Les oeuvres de miséricorde

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Depuis bientôt deux semaines les différents diocèses du monde entier ont procédé à l’ouverture de leur Porte de la miséricorde soulignant ainsi officiellement au niveau des églises locales l’ouverture du Jubilé extraordinaire de la miséricorde. Parmi les chrétiens, cette initiative du pape François suscite beaucoup l’espoir de voir ressurgir dans l’Église une force missionnaire comme on n’en a pas vue depuis longtemps. En ce sens, dans la bulle d’indiction Misericordiae Vultus décrétant l’Année sainte, le pape François a mentionné qu’il désirait que « le peuple chrétien réfléchisse durant le Jubilé sur les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles » (no 15). Qu’est-ce donc que ces « œuvres de la miséricorde » ?

Les œuvres de miséricorde corporelles sont au nombre de 7 :

1.Donner à manger à ceux qui ont faim

2.Donner à boire à ceux qui ont soif

3.Vêtir ceux qui sont nus

4.Loger les pèlerins

5.Visiter les malades

6.Visiter les prisonniers

7.Ensevelir les morts

Pour le Pape, il est important d’amorcer, en cette année jubilaire, une réflexion sur la « façon de réveiller notre conscience souvent endormie face au drame de la pauvreté, et de pénétrer toujours davantage le cœur de l’Évangile, où les pauvres sont les destinataires privilégiés de la miséricorde divine ». Pour nous qui sommes nés dans une société moderne, dans un pays qui a des institutions qui prennent en charge la majorité de ces œuvres, il est parfois tentant de nous dire que cela n’est plus de notre responsabilité. Or, après réflexion, on se rend compte que l’État suffit de moins en moins à la tâche. Il est donc impératif que tous les citoyens en fassent un peu plus pour soulager les personnes dans le besoin. Les chrétiens peuvent, à plus forte raison, faire leur part. Et cette année de la miséricorde peut être l’occasion, pour nous, de reconsidérer les implications concrètes de notre foi en nous engageant personnellement dans une œuvre caritative ou, tout simplement, en étant davantage présent auprès d’une personne de notre entourage qui est dans le besoin.

Les œuvres de miséricorde spirituelles sont un peu moins connues dans notre société et, parfois, même, chez les chrétiens eux-mêmes. Elles sont également au nombre de 7 :

1.Conseiller ceux qui doutent;

2.Enseigner ceux qui sont ignorants;

3.Réprimander les pécheurs;

4.Consoler les affligés;

5.Pardonner les offenses;

6.Supporter patiemment les personnes importunes;

7.Prier Dieu pour les vivants et
 pour les morts.

La réflexion demandée par le pape François est clairement une invitation à approfondir notre connaissance et notre mise en pratique de ces œuvres spirituelles. En effet, contrairement aux œuvres de miséricorde corporelles dont la responsabilité incombe à toute la société, la miséricorde spirituelle incombe plus particulièrement aux chrétiens puisqu’ils ont reçu la grâce de la foi. Nous devrons donc prendre plusieurs initiatives en ce sens. Une chose est certaine, nous devons de plus en plus contempler la complémentarité des œuvres de miséricorde spirituelles et corporelles et voir comment les unes perfectionnent les autres et vice-versa.

L’année de la miséricorde a débuté d’une manière forte par des gestes symboliques et des rassemblements spectaculaires. Cependant, si nous voulons que la miséricorde ait des racines profondes en nos cœurs, nous devons suivre l’invitation du pape François à redécouvrir ces deux façons complémentaires d’œuvrer à la vigne du Seigneur afin que Son Visage d’Amour infini soit reconnu par tous.

(Image: Les œuvres de miséricorde,Frans Franck (1581-1642))

Un Jubilé extraordinaire pour tous!

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(Photo: Catholic News Service)

Vous êtes certainement au courant que mardi dernier en la fête de l’Immaculée Conception, le pape François a procédé à l’ouverture solennelle de la Porte Sainte de la basilique Saint-Pierre de Rome procédant ainsi à l’annonce du Jubilé extraordinaire de la miséricorde qu’il avait ouvert officiellement lors de son voyage en République Centrafricaine. Ce n’est pas un hasard si le Pape a voulu tenir cette cérémonie le jour de la Solennité de l’Immaculée Conception. Pour lui, il était important d’entrer dans cette année sous la protection de la Sainte Vierge puisque c’est par elle que le Royaume des cieux est entré dans notre histoire. En d’autres termes, c’est par elle que le Verbe a pris chair, adoptant notre condition humaine et répandant sur le monde entier les trésors de la miséricorde divine.

Ainsi, comme Marie, nous devons accepter ce don et cette invitation à redécouvrir le visage miséricordieux du Père, à s’en émerveiller et à laisser son action rédemptrice prendre toute la place dans notre vie. Comme l’affirme le pape François dans l’homélie : « La fête de l’Immaculée Conception exprime la grandeur de l’amour de Dieu. Il est non seulement celui qui pardonne le péché, mais en Marie, il va jusqu’à prévenir la faute originelle, que tout homme porte en lui en entrant dans ce monde. » En ce sens, l’année sainte doit être considérée comme un don de la Grâce de Dieu que l’on met au-devant de nos actes pour nous assurer que, même si nous tombons en court de route, Dieu sera toujours présent à nos côtés, prêt à nous pardonner les fautes que nous avons même pas encore commises !

Cette vérité fondamentale de la foi chrétienne avait peut-être été laissée de côté pendant un temps mais il semble bien que le Pape François en ait fait sa priorité absolue. Pour lui, la Porte Sainte et les différentes portes de la miséricorde qui seront ouvertes dans chaque diocèse doivent nous aider à sentir, j’irais jusqu’à dire, en notre chair, la grandeur du mystère de l’amour de Dieu. Le passage de la porte sainte aura donc un double effet : « 1) l’abandon de toutes formes de peur et de crainte, parce que cela ne sied pas à celui qui est aimé » ; et 2) « la naissance en nous de la joie de la rencontre avec la grâce qui transforme tout ».

Ce samedi et dans les semaines à venir nous aurons l’occasion tous et toutes de nous rendre dans nos cathédrales respectives pour célébrer l’ouverture de cette année de la miséricorde. Nous pouvons dire que nous sommes privilégiés puisque nous avons déjà eu la chance d’avoir une Porte Sainte ouverte durant une année entière en la cathédrale Notre-Dame de Québec. Certains ont même pensé que cette expérience positive avait fait naître l’idée dans la tête du pape François d’universaliser l’initiative. Certes, nous aurons tous le cœur rempli de candeur lorsque renouvelés par cette contemplation de la beauté de notre Dieu, nous inviterons parents et amis à traverser notre porte de la miséricorde. En ce sens, ce Jubilé donnera un deuxième souffle à notre élan missionnaire.

Si vous ne pouvez pas vous déplacer, sachez que S+L diffusera la messe d’ouverture de la Porte Sainte de la Cathédrale Notre-Dame de Québec samedi prochain le 12 décembre à 16h30. Notre journaliste Emilie Callan sera sur place pour vous faire vivre cet événement exceptionnel. Sachez aussi que S+L sera présent du côté de Montréal afin de vous permettre de revoir l’ouverture de la Porte de la miséricorde du Diocèse de Montréal en la basilique Marie-Reine-du-Monde qui aura lieu samedi le 12 décembre à 19h30. Cette coproduction S+L et l’Église catholique à Montréal sera disponible dès la semaine prochaine.

Au nom de toute l’Équipe de S+L, nous vous souhaitons une joyeuse et sainte année de la miséricorde !

Homélie du pape François lors de la Messe d’ouverture de l’année de la Miséricorde

blog_1449577517                                                                                                               (Photo: Catholic News Service)
Vous trouverez ci-dessous le texte complet de l’homélie du pape François lors de la Messe d’ouverture du Jubilé de la Miséricorde lors de laquelle le Souverain Pontife a ouvert la Porte de Sainte de la basilique Saint-Pierre de Rome:

Frères et sœurs,

D’ici peu, j’aurai la joie d’ouvrir la Porte Sainte de la Miséricorde. Nous accomplissons ce geste, aussi simple que fortement symbolique, à la lumière de la Parole de Dieu que nous avons écoutée, et qui place au premier plan le primat de la grâce. Ce qui revient plusieurs fois dans ces Lectures, en effet, renvoie à l’expression que l’ange Gabriel adresse à une jeune fille, surprise et troublée, indiquant le mystère qui l’envelopperait : « Je te salue, comblée-de-grâce » (Lc 1, 28).

La Vierge Marie est appelée surtout à se réjouir de ce que le Seigneur a accompli en elle. La grâce de Dieu l’a enveloppée, la rendant digne de devenir mère du Christ. Lorsque Gabriel entre dans sa maison, le mystère le plus profond qui va au-delà de toute capacité de la raison, devient pour elle motif de joie, de foi et d’abandon à la parole qui lui est révélée. La plénitude de la grâce est en mesure de transformer le cœur, et le rend capable d’accomplir un acte tellement grand qu’il change l’histoire de l’humanité.

La fête de l’Immaculée Conception exprime la grandeur de l’amour de Dieu. Il est non seulement celui qui pardonne le péché, mais en Marie, il va jusqu’à prévenir la faute originelle, que tout homme porte en lui en entrant dans ce monde. C’est l’amour de Dieu qui devance, qui anticipe et qui sauve. Le début de l’histoire du péché dans le jardin de l’Eden se conclue dans le projet d’un amour qui sauve. Les paroles de la Genèse renvoient à l’expérience quotidienne que nous découvrons dans notre existence personnelle. Il y a toujours la tentation de la désobéissance qui s’exprime dans le fait de vouloir envisager notre vie indépendamment de la volonté de Dieu. C’est cela l’inimitié qui tente continuellement la vie des hommes pour les opposer au dessein de Dieu. Pourtant, même l’histoire du péché n’est compréhensible qu’à la lumière de l’amour qui pardonne. Si tout restait cantonné au péché, nous serions les plus désespérées des créatures, alors que la promesse de la victoire de l’amour du Christ enferme tout dans la miséricorde du Père. La Parole de Dieu que nous avons entendue ne laisse pas de doute à ce sujet. La Vierge Immaculée est devant nous un témoin privilégié de cette promesse et de son accomplissement.

Cette Année Sainte extraordinaire est aussi un don de grâce. Entrer par cette Porte signifie découvrir la profondeur de la miséricorde du Père qui nous accueille tous et va à la rencontre de chacun personnellement. Ce sera une Année pour grandir dans la conviction de la miséricorde. Que de tort est fait à Dieu et à sa grâce lorsqu’on affirme avant tout que les péchés sont punis par son jugement, sans mettre en avant au contraire qu’ils sont pardonnés par sa miséricorde (cf.Augustin, De praedestinatione sanctorum 12, 24) ! Oui, c’est vraiment ainsi. Nous devons faire passer la miséricorde avant le jugement, et dans tous les cas le jugement de Dieu sera toujours à la lumière de sa miséricorde. Traverser la Porte Sainte nous fait donc nous sentir participants de ce mystère d’amour. Abandonnons toute forme de peur et de crainte, parce que cela ne sied pas à celui qui est aimé ; vivons plutôt la joie de la rencontre avec la grâce qui transforme tout.

Aujourd’hui en franchissant la Porte Sainte, nous voulons aussi rappeler une autre porte que, il y a cinquante ans, les Pères du Concile Vatican II ont ouverte vers le monde. Cette échéance ne peut pas être rappelée seulement pour la richesse des documents produits, qui jusqu’à nos jours permettent de vérifier le grand progrès accompli dans la foi. Mais, en premier lieu, le Concile a été une rencontre. Une véritable rencontre entre l’Église et les hommes de notre temps. Une rencontre marquée par la force de l’Esprit qui poussait son Église à sortir des obstacles qui pendant de nombreuses années l’avaient refermée sur elle-même, pour reprendre avec enthousiasme le chemin missionnaire. C’était la reprise d’un parcours pour aller à la rencontre de tout homme là où il vit : dans sa ville, dans sa maison, sur son lieu de travail… partout où il y a une personne, l’Église est appelée à la rejoindre pour lui apporter la joie de l’Évangile. Une poussée missionnaire, donc, qu’après ces décennies nous reprenons avec la même force et le même enthousiasme. Le Jubilé nous provoque à cette ouverture et nous oblige à ne pas négliger l’esprit qui a jailli de Vatican II, celui du Samaritain, comme l’a rappelé le bienheureux Paul VI lors de la conclusion du Concile.

Franchir la Porte Sainte nous engage à faire nôtre la miséricorde du bon samaritain.

[02164-FR.01] [Texte original: Italien]

Jeanne Le Ber ou la pure soif de Dieu

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Mercredi le 28 octobre dernier, à la chapelle Bonsecours de la Basilique Notre-Dame de Montréal s’est ouvert le procès diocésain de canonisation de Jeanne Le Ber. Une liturgie de la Parole fut alors l’occasion pour tous les participants d’en apprendre davantage sur cette femme qui, malgré sa vie d’humilité et de réclusion a su rayonner et inspirer de nombreuses personnes tout au long de l’histoire du Québec et du Canada.

Née en 1662, soit quelques années seulement après la fondation de Ville-Marie, Jeanne Le Ber a grandi dans une famille et une société catholiques très ferventes. Avec la vénérable Jeanne Mance et Maisonneuve comme marraine et parrain, Jeanne Le Ber a pu recevoir nous n’en doutons pas une excellente éducation religieuse dès sa plus tendre enfance. Tout cela, sans compter son séjour à Québec où elle a pu recevoir son éducation chez les Ursulines.

Dès l’âge de 15 ans, Jeanne allait ressentir en elle l’attrait de la prière, à un point tel, qu’elle n’envisageait rien d’autre pour elle qu’une vie d’oraison perpétuelle où sa relation à Jésus-Christ allait prendre le dessus sur tout. Comme le disait Mgr Lépine dans l’homélie prononcée dans la chapelle située à l’endroit même où se trouvait la maison où Jeanne a vu le jour : « Jeanne Le Ber avait reçu un appel à la pure prière. Même à l’époque des fondateurs de Montréal, il était difficile d’accueillir un tel appel à la réclusion pour se dédier totalement à la prière ».

Ce discernement, Jeanne le réalisa en plusieurs étapes. D’abord, elle prononça des vœux temporaires de cinq ans qu’elle vécut dans une section de la maison paternelle que l’on avait aménagée pour elle. Bien accompagnée par un directeur spirituel, elle resta en tout 15 ans à cet endroit. Jusqu’au jour où les sœurs de la Congrégation de Notre-Dame lui aménagèrent dans leur couvent un petit appartement adjacent à une chapelle où elle put suivre un régime de vie d’une grande rigueur toute entière imprégnée de la prière et de la contemplation. Plusieurs heures d’adoration, chapelet, lecture spirituelle, oraison mentale, voilà ce qu’était le cœur de sa vie. Elle mourut en 1714 à l’âge de 52 ans, après 34 ans de vie de prière intense.

Sa constance et la priorité qu’elle a donnée à Dieu peuvent nous inspirer encore aujourd’hui puisque ces vertus nous rappellent l’essentiel de nos vies. C’est dans le contraste entre sa vie et les valeurs véhiculées par notre société actuelle qui peut rendre cette femme encore plus fascinante. En effet, sa prière incessante, qui peut nous paraître inutile ou une perte de temps, était pour elle la seule chose vraiment nécessaire. Le bonheur et le rayonnement de Jeanne Le Ber nous montrent que le cœur humain n’est pas appelé, en définitive, à se contenter des choses qui passent. Au contraire, malgré notre acharnement à essayer de nous satisfaire de ce qui est provisoire et passager, nous n’y arrivons pas. À l’heure où nous constatons le prix climatique de cette « culture du déchet » tant décriée par le pape François, nous devrions saisir l’occasion que suscite l’ouverture de ce procès diocésain pour nous rapprocher de ce qui est vraiment essentiel c’est-à-dire la vie éternelle que l’on trouve lorsque l’on s’approche de Jésus-Christ.

Dans les prochaines semaines et les prochains mois, beaucoup de fidèles, de religieux et de religieuses prieront pour le bon déroulement des étapes entourant le procès diocésain de canonisation de Jeanne Le Ber. Il nous est maintenant permis d’espérer que les mois et années à venir, et qui seront composés de longues heures d’études et de recherches théologiques et historiques, aboutiront le plus tôt possible à un rapport concluant qui pourra être présenté à Rome en vue des futures étapes que sont, comme l’affirmait le chanoine François Sarazin, chancelier de l’archidiocèse de Montréal, « la vénérabilité, la béatification et enfin, la canonisation ».

Homélie du pape François lors de la Messe de conclusion du synode 2015

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Les trois lectures de ce dimanche nous présentent la compassion de Dieu, sa paternité, qui se révèle définitivement en Jésus.

Le prophète Jérémie, en plein désastre national, tandis que le peuple est déporté par ses ennemis, annonce que « le Seigneur sauve son peuple, le reste d’Israël » (31, 7). Et pourquoi le fait- il ? Parce qu’il est un Père (cf. v. 9) : et comme Père, il prend soin de ses enfants, les accompagne sur le chemin, soutient « l’aveugle et le boiteux, la femme enceinte et la jeune accouchée » (31, 8). Sa paternité leur ouvre une route accessible, une route de consolation après beaucoup de larmes et beaucoup d’amertume. Si le peuple reste fidèle, s’il persévère à chercher Dieu même dans une terre étrangère, Dieu changera sa prison en liberté, sa solitude en communion : ce qu’aujourd’hui le peuple sème dans les larmes, demain, il le récoltera dans la joie (cf. Ps 125, 6).

Avec le psaume, nous avons exprimé nous aussi la joie qui est un fruit du salut du Seigneur : « Notre bouche était pleine de rires, nous poussions des cris de joie » (v. 2). Le croyant est une personne qui a fait l’expérience de l’action salvifique de Dieu dans sa propre vie. Et nous, Pasteurs, nous avons fait l’expérience de ce que signifie semer avec peine, parfois dans les larmes, et de se réjouir pour la grâce d’une récolte qui va toujours au-delà de nos forces et de nos capacités.

Le passage de la Lettre aux Hébreux nous a présenté la compassion de Jésus. Lui aussi s’est « revêtu de faiblesse » (cf. 5, 2), pour éprouver de la compassion pour ceux qui sont dans l’ignorance et dans l’erreur. Jésus est le Grand Prêtre, saint, innocent, mais en même temps, il est le Grand Prêtre qui a pris part à nos faiblesses et a été mis à l’épreuve en toutes choses, comme nous, excepté le péché (cf. 4, 15). Pour cela, il est médiateur de l’alliance nouvelle et définitive qui nous donne le salut.

L’Évangile d’aujourd’hui est lié directement à la première Lecture : comme le peuple d’Israël a été libéré grâce à la paternité de Dieu, de même Bartimée a été libéré grâce à la compassion de Jésus. Jésus vient de sortir de Jéricho. Bien qu’il vienne de commencer le chemin le plus important, celui qui va vers Jérusalem, il s’arrête encore pour répondre au cri de Bartimée. Il se laisse toucher par sa demande, il se laisse impliquer dans sa situation. Il ne se contente pas de lui faire l’aumône, mais il veut le rencontrer en personne. Il ne lui donne ni indications, ni réponses, mais il lui pose une question : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » (Mc 10, 51). Cela pourrait sembler une question inutile : que pourrait désirer un aveugle si ce n’est la vue ? Pourtant, avec cette demande faite en tête à tête, directe mais respectueuse, Jésus montre qu’il veut écouter nos besoins. Il désire avec chacun de nous un échange fait de vie, de situations réelles, que rien n’exclut devant Dieu. Après la guérison, le Seigneur dit à cet homme : « Ta foi t’a sauvé » (v. 52). Il est beau de voir comment le Christ admire la foi de Bartimée, ayant
confiance en lui. Il croit en nous, beaucoup plus que nous croyons en nous-mêmes.

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Le message, c’est le Synode !

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Photo: Courtoisie Catholic News Service

En 1964 le Professeur Marshall McLuhan affirmait « Le medium, c’est le message ». Par cette formule qui allait le rendre célèbre, ce professeur de l’université de Toronto signifiait que les instruments de communication ont une grande influence sur la transmission d’un message. Pour McLuhan, les moyens de communications sont loin d’être neutres. Par exemple, l’attention que nous avons envers un livre imprimé est beaucoup plus grande que celle que l’on accorde à un blogue. Dans le même sens, un reportage à la télévision nous semble, de prime abord, beaucoup plus crédible que celui d’une vidéo sur YouTube. Ainsi, cette influence qu’a le média sur le contenu du message transmis est une donnée importante que nous ne pouvons négliger.

Comment donc communiquer l’enseignement de l’Église dans notre monde ? Si, comme le dit McLuhan « le medium, c’est le message », quel niveau de langage sera le plus approprié pour évangéliser aujourd’hui ? La réponse du Pape est la suivante : la « parresia » ou « la liberté et le courage (parresia) du Saint Esprit » et l’institution qui lui correspond le mieux : le Synode des évêques. Dès le premier synode sur la famille, le Pape a demandé aux évêques de s’exprimer librement, sans peur ni gêne d’où les nombreux contrechocs qui ont nourri certains médias aguerris à faire une polémique du moindre désaccord. Toutefois, cette communication franche et ouverte possède plusieurs avantages pour la Nouvelle Évangélisation. J’en veux pour preuve l’attention sans précédent que tous manifestent pour ce procédé. La réalité et l’importance de la famille pour les personnes et la société ne sont-ils pas au centre de nombreux échanges actuellement et qui n’aurait jamais eu lieu sans cette nouvelle approche communicationnelle ? Ainsi, une Église «toute synodale » serait donc plus efficace pour transmettre son message.

La synodalité, ou mode de fonctionnement avec parresia, présente un visage plus humain de l’Église. Ce qui la rapproche grandement des gens, qui lui font ainsi davantage confiance. Beaucoup de personnes sentent que l’Église et les hommes et les femmes qui la composent sont des êtres humains normaux qui partagent les mêmes expériences. Par exemple, dans le cas de la famille, l’expérience du Cardinal Shönborn face au divorce de ses parents a touché beaucoup de gens qui voient ainsi que l’Église comprend leur réalité. Les enseignements ne sont donc plus vus comme des normes imposées de l’extérieur mais comme des propositions, bien que l’assentiment soit toujours nécessaire. Comme le disait le bienheureux Paul VI : « L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins » (no 41).

Loin de voir le Synode comme « un parlement » nous voyons que ce dialogue franc prendra de plus en plus de place dans le mode de fonctionnement de l’Église. Comme le dit le Pape, nous ne sommes « qu’à la moitié du chemin ». Cette plus grande attention à la dimension synodale de l’Église semble déjà susciter l’attention de nombreux acteurs qui sentent l’Église plus ouverte au dialogue. En ce sens, les enseignements et préoccupations de l’Église pourront trouver davantage d’interlocuteurs. Ce qui aidera grandement à la transmission du message de l’Église. [Read more…]

Homélie du pape François lors de la veillée de prière pour le Synode sur la famille 2015

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Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie du pape François lors de la veillée de prière pour le Synode ordinaire des évêques sur les familles (samedi 3 octobre 2015):

Chères familles, bonsoir !

À quoi bon allumer une petite bougie dans l’obscurité qui nous entoure ? N’aurait-on pas besoin de tout autre chose pour dissiper l’obscurité ? Mais peut-on vaincre les ténèbres ?

À certaines époques de la vie – cette vie même pleine de ressources merveilleuses – de semblables interrogations s’imposent avec force. Face aux exigences de l’existence, la tentation amène à se retirer, à déserter et à se fermer, peut-être au nom de la prudence et du réalisme, en fuyant ainsi la responsabilité de faire sa part jusqu’au bout.

Rappelez-vous l’expérience d’Elie ? Le calcul humain suscite chez le prophète la peur qui le pousse à chercher refuge. « Devant cette menace, Elie se hâta de partir pour sauver sa vie […] Il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu. Là, il entra dans une caverne et y passa la nuit. Et voici que la parole du Seigneur lui fut adressée. Il lui dit : “Que fais-tu là, Elie ?”» (1 R 19, 3.8-9). Puis sur l’Horeb, il trouvera la réponse non dans le vent impétueux qui brise les rochers, ni dans le tremblement de terre et pas même dans le feu. La Capture d’écran 2015-10-03 à 12.43.27grâce de Dieu n’élève pas la voix ; c’est un murmure, qui rejoint tous ceux qui sont disposés à en écouter la brise légère : il les exhorte à sortir, à retourner dans le monde, témoins de l’amour de Dieu pour l’homme, pour que le monde croie…

Avec ce souffle, il y a presque une année, sur cette même Place, nous avons invoqué l’Esprit Saint, demandant que – en se mettant au thème de la famille – les Pères Synodaux sachent écouter et se confronter en gardant leur regard fixé sur Jésus, Parole ultime du Père et critère d’interprétation de tout.

Ce soir, notre prière ne peut être une autre prière. Parce que, comme le rappelait le patriarche Athénagoras, sans l’Esprit Saint, Dieu est loin, le Christ reste dans le passé, l’Église devient une simple organisation, l’autorité se transforme en domination, la mission en propagande, le culte en évocation, l’agir des chrétiens en une morale d’esclaves.

Prions donc, pour que le Synode qui s’ouvre demain sache ramener l’expérience conjugale et familiale à une image accomplie de l’homme; qu’il reconnaisse, valorise et propose tout ce qu’il y a en elle de beau, de bon et de saint ; qu’il embrasse les situations de vulnérabilité qui la mettent à l’épreuve : la pauvreté, la guerre, la maladie, le deuil, les relations blessées et défaites d’où surgissent malaises, ressentiments et ruptures ; qu’il rappelle à ces familles, comme à toutes les familles, que l’Évangile demeure une “Bonne Nouvelle” d’où repartir. Que du trésor de la tradition vivante, les Pères sachent tirer des paroles de consolation et des orientations d’espérance pour des familles appelées à construire en ce temps l’avenir de la communauté Capture d’écran 2015-10-03 à 12.41.59ecclésiale et de la cité de l’homme.

Chaque famille, en effet, est toujours une lumière, bien que faible, dans l’obscurité du monde. L’histoire même de Jésus parmi les hommes prend forme dans le sein d’une famille, à l’intérieur de laquelle il restera pendant 30 ans. Une famille comme beaucoup, la sienne, située dans un village perdu de la périphérie de l’Empire.

Charles de Foucauld, peut-être comme peu d’autres, a deviné la portée de la spiritualité qui émane de Nazareth. Ce grand explorateur abandonna en hâte la carrière militaire, fasciné par le mystère de la Sainte Famille, de la relation quotidienne de Jésus avec ses parents et ses proches, du travail silencieux, de la prière humble. Regardant la Famille de Nazareth, frère Charles discerna la stérilité du désir de richesse et de pouvoir ; il se fit tout à tous par l’apostolat de la bonté ; attiré par la vie érémitique, il comprit qu’on ne grandit pas dans l’amour de Dieu en évitant la servitude des relations humaines. Parce que c’est en aimant les autres qu’on apprend à aimer Dieu ; c’est en se penchant vers son prochain qu’on s’élève jusqu’à Dieu. À travers la proximité fraternelle et solidaire avec les plus pauvres et les plus abandonnés, il comprit que, finalement, ce sont eux qui nous évangélisent, en nous aidant à grandir en humanité.

Pour comprendre aujourd’hui la famille, entrons nous aussi – comme Charles de Foucauld – dans le mystère de la Famille de Nazareth, dans sa vie cachée, ordinaire et commune, comme celle du plus grand nombre de nos familles, avec leurs peines et leurs joies simples ; vie tissée de patience sereine dans les contrariétés, de respect pour la condition de chacun, de cette humilité qui libère et fleurit dans le service ; vie de fraternité qui surgit du fait de se sentir partie d’un unique corps.

La famille est le lieu d’une sainteté évangélique, réalisée dans les conditions les plus ordinaires. Il s’y respire la mémoire des générations et s’y enfoncent des racines qui permettent d’aller loin. C’est le lieu du discernement, où on s’éduque à reconnaître le dessein de Dieu sur sa propre vie et à l’embrasser avec confiance. C’est un lieu de gratuité, de présence discrète, fraternelle et solidaire, qui apprend à sortir de soi-même pour accueillir l’autre, pour pardonner et être pardonnés.

Repartons de Nazareth pour un Synode qui, plus que parler de la famille, sache se mettre à son école, dans la disponibilité à en reconnaître toujours la dignité, la consistance et la valeur, Capture d’écran 2015-10-03 à 12.49.38malgré les nombreuses peines et contradictions qui peuvent la marquer.

Dans la “ Galilée des nations” de notre temps, nous retrouverons l’épaisseur d’une Église qui est mère, capable d’engendrer à la vie et attentive à donner continuellement la vie, à accompagner avec dévouement, tendresse et force morale. Parce que si nous ne savons pas unir la compassion à la justice, nous finissons par être inutilement sévères et profondément injustes.

Une Église qui est famille sait se situer avec la proximité et l’amour d’un père qui vit la responsabilité du gardien, qui protège sans se substituer, qui corrige sans humilier, qui éduque par l’exemple et la patience. Parfois simplement, par le silence d’une attente priante et ouverte.

Surtout, une Église d’enfants qui se reconnaissent frères, qui n’arrive jamais à considérer quelqu’un uniquement comme un poids, un problème, un coût, une préoccupation ou un risque : l’autre est essentiellement un don, qui reste tel même quand il parcourt des chemins différents.

C’est une maison ouverte, l’Église, loin des grandeurs extérieures, accueillante dans le style sobre de ses membres et, à cause de cela, accessible à l’espérance de paix qui est présente en chaque homme, y compris en tous ceux qui – éprouvés par la vie – ont le cœur blessé et souffrant.

Cette Église peut vraiment éclairer la nuit de l’homme, lui montrer avec crédibilité le but et en partager les pas, justement parce que, la première, elle vit l’expérience d’être sans cesse régénérée dans le cœur miséricordieux du Père.

 

Message du pape François pour la 31e Journée mondiale de la jeunesse à Cracovie

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« Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Mt 5, 7)

Chers jeunes,

Nous voici arrivés à la dernière étape de notre pèlerinage vers Cracovie où, en juillet prochain,nous célébrerons ensemble les 21ème Journées Mondiales de la Jeunesse. Sur notre parcours, long et exigeant, nous sommes guidés par les paroles de Jésus tirées du “Discours sur la montagne”. Nous avons commencé ce voyage en 2014, en méditant ensemble sur la première Béatitude : « Heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des cieux est à eux » (Mt 5, 3). En 2015, le thème a été : « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » (Mt 5, 8). Au cours de l’année que nous allons vivre, nous voulons nous laisser inspirer par le verset suivant : « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Mt 5, 7).

1. Le Jubilé de la Miséricorde

Grâce à son thème, les JMJ de Cracovie 2016 s’insèrent parfaitement dans le climat de l’Année Sainte de la Miséricorde, devenant ainsi un vrai Jubilé mondial des jeunes. Ce n’est pas la première fois qu’une rencontre internationale de jeunes coïncide avec une Année jubilaire. En effet, ce fut dans le cadre de l’Année Sainte de la Rédemption (1983-1984) que saint Jean-Paul II convoqua pour la première fois les jeunes du monde entier à Rome lors du dimanche des Rameaux. C’est encore au cours du Grand Jubilé de l’an 2000 que plus de deux millions de jeunes de 165 pays se retrouvèrent à Rome pour les 15ème Journées Mondiales de la Jeunesse. Comme dans ces deux cas précédents, cette fois-ci encore – j’en suis certain –, le Jubilé des jeunes à Cracovie sera l’un des temps forts de cette Année sainte !

Peut-être certains d’entre vous se demandent-t-ils ce qu’est cette Année jubilaire célébrée dans l’Église. Le texte biblique du Lévitique au chapitre 25 nous aide à comprendre ce que signifiait le “jubilé” pour le peuple d’Israël : tous les cinquante ans, les Hébreux entendaient retentir la trompette (jobel) qui les convoquait (jobil) pour célébrer une Année Sainte, un temps de réconciliation (Jobal) pour tous. C’était un temps propice pour renouer une relation bonne avec Dieu, avec le prochain et avec la création, fondée sur la gratuité. Par conséquent, entre autres choses, on encourageait l’effacement des dettes, un soutien particulier à ceux qui étaient tombés dans la misère, l’amélioration des relations interpersonnelles et la libération des esclaves.

Jésus-Christ est venu annoncer et accomplir le temps perpétuel de la grâce du Seigneur, annonçant la Bonne Nouvelle aux pauvres, la délivrance aux captifs, la vue aux aveugles et la liberté aux opprimés (cf. Lc 4, 18-19). En lui, et en particulier dans son Mystère pascal, s’accomplit pleinement le sens profond du Jubilé. Lorsqu’au nom du Christ l’Église convoque un jubilé, nous sommes tous invités à vivre un temps extraordinaire de grâce. L’Église elle-même est appelée à offrir en abondance des signes de la présence et de la proximité de Dieu, pour réveiller dans les cœurs la capacité à regarder l’essentiel. En particulier cette Année Sainte de la Miséricorde est « le temps pour l’Église de retrouver le sens de la mission que le Seigneur lui a confiée le jour de Pâques : être signe et instrument de la miséricorde du Père » (Homélie des premières vêpres du dimanche de la Divine Miséricorde, 11 avril 2015).

2. Miséricordieux comme le Père

La devise de ce jubilé extraordinaire – “Miséricordieux comme le Père” (cf. Misericordiae Vultus, 13) – s’accorde bien avec le thème des prochaines JMJ. Essayons donc de mieux cerner ce que signifie la miséricorde divine. Pour parler de la miséricorde divine, l’Ancien Testament recourt à différents termes, les plus significatifs étant : hessed et rahamim. Le premier, appliqué à Dieu, exprime son indéfectible fidélité à l’Alliance avec son peuple, qu’il aime et pardonne toujours. Rahamim, quant à lui, peut être traduit par “entrailles” et renvoie en particulier au sein maternel, faisant comprendre que l’amour de Dieu pour son peuple est comme celui d’une mère pour son enfant. Le prophète Isaïe l’exprime bien par ces mots : « Une femme oublie-t-elle son petit enfant, est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles ? Même si les femmes oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas » (Is 49, 15). Un tel amour implique que l’on fasse de la place pour l’autre en soi-même, que l’on sente, souffre et se réjouisse avec le prochain.

Le concept biblique de la miséricorde contient également l’idée d’un amour concret, qui est fidèle, gratuit et capable de pardonner. Ce passage du prophète Osée nous offre un bel exemple de l’amour de Dieu, comparable à l’amour d’un père pour son fils : « Quand Israël était jeune, je l’aimai, et d’Égypte j’appelai mon fils. Mais plus je les appelais, plus ils s’écartaient de moi ; aux Baals ils sacrifiaient, aux idoles ils brûlaient de l’encens. Et moi j’avais appris à marcher à Éphraïm, je le prenais par les bras, et ils n’ont pas compris que je prenais soin d’eux ! Je les menais avec des attaches humaines, avec des liens d’amour ; j’étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson tout contre leur joue, je m’inclinais vers lui et le faisais manger » (Os 11, 1-4). Malgré le comportement mauvais de l’enfant qui mériterait un châtiment, l’amour du père est fidèle et pardonne toujours un fils repentant. Comme on peut le remarquer, le pardon fait toujours partie de la miséricorde : « La miséricorde de Dieu n’est pas une idée abstraite, mais une réalité concrète à travers laquelle il révèle son amour comme celui d’un père et d’une mère qui se laissent émouvoir au plus profond d’eux- mêmes par leur fils […] Il vient du cœur comme un sentiment profond, naturel, fait de tendresse et de compassion, d’indulgence et de pardon » (Misericordiae Vultus, 6).

Pour le Nouveau Testament, la miséricorde divine (eleos) est la synthèse de l’œuvre que Jésus est venu accomplir dans le monde au nom du Père (cf. Mt 9, 13). La miséricorde de notre Seigneur se manifeste surtout quand il se penche sur la misère humaine et manifeste sa compassion pour celui qui a besoin de compréhension, de guérison et de pardon. Tout en Jésus parle de la miséricorde. Mieux ! Il est lui-même la miséricorde.

Au chapitre 15 de l’Évangile de Luc, on trouve les trois paraboles de la miséricorde : la parabole de la brebis perdue, celle de la drachme perdue, et la parabole dite du “fils prodigue”. Dans ces trois paraboles, nous sommes touchés par la joie de Dieu, la joie qu’il éprouve quand il retrouve un pécheur et lui pardonne. Oui ! La joie de Dieu est de pardonner ! Voilà la synthèse de tout l’Évangile. « Chacun de nous est cette brebis perdue, cette pièce d’argent perdue ; chacun de nous est ce fils qui a gâché sa liberté en suivant de fausses idoles, des mirages de bonheur, et qui a tout perdu. Mais Dieu ne nous oublie pas, le Père ne nous abandonne jamais. C’est un père patient, il nous attend toujours ! Il respecte notre liberté, mais il reste toujours fidèle. Et lorsque nous retournons à lui, il nous accueille comme ses enfants, dans sa maison, car il ne cesse jamais, même pour un instant, de nous attendre, avec amour. Et son cœur est en fête pour tout enfant qui revient. Il est en fête parce qu’il est joie. Dieu a cette joie, quand l’un de nous, pécheur, va à lui et demande son pardon » (Angélus, 15 septembre 2013).

La miséricorde de Dieu est très concrète et nous sommes tous appelés à en faire personnellement l’expérience. Lorsque j’avais dix-sept ans, un jour où je devais sortir avec mes amis, j’ai décidé de me recueillir d’abord dans une église. Une fois à l’intérieur, j’ai trouvé un prêtre qui m’a inspiré une confiance particulière, et j’ai senti le désir d’ouvrir mon cœur dans la confession. Cette rencontre a changé ma vie ! J’ai découvert que lorsque nous ouvrons nos cœurs avec humilité et transparence, nous pouvons contempler d’une façon très concrète la miséricorde de Dieu. J’ai eu la certitude que dans la personne de ce prêtre, Dieu était là, m’attendant déjà, avant même que je ne fasse le premier pas pour entrer dans l’église. Nous le cherchons, mais il nous précède toujours. Il nous cherche depuis toujours et il nous trouve en premier. Peut-être quelqu’un parmi vous a-t-il un poids sur le cœur et pense : j’ai fait ceci, j’ai fait cela…. N’ayez pas peur ! Il vous attend ! Il est père : Il nous attend toujours ! Comme c’est beau de trouver l’étreinte miséricordieuse du Père dans le sacrement de la Réconciliation, de découvrir le confessionnal comme le lieu de la Miséricorde, de se laisser toucher par cet amour miséricordieux du Seigneur qui nous pardonne toujours !

Et toi, cher jeune, as-tu jamais senti se poser sur toi ce regard d’amour infini ? Ce regard qui, au-delà de tous tes péchés, limites, échecs, continue à te faire confiance et à considérer ta vie avec espérance ? Es-tu conscient du prix que tu as aux yeux de ce Dieu qui t’a tout donné par amour ? Comme le dit saint Paul : « La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous » (Rm 5, 8). Mais comprenons-nous vraiment la puissance de ces mots ?

Je sais à quel point la Croix des JMJ – un don de saint Jean-Paul II – vous est chère, elle qui accompagne toutes vos rencontres internationales depuis 1984. Combien de conversions authentiques, combien de changements sont survenus dans la vie de nombreux jeunes qui ont rencontré cette simple croix dépouillée ! Peut-être vous êtes-vous posés la question : d’où vient cette force extraordinaire de la croix ? La réponse est la suivante : la croix est le signe le plus éloquent de la miséricorde de Dieu ! Elle nous enseigne que la mesure de l’amour de Dieu pour l’humanité est d’aimer sans mesure ! Dans la croix, nous pouvons toucher la miséricorde de Dieu et nous laisser toucher par sa miséricorde ! Je voudrais rappeler ici l’épisode des deux larrons crucifiés avec Jésus : l’un des deux est présomptueux, il ne se reconnaît pas pécheur et se moque du Seigneur. L’autre, par contre, reconnaît son erreur et se tourne vers le Seigneur et lui déclare : « Jésus, souviens-toi de moi lorsque tu viendras avec ton Royaume ». Jésus le regarde avec une infinie miséricorde et lui répond : « En vérité, je te le dis : aujourd’hui, tu seras, avec moi, dans le Paradis » (cf. Lc 23, 32.39-43). Avec lequel des deux nous identifions-nous ? Avec celui qui est arrogant et ne reconnaît pas ses erreurs ? Ou avec l’autre qui a reconnu son besoin de miséricorde divine et l’implore de tout son cœur ? Dans le Seigneur qui a donné sa vie pour nous sur la croix, nous trouverons toujours un amour inconditionnel qui reconnaît la valeur de nos vies et nous donne à chaque fois la possibilité de recommencer.

3. L’extraordinaire joie d’être des instruments de la miséricorde divine

La Parole de Dieu nous enseigne qu’« il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Ac 20, 35). C’est précisément pour cette raison que la cinquième béatitude déclare bienheureux les miséricordieux. Nous savons que le Seigneur nous a aimés en premier. Mais nous ne serons vraiment heureux que si nous entrons dans la logique divine du don, de l’amour gratuit. Nous ne serons heureux que si nous découvrons que Dieu nous a si infiniment aimés qu’il nous a rendus capables d’aimer comme lui, sans mesure. Comme le dit saint Jean : « Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour est de Dieu, et que quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour […] En ceci consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés, et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés. Bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres » (1 Jn 4, 7-11).

Après avoir brièvement expliqué comment le Seigneur manifeste sa miséricorde à notre égard,
je voudrais maintenant vous suggérer des pistes pour devenir concrètement des instruments de cette miséricorde envers notre prochain.

Je me rappelle le bel exemple du bienheureux Pier Giorgio Frassati. Il disait : « Jésus me rend visite tous les matins dans la Sainte Communion. Moi, je la lui rends, aussi misérablement que je peux, en visitant les pauvres». Le jeune Pier Giorgio avait compris ce que signifie avoir un cœur miséricordieux, sensible aux plus nécessiteux. Il leur donnait bien plus que des choses matérielles ; il se donnait lui-même, passait du temps avec eux, il leur parlait, les écoutait attentivement. Il servait les pauvres avec une grande discrétion, ne se mettant jamais en avant. Il vivait vraiment l’Évangile qui dit : « Quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône soit secrète » (Mt 6, 3-4). Figurez-vous que la veille de sa mort, gravement malade, il continuait encore à donner des indications sur la façon d’aider ses amis, les indigents. A ses funérailles, les membres de sa famille et ses amis furent stupéfaits par la présence d’un grand nombre de pauvres, de personnes que Pier Giorgio avait accompagnées et aidées, et dont ils ignoraient l’existence.

J’aime bien associer les Béatitudes évangéliques et le chapitre 25 de Matthieu, où Jésus présente les œuvres de miséricorde et déclare que nous serons jugés sur la base de celles-ci. Je vous invite donc à redécouvrir les œuvres de miséricorde corporelle : nourrir les affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir celui qui est nu, accueillir l’étranger, assister les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts. N’oublions pas non plus les œuvres de miséricorde spirituelle : conseiller ceux qui sont dans le doute, enseigner ceux qui sont dans l’ignorance, reprendre les pécheurs, consoler les affligés, pardonner les offenses, supporter avec patience les personnes importunes, prier Dieu pour les vivants et pour les morts. Comme vous pouvez le remarquer, la miséricorde n’est pas synonyme de « bonnisme » ni de pur sentimentalisme. En elle se vérifie l’authenticité de notre identité de disciples de Jésus et notre crédibilité en tant que chrétiens dans le monde d’aujourd’hui.

Je vous propose, chers jeunes qui êtes très concrets – pour chacun des sept premiers mois de l’année 2016 –, de choisir une œuvre de miséricorde corporelle et une œuvre de miséricorde spirituelle à mettre en pratique chaque mois. Laissez-vous inspirer par la prière de sainte Faustine, humble apôtre de la Miséricorde Divine pour notre temps :

« Aide-moi, Seigneur, pour que mes yeux soient miséricordieux, pour que je ne soupçonne jamais ni ne juge d’après les apparences extérieures, mais que je discerne la beauté dans l’âme de mon prochain et que je lui vienne en aide […] pour que mon oreille soit miséricordieuse, afin que je me penche sur les besoins de mon prochain et ne reste pas indifférente à ses douleurs ni à ses plaintes […] pour que ma langue soit miséricordieuse, afin que je ne dise jamais de mal de mon prochain, mais que j’aie pour chacun un mot de consolation et de pardon […] pour que mes mains soient miséricordieuses et remplies de bonnes actions […] pour que mes pieds soient miséricordieux, pour me hâter au secours de mon prochain, en dominant ma propre fatigue et ma lassitude […] pour que mon cœur soit miséricordieux, afin que je ressente toutes les souffrances de mon prochain […] (Journal, 163).

Le message de la Divine Miséricorde est donc un programme de vie très concret et exigeant parce qu’il implique des œuvres. Et l’une des œuvres de miséricorde plus évidente, mais aussi plus difficile à mettre en pratique, est sans aucun doute de pardonner à ceux qui nous ont offensés, ceux qui nous ont fait du mal, ceux que nous considérons comme nos ennemis. « Bien souvent, il nous semble difficile de pardonner ! Cependant, le pardon est le moyen déposé dans nos mains fragiles pour atteindre la paix du cœur. Se défaire de la rancœur, de la colère, de la violence et de la vengeance, est la condition nécessaire pour vivre heureux » (Misericordiae Vultus, 9).

Je rencontre beaucoup de jeunes qui me disent qu’ils sont las de ce monde si divisé, où des membres des factions rivales s’affrontent, où sévissent tant de guerres et où il y en a même qui utilisent leur religion pour justifier la violence. Nous devons supplier le Seigneur pour qu’il nous accorde la grâce d’être miséricordieux avec ceux qui nous font du mal, à l’image de Jésus en croix qui a prié pour ceux qui l’avaient crucifié : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34). Le seul remède contre le mal est la miséricorde. Certes, la justice est nécessaire, mais pas suffisante à elle seule. Justice et miséricorde doivent aller de pair. Comme je voudrais que nous nous unissions tous en chœur pour prier du tréfonds de nos cœurs et implorer le Seigneur afin qu’il ait pitié de nous et du monde entier !

4. Cracovie nous attend !

Il ne manque plus que quelques mois à notre rencontre en Pologne. Cracovie, la ville de saint Jean-Paul II et de sainte Faustine Kowalska, nous attend à bras et cœurs ouverts. Je crois que c’est la Divine Providence qui nous a conduits à célébrer le Jubilé des jeunes dans la terre où ont vécu ces deux grands apôtres de la miséricorde de notre temps. Jean-Paul II a compris que le nôtre était le temps de la miséricorde. Dès le début de son pontificat, il a promulgué l’encyclique Dives in Misericordia. Pendant l’Année Sainte 2000, il a canonisé Sœur Faustine et a institué la fête de la Divine Miséricorde, le deuxième dimanche de Pâques. Et, en 2002, il a personnellement inauguré à Cracovie le Sanctuaire de Jésus Miséricordieux, confiant le monde entier à la Divine Miséricorde, exprimant le désir que ce message atteigne tous les habitants de la terre et remplisse leurs cœurs d’espérance : « Il faut allumer cette étincelle de la grâce de Dieu. Il faut transmettre au monde ce feu de la miséricorde. Dans la miséricorde de Dieu, le monde trouvera la paix, et l’homme trouvera le bonheur ! » (Homélie pour la dédicace du Sanctuaire de la Divine Miséricorde à Cracovie, 17 août 2002).

Chers jeunes, Jésus miséricordieux, représenté dans l’effigie vénérée par le peuple de Dieu dans le sanctuaire de Cracovie qui lui est consacré, vous attend. Il vous fait confiance et il compte sur vous ! Il a tant de choses importantes à dire à chacun d’entre vous… N’ayez pas peur de croiser son regard plein d’amour infini pour chacun de vous, et laissez-vous atteindre par son regard miséricordieux, prêt à pardonner tous vos péchés, un regard qui peut changer votre vie et guérir les blessures de vos âmes, un regard qui étanche la soif profonde qui habite vos cœurs de jeunes : soif d’amour, de paix, de joie et du vrai bonheur. Venez à lui et n’ayez pas peur ! Venez pour lui dire du fond de votre cœur : « Jésus, en toi je me confie ! ». Laissez-vous toucher par sa miséricorde sans limite pour devenir vous aussi, à travers les œuvres, les paroles et la prière, des apôtres de la miséricorde dans notre monde blessé par l’égoïsme, la haine et tant de désespoir.

Portez la flamme de l’amour miséricordieux du Christ – dont parlait saint Jean-Paul II – dans les différents milieux de votre vie quotidienne et jusqu’aux extrémités de la terre. Dans cette mission, je vous accompagne avec mes meilleurs vœux et mes prières. Je vous confie tous à la Sainte Vierge Marie, Mère de Miséricorde, pendant cette phase finale de l’itinéraire de préparation spirituelle aux prochaines JMJ à Cracovie, et je vous bénis tous de grand cœur.

Du Vatican, le 15 août 2015,
Solennité de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie

FRANCISCUS

[01573-FR.01] [Texte original: Italien]

Discours du pape François à l’aéroport de Philadelphie

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Vous trouvez ci-dessous le discours du pape François aux organisateurs, bénévoles et bienfaiteurs de la Rencontre Mondiale des Familles à l’aéroport international de Philadelphie (27 septembre 2015)

Monsieur le Vice-Président,
Distinguées autorités,
chers frères Evêques,
chers amis,

Mons séjour au milieu de vous a été bref. Mais ces jours ont été des jours d’immense grâce pour moi, et j’espère, pour vous aussi. S’il vous plaît, sachez qu’au moment de partir, j’ai le cœur plein de gratitude et d’espérance.

Je suis reconnaissant à vous tous et à tous ceux qui ont travaillé si dur pour rendre cette visite possible et pour préparer la Rencontre Mondiale des Familles. En particulier, je remercie l’Archidiocèse de Philadelphie, les autorités civiles, les organisateurs ainsi que tous les volontaires et bienfaiteurs qui y ont contribué, dans les grandes comme dans les petites choses.

Je remercie aussi les familles qui ont partagé leur témoignage durant la Rencontre. Il n’est pas si facile de parler ouvertement de son propre parcours de la vie ! Mais leur honnêteté ainsi que leur humilité devant le Seigneur et devant chacun de nous ont montré la beauté de la vie familiale dans toute sa richesse et sa diversité. Je prie pour que les jours de prière et de réflexion sur l’importance de la famille pour une société saine inspirent les familles à continuer de tendre vers la sainteté et de voir l’Eglise comme leur compagne fidèle, quels que soient les défis qu’elles pourraient affronter.

A la fin de ma visite, je voudrais aussi remercier tous ceux qui ont préparé mon séjour dans les Archidiocèses de Washington et de New York. C’était particulièrement émouvant pour moi de canoniser saint Junipéro Serra, qui nous rappelle à tous notre appel à être des disciples missionnaires ; et aussi de me trouver avec mes frères et sœurs d’autres religions au Ground Zero, cet endroit qui nous parle si puissamment du mystère du mal. Cependant, nous savons
avec assurance que le mal n’a jamais le dernier mot, et que, dans le plan miséricordieux de
Dieu, l’amour et la paix triomphent de tout.Capture d’écran 2015-09-27 à 19.27.07

Monsieur le Vice-Président, je vous prie de renouveler ma gratitude au Président Obama et aux Membres du Congrès, avec l’assurance de mes prières pour le peuple américain. Ce pays a été béni à travers d’immenses dons et opportunités. Je prie pour que vous puissiez tous être de bons et généreux intendants des ressources humaines et matérielles qui vous ont été confiées.

Je remercie le Seigneur d’avoir pu expérimenter la foi du peuple de Dieu dans ce pays, manifestée dans nos moments de prière commune et exprimée dans de si nombreuses œuvres de charité. Jésus déclare dans les Ecritures : ‘‘Vraiment, je vous le dis, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait’’. Votre sollicitude envers moi et votre généreux accueil sont le signe de votre amour pour Jésus et de votre foi en lui. Il en est de même de votre sollicitude envers les pauvres, les malades, les sans-abri et les migrants, de votre défense de la vie à toutes ses étapes, et de votre souci de la vie familiale. Dans tout cela, vous reconnaissez que Jésus est au milieu de vous et que votre sollicitude les uns pour les autres est sollicitude pour Jésus lui-même.

En prenant congé, je vous demande tous, surtout aux volontaires et aux bienfaiteurs qui ont apporté une contribution pour la Rencontre Mondiale des Familles : ne laissez pas votre enthousiasme pour Jésus, pour l’Eglise, pour nos familles, et pour la famille plus grande de la société se dessécher. Puissent nos jours passés ensemble porter du fruit qui dure, une générosité et une sollicitude pour les autres qui perdurent ! Tout comme nous avons reçu beaucoup de Dieu – des dons librement accordés, et non pas issus de notre propre effort – de la même manière donnons librement aux autres en retour.

Chers amis, je vous embrasse tous dans le Seigneur et je vous confie à la maternelle protection de Marie Immaculée, Patronne des Etats-Unis. Je prierai pour vous et pour vos familles, et je vous demande, s’il vous plaît, de prier pour moi. Que Dieu vous bénisse tous ! Que Dieu bénisse l’Amérique !

Discours du pape François à la prison Curran-Fromhold

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Vous trouvez ci-dessous le texte intégral du discours du pape François lors de la visite avec les détenus de la prison Curran-Fromhold (27 septembre 2015)

Chers frères et sœurs,

Je vous remercie de me recevoir et de m’offrir l’occasion d’être ici avec vous et de partager ces moments de vos vies. C’est un temps difficile, un temps de luttes. Je sais que c’est un temps douloureux non seulement pour vous, mais pour vos familles et pour toute la société. Toute société, toute famille, qui ne peut pas partager ou prendre au sérieux la peine de ses enfants, et voit cette peine comme une chose normale ou bien prévisible, est une société ‘‘condamnée’’ à demeurer otage d’elle-même, proie de tout ce qui provoque cette peine.

Je suis ici en tant que pasteur, mais avant tout comme un frère, pour partager votre situation et la faire mienne. Je suis venu pour que nous puissions prier ensemble et offrir à notre Dieu tout ce qui nous cause de la peine, mais aussi tout ce qui nous donne de l’espérance, afin que nous puissions recevoir de lui la puissance de la résurrection.

Je pense à la scène de l’Evangile où Jésus lave les pieds de ses disciples lors de la dernière Cène. C’était quelque chose que ses disciples ont eu du mal à accepter. Même Pierre a refusé, et lui a dit : ‘‘Tu ne me laveras pas les pieds’’ (Jn 13, 8).

A cette époque, c’était la coutume de laver les pieds aux gens lorsqu’ils arrivaient chez vous. C’était la façon d’accueillir les hôtes. Les routes n’étaient pas pavées, elles étaient couvertes de poussière, et de petites pierres pouvaient se coincer dans vos sandales. Tout le monde empruntait ces routes, qui couvraient de poussière les pieds, meurtris ou blessés par les pierres. Voilà pourquoi vous voyez Jésus laver les pieds, nos pieds, les pieds de ses disciples, en son Capture d’écran 2015-09-27 à 10.51.38temps et maintenant.

La vie est un voyage, au long de différentes routes, de différents chemins, qui laissent leurs marques sur nous.

Nous savons dans la foi que Jésus va à notre recherche. Il veut guérir nos blessures, soulager nos pieds meurtris en voyageant seuls, laver chacun de nous de la poussière de notre voyage. Il ne nous demande pas où nous avons été, il ne nous pose pas de questions sur ce que nous avons fait. Plutôt, il nous dit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi » (Jn 13, 8). Si je ne lave pas tes pieds, je ne serai pas en mesure de te donner la vie dont le Père a toujours rêvé, la vie pour laquelle il t’a créé. Jésus vient nous rencontrer, pour pouvoir restaurer notre dignité d’enfants de Dieu. Il veut nous aider à nous rétablir, à reprendre notre route, à retrouver l’espérance, à restaurer notre foi et notre confiance. Il veut que nous continuions à marcher au long des sentiers de la vie, à réaliser que nous avons une mission, et que l’enfermement n’est pas la même chose que l’exclusion.

La vie, c’est ‘‘avoir les pieds sales’’ à cause de la poussière des routes de la vie et de l’histoire. Tous, nous avons besoin d’être nettoyés, d’être lavés. Tous, nous sommes recherchés par le Maître, qui veut nous aider à reprendre le voyage. Le Seigneur va à notre recherche ; il étend une main secourable à nous tous.

Cela fait mal de voir les systèmes carcéraux qui ne se préoccupent pas de soigner les blessures, de soulager la peine, d’offrir de nouvelles possibilités. Cela fait mal de voir des personnes qui pensent que ce sont seulement les autres qui ont besoin d’être nettoyés, purifiés, et qui ne reconnaissent pas que leur épuisement, leur peine et leurs blessures sont aussi l’épuisement, la peine et les blessures de la société. Le Seigneur nous le dit clairement par un signe : il lave nos Capture d’écran 2015-09-27 à 10.51.31pieds en sorte que nous puissions revenir à table. La table de laquelle il ne veut que personne soit exclu. La table qui est dressée pour tous et à laquelle nous sommes tous invités.

Ce temps dans votre vie peut seulement avoir un objectif : vous tendre la main pour retourner sur le bon chemin, vous tendre la main pour vous aider à rejoindre la société. Nous sommes tous partie intégrante de cet effort, nous sommes tous invités à encourager, à aider et à rendre possible votre réhabilitation. Une réhabilitation que chacun cherche et désire : les détenus et leurs familles, les autorités carcérales, les programmes sociaux et éducatifs. Une réhabilitation qui bénéficie à la morale de la communauté entière et l’élève.

Jésus nous invite à partager son destin, sa façon de vivre et d’agir. Il nous enseigne à voir le monde à travers son regard. Un regard qui n’est pas scandalisé par la poussière ramassée au long du chemin, mais qui veut nettoyer, guérir et restaurer. Il nous demande de créer de nouvelles opportunités : pour les détenus, pour leurs familles, pour les autorités carcérales et
pour la société tout entière.

Je vous encourage à avoir cette attitude les uns envers les autres et envers tous ceux qui d’une façon ou d’une autre font partie de cette institution. Puissiez-vous rendre possibles de nouvelles opportunités, de nouveaux parcours, de nouveaux chemins.

Nous avons tous quelque chose dont nous devons être lavés, ou bien purifiés. Puisse la reconnaissance de ce fait nous inspirer à vivre dans la solidarité, à nous soutenir les uns les autres et à rechercher le meilleur pour les autres.

Regardons Jésus, qui lave nos pieds. Il est « le chemin, la vérité et la vie ». Il vient nous sauver du mensonge selon lequel personne ne peut changer. Il nous aide à parcourir les sentiers de la vie et de l’épanouissement. Puissent la puissance de son amour et sa résurrection être toujours un chemin qui vous conduit à une nouvelle vie.

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