Thérèse de Lisieux et Padre Pio : La joie de souffrir et d’offrir en donnant la Miséricorde

 

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Nous commémorons aujourd’hui la mort de Padre Pio (23 septembre 1968), et la semaine prochaine  celle de Thérèse de Lisieux (30 septembre 1897). À cette occasion nous publions ici un texte écrit sur ces deux figures de sainteté, par Francesco Armenti, diacre, journaliste et écrivain. Originaire de San Severo, dans le sud de l’Italie, Don Francesco a grandi dans la même province que Padre Pio, dont il est un spécialiste.

1. Durant cette Année de la Miséricorde, il est important de se plonger dans la vie des saints, parce que, comme nous l’a dit le Pape François, “ils sont entrés dans la profondeur de la Miséricorde”.

La vie de Sainte Thérèse de Lisieux (1873-1897) et celle de Padre Pio (1887-1968), comme d’ailleurs celle de tous les saints, et si nous le voulons, de chacun d’entre nous et de tout homme, est une histoire d’amour entre Dieu et l’âme, entre le Père et le Fils, en lequel le Seigneur se manifeste par sa miséricorde, sa tendresse, sa compassion et sa charité infinie.

Au cours de cette réflexion, nous chercherons la présence de Dieu en ces deux saints, en pénétrant dans leur chemin de sanctification et dans leur spiritualité, avec le but d’être guidés par leur exemple, vers la rencontre avec le Miséricordieux.

Ces deux saints ne se sont pas connus personnellement : en fait, quand Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus est morte, Padre Pio n’avait que 10 ans.

Mais, Padre Agostino de San Marco in Lamis, le directeur spirituel de Padre Pio, et professeur de théologie, lui inculqua la dévotion envers Sainte Thérèse, et l’invita à lire l’ “Histoire d’une âme”

Padre Pio devint ainsi profondément amoureux de la spiritualité de la petite Thérèse, jusqu’à intérioriser son langage spirituel et mystique.

Comme nous le verrons, ces deux saints ont vécus des phénomènes mystiques similaires, comme la blessure d’amour, l’abandon à l’amour divin, et la Nuit de l’Esprit.

De fait, en comparant la description qu’ils font de ces phénomènes, on s’aperçoit que le langage, les sentiments, les émotions exprimés par Padre Pio, sont très similaires à ce qu’écrit Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus.

La participation du Saint de Pietrelcina, en bilocation, à la béatification et à la canonisation de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, est un fait reconnu.

Monseigneur Thomas Gregorio Comacho, Archevêque de Salto (Uruguay) a en effet, déclaré avoir vu, le 29 avril 1923, le frère capucin dans la Basilique Saint Pierre. Toutefois quand il s’approcha pour le saluer, celui-ci disparut.

 Puis, deux ans plus tard, le 17 mai 1925, le jour de la canonisation de Sainte Thérèse, ce fut Don Orione (Saint Louis Orione) qui témoigna de la présence de Padre Pio, toujours en bilocation. Don Orione, déclara lui aussi, que Padre Pio disparaissait chaque fois qu’il essayait de s’en approcher.

Ces deux bilocations, survenues lors de deux évènements écclésiaux importants regardant Sainte Thérèse, montrent la dévotion que le capucin stigmatisé nourrissait pour la sainte Patrone des Missions.

Dans une lettre à sa fille spirituelle, Raffaelina Cerase, également très dévote de la petite Thérèse, Padre Pio, reprenant un conseil de Padre Agostino, dit ceci de la carmélite « Voici, ma fille, l’exemple d’une âme totalement détachée d’elle même, et pleine de Dieu. C’est précisément ce que vous devez vous efforcer de devenir, vous aussi, avec l’aide de Dieu ».

2. Voyons maintenant la spiritualité qui a caractérisé et uni la vie de ces deux saints. Spiritualité que nous pouvons synthétiser ainsi : la “petite voie” et l’humilité, l’amour de l’Eucharistie, l’abandon à l’amour de Dieu, la “Folie de la Croix” et l’expérience de la Miséricorde.

La “Petite Voie”

Bien que de manière différente, ces deux saints, pour aller à l’encontre du Seigneur, ont choisi et vécu la “petite voie”.

Un chemin fait de petits gestes quotidiens, pleins d’amour, de reconnaissance, d’offrande de ses propres souffrances, d’incompréhensions, d’humiliations, de dépouillement total de soi-même à l’imitation de “ l’abaissement de Dieu”.

A la lecture de leur vie et de leurs écrits, il apparaît que – que ce soit Thérèse ou que se soit Padre Pio – ils ont toujours désiré une vie cachée et qu’ils se sont toujours pris pour “un petit rien”. Tous les deux se sont vraiment faits “enfants”, pour suivre Jésus et rechercher l’amour dans les petites choses (cf. Mc 10,14-16). Padre Pio disait de lui-même « Je ne suis qu’un pauvre frère qui prie ».

Le choix de l’humilité et de la “petite voie” chez ces deux saints nait de la méditation du mystère de l’incarnation, de la Kénose de Dieu et de l’amour de l’Enfant Jésus. A ce sujet, examinons en parallèle, deux de leurs écrits.

Dans son autobiographie, la petite Thérèse s’offre « à l’Enfant-Jésus pour être son petit jouet … non pas comme un de ces jouets de prix que les enfants se contentent de regarder sans oser y toucher, mais comme une petite balle de nulle valeur, qu’il pouvait jeter à terre, pousser du pied, percer, laisser dans un coin, ou bien presser sur son cœur si celui faisait plaisir ».

En 1912, Padre Pio qui a déjà lu “L’histoire d’une âme”, et qui connait donc l’expérience spirituelle et mystique de Saint Thérèse, écrit dans une lettre du 18 janvier 1913 adressée à Padre Agostino, lettre dans laquelle il révèle aussi les attaques du démon: « Comme il me le répète souvent, je suis le jouet de l’Enfant-Jésus, mais ce qui est pire, c’est qu’il a choisi un jouet sans aucune valeur. Je regrette seulement qu’il salisse ses menottes divines. Je pense qu’un jour, il le jettera dans un fossé pour ne plus jouer avec lui. Je ne mérite pas un autre sort».

La pensée de Padre Pio, dans le fond et dans la forme, est semblable à celle de la jeune carmélite, simplement parce qu’il a vécu la même expérience spirituelle.

Amour de l’Eucharistie

Où la Carmélite et le Capucin se réfugient-ils pour puiser la force et le courage d’être et de vivre «cachés avec Dieu et en Dieu »? (Col 3,3).  Toujours et uniquement devant le Tabernacle, l’Eucharistie, le “sacrement du quotidien”. C’était la source de leur vie.

 Je rappellerai simplement deux pensées sur l’Eucharistie de ces deux saints.

La petite Thérèse, toujours désireuse de recevoir le corps du Seigneur,  écrivait : « Il descend tous les jours du ciel, non pas pour rester dans le ciboire d’or, mais pour en trouver un autre : le ciel de notre âme. Ce ciel lui est infiniment plus cher que le premier parce qu’il est fait à son image : c’est un temple vivant de l’adorable Trinité » (Manuscrit “A”).

Sans l’Eucharistie, sans l’autel et le confessional, on ne comprendrait pas le mystère de Padre Pio, qui dans la Sainte Messe revivait la passion du Christ, en s’offrant victime pour les pécheurs.

Le 29 mars 1911, il écrit à Padre Benedetto « Mon cœur se sent comme attiré par une force supérieure avant de s’unir à lui le matin dans le Saint Sacrement. J’ai une telle faim et soif avant de le recevoir, que je manque de mourir d’angoisse. Et c’est justement parce que je ne peux pas ne pas m’unir à Lui que, même fiévreux, je suis obligé d’aller me nourrir de ses chairs. Et cette faim et soif, au lieu d’être apaisées après l’avoir reçu en sacrement, croissent de plus en plus. Alors ensuite, quand je suis déjà en possession de ce bien suprême, alors bien que la plénitude de douceur soit vraiment grande, il s’en faut de peu pour que je ne dise à Jésus : ça suffit, je n’en peux vraiment plus. J’oublie presque d’être de ce monde, l’intelligence et le coeur ne désirent plus rien, et pendant un long moment, quelquefois, même involontairement, il ne me vient aucun désir d’autre chose ».

Abandon à l’Amour de Dieu

Dans les épreuves et les souffrances, dans la nuit obscure de l’Esprit, Padre Pio, guidé par son directeur spirituel, est poussé à imiter Thérèse dans sa capacité à s’abandonner, à se fier aveuglément à l’amour de Dieu, et à tout vivre dans la logique de l’Amour.

Padre Agostino encourage Padre Pio à la confiance, en l’invitant à réfléchir sur une des phrases que Sainte Thérèse, empruntait elle-même à Saint Jean de la Croix : « A la fin de notre vie, nous serons jugés sur l’amour » (cf. Mt 25,35). En effet, dans une lettre du 13 octobre 1915 Padre Agostino écrit : « Tâche encore d’apaiser tes angoisses en t’abreuvant à la fontaine de l’amour divin; tu dois les apaiser par la foi, la confiance, l’humilité et la soumission à la volonté de Dieu. La vénérable sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus disait : « Je suis une petite âme ; je ne veux décider, ni de mourir, ni de vivre, mais que Jésus fasse de moi ce qu’il veut! ».

Et Padre Pio il 17 octobre 1915 lui répond ainsi : « Mon Père, que mon malheur est grand! Qui pourra jamais le comprendre? Je sais fort bien que je suis un mystère pour moi-même, je n’arrive pas à me comprendre. Vous m’écrivez que la vénérable sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus avait l’habitude de dire : « Je ne veux décider, ni de mourir, ni de vivre; mais que Jésus fasse de moi ce qu’il veut! Je vois bien, hélas, que c’est la caractéristique de toutes les âmes dépouillées d’elles-mêmes et pleines de Dieu. Mais comme mon âme est loin d’un tel dépouillement! Je n’arrive pas à refréner les élans de mon cœur; pourtant, mon Père, je m’efforce de correspondre à ce que la vénérable sœur Thérèse disait, car cela devrait être la conviction de toute âme brûlante d’amour pour Dieu. Je dois avouer que je n’y parviens pas, car cela signifie rester prisonnier d’un corps de mort. C’est le signe que je n’ai pas d’amour pour Dieu : si c’était le cas, en effet, puisqu’un est l’esprit qui vivifie, un aussi devrait en être l’effet. Comprenons-nous bien: si celui qui agit en moi était le même que celui qui agissait en sœur Thérèse, mon âme partagerait sa conviction. Or, dites-moi : n’ai-je pas raison d’en douter? Pauvre de moi! Qui délivrera mon cœur de cette torture? ».

Miséricorde et “Folie” de la Croix

La Sainte de Lisieux et le Saint de Pietrelcina sont entrés dans le mystère de la Miséricorde de Dieu, chacun avec la vocation et les charismes qu’ils ont reçus, parce qu’ils ont contemplés le Miséricordieux, crucifié et ressuscité, et qui comme Marie, sont restés, sous la Croix où ils ont appris à aimer. Sainte Thérèse voyait dans la Croix, la possibilité concrète d’aimer les pécheurs qu’elle considérait comme des fils à sauver, et pour eux, elle offrait son amour crucifié avec Jésus sur la Croix.

En effet, elle écrivait, que «[…] La saintété ne consiste pas à dire de belles choses, ni à les penser ou à les ressentir; mais elle consiste dans le vouloir bien souffrir ». Toute sa vie, après la découverte de la “petite voie”, est illuminée par le soleil de la Miséricorde de Dieu. L’amour de Miséricorde chez Thérèse peut être synthétisé dans une de ses affirmations : « Le propre de l’amour est de s’abaisser ». Etre  miséricordieux signifie donc, s’abaisser, s’humilier, se dépouiller de soi à l’imitation du Christ.

La Croix et la miséricorde sont des caractéristiques inéliminables dans la vie de Padre Pio, qui, à la différence de Sainte Thérèse, en plus d’avoir été destinataire de l’amour de Dieu, a été aussi dispenciateur de sa miséricorde et de son pardon, dans le confessional et dans la direction spirituelle.

Le Frère stigmatisé était conscient de cette mission de “pardonneur” pour laquelle il avait été choisi par le Seigneur, et c’est cette mission qui était âprement et férocement combattue par satan.

De fait, le 3 juin 1919, il écrit à Padre Benedetto « Je n’ai pas une minute de libre : tout mon temps est consacré à tirer les frères des lacets de satan […]. La charité la plus grande est celle d’arracher des âmes accrochées à satan pour les gagner à Dieu. C’est justement cela que je fais avec assiduité, et la nuit et le jour ».

Que ce soit en Sainte Thérèse, comme en Padre Pio, la “folie de la Croix” coïncide dans le don “d’être holocauste” pour les pécheurs, et dans la mission de “porter des âmes au Seigneur”.

3. Au terme de cette méditation, il est beau de regarder, encore une fois, Sainte Thérèse et Padre Pio, comme deux étoiles qui indiquent la lumière de la Croix, laquelle est l’icone la plus parfaite de la miséricorde du Seigneur.

Ces deux saints encouragent à « être miséricordieux comme le Père » (Lc 6,36), en portant avec espérance et confiance la « Croix de la passion, et en s’identifiant au péché du monde moderne » (Cardinale Carlo  Caffarra).

La Sainte, Docteur de l’Eglise, et le Frère Capucin, modèle de vie sacramentelle et de vie sacerdotale, qui se considéraient fragiles et petits, et participaient à la Passion du Christ, sont, aujourd’hui encore, témoins de la Miséricorde du Seigneur qui continue à sauver le monde et l’humanité.

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Échos du Vatican

Retour dans cette émission sur la rencontre d’Assise où les leaders religieux du monde ont lancé ensemble un appel à la paix. Éclairage également sur la diplomatie du Vatican, dans le cadre du jubilé des nonces apostoliques.

Discours du pape François lors de la cérémonie conclusive de la Journée Mondiale de Prière pour la Paix à Assise

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À 17:15, les participants des différentes religions se sont rencontrés sur la Place de Saint-François à Assise pour une cérémonie de conclusive de la Journée Mondiale de Prière pour la Paix. Le Saint-Père est arrivé sur la scène en compagnie du Rabbin Abraham Skorka, Recteur du Séminaire rabbinique de Marshall Meyer (Argentine); du professeur Abbas Schuman, Vice-Président de l’Université Al-Azhar (Égypte) ainsi que du Vénérable Gijun Sugitani, Conseillé Suprême de l’école Bouddhiste de Tendai (Japon).

La cérémonie a débutée avec les salutations de Son Excellence Domenico Sorrentino, Archevêque d’Assise-Novera (Umbra-Gualdo Tadino), et de père Mauro Gambetti o.f.m., Gardien du Couvent sacré d’Assise. Après une introduction du professeur Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté Sant’Egidio, une victime de la guerre en Syrie, Ms. Tamar Mikalli, réfugiée en provenance d’Alep (Syrie) a partagé son témoignage. Après l’allocution du Patriarche Bartholomée 1er, le professeur David Brodman, Rabbin d’Israël; le Vénérable Koei Morikawa, Patriarche du Bouddhisme Tendai (Japon), le Professeur Din Syamsuddin, Président du Conseil Ulema (Indonésie) ont prononcé leurs discours devant l’assemblée. Finalement, le pape François a prononcé le discours que voici:

Saintetés,
illustres Représentants des Églises, des Communautés chrétiennes et des Religions, chers frères et sœurs !

Je vous salue avec grand respect et affection et je vous remercie de votre présence. Je remercie la Communauté de Sant’Egidio, le diocèse d’Assise et les Familles franciscaines qui ont préparé cette journée de prière. Nous sommes venus à Assise comme des pèlerins en recherche de paix. Nous portons en nous, et nous mettons devant Dieu les attentes et les angoisses de nombreux peuples et personnes. Nous avons soif de paix, nous avons le désir de témoigner de la paix, nous avons surtout besoin de prier pour la paix, car la paix est un don de Dieu et il nous revient de l’invoquer, de l’accueillir et de la construire, chaque jour avec son aide.

« Bienheureux les artisans de paix » (Mt 5,9). Beaucoup d’entre vous ont fait une longue route pour rejoindre ce lieu béni. Sortir, se mettre en route, se retrouver ensemble, se prodiguer pour la paix : ce ne sont pas seulement des mouvements physiques, mais surtout des mouvements de l’âme, ce sont des réponses spirituelles concrètes pour vaincre les fermetures en s’ouvrant à Dieu et aux frères. Dieu nous le demande, en nous exhortant à faire face à la grande maladie de notre époque : l’indifférence. C’est un virus qui paralyse, qui rend inertes et insensibles, un mal qui attaque le centre même de la religiosité, provoquant un nouveau paganisme extrêmement triste : le paganisme de l’indifférence.

Nous ne pouvons pas rester indifférents. Aujourd’hui, le monde a une ardente soif de paix. Dans de nombreux pays on souffre de guerres souvent oubliées, mais qui sont toujours causes de souffrance et de pauvreté. A Lesbos, avec le cher Patriarche œcuménique Bartholomée, nous avons vu dans les yeux des réfugiés la douleur de la guerre, l’angoisse de peuples assoiffés de paix. Je pense aux familles dont la vie a été bouleversée ; aux enfants qui n’ont rien connu d’autre dans la vie que la violence ; aux personnes âgées contraintes de laisser leurs terres : tous ont une grande soif de paix. Nous ne voulons pas que ces tragédies tombent dans l’oubli. Nous désirons prêter notre voix à tous ceux qui souffrent, à tous ceux qui sont sans voix et sans personne qui les écoute. Eux savent bien, souvent mieux que les puissants, qu’il n’y a aucun avenir dans la guerre, et que la violence des armes détruit la joie de la vie.

Nous, nous n’avons pas d’armes. Mais nous croyons dans la douce et humble force de la prière. En ce jour, la soif de paix s’est faite invocation à Dieu, pour que cessent les guerres, le terrorisme et les violences. La paix que nous invoquons d’Assise n’est pas seulement une protestation contre la guerre, elle n’est pas non plus le résultat « de négociations, de compromis politiques ou de marchandages économiques. Elle résulte de la prière » (Jean Paul II, Discours, Basilique Sainte Marie des Anges, 27 octobre 1986: Enseignements IX, 2 [1986], 1252). Cherchons en Dieu, source de la communion, l’eau limpide de la paix dont l’humanité est assoiffée : elle ne peut jaillir des déserts de l’orgueil ni des intérêts de parti, des terres arides du gain à tout prix et du commerce des armes.

Nos traditions religieuses sont diverses. Mais la différence n’est pas pour nous un motif de conflit, de polémique ou de froide distance. Nous n’avons pas prié aujourd’hui les uns contre les autres, comme c’est malheureusement arrivé parfois dans l’histoire. Sans syncrétisme et sans relativisme, nous avons en revanche prié les uns à côté des autres, les uns pour les autres. Saint Jean-Paul II, en ce même lieu, a dit : « Peut-être que jamais comme maintenant dans l’histoire de l’humanité, le lien intrinsèque qui unit une attitude religieuse authentique et le grand bien de la paix est devenu évident pour tous » (Id., Discours, Place de la Basilique inférieure de Saint François, 27 octobre 1986 : l.c., 1268). En poursuivant le chemin commencé il y a trente ans à Assise – où la mémoire de cet homme de Dieu et de paix que fut saint François est vivante – « une fois encore, nous qui sommes réunis ici, nous affirmons ensemble que celui qui utilise la religion pour fomenter la violence en contredit l’inspiration la plus authentique et la plus profonde » (Id., Discours aux Représentants des Religions, Assise, 24 janvier 2002: Enseignements XXV, 1 [2002], 104), qu’aucune forme de violence ne représente « la vraie nature de la religion. Elle en est au contraire son travestissement et contribue à sa destruction » (Benoît XVI, Intervention à la journée de réflexion, de dialogue et de prière pour la paix et la justice dans le monde, Assise, 27 octobre 2011 : Enseignements VII, 2 [2011], 512). Ne nous lassons pas de répéter que jamais le nom de Dieu ne peut justifier la violence. Seule la paix est sainte. Seule la paix est sainte, pas la guerre !

Aujourd’hui, nous avons imploré le saint don de la paix. Nous avons prié pour que les consciences se mobilisent pour défendre la sacralité de la vie humaine, pour promouvoir la paix entre les peuples et pour sauvegarder la création, notre maison commune. La prière et la collaboration concrète aident à ne pas rester prisonniers des logiques de conflit et à refuser les attitudes rebelles de celui qui sait seulement protester et se fâcher. La prière et la volonté de collaborer engagent une vraie paix qui n’est pas illusoire : non pas la tranquillité de celui qui évite les difficultés et se tourne de l’autre côté, si ses intérêts ne sont pas touchés ; non pas le cynisme de celui qui se lave les mains des problèmes qui ne sont pas les siens ; non pas l’approche virtuelle de celui qui juge tout et chacun sur le clavier d’un ordinateur, sans ouvrir les yeux aux nécessités des frères ni se salir les mains pour qui en a besoin. Notre route consiste à nous immerger dans les situations et à donner la première place à celui qui souffre ; d’assumer les conflits et de les guérir de l’intérieur ; de parcourir avec cohérence les voies du bien, en repoussant les faux-fuyants du mal ; d’entreprendre patiemment, avec l’aide de Dieu et de la bonne volonté, des processus de paix.

La paix, un fil d’espérance qui relie la terre et le ciel, un mot si simple, et en même temps difficile. Paix veut dire Pardon qui, fruit de la conversion et de la prière, naît de l’intérieur et, au nom de Dieu, rend possible de guérir les blessures du passé. Paix signifie Accueil, disponibilité au dialogue, dépassement des fermetures, qui ne sont pas des stratégies de sécurité, mais des ponts sur le vide. Paix veut dire Collaboration, échange vivant et concret avec l’autre, qui est un don et non un problème, un frère avec qui chercher à construire un monde meilleur. Paix signifie Education : un appel à apprendre chaque jour l’art difficile de la communion, à acquérir la culture de la rencontre, en purifiant la conscience de toute tentation de violence et de raidissement, contraires au nom de Dieu et à la dignité de l’homme.

Nous ici, ensemble et dans la paix, nous croyons et nous espérons en un monde fraternel. Nous désirons que les hommes et les femmes de religions différentes, partout se réunissent et créent de la concorde, spécialement là où il y a des conflits. Notre avenir est de vivre ensemble. C’est pourquoi nous sommes appelés à nous libérer des lourds fardeaux de la méfiance, des fondamentalismes et de la haine. Que les croyants soient des artisans de paix dans l’invocation à Dieu et dans l’action pour l’homme ! Et nous, comme Chefs religieux, nous sommes tenus à être de solides ponts de dialogue, des médiateurs créatifs de paix. Nous nous tournons aussi vers ceux qui ont une responsabilité plus haute dans le service des peuples, aux Leaders des Nations, pour qu’ils ne se lassent pas de chercher et de promouvoir des chemins de paix en regardant au-delà des intérêts de parti et du moment : que ne demeurent pas inécoutés l’appel de Dieu aux consciences, le cri de paix des pauvres et les bonnes attentes des jeunes générations. Ici, il y a trente ans, saint Jean-Paul II a dit : « La paix est un chantier ouvert à tous et pas seulement aux spécialistes, aux savants et aux stratèges. La paix est une responsabilité universelle » (Discours, Place inférieure de la Basilique de saint François, 27 octobre 1986 : l.c., 1269). Sœurs et frères, assumons cette responsabilité, réaffirmons aujourd’hui notre oui à être, ensemble, constructeurs de la paix que Dieu veut et dont l’humanité est assoiffée.

Discours du pape François lors de la Prière oecuménique dans la Basilique inférieure Saint-François d’Assise

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Vers 15:15, suivant un repas en commun au Couvent des franciscains d’Assise, le Pape a rencontré individuellement Sa Sainteté Bartholomée 1er, Patriarche Oecuménique de Constantinople, Sa Sainteté Ignatius Ephram II, Patriarche de l’église syrienne orthodoxe d’Antioche, Son excellence Justin Welby, Archevêque de Canterbury et Primat de la Communion anglicane, Le professeur Zygmut Bauman, sociologue et philosophe (Pologne), le professeur Din Syansuddin, Président du Conseil Uléma (Indonésie) ainsi que le Rabbin David Rosen (Israël).

À 16:00, les représentants des différentes religions ont priés pour la paix à différents endroits d’Assise. Tous les chrétiens se sont réunis dans la Basilique inférieur Saint-François pour une prière oecuménique durant laquelle furent mentionnés 28 pays en guerre. Une chandelle fut également allumés pour chacun d’eux. Vous trouverez ci-dessous le texte de la méditation du pape François:

Devant Jésus crucifié résonnent pour nous aussi ses paroles : « J’ai soif » (Jn 19, 28). La soif, encore plus que la faim, est le besoin extrême de l’être humain, mais en représente aussi l’extrême misère. Nous contemplons ainsi le mystère du Dieu Très-Haut, devenu, par miséricorde, miséreux parmi les hommes.

De quoi a soif le Seigneur ? Certainement d’eau, élément essentiel pour la vie. Mais surtout d’amour, élément non moins essentiel pour vivre. Il a soif de nous donner l’eau vive de son amour, mais aussi de recevoir notre amour. Le prophète Jérémie a exprimé la satisfaction de Dieu pour notre amour : « Je me souviens de la tendresse de tes jeunes années, ton amour de jeune mariée » (2, 2). Mais il a donné aussi une voix à la souffrance divine, quand l’homme, ingrat, a abandonné l’amour, quand – aujourd’hui aussi, semble dire le Seigneur – « ils m’ont abandonné, moi, la source d’eau vive et ils se sont creusés des citernes fissurées qui ne retiennent pas l’eau » (v. 13). C’est le drame du “cœur desséché”, de l’amour non rendu, un drame qui se renouvelle dans l’Évangile, quand, à la soif de Jésus l’homme répond par le vinaigre, qui est du vin tourné. Comme, prophétiquement, se lamentait le psalmiste : « Quand j’avais soif, ils m’ont donné du vinaigre » (Ps 69, 22).

“L’Amour n’est pas aimé” : selon certains récits, c’était la réalité qui troublait saint François d’Assise. Lui, par amour du Seigneur souffrant, n’avait pas honte de pleurer et de se lamenter à haute voix (cf. Sources franciscaines, n. 1413). Cette réalité même doit nous tenir à cœur en contemplant le Dieu crucifié, assoiffé d’amour. Mère Teresa de Calcutta a voulu que, dans les chapelles de chacune de ses communautés, près du Crucifié soit écrit “J’ai soif”. Étancher la soif d’amour de Jésus sur la croix par le service des plus pauvres parmi les pauvres a été sa réponse. Le Seigneur est en effet assoiffé de notre amour de compassion, il est consolé lorsque, en son nom, nous nous penchons sur les misères d’autrui. Au jugement, il appellera “bénis” tous ceux qui ont donné à boire à qui avait soif, qui ont offert un amour concret à qui en avait besoin : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40).

Les paroles de Jésus nous interpellent, elles demandent accueil dans notre cœur et réponse par notre vie. Dans son “J’ai soif”, nous pouvons entendre la voix de ceux qui souffrent, le cri caché des petits innocents exclus de la lumière de ce monde, la supplication qui vient du fond du cœur des pauvres et de ceux qui ont le plus besoin de paix. Elles implorent la paix, les victimes des guerres qui polluent les peuples de haine et la terre d’armes ; ils implorent la paix, nos frères et sœurs qui vivent sous la menace des bombardements ou sont contraints de laisser leurs maisons et d’émigrer vers l’inconnu, dépouillés de tout. Tous ceux-là sont des frères et des sœurs du Crucifié, petits dans son Royaume, membres blessés et desséchés de sa chair. Ils ont soif. Mais à eux il leur est souvent donné, comme à Jésus, le vinaigre amer du refus. Qui les écoute ? Qui se préoccupe de leur répondre ? Ils rencontrent trop souvent le silence assourdissant de l’indifférence, de l’égoïsme de celui qui est agacé, la froideur de celui qui éteint leur cri à l’aide avec la facilité avec laquelle on change un canal de télévision.

Devant le Christ crucifié, « puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (1 Co 1, 24), nous chrétiens, nous sommes appelés à contempler le mystère de l’Amour non aimé et à répandre de la miséricorde sur le monde. Sur la croix, arbre de vie, le mal a été transformé en bien ; nous aussi, disciples du Crucifié, nous sommes appelés à être des “arbres de vie” qui absorbent la pollution de l’indifférence et restituent au monde l’oxygène de l’amour. Du côté du Christ en croix sort de l’eau, symbole de l’Esprit qui donne la vie (cf. Jn 19 34) ; ainsi, que de nous, ses fidèles, sorte de la compassion pour tous les assoiffés d’aujourd’hui.

Comme Marie près de la Croix, que le Seigneur nous accorde d’être unis à Lui et proches de celui qui souffre. En nous approchant de tous ceux qui aujourd’hui vivent comme des crucifiés et en puisant la force d’aimer au Crucifié ressuscité, croîtront encore plus l’harmonie et la communion entre nous. « C’est Lui, le Christ, qui est notre paix » (Ep 2, 14), lui qui est venu pour annoncer la paix à ceux qui sont proches et à ceux qui sont loin (cf. v. 17). Qu’il nous garde tous dans l’amour et nous rassemble dans l’unité, dans laquelle nous sommes en chemin, pour que nous devenions ce que lui désire : « un » (Jn 17, 21).

Église en sortie 16 septembre 2016

Cette semaine à Église en sortie, nous recevons monsieur Éric Sylvestre p.s.s, recteur du Collège pontifical Canadien à Rome qui nous parle de l’œuvre des prêtres de Saint-Sulpice dans l’histoire de la ville et du diocèse de Montréal ainsi que de l’institution dont il est responsable à Rome. Nous vous présentons un reportage sur le lancement pastoral du diocèse de Mont-Laurier. En troisième partie de l’émission, Francis Denis s’entretient avec Mme Anne Leahy, diplomate de carrière (ancienne ambassadeure du Canada au Saint-Siège) et professeur à l’Université McGill, sur le thème de la Doctrine sociale de l’Église.

 

Échos du Vatican

C’est la fin de la pause estivale et donc la reprise des Échos du Vatican.

Canonisation de Mère Teresa de Calcutta: point fort de l’année jubilaire

Tom
La canonisation de Mère Teresa de Calcutta est un événement important non seulement pour l’Église mais aussi pour le monde entier. C’est ce qu’a affirmé le père Thomas Rosica, c.s.b., lors d’une entrevue à l’émission Matins sans frontières à ICI Radio-Canada le vendredi 2 septembre 2016. Même après les célébrations qui ont eu lieu au Vatican le 4 septembre dernier, elle demeure un sujet d’actualité car elle est un modèle pour le monde aujourd’hui de « charité en action ». Dans cette entrevue, le père Rosica revient sur le processus de canonisation de la fondatrice des Missionnaires de la charité et de quelle manière sa vie l’a inspiré.

Écoutez l’entrevue au complet ci-dessous:

Canonisation de Mère Teresa de Calcutta: homélie du pape François

Le dimanche 4 septembre 2016, le pape François a proclamé Mère Teresa de Calcutta une sainte ! Voici le texte complet de son homélie:

« Qui peut comprendre les volontés du Seigneur ? » (Sg 9, 13). Cette interrogation du livre de la Sagesse, que nous avons écoutée dans la première lecture, nous présente notre vie comme un mystère, dont la clef d’interprétation n’est pas en notre possession. Les protagonistes de l’histoire sont toujours deux : Dieu d’une part et les hommes de l’autre. Nous avons la tâche de percevoir l’appel de Dieu et, ensuite, d’accueillir sa volonté. Mais pour l’accueillir sans hésitation, demandons-nous : quelle est la volonté de Dieu ?

Dans le même passage du livre de la Sagesse, nous trouvons la réponse : « C’est ainsi que les hommes ont appris ce qui te plaît » (v. 18). Pour authentifier l’appel de Dieu, nous devons nous demander et comprendre ce qui lui plaît. Bien souvent, les prophètes annoncent ce qui plaît au Seigneur. Leur message trouve une admirable synthèse dans l’expression : « C’est la miséricorde que je veux et non des sacrifices » (Os 6, 6 ; Mt 9, 13). Toute œuvre de miséricorde plaît à Dieu, parce que dans le frère que nous aidons nous reconnaissons le visage de Dieu que personne ne peut voir (cf. Jn 1, 18). Et chaque fois que nous nous penchons sur les besoins de nos frères, nous donnons à manger et à boire à Jésus ; nous vêtons, nous soutenons et nous visitons le Fils de Dieu (cf. Mt 25, 40). En somme, nous touchons la chair du Christ.

Nous sommes donc appelés à traduire dans le concret ce que nous invoquons dans la prière et professons dans la foi. Il n’y a pas d’alternative à la charité : ceux qui se mettent au service de leurs frères, même sans le savoir, sont ceux qui aiment Dieu (cf. 1Jn 3, 16-18 ; Jc 2, 14-18). La vie chrétienne, cependant, n’est pas une simple aide qui est fournie dans le temps du besoin. S’il en était ainsi, ce serait certes un beau sentiment de solidarité humaine qui suscite un bénéfice immédiat, mais qui serait stérile, parce que sans racines. L’engagement que le Seigneur demande, au contraire, est l’engagement d’une vocation à la charité par laquelle tout disciple du Christ met sa propre vie à son service, pour grandir chaque jour dans l’amour.

Nous avons écouté dans l’Évangile que « de grandes foules faisaient route avec Jésus » (Lc 14, 25). Aujourd’hui, ces « grandes foules » sont représentées par le vaste monde du volontariat, ici réuni à l’occasion du Jubilé de la Miséricorde. Vous êtes cette foule qui suit le Maître et qui rend visible son amour concret pour chaque personne. Je vous répète les paroles de l’apôtre Paul : « Ta charité m’a déjà apporté de joie et de réconfort, car grâce à toi…, les cœurs des fidèles ont trouvé du repos » (Phm 7). Que de cœurs les volontaires réconfortent ! Que de mains ils soutiennent ! Que de larmes ils essuient ! Que d’amour mis dans le service caché, humble et désintéressé ! Ce service louable manifeste la foi – manifeste la foi – et exprime la miséricorde du Père qui se fait proche de ceux qui sont dans le besoin.

Suivre Jésus est un engagement sérieux et en même temps joyeux ; cela demande radicalité et courage pour reconnaître le divin Maître dans le plus pauvre ainsi que dans le marginalisé de la vie et pour se mettre à son service. C’est pourquoi, les volontaires qui, par amour pour Jésus, servent les derniers et les démunis n’attendent aucune reconnaissance ni aucune gratification, mais renoncent à tout cela parce qu’ils ont découvert l’amour authentique. Et chacun de nous peut dire : ‘‘Comme le Seigneur est venu vers moi et s’est penché sur moi en temps de besoin, de la même manière moi aussi je vais vers lui et je me penche sur ceux qui ont perdu la foi ou vivent comme si Dieu n’existait pas, sur les jeunes sans valeurs et sans idéaux, sur les familles en crise, sur les malades et les détenus, sur les réfugiés et les migrants, sur les faibles et sur ceux qui sont sans défense corporellement et spirituellement, sur les mineurs abandonnés à eux-mêmes, ainsi que sur les personnes âgées laissées seules. Partout où il y a une main tendue qui demande une aide pour se remettre debout, doit se percevoir notre présence ainsi que la présence de l’Église qui soutient et donne espérance’’. Et cela, il faut le faire avec la mémoire vivante de la main du Seigneur tendue sur moi quand j’étais à terre.

Mère Teresa, tout au long de son existence, a été une généreuse dispensatrice de la miséricorde divine, en se rendant disponible à travers l’accueil et la défense de la vie humaine, la vie dans le sein maternel comme la vie abandonnée et rejetée. Elle s’est dépensée dans la défense de la vie, en proclamant sans relâche que « celui qui n’est pas encore né est le plus faible, le plus petit, le plus misérable ». Elle s’est penchée sur les personnes abattues qu’on laisse mourir au bord des routes, en reconnaissant la dignité que Dieu leur a donnée ; elle a fait entendre sa voix aux puissants de la terre, afin qu’ils reconnaissent leurs fautes face aux crimes – face aux crimes – de la pauvreté qu’ils ont créée eux-mêmes. La miséricorde a été pour elle le ‘‘sel’’ qui donnait de la saveur à chacune de ses œuvres, et la ‘‘lumière’’ qui éclairait les ténèbres de ceux qui n’avaient même plus de larmes pour pleurer leur pauvreté et leur souffrance.

Sa mission dans les périphéries des villes et dans les périphéries existentielles perdure de nos jours comme un témoignage éloquent de la proximité de Dieu aux pauvres parmi les pauvres. Aujourd’hui, je remets cette figure emblématique de femme et de consacrée au monde du volontariat : qu’elle soit votre modèle de sainteté ! Je crois qu’il nous sera un peu difficile de l’appeler sainte Teresa ; sa sainteté nous est si proche, si tendre et si féconde que spontanément nous continuerons de lui dire : ‘‘Mère Teresa’’. Que cet infatigable artisan de miséricorde nous aide à comprendre toujours mieux que notre unique critère d’action est l’amour gratuit, libre de toute idéologie et de tout lien et offert à tous sans distinction de langue, de culture, de race ou de religion. Mère Teresa aimait dire : « Je ne parle peut-être pas leur langue, mais je peux sourire ». Portons son sourire le dans le cœur et offrons-le à ceux que nous rencontrons sur notre chemin, surtout à ceux qui souffrent. Nous ouvrirons ainsi des horizons de joie et d’espérance à tant de personnes découragées, qui ont besoin aussi bien de compréhension que de tendresse.

Usons de miséricorde envers notre maison commune

En union avec les frères et les soeurs orthodoxes, et avec l’adhésion d’autres Églises et Communautés chrétiennes, l’Église catholique célèbre aujourd’hui l’annuelle « Journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la création ». Cette occasion entend offrir « à chacun des croyants et aux communautés la précieuse opportunité de renouveler leur adhésion personnelle à leur vocation de gardiens de la création, en rendant grâce à Dieu pour l’oeuvre merveilleuse qu’Il a confiée à nos soins et en invoquant son aide pour la protection de la création et sa miséricorde pour les péchés commis contre le monde dans lequel nous vivons »
Il est très encourageant que la préoccupation pour l’avenir de notre planète soit partagée par les Églises et les Communautés chrétiennes avec d’autres religions. En effet, au cours des dernières années, de nombreuses initiatives ont été prises par des Autorités religieuses et par des organisations pour sensibiliser encore plus l’opinion publique aux dangers de l’exploitation irresponsable de la planète. Je voudrais mentionner ici le Patriarche Bartholomée et son prédécesseur Dimitrios, qui pendant de nombreuses années se sont prononcés constamment contre le péché de provoquer des dommages à la création, attirant l’attention sur la crise morale et spirituelle qui est à la base des problèmes environnementaux et de la dégradation. Répondant à l’attention croissante pour l’intégrité de la création, la Troisième Assemblée OEcuménique Européenne (Sibiu, 2007), proposait de célébrer un « Temps pour la Création » d’une durée de cinq semaines entre le 1er septembre (mémoire orthodoxe de la divine création) et le 4 octobre (mémoire de François d’Assise dans l’Église catholique et dans certaines autres traditions occidentales). A partir de ce moment cette initiative, avec l’appui du Conseil Mondial des Églises, a inspiré de nombreuses activités oecuméniques dans diverses parties du monde. Ce doit être aussi un motif de joie le fait que dans le monde entier des initiatives similaires, qui promeuvent la justice environnementale, la sollicitude envers les pauvres et l’engagement responsable à l’égard de la société, font se rencontrer des personnes, surtout des jeunes, de divers contextes religieux. Chrétiens et non-chrétiens, personnes de foi et de bonne volonté, nous devons être unis pour montrer de la miséricorde envers notre maison commune – la terre – et valoriser pleinement le monde dans lequel nous vivons comme lieu de partage et de communion.

1. La terre crie…
Avec ce Message, je renouvelle le dialogue avec chaque personne qui habite cette planète au sujet des souffrances qui affligent les pauvres et la dévastation de l’environnement. Dieu nous a fait don d’un jardin luxuriant, mais nous sommes en train de le transformer en une étendue polluée de « décombres, de déserts et de saletés » (Enc. Laudato si’, n. 161). Nous ne pouvons pas nous résigner ou être indifférents à la perte de la biodiversité et à la destruction des écosystèmes, souvent provoquées par nos comportements irresponsables et égoïstes. « A cause de nous, des milliers d’espèces ne rendront plus gloire à Dieu par leur existence et ne pourront plus nous communiquer leur propre message. Nous n’en avons pas le droit » (ibid. n. 33).
La planète continue à se réchauffer, en partie à cause de l’activité humaine : 2015 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée et probablement 2016 le sera encore plus. Cela provoque sécheresse, inondations, incendies et événements météorologiques extrêmes toujours plus graves. Les changements climatiques contribuent aussi à la crise poignante des migrants forcés. Les pauvres du monde, qui sont aussi les moins responsables des changements climatiques, sont les plus vulnérables et en subissent déjà les effets.
Comme l’écologie intégrale le met en évidence, les êtres humains sont profondément liés les uns aux autres et à la création dans son ensemble. Quand nous maltraitons la nature, nous maltraitons aussi les êtres humains. En même temps, chaque créature a sa valeur propre intrinsèque qui doit être respectée. Écoutons « tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres » (ibid. n. 49), et cherchons à comprendre attentivement comment pouvoir assurer une réponse adéquate et rapide.

2. …parce que nous avons péché
Dieu nous a donné la terre pour la cultiver et la garder (cf. Gn 2, 15) avec respect et équilibre. La cultiver « trop » – c’est-à-dire en l’exploitant de manière aveugle et égoïste –, et la garder peu est un péché.
Avec courage le cher Patriarche OEcuménique Bartholomée a, à maintes reprises et prophétiquement, mis en lumière nos péchés contre la création : « Que les hommes détruisent la diversité biologique dans la création de Dieu ; que les hommes dégradent l’intégrité de la terre en provoquant le changement climatique, en dépouillant la terre de ses forêts naturelles ou en détruisant ses zones humides ; que les hommes polluent les eaux, le sol, l’air : tout cela, ce sont des péchés ». En effet, « un crime contre la nature est un crime contre nous-mêmes et un péché contre Dieu ».2
Face à ce qui arrive à notre maison, puisse le Jubilé de la Miséricorde appeler les fidèles chrétiens « à une profonde conversion intérieure » (Enc. Laudato si’, n. 217), soutenue de façon particulière par le Sacrement de la Pénitence. En cette Année jubilaire, apprenons à chercher la miséricorde de Dieu pour les péchés contre la création que jusqu’à maintenant nous n’avons pas su reconnaître et confesser ; et engageons-nous à accomplir des pas concrets sur la route de la conversion écologique, qui demande une claire prise de conscience de notre responsabilité à l’égard de nous-mêmes, du prochain, de la création et du Créateur (cf. ibid. nn. 10 ; 229).

3. Examen de conscience et repentir
Le premier pas sur ce chemin est toujours un examen de conscience, qui « implique gratitude et gratuité, c’est-à-dire une reconnaissance du monde comme don reçu de l’amour du Père, ce qui a pour conséquence des attitudes gratuites de renoncement et des attitudes généreuses […] Cette conversion implique aussi la conscience amoureuse de ne pas être déconnecté des autres créatures, de former avec les autres êtres de l’univers une belle communion universelle. Pour le croyant, le monde ne se contemple pas de l’extérieur mais de l’intérieur, en reconnaissant les liens par lesquels le Père nous a unis à tous les êtres » (ibid. n. 220).
A ce Père plein de miséricorde et de bonté, qui attend le retour de chacun de ses enfants, nous pouvons nous adresser en reconnaissant nos péchés envers la création, les pauvres et les générations futures. « Dans la mesure où tous nous causons de petits préjudices écologiques », nous sommes appelés à reconnaître « notre contribution, petite ou grande, à la défiguration et à la destruction de la création ».3 C’est le premier pas sur le chemin de la conversion.
En l’an 2000, qui fut aussi une Année jubilaire, mon prédécesseur saint Jean-Paul II a invité les catholiques à reconnaître leurs torts pour l’intolérance religieuse passée et présente, ainsi que pour les injustices commises envers les Juifs, les femmes, les peuples indigènes, les immigrés, les pauvres et les enfants à naître. En ce Jubilé extraordinaire de la Miséricorde, j’invite chacun à faire de même. Comme individus, désormais habitués à des styles de vie entrainés soit par une culture mal comprise du bien-être soit par un « désir désordonné de consommer plus qu’il n’est réellement nécessaire » (ibid. n. 123), et comme participants d’un système « qui a imposé la logique du profit à n’importe quel prix, sans penser à l’exclusion sociale ou à la destruction de la nature »,4 repentons-nous du mal que nous faisons à notre maison commune.
Après un sérieux examen de conscience et habités par ce repentir, nous pouvons confesser nos péchés contre le Créateur, contre la création, contre nos frères et nos soeurs. « Le catéchisme de l’Église catholique nous fait voir le confessionnal comme un lieu où la vérité nous rend libres pour une rencontre ».5 Nous savons que « Dieu est plus grand que notre péché »,6 que tous les péchés, y compris ceux contre la création. Nous les confessons parce que nous sommes repentants et que nous voulons changer. Et la grâce miséricordieuse de Dieu que nous recevons dans le Sacrement nous aidera à le faire.

4. Changer de route
L’examen de conscience, le repentir et la confession au Père riche en miséricorde conduisent à un ferme propos de changer de vie. Et cela doit se traduire en attitudes et comportements concrets plus respectueux de la création, comme par exemple de faire un usage raisonnable du plastique et du papier, de ne pas gaspiller l’eau, la nourriture et l’énergie électrique, de trier les déchets, de traiter avec soin les autres êtres vivants, d’utiliser les transports publics et de partager un même véhicule entre plusieurs personnes, et ainsi de suite (cf. Enc. Laudato si’, n. 211). Nous ne devons pas croire que ces efforts sont trop petits pour améliorer le monde. Ces actions « suscitent sur cette terre un bien qui tend à se répandre toujours, parfois de façon invisible » (ibid., n. 212) et encouragent « un style de vie prophétique et contemplatif, capable d’aider à apprécier profondément les choses sans être obsédé par la consommation » (ibid., n. 222).
Egalement l’intention de changer de vie doit imprégner notre manière de contribuer à construire la culture et la société dont nous faisons partie : en effet « la préservation de la nature fait partie d’un style de vie qui implique une capacité de cohabitation et de communion » (ibid., n. 228). L’économie et la politique, la société et la culture ne peuvent pas être dominées par une mentalité du court terme et de la recherche d’un gain financier ou électoral immédiat. Elles doivent au contraire être d’urgence réorientées vers le bien commun, qui comprend la durabilité et la sauvegarde de la création.
Un cas concret est celui de la “dette écologique” entre le Nord et le Sud du monde (cf. ibid., nn. 51-52). Sa restitution demanderait de prendre soin de l’environnement des pays plus pauvres, leur fournissant des ressources financières et une assistance technique qui les aident à gérer les conséquences des changements climatiques et à promouvoir le développement durable.
La protection de la maison commune demande un consensus politique croissant. En ce sens, c’est un motif de satisfaction qu’en septembre 2015 les pays du monde aient adopté les Objectifs de Développement durable, et que, en décembre 2015, ils aient approuvé l’Accord de Paris sur les changements climatiques, qui fixe l’objectif exigeant mais fondamental de contenir l’augmentation de la température globale. Maintenant les gouvernements ont le devoir de respecter les engagements qu’ils ont pris, tandis que les entreprises doivent assumer leur part de façon responsable, et il revient aux citoyens d’exiger qu’il en soit ainsi, et qu’on vise même des objectifs toujours plus ambitieux.
Changer de route consiste donc à « respecter scrupuleusement le commandement originel de préserver la création de tout mal, soit pour notre bien soit pour le bien des autres êtres humains ».7 Une question peut nous aider à ne pas perdre de vue l’objectif : « Quel genre de monde voulons-nous laisser à ceux qui nous succèdent, aux enfants qui grandissent » (Enc. Laudato si’, n. 160).

5. Une nouvelle oeuvre de miséricorde
« Rien n’unit davantage à Dieu qu’un acte de miséricorde – qu’il s’agisse de la miséricorde avec laquelle le Seigneur nous pardonne nos péchés, ou qu’il s’agisse de la grâce qu’il nous accorde pour pratiquer les oeuvres de miséricorde en son nom ».
Paraphrasant saint Jacques, « la miséricorde sans les oeuvres est morte en elle-même. […] A cause des mutations de notre univers mondialisé, certaines pauvretés matérielles et spirituelles se sont multipliées : laissons donc place à l’imagination de la charité pour distinguer de nouvelles modalités d’action. De cette façon, la voie de la miséricorde deviendra toujours plus concrète ».
La vie chrétienne inclut la pratique des oeuvres de miséricorde corporelles et spirituelles traditionnelles. « Il est vrai que nous pensons d’habitude aux oeuvres de miséricorde, séparément, et en tant que liées à une oeuvre : hôpitaux pour les malades, cantines pour ceux qui ont faim, maisons d’accueil pour ceux qui sont dans la rue, écoles pour ceux qui ont besoin d’instruction, le confessionnal et la direction spirituelle pour celui qui a besoin de conseil et de pardon… Mais si nous les regardons ensemble, le message est que l’objet de la miséricorde est la vie humaine elle-même et dans sa totalité ».
Évidemment la vie humaine elle-même et dans sa totalité comprend la sauvegarde de la maison commune. Donc, je me permets de proposer un complément aux deux listes traditionnelles des sept oeuvres de miséricorde, ajoutant à chacune la sauvegarde de la maison commune.
Comme oeuvre de miséricorde spirituelle, la sauvegarde de la maison commune demande « la contemplation reconnaissante du monde » (Enc. Laudato si’, n. 214) qui « nous permet de découvrir à travers chaque chose un enseignement que Dieu veut nous transmettre » (ibid., n. 85). Comme oeuvre de miséricorde corporelle, la sauvegarde de la maison commune demande les « simples gestes quotidiens par lesquels nous rompons la logique de la violence, de l’exploitation, de l’égoïsme […] et se manifeste dans toutes les actions qui essaient de construire un monde meilleur » (ibid., nn. 230-231).

6. En conclusion, prions
Malgré nos péchés et les terribles défis que nous avons face à nous, ne perdons jamais l’espérance : « Le Créateur ne nous abandonne pas, jamais il ne fait marche arrière dans son projet d’amour, il ne se repent pas de nous avoir créés […] parce qu’il s’est définitivement uni à notre terre, et son amour nous porte toujours à trouver de nouveaux chemins » (ibid., nn. 13 ; 245). En particulier le 1er septembre, et ensuite pour tout le reste de l’année, nous prions :
« Ô Dieu des pauvres, aide-nous à secourir les abandonnés et les oubliés de cette terre qui valent tant à tes yeux. […] Ô Dieu d’amour, montre-nous notre place dans ce monde comme instruments de ton affection pour tous les êtres de cette terre (ibid., n. 246). Ô Dieu de miséricorde, accorde-nous de recevoir ton pardon et de transmettre ta miséricorde dans toute notre maison commune. Loué sois-tu. Amen».

Du Vatican, 1er septembre 2016
FRANÇOIS

Bilan des JMJ – Cracovie 2016

C’est l’heure du bilan. De retour des Journées Mondiales de la Jeunesse de Cracovie, en Pologne, notre équipe francophone se retrouve et prend le temps de revenir sur ce grand rassemblement qui a réunis plus de 2 millions de jeunes du monde entier, à l’appel du pape François. Dans cette émission spéciale, notre journaliste Charles Le Bourgeois reçoit le père Thomas Rosica, directeur général de Sel et Lumière, ainsi que Francis Denis et Emilie Callan, tous deux journalistes à la rédaction francophone de S+L. Ils partagent ici, pour vous, leur expérience de ces JMJ, et reviennent aussi sur les moments forts qui ont rythmés cette rencontre, sur le thème de la Miséricorde.

 

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