Grandir en étant miséricordieux comme le Père
Chers jeunes,
l’Église vit l’Année Sainte de la Miséricorde, un temps de grâce, de paix, de conversion et de joie qui implique tout le monde : petits et grands, proches et lointains. Il n’y a pas de frontière ou de distance qui puissent empêcher la miséricorde du Père de nous rejoindre et de se rendre présente au milieu de nous. Désormais la Porte Sainte est ouverte à Rome et dans tous les diocèses du monde.
Ce temps précieux vous concerne vous aussi, chers jeunes garçons et filles, et je m’adresse à vous pour vous inviter à y prendre part, à en devenir les acteurs, vous découvrant enfants de Dieu (cf. 1 Jn 3, 1). Je voudrais vous appeler un par un, je voudrais vous appeler par votre nom, comme fait Jésus chaque jour, parce que vous savez bien que vos noms sont inscrits dans les cieux (Lc 10, 20), sont gravés dans le cœur du Père qui est le Cœur miséricordieux d’où naît toute réconciliation et toute douceur.
Le Jubilé est une année entière où chaque moment est dit saint afin que notre existence devienne entièrement sainte. C’est une occasion où nous redécouvrons que vivre en frères est une grande fête, la plus belle que nous puissions rêver, la fête sans fin que Jésus nous a enseigné à chanter dans son Esprit. Le Jubilé est la fête à laquelle Jésus invite vraiment chacun, sans distinctions et sans exclure personne. Pour cela j’ai désiré vivre aussi avec vous des journées de prière et de fête. Je vous attends nombreux, donc, au mois d’avril prochain.
“Grandir en étant miséricordieux comme le Père” est le titre de votre Jubilé, mais c’est aussi la prière que nous faisons pour vous tous, vous accueillant au nom de Jésus. Grandir en étant miséricordieux signifie apprendre à être courageux dans l’amour concret et désintéressé, signifie devenir grands aussi bien au physique qu’à l’intérieur. Vous vous préparez à devenir des chrétiens capables de choix et de gestes courageux, en mesure de construire chaque jour, aussi dans les petites choses, un monde de paix.
Vous êtes à un âge d’incroyables changements, où tout semble possible et impossible en même temps. Je vous répète avec beaucoup de force : « Demeurez sur le chemin de la foi avec une ferme espérance dans le Seigneur. Là se trouve le secret de notre chemin ! Lui nous donne le courage d’aller à contrecourant. Croyez-moi: cela fait du bien au cœur, mais il faut du courage pour aller à contrecourant et lui nous donne ce courage ! Avec lui nous pouvons faire de grandes choses ; il nous fera sentir la joie d’être ses disciples, ses témoins. Misez sur les grands idéaux, sur les grandes choses. Nous chrétiens nous ne sommes pas choisis par le Seigneur pour de petites bricoles, allez toujours au- delà, vers les grandes choses. Jouez votre vie pour de grands idéaux ! » (Homélie pour la journée des confirmés de l’Année de la Foi, 28 avril 2013).
Je ne peux pas vous oublier, jeunes garçons et filles, qui vivez dans des contextes de guerre, d’extrême pauvreté, de lutte quotidienne, d’abandon. Ne perdez pas l’espérance, le Seigneur a un grand rêve à réaliser avec vous ! Vos amis de votre âge qui vivent dans des conditions moins dramatiques que la vôtre, se souviennent de vous et s’engagent pour que la paix et la justice puissent appartenir à tous. Ne croyez pas aux paroles de haine et de terreur qui sont souvent répétées ; construisez au contraire des amitiés nouvelles. Offrez votre temps, préoccupez-vous toujours de celui qui vous demande de l’aide. Soyez courageux et à contrecourant, soyez des amis de Jésus, qui est le Prince de la paix (cf. Is 9, 6), « tout en Lui parle de miséricorde. Rien en Lui ne manque de compassion » (Misericordiae vultus, n. 8).
Je sais que vous ne pourrez pas tous venir à Rome, mais le Jubilé est vraiment pour tous et sera célébré aussi dans votre Églises locales. Vous êtes tous invités à ce moment de joie ! Ne préparez pas seulement les sacs et les banderoles, préparez surtout votre cœur et votre esprit. Méditez bien les désirs que vous remettrez à Jésus dans le sacrement de la Réconciliation et dans l’Eucharistie que nous célébrerons ensemble.
Quand vous traverserez la Porte Sainte, rappelez-vous que vous vous engagez à rendre sainte votre vie, à vous nourrir de l’Évangile et de l’Eucharistie, qui sont la Parole et le Pain de la Vie, pour pouvoir construire un monde plus juste et plus fraternel.
Que le Seigneur bénisse chacun de vos pas vers la Porte Sainte. Je prie pour vous l’Esprit Saint, afin qu’il vous guide et vous éclaire. Que la Vierge Marie, qui est Mère de tous, soit pour vous, pour vos familles et pour tous ceux qui vous aident à grandir en bonté et en grâce, une vraie Porte de la Miséricorde.
Du Vatican, le 6 janvier 2016, Solennité de l’Épiphanie du Seigneur
FRANCISCUS
Message du pape François pour le Jubilé de la Miséricorde des jeunes garçons et filles
Les oeuvres de miséricorde
Depuis bientôt deux semaines les différents diocèses du monde entier ont procédé à l’ouverture de leur Porte de la miséricorde soulignant ainsi officiellement au niveau des églises locales l’ouverture du Jubilé extraordinaire de la miséricorde. Parmi les chrétiens, cette initiative du pape François suscite beaucoup l’espoir de voir ressurgir dans l’Église une force missionnaire comme on n’en a pas vue depuis longtemps. En ce sens, dans la bulle d’indiction Misericordiae Vultus décrétant l’Année sainte, le pape François a mentionné qu’il désirait que « le peuple chrétien réfléchisse durant le Jubilé sur les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles » (no 15). Qu’est-ce donc que ces « œuvres de la miséricorde » ?
Les œuvres de miséricorde corporelles sont au nombre de 7 :
1.Donner à manger à ceux qui ont faim
2.Donner à boire à ceux qui ont soif
3.Vêtir ceux qui sont nus
4.Loger les pèlerins
5.Visiter les malades
6.Visiter les prisonniers
7.Ensevelir les morts
Pour le Pape, il est important d’amorcer, en cette année jubilaire, une réflexion sur la « façon de réveiller notre conscience souvent endormie face au drame de la pauvreté, et de pénétrer toujours davantage le cœur de l’Évangile, où les pauvres sont les destinataires privilégiés de la miséricorde divine ». Pour nous qui sommes nés dans une société moderne, dans un pays qui a des institutions qui prennent en charge la majorité de ces œuvres, il est parfois tentant de nous dire que cela n’est plus de notre responsabilité. Or, après réflexion, on se rend compte que l’État suffit de moins en moins à la tâche. Il est donc impératif que tous les citoyens en fassent un peu plus pour soulager les personnes dans le besoin. Les chrétiens peuvent, à plus forte raison, faire leur part. Et cette année de la miséricorde peut être l’occasion, pour nous, de reconsidérer les implications concrètes de notre foi en nous engageant personnellement dans une œuvre caritative ou, tout simplement, en étant davantage présent auprès d’une personne de notre entourage qui est dans le besoin.
Les œuvres de miséricorde spirituelles sont un peu moins connues dans notre société et, parfois, même, chez les chrétiens eux-mêmes. Elles sont également au nombre de 7 :
1.Conseiller ceux qui doutent;
2.Enseigner ceux qui sont ignorants;
3.Réprimander les pécheurs;
4.Consoler les affligés;
5.Pardonner les offenses;
6.Supporter patiemment les personnes importunes;
7.Prier Dieu pour les vivants et pour les morts.
La réflexion demandée par le pape François est clairement une invitation à approfondir notre connaissance et notre mise en pratique de ces œuvres spirituelles. En effet, contrairement aux œuvres de miséricorde corporelles dont la responsabilité incombe à toute la société, la miséricorde spirituelle incombe plus particulièrement aux chrétiens puisqu’ils ont reçu la grâce de la foi. Nous devrons donc prendre plusieurs initiatives en ce sens. Une chose est certaine, nous devons de plus en plus contempler la complémentarité des œuvres de miséricorde spirituelles et corporelles et voir comment les unes perfectionnent les autres et vice-versa.
L’année de la miséricorde a débuté d’une manière forte par des gestes symboliques et des rassemblements spectaculaires. Cependant, si nous voulons que la miséricorde ait des racines profondes en nos cœurs, nous devons suivre l’invitation du pape François à redécouvrir ces deux façons complémentaires d’œuvrer à la vigne du Seigneur afin que Son Visage d’Amour infini soit reconnu par tous.
(Image: Les œuvres de miséricorde,Frans Franck (1581-1642))
Discours du pape François à l’occasion de la présentation des voeux de Noël à la Curie romaine
Chers frères et sœurs,
Je vous demande de m’excuser de ne pas parler debout, mais depuis quelques jours je suis sous l’influence de la grippe et je ne me sens pas très fort. Avec votre permission, je vous parle assis.
Je suis heureux de vous adresser mes vœux les plus cordiaux de saint Noël et d’heureuse nouvelle année, que j’étends à tous les collaborateurs, aux Représentants pontificaux et particulièrement à ceux qui, au cours de l’année passée, ont terminé leur service pour avoir atteint la limite d’âge. Nous nous souvenons aussi des personnes qui ont été rappelées à Dieu. Ma pensée et ma gratitude vont à vous tous et à vos proches.
Dans ma première rencontre avec vous, en 2013, j’ai voulu souligner deux aspects importants et inséparables du travail curial : le professionnalisme et le service, indiquant la figure de saint Joseph comme modèle à imiter. Par contre, l’an passé, pour nous préparer au Sacrement de la Réconciliation, nous avons affronté quelques tentations et “maladies” – le “catalogue des maladies curiales” – aujourd’hui au contraire je devrais parler des “antibiotiques curiaux”–qui pourraient frapper chaque chrétien, curie, communauté, congrégation, paroisse et mouvement ecclésial. Maladies qui demandent prévention, vigilance, soin et, malheureusement dans certains cas, interventions douloureuses et prolongées.
Certaines de ces maladies se sont manifestées au cours de cette année, causant beaucoup de douleur à tout le corps et blessant beaucoup d’âmes avec aussi du scandale.
Il semble juste d’affirmer que cela a été – et le sera toujours – l’objet d’une sincère réflexion et de mesures déterminantes. La réforme ira de l’avant avec détermination, lucidité et résolution, parce que Ecclesia semper reformanda.
Toutefois, les maladies et même les scandales ne pourront pas cacher l’efficacité des services que la Curie romaine avec effort, avec responsabilité, avec engagement et dévouement, rend au Pape et à toute l’Église, et cela est une vraie consolation. Saint Ignace enseignait que « c’est le propre du mauvais esprit de tourmenter, de causer de la tristesse, d’élever des obstacles, de troubler par de fausses raisons, afin d’empêcher de progresser; au contraire, c’est le propre du bon esprit de donner courage et forces, consolations et larmes, inspirations et sérénité, diminuant et écartant toute difficulté, afin d’avancer sur le chemin du bien »1.
Ce serait une grande injustice de ne pas exprimer une vive gratitude et un juste encouragement à toutes les personnes saines et honnêtes qui travaillent avec dévouement, dévotion, fidélité et professionnalisme, offrant à l’Église et au Successeur de Pierre le réconfort de leur solidarité et de leur obéissance ainsi que de leurs prières généreuses.
De plus, les résistances, les fatigues et les chutes des personnes et des ministres sont aussi des leçons et des occasions de croissance, et jamais de découragement. Ce sont des opportunités pour revenir à l’essentiel qui consiste à faire le point avec la conscience que nous avons de nous- mêmes, de Dieu, du prochain, du sensus Ecclesiae et du sensus fidei.
De ce revenir à l’essentiel je voudrais vous parler aujourd’hui alors que nous sommes au début du pèlerinage de l’Année Sainte de la Miséricorde, ouverte par l’Église il y a peu de temps, et qui représente pour elle et pour nous tous un fort appel à la gratitude, à la conversion, au renouveau, à la pénitence et à la réconciliation.
En réalité, Noël est la fête de la Miséricorde infinie de Dieu. Saint Augustin d’Hippone dit : « Quelle miséricorde saurait l’emporter pour des malheureux sur celle qui a fait descendre du ciel le Créateur du ciel, qui a revêtu d’un corps de terre le Fondateur de la terre, égalé à nous dans notre nature mortelle Celui qui demeure l’égal de son Père dans son éternelle nature, donné une nature d’esclave au Maître du monde, condamné le Pain même à avoir faim, la Plénitude à avoir soif, réduit la Puissance à la faiblesse, la Santé à la souffrance, la Vie à la mort; et cela pour apaiser en nous la faim, étancher la soif, soulager nos souffrances, éteindre l’iniquité, enflammer la charité? »2.
Donc, dans le contexte de cette Année de la Miséricorde et de la préparation à Noël, désormais à nos portes, je voudrais vous présenter une aide pratique pour pouvoir vivre fructueusement ce temps de grâce. Il s’agit d’un “catalogue des vertus nécessaires” non-exhaustif, pour qui prête service à la Curie et pour tous ceux qui veulent rendre féconde leur consécration ou leur service à l’Église.
J’invite les Chefs de Dicastères et les Supérieurs à l’approfondir, à l’enrichir et à le compléter. C’est une liste qui part d’une analyse acrostiche de la parole « Misericordia », afin qu’elle soit notre guide et notre phare :1. Le caractère Missionnaire et pastoral. Le caractère missionnaire est ce qui rend, et montre la curie fructueuse et féconde ; elle est la preuve de la vigueur, de l’efficacité et de l’authenticité de notre action. La foi est un don, mais la mesure de notre foi se prouve aussi par la capacité que nous avons de la communiquer 3. Chaque baptisé est missionnaire de la Bonne Nouvelle avant tout par sa vie, par son travail et par son témoignage joyeux et convaincu. Le caractère pastoral sain est une vertu indispensable spécialement pour chaque prêtre. C’est l’engagement quotidien à suivre le Bon Pasteur qui prend soin de ses brebis et donne sa vie pour sauver la vie des autres. C’est la mesure de notre activité curiale et sacerdotale. Sans ces deux ailes nous ne pourrons jamais voler et ni atteindre la béatitude du serviteur fidèle (cf. Mt 25, 14-30).
2. Aptitude [Idoneità] et sagacité. L’aptitude demande l’effort personnel d’acquérir les qualités nécessaires et requises pour exercer au mieux ses propres tâches et activités, avec l’intelligence et l’intuition. Elle s’oppose aux recommandations et aux faveurs. La sagacité est la rapidité d’esprit à comprendre et à affronter les situations avec sagesse et créativité. Aptitude et sagacité représentent aussi la réponse humaine à la grâce divine, quand chacun de nous suit ce célèbre dicton : “Tout faire comme si Dieu n’existait pas et, ensuite, laisser tout à Dieu comme si je n’existais pas”. C’est le comportement du disciple qui s’adresse au Seigneur tous les jours avec ces paroles de la très belle Prière universelle attribuée au Pape Clément XI : « Guide-moi par ta sagesse, soutiens-moi par ta justice… encourage-moi par ta bonté, protège-moi par ta puissance. Je t’offre, ô Seigneur : mes pensées, pour qu’elles soient dirigées vers toi ; mes paroles, pour qu’elles soient de toi ; mes actions, pour qu’elles soient selon toi ; mes tribulations, pour qu’elles soient pour toi »4.
3. Spiritualité et humanité. La spiritualité est la colonne vertébrale de tout service dans l’Église et dans la vie chrétienne. Elle est ce qui nourrit toute notre conduite, la soutient et la protège de la fragilité humaine et des tentations quotidiennes. L’humanité est ce qui incarne la véridicité de notre foi. Celui qui renonce à son humanité renonce à tout. L’humanité est ce qui nous rend différents des machines et des robots qui n’entendent pas et ne s’émeuvent pas. Quand il nous est difficile de pleurer sincèrement ou de rire franchement – ce sont deux signes – , alors notre déclin a commencé ainsi que
notre processus de transformation d’“hommes” en autre chose. L’humanité c’est savoir montrer tendresse et familiarité, courtoisie avec tous (cf. Ph 4, 5). Spiritualité et humanité, tout en étant des qualités innées, sont toutefois des potentialités à réaliser entièrement, à atteindre continuellement et à manifester quotidiennement.4. Exemplarité et fidélité. Le Bienheureux Paul VI a rappelé à la Curie – en 63 – « sa vocation à l’exemplarité »5. Exemplarité pour éviter les scandales qui blessent les âmes et menacent la crédibilité de notre témoignage. Fidélité à notre consécration, à notre vocation, rappelant toujours les paroles du Christ : « Qui est fidèle en très peu de chose est fidèle aussi en beaucoup, et qui est malhonnête en très peu est malhonnête aussi en beaucoup » (Lc 16, 10). Et « Mais si quelqu’un doit scandaliser l’un de ces petits qui croient en moi, il serait préférable pour lui de se voir suspendre autour du cou une de ces meules que tournent les ânes et d’être englouti en pleine mer. Malheur au monde à cause des scandales ! Il est fatal, certes, qu’il arrive des scandales, mais malheur à l’homme par qui le scandale arrive ! » (Mt 18, 6-7).
5. Rationalité et amabilité. La rationalité sert à éviter les excès émotifs et l’amabilité à éviter les excès de la bureaucratie et des programmations et planifications. Ce sont des talents nécessaires pour l’équilibre de la personnalité : « L’ennemi – et je cite saint Ignace une autre fois, excusez-moi – considère attentivement si une âme est grossière, ou si elle est délicate. Si elle est grossière, il tâche de la rendre délicate à l’extrême pour la jeter plus facilement dans le trouble et l’abattre »6. Tout excès est l’indice de quelque déséquilibre, aussi bien l’excès de rationalité que d’amabilité.
6. Innocuité et détermination. L’innocuité qui nous rend prudents dans le jugement, capables de nous abstenir d’actions impulsives et précipitées. C’est la capacité de faire émerger le meilleur de nous-mêmes, des autres et des situations en agissant avec attention et compréhension. C’est faire aux autres ce que tu voudrais qu’il te soit fait (cf. Mt 7, 12 et Lc 6, 31). La détermination c’est agir avec une volonté résolue, avec une vision claire et dans l’obéissance à Dieu, et seulement pour la loi suprême de la salus animarum (cf. CIC, can. 1725).
7.Charité et vérité. Deux vertus indissolubles de l’existence chrétienne : « Faire la vérité dans la charité et vivre la charité dans la vérité » (cf. Ep 4, 15)7 ; au point que la charité sans vérité devient idéologie d’un “bonnisme” destructeur et la vérité sans charité devient justice aveugle.
8.Honnêteté [Onestà] et maturité. L’honnêteté est la rectitude, la cohérence et le fait d’agir avec sincérité absolue avec soi-même et avec Dieu. Celui qui est honnête n’agit pas avec droiture seulement sous le regard du surveillant ou du supérieur ; celui qui est honnête ne craint pas d’être surpris, parce qu’il ne trompe jamais celui qui lui fait confiance. Celui qui est honnête ne se comporte jamais en maître sur les personnes ou sur les choses qui lui ont été confiées à administrer, comme le “mauvais serviteur” (Mt 24, 48). L’honnêteté est la base sur laquelle s’appuient toutes les autres qualités. La maturité vise à atteindre l’harmonie entre nos capacités physiques, psychiques et spirituelles. Elle est le but et l’aboutissement d’un processus de développement qui ne finit jamais et qui ne dépend pas de l’âge que nous avons.
9.Déférence [Rispetto] et humilité. La déférence est le talent des âmes nobles et délicates ; des personnes qui cherchent toujours à montrer un respect authentique envers les autres, envers leur propre rôle, envers les supérieurs, les subordonnés, les dossiers, les papiers, le secret et la confidentialité ; les personnes qui savent écouter attentivement et parler poliment. L’humilité, de son côté, est la vertu des saints et des personnes remplies de Dieu qui, plus elles acquièrent de l’importance, plus grandit en elles la conscience de n’être rien et de ne rien pouvoir faire sans la grâce de Dieu (cf. Jn 15, 8).
10.Générosité [Doviziosità] et attention. – j’ai le vice des néologismes – et attention. Plus nous avons confiance en Dieu et dans sa providence plus nous sommes généreux d’âme et plus nous sommes ouverts à donner, sachant que plus on donne plus on reçoit. En réalité il est inutile d’ouvrir toutes les Portes Saintes de toutes les basiliques du monde si la porte de notre coeur est fermée à l’amour, si nos mains sont fermées à donner, si nos maisons sont fermées à héberger, si nos églises sont fermées à accueillir. L’attention c’est soigner les détails et offrir le meilleur de nous-mêmes, et ne jamais baisser la garde sur nos vices et nos manques. Saint Vincent de Paul priait ainsi : “Seigneur aide-moi à m’apercevoir tout de suite : de ceux qui sont à côté de moi, de ceux qui sont inquiets
11.Impavidité et promptitude. Être impavide signifie ne pas se laisser effrayer face aux difficultés comme Daniel dans la fosse aux lions, comme David face à Goliath ; cela signifie agir avec audace et détermination et sans tiédeur « comme un bon soldat » (2 Tm 2, 3-4) ; cela signifie savoir faire le premier pas sans tergiverser, comme Abraham et comme Marie. De son côté, la promptitude c’est savoir agir avec liberté et agilité sans s’attacher aux choses matérielles provisoires. Le Psaume dit : « Aux richesses quand elles s’accroissent n’attachez pas votre coeur » (61, 11). Être prompt veut dire être toujours en chemin, sans jamais s’alourdir en accumulant des choses inutiles et en se fermant sur ses propres projets et sans se laisser dominer par l’ambition.
12.Fiabilité [Affidabilità] et sobriété. Celui qui est fiable est celui qui sait maintenir ses engagements avec sérieux et crédibilité quand il est observé mais surtout quand il se trouve seul ; c’est celui qui répand autour de lui un climat de tranquillité parce qu’il ne trahit jamais la confiance qui lui a été accordée. La sobriété – dernière vertu de cette liste, mais pas en importance – est la capacité de renoncer au superflu et de résister à la logique consumériste dominante. La sobriété est prudence, simplicité, concision, équilibre et tempérance. La sobriété c’est regarder le monde avec les yeux de Dieu et avec le regard des pauvres et de la part des pauvres. La sobriété est un style de vie8, qui indique le primat de l’autre comme principe hiérarchique et exprime l’existence comme empressement et service envers les autres. Celui qui est sobre est une personne cohérente et essentielle en tout, parce qu’elle sait réduire, récupérer, recycler, réparer, et vivre avec le sens de la mesure.
Déclaration conjointe de la CECC et du Caucus rabbinique du Canada au ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion
Le 15 décembre 2015
L’honorable Stéphane Dion
Ministre des Affaires étrangères
Chambre des communes
Ottawa (Ontario)
K1A 0A6Monsieur le Ministre,
Nous voulons tout d’abord vous offrir nos sincères félicitations pour votre nomination au poste de ministre des Affaires étrangères. Le fait que vous ayez été choisi pour représenter les valeurs canadiennes au sein de la communauté internationale atteste de l’étendue de vos connaissances, de la richesse de votre expérience et de la qualité de votre engagement au service de notre grand pays.
Nous vous écrivons pour vous faire part de notre profonde inquiétude au sujet du sort tragique qui continue d’être infligé aux chrétiens du Moyen-Orient et de l’Afrique. Tout en reconnaissant que plusieurs communautés religieuses et ethniques subissent des préjudices dans plusieurs pays, de nombreux observateurs relèvent depuis quelques années que les chrétiens sont soumis à une persécution religieuse qui dépasse globalement et en chiffres absolus ce qu’ont pu subir les autres groupes religieux.
Selon un reportage publié le 4 décembre 2010 dans le Toronto Star,
Presque tous les groupes de défense des droits de la personne et toutes les agences des gouvernements occidentaux qui observent la situation des chrétiens à travers le monde en arrivent pratiquement à la même conclusion : de 200 à 230 millions d’entre eux sont confrontés chaque jour à des menaces de mort, de coups, d’emprisonnement et de torture, et de 350 à 400 millions sont victimes de discrimination dans des domaines comme l’emploi et le logement.
Le 26 février dernier, le Pew Research Center a publié des observations confirmant que les chrétiens de partout dans le monde font l’objet de plus de persécutions, de restrictions, d’hostilité et de harcèlement que tout autre groupe religieux (Latest Trends in Religious Restrictions and Hostilities; http://www.pewforum.org/). L’Aide à l’Église en Détresse, qui publie régulièrement des études approfondies sur la situation de la liberté religieuse dans le monde, en arrive à des conclusions semblables. Son dernier rapport, publié en 2014, indique que les chrétiens demeurent la religion la plus persécutée dans le monde et que les niveaux de persécution les plus graves sont observés dans plusieurs pays du nord de l’Afrique, du Moyen-Orient et dans une bonne partie de l’Asie (Religious Freedom in the World Report – 2014; http://religion-freedom-report.org.uk/full-report/).
Le pape François a fait appel plusieurs fois à la communauté internationale de protéger les chrétiens et les autres minorités victimes de persécution au Moyen-Orient. Le 25 septembre dernier, devant l’Assemblée générale des Nations Unies, il a réitéré ses « appels incessants concernant la douloureuse situation de tout le Moyen-Orient, du nord de l’Afrique et d’autres pays africains, où les chrétiens, avec d’autres groupes culturels ou ethniques, y compris avec les membres de la religion majoritaire qui ne veulent pas se laisser gagner par la haine et la folie, ont été forcés à être témoins de la destruction de leurs lieux de culte, de leur patrimoine culturel et religieux, de leurs maisons comme de leurs propriétés, et ont été mis devant l’alternative de fuir ou bien de payer de leur propre vie, ou encore par l’esclavage, leur adhésion au bien et à la paix. »
Observant la façon dont les chrétiens sont persécutés au Moyen-Orient, le rabbin Jonathan Sacks, ancien grand rabbin des United Hebrew Congregations of the Commonwealth, qui intervenait devant la Chambre des lords britanniques le 16 juillet 2015, a appelé « les croyants de toutes les allégeances et aussi les non-croyants » à « serrer les rangs… car nous sommes tous en danger ». Le pape François et le rabbin Sacks parlent tous les deux de génocide pour décrire la persécution infligée aux chrétiens dans certaines régions du Moyen-Orient et de l’Afrique.
De l’Égypte à l’Iran et de l’Irak au Nigeria, les communautés chrétiennes vivent différentes formes de persécution, de la discrimination à l’intimidation de la part des populations locales aux attaques de groupes terroristes contre des églises. Dans certains pays, la situation a provoqué un véritable exode des chrétiens, ce qui constitue encore une autre tragédie étant donné que ces communautés existent depuis des millénaires dans une région qui est le berceau du christianisme.
Nous comprenons que vous devez composer avec une liste écrasante d’impératifs politiques divergents. Néanmoins, nous demandons humblement au gouvernement du Canada pour que la priorité soit donnée à la défense des communautés chrétiennes menacées du Moyen-Orient et de l’Afrique et d’explorer des façons nouvelles et efficaces de leur fournir une assistance diplomatique et humanitaire capable d’atténuer leurs souffrances.
Nous vous remercions sincèrement, Monsieur le Ministre, de l’attention que vous porterez à cette urgente et tragique question, et nous attendons vos réflexions à ce sujet.
Message du pape François pour la 31e Journée mondiale de la jeunesse à Cracovie
« Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Mt 5, 7)
Chers jeunes,
Nous voici arrivés à la dernière étape de notre pèlerinage vers Cracovie où, en juillet prochain,nous célébrerons ensemble les 21ème Journées Mondiales de la Jeunesse. Sur notre parcours, long et exigeant, nous sommes guidés par les paroles de Jésus tirées du “Discours sur la montagne”. Nous avons commencé ce voyage en 2014, en méditant ensemble sur la première Béatitude : « Heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des cieux est à eux » (Mt 5, 3). En 2015, le thème a été : « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » (Mt 5, 8). Au cours de l’année que nous allons vivre, nous voulons nous laisser inspirer par le verset suivant : « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Mt 5, 7).
1. Le Jubilé de la Miséricorde
Grâce à son thème, les JMJ de Cracovie 2016 s’insèrent parfaitement dans le climat de l’Année Sainte de la Miséricorde, devenant ainsi un vrai Jubilé mondial des jeunes. Ce n’est pas la première fois qu’une rencontre internationale de jeunes coïncide avec une Année jubilaire. En effet, ce fut dans le cadre de l’Année Sainte de la Rédemption (1983-1984) que saint Jean-Paul II convoqua pour la première fois les jeunes du monde entier à Rome lors du dimanche des Rameaux. C’est encore au cours du Grand Jubilé de l’an 2000 que plus de deux millions de jeunes de 165 pays se retrouvèrent à Rome pour les 15ème Journées Mondiales de la Jeunesse. Comme dans ces deux cas précédents, cette fois-ci encore – j’en suis certain –, le Jubilé des jeunes à Cracovie sera l’un des temps forts de cette Année sainte !
Peut-être certains d’entre vous se demandent-t-ils ce qu’est cette Année jubilaire célébrée dans l’Église. Le texte biblique du Lévitique au chapitre 25 nous aide à comprendre ce que signifiait le “jubilé” pour le peuple d’Israël : tous les cinquante ans, les Hébreux entendaient retentir la trompette (jobel) qui les convoquait (jobil) pour célébrer une Année Sainte, un temps de réconciliation (Jobal) pour tous. C’était un temps propice pour renouer une relation bonne avec Dieu, avec le prochain et avec la création, fondée sur la gratuité. Par conséquent, entre autres choses, on encourageait l’effacement des dettes, un soutien particulier à ceux qui étaient tombés dans la misère, l’amélioration des relations interpersonnelles et la libération des esclaves.
Jésus-Christ est venu annoncer et accomplir le temps perpétuel de la grâce du Seigneur, annonçant la Bonne Nouvelle aux pauvres, la délivrance aux captifs, la vue aux aveugles et la liberté aux opprimés (cf. Lc 4, 18-19). En lui, et en particulier dans son Mystère pascal, s’accomplit pleinement le sens profond du Jubilé. Lorsqu’au nom du Christ l’Église convoque un jubilé, nous sommes tous invités à vivre un temps extraordinaire de grâce. L’Église elle-même est appelée à offrir en abondance des signes de la présence et de la proximité de Dieu, pour réveiller dans les cœurs la capacité à regarder l’essentiel. En particulier cette Année Sainte de la Miséricorde est « le temps pour l’Église de retrouver le sens de la mission que le Seigneur lui a confiée le jour de Pâques : être signe et instrument de la miséricorde du Père » (Homélie des premières vêpres du dimanche de la Divine Miséricorde, 11 avril 2015).
2. Miséricordieux comme le Père
La devise de ce jubilé extraordinaire – “Miséricordieux comme le Père” (cf. Misericordiae Vultus, 13) – s’accorde bien avec le thème des prochaines JMJ. Essayons donc de mieux cerner ce que signifie la miséricorde divine. Pour parler de la miséricorde divine, l’Ancien Testament recourt à différents termes, les plus significatifs étant : hessed et rahamim. Le premier, appliqué à Dieu, exprime son indéfectible fidélité à l’Alliance avec son peuple, qu’il aime et pardonne toujours. Rahamim, quant à lui, peut être traduit par “entrailles” et renvoie en particulier au sein maternel, faisant comprendre que l’amour de Dieu pour son peuple est comme celui d’une mère pour son enfant. Le prophète Isaïe l’exprime bien par ces mots : « Une femme oublie-t-elle son petit enfant, est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles ? Même si les femmes oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas » (Is 49, 15). Un tel amour implique que l’on fasse de la place pour l’autre en soi-même, que l’on sente, souffre et se réjouisse avec le prochain.
Le concept biblique de la miséricorde contient également l’idée d’un amour concret, qui est fidèle, gratuit et capable de pardonner. Ce passage du prophète Osée nous offre un bel exemple de l’amour de Dieu, comparable à l’amour d’un père pour son fils : « Quand Israël était jeune, je l’aimai, et d’Égypte j’appelai mon fils. Mais plus je les appelais, plus ils s’écartaient de moi ; aux Baals ils sacrifiaient, aux idoles ils brûlaient de l’encens. Et moi j’avais appris à marcher à Éphraïm, je le prenais par les bras, et ils n’ont pas compris que je prenais soin d’eux ! Je les menais avec des attaches humaines, avec des liens d’amour ; j’étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson tout contre leur joue, je m’inclinais vers lui et le faisais manger » (Os 11, 1-4). Malgré le comportement mauvais de l’enfant qui mériterait un châtiment, l’amour du père est fidèle et pardonne toujours un fils repentant. Comme on peut le remarquer, le pardon fait toujours partie de la miséricorde : « La miséricorde de Dieu n’est pas une idée abstraite, mais une réalité concrète à travers laquelle il révèle son amour comme celui d’un père et d’une mère qui se laissent émouvoir au plus profond d’eux- mêmes par leur fils […] Il vient du cœur comme un sentiment profond, naturel, fait de tendresse et de compassion, d’indulgence et de pardon » (Misericordiae Vultus, 6).
Pour le Nouveau Testament, la miséricorde divine (eleos) est la synthèse de l’œuvre que Jésus est venu accomplir dans le monde au nom du Père (cf. Mt 9, 13). La miséricorde de notre Seigneur se manifeste surtout quand il se penche sur la misère humaine et manifeste sa compassion pour celui qui a besoin de compréhension, de guérison et de pardon. Tout en Jésus parle de la miséricorde. Mieux ! Il est lui-même la miséricorde.
Au chapitre 15 de l’Évangile de Luc, on trouve les trois paraboles de la miséricorde : la parabole de la brebis perdue, celle de la drachme perdue, et la parabole dite du “fils prodigue”. Dans ces trois paraboles, nous sommes touchés par la joie de Dieu, la joie qu’il éprouve quand il retrouve un pécheur et lui pardonne. Oui ! La joie de Dieu est de pardonner ! Voilà la synthèse de tout l’Évangile. « Chacun de nous est cette brebis perdue, cette pièce d’argent perdue ; chacun de nous est ce fils qui a gâché sa liberté en suivant de fausses idoles, des mirages de bonheur, et qui a tout perdu. Mais Dieu ne nous oublie pas, le Père ne nous abandonne jamais. C’est un père patient, il nous attend toujours ! Il respecte notre liberté, mais il reste toujours fidèle. Et lorsque nous retournons à lui, il nous accueille comme ses enfants, dans sa maison, car il ne cesse jamais, même pour un instant, de nous attendre, avec amour. Et son cœur est en fête pour tout enfant qui revient. Il est en fête parce qu’il est joie. Dieu a cette joie, quand l’un de nous, pécheur, va à lui et demande son pardon » (Angélus, 15 septembre 2013).
La miséricorde de Dieu est très concrète et nous sommes tous appelés à en faire personnellement l’expérience. Lorsque j’avais dix-sept ans, un jour où je devais sortir avec mes amis, j’ai décidé de me recueillir d’abord dans une église. Une fois à l’intérieur, j’ai trouvé un prêtre qui m’a inspiré une confiance particulière, et j’ai senti le désir d’ouvrir mon cœur dans la confession. Cette rencontre a changé ma vie ! J’ai découvert que lorsque nous ouvrons nos cœurs avec humilité et transparence, nous pouvons contempler d’une façon très concrète la miséricorde de Dieu. J’ai eu la certitude que dans la personne de ce prêtre, Dieu était là, m’attendant déjà, avant même que je ne fasse le premier pas pour entrer dans l’église. Nous le cherchons, mais il nous précède toujours. Il nous cherche depuis toujours et il nous trouve en premier. Peut-être quelqu’un parmi vous a-t-il un poids sur le cœur et pense : j’ai fait ceci, j’ai fait cela…. N’ayez pas peur ! Il vous attend ! Il est père : Il nous attend toujours ! Comme c’est beau de trouver l’étreinte miséricordieuse du Père dans le sacrement de la Réconciliation, de découvrir le confessionnal comme le lieu de la Miséricorde, de se laisser toucher par cet amour miséricordieux du Seigneur qui nous pardonne toujours !
Et toi, cher jeune, as-tu jamais senti se poser sur toi ce regard d’amour infini ? Ce regard qui, au-delà de tous tes péchés, limites, échecs, continue à te faire confiance et à considérer ta vie avec espérance ? Es-tu conscient du prix que tu as aux yeux de ce Dieu qui t’a tout donné par amour ? Comme le dit saint Paul : « La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous » (Rm 5, 8). Mais comprenons-nous vraiment la puissance de ces mots ?
Je sais à quel point la Croix des JMJ – un don de saint Jean-Paul II – vous est chère, elle qui accompagne toutes vos rencontres internationales depuis 1984. Combien de conversions authentiques, combien de changements sont survenus dans la vie de nombreux jeunes qui ont rencontré cette simple croix dépouillée ! Peut-être vous êtes-vous posés la question : d’où vient cette force extraordinaire de la croix ? La réponse est la suivante : la croix est le signe le plus éloquent de la miséricorde de Dieu ! Elle nous enseigne que la mesure de l’amour de Dieu pour l’humanité est d’aimer sans mesure ! Dans la croix, nous pouvons toucher la miséricorde de Dieu et nous laisser toucher par sa miséricorde ! Je voudrais rappeler ici l’épisode des deux larrons crucifiés avec Jésus : l’un des deux est présomptueux, il ne se reconnaît pas pécheur et se moque du Seigneur. L’autre, par contre, reconnaît son erreur et se tourne vers le Seigneur et lui déclare : « Jésus, souviens-toi de moi lorsque tu viendras avec ton Royaume ». Jésus le regarde avec une infinie miséricorde et lui répond : « En vérité, je te le dis : aujourd’hui, tu seras, avec moi, dans le Paradis » (cf. Lc 23, 32.39-43). Avec lequel des deux nous identifions-nous ? Avec celui qui est arrogant et ne reconnaît pas ses erreurs ? Ou avec l’autre qui a reconnu son besoin de miséricorde divine et l’implore de tout son cœur ? Dans le Seigneur qui a donné sa vie pour nous sur la croix, nous trouverons toujours un amour inconditionnel qui reconnaît la valeur de nos vies et nous donne à chaque fois la possibilité de recommencer.
3. L’extraordinaire joie d’être des instruments de la miséricorde divine
La Parole de Dieu nous enseigne qu’« il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Ac 20, 35). C’est précisément pour cette raison que la cinquième béatitude déclare bienheureux les miséricordieux. Nous savons que le Seigneur nous a aimés en premier. Mais nous ne serons vraiment heureux que si nous entrons dans la logique divine du don, de l’amour gratuit. Nous ne serons heureux que si nous découvrons que Dieu nous a si infiniment aimés qu’il nous a rendus capables d’aimer comme lui, sans mesure. Comme le dit saint Jean : « Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour est de Dieu, et que quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour […] En ceci consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés, et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés. Bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres » (1 Jn 4, 7-11).
Après avoir brièvement expliqué comment le Seigneur manifeste sa miséricorde à notre égard,
je voudrais maintenant vous suggérer des pistes pour devenir concrètement des instruments de cette miséricorde envers notre prochain.Je me rappelle le bel exemple du bienheureux Pier Giorgio Frassati. Il disait : « Jésus me rend visite tous les matins dans la Sainte Communion. Moi, je la lui rends, aussi misérablement que je peux, en visitant les pauvres». Le jeune Pier Giorgio avait compris ce que signifie avoir un cœur miséricordieux, sensible aux plus nécessiteux. Il leur donnait bien plus que des choses matérielles ; il se donnait lui-même, passait du temps avec eux, il leur parlait, les écoutait attentivement. Il servait les pauvres avec une grande discrétion, ne se mettant jamais en avant. Il vivait vraiment l’Évangile qui dit : « Quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône soit secrète » (Mt 6, 3-4). Figurez-vous que la veille de sa mort, gravement malade, il continuait encore à donner des indications sur la façon d’aider ses amis, les indigents. A ses funérailles, les membres de sa famille et ses amis furent stupéfaits par la présence d’un grand nombre de pauvres, de personnes que Pier Giorgio avait accompagnées et aidées, et dont ils ignoraient l’existence.
J’aime bien associer les Béatitudes évangéliques et le chapitre 25 de Matthieu, où Jésus présente les œuvres de miséricorde et déclare que nous serons jugés sur la base de celles-ci. Je vous invite donc à redécouvrir les œuvres de miséricorde corporelle : nourrir les affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir celui qui est nu, accueillir l’étranger, assister les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts. N’oublions pas non plus les œuvres de miséricorde spirituelle : conseiller ceux qui sont dans le doute, enseigner ceux qui sont dans l’ignorance, reprendre les pécheurs, consoler les affligés, pardonner les offenses, supporter avec patience les personnes importunes, prier Dieu pour les vivants et pour les morts. Comme vous pouvez le remarquer, la miséricorde n’est pas synonyme de « bonnisme » ni de pur sentimentalisme. En elle se vérifie l’authenticité de notre identité de disciples de Jésus et notre crédibilité en tant que chrétiens dans le monde d’aujourd’hui.
Je vous propose, chers jeunes qui êtes très concrets – pour chacun des sept premiers mois de l’année 2016 –, de choisir une œuvre de miséricorde corporelle et une œuvre de miséricorde spirituelle à mettre en pratique chaque mois. Laissez-vous inspirer par la prière de sainte Faustine, humble apôtre de la Miséricorde Divine pour notre temps :
« Aide-moi, Seigneur, pour que mes yeux soient miséricordieux, pour que je ne soupçonne jamais ni ne juge d’après les apparences extérieures, mais que je discerne la beauté dans l’âme de mon prochain et que je lui vienne en aide […] pour que mon oreille soit miséricordieuse, afin que je me penche sur les besoins de mon prochain et ne reste pas indifférente à ses douleurs ni à ses plaintes […] pour que ma langue soit miséricordieuse, afin que je ne dise jamais de mal de mon prochain, mais que j’aie pour chacun un mot de consolation et de pardon […] pour que mes mains soient miséricordieuses et remplies de bonnes actions […] pour que mes pieds soient miséricordieux, pour me hâter au secours de mon prochain, en dominant ma propre fatigue et ma lassitude […] pour que mon cœur soit miséricordieux, afin que je ressente toutes les souffrances de mon prochain […] (Journal, 163).
Le message de la Divine Miséricorde est donc un programme de vie très concret et exigeant parce qu’il implique des œuvres. Et l’une des œuvres de miséricorde plus évidente, mais aussi plus difficile à mettre en pratique, est sans aucun doute de pardonner à ceux qui nous ont offensés, ceux qui nous ont fait du mal, ceux que nous considérons comme nos ennemis. « Bien souvent, il nous semble difficile de pardonner ! Cependant, le pardon est le moyen déposé dans nos mains fragiles pour atteindre la paix du cœur. Se défaire de la rancœur, de la colère, de la violence et de la vengeance, est la condition nécessaire pour vivre heureux » (Misericordiae Vultus, 9).
Je rencontre beaucoup de jeunes qui me disent qu’ils sont las de ce monde si divisé, où des membres des factions rivales s’affrontent, où sévissent tant de guerres et où il y en a même qui utilisent leur religion pour justifier la violence. Nous devons supplier le Seigneur pour qu’il nous accorde la grâce d’être miséricordieux avec ceux qui nous font du mal, à l’image de Jésus en croix qui a prié pour ceux qui l’avaient crucifié : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34). Le seul remède contre le mal est la miséricorde. Certes, la justice est nécessaire, mais pas suffisante à elle seule. Justice et miséricorde doivent aller de pair. Comme je voudrais que nous nous unissions tous en chœur pour prier du tréfonds de nos cœurs et implorer le Seigneur afin qu’il ait pitié de nous et du monde entier !
4. Cracovie nous attend !
Il ne manque plus que quelques mois à notre rencontre en Pologne. Cracovie, la ville de saint Jean-Paul II et de sainte Faustine Kowalska, nous attend à bras et cœurs ouverts. Je crois que c’est la Divine Providence qui nous a conduits à célébrer le Jubilé des jeunes dans la terre où ont vécu ces deux grands apôtres de la miséricorde de notre temps. Jean-Paul II a compris que le nôtre était le temps de la miséricorde. Dès le début de son pontificat, il a promulgué l’encyclique Dives in Misericordia. Pendant l’Année Sainte 2000, il a canonisé Sœur Faustine et a institué la fête de la Divine Miséricorde, le deuxième dimanche de Pâques. Et, en 2002, il a personnellement inauguré à Cracovie le Sanctuaire de Jésus Miséricordieux, confiant le monde entier à la Divine Miséricorde, exprimant le désir que ce message atteigne tous les habitants de la terre et remplisse leurs cœurs d’espérance : « Il faut allumer cette étincelle de la grâce de Dieu. Il faut transmettre au monde ce feu de la miséricorde. Dans la miséricorde de Dieu, le monde trouvera la paix, et l’homme trouvera le bonheur ! » (Homélie pour la dédicace du Sanctuaire de la Divine Miséricorde à Cracovie, 17 août 2002).
Chers jeunes, Jésus miséricordieux, représenté dans l’effigie vénérée par le peuple de Dieu dans le sanctuaire de Cracovie qui lui est consacré, vous attend. Il vous fait confiance et il compte sur vous ! Il a tant de choses importantes à dire à chacun d’entre vous… N’ayez pas peur de croiser son regard plein d’amour infini pour chacun de vous, et laissez-vous atteindre par son regard miséricordieux, prêt à pardonner tous vos péchés, un regard qui peut changer votre vie et guérir les blessures de vos âmes, un regard qui étanche la soif profonde qui habite vos cœurs de jeunes : soif d’amour, de paix, de joie et du vrai bonheur. Venez à lui et n’ayez pas peur ! Venez pour lui dire du fond de votre cœur : « Jésus, en toi je me confie ! ». Laissez-vous toucher par sa miséricorde sans limite pour devenir vous aussi, à travers les œuvres, les paroles et la prière, des apôtres de la miséricorde dans notre monde blessé par l’égoïsme, la haine et tant de désespoir.
Portez la flamme de l’amour miséricordieux du Christ – dont parlait saint Jean-Paul II – dans les différents milieux de votre vie quotidienne et jusqu’aux extrémités de la terre. Dans cette mission, je vous accompagne avec mes meilleurs vœux et mes prières. Je vous confie tous à la Sainte Vierge Marie, Mère de Miséricorde, pendant cette phase finale de l’itinéraire de préparation spirituelle aux prochaines JMJ à Cracovie, et je vous bénis tous de grand cœur.
Du Vatican, le 15 août 2015,
Solennité de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge MarieFRANCISCUS
[01573-FR.01] [Texte original: Italien]
Rencontre au centre caritatif de la paroisse Saint Patrick, Washington
Rencontre avec les sans domicile fixe
Saint Patrick, Washington
Jeudi, 24 septembre 2015
Chers amis,
La première parole que je vous voudrais vous adresser, c’est merci. Merci de me recevoir et de l’effort que vous avez réalisé afin que cette rencontre puisse avoir lieu.
Ici, je me rappelle une personne que j’aime, qui est et qui a été très importante tout au long de ma vie. Elle a été un soutien et une source d’inspiration. C’est à elle que je recours lorsque je suis un peu ‘‘à l’étroit’’. Vous me rappelez saint Joseph. Vos visages me parlent de son visage.
Dans la vie de Joseph, il y a eu des situations difficiles à affronter. L’une d’elles, ce fut quand Marie était sur le point d’accoucher, d’avoir Jésus. La Bible dit : « Pendant qu’ils étaient à Bethléem, le temps où elle devait enfanter fut accompli. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune » (Lc 2, 6-7). La Bible est très claire, il n’y avait pas de logement pour eux. J’imagine Joseph, avec son épouse sur le point d’avoir un enfant, sans toit, sans maison, sans logement. Le Fils de Dieu est entré dans ce monde comme quelqu’un qui n’a pas de maison. Le Fils de Dieu a su ce que c’est que de commencer la vie sans un toit. Imaginons les questions de Joseph à ce moment-là : comment se fait-il que le Fils de Dieu n’ait pas un toit pour vivre ? Pourquoi sommes-nous sans foyer, pourquoi sommes-nous sans toit ? Ce sont des questions que beaucoup parmi vous peuvent se poser chaque jour. Comme Joseph, vous vous demandez : pourquoi sommes-nous sans toit, sans foyer ? Ce sont des questions qu’il nous ferait du bien de nous poser tous : pourquoi ces frères sont-ils sans foyer, pourquoi ces frères n’ont-ils pas un toit ?
Les questions de Joseph sont actuelles ; elles habitent tous ceux qui, au long de l’histoire, ont vécu et sont sans un foyer.
Joseph était un homme qui se posait des questions, mais surtout, il était un homme de foi. C’est la foi qui a permis à Joseph de trouver la lumière à ce moment qui paraissait tout obscur ; c’est la foi qui l’a soutenu dans les difficultés de sa vie. Par la foi, Joseph a su aller de l’avant quand tout paraissait s’arrêter.
Face à des situations injustes, douloureuses, la foi nous apporte cette lumière qui dissipe l’obscurité. Tout comme à Joseph, la foi nous ouvre à la présence silencieuse de Dieu dans toute vie, dans toute personne, dans toute situation. Il est présent en chacun de vous, en chacun de nous.
Nous ne trouvons aucun genre de justification sociale, morale, ni de n’importe quelle espèce, pour accepter le manque de logement. Ce sont des situations injustes, mais nous savons que Dieu les souffre avec nous, il les vit à nos côtés. Il ne nous laisse pas seuls.
Nous savons que Jésus non seulement a voulu se solidariser avec chaque personne, non seulement il n’a voulu que personne se sente ou soit privé de sa compagnie, de son aide, de son amour, mais encore il s’est identifié à ceux qui souffrent, qui pleurent, qui subissent une quelconque forme d’injustice. Il nous le dit clairement : « J’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli » (Mt 25, 35).
C’est la foi qui nous fait savoir que Dieu est avec vous, Dieu est parmi nous et sa présence nous incite à la charité. Cette charité qui naît de l’appel d’un Dieu qui continue de frapper à notre porte, à la porte de tous, pour nous inviter à l’amour, à la compassion, au don des uns pour les autres.
Jésus continue de frapper à nos portes, aux portes de notre vie. Il ne le fait pas de façon magique, il ne le fait pas avec des attirails, avec des affiches lumineuses ou des feux d’artifice. Jésus continue de frapper à notre porte à travers le visage du frère, à travers le visage du voisin,
à travers le visage de celui qui se trouve à nos côtés.Chers amis, l’une des manières les plus efficaces d’aider à notre portée, nous la trouvons dans la prière. La prière nous unit, nous rend frères et sœurs, elle nous ouvre le cœur et nous rappelle une belle vérité que parfois nous oublions. Dans la prière, nous apprenons tous à dire Père, papa, et à travers elle, nous nous rencontrons comme frères. Dans la prière, il n’y a ni riches ni pauvres, il y a des fils et des frères. Dans la prière, il n’y a pas de personnes de première ou de seconde catégorie, il y a la fraternité.
C’est dans la prière que notre cœur trouve la force de ne pas devenir insensible, froid devant les situations d’injustice. Dans la prière, Dieu continue d’appeler à la charité et de la susciter.
Que cela nous fait du bien de prier ensemble ! Que cela nous fait du bien de nous retrouver dans cet espace où nous nous regardons comme frères et où nous reconnaissons avoir besoin les uns de l’appui des autres ! Aujourd’hui, je voudrais m’unir à vous, j’ai besoin de votre soutien, de votre proximité. Je voudrais vous inviter à prier ensemble, les uns pour les autres, les uns avec les autres. Ainsi, nous pourrons garder ce soutien qui nous aide à vivre la joie de savoir que Jésus est toujours au milieu de nous. Le voulez-vous ? Notre Père qui es aux cieux….
Avant de prendre congé de vous, je voudrais vous donner la bénédiction de Dieu :
Que le Seigneur vous bénisse et vous protège ;
Que le Seigneur fasse briller sur vous son visage et vous prenne en grâce ;
Que le Seigneur tourne vers vous son visage et qu’il vous apporte la paix.Et n’oubliez pas de prier pour moi.
Discours du pape François au Congrès des États-Unis
Vous trouverez ci-dessous le texte complet du discours du pape François lors de la Session conjointe du Congrès des États-Unis.
Monsieur le Vice-Président,
Monsieur le Président,
Honorables Membres du Congrès,
Chers amis,Je suis très reconnaissant pour votre invitation à m’adresser à cette Session conjointe du Congrès dans « le pays des hommes libres et dans la maison des hommes courageux ». Je crois que la raison de cette invitation est que, moi aussi, je suis fils de ce grand continent, dont nous avons tous tant reçu et vis-à-vis duquel nous partageons une responsabilité commune.
Chaque fils ou fille d’un pays a une mission, une responsabilité personnelle et sociale. Votre responsabilité en tant que membres du Congrès est de permettre à ce pays, à travers votre activité législative, de prospérer en tant que nation. Vous êtes le visage de ce peuple, ses représentants. Vous êtes appelés à défendre et à préserver la dignité de vos concitoyens dans la recherche inlassable et exigeante du bien commun, car c’est le principal objectif de toute politique. Une société politique perdure, si elle cherche, comme vocation, à satisfaire les besoins communs en stimulant la croissance de tous ses membres, spécialement ceux qui sont en situation de plus grande vulnérabilité ou de risque. L’activité législative est toujours fondée sur la protection du peuple. C’est à cela que vous avez été invités, appelés et convoqués par ceux qui vous ont élus.
Votre tâche est un travail qui m’inspire une double réflexion sur la figure de Moïse. D’une part, le patriarche et législateur du peuple d’Israël symbolise le besoin des peuples de maintenir vivant leur sens d’unité au moyen d’une juste législation. D’autre part, la figure de Moïse nous conduit directement à Dieu et ainsi à la dignité transcendante de l’être humain. Moïse nous donne une bonne synthèse de votre travail : vous êtes chargés de protéger, à travers la loi, l’image et la ressemblance de Dieu façonnées en chaque visage humain.
Aujourd’hui, je ne voudrais pas seulement m’adresser à vous, mais à travers vous, au peuple des Etats-Unis tout entier. Ici, avec ses représentants, je voudrais saisir cette occasion pour dialoguer avec les milliers d’hommes et de femmes qui s’efforcent chaque jour d’accomplir un honnête travail, pour apporter à la maison le pain quotidien, pour épargner de l’argent et – étape par étape – bâtir une vie meilleure pour leurs familles. Ce sont des hommes et des femmes qui ne sont pas concernés simplement par le paiement de leurs impôts, mais qui, individuellement, de façon discrète, soutiennent la vie de la société. Ils génèrent la solidarité par leurs actions, et ils créent des organisations qui tendent une main secourable à ceux qui sont le plus dans le besoin.
Je voudrais aussi entrer en dialogue avec les nombreuses personnes âgées qui sont un dépôt de sagesse forgée par l’expérience, et qui cherchent de diverses façons, spécialement à travers le travail bénévole, à partager leurs histoires et leurs visions. Je sais que beaucoup d’entre elles, bien qu’étant à la retraite, sont encore actives ; elles continuent de travailler pour construire ce pays. Je voudrais aussi dialoguer avec tous les jeunes qui travaillent pour réaliser leurs grandes et nobles aspirations, et qui ne se laissent pas séduire par la facilité. Ces jeunes affrontent des situations difficiles, résultant souvent de l’immaturité de beaucoup d’adultes. Je voudrais dialoguer avec vous tous, et je voudrais le faire à travers la mémoire historique de votre peuple.
Homélie du Pape de la Messe de canonisation du Père Junípero Serra
Sainte Messe et canonisation du Père Junípero Serra, Homélie du Saint-Père
Basilique du Sanctuaire National de l’Immaculée Conception de Washington
Mercredi, 23 septembre 2015
Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur. Je le répète : Réjouissez-vous ! Une invitation qui secoue fortement notre vie. Réjouissez-vous, nous dit Paul avec une force presqu’impérative. Une invitation qui fait écho au désir d’une vie pleine, d’une vie ayant un sens, d’une vie joyeuse, que tous nous nourrissons. C’est comme si Paul avait la capacité d’entendre chacun de nos cœurs et prêtait sa voix à ce que nous sentons, à ce que nous vivons. Il y a quelque chose en nous qui nous invite à la joie et à ne pas nous satisfaire de placébos qui simplement veulent nous apaiser.
Mais d’autre part, nous vivons les tensions de la vie quotidienne. Les situations qui semblent remettre en cause cette invitation sont nombreuses. La dynamique même à laquelle souvent nous sommes soumis semble nous conduire à une résignation triste qui peu à peu se transforme
en accoutumance, avec une conséquence fatale : l’anesthésie du cœur.Voulons-nous, oui ou non, que la résignation soit le moteur de notre vie ? Voulons-nous, oui ou non, que l’accoutumance s’empare de nos vies ? Pour cela, nous pouvons nous demander : comment faire pour que notre cœur ne s’anesthésie pas ? Comment approfondir la joie de l’Evangile dans les différentes situations de notre vie ?
Jésus l’a dit aux disciples d’hier et il nous le dit aujourd’hui : allez, annoncez ! La joie de l’Evangile, on l’expérimente, on la connaît et on la vit uniquement en la donnant, en se donnant.
L’esprit du monde nous invite au conformisme, au confort ; face à cet esprit humain, « il faut reprendre conscience que nous avons besoin les uns des autres, que nous avons une responsabilité vis-à-vis des autres et du monde » (Laudato si’, n. 229). La responsabilité d’annoncer le message de Jésus. En effet, la source de notre joie naît de ce désir inépuisable d’offrir la miséricorde, fruit de l’expérience de l’infinie miséricorde du Père et de sa force communicative (cf. Evangelii gaudium, n. 24). Allez annoncer à tous en oignant et oindre en annonçant. C’est à cela que le Seigneur nous invite aujourd’hui, nous disant :
La joie, le chrétien l’expérimente dans la mission : allez vers les peuples de toutes les nations.
La joie, le chrétien la trouve dans une invitation : allez et annoncez.
La joie, le chrétien la renouvelle, l’actualise à travers un appel : allez et oignez. [Read more…]
Pape à Cuba: vêpres avec les prêtres, religieux et séminaristes de la Havane
Homélie du Saint-Père
Cathédrale de la Havane – Dimanche, 20 septembre 2015
Nous sommes réunis dans cette cathédrale historique de La Havane pour chanter avec les psaumes la fidélité de Dieu à son peuple, afin de rendre grâce pour sa présence, pour son infinie miséricorde. Fidélité et miséricorde dont font mémoire non seulement les murs de cet édifice, mais aussi certains « cheveux blancs », rappel vivant, actualisé, que « sa miséricorde est infinie, et [que] sa fidélité demeure pour les âges ». Frères, rendons grâce ensemble !
Rendons grâce pour la présence de l’Esprit à travers la richesse des divers charismes sur les visages de tant de missionnaires qui sont venus sur ces terres, parvenant à devenir Cubains parmi les Cubains, signe que sa miséricorde est éternelle.
L’Évangile nous présente Jésus en dialogue avec son Père, il nous met au centre de l’intimité faite prière entre le Père et le Fils. Quand approchait son heure, Jésus a prié le Père pour ses disciples, pour ceux qui étaient avec lui et pour ceux qui viendraient (cf. Jn 17, 20). Cela nous fait penser qu’à son heure cruciale, Jésus met dans sa prière la vie des siens, notre vie. Et il demande à son Père de les garder dans l’unité et dans la joie. Jésus connaissait bien le cœur des siens, il connaît bien notre cœur. C’est pourquoi il prie, il demande au Père que ne les gagne pas une conscience qui tend à s’isoler, à se réfugier dans ses propres certitudes, sécurités, espaces ; à se désintéresser de la vie des autres en s’installant dans de petites «fermes » qui brisent le visage multiforme de l’Eglise. Situations qui débouchent sur une tristesse individualiste, sur une tristesse faisant peu à peu place au ressentiment, à la plainte continuelle, à la monotonie ; « ce n’est pas le désir de Dieu pour nous, ce n’est pas la vie dans l’Esprit » (Evangelii Gaudium, n. 2) à laquelle il les a invités, à laquelle il nous invite. C’est pourquoi Jésus prie, il demande que la tristesse et l’isolement ne gagnent pas notre cœur. Nous voulons faire de même, nous voulons nous unir à la prière de Jésus, à ses paroles, pour dire ensemble : « Père, garde-les unis dans ton nom… pour qu’ils soient un comme nous-mêmes » (Jn 17, 11) « et que leur joie soit parfaite » (Jn 15, 11).
Jésus prie et nous invite à prier parce qu’il sait qu’il y a des choses que nous pouvons recevoir seulement comme un don, il y a des choses que nous pouvons vivre seulement comme un don. L’unité est une grâce que seul l’Esprit Saint peut nous donner, il nous revient de la demander et de donner le meilleur de nous-mêmes pour être transformés par ce don.
Il est fréquent de confondre l’unité avec l’uniformité, avec le fait que tous font, sentent et disent la même chose. Cela n’est pas l’unité, c’est l’homogénéité. C’est tuer la vie de l’Esprit, c’est tuer les charismes qu’il a distribués pour le bien de son peuple. L’unité se trouve menacée chaque fois que nous voulons faire les autres à notre image et ressemblance. C’est pourquoi l’unité est un don, ce n’est pas quelque chose que l’on peut imposer de force ou par décret. Je me réjouis de vous voir ici, hommes et femmes de différentes générations, milieux, parcours personnels, unis par la prière en commun. Prions Dieu de faire croître en nous le désir de la proximité. Que nous puissions être des prochains, être proches, avec nos différences, nos habitudes, nos styles, mais proches. Avec nos discussions, nos luttes, en nous parlant en face, et non par derrière. Que nous soyons des pasteurs proches de notre peuple, que nous nous laissions questionner, interroger par nos gens. Les conflits, les discussions dans l’Église sont normales, et j’ose même dire nécessaires ; ils sont des signes que l’Église est vivante et que l’Esprit continue d’agir, continue de la dynamiser. Malheur à ces communautés où il n’y a ni un ‘oui’, ni un ‘non’ ! Elles sont comme ces mariages où on ne discute plus, parce qu’on a perdu l’intérêt, on a perdu l’amour.
En second lieu, le Seigneur prie pour que nous soyons remplis de « la même joie parfaite » qu’il possède (cf. Jn 17, 13). La joie des chrétiens, et spécialement celle des consacrés, est un signe très clair de la présence du Christ dans leurs vies. Quand il y a des visages attristés c’est un signal d’alerte, quelque chose ne va pas bien. Et Jésus demande cela à son Père, juste avant d’aller au jardin, lorsqu’il doit renouveler son « fiat ». Je ne doute pas que vous deviez tous vous charger du poids de nombreux sacrifices, et que pour certains d’entre vous, depuis des décennies, les sacrifices auront été durs. Par son sacrifice, Jésus prie aussi pour que nous ne perdions pas la joie de savoir qu’il est vainqueur du monde. Cette certitude nous pousse chaque matin à réaffirmer notre foi. A travers sa prière, dans le visage de notre peuple, « il nous permet de relever la tête et de recommencer, avec une tendresse qui ne nous déçoit jamais et qui peut toujours nous rendre la joie » (Evangelii Gaudium, n. 3).
Que c’est important ! Quel témoignage si précieux, pour la vie du peuple cubain, que celui de rayonner toujours et partout de cette joie, malgré les fatigues, les scepticismes, y compris malgré le désespoir qui est une tentation très dangereuse qui mine l’âme !
Frères, Jésus prie pour que nous soyons un et pour que sa joie demeure en nous ; faisons de même, unissons-nous les uns aux autres dans la prière.
Angelus du pape François à la Place de la Révolution à Cuba (20 septembre 2015)
ANGELUS
La Havane, Place de la Révolution
Dimanche, 20 septembre 2015
Je remercie le Cardinal Jaime Ortega y Alamino, Archevêque de la Havane, pour ses aimables paroles, ainsi que mes frères évêques, prêtres, religieux et fidèles laïcs. Je salue aussi Monsieur le Président et toutes les Autorités présentes.
Nous avons écouté dans l’évangile comment les disciples avaient peur d’interroger Jésus lorsqu’il leur parlait de sa passion et de sa mort. L’idée de voir Jésus souffrir sur la croix les effrayait et ils ne pouvaient pas la comprendre. Nous aussi nous avons la tentation de fuir nos croix personnelles et celles des autres, de nous éloigner de celui qui souffre. En concluant la Sainte Messe, au cours de laquelle Jésus s’est offert à nous de nouveau par son corps et son sang, élevons à présent les yeux vers la Vierge, notre Mère. Et nous lui demandons de nous enseigner à nous tenir proche de la croix du frère qui souffre. Que nous apprenions à voir Jésus en chaque homme prostré sur le chemin de la vie ; en chaque frère qui a faim ou soif, qui est nu ou en prison, ou malade. Près de sa Mère, par la croix, nous pouvons comprendre qui est vraiment « le plus important » et ce que signifie être près du Seigneur et participer à sa gloire.
Apprenons de Marie à avoir le cœur éveillé et attentif aux besoins des autres. Comme elle nous l’a enseigné aux Noces de Cana, soyons pleins de sollicitude dans les petites choses de la vie, et ne faiblissons pas dans la prière les uns pour les autres, pour qu’à personne ne manque le vin de l’amour nouveau, de la joie que Jésus nous apporte.
A présent, je sens le devoir de tourner ma pensée vers la chère terre de Colombie, ‘‘conscient de l’importance cruciale du moment présent, où, avec un effort renouvelé, et animés par l’espérance, ses enfants cherchent à construire une société en paix’’. Que le sang versé par des milliers d’innocents durant de nombreuses décennies de conflit armé, sang uni à celui du Seigneur Jésus Christ sur la Croix, soutienne tous les efforts actuellement en cours, y compris en cette belle Ile, en vue d’une réconciliation définitive, de sorte que la longue nuit de douleur et de violence, grâce à la volonté de tous les Colombiens, puisse se transformer en un jour sans déclin de concorde, de justice, de fraternité et d’amour, dans le respect des institutions comme du droit national et international, pour une paix durable. S’il vous plaît, nous n’avons pas le droit de nous permettre un échec de plus sur ce chemin de paix et de réconciliation.
Je vous demande à présent de vous unir à moi dans la prière à Marie pour déposer toutes nos préoccupations et nos aspirations près du Cœur du Christ. Et nous la prions de manière spéciale pour tous ceux qui ont perdu l’espérance et ne trouvent pas de motifs pour continuer à lutter ; pour ceux qui souffrent d’injustice, d’abandon et de solitude ; nous prions pour les personnes âgées, les malades, les enfants et les jeunes, pour toutes les familles en difficulté, afin que Marie leur essuie les larmes, les console par son amour de Mère, leur redonne l’espérance et la joie. Mère sainte, je te recommande tes fils de Cuba : ne les abandonne jamais !