Discours du pape François lors de la Rencontre avec les familles à Tuxla Gutiérrez

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Vous trouverez ci-dessous le texte du discours du pape François à l’occasion de la Rencontre avec les familles au Stade «Víctor Manuel Reyna»de Tuxla Gutiérrez (lundi 15 février 2016).

Chers frères et sœurs,

Je voudrais rendre grâce de me trouver sur cette terre du Chiapas. Il est bon de se trouver sur ce sol, il est bon de se trouver sur cette terre, il est bon se trouver en ce lieu qui, avec vous, a un goût de famille, de foyer. Je rends grâce à Dieu pour vos visages et votre présence, je rends grâce à Dieu pour son émouvante présence dans vos familles. Merci également à vous, familles et amis, qui nous avez offert vos témoignages, qui nous avez ouvert les portes de vos maisons, de vos vies ; vous nous avez permis d’être à vos ‘‘tables’’ partageant le pain qui vous nourrit et la sueur face aux difficultés quotidiennes. Le pain des joies, de l’espérance, des rêves et la sueur face aux amertumes, face à la désillusion et aux chutes. Merci de nous permettre d’accéder à vos familles, à votre table, à votre foyer.

Manuel, merci pour ton témoignage et surtout pour ton exemple. L’expression que tu as utilisée m’a plu : ‘‘y mettre de l’enthousiasme’’ tout comme l’attitude que tu as adoptée après t’être entretenu avec tes parents. Tu as commencé à mettre de l’enthousiasme dans ta vie, à mettre de l’enthousiasme dans ta famille, à mettre de l’enthousiasme dans les rangs de tes amis et tu nous communiques de l’enthousiasme à nous ici réunis. Je crois que c’est ce que l’Esprit Saint veut toujours faire au milieu de nous : nous donner de l’enthousiasme, nous faire don de raisons de continuer à risquer, à rêver, et à construire une vie qui ait un goût de foyer, de famille.

Et c’est ce que Dieu le Père a toujours rêvé et ce pour quoi depuis longtemps il a lutté. Lorsque tout semblait perdu, cet après-midi-là, au jardin d’Eden, Dieu le Père a suscité l’enthousiasme chez ce jeune couple et lui a dit que tout n’était pas perdu. Lorsque le peuple d’Israël sentait qu’il n’en pouvait plus sur le chemin à travers le désert, Dieu le Père lui a donné de l’enthousiasme par la manne. Lorsqu’est arrivée la plénitude des temps, Dieu le Père a donnéCapture d’écran 2016-02-15 à 17.30.44 pour toujours de l’enthousiasme à l’humanité en nous envoyant son Fils.

De la même manière, nous tous ici présents, nous avons fait cette expérience, à bien des moments et sous diverse formes, Dieu le Père a donné de l’enthousiasme à notre vie. Pouvons-nous nous demander pourquoi ?  

Parce qu’il ne sait pas faire autrement. Il sait nous donner de l’enthousiasme, pourquoi ? Parce que son nom est amour, son nom est don, son nom est don de soi, son nom est miséricorde. Il nous l’a manifesté avec force et clarté en Jésus, son Fils qui a tout donné jusqu’à l’extrême pour rendre possible le Royaume de Dieu. Un Royaume qui nous invite à entrer dans cette nouvelle logique, qui suscite une dynamique capable d’ouvrir les cieux, capable d’ouvrir nos cœurs, nos esprits, nos mains et de nous stimuler par de nouveaux horizons. Un Royaume qui sait ce qu’est la famille, qui sait ce qu’est la vie partagée. En Jésus et avec Jésus, ce Royaume est possible. Il est capable de transformer nos regards, nos attitudes, nos sentiments souvent fades en vin de fête. Il est capable de guérir nos cœurs et de nous inviter sans cesse, soixante-dix fois sept fois à recommencer. Il est capable de toujours renouveler toute chose.

Tu m’as demandé, Manuel, de prier pour de nombreux adolescents découragés et en situations difficiles. De nombreux adolescents démoralisés, sans force, sans enthousiasme. Et comme tu l’as si bien dit, bien des fois cette attitude naît du fait qu’ils se sentent seuls, parce qu’ils n’ont pas avec qui parler. Et cela m’a rappelé le témoignage de Beatriz. Si je me souviens bien, Beatriz, vous avez dit : ‘‘le combat a été toujours difficile à cause de la précarité et de la solitude’’. La précarité, la pénurie, le manque fréquent du minimum peuvent nous désespérer, peuvent nous faire sentir une forte angoisse, puisque nous ne savons comment faire pour aller de l’avant et d’autant plus que nous avons des enfants à notre charge. La précarité non seulement menace l’estomac (et c’est déjà beaucoup), mais elle peut aussi menacer l’âme, elle peut démotiver, ôter la force et tenter avec des parcours ou des alternatives de solution apparente mais qui, en définitive, ne résolvent rien. Il existe une précarité qui peut être très dangereuse, qui peut se coller à nous sans que nous ne nous en rendions compte, c’est la précarité qui naît de la solitude et de l’isolement. Et l’isolement est toujours mauvais conseiller.

Tous deux, sans vous en rendre compte, vous avez utilisé la même expression, tous deux vous nous montrez comment souvent la plus grande tentation à laquelle nous sommes confrontés est Capture d’écran 2016-02-15 à 17.33.10de ‘‘nous enfermer’’ et loin de ‘‘mettre de l’enthousiasme’’, cette attitude, comme la mite, nous dessèche l’âme peu à peu.

La manière de combattre cette précarité et cet isolement, qui nous rendent vulnérables à tant de solutions apparentes, doit se situer à différents niveaux. D’une part, les législations, qui protègent et garantissent le minimum nécessaire pour que chaque famille et pour que chaque personne puisse se développer par la formation et un travail digne, représentent un niveau. D’autre part, comme le témoignage de Humberto et de Claudia l’ont si bien souligné, lorsqu’ils disaient qu’ils cherchaient la façon de communiquer l’amour de Dieu qu’ils avaient expérimenté dans le service et dans le don de soi aux autres. Des lois et un engagement personnel sont un bon binôme pour rompre la spirale de la précarité. 

De nos jours, nous voyons et nous expérimentons à travers différents visages comment la famille est affaiblie, remise en question. Comment on croit que c’est un modèle déjà dépassé et n’ayant plus de place dans nos sociétés qui, avec la prétention de la modernité, offrent toujours davantage un modèle fondé sur l’isolement.

Certes, vivre en famille n’est pas toujours facile, bien des fois c’est douloureux et fatiguant mais, comme je l’ai dit plus d’une fois de l’Eglise – je crois qu’on peut l’appliquer à la famille – : je préfère une famille blessée qui essaie tous les jours de vivre l’amour, à une société malade de l’enfermement et de la facilité de la peur d’aimer. Je préfère une famille qui essaie sans cesse de recommencer, à une société narcissiste et obnubilée par le luxe et le confort. Je préfère une famille au visage épuisé par le don de soi, aux visages maquillés qui n’ont pas su ce qu’est la tendresse et la compassion.

Vous m’avez demandé de prier pour vous et je voudrais commencer à le faire maintenant même, avec vous. Chers mexicains, vous avez un atout, vous avez un avantage. Vous avez une mère ; la Guadalupana a voulu visiter cette terre et cela nous donne la certitude de bénéficier de son intercession pour que ce rêve appelé famille ne se perde pas à cause de la précarité et de la solitude. Elle est toujours prête à défendre nos familles, notre avenir, elle est toujours prête à ‘‘mettre de l’enthousiasme’’, en nous donnant à son Fils. Voilà pourquoi je vous invite à nous tenir par les mains et à dire ensemble : Je vous salue Marie…

Homélie du pape François lors de la Messe au Centre d’Études de Ecatepec, Mexique

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Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie du pape François lors de la Messe au Centre d’Études de Ecatepec au Mexique:

Mercredi dernier nous avons commencé le temps liturgique du Carême où l’Église nous invite à nous préparer à célébrer la grande fête de Pâques. C’est un temps spécial pour rappeler le don de notre baptême, lorsque nous avons été faits enfants de Dieu. L’Église nous invite à raviver le don qui nous a été fait, pour ne pas le laisser endormi comme une chose du passé, ou dans quelque « tiroir aux souvenirs ». Ce temps du Carême est un moment favorable pour retrouver la joie et l’espérance que nous ressentons du fait d’être enfants aimés du Père. Ce Père qui nous attend pour nous enlever les vêtements de la fatigue, de l’apathie, de la méfiance, et nous revêtir de la dignité que seuls un vrai père ou une vraie mère savent donner à leurs enfants, les vêtements qui naissent de la tendresse et de l’amour.

Notre Père est le Père d’une grande famille, il est notre Père. Il sait nourrir un amour unique mais ne sait engendrer ni éduquer des « fils uniques ». C’est un Dieu qui sait ce qu’est le foyer, la fraternité, le pain rompu et partagé. Il est le Dieu du « Notre Père », non pas du « Mon Père », ni du « Votre Père ». 

En chacun de nous se trouve, vit ce rêve de Dieu qu’à chaque Pâques, dans chaque Eucharistie nous célébrons de nouveau : nous sommes enfants de Dieu. Rêve que beaucoup de nos frères ont vécu tout au long de l’histoire. Rêve dont ont témoigné beaucoup de martyrs d’hier et Capture d’écran 2016-02-14 à 12.55.13d’aujourd’hui, en versant leur sang. 

Le Carême est un temps de conversion parce que nous faisons quotidiennement l’expérience dans notre vie de la façon dont ce rêve est sans cesse menacé par le père du mensonge, par celui qui cherche à nous séparer, en créant une société divisée et qui s’affronte. Une société d’un petit nombre et pour un petit nombre. Que de fois ne faisons-nous l’expérience dans notre chair, ou dans notre famille, à travers nos amis ou nos voisins, de la douleur qui naît de ne pas voir reconnue cette dignité que nous portons tous en nous ! Que de fois n’avons-nous pas dû pleurer et regretter de ne nous être pas rendu compte que nous n’avons pas reconnu cette dignité dans les autres ! Que de fois  – et je le dis avec douleur – ne sommes-nous pas aveugles et insensibles devant le manque de reconnaissance de notre propre dignité et de celle d’autrui ! 

Le Carême est un temps pour ajuster les sens, ouvrir les yeux devant tant d’injustices qui portent atteinte directement au rêve et au projet de Dieu. C’est un temps pour démasquer ces trois grandes formes de tentations qui brisent, divisent l’image que Dieu a voulu former.

Trois tentations du Christ…

Trois tentations du chrétien qui essayent de détruire la vérité à laquelle nous avons été appelés.

Trois tentations qui cherchent à dégrader et à nous dégrader.

  1. La richesse, en nous appropriant de biens qui ont été donnés à tous, les utilisant seulement pour moi ou ‘‘pour les miens’’. C’est avoir le « pain » à la sueur du front de l’autre, voire au prix de sa vie. Cette richesse, qui est un pain au goût de douleur, d’amertume, de souffrance. Dans une famille ou une société corrompue, c’est le pain que l’on donne à manger à ses propres enfants. 
  2. La vanité ; elle est la recherche de prestige sur la base de la disqualification continuelle et constante de ceux qui « ne sont pas comme nous ». La recherche exacerbée de ces cinq minutes de gloire, qui ne supporte pas la « gloire » des autres. « Transformant l’arbre tombé en bois de chauffage», elle conduit  à la troisièmetentation :
  3. L’orgueil ; c’est-à-dire se mettre sur un plan de supériorité en tout genre, sentant qu’on ne partage pas ‘‘la vie du commun des mortels’’, et prier tous les jours : « Merci Seigneur parce que tu ne m’as pas fait comme eux ». 

Capture d’écran 2016-02-14 à 12.54.54Trois tentations du Christ…

Trois tentations que le chrétien affronte tous les jours.

Trois tentations qui cherchent à dégrader, détruire et ôter la joie ainsi que la fraîcheur de l’Évangile ; qui nous enferment dans un cercle de destruction et de péché.

Il vaut donc la peine de nous demander :

Jusqu’à quel point sommes-nous conscients de ces tentations dans notre personne, en nous-mêmes ? Jusqu’à quel point sommes-nous habitués à un style de vie qui pense que dans la richesse, dans la vanité et dans l’orgueil se trouvent la source et la force de la vie ? Jusqu’à quel point croyons-nous que l’attention à l’autre, notre souci  et occupation pour le pain, pour le nom et pour la dignité des autres sont source de joie et d’espérance ?

Nous avons choisi Jésus et non le démon, nous voulons suivre ses traces, mais nous savons que ce n’est pas facile. Nous savons ce que signifie être séduit par l’argent, la gloire et le pouvoir. C’est pourquoi l’Église nous offre ce temps, elle nous invite à la conversion avec une seule certitude : Lui nous attend et il veut guérir nos cœurs de tout ce qui le dégrade, en étant dégradé ou en dégradant. Il est le Dieu qui porte un nom : miséricorde. Son nom est notre richesse, son nom est notre gloire, son nom est notre pouvoir et en son nom, une fois de plus, nous redisons avec le Psaume : « Tu es mon Dieu, en toi j’ai mis ma confiance ». Nous pouvons le répéter ensemble « Tu es mon Dieu, en toi j’ai mis ma confiance ».

Qu’en cette Eucharistie le Saint Esprit renouvelle en nous la certitude que son Nom est miséricorde et qu’il nous fasse expérimenter chaque jour que « la joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus… Avec Jésus-Christ la joie naît et renaît toujours » (Evangelii gaudium, n. 1).

« Christ en vous, l’espérance de la gloire »

Le 51e Congrès Eucharistique International a lieu cette semaine à Cebu, aux Philippines, première ville de l’archipel. Il a débuté le 24 janvier et se termine le 31 janvier une semaine après une fête majeure pour les philippins. La Santo Nino est souligné chaque 3e dimanche du mois de janvier depuis près de 500 ans. Elle rappelle la conversion des Philippines au christianisme et le don d’une statuette de l’Enfant-Jésus à la famille royale de l’archipel par l’Espagne au 16e siècle. Le congrès arrive comme un prélude à la célébration du 5e centenaire dans quelques années.

Le choix de Cebu, et des Philippines, comme lieu pour ce congrès, revêt une importance singulière. Dans ce pays à majorité catholique, soit 85% de la population, l’archipel se dresse comme  un « phare du catholicisme » dans le continent d’Asie. C’est l’expression utilisée par l’envoyé spécial du Pape au congrès, le cardinal Charles Maung Bo, archevêque de Rangoun, à la messe d’ouverture du congrès.

Ce pays est certainement riche spirituellement. Mais c’est aussi un pays qui souffre profondément des effets de la mondialisation. La pauvreté et les inégalités sociales sont flagrantes. Il y a un an le pape François était aux Philippines. Il a prononcé des paroles fortes contre les injustices qui persistent dans le pays. « Il est maintenant plus que jamais nécessaire que les dirigeants politiques se distinguent par leur honnêteté, leur intégrité » avait-il interpellé. De manière concrète, il a posé des gestes de miséricorde au cœur des périphéries. Il a surpris des enfants de la rue, une mode trop courante dans l’archipel, des victimes du typhon Haiyan, des jeunes qui lui ont partagé leurs blessures, surtout familiales. Malgré les défis du peuple, pour le Saint Père, l’Asie est une promesse, et les philippins sont appelés à être missionnaire sur tout le continent.

L’Église a le regard tourné vers l’Asie depuis bien avant la visite du pape François. Le pape émérite Benoit XVI, quand il a annoncé le lieu du prochain congrès eucharistique à Cebu, il souhaitait qu’il devienne une occasion de renouvellement spirituel pour les philippins et pour le monde entier. Puis, lorsque le pape Jean Paul II a célébré les Journée mondiale de la jeunesse avec les Philippins à Manille en 1995. Il avait déclaré que l’Asie est un continent d’avenir pour l’évangélisation des peuples.

Le Congrès Eucharistique International vient raffermir ce que l’Église souhaite pour toute l’Asie. Comme le Pape l’avait affirmé au comité organisateur du Congrès en 2014, « Il existe une carence d’espérance dans le monde, c’est pourquoi l’humanité a besoin d’écouter le message de notre espérance en Jésus Christ ». Pendant une semaine, les participants auront l’opportunité de prier, de célébrer la Messe et d’adorer Jésus dans le Saint Sacrement, pour se nourrir toujours plus de sa vie, accueillir sa mission, et « transformer le monde ».

Message du pape François pour le Carême 2016

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«C’est la miséricorde que je veux, et non les sacrifices»(Mt 9,13) Les œuvres de miséricorde dans le parcours jubilaire

1. Marie, icône d’une Eglise qui évangélise parce qu’elle a été évangélisée

Dans la Bulle d’indiction du Jubilé, j’ai invité à faire en sorte que « le Carême de cette Année Jubilaire [soit] vécu plus intensément comme un temps fort pour célébrer et expérimenter la miséricorde de Dieu » ( Misericordiae vultus, n. 17). Par le rappel de l’écoute de la Parole de Dieu et l’initiative « 24 heures pour le Seigneur », j’ai voulu souligner la primauté de l’écoute priante de la Parole, plus particulièrement de la Parole prophétique. La miséricorde de Dieu est certes une annonce faite au monde: cependant chaque chrétien est appelé à en faire l’expérience personnellement. C’est pourquoi, en ce temps de Carême, j’enverrai les Missionnaires de la

Miséricorde afin qu’ils soient pour tous un signe concret de la proximité et du pardon de Dieu. Parce qu’elle a accueilli la Bonne Nouvelle annoncée par l’archange Gabriel, Marie chante prophétiquement dans son Magnificat la miséricorde par laquelle Dieu l’a choisie. La Vierge de Nazareth, promise comme épouse à Joseph, devient ainsi l’icône parfaite de l’Eglise qui évangélise car elle a été et demeure constamment évangélisée par l’œuvre de l’Esprit Saint qui a fécondé son sein virginal. Dans la tradition prophétique – et déjà au niveau étymologique – la miséricorde est étroitement liée aux entrailles maternelles (rahamim) et à une bonté généreuse, fidèle et compatissante (hesed) qui s’exerce dans les relations conjugales et parentales.

2. L’alliance de Dieu avec les hommes : une histoire de miséricorde

Le mystère de la miséricorde divine se dévoile au cours de l’histoire de l’alliance entre Dieu et son peuple Israël. Dieu, en effet, se montre toujours riche en miséricorde, prêt à reverser sur lui en toutes circonstances une tendresse et une compassion viscérales, particulièrement dans les moments les plus dramatiques, lorsque l’infidélité brise le lien du pacte et que l’alliance requiert d’être ratifiée de façon plus stable dans la justice et dans la vérité. Nous nous trouvons ici face à un véritable drame d’amour où Dieu joue le rôle du père et du mari trompé, et Israël celui du fils ou de la fille, et de l’épouse infidèles. Ce sont les images familières, comme nous le voyons avec Osée (cf. Os 1-2), qui expriment jusqu’à quel point Dieu veut se lier à son peuple.

Ce drame d’amour atteint son point culminant dans le Fils qui s’est fait homme. Dieu répand en lui sa miséricorde sans limites, au point d’en faire la « Miséricorde incarnée » (Misericordiae Vultus, n. 8). En tant qu’homme, Jésus de Nazareth est fils d’Israël dans le plein sens du terme. Il l’est au point d’incarner cette écoute parfaite de Dieu demandée à tout Juif par le Shemà qui constitue, aujourd’hui encore, le cœur de l’alliance de Dieu avec Israël : « Ecoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes forces » (Dt 6, 4-5). Le Fils de Dieu est l’Epoux qui met tout en œuvre pour conquérir l’amour de son Epouse. Il lui est lié par son amour inconditionnel qui se manifeste dans les noces éternelles avec elle.

Ceci constitue le cœur vibrant du kérygme apostolique où la miséricorde divine tient une place centrale et fondamentale. Il est « la beauté de l’amour salvifique de Dieu manifesté en Jésus-Christ, mort et ressuscité » (Exhort. apost. Evangelii gaudium, n. 36), cette première annonce « que l’on doit toujours écouter de nouveau de différentes façons, et que l’on doit toujours annoncer de nouveau durant la catéchèse » (Ibid., n. 164). La miséricorde alors « illustre le comportement de Dieu envers le pécheur, lui offrant une nouvelle possibilité de se repentir, de se convertir et de croire » (Misericordiae vultus, n. 21), restaurant vraiment ainsi la relation avec Lui. En Jésus Crucifié, Dieu veut rejoindre l’homme pécheur jusque dans son éloignement le plus extrême, précisément là où il s’est égaré et éloigné de Lui. Et ceci, il le fait dans l’espoir de réussir finalement à toucher le cœur endurci de son Épouse.

3. Les œuvres de miséricorde

La miséricorde de Dieu transforme le cœur de l’homme et lui fait expérimenter un amour fidèle qui le rend capable d’être, à son tour, miséricordieux. C’est à chaque fois un miracle que la miséricorde divine puisse se répandre dans la vie de chacun de nous, en nous incitant à l’amour du prochain et en suscitant ce que la tradition de l’Eglise nomme les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. Elles nous rappellent que notre foi se traduit par des actes concrets et quotidiens, destinés à aider notre prochain corporellement et spirituellement, et sur lesquels nous serons jugés : le nourrir, le visiter, le réconforter, l’éduquer. C’est pourquoi j’ai souhaité que « le peuple chrétien réfléchisse durant le Jubilé sur les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. Ce sera une façon de réveiller notre conscience souvent endormie face au drame de la pauvreté, et de pénétrer toujours davantage le cœur de l’Evangile, où les pauvres sont les destinataires privilégiés de la miséricorde divine » (Ibid., n. 15). Dans la personne du pauvre, en effet, la chair du Christ « devient de nouveau visible en tant que corps torturé, blessé, flagellé, affamé, égaré… pour être reconnu par nous, touché et assisté avec soin » (Ibid.). Inouï et scandaleux mystère qui prolonge dans l’Histoire la souffrance de l’Agneau innocent, buisson ardent brûlant d’un amour gratuit, et devant lequel nous ne pouvons, à la suite de Moïse, qu’ôter nos sandales (cf. Ex 3,5) ; et ceci plus encore quand ce pauvre est notre frère ou notre sœur en Christ qui souffre à cause de sa foi.

Face à cet amour, fort comme la mort (cf. Ct 8,6), le pauvre le plus misérable est celui qui n’accepte pas de se reconnaître comme tel. Il croit être riche mais, en réalité, il est le plus pauvre des pauvres. Et s’il est tel, c’est parce qu’il est esclave du péché qui le pousse à user de la richesse et du pouvoir non pas pour servir Dieu et les autres, mais pour étouffer en lui l’intime conviction de n’être, lui aussi, rien d’autre qu’un pauvre mendiant. D’autant plus grands sont le pouvoir et les richesses dont il dispose, d’autant plus grand est le risque que cet aveuglement devienne mensonger. Il en vient à ne même plus vouloir voir le pauvre Lazare qui mendie à la porte de sa maison (cf. Lc 16, 20-21), figure du Christ qui, dans les pauvres, mendie notre conversion. Lazare est cette opportunité de nous convertir que Dieu nous offre et que peut-être nous ne voyons pas. Cet aveuglement est accompagné d’un délire orgueilleux de toute-puissance, dans lequel résonne, de manière sinistre, ce démoniaque « vous serez comme des dieux » (Gn 3,5), qui est à la racine de tout péché. Un tel délire peut également devenir un phénomène social et politique, comme l’ont montré les totalitarismes du XXème siècle, et comme le montrent actuellement les idéologies de la pensée unique et celles de la technoscience qui prétendent réduire Dieu à l’insignifiance et les hommes à des masses qu’on peut manipuler. Ceci, de nos jours, peut être également illustré par les structures de péché liées à un modèle erroné de développement fondé sur l’idolâtrie de l’argent qui rend indifférentes au destin des pauvres les personnes et les sociétés les plus riches, qui leur ferment les portes, refusant même de les voir.

Pour tous, le Carême de cette Année jubilaire est donc un temps favorable qui permet finalement de sortir de notre aliénation existentielle grâce à l’écoute de la Parole et aux œuvres de miséricorde. Si à travers les œuvres corporelles nous touchons la chair du Christ dans nos frères et nos sœurs qui ont besoin d’être nourris, vêtus, hébergés, visités, les œuvres spirituelles, quant à elles, – conseiller, enseigner, pardonner, avertir, prier – touchent plus directement notre condition de pécheurs. C’est pourquoi les œuvres corporelles et les œuvres spirituelles ne doivent jamais être séparées. En effet, c’est justement en touchant la chair de Jésus Crucifié dans le plus nécessiteux que le pécheur peut recevoir en don la conscience de ne se savoir lui-même rien d’autre qu’un pauvre mendiant. Grâce à cette voie, « les hommes au cœur superbe », « les puissants » et « les riches », dont parle le Magnificat ont la possibilité de reconnaître qu’ils sont, eux aussi, aimés de façon imméritée par le Christ Crucifié, mort et ressuscité également pour eux. Cet amour constitue la seule réponse à cette soif de bonheur et d’amour infinis que l’homme croit à tort pouvoir combler au moyen des idoles du savoir, du pouvoir et de l’avoir. Mais il existe toujours le danger qu’à cause d’une fermeture toujours plus hermétique à l’égard du Christ, qui dans la personne du pauvre continue à frapper à la porte de leur cœur, les hommes au cœur superbe, les riches et les puissants finissent par se condamner eux-mêmes à sombrer dans cet abîme éternel de solitude qu’est l’enfer. C’est alors que résonnent à nouveau, pour eux comme pour nous tous, les paroles ardentes d’Abraham : « Ils ont Moïse et les Prophètes, qu’ils les écoutent ! » (Lc 16,29). Cette écoute agissante nous préparera le mieux à fêter la victoire définitive sur le péché et sur la mort de l’Epoux qui est désormais ressuscité, et qui désire purifier sa future Épouse dans l’attente de son retour.

Ne laissons pas passer en vain ce temps de Carême favorable à la conversion ! Nous le demandons par l’intercession maternelle de la Vierge Marie, qui, la première, face à la grandeur de la miséricorde divine dont elle a bénéficié gratuitement, a reconnu sa propre petitesse (cf. Lc 1,48) en se reconnaissant comme l’humble Servante du Seigneur (cf. Lc 1,38).

FRANCISCUS

Du Vatican, 4 octobre 2015

Fête de Saint-François d’Assise

Message du pape François pour la 50e journée des communications sociales

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(Photo: Courtoisie Catholic News Service)

Vous trouverez ci-dessous le texte complet du message du pape François pour la 50e journée des communications sociales:

Communication et miséricorde: une rencontre féconde

Chers frères et sœurs,

L’Année Sainte de la Miséricorde nous invite à réfléchir sur le rapport entre communication et miséricorde. En effet l’Église, unie au Christ, incarnation vivante de Dieu Miséricordieux, est appelée à vivre la miséricorde comme un trait distinctif de tout son être et de tout son agir. Ce que nous disons et la manière dont nous le disons, chaque parole et chaque geste, devrait pouvoir exprimer la compassion, la tendresse et le pardon de Dieu pour tous. L’amour, par nature, est communication, il conduit à s’ouvrir et non pas à s’isoler. Et si notre cœur et nos gestes sont animés par la charité, par l’amour divin, notre communication sera porteuse de la force de Dieu.

En tant qu’enfants de Dieu, nous sommes appelés à communiquer avec tous, sans exclusion. En particulier, c’est le propre du langage et des actions de l’Église que de transmettre la miséricorde, en sorte de toucher les cœurs des personnes et de les soutenir sur le chemin vers la plénitude de la vie que Jésus Christ, envoyé par le Père, est venu apporter à tous. Il s’agit d’accueillir en nous et de répandre autour de nous la chaleur de l’Église Mère, pour que Jésus soit connu et aimé ; cette chaleur qui donne consistance aux paroles de la foi et qui allume dans la prédication et dans le témoignage l’ « étincelle » qui les rend vivantes.

La communication a le pouvoir de créer des ponts, de favoriser la rencontre et l’inclusion, enrichissant ainsi la société. Comme il est beau de voir des personnes engagées à choisir avec soin des paroles et des gestes pour dépasser les incompréhensions, guérir la mémoire blessée et construire la paix et l’harmonie. Les paroles peuvent jeter des ponts entre les personnes, les familles, les groupes sociaux, les peuples ; que ce soit dans le domaine physique ou dans le domaine numérique. Que les paroles et les actions soient donc telles qu’elles nous aident à sortir des cercles vicieux des condamnations et des vengeances, qui continuent à piéger les individus et les nations, et qui conduisent à s’exprimer avec des messages de haine. La parole du chrétien, au contraire, se propose de faire grandir la communion et, même quand il faut condamner le mal avec fermeté, elle cherche à ne jamais briser la relation et la communication.

Je voudrais donc inviter toutes les personnes de bonne volonté à redécouvrir le pouvoir de la miséricorde de guérir les relations déchirées, et de ramener la paix et l’harmonie entre les familles et dans les communautés. Nous savons tous de quelle manière les vieilles blessures et les ressentiments peuvent piéger les personnes et les empêcher de communiquer et de se réconcilier. Et ceci vaut aussi pour les relations entre les peuples. Dans tous ces cas, la miséricorde est capable de créer une nouvelle manière de parler et de dialoguer, comme l’a ainsi très bien exprimé Shakespeare : « La miséricorde n’est pas une obligation. Elle descend du ciel comme la fraîcheur de la pluie sur la terre. Elle est une double bénédiction : elle bénit celui qui la donne et celui qui la reçoit » (Le Marchand de Venise, Acte 4, Scène 1).

Il est souhaitable que le langage de la politique et de la diplomatie se laisse aussi inspirer par la miséricorde, qui ne donne jamais rien pour perdu. Je fais appel surtout à tous ceux qui ont des responsabilités institutionnelles, politiques et dans la formation de l’opinion publique, pour qu’ils soient toujours vigilants sur la manière de s’exprimer envers celui qui pense ou agit autrement, et aussi envers celui qui peut s’être trompé. Il est facile de céder à la tentation d’exploiter de semblables situations et d’alimenter ainsi les flammes de la défiance, de la peur, de la haine. Il faut au contraire du courage pour orienter les personnes dans des processus de réconciliation ; et c’est justement cette audace positive et créative qui offre de vraies solutions à de vieux conflits, et l’occasion de réaliser une paix durable. « Bienheureux les miséricordieux, parce qu’ils obtiendront miséricorde […] Bienheureux les artisans de paix, parce qu’ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 7.9).

Comme je voudrais que notre manière de communiquer, et aussi notre service de pasteurs dans l’Église, n’exprime jamais l’orgueil fier du triomphe sur un ennemi, ni n’humilie ceux que la mentalité du monde considère comme perdants et à rejeter ! La miséricorde peut aider à tempérer les adversités de la vie et à offrir de la chaleur à tous ceux qui ont seulement connu la froideur du jugement. Que le style de notre communication soit en mesure de dépasser la logique qui sépare nettement les pécheurs des justes. Nous pouvons et devons juger des situations de péché – violence, corruption, exploitation, etc. – mais nous ne pouvons pas juger les personnes, parce que seul Dieu peut lire en profondeur dans leur cœur. C’est notre devoir d’avertir celui qui se trompe, en dénonçant la méchanceté et l’injustice de certains comportements, afin de libérer les victimes et de soulager celui qui est tombé. L’Évangile de Jean nous rappelle que « La vérité vous rendra libres » (Jn 8, 32). Cette vérité est, en définitive, le Christ lui-même, dont la douce miséricorde est la mesure de notre manière d’annoncer la vérité et de condamner l’injustice. C’est notre principal devoir d’affirmer la vérité avec amour (Cf. Ep 4, 15). Seules les paroles prononcées avec amour et accompagnées de douceur et de miséricorde touchent les cœurs des pécheurs que nous sommes. Des paroles et des gestes durs ou moralisants risquent d’aliéner plus tard ceux que nous voudrions conduire à la conversion et à la liberté, en renforçant leur sens du refus et de la défense.

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Discours du pape François lors de sa visite à la Grande Synagogue de Rome

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Vous trouverez ci-dessous le texte complet du discours du pape François lors de sa visite à la Grande Synagogue de Rome le 17 janvier 2016. [Texte original : italien, et hébreu© Traduction de Zenit, Anita Bourdin :

Chers frères et sœurs,
Je suis heureux de me trouver avec vous aujourd’hui dans cette Grande synagogue. Je remercie de leurs paroles courtoises le Dr Di Segni, Mme Dureghello et l’Avocat Gattegna, et je vous remercie tous de votre accueil chaleureux. Toda rabba, merci!

Lors de cette première visite que je fais dans cette synagogue en tant qu’évêque de Rome, je désire vous exprimer, en l’étendant à toutes les communautés juives, le salut fraternel de paix de cette Eglise et de toute l’Eglise catholique. Nos relations me tiennent beaucoup à cœur. A Buenos Aires déjà, j’avais l’habitude de me rendre dans les synagogues pour y rencontrer les communautés qui s’y réunissent, suivre de près les fêtes et les commémorations juives et rendre grâce au Seigneur qui nous donne la vie et qui nous accompagne sur le chemin de l’histoire. Au cours du temps, un lien spirituel s’est créé, qui a favorisé la naissance d’authentiques relations d’amitié et qui ont aussi inspiré un engagement commun.

Dans le dialogue interreligieux, il est fondamental que nous nous rencontrions comme des frères et sœurs devant notre Créateur et que nous lui rendions louange, que nous nous respections, et que nous nous apprécions mutuellement et que nous cherchions à collaborer. Et dans le dialogue judéo-chrétien, il y a un lien unique et particulier, en vertu des racines juives du christianisme : juifs et chrétiens doivent donc se sentir frères, unis par le même Dieu et par un riche patrimoine spirituel commun (cf. Déclaration Nostra aetate, 4), sur lequel se fonder pour continuer à construire l’avenir.

Par ma visite, je suis les pas de mes prédécesseurs. Le pape Jean-Paul II est venu ici il y a trente ans, le 13 avril 1986. Et le pape Benoît XVI a été parmi vous il y a déjà six ans. A cette occasion, Jean-Paul II a forgé cette expression de « frères aînés » et en effet vous êtes nos frères et nos sœurs aînés dans la foi. Nous appartenons tous à une unique famille, la famille de Dieu, qui nous accompagne et qui nous protège comme son peuple. Ensemble, en tant que juifs et en tant que catholiques, nous sommes appelés à assumer nos responsabilités pour cette ville, en apportant notre contribution, avant tout spirituelle, et en favorisant la résolution des différents problèmes actuels. Je souhaite que grandisse toujours plus la proximité, la connaissance réciproque, et l’estime entre nos deux communautés de foi. C’est pourquoi il est significatif que je sois venu parmi vous aujourd’hui, le 17 janvier, alors que la Conférence épiscopale italienne célèbre la Journée du dialogue entre catholiques et juifs.

Nous venons de commémorer le 50e anniversaire de la Déclaration du concile Vatican II, Nostra ætate, qui a rendu possible le dialogue systématique entre l’Eglise catholique et le judaïsme. Le 28 octobre dernier, place Saint-Pierre, j’ai pu saluer aussi de nombreux représentants juifs et je me suis exprimé ainsi : « Dieu mérite une gratitude particulière pour la véritable transformation qu’a subie, au cours de ces 50 années, la relation entre les chrétiens et les juifs. L’indifférence et l’opposition se sont transformées en collaboration et bienveillance. D’ennemis et étrangers, nous sommes devenus amis et frères. Le Concile, avec la déclaration Nostra ætate, a tracé la route : « oui » à la redécouverte des racines juives du christianisme ; « non » à toute forme d’antisémitisme et condamnation de toute injure, discrimination et persécution qui en découlent. »

Nostra ætate a défini théologiquement pour la première fois, de façon explicite, les relations de l’Eglise catholique avec le judaïsme. Elle n’a naturellement pas résolu toutes les questions théologiques qui nous concernent mais elle y a fait référence de façon encourageante, en fournissant un stimulant très important pour des réflexions ultérieures nécessaires. A ce propos, le 10 décembre 2015, la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme a publié un nouveau document qui affronte les questions théologiques qui ont émergé ces dernières décennies, depuis la promulgation de Nostra ætate. En effet, la dimension théologique du dialogue judéo-chrétien mérite d’être toujours plus approfondie, et je désire encourager tous ceux qui sont engagés dans ce dialogue, à continuer dans ce sens avec discernement et persévérance. Justement, d’un point de vue théologique, le lien indissoluble qui unit chrétiens et juifs apparaît clairement. Les chrétiens, pour se comprendre eux-mêmes, ne peuvent pas ne pas se référer à leurs racines juives, et l’Eglise, tout en professant le salut par la foi dans le Christ, reconnaît le caractère irrévocable de l’Ancienne Alliance, et l’amour constant et fidèle de Dieu pour Israël.

Avec les questions théologiques, nous ne devons pas perdre de vue les grands défis que le monde d’aujourd’hui doit affronter. Celui d’une écologie intégrale est désormais prioritaire, et, en tant que chrétiens et juifs, nous pouvons et nous devons offrir à l’humanité tout entière le message de la Bible sur la protection de la Création. Conflits, guerres, violences et injustices ouvrent des blessures profondes dans l’humanité, et nous appellent à renforcer l’engagement pour la paix et pour la justice. La violence de l’homme contre l’homme est en contradiction avec toute religion digne de ce nom, et en particulier les trois grandes religions monothéistes. La vie est sacrée, en tant que don de Dieu. Le cinquième commandement du Décalogue dit : « Tu ne tueras pas » (Ex 20, 13). Dieu est le Dieu de la vie, et il veut toujours la promouvoir et la défendre. Et nous, créés à son image et à sa ressemblance, nous sommes tenus de faire de même. Tout être humain, en tant que créature de Dieu, est notre frère, indépendamment de son origine ou de son appartenance religieuse. Toute personne doit être regardée avec bienveillance, comme Dieu le fait, lui qui tend à tous sa main miséricordieuse, indépendamment de leur foi et de leur provenance, et qui prend soin de ceux qui ont le plus besoin de Lui : les pauvres, les malades, les marginaux, les sans-défense. Là où la vie est en danger, nous sommes encore plus appelés à la protéger. Ni la violence ni la mort n’auront le dernier mot devant Dieu, qui est le Dieu de l’amour et de la vie.

Nous devons le prier avec insistance afin qu’il nous aide à mettre en pratique en Europe, en Terre sainte, au Moyen Orient, en Afrique et dans tout autre partie du monde, la logique de la paix, de la réconciliation, du pardon et de la vie. Au cours de son histoire, le peuple juif a dû faire l’expérience de la violence et de la persécution, jusqu’à l’extermination des juifs européens durant la Shoah. Pour la seule raison de leur appartenance au peuple juif, six millions de personnes ont été victimes de la barbarie la plus inhumaine, perpétrée au nom d’une idéologie qui voulait remplacer Dieu par l’homme. Le 16 octobre 1943, plus de mille hommes, femmes et enfants de la communauté juive de Rome ont été déportés à Auschwitz. Aujourd’hui, je désire me souvenir d’eux de façon spéciale : leurs souffrances, leurs angoisses, leurs larmes ne doivent jamais être oubliées. Et le passé doit nous servir de leçon pour le présent et pour l’avenir. La Shoah nous enseigne qu’il faut toujours la plus grande vigilance pour pouvoir intervenir rapidement pour défendre la dignité humaine et la paix.

Je voudrais exprimer ma proximité à chaque témoin de la Shoah encore vivant. Et je salue particulièrement ceux qui sont présents ici aujourd’hui. Chers frères aînés, nous devons vraiment être reconnaissants pour tout ce qu’il a été possible de réaliser ces cinquante dernières années, parce qu’entre nous ont grandi et se sont approfondies la compréhension réciproque, la confiance mutuelle et l’amitié.

Prions ensemble le Seigneur afin qu’il conduise notre chemin vers un avenir bon, meilleur. Dieu a pour nous des projets de salut, comme le dit le prophète Jérémie :« Je connais mes projets pour vous – oracle du Seigneur – des projets de paix et non de malheur, pour vous accorder un avenir plein d’espérance » (Jérémie 29, 11).

Que le Seigneur nous bénisse et nous protège. Qu’il fasse briller sur nous son visage et nous donne sa grâce. Qu’il tourne vers nous son visage et nous accorde la paix (cf. Nombres 6,24-26). Shalom alechem !

Nous constaterons que nous ne sommes « plus qu’un ».

blog_1452869798(Photo: Courtoisie Catholic News Service)

Du 18 au 25 janvier 2016 aura lieu la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Pour l’occasion, toutes sortes d’activités de ressourcement et de prière œcuménique seront organisées partout dans le monde. Le thème de cette année, « Appelés à proclamer les hauts faits du Seigneur » (cf. 1 Pierre 2, 9) est selon moi très pertinent puisqu’il est facile de faire le lien avec, à la fois, l’année de la miséricorde décrétée par le pape François mais aussi avec la dimension missionnaire de la foi chrétienne. Pour bien vous préparer à cette semaine importante, je vous conseille de consulter ce que nous propose le document du Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens fait conjointement avec 
la Commission Foi et Constitution du Conseil œcuménique des Églises. Avant de s’y attarder plus longuement je voulais vous partager une expérience que j’ai vécu.

Il y a quelques semaines déjà, je suis allé à Québec par l’entremise de l’agence Amigo Express. Pour ceux qui ont déjà utilisé ce service, vous savez que la plupart du temps le voyage commence par la question : « Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? ». Après avoir répondu être journaliste catholique à Sel + Lumière, le conducteur et la passagère ont tous les deux répliqué qu’ils étaient chrétiens eux-aussi, spécifiant qu’ils étaient de dénomination protestante. Nous étions donc trois personnes réunies complètement « par hasard » mais le simple fait de nous savoir chrétiens nous a permis d’échanger sur notre foi et toutes sortes de sujets de société. Je me suis alors rendu compte à quel point les circonstances du monde actuel sont favorables à l’œcuménisme et à l’unité des chrétiens. Notre société n’étant plus chrétienne, le dialogue peut se faire de manière beaucoup plus libre puisque nous n’avons plus vraiment d’intérêt humain à protéger. Selon moi, cela montre que nous avons comme personne et institution atteint une qualité de liberté qui s’approche de plus en plus de la véritable liberté évangélique nécessaire à l’acceptation de la plénitude de la Révélation. C’est ainsi qu’à la fin du voyage, au lieu de leur dire « au revoir » je leur ai dit « Dieu vous bénisse ». Mes interlocuteurs étaient très surpris de m’entendre parler un langage chrétien aussi ouvertement, surtout venant d’un catholique ! Toutefois, ils étaient heureux de la chose et m’ont souhaité la même bénédiction.

Comme je le disais au début, le thème de la semaine de cette année « Appelés à proclamer les hauts faits du Seigneur » (cf. 1 Pierre 2, 9) est fort adéquat puisqu’il manifeste le lien entre l’unité des chrétiens et la transformation missionnaire de l’Église. En effet, ce thème met l’emphase sur « l’appel » de tous les chrétiens. Cette dimension « vocationnelle » de l’unité des chrétiens manifeste bien que cette même unité est d’abord et avant tout un profond désir de Dieu. Cela nous aide donc à prendre conscience des racines humaines des divisions mais également de la priorité de la Grâce dans la construction de cette unité. Nous ne parviendrons à l’unité que si tous ensemble nous nous mettons à l’écoute de la Parole de Dieu d’une manière plus authentique. En ce sens, l’Église catholique ne parviendra à répondre adéquatement aux motions de Dieu que si elle oriente davantage sa pratique pastorale vers la mission. Par le fait même, elle aura mis l’accent sur le dialogue, la prière et l’action commune de tous les chrétiens.

La deuxième partie du thème de cette Semaine de prière pour l’unité des chrétiens souligne que notre appel consiste d’abord à « proclamer les hauts faits du Seigneur ». D’abord, cela signifie que nous devons prendre conscience que notre appel n’est pas de nous proclamer nous-mêmes comme personnes ou communauté mais d’attirer l’attention vers Dieu, vers Jésus. Loin des attitudes « autoréférentielles » (no 94-95) tant décriées par le pape François. Deuxièmement, cette décentralisation de nous-mêmes ne doit pas devenir culpabilisation ou honte de nous-mêmes mais bien manifestation des beautés que Dieu a faites pour nous et en nous. Nous avons tous raison de nous réjouir lorsque nous sommes heureux mais ce bonheur ne peut être authentique qu’en relation avec Celui qui nous donne l’existence et nous appelle à une communion avec Lui. Enfin, de ce témoignage des merveilles de la vie éternelle présentes dans notre vie et reçues par notre baptême, les chrétiens pourront être l’étincelle qui « mettra le feu » au monde. Un feu qui réchauffe et qui donne de l’énergie ! À Cela, de par leur baptême, tous les chrétiens peuvent y participer et, peut-être qu’un jour, alors que nous serons en chemin sans s’en rendre compte, nous nous constaterons que nous ne sommes « plus qu’un » (Jean 17, 11).

Message du pape François pour le Jubilé de la Miséricorde des jeunes garçons et filles

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Vous trouvez ci-dessous le texte complet du message du pape François pour le Jubilé de la Miséricorde des jeunes garçons et filles à Rome du 23 au 25 avril 2016:

Grandir en étant miséricordieux comme le Père

Chers jeunes,

l’Église vit l’Année Sainte de la Miséricorde, un temps de grâce, de paix, de conversion et de joie qui implique tout le monde : petits et grands, proches et lointains. Il n’y a pas de frontière ou de distance qui puissent empêcher la miséricorde du Père de nous rejoindre et de se rendre présente au milieu de nous. Désormais la Porte Sainte est ouverte à Rome et dans tous les diocèses du monde.

Ce temps précieux vous concerne vous aussi, chers jeunes garçons et filles, et je m’adresse à vous pour vous inviter à y prendre part, à en devenir les acteurs, vous découvrant enfants de Dieu (cf. 1 Jn 3, 1). Je voudrais vous appeler un par un, je voudrais vous appeler par votre nom, comme fait Jésus chaque jour, parce que vous savez bien que vos noms sont inscrits dans les cieux (Lc 10, 20), sont gravés dans le cœur du Père qui est le Cœur miséricordieux d’où naît toute réconciliation et toute douceur.

Le Jubilé est une année entière où chaque moment est dit saint afin que notre existence devienne entièrement sainte. C’est une occasion où nous redécouvrons que vivre en frères est une grande fête, la plus belle que nous puissions rêver, la fête sans fin que Jésus nous a enseigné à chanter dans son Esprit. Le Jubilé est la fête à laquelle Jésus invite vraiment chacun, sans distinctions et sans exclure personne. Pour cela j’ai désiré vivre aussi avec vous des journées de prière et de fête. Je vous attends nombreux, donc, au mois d’avril prochain.

“Grandir en étant miséricordieux comme le Père” est le titre de votre Jubilé, mais c’est aussi la prière que nous faisons pour vous tous, vous accueillant au nom de Jésus. Grandir en étant miséricordieux signifie apprendre à être courageux dans l’amour concret et désintéressé, signifie devenir grands aussi bien au physique qu’à l’intérieur. Vous vous préparez à devenir des chrétiens capables de choix et de gestes courageux, en mesure de construire chaque jour, aussi dans les petites choses, un monde de paix.

Vous êtes à un âge d’incroyables changements, où tout semble possible et impossible en même temps. Je vous répète avec beaucoup de force : « Demeurez sur le chemin de la foi avec une ferme espérance dans le Seigneur. Là se trouve le secret de notre chemin ! Lui nous donne le courage d’aller à contrecourant. Croyez-moi: cela fait du bien au cœur, mais il faut du courage pour aller à contrecourant et lui nous donne ce courage ! Avec lui nous pouvons faire de grandes choses ; il nous fera sentir la joie d’être ses disciples, ses témoins. Misez sur les grands idéaux, sur les grandes choses. Nous chrétiens nous ne sommes pas choisis par le Seigneur pour de petites bricoles, allez toujours au- delà, vers les grandes choses. Jouez votre vie pour de grands idéaux ! » (Homélie pour la journée des confirmés de l’Année de la Foi, 28 avril 2013).

Je ne peux pas vous oublier, jeunes garçons et filles, qui vivez dans des contextes de guerre, d’extrême pauvreté, de lutte quotidienne, d’abandon. Ne perdez pas l’espérance, le Seigneur a un grand rêve à réaliser avec vous ! Vos amis de votre âge qui vivent dans des conditions moins dramatiques que la vôtre, se souviennent de vous et s’engagent pour que la paix et la justice puissent appartenir à tous. Ne croyez pas aux paroles de haine et de terreur qui sont souvent répétées ; construisez au contraire des amitiés nouvelles. Offrez votre temps, préoccupez-vous toujours de celui qui vous demande de l’aide. Soyez courageux et à contrecourant, soyez des amis de Jésus, qui est le Prince de la paix (cf. Is 9, 6), « tout en Lui parle de miséricorde. Rien en Lui ne manque de compassion » (Misericordiae vultus, n. 8).

Je sais que vous ne pourrez pas tous venir à Rome, mais le Jubilé est vraiment pour tous et sera célébré aussi dans votre Églises locales. Vous êtes tous invités à ce moment de joie ! Ne préparez pas seulement les sacs et les banderoles, préparez surtout votre cœur et votre esprit. Méditez bien les désirs que vous remettrez à Jésus dans le sacrement de la Réconciliation et dans l’Eucharistie que nous célébrerons ensemble.

Quand vous traverserez la Porte Sainte, rappelez-vous que vous vous engagez à rendre sainte votre vie, à vous nourrir de l’Évangile et de l’Eucharistie, qui sont la Parole et le Pain de la Vie, pour pouvoir construire un monde plus juste et plus fraternel.

Que le Seigneur bénisse chacun de vos pas vers la Porte Sainte. Je prie pour vous l’Esprit Saint, afin qu’il vous guide et vous éclaire. Que la Vierge Marie, qui est Mère de tous, soit pour vous, pour vos familles et pour tous ceux qui vous aident à grandir en bonté et en grâce, une vraie Porte de la Miséricorde.

Du Vatican, le 6 janvier 2016, Solennité de l’Épiphanie du Seigneur

FRANCISCUS

Discours du pape François à l’occasion des voeux du corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège

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Vous trouverez ci-dessous le texte complet du discours du pape François à l’occasion des voeux du corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège:

Excellences, Mesdames et Messieurs,

Je vous adresse une cordiale bienvenue à ce rendez-vous annuel, qui m’offre l’opportunité de vous présenter mes vœux pour la nouvelle année, me permettant de réfléchir avec vous sur la situation de notre monde, béni et aimé de Dieu, pourtant tourmenté et affligé de nombreux maux. Je remercie le nouveau Doyen du Corps diplomatique, Son Excellence Monsieur Armindo Fernandes do Espírito Santo Vieira, Ambassadeur d’Angola, pour les aimables paroles qu’il m’a adressées au nom de tout le Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, alors que je désire rappeler d’une façon spéciale – à presqu’un mois de leur disparition – les regrettés Ambassadeur de Cuba, Rodney Alejandro López Clemente, et du Libéria, Rudolf P. von Ballmoos.

L’occasion m’est offerte aussi d’adresser une pensée particulière à tous ceux qui participent pour la première fois à cette rencontre, relevant avec satisfaction que, au cours de l’année passée, le nombre d’Ambassadeurs résidant à Rome s’est encore accru. Il s’agit d’une indication significative de l’attention avec laquelle la Communauté internationale suit l’activité diplomatique du Saint-Siège. Les Accords internationaux souscrits ou ratifiés au cours de l’année qui vient de s’achever en sont une preuve supplémentaire. Je désire, en particulier, citer ici les ententes spécifiques en matière fiscale signées avec l’Italie et les États-Unis d’Amérique, qui témoignent de l’engagement accru du Saint-Siège en faveur d’une plus grande transparence dans les questions économiques. Non moins importants sont les accords de caractère général, en vue de réguler des aspects essentiels de la vie et de l’activité de l’Église dans les différents pays, comme l’entente signée à Díli avec la République du Timor-Oriental.

Je désire également rappeler l’échange des Instruments de ratification de l’Accord avec le Tchad sur l’état juridique de l’Église catholique dans le pays, comme aussi l’Accord signé et ratifié avec la Palestine. Il s’agit de deux accords qui, avec le Mémorandum d’Entente entre la Secrétairerie d’État et le Ministère des Affaires étrangères du Koweït, montrent, entre autre, comment le vivre-ensemble pacifique entre des personnes appartenant à des religions différentes est possible, là où la liberté religieuse est reconnue et où la possibilité effective de collaborer à l’édification du bien commun, dans le respect réciproque de l’identité culturelle de chacun, est garantie.

D’autre part, chaque expérience religieuse authentiquement vécue ne peut que promouvoir la paix. Noël, que nous venons de célébrer et où nous avons contemplé la naissance d’un enfant sans défense, « appelé : Conseiller merveilleux, Dieu-fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix » (cf. Is 9, 5), nous le rappelle. Le mystère de l’Incarnation nous montre le vrai visage de Dieu, pour qui puissance ne signifie pas force et destruction, mais bien amour ; justice ne signifie pas vengeance, mais bien miséricorde. C’est dans cette perspective que j’ai voulu proclamer le Jubilé extraordinaire de la Miséricorde, inauguré exceptionnellement à Bangui au cours de mon voyage apostolique au Kenya, en Ouganda et en République Centrafricaine. Dans un pays longuement éprouvé par la faim, la pauvreté et les conflits, où la violence fratricide des dernières années a laissé des blessures profondes dans les âmes, déchirant la communauté nationale et engendrant misère matérielle et morale, l’ouverture de la Porte Sainte de la Cathédrale de Bangui a voulu être un signe d’encouragement à élever le regard, à reprendre la route et à retrouver les raisons du dialogue. Là où l’on a abusé du nom de Dieu pour commettre l’injustice, j’ai voulu rappeler, avec la communauté musulmane de la République Centrafricaine, que « celui qui dit croire en Dieu doit être aussi un homme, une femme de paix » [1], et donc de miséricorde, puisqu’on ne peut jamais tuer au nom de Dieu. Seule une Capture d’écran 2016-01-11 à 09.57.35forme idéologique et déviée de la religion peut penser rendre justice au nom du Tout-Puissant, en massacrant délibérément des personnes sans défense, comme cela est arrivé dans les attentats terroristes sanglants des mois derniers en Afrique, en Europe et au Moyen-Orient.

La miséricorde a été comme le “fil conducteur” qui a guidé mes voyages apostoliques déjà au cours de l’année passée. Je me réfère surtout à la visite à Sarajevo, ville profondément blessée par la guerre dans les Balkans et capitale d’un pays, la Bosnie Herzégovine, qui revêt une signification spéciale pour l’Europe et pour le monde entier. Un tel carrefour de cultures, nations et religions s’efforce, avec des résultats positifs, de construire toujours de nouveaux ponts, de valoriser ce qui unit et de regarder les différences comme des opportunités de croissance dans le respect de tous. Cela est possible grâce au dialogue patient et confiant, qui sait faire siennes les valeurs de la culture de chacun et accueillir le bien provenant des expériences d’autrui [2].

Ma pensée va ensuite au voyage en Bolivie, en Équateur et au Paraguay, où j’ai rencontré des peuples qui ne se rendent pas face aux difficultés et affrontent avec courage, détermination et esprit de fraternité les nombreux défis qui les tourmentent, à commencer par la pauvreté diffuse et les inégalités sociales. Au cours du voyage à Cuba et aux États-Unis d’Amérique, j’ai pu embrasser deux pays qui ont été longuement divisés et qui ont décidé d’écrire une nouvelle page de l’histoire, en entreprenant un chemin de rapprochement et de réconciliation.

À Philadelphie, à l’occasion de la Rencontre mondiale des familles, comme aussi au cours du voyage au Sri Lanka et aux Philippines et avec le récent Synode des Évêques, j’ai rappelé l’importance de la famille, qui est la première et la plus importante école de miséricorde, où l’on apprend à découvrir le visage affectueux de Dieu et où notre humanité grandit et se développe. Malheureusement, nous connaissons les nombreux défis que la famille doit affronter en ce temps, où elle est « menacée par les efforts croissants de certains pour redéfinir l’institution-même du mariage à travers le relativisme, la culture de l’éphémère et un manque d’ouverture à la vie » [3]. Il y a aujourd’hui une peur diffuse face au caractère définitif que la famille exige et en font les frais surtout les plus jeunes, souvent fragiles et désorientés, et les personnes âgées qui finissent par être oubliées et abandonnées. Au contraire, « de la fraternité vécue en famille, naît (…) la solidarité dans la société » [4], qui nous porte à être responsable les uns des autres. Cela est possible seulement si dans nos maisons, de même que dans nos sociétés, nous ne laissons pas se sédimenter les peines et les ressentiments, mais donnons place au dialogue, qui est le meilleur antidote à l’individualisme si largement répandu dans la culture de notre temps.

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« Faits pour plus » : une entrevue avec Leah Darrow

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Il y a une semaine, j’étais présent lors de la conférence Rise up 2015 de CCO/Mission Campus à l’hôtel Le Reine Élizabeth de Montréal. Lors de cette conférence, j’ai eu la chance de rencontrer l’auteure et conférencière Leah Darrow qui s’était déplacée pour l’occasion. J’ai eu l’opportunité de la rencontrer pour parler avec elle du thème de sa conférence intitulée « Made for more », littéralement en français « Faits pour plus » et qui retraçait son expérience de conversion à Dieu alors qu’elle était mannequin pour les plus grandes agences de mode de New York. Voici la traduction française de l’entrevue que vous pourrez visionner bientôt sur nos ondes.

Pouvez-vous nous parler de vous, de votre parcours et nous faire un résumé de la conférence que vous avez prononcée ici au Congrès national Rise Up 2015 à Montréal?

Leah Darrow : Et bien, je suis né et j’ai grandi dans la religion catholique. Lorsque j’ai eu quinze ans et que j’étais à l’école secondaire, j’ai commencé à m’éloigner peu à peu de ma foi et ça m’a amenée à regarder plutôt vers ce que le monde pouvait m’offrir et ce qu’il me promettait pour me combler. J’ai donc commencé à considérer ce qu’il pouvait m’enseigner sur l’amour, les relations, sur la beauté et la féminité. Malheureusement, le monde m’a donné des réponses qui n’étaient pas très saines mais je les ai suivies quand même et cela m’a menée jusqu’au point où après avoir auditionné à l’émission « America Next Top Model », j’ai pu y participer. J’habitais donc à New York et je vivais la vie de mannequin. Un jour, j’ai eu un contrat avec un magazine international de mode et, lors d’une séance de photos, croyez-le ou non mais j’ai eu un moment de conversion. Dieu a vraiment touché mon cœur d’une manière très forte et profonde. Pour résumer, je crois qu’à ce moment-là, j’ai réalisé que j’étais faite pour plus; que j’étais faite pour plus que pour cette revue et le type de relations dans lesquelles j’étais engagée avec les hommes. J’en suis venue à comprendre que le mode de vie que je vivais jusque là n’était ni le plus sain, ni le meilleur. Ce fut donc un moment dans ma vie où j’ai pu revenir vers Dieu et où je lui ai demandé de revenir dans ma vie et de la Capture d’écran 2016-01-07 à 10.46.39changer. J’ai donc commencé cette nouvelle vie avec le sacrement de la réconciliation. Ce changement a pris plusieurs années mais une fois que j’ai été remise sur pied s’est présentée l’opportunité de partager mon histoire. Et c’est ce que je continue de faire.

Ce soir, j’ai partagé mon histoire de conversion ici à la conférence Rise Up avec tous les jeunes adultes présents et j’ai insisté sur le fait que nous avons été créés pour plus que ce que le monde nous propose. Je crois que c’est le message central de ma conférence : la miséricorde de Dieu est abondante et généreuse. Dieu peut nous aider à voir que nous avons été faits pour davantage lorsque nous Lui donnons notre cœur et notre vie.


Vous faites cela depuis combien de temps et quelles sont les réactions des gens que vous rencontrez lors de vos conférences?

Leah Darrow : Je fais des conférences depuis 2008. Je fais donc cela depuis quelques années maintenant. C’est véritablement une grâce puisque c’est définitivement pas quelques chose que j’avais prévu! Je n’ai jamais pensé que j’allais raconter mon histoire aux gens… J’ai eu ce moment extraordinaire de conversion au Christ et je vivais une vie de chrétienne normale en essayant d’être de jour en jour plus proche de Lui mais je ne pensais pas qu’Il voulait que je parle de mon expérience. Pour être franche, je ne voulais pas vraiment en parler mais parfois vient un moment où une opportunité apparaît. À ce moment-là, je me suis sentie appelée par Dieu à livrer mon histoire afin que d’autres puissent savoir qu’ils ne sont pas seuls. J’ai donc finalement dit « oui » au Seigneur à le servir de cette manière.

Capture d’écran 2016-01-07 à 10.46.47J’aime vraiment les rencontres et les témoignages que je reçois des personnes qui m’ont entendue. Très souvent des personnes viennent me voir et me disent : «moi aussi », peut-être pas de la même manière mais eux aussi sont tombés et ont fait des erreurs. Pour eux, c’est encourageant d’entendre quelqu’un leur dire : « vous n’êtes pas vos péchés » et qu’ils peuvent revenir même s’ils ont un passé dont ils ne sont pas fiers. C’est ce que Dieu a fait avec moi. Nos vies sont vraiment importantes. Nous serons peut-être le seul exemplaire de l’Évangile que bien des personnes pourront lire! C’est pour cela que nous devons absolument faire en sorte que nos vies soient centrées sur le Christ, sur sa Grâce et son Amour et de les partager avec les autres avec joie et un sourire.

Je peux témoigner de l’engouement des jeunes ce soir pour ce que vous avez dit durant votre conférence. Quelles sont vos réactions à vous suite à la conférence de ce soir à Montréal?

Leah Darrow : C’est une bénédiction et un honneur parce que j’ai accès aux premières loges d’où je peux assister au travail de l’Esprit Saint! En effet, je peux voir directement ce que l’Esprit Saint fait dans le cœur des personnes et c’est très beau. J’aime livrer mon témoignage mais la meilleure partie de mon histoire c’est le Christ. Vous savez, si vous preniez mon histoire et que vous y enleviez Dieu, ce serait une histoire très triste. Cependant, lorsque je montre comment Dieu est entré dans ma vie, c’est vraiment ce qui rend mon histoire fantastique parce qu’elle est centrée sur la miséricorde et la conversion. Je crois que les personnes aiment beaucoup cette histoire parce cela permet de réaliser qu’eux aussi n’ont plus à vivre de cette manière. Qu’ils peuvent vivre une meilleure vie et qu’eux aussi ont été créés pour davantage. Les réponses que j’ai eues de la part des jeunes de ce soir étaient exceptionnelles. C’était beau de voir comment Dieu travaille dans leurs cœurs. Plusieurs personnes sont venues me voir pour me dire qu’elles allaient aller à la confession pour la première fois depuis des années parce qu’ils ont senti que Dieu les avaient touchés à ce moment-là. Quelle bénédiction de pouvoir être témoin de cela! De voir que Dieu utilise tout le monde. Des gens brisés comme moi peuvent travailler à sa mission et je me considère honorée et bénie de pouvoir faire partie de cette œuvre.

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