réalisent. Ce monde, comme dit le Pape, n’accepte pas les « réservistes ». Nous devons être des « titulaires » sur le terrain de la vie. Des protagonistes de l’histoire, des bâtisseurs d’espérance, des vecteurs de joie, et des réalisateurs de rêves. Des rêves qui brillent dans nos vies comme les étoiles dans le ciel.
Refusons que les nuages de la vie obscurcissent nos étoiles, car c’est lorsqu’elles s’illuminent que nous pouvons avancer. Ne les laissons pas filer entre nos doigts. Et ne permettons pas non plus à nos rêves d’être étouffés par le doute ou la crainte. Accrochons-nous à eux jusqu’à ce qu’ils se réalisent tout au long de notre vie, et qu’au crépuscule de celle-ci, nous puissions contempler le spectacle éblouissant d’un ciel étincelant.
Messe de canonisation de Mère Teresa
Le 4 septembre prochain, à 15h30, votre Télévision Sel + Lumière rediffusera la messe de canonisation de la bienheureuse Mère Teresa de Calcutta. La célébration sera présidée par le pape François depuis la place Saint-Pierre de Rome, en présence notamment de quelques évêques canadiens dont Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal, Mgr Robert Harris, évêque de St. John, Mgr Scott McCaig, C.C., évêque de l’ordinariat militaire du Canada, Mgr Nicola De Angelis, évêque émérite de Peterborough, et le Père Peter Novecosky, O.S.B., abbé ordinaire émérite de l’abbaye de St. Peter’s à Muenster, Saskatchewan.
Fondée en 1950 par Mère Teresa dans l’archidiocèse de Calcutta, en Inde, la congrégation des Missionnaires de la Charité compte aujourd’hui 765 maisons dans 138 pays, dont quelques-unes au Canada : Montréal, Québec, Toronto, Winnipeg, Vancouver et St-Paul (Alberta).
Fais-le quand même…
Les gens sont souvent déraisonnables, illogiques et centrés sur eux-mêmes, Pardonne les quand même…
Si tu es gentil, les gens peuvent t’accuser d’être égoïste et d’avoir des arrières pensées,
Sois gentil quand même…
Si tu réussis, tu trouveras des faux amis et des vrais ennemis,
Réussis quand même…
Si tu es honnête et franc, il se peut que les gens abusent de toi,
Sois honnête et franc quand même…
Ce que tu as mis des années à construire, quelqu’un pourrait le détruire en une nuit,
Construis quand même…
Si tu trouves la sérénité et la joie, ils pourraient être jaloux,
Sois heureux quand même…
Le bien que tu fais aujourd’hui, les gens l’auront souvent oublié demain,
Fais le bien quand même…
Donne au monde le meilleur que tu as, et il se pourrait que cela ne soit jamais assez,
Donne au monde le meilleur que tu as quand même…
Tu vois, en faisant une analyse finale, c’est une histoire entre toi et Dieu, cela n’a jamais été entre eux et toi.– Mère Teresa de Calcutta
La pédagogie conciliaire du pape François
CNS/Paul Haring
Du 26 au 31 juillet dernier, avaient lieu à Cracovie les 31e Journées mondiales de la Jeunesse. Cet évènement fut une réussite non seulement parce qu’aucun incident majeur n’est venu ternir l’espérance célébrée mais aussi parce que la piété qui y fut exprimée a vraisemblablement eu l’impact désiré. En faisant la rétrospective de leur expérience suivant leur retour à la maison, les jeunes pourront relire les différents discours qui leur étaient adressés, sinon revivre ces évènements en revoyant notre couverture via notre chaîne YouTube !
De mon côté, j’ai pu suivre les JMJ de cette année par l’entremise de notre équipe sur le terrain et grâce à notre diffusion des différentes étapes du pèlerinage pontifical. Vous avez certainement suivi nos émissions quotidiennes intitulées Centrale JMJ qui faisaient un résumé complet de chacune de ces journées polonaises. Ayant moi-même suivi attentivement cette semaine intense tant physiquement que spirituellement, un élément a particulièrement retenu mon attention : la pédagogie toute conciliaire du pape François.
En effet, par l’utilisation dans ses discours d’images concrètes, le pape François montre à quel point il connaît, à la fois, la réalité des jeunes d’aujourd’hui et les recommandations du Concile Vatican II.
La question fondamentale ici est de savoir quel langage est le mieux adapté à l’expression du Mystère révélé en Jésus Christ afin qu’il soit compréhensible. De fait, notre discours a souvent bien de la difficulté à mettre des mots sur cette relation éternelle à laquelle nous sommes invités. Le recours à la précision théologique peut être d’un certain secours mais celle-ci ne peut être la seule solution parce que Dieu n’est pas venu sur terre pour créer des théologiens mais plutôt pour sauver l’humanité ! Ce dilemme (no2), le Concile l’avait identifié et le pape François semble l’avoir très bien assimilé.
Tout au long de son pontificat, le pape François s’est fait remarquer, entre autres, par ce don tout spécial qu’il possède d’utiliser des images. Cela manifesta tout autant sa connaissance de la foi que de la réalité concrète de la vie quotidienne des gens. Comme l’enseigne Vatican II dans le document Lumen Gentium :
« C’est sous des images variées que la nature intime de l’Église nous est montrée, images tirées soit de la vie pastorale ou de la vie des champs, soit du travail de construction ou encore de la famille et des épousailles, et qui se trouvent ébauchées déjà dans les livres des prophètes. » (no6)
En ce sens, le discours du pape François lors de la Veillée de prières au Campus Misericordiae m’a non seulement fait réfléchir mais m’a également fait bien rire :
« Dans la vie, il y a une autre paralysie encore plus dangereuse et souvent difficile à identifier, et qu’il nous coûte beaucoup de reconnaître. J’aime l’appeler la paralysie qui naît lorsqu’on confond le BONHEUR avec un DIVAN ! Oui, croire que pour être heureux, nous avons besoin d’un bon divan. Un divan qui nous aide à nous sentir à l’aise, tranquilles, bien en sécurité. Un divan – comme il y en a maintenant, modernes, avec des massages y compris pour dormir – qui nous garantissent des heures de tranquillité pour nous transférer dans le monde des jeux vidéo et passer des heures devant l’ordinateur. »
Il est vrai que tous les choix de notre vie dépendent de l’idée que l’on se fait du bonheur. Le pape François semble avoir une bonne idée des différentes tentations qui guettent la jeunesse d’aujourd’hui, bombardée de messages publicitaires de toutes sortes ; menaçant souvent même d’exclusion ceux qui refuseraient de se conformer aux nouveaux dogmes de la société du déchet.
En ce sens, les JMJ de Cracovie furent certainement l’occasion pour tous ces jeunes d’apprendre davantage sur leur vocation à la sainteté. Ils ont pu se mettre ensemble à l’écoute d’un message clair leur donnant, à la fois, l’enseignement nécessaire pour prendre des décisions face aux possibilités qui s’offrent à eux et recevoir l’impulsion essentielle sans laquelle tous ces jeunes réunis pourraient, comme tant d’autres, préférer le confort de leur sofa et l’anesthésie de leur console de jeux vidéos aux nombreux défis que comporte toute vie réussie.
Le président français au Vatican, après l’assassinat du Père Hamel
Le président français a été reçu ce mercredi au Vatican par le pape François, 3 semaines après l’assassinat du père Jacques Hamel, égorgé dans son église à Saint-Etienne-du-Rouvray. C’est dans ce contexte que François Hollande a rendu visite au Souverain Pontife, pour lui exprimer sa gratitude pour ses « paroles très réconfortantes » au lendemain de l’attentat. Les deux hommes s’étaient alors entretenus par téléphone. Le Saint-Père s’était adressé à François Hollande comme à un « frère » selon l’Élysée, et François Hollande quant à lui avait assuré que « lorsqu’un prêtre est attaqué, c’est toute la France qui est meurtrie ».
Depuis que la France est touchée par des attentats terroristes le pape François multiplie les messages de soutien aux français, comme il l’avait fait par exemple au lendemain de l’attaque de Nice le 14 juillet. Le Pape s’était dit « proche de chaque famille et de la nation française toute entière ».
Ce mercredi le président a donc voulu dire au Pape « combien nous étions sensibles aux paroles qui ont été prononcées et à l’action qui est la sienne, et qui conforte notre vision de l’humanité ».
Lors de cette audience privée d’une quarantaine de minutes, les deux François ont également échangés sur le sort des chrétiens d’Orient, dont la France est la protectrice traditionnelle. Ils ont par ailleurs évoqué la situation au Moyen Orient et la crise des réfugiés.
Cette deuxième rencontre entre François Hollande et le Souverain Pontife devait resserrer les liens entre la France et le Saint-Siège, en soulignant cette fois-ci leurs positions convergentes, après une longue période d’incompréhension entre les deux états.
L’Église et le développement international: Entretien avec Robert Calderisi (2e partie)
CNS photo/Georgi Licovski, EPA
Du 9 au 14 août se tient, à Montréal, le Forum Social Mondial. Cette rencontre internationale a pour but de favoriser la mise en commun des différentes luttes pour la justice sociale en approfondissant la connaissance et l’engagement des participants aux nombreuses problématiques actuelles. Ayant assisté à quelques-unes des 1400 activités prévues lors de l’évènement, j’ai eu l’occasion de rencontrer Robert Calderisi auteur de Earthly Mission: The Catholic Church and World Development (Mission sur terre : l’Église catholique et le développement mondial) paru à la prestigieuse Yale University Press. Expert des questions entourant l’aide internationale et le développement, il a travaillé pendant 24 ans à la Banque Mondiale. Originaire de Montréal, il a également travaillé auprès d’organismes tels que l’OCDE et l’Agence canadienne pour le développement. Vous trouverez ci-dessous l’intégral de l’entrevue que j’ai pu réaliser avec lui à la fois sur l’enjeu de l’aide internationale, en Afrique plus particulièrement ainsi que du rôle joué par l’Église catholique dans ce que Bx Paul VI nommait populorum progressio.
Francis Denis : Quelle est votre évaluation du capitalisme et du marché global actuel ?
Robert Calderisi : Les grands progrès économiques et sociaux dans le monde sont le résultat du fonctionnement du marché. Au début, chez nous mais aussi en Amérique latine et en Asie, on essayait d’être plus dirigistes dans les politiques économiques gouvernementales. Cela a fonctionné dans plusieurs pays. La Corée du Sud est un bon exemple de pays qui a imposé ses propres politiques et ses propres objectifs même dans le secteur privé, et a fait de l’investissement public un outil très fort de développement national. On a vu cela également dans des dictatures à l’époque en Asie (Thaïlande, Taiwan, Indonésie) où les gouvernements ont fortement promu les services des santé et d’éducation de base, sachant que sans ces derniers la population ne pourrait contribuer à l’essor du pays et que, donc, la croissance ne serait pas au rendez-vous.
L’Afrique a commencé après les autres, cela a été plus difficile. Déjà dans les années 70-80, on voyait les limites d’un développement dirigé lourdement par l’État. Sans parler du fait que les états africains de l’époque étaient faibles. Il y avait très peu de tradition dans le domaine de l’administration publique en Afrique. On a voulu chercher un meilleur équilibre entre les investissements de l’État et ceux du marché privé. Depuis 30 ans, on cherche un équilibre entre les deux. En ce sens, à la Banque Mondiale et au FMI, souvent critiqués et traités comme des « loups dans la bergerie », on essaye d’expliquer qu’il ne s’agit pas de choisir entre le public et le privé mais de choisir la manière d’encadrer publiquement l’initiative privée pour que les efforts des investisseurs privés puissent bénéficier au plus grand nombre. Malheureusement tous ne peuvent participer à la croissance pour une panoplie de raisons telles que l’isolement géographique ou l’analphabétisme, par exemple.
Dans ce contexte, la Banque Mondiale et le FMI ont essayé de donner un nouveau souffle au privé pour des raisons sociales. Lorsque j’étais en Côte d’Ivoire, je disais souvent que l’efficacité est importante non seulement pour les hommes d’affaires et pour les banquiers mais aussi pour les paysans et les ouvriers. En Côte d’Ivoire, la Banque Mondiale se battait non pas en faveur mais bien contre les monopoles. J’avais du mal à convaincre les pharmacies en Côte d’Ivoire de permettre la vente des produits génériques plutôt que d’imposer aux gens, y compris aux pauvres, des produits provenant de France à coût très élevé. Ainsi, contrairement à ce qu’on véhicule parfois, nous étions davantage du côté des « bons » que du côté des « méchants ». Ces discussions se faisant en coulisse, il est normal qu’elles n’attirent pas beaucoup l’attention des gens.
Je crois que pour nous chrétiens et catholiques d’ici, le grand défi est de relativiser nos propres problèmes de répartition des richesses et de pauvreté au Canada. Le défi d’en arriver à une répartition plus juste au niveau global est beaucoup plus important et compliqué et c’est cela qui devrait attirer davantage notre attention.
Francis Denis : Quelle est votre évaluation de l’engagement social du pape François ?
Robert Calderisi : Je lis ce que le Pape dit tous les jours ! C’est un homme qui m’inspire beaucoup. Dans mon livre sur l’action sociale de l’Église, je posais la question à savoir si la question sociale dans l’Église était en train de mourir. À ce moment-là, je voyais vieillir et disparaître toute une génération inspirée par le souffle social du Concile Vatican II. Un mois à peine après son élection, on voyait déjà revivre cette riche tradition, cet aspect missionnaire de l’Église dans la réalité concrète des gens. Je pense qu’il a aussi eu le génie d’exprimer cette tension entre la mission spirituelle et temporelle de l’Église en disant que, bien sûr notre premier rôle comme institution est de vivre et d’annoncer le Christ et ses valeurs. Comme il le disait lui-même dans sa première homélie comme Pape : « l’Église n’est pas une ONG », l’Église est plus importante, plus riche et plus ambitieuse qu’une ONG. Par contre, l’engagement caritatif est une partie de sa mission. Pour exprimer cela, le pape François avait utilisé une phrase qui réconcilie ces deux dimensions lorsqu’il a dit : que « la mission sociale de l’Église est une prolongation de l’Incarnation ». Dans une Église souvent divisée entre les dits « traditionalistes » et les dits « progressistes », je pense qu’il a trouvé un juste milieu qui inspire la plupart des catholiques dans le monde.