Discours du pape François à l’occasion des voeux du corps diplomatique

CNS photo/L’Osservatore Romano, handout

Vous trouverez ci-dessous le texte complet du pape François à l’occasion des voeux du corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège:9 Janvier 2017, Salle Royale, h 10.30

Excellences, chers Ambassadeurs, Mesdames et Messieurs,
Je vous adresse une cordiale bienvenue et je vous remercie pour votre présence si nombreuse et attentive à ce traditionnel rendez-vous qui permet de nous échanger mutuellement le vœu que l’année commencée depuis peu soit pour tous un temps de joie, de prospérité et de paix. Je remercie particulièrement le Doyen du Corps diplomatique, Son Excellence Monsieur Armindo Fernandes do Espírito Santo Vieira, Ambassadeur d’Angola, pour les paroles déférentes qu’il m’a adressées au nom de tout le Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, qui s’est récemment agrandi suite à l’établissement des relations diplomatiques avec la République islamique de Mauritanie, réalisé il y a un mois. Je désire également exprimer ma gratitude aux nombreux Ambassadeurs résidents à Rome, dont le nombre s’est accru au cours de la dernière année, comme aussi aux Ambassadeurs non-résidents, qui par leur présence aujourd’hui entendent souligner les liens d’amitié qui unissent leurs peuples au Saint-Siège. En même temps, il me tient à cœur d’adresser particulièrement mes condoléances à l’Ambassadeur de la Malaisie, faisant mémoire de son prédécesseur, Dato’ Mohd Zulkephli Bin Mohd Noor, décédé en février dernier.

Au cours de l’année passée, les relations entre vos pays et le Saint-Siège ont eu l’occasion de s’approfondir ultérieurement grâce aux visites appréciées de nombreux chefs d’Etat et de gouvernement, en concomitance aussi avec les divers rendez-vous qui ont constellé le Jubilé extraordinaire de la Miséricorde, conclu depuis peu. Divers ont aussi été les Accords bilatéraux signés ou ratifiés, qu’ils soient de caractère général, en vue de reconnaître le statut juridique de l’Eglise avec la République Démocratique du Congo, la République Centrafricaine, le Bénin et avec le Timor Oriental, ou de caractère plus spécifique comme l’Avenant signé avec la France, ou la Convention en matière fiscale avec la République Italienne, récemment entrée en vigueur, auxquels s’ajoute le Memorandum d’Entente entre la Secrétairerie d’État et le Gouvernement des Émirats Arabes Unis. En outre, dans la perspective de l’engagement du Saint-Siège à être fidèle aux obligations engagées par les accords souscrits a été aussi réalisée une pleine mise en œuvre du Comprehensive Agreement avec l’Etat de Palestine, entré en vigueur il y a une année.

Chers Ambassadeurs,

Il y a un siècle, le monde se trouvait en plein dans le premier conflit mondial. Un massacre inutile (inutile strage )1, où les nouvelles techniques de combat semaient la mort et causaient d’effroyables souffrances aux populations civiles sans défense. En 1917, le visage du conflit changea profondément, acquérant une physionomie toujours plus mondiale tandis qu’apparaissaient à l’horizon ces régimes totalitaires qui seraient pour longtemps cause de divisions déchirantes. Cent années après, de nombreuses régions du monde peuvent dire avoir bénéficié de périodes prolongées de paix, qui ont favorisé l’opportunité d’un développement économique et des formes de bien-être sans précédents. Si pour beaucoup aujourd’hui, la paix semble, de quelque manière, un bien établi, presqu’un droit acquis auquel on ne fait plus très attention, pour trop elle est encore seulement un lointain mirage. Des millions de personnes vivent encore au centre de conflits insensés. Même dans des lieux un temps considérés comme sûrs, on perçoit un sentiment général de peur. Nous sommes fréquemment accablés par des images de mort, de douleur d’innocents qui implorent aide et consolation, de deuil de qui pleure un être cher à cause de la haine et de la violence, du drame des réfugiés qui fuient la guerre ou des migrants qui périssent tragiquement.

Je voudrais donc consacrer la rencontre d’aujourd’hui au thème de la sécurité et de la paix, puisque dans le climat d’appréhension générale pour le présent et d’incertitude et d’angoisse pour l’avenir, dans lequel nous nous trouvons immergés, je pense important d’adresser une parole d’espérance, qui indique aussi une perspective de chemin. ème

Il y a quelques jours, nous avons célébré la 50 Journée mondiale de la Paix, instituée par mon bienheureux prédécesseur, le Pape Paul VI « comme un souhait et une promesse, à l’ouverture du calendrier qui mesure et décrit le chemin de la vie humaine dans le temps. Nous voudrions voir la paix, avec son juste et bienfaisant équilibre, dominer le déroulement de l’histoire à venir »2. Pour les chrétiens, la paix est un don du Seigneur, acclamé et chanté par les anges au moment de la naissance du Christ : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’Il aime » (Lc 2, 14). Elle est un bien positif, « le fruit d’un ordre qui a été implanté dans la société humaine »3 par Dieu et « n’est pas simplement absence de guerre »4. Elle ne peut « se réduire à maintenir stable l’équilibre de forces adverses »5, elle exige plutôt l’engagement de ces personnes de bonne volonté qui « aspirent sans cesse à une justice plus parfaite »6.

Dans cette perspective, j’exprime ma vive conviction que chaque expression religieuse soit appelée à promouvoir la paix. On a pu l’expérimenter de manière significative au cours de la Journée mondiale de prière pour la paix, qui s’est tenue à Assise en septembre dernier, au cours de laquelle les représentants des différentes religions se sont retrouvés pour « prêter notre voix à tous ceux qui souffrent, à tous ceux qui sont sans voix et sans personne qui les écoute »7, comme aussi au cours de ma visite au Temple Majeur de Rome ou à la Mosquée de Bakou.

Nous savons combien n’ont pas manquées les violences motivées religieusement, à partir justement de l’Europe, où les divisions historiques entre les chrétiens ont duré trop longtemps. Dans mon récent voyage en Suède, j’ai voulu rappeler le besoin urgent de guérir les blessures du passé et de cheminer ensemble vers des buts communs. A la base d’un tel chemin, il ne peut qu’y avoir le dialogue authentique entre les différentes confessions religieuses. C’est un dialogue possible et nécessaire, comme j’ai cherché à en témoigner dans la rencontre qui a eu lieu à Cuba avec le Patriarche Cyrille de Moscou, comme aussi au cours des voyages apostoliques en Arménie, Géorgie et Azerbaïdjan, où j’ai perçu la juste aspiration de ces populations à calmer les conflits qui depuis des années portent préjudice à la concorde et à la paix.

En même temps, il est opportun de ne pas oublier les multiples œuvres, d’inspiration religieuse, qui concourent, tant de fois aussi avec le sacrifice des martyrs, à l’édification du bien commun, à travers l’éducation et l’assistance, surtout dans les régions les plus difficiles et sur les théâtres de conflit. De telles œuvres contribuent à la paix et donnent un témoignage de la manière dont on peut concrètement vivre et travailler ensemble, même en appartenant à des peuples, à des cultures et à des traditions différentes, toutes les fois où l’on place la dignité de la personne humaine au centre de ses activités.

Malheureusement, nous sommes conscients qu’encore aujourd’hui, l’expérience religieuse, au lieu d’ouvrir aux autres, peut parfois être utilisée comme prétexte de fermetures, de marginalisations et de violences. Je me réfère particulièrement au terrorisme de matrice fondamentaliste, qui a fauché encore l’année dernière de nombreuses victimes dans différents pays, en Afghanistan, Bengladesh, Belgique, Burkina Faso, Egypte, France, Allemagne, Jordanie, Irak, Nigeria, Pakistan, Etats-Unis d’Amérique, Tunisie et Turquie. Ce sont des gestes vils, qui utilisent des enfants pour tuer, comme au Nigéria ; ils visent celui qui prie, comme dans la Cathédrale copte du Caire, ou simplement celui qui se promène dans les rues de la ville, comme à Nice et à Berlin, ou simplement celui qui fête l’arrivée du nouvel an, comme à Istanbul.

Il s’agit d’une folie homicide qui abuse du nom de Dieu pour semer la mort, dans la tentative d’affirmer une volonté de domination et de pouvoir. Je fais donc appel à toutes les autorités religieuses afin qu’elles soient unies pour rappeler avec force qu’on ne peut jamais tuer au nom de Dieu. Le terrorisme fondamentaliste est un fruit d’une grave misère spirituelle, à laquelle est souvent liée aussi une grande pauvreté sociale. Elle peut être pleinement vaincue seulement avec la contribution commune des leaders religieux et politiques. Aux premiers, revient la tâche de transmettre des valeurs religieuses qui n’admettent pas d’opposition entre la crainte de Dieu et l’amour pour le prochain. Aux seconds, il revient de garantir dans l’espace publique le droit à la liberté religieuse, en reconnaissant la contribution positive qu’elle exerce dans l’édification de la société civile, où ne peuvent être perçues comme contradictoires l’appartenance sociale, sanctionnée par le principe de citoyenneté, et la dimension spirituelle de la vie. A celui qui gouverne revient, en outre, la responsabilité d’éviter que se forment ces conditions qui deviennent un terrain fertile pour le déferlement des fondamentalismes. Cela demande des politiques sociales adaptées en vue de combattre la pauvreté, qui ne peuvent pas se séparer d’une valorisation sincère de la famille, comme lieu privilégié de la maturation humaine, et d’importants investissements dans le domaine éducatif et culturel.

À ce sujet, j’accueille avec intérêt l’initiative du Conseil de l’Europe sur la dimension religieuse du dialogue interculturel, qui l’année passée a mis en relief le thème du rôle de l‘éducation dans la prévention de la radicalisation qui conduit au terrorisme et à l’extrémisme violent. Il s’agit d’une opportunité pour approfondir la contribution du phénomène religieux et le rôle de l’éducation pour une véritable pacification du tissu social, nécessaire pour le vivre-ensemble dans une société multiculturelle.

Dans ce sens, je désire exprimer la conviction que chaque autorité politique ne doit pas se limiter à garantir la sécurité de ses citoyens – ce qui peut facilement reconduire à un simple “vivre tranquille”- mais est aussi appelé à se faire véritable promoteur et artisan de paix. La paix est une “vertu active” qui demande l’engagement et la collaboration de chaque personne et du corps social tout entier dans son ensemble. Comme l’observait le Concile Vatican II – « la paix n’est jamais définitivement acquise, mais est toujours à construire »8, protégeant le bien des personnes, en respectant leur dignité. L’édifier demande surtout de renoncer à la violence dans la défense de ses propres droits9. C’est vraiment à ce principe que j’ai voulu consacrer le message pour la Journée mondiale de la Paix 2017, l’intitulant : « La non-violence : style d’une politique pour la paix », pour rappeler surtout combien la non-violence est un style politique, basé sur le primat du droit et de la dignité de chaque personne.

Construire la paix exige aussi que « soit éliminées les causes de discorde qui nourrissent les guerres »10, à commencer par les injustices. En effet, il existe un lien intime entre la justice et la paix11. « Mais – observait saint Jean-Paul II –, parce que la justice humaine est toujours fragile et imparfaite, exposée qu’elle est aux limites et aux égoïsmes des personnes et des groupes, elle doit s’exercer et, en un sens, être complétée par le pardon qui guérit les blessures et qui rétablit en profondeur les rapports humains perturbées. (…) Le pardon ne s’oppose d’aucune manière à la justice [mais] il vise plutôt cette plénitude de justice qui mène à la tranquillité de l’ordre, (…) qui est guérison en profondeur des blessures qui ensanglantent les esprits Pour cette raison, la justice et le pardon sont tous les deux essentiels »12. Ces paroles aujourd’hui plus que jamais actuelles, ont rencontré la disponibilité de quelques Chefs d’Etat ou de Gouvernement à accueillir mon invitation à accomplir un geste de clémence envers les prisonniers. À eux, comme aussi à tous ceux qui s’emploient à créer des conditions de vie dignes pour les détenus et à favoriser leur réinsertion dans la société, je désire exprimer ma particulière reconnaissance et gratitude.

Je suis convaincu que pour beaucoup, le Jubilé extraordinaire de la Miséricorde a été une occasion particulièrement propice aussi pour découvrir la « grande et positive incidence de la miséricorde en tant que valeur sociale »13. Chacun peut ainsi contribuer à donner vie à « une culture de la miséricorde, fondée sur la redécouverte de la rencontre des autres : une culture dans laquelle personne ne regarde l’autre avec indifférence ni ne détourne le regard quand il voit la souffrance des frères »14. Ainsi seulement on pourra construire des sociétés ouvertes et accueillantes envers les étrangers et, en même temps, sûres et en paix à l’intérieur. Cela est d’autant plus nécessaire dans le temps présent où des flux migratoires considérables continuent sans arrêt dans différentes parties du monde. Je pense d’une façon particulière aux nombreux migrants et réfugiés dans certaines régions de l’Afrique, dans le Sud-Est asiatique et à tous ceux qui fuient les zones de conflit au Moyen-Orient.

L’année dernière, la Communauté internationale s’est confrontée à deux importants rendez-vous convoqués par les Nations Unies : le premier Sommet Humanitaire Mondial et le Sommet sur les Grands Mouvements de Réfugiés et de Migrants. Un engagement commun en faveur des migrants, des personnes déplacées et des réfugiés, qui permette de leur donner un accueil digne, est nécessaire. Ceci implique de savoir conjuguer le droit « de tout homme […] de se rendre à l’étranger et de s’y fixer»15, et en même temps de garantir la possibilité d’intégrer les migrants dans les tissus sociaux où ils s’insèrent, sans que ceux-ci sentent leur sécurité, leur identité culturelle et leurs équilibres sociopolitiques menacés. D’autre part, les migrants eux-mêmes ne doivent pas oublier qu’ils ont le devoir de respecter les lois, la culture et les traditions des pays dans lesquels ils sont accueillis.

Une démarche prudente de la part des autorités publiques ne comprend pas la mise en œuvre de politiques de fermeture envers les migrants, mais implique d’évaluer avec sagesse et prévoyance jusqu’à quel point leur pays est en mesure d’offrir une vie décente aux migrants, spécialement à ceux qui ont effectivement besoin de protection, sans porter atteinte au bien commun des citoyens. Surtout, on ne peut pas réduire la crise dramatique actuelle à un simple comptage numérique. Les migrants sont des personnes, avec des noms, des histoires, des familles, et une véritable paix ne pourra jamais advenir tant qu’il y aura même un seul être humain violé dans son identité personnelle et réduit à être un simple numéro statistique ou un objet d’intérêt économique.

Le problème migratoire est une question qui ne peut laisser aucun pays indifférent alors que d’autres assument l’obligation humanitaire d’affronter une situation d’urgence qui semble être sans fin, souvent avec d’importants efforts et de lourdes difficultés. Tous devraient se sentir constructeurs et participants du bien commun international, également par des gestes concrets d’humanité qui sont des facteurs essentiels de cette paix et de ce développement que des nations entières et des millions de personnes attendent encore. Je suis pour cela reconnaissant aux nombreux pays qui, avec générosité, accueillent ceux qui sont dans le besoin, en commençant par divers pays européens, en particulier l’Italie, l’Allemagne, la Grèce et la Suède.

Je resterai toujours marqué par le voyage que j’ai fait avec mes frères le Patriarche Bartholomée et l’Archevêque Jérôme à l’île de Lesbos, où j’ai vu et touché de la main la situation dramatique des camps de réfugiés, mais aussi l’humanité et l’esprit de service de beaucoup de personnes engagées à les assister. Il ne faut pas oublier non plus l’accueil offert par d’autres pays européens et du Moyen Orient, comme le Liban, la Jordanie, la Turquie, comme aussi l’engagement de divers d’Afrique et d’Asie. Au cours de mon voyage au Mexique également, où j’ai pu faire l’expérience de la joie du peuple mexicain, je me suis senti proche des milliers de migrants d’Amérique Centrale, qui affrontent de terribles injustices ainsi que des dangers en essayant de trouver un avenir meilleur, victimes d’extorsion et objets de ce déplorable commerce – forme horrible d’esclavage moderne – qu’est la traite des personnes.

Une telle “vision réduite” de l’homme, qui prête le flanc à la diffusion de l’iniquité, des inégalités sociales, de la corruption, est ennemie de la paix. Au sujet de ce dernier phénomène, le Saint- Siège a pris de nouveaux engagements en déposant, formellement le 19 septembre dernier, l’instrument d’adhésion à la Convention des Nations Unies contre la Corruption, adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 31 octobre 2003.

Dans son Encyclique Populorum progressio, dont c’est le cinquantième anniversaire cette année, le Bienheureux Paul VI rappelait comment ces inégalités provoquent des discordes. «Le chemin de la paix passe par le développement»16 que les pouvoirs publics ont le devoir d’encourager et de favoriser, en créant les conditions d’une distribution plus égale des ressources et en stimulant les opportunités de travail surtout pour les plus jeunes. Il y a encore trop de personnes dans le monde, surtout des enfants, qui souffrent de pauvreté endémique et qui vivent dans des conditions d’insécurité alimentaire – et même de faim – alors que les ressources naturelles font l’objet de l’exploitation avide d’un petit nombre et que d’énormes quantités de nourriture sont jetées tous les jours.

Les enfants et le jeunes sont l’avenir, c’est pour eux que l’on travaille et construit. Ils ne peuvent pas être égoïstement négligés et oubliés. Pour cette raison, comme je l’ai rappelé récemment dans une lettre envoyée à tous les Évêques, je considère comme prioritaire la défense des enfants, dont l’innocence est souvent brisée sous le poids de l’exploitation, du travail clandestin et d’esclave, de la prostitution ou des abus des adultes, des bandits et des marchands de mort17.

Au cours de mon voyage en Pologne, à l’occasion des Journées Mondiales de la Jeunesse, j’ai pu rencontrer des milliers de jeunes, pleins d’enthousiasme et de joie de vivre. Mais j’ai vu la douleur et la souffrance de beaucoup d’autres. Je pense aux jeunes gens et jeunes filles qui subissent les conséquences de l’atroce conflit en Syrie, privés des joies de l’enfance et de la jeunesse : de la possibilité de jouer librement à l’opportunité d’aller à l’école. Ma pensée constante va vers eux et vers tout le cher peuple syrien, alors que je fais appel à la Communauté internationale pour qu’on agisse avec diligence pour donner vie à des négociations sérieuses mettant définitivement un point final au conflit qui est en train de provoquer une véritable catastrophe humanitaire. Chacune des parties en cause doit avoir comme prioritaire le respect du droit humanitaire international, en garantissant la protection des civils et l’assistance humanitaire nécessaire à la population. Le souhait commun est que la trêve récemment signée puisse être un signe d’espérance pour tout le peuple syrien, qui en a un profond besoin.

Ceci exige aussi que l’on agisse pour éradiquer le déplorable commerce des armes et l’élan continuel à produire et répandre des armements toujours plus sophistiqués. Les expériences conduites dans la péninsule coréenne, qui déstabilisent toute la région et posent d’inquiétantes questions à toute la communauté internationale autour du risque d’une nouvelle course aux armes nucléaires, causent un grand trouble. Les paroles de saint Jean XXIII dans Pacem in terris demeurent encore très actuelles, quand il affirmait que « la sagesse, le sens de l’humanité réclament qu’on arrête la course aux armements, la réduction parallèle et simultanée de l’armement existant dans les divers pays, la proscription de l’arme atomique »18. Dans cette perspective, et aussi en vue de la prochaine Conférence sur le Désarmement, le Saint-Siège s’emploiera à promouvoir une éthique de la paix et de la sécurité qui va au-delà de cette peur et “fermeture” qui conditionne le débat sur les armes nucléaires.

De plus, en ce qui concerne les armements conventionnels, il faut remarquer la facilité avec laquelle on peut souvent accéder au marché des armes, y compris de petit calibre, ce qui, en plus d’aggraver la situation dans les diverses zones de conflit, produit un sentiment diffus et général d’insécurité et de peur d’autant plus dangereux que nous traversons des moments d’incertitude sociale et de changements d’époque comme l’actuel.

L’idéologie, qui utilise les difficultés sociales pour attiser le mépris et la haine et qui voit l’autre comme un ennemi à anéantir, est ennemie de la paix. Malheureusement, de nouvelles formes d’idéologies se présentent continuellement à l’horizon de l’humanité. Se déguisant en porteuses de bien pour le peuple, elles laissent au contraire derrière elles pauvreté, divisions, tensions sociales, souffrance et souvent aussi, la mort. La paix, au contraire, se conquiert par la solidarité. D’elle germe la volonté de dialogue et la collaboration qui trouve dans la diplomatie un instrument fondamental. L’engagement convaincu du Saint-Siège et de l’Eglise catholique à écarter les conflits, ou à accompagner les processus de paix, de réconciliation et de recherche de solutions négociées avec les autres, se situe dans la perspective de la miséricorde et de la solidarité. Voir que certaines tentatives entreprises rencontrent la bonne volonté de beaucoup de personnes qui, de diverses parties, œuvrent activement et effectivement pour la paix, donne du courage. Je pense aux efforts accomplis ces deux dernières années pour rapprocher Cuba et les Etats Unis. Je pense aussi à l’effort entrepris avec ténacité, quoiqu’avec difficultés, pour terminer des années de conflit en Colombie.

Cette démarche entend favoriser la confiance réciproque, soutenir des chemins de dialogue et souligner la nécessité de gestes courageux, qui sont toujours plus urgents également au proche Venezuela, où les conséquences de la crise politique, sociale et économique pèsent depuis longtemps sur la population civile ; ou bien dans d’autres parties du globe, en commençant par le Moyen Orient, non seulement pour mettre fin au conflit syrien, mais aussi pour favoriser une société pleinement réconciliée en Irak et au Yemen. De plus, le Saint-Siège renouvelle son appel pressant afin que reprenne le dialogue entre Israéliens et Palestiniens pour arriver à une solution stable et durable qui garantisse la coexistence pacifique de deux Etats à l’intérieur de frontières reconnues internationalement. Aucun conflit ne peut devenir une habitude dont il semble presque qu’on ne puisse se défaire. Israéliens et Palestiniens ont besoin de paix. Tout le Moyen Orient a un besoin urgent de paix !

De même, je souhaite la pleine mise en œuvre des accords destinés à rétablir la paix en Lybie, où il est très urgent de réparer les divisions de ces dernières années. De la même manière, j’encourage tout effort au niveau local et international pour reprendre la cohabitation civile au Soudan et au Sud Soudan, en République Centrafricaine, tourmentés par de persistants affrontements armés, des massacres et des dévastations, come également en d’autres nations du continent marquées par des tensions et une instabilité politique et sociale. En particulier j’exprime le souhait que le récent accord signé dans la République Démocratique du Congo, contribue à faire en sorte que ceux qui ont des responsabilités politiques s’emploient avec diligence à favoriser la réconciliation et le dialogue entre toutes les composantes de la société civile. Ma pensée va, de plus, au Myanmar pour qu’une coexistence pacifique soit favorisée et, qu’avec l’aide de la communauté internationale, on ne manque pas d’assister ceux qui en ont un grave et urgent besoin.

En Europe aussi, où les tensions ne manquent pas, la disponibilité au dialogue est l’unique voie pour garantir la sécurité et le développement du continent. Par conséquent, j’accueille favorablement les initiatives visant à favoriser le processus de réunification de Chypre, qui voit aujourd’hui une reprise des négociations, tandis que je souhaite qu’avec détermination se poursuive en Ukraine la recherche de solutions envisageables pour la pleine réalisation des engagements pris par les parties, et surtout, pour que soit donnée une réponse rapide à la situation humanitaire qui demeure encore grave.

L’Europe entière est en train de traverser un moment décisif de son histoire, où elle est appelée à retrouver son identité. Ceci exige qu’elle redécouvre ses propres racines afin de pouvoir modeler son avenir. Face aux poussées qui désagrègent, il est toujours plus urgent de mettre à jour l’“idée d’Europe” pour faire naître un nouvel humanisme basé sur la capacité d’intégrer, de dialoguer et de générer19, qui a rendu grand celui qu’on appelle Vieux Continent. Le processus d’unification européenne, commencé après le second conflit mondial, a été et continue d’être une occasion unique de stabilité, de paix et de solidarité entre les peuples. Je ne peux que rappeler ici l’intérêt et la préoccupation du Saint- Siège pour l’Europe et pour son avenir, ayant conscience que les valeurs sur lesquelles ce projet – dont c’est le soixantième anniversaire cette année – tire son origine et se fonde, sont communes à tout le continent et franchissent les frontières même de l’Union Européenne.

Excellence, Mesdames et Messieurs,
Construire la paix signifie toutefois aussi œuvrer activement pour la sauvegarde de la création. L’Accord de Paris sur le climat, entré récemment en vigueur, est un signe important de l’engagement commun pour laisser à ceux qui viendront après nous un monde beau et vivable. Je souhaite que l’effort entrepris récemment pour faire face aux changements climatiques trouve une coopération de tous toujours plus vaste, puisque la terre est notre maison commune et qu’il faut considérer que les choix de chacun ont des répercussions sur la vie de tous.

Il est cependant aussi évident qu’il y a des phénomènes qui dépassent les possibilités de l’action humaine. Je fais référence aux nombreux tremblements de terre qui ont touché certaines régions du monde. Je pense avant tout à ceux qui ont eu lieu en Equateur, en Italie et en Indonésie, qui ont causé de nombreuses victimes, et où beaucoup de personnes vivent encore dans des conditions de grande précarité. J’ai pu visiter personnellement certaines zones frappées par le tremblement de terre dans le centre de l’Italie, où, tout en constatant les blessures que le séisme a provoqué à une terre riche d’art et de culture, j’ai pu partager la souffrance de beaucoup de personnes, et en même temps leur courage et leur détermination à reconstruire tout ce qui a été détruit. Je souhaite que la solidarité qui a uni le cher peuple italien dans les heures qui ont suivi le tremblement de terre continue d’animer la nation entière, surtout en ce moment délicat de son histoire. Le Saint-Siège et l’Italie sont particulièrement liés pour des raisons historiques, culturelles et géographiques évidentes. Ce lien est apparu de manière évidente au cours de l’année jubilaire, et je remercie toutes les Autorités italiennes pour l’aide offerte dans l’organisation de cet événement, ainsi que pour garantir la sécurité des pèlerins venus de partout dans le monde.

Chers Ambassadeurs,

La paix est un don, un défi et un engagement. Un don parce qu’elle jaillit du cœur même de Dieu ; un défi parce qu’elle est un bien qui n’est jamais acquis et qui est toujours à conquérir ; un engagement parce qu’elle exige le travail passionné de toute personne de bonne volonté dans sa recherche et sa construction. Il n’y a donc pas de véritable paix sinon à partir d’une vision de l’homme qui sache en promouvoir le développement intégral, en tenant compte de sa dignité transcendante, puisque «le développement est le nouveau nom de la paix»20, comme le rappelait le Bienheureux Paul VI. Ceci est donc mon souhait pour l’année qui vient de commencer : qu’entre nos pays et leurs peuples les occasions de travailler ensemble et de construire une paix authentique puissent grandir. Pour sa part, le Saint-Siège, et en particulier la Secrétairerie d’Etat, sera toujours disponible pour collaborer avec tous ceux qui s’engagent à mettre fin aux conflits en cours et apporter soutien et espérance aux populations qui souffrent.

Dans la liturgie nous prononçons la salutation “que la paix soit avec vous”. Par cette expression, gage d’abondantes bénédictions divines, je renouvelle à chacun de vous, distingués membres du Corps Diplomatique, à vos familles, aux pays que vous représentez ici, mes vœux les plus sincères pour l’année nouvelle.

Merci.

___________________

1 BENOÎT XV, Lettre aux chefs des peuples belligérants, 1er août 1917 : AAS IX (1917), 423.
2 PAUL VI, Message pour la célébration de la 1ère Journée mondiale de la Paix (1er janvier 1968).
3 CONCILE ŒCUMÉNIQUE VATICAN II, Constitution pastorale “Gaudium et Spes” (GS), 7 décembre 1967, n. 78. 4 Ibid.
5 Ibid.
6 Ibid.
7 Discours à la Journée mondiale de Prière pour la Paix, Assise, 20 septembre 2016.
8 GS, n. 78.
9 Cf. ibid.
10 Ibid, n. 83.
11 Cf.Ps85,11eIs32,17.
12JEAN-PAUL II Message pour la célébration de la XXXVème Journée mondiale de la Paix : Il n’y a pas de paix sans justice, il n’y a pas de justice sans pardon (1er Janvier 2002).
13 Lettre apostolique « Misericordia et misera », 20 novembre 2016, n. 18. 14 Ibid. n. 20.
15 JEAN XXIII, Lett. Enc. Pacem in terris, 11 avril 1963, n. 25.
16 Ibid. n. 83.
17 Cf. Lettre aux évêques en la fête des Saints Innocents, 28 décembre 2016. 18 JEAN XXIII, Pacem in terris, cit.. n. 112.
19 Cf. Discours à l’occasion de l’attribution du prix Charlemagne, 6 mai 2016.
20 PAUL VI, Populorum progressio, n. 87.

Messe pour les vocations sacerdotales de l’Archidiocèse de Montréal

En EXCLUSIVITÉ sur les ondes de Sel et Lumière, voyez la télé diffusion de la Messe pour les vocations sacerdotales de l’Archidiocèse de Montréal le vendredi 27 janvier prochain à 20h30. Cette Messe célébrée à la magnifique chapelle du Grand Séminaire de Montréal sera présidée par S.Exc. Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal. L’animation de cette Messe est confiée aux communautés présentent sur le territoire de l’Archidiocèse de Montréal et à des séminaristes étudiants du Grand Séminaire de Montréal.

Veuillez noter que cette Messe sera disponible en direct sur la chaîne web (En Direct) de Sel et Lumière dès 19h30. Un rendez-vous à ne pas manquer!

Homélie du pape François lors de la célébration de la Solennité de l’Épiphanie

À 10hoo ce matin, le Saint-Père a présidé à la célébration de l’Eucharistie de l’Épiphanie du Seigneur en la Basilique vaticane. Vous trouverez  ci-dessous le texte de l’homélie telle que prononcée par le pape François suivant la proclamation du Saint Évangile ainsi que l’annonce du Jour de Pâques qui sera célébré cette année le 16 avril prochain:

Proclamation de Pâques

Sachez chers frères et soeurs, qui vous êtes réjouis de la

Nativité de notre Seigneur Jésus-Christ,

Que par la grâce de Dieu je vous annonce aussi

la joie de la Résurrection qui est notre Sauveur.

Le Mercredi des cendres, le commencement du jeûne

Ainsi que de la saison sacrée du Carême

Commencera le premier jour du mois de mars.

Le seizième  jour du mois d’avril, vous célèbrerez dans la joie le Jour de Pâques

Ainsi que la Fête Pascale de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Le vingt-cinquième jour du mois de mai sera célébrée

L’Ascension de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Le quatrième jour du mois de juin sera la fête de la Pentecôte.

Le quinzième jour du mois de juin se tiendra

La fête du Très Saint Corps et Sang du Christ.

Le troisième jour de décembre sera le premier dimanche

de l’Avent de Notre Seigneur Jésus-Christ

pour qui est honneur et gloire pour les siècles des siècles. Amen. 

*En Italie, la Solennité de l’Ascension est célébrée le 28 mai ;
 La Solennité du Très Saint Corps et Sang du Christ est célébrée le dimanche 18 juin

« Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui » (Mt 2, 2).
Avec ces paroles, les mages, venus de terres lointaines, nous font connaître le motif de leur longue traversée : adorer le roi nouveau-né. Voir et adorer : deux actions mises en relief dans le récit évangélique : nous avons vu une étoile et nous voulons adorer.

Ces hommes ont vu une étoile qui les a mis en mouvement. La découverte de quelque chose d’inhabituel qui est arrivé dans le ciel a déclenché une série incalculable d’évènements. Ce n’était pas une étoile qui a brillé de façon exclusive pour eux et ils n’avaient pas non plus un ADN spécial pour la découvrir. Comme un Père de l’Église l’a bien reconnu, les mages ne se sont pas mis en route parce qu’ils avaient vu l’étoile mais ils ont vu l’étoile parce qu’ils se sont mis en route (cf. Jean Chrysostome). Ils avaient le cœur ouvert sur l’horizon et ils ont pu voir ce que le ciel montrait parce qu’il y avait en eux un désir qui les poussait : ils étaient ouverts à une nouveauté.

Les mages, de cette manière, expriment le portrait de l’homme croyant, de l’homme qui a la nostalgie de Dieu ; de celui qui sent le manque de sa maison, la patrie céleste. Ils reflètent l’image de tous les hommes qui, dans leur vie, ne se sont pas laissé anesthésier le cœur.

La sainte nostalgie de Dieu jaillit dans le cœur croyant parce qu’il sait que l’Évangile n’est pas un évènement du passé mais du présent. La sainte nostalgie de Dieu nous permet de tenir les yeux ouverts devant toutes les tentatives de réduire et d’appauvrir la vie. La sainte nostalgie de Dieu est la mémoire croyante qui se rebelle devant tant de prophètes de malheur. Cette nostalgie est celle qui maintient vivante l’espérance de la communauté croyante qui, de semaine en semaine, implore en disant : « Viens, Seigneur Jésus ! ».

Ce fut vraiment cette nostalgie qui a poussé le vieillard Siméon à aller tous les jours au temple, sachant avec certitude que sa vie ne se terminerait pas sans pouvoir tenir dans ses bras le Sauveur. Ce fut cette nostalgie qui a poussé le fils prodigue à sortir d’une attitude destructive et à chercher les bras de son père. Ce fut cette nostalgie que le berger a senti dans son cœur quand il a laissé les 99 brebis pour chercher celle qui s’était perdue, et ce fut aussi ce qu’a expérimenté Marie- Madeleine le matin du dimanche pour aller courir au tombeau et rencontrer son Maitre ressuscité.

La nostalgie de Dieu nous tire hors de nos résignations, celles qui nous amènent à penser que rien ne peut changer. La nostalgie de Dieu est l’attitude qui rompt nos conformismes ennuyeux et nous pousse à nous engager pour ce changement auquel nous aspirons et dont nous avons besoin. La nostalgie de Dieu a ses racines dans le passé mais ne s’arrête pas là : elle va à la recherche de l’avenir. Le croyant “nostalgique”, poussé par sa foi, va à la recherche de Dieu, comme les mages, dans les lieux les plus cachés de l’histoire, parce qu’il sait dans son cœur que son Seigneur l’attend là. Il va à la périphérie, à la frontière, dans les lieux non évangélisés, afin de pouvoir rencontrer son Seigneur ; et il ne le fait pas du tout avec une attitude de supériorité, il le fait comme un mendiant qui ne peut ignorer les yeux de celui pour lequel la Bonne Nouvelle est encore un terrain à explorer.

Comme attitude opposée, dans le palais d’Hérode (qui se trouvait à très peu de kilomètres de Bethléem), on ne s’était pas rendu compte de ce qui arrivait. Tandis que les mages marchaient, Jérusalem dormait. Elle dormait de connivence avec un Hérode qui, au lieu d’être en recherche, dormait bien. Il dormait sous l’anesthésie d’une conscience cautérisée. Et il est resté déconcerté. Il a eu peur. C’est le trouble de celui qui, devant la nouveauté qui révolutionne l’histoire, se ferme sur lui-même, sur ses résultats, sur ses connaissances, sur ses succès. Le trouble de celui qui se tient assis sur sa richesse sans réussir à voir au-delà. Un trouble qui naît dans le cœur de celui qui veut contrôler tout et tout le monde. C’est le trouble de celui qui est immergé dans la culture du vaincre à tout prix ; dans cette culture où il y a de la place seulement pour les “vainqueurs” et coûte que coûte. Un trouble qui naît de la peur et de la crainte devant ce qui nous interroge et met en danger nos sécurités et nos vérités, nos manières de nous attacher au monde et à la vie. Et Hérode a eu peur, et cette peur l’a conduit à chercher la sécurité dans le crime : « Necas parvulos corpore, quia te nacat timor in corde » – “Tu assassines ces faibles corps parce que la peur assassine ton cœur” (Saint Quodvultdeus, Sermon 2 sur le Symbole : PL 40, 655).

Nous voulons adorer. Ces hommes sont venus de l’Orient pour adorer, et ils sont venus le faire dans le lieu qui convient à un roi : le Palais. Ils sont arrivés là par leur recherche, c’était le lieu approprié, puisque cela revient à un Roi de naître dans un palais et d’avoir sa cour et ses sujets. C’est le signe du pouvoir, du succès, d’une vie réussie. Et on peut s’attendre à ce que le roi soit vénéré, craint et adulé, oui, mais pas nécessairement aimé. Ce sont les règles mondaines, les petites idoles et à qui nous rendons un culte : le culte du pouvoir, de l’apparence et de la supériorité. Des idoles qui promettent seulement tristesse et esclavage.

Et c’est vraiment là qu’a commencé le chemin le plus long qu’ont dû faire ces hommes venus de loin. Là, a commencé l’audace la plus difficile et la plus compliquée. Découvrir que ce qu’ils cherchaient n’était pas dans le Palais mais se trouvait dans un autre lieu, non seulement géographique mais existentiel. Là, ils ne voyaient pas l’étoile qui les conduisait à découvrir un Dieu qui veut être aimé, et cela est possible uniquement sous le signe de la liberté et non de la tyrannie ; découvrir que le regard de ce Roi inconnu – mais désiré – n’humilie pas, ne rend pas esclave, n’emprisonne pas. Découvrir que le regard de Dieu relève, pardonne, guérit. Découvrir que Dieu a voulu naître là où nous ne l’attendions pas, là où peut-être nous ne le voulions pas. Ou là où tant de fois, nous le renions. Découvrir que dans le regard de Dieu, il y a de la place pour ceux qui sont blessés, fatigués, maltraités et abandonnés : que sa force et son pouvoir s’appellent miséricorde. Comme est loin, pour certains, Jérusalem de Bethléem !

Hérode ne peut pas adorer parce qu’il n’a pas voulu changer son regard. Il n’a pas voulu cesser de rendre un culte à lui-même, croyant que tout commençait et finissait avec lui. Il n’a pas pu adorer parce que son but était qu’ils l’adorent lui. Les prêtres non plus n’ont pu adorer parce qu’ils savaient beaucoup de choses, ils connaissaient les prophéties, mais ils n’étaient disposés ni à se mettre en chemin ni à changer.

Les mages ont senti la nostalgie, ils ne voulaient plus les choses habituelles. Ils étaient habitués, accoutumés aux Hérode de leur temps et en étaient fatigués. Mais là, à Bethléem, il y avait une promesse de nouveauté, une promesse de gratuité. Là quelque chose de nouveau arrivait ; les mages ont pu adorer parce qu’ils ont eu le courage de marcher et, se prosternant devant le petit, se prosternant devant le pauvre, se prosternant devant celui qui est sans défense, se prosternant devant l’Enfant de Bethléem insolite et inconnu, ils ont découvert la Gloire de Dieu.

[00024-FR.01] [Texte original: Italien]

Mgr William McGrattan nommé nouvel évêque de Calgary

Le 4 janvier 2017, le pape François a nommé Mgr William Terrence McGrattan le huitième évêque de Calgary. Au moment de sa nomination, il était évêque du diocèse de Peterborough depuis le 23 juin 2014, devenant ainsi son douzième évêque. Il remplacera Mgr Frederick Henry qui a été évêque de Calgary depuis le 19 mars 1998. L’installation de Mgr McGrattan comme évêque du diocèse de Calgary aura lieu le 27 février prochain.

Mgr William McGrattan né à London, en Ontario, a obtenu son diplôme universitaire en génie chimique à Western University en Ontario, et plus tard a obtenu sa maîtrise en divinité à St. Peter’s University à London. Mgr McGrattan a été ordonné prêtre le 2 mai 1987 pour le diocèse de London. Après trois années de ministère dans la paroisse Saint Joseph à Chatham, il a poursuivi des études en théologie à l’Université pontifical grégorienne à Rome, où il a reçu une licence en Théologie morale fondamentale en 1992. Mgr McGrattan était membre de la faculté de St. Peter’s Seminary à London en tant que professeur associé, vice-recteur, et doyen du département de théologie et nommé recteur du séminaire en 1997. Il a été ordonné à l’épiscopat comme évêque auxiliaire de Toronto en 2009.

Mgr McGrattan est membre de la conférence des évêques catholiques du Canada. Il siège à la commission pour la doctrine depuis 2011; il agit à titre d’évêque ponen auprès de l’Alliance catholique canadienne de la santé depuis 2011, et de conseiller spirituel national pour la Catholic Women’s League of Canada depuis 2013. Il est aussi membre de l’Assemblée des évêques catholiques en Ontario et de la commission pour l’éducation de l’AÉCO. Puis il est chancelier du Sacred Heart College de Peterborough et membre du conseil depuis 2014.  

Grâce à ses nombreux dons et charismes, notamment son leadership, Mgr McGrattan a su engager la communauté catholique de Peterborough et construire une fondation solide dans le diocèse pour les années à venir. 

 

Homélie du Pape François en la Solennité de Marie, Mère de Dieu et la 50e Journée mondiale de prière pour la paix

Le 1er janvier 2017, à la basilique vaticane, le Saint Père a présidé la Messe en la Solennité de Marie Mère de Dieu, pendant l’octave de Noël, et à l’occasion de la 50e Journée mondiale de prière pour la paix, sur le thème de “La non-violence: style d’une politique pour la paix”.

Voici l’homélie du Pape François: 

«Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur » (Lc 2,19). C’est ainsi que Luc décrit l’attitude avec laquelle Marie accueille tout ce qu’ils vivaient en ces jours. Loin de vouloir comprendre ou dominer la situation, Marie est la femme qui sait conserver, c’est-à- dire protéger, garder dans son cœur le passage de Dieu dans la vie de son Peuple. De son sein, elle a appris à écouter le battement du cœur de son Fils, et cela lui a appris, pour toute sa vie, à découvrir la palpitation de Dieu dans l’histoire. Elle a appris à être mère et, dans cet apprentissage, elle a donné à Jésus la belle expérience de se savoir Fils. En Marie, non seulement le Verbe éternel s’est fait chair, mais il a appris à reconnaître la tendresse maternelle de Dieu. Avec Marie, l’Enfant- Dieu a appris à écouter les aspirations, les angoisses, les joies et les espérances du peuple de la promesse. Avec elle il s’est découvert lui-même Fils du saint Peuple fidèle de Dieu.

Marie apparaît dans les Évangiles comme une femme qui parle peu, qui ne fait pas de grands discours ni ne se met en avant, mais qui, avec un regard attentif, sait garder la vie et la mission de son Fils, et donc de tout ce qu’il aime. Elle a su garder les aurores de la première communauté chrétienne, et elle a ainsi appris à être mère d’une multitude. Elle s’est approchée des situations les plus diverses pour semer l’espérance. Elle a accompagné les croix portées dans le silence du cœur de ses enfants. Beaucoup de dévotions, beaucoup de sanctuaires et de chapelles dans les lieux les plus reculés, beaucoup d’images répandues dans les maisons nous rappellent cette grande vérité. Marie nous a donné la chaleur maternelle, celle qui nous enveloppe dans les difficultés; la chaleur maternelle qui permet que rien ni personne n’éteigne au sein de l’Église la révolution de la tendresse inaugurée par son Fils. Là où se trouve une mère, se trouve la tendresse. Et Marie nous montre avec sa maternité que l’humilité et la tendresse ne sont pas les vertus des faibles mais des forts, elle nous enseigne qu’il n’y a pas besoin de maltraiter les autres pour se sentir important (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 288). Et, depuis toujours, le saint Peuple fidèle de Dieu l’a reconnue et saluée comme la Sainte Mère de Dieu.

Célébrer la maternité de Marie comme Mère de Dieu et notre mère au début d’une année nouvelle signifie rappeler une certitude qui accompagnera nos journées : nous sommes un peuple qui a une Mère, nous ne sommes pas des orphelins.

Les mères sont l’antidote le plus fort contre nos tendances individualistes et égoïstes, contre nos fermetures et nos apathies. Une société sans mères serait non seulement une société froide, mais aussi une société qui a perdu le cœur, qui a perdu la « saveur de famille ». Une société sans mères serait une société sans pitié, qui a laissé la place seulement au calcul et à la spéculation. Parce que les mères, même aux pires moments, savent donner le témoignage de la tendresse, du don de soi sans condition, de la force de l’espérance. J’ai beaucoup appris de ces mères qui, ayant les enfants en prison ou prostrés sur un lit d’hôpital, ou soumis à l’esclavage de la drogue, qu’il fasse froid ou chaud, qu’il pleuve ou dans la sécheresse, ne se rendent pas et continuent à lutter pour leur donner le meilleur. Oh ces mères qui, dans les camps de réfugiés, ou même en pleine guerre, réussissent à embrasser et à soutenir sans faiblir la souffrance de leurs enfants. Mères qui donnent littéralement leur vie pour qu’aucun de leurs enfants ne se perde. Là où se trouve la mère, se trouvent unité, appartenance, appartenance de fils.

Commencer l’année en faisant mémoire de la bonté de Dieu sur le visage maternel de Marie, sur le visage maternel de l’Église, sur le visage de nos mères, nous protège de la maladie corrosive qui consiste à être «orphelin spirituel», cette réalité que vit l’âme quand elle se sent sans mère et que la tendresse de Dieu lui manque. Cette condition d’orphelin que nous vivons quand s’éteint en nous le sens de l’appartenance à une famille, à un peuple, à une terre, à notre Dieu. Cette condition d’orphelin, qui trouve de la place dans le cœur narcissique qui ne sait regarder que lui-même et ses propres intérêts, et qui grandit quand nous oublions que la vie a été un don – dont nous sommes débiteur des autres -, vie que nous sommes invités à partager dans cette maison commune.

Cette condition d’orphelin autoréférentielle est ce qui porta Caïn à dire: «Est-ce que je suis, moi, le gardien de mon frère?» (Gn 4,9), comme à déclarer: il ne m’appartient pas, je ne le reconnais pas. Une telle attitude d’orphelin spirituel est un cancer qui use et dégrade l’âme silencieusement. Et ainsi, nous nous dégradons peu à peu, à partir du moment où personne ne nous appartient et que nous n’appartenons à personne: je dégrade la terre, parce qu’elle ne m’appartient pas, je dégrade les autres parce qu’ils ne m’appartiennent pas, je dégrade Dieu parce que je ne lui appartiens pas, et finalement nous nous dégradons nous-mêmes parce que nous oublions qui nous sommes, quel «nom» divin nous portons. La perte des liens qui nous unissent, typique de notre culture fragmentée et divisée, fait que ce sens d’être orphelin grandit, et même le sens de grand vide et de solitude. Le manque de contact physique (et non virtuel) cautérise peu à peu nos cœurs (cf. Let. enc. Laudato si’, n. 49) leur faisant perdre la capacité de la tendresse et de l’étonnement, de la pitié et de la compassion. Être orphelin spirituel nous fait perdre la mémoire de ce que signifie être fils, être petits-fils, être parents, être grands-parents, être amis, être croyants; nous fait perdre la mémoire de la valeur du jeu, du chant, du rire, du repos, de la gratuité.

Célébrer la fête de la Sainte Mère de Dieu nous fait surgir de nouveau sur le visage le sourire de se sentir être un peuple, de sentir que nous nous appartenons; de savoir que seulement dans une communauté, une famille, les personnes peuvent trouver le «climat», la «chaleur» qui permettent d’apprendre à grandir humainement et non pas comme de simples objets invités «à consommer et à être consommés». Célébrer la fête de la Sainte Mère de Dieu nous rappelle que nous ne sommes pas des marchandises d’échange ou des terminaux récepteurs d’informations. Nous sommes des fils, nous sommes une famille, nous sommes Peuple de Dieu.

Célébrer la Sainte Mère de Dieu nous pousse à créer et à préserver des espaces communs qui nous donnent un sens d’appartenance, d’enracinement, de nous sentir à la maison dans nos villes, dans des communautés qui nous unissent et nous soutiennent (cf. ibid., n. 151).

Jésus Christ, au moment du don le plus grand de sa vie, sur la croix, n’a rien voulu garder pour lui, et en remettant sa vie il nous a remis aussi sa Mère. Il dit à Marie: voici ton fils, voici tes fils. Et nous voulons l’accueillir dans nos maisons, dans nos familles, dans nos communautés, dans nos villages. Nous voulons croiser son regard maternel. Ce regard qui nous empêche d’être orphelins; ce regard qui nous rappelle que nous sommes frères: que je t’appartiens, que tu m’appartiens, que nous sommes de la même chair. Ce regard qui nous enseigne que nous devons apprendre à prendre soin de la vie de la même manière et avec la même tendresse que lui en a pris soin: en semant l’espérance, en semant l’appartenance, en semant la fraternité.

Célébrer la Sainte Mère de Dieu nous rappelle que nous avons la Mère; nous ne sommes pas orphelins, nous avons une mère. Professons ensemble cette vérité ! Et je vous invite à l’acclamer trois fois, comme le firent les fidèles d’Ephèse: Sainte Mère de Dieu, Sainte Mère de Dieu; Sainte Mère de Dieu.

Homélie du Pape François pour les premières vêpres en la Solennité de Marie Mère de Dieu

Le 31 décembre 2016 à la basilique vaticane, le pape François a présidé les premières vêpres en la Solennité de Marie Mère de Dieu, suivi de l’exposition du Saint Sacrement et de l’hymne traditionnel du Te Deum. Voici l’homélie du Saint Père pendant la célébration des vêpres:

«Lorsqu’est venue la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme et soumis à la loi de Moïse, afin de racheter ceux qui étaient soumis à la Loi et pour que nous soyons adoptés comme fils» (Ga 4, 4-5).

Ces paroles de saint Paul résonnent avec force. De manière brève et concise, elles nous introduisent dans le projet que Dieu a pour nous: que nous vivions comme fils. Toute l’histoire du salut trouve ici un écho: celui qui n’était pas sujet de la loi décida, par amour, de perdre tout type de privilège (privus legis) et d’entrer par le lieu le moins attendu pour nous libérer nous qui, oui, étions sous la loi. Et la nouveauté est qu’il décida de le faire dans la petitesse et dans la fragilité d’un nouveau-né ; il décida de s’approcher personnellement et, dans sa chair d’embrasser notre chair, dans sa faiblesse d’embrasser notre faiblesse, dans sa petitesse de couvrir la nôtre. Dans le Christ, Dieu ne s’est pas déguisé en homme, il s’est fait homme et a partagé en tout notre condition. Loin d’être enfermé dans un état d’idée ou d’essence abstraite, il a voulu être proche de tous ceux qui se sentent perdus, mortifiés, blessés, découragés, affligés et intimidés. Proche de tous ceux qui dans leur chair portent le poids de l’éloignement et de la solitude, afin que le péché, la honte, les blessures, le découragement, l’exclusion n’aient pas le dernier mot dans la vie de ses enfants.

La crèche nous invite à faire nôtre cette logique divine. Une logique qui n’est pas centrée sur le privilège, sur les concessions, sur les favoritismes ; il s’agit de la logique de la rencontre, du voisinage et de la proximité. La crèche nous invite à abandonner la logique des exceptions pour les uns et des exclusions pour les autres. Dieu vient lui-même rompre la chaîne du privilège qui produit toujours l’exclusion, pour inaugurer la caresse de la compassion qui produit l’inclusion, qui fait resplendir en toute personne la dignité pour laquelle elle a été créée. Un enfant dans les langes nous montre la puissance de Dieu qui interpelle comme don, comme offrande, comme ferment et opportunité pour créer une culture de la rencontre.

Nous ne pouvons pas nous permettre d’être naïfs. Nous savons que de différentes parts nous sommes tentés de vivre dans cette logique du privilège qui nous sépare-en séparant, qui nous exclut en excluant, qui nous enferme en enfermant les rêves et la vie de tant de nos frères.

Aujourd’hui, devant l’enfant de Bethléem, nous voulons admettre d’avoir besoin que le Seigneur nous éclaire, parce que souvent nous semblons myopes ou nous demeurons prisonniers de l’attitude intégrationniste bien marquée de celui qui veut par force faire entrer les autres dans ses propres schémas. Nous avons besoin de cette lumière, qui nous fait apprendre de nos propres erreurs et tentatives afin de nous améliorer et de nous dépasser; de cette lumière qui naît de l’humble et courageuse conscience de celui qui trouve la force, chaque fois, de se relever et de recommencer.

Alors qu’une année de plus arrive à son terme, arrêtons-nous devant la crèche, pour remercier de tous les signes de la générosité divine dans notre vie et dans notre histoire, qui s’est manifestée de mille manières dans le témoignage de nombreux visages qui, anonymement, ont su risquer. Remerciement qui ne veut pas être nostalgie stérile ou vain souvenir du passé idéalisé et désincarné, mais bien mémoire vivante qui aide à susciter la créativité personnelle et communautaire parce que nous savons que Dieu est avec nous.

Arrêtons-nous devant la crèche pour contempler comment Dieu s’est fait présent durant toute cette année et nous rappeler ainsi que chaque époque, chaque moment est porteur de grâce et de bénédiction. La crèche nous provoque à ne donner rien ni personne pour perdu. Regarder la crèche signifie trouver la force de prendre notre place dans l’histoire sans nous plaindre et nous attrister, sans nous fermer ou nous évader, sans chercher de faux-fuyants qui nous privilégient. Regarder la crèche implique de savoir que le temps qui nous attend demande des initiatives pleines d’audace et d’espérance, ainsi que de renoncer à vouloir vainement être le premier ou à des luttes interminables pour paraître.

Regarder la crèche c’est découvrir comment Dieu s’implique en nous associant, en nous rendant partie prenante de son œuvre, en nous invitant à accueillir avec courage et décision l’avenir qui est devant nous.

Regardant la crèche nous rencontrons les visages de Joseph et de Marie. Visages jeunes chargés d’espérance et d’aspirations, chargés de questions. Visages jeunes qui regardent en avant avec la tâche difficile d’aider l’Enfant-Dieu à grandir. On ne peut parler d’avenir sans contempler ces visages jeunes et assumer la responsabilité que nous avons envers nos jeunes ; plus que responsabilité, la parole juste est dette, oui, la dette que nous avons envers eux. Parler d’une année qui finit c’est nous sentir invités à penser comment nous nous sommes intéressés à la place que les jeunes ont dans notre société.

Nous avons créé une culture qui, d’une part, idolâtre la jeunesse cherchant à la rendre éternelle; mais, paradoxalement, nous avons condamné nos jeunes à ne pas avoir d’espace de réelle insertion, parce que nous les avons lentement marginalisés de la vie publique, les obligeant à émigrer ou à mendier des occupations qui n’existent pas ou qui ne leur permettent pas de se projeter dans un lendemain. Nous avons privilégié la spéculation au lieu de travaux dignes et honnêtes qui leur permettent d’être des protagonistes actifs dans la vie de notre société. Nous attendons d’eux et exigeons qu’ils soient ferment d’avenir, mais nous les discriminons et les «condamnons» à frapper à des portes qui de plus demeurent fermées.

Nous sommes invités à ne pas être comme l’aubergiste de Bethléem qui devant le jeune couple disait: ici il n’y a pas de place. Il n’y avait pas de place pour la vie, pour l’avenir. Il nous est demandé de prendre chacun notre engagement, même s’il semble peu de chose, d’aider nos jeunes à retrouver, ici sur leur terre, dans leur patrie, des horizons concrets d’un avenir à construire. Ne nous privons pas de la force de leurs mains, de leurs esprits, de leurs capacité de prophétiser les rêves de leurs anciens (cf. Jl 3, 1). Si nous voulons viser un avenir qui soit digne d’eux, nous ne pourrons l’atteindre qu’en pariant sur une vraie inclusion : celle qui donne le travail digne, libre, créatif, participatif et solidaire (cf. Discours à l’occasion de la remise du Prix Charlemagne, 6 mai 2016). Regarder la crèche nous provoque à aider nos jeunes pour qu’ils ne se laissent pas décevoir devant nos immaturités, et les stimuler afin qu’ils soient capables de rêver et de lutter pour leurs rêves. Capables de grandir et de devenir pères et mères de notre peuple.

Devant l’année qui finit, comme cela fait du bien de contempler l’Enfant-Dieu! C’est une invitation à revenir aux sources et aux racines de notre foi. En Jésus la foi se fait espérance, elle devient ferment et bénédiction : « Il nous permet de relever la tête et de recommencer, avec une tendresse qui ne nous déçoit jamais et qui peut toujours nous rendre la joie» (Exhot. Apost. Evangelii gaudium, n. 3).

La Sainte Famille de Nazareth

Urbi et Orbi

Chers frères et soeurs, joyeux Noël !
Aujourd’hui, l’Eglise revit l’étonnement de la Vierge Marie, de saint Joseph et des bergers de Bethléem contemplant l’Enfant qui est né et qui est couché dans une mangeoire : Jésus, le Sauveur.
En ce jour plein de lumière, résonne l’annonce prophétique : « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné !
Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix » (Is 9, 5).
Le pouvoir de cet Enfant, Fils de Dieu et de Marie, n’est pas le pouvoir de ce monde, basé sur la force et sur la richesse; c’est le pouvoir de l’amour. C’est le pouvoir qui a créé le ciel et la terre, qui donne vie à toute créature : aux minéraux, aux plantes, aux animaux ; c’est la force qui attire l’homme et la femme et fait d’eux une seule chair, une seule existence ; c’est le pouvoir qui régénère la vie, qui pardonne les fautes, réconcilie les ennemis, transforme le mal en bien. C’est le pouvoir de Dieu.

Ce pouvoir de l’amour a porté Jésus Christ à se dépouiller de sa gloire et à se faire homme ; et il le conduira à donner sa vie sur la croix et à ressusciter des morts. C’est le pouvoir du service, qui instaure dans le monde le règne de Dieu, règne de justice et de paix.
Pour cela la naissance de Jésus est accompagnée du chant des anges qui annoncent : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime » (Lc 2, 14).
Aujourd’hui cette annonce parcourt toute la terre et veut rejoindre tous les peuples, spécialement ceux qui sont blessés par la guerre et par d’âpres conflits et qui éprouvent plus vivement le désir de la paix.
Paix aux hommes et aux femmes dans la Syrie martyrisée, où trop de sang a été versé. Surtout dans la ville d’Alep, théâtre ces dernières semaines d’une des batailles les plus atroces, il est plus que jamais urgent qu’assistance et réconfort soient garantis à la population civile à bout de forces, en respectant le droit humanitaire. Il est temps que les armes se taisent définitivement et que la communauté internationale s’emploie activement pour qu’on arrive à une solution négociée et que se rétablisse le vivre ensemble civil dans le pays.
Paix aux femmes et aux hommes de la bien-aimée Terre Sainte, choisie et préférée par Dieu. Qu’Israéliens et Palestiniens aient le courage et la détermination d’écrire une nouvelle page de l’histoire, où haine et vengeance cèdent la place à la volonté de construire ensemble un avenir de compréhension réciproque et d’harmonie. Que puissent retrouver l’unité et la concorde l’Irak, la Libye et le Yémen, où les populations pâtissent de la guerre et d’atroces actions terroristes.
Paix aux hommes et aux femmes des différentes régions de l’Afrique, particulièrement au Nigéria, où le terrorisme fondamentaliste exploite aussi les enfants pour perpétrer horreur et mort. Paix au Sud-Soudan et à la République démocratique du Congo, pour que se guérissent les divisions et que toutes les personnes de bonne volonté mettent tout en oeuvre pour entreprendre un chemin de développement et de partage, en préférant la culture du dialogue à la logique de l’affrontement.
Paix aux femmes et aux hommes qui subissent encore les conséquences du conflit en Ukraine orientale, où est urgente une volonté commune d’apporter un soulagement à la population et de donner et mettre en oeuvre les engagements pris.
Invoquons la concorde pour le cher peuple colombien, qui aspire à accomplir un nouveau et courageux chemin de dialogue et de réconciliation. Qu’un tel courage anime aussi le bien-aimé Venezuela afin d’entreprendre les pas nécessaires pour mettre fin aux tensions actuelles et construire ensemble un avenir d’espérance pour toute la population.
Paix à tous ceux qui, en différentes régions, affrontent des souffrances en raison de dangers constants et d’injustices tenaces. Puisse le Myanmar consolider ses efforts pour favoriser la cohabitation pacifique et, avec l’aide de la communauté internationale, accorder la protection nécessaire et l’assistance humanitaire à tous ceux qui en ont une grande et urgente nécessité. Puisse la péninsule coréenne voir surmontées les tensions qui la traversent dans un esprit renouvelé de collaboration.
Paix à qui a perdu un être cher à cause d’actes atroces de terrorisme, qui ont semé peur et mort au coeur de tant de pays et de villes. Paix – non en paroles, mais par des actes et des faits concrets – à nos frères et soeurs abandonnés et exclus, à ceux qui souffrent de la faim et à ceux qui sont victimes de violences. Paix aux déplacés, aux migrants et aux réfugiés, à tous ceux qui aujourd’hui sont objet de la traite des personnes. Paix aux peuples qui souffrent à cause des ambitions économiques d’un petit nombre et de l’âpre avidité du dieu argent qui conduit à l’esclavage. Paix à celui qui est touché par les difficultés sociales et économiques et à qui souffre des conséquences des tremblements de terre ou d’autres catastrophes naturelles.
Paix aux enfants, en ce jour spécial où Dieu se fait enfant, surtout à ceux qui sont privés des joies de l’enfance à cause de la faim, des guerres et de l’égoïsme des adultes.
Paix sur la terre à tous les hommes de bonne volonté, qui travaillent chaque jour, avec discrétion et patience, en famille et dans la société pour construire un monde plus humain et plus juste, soutenus par la conviction que c’est seulement avec la paix qu’il y a la possibilité d’un avenir plus prospère pour tous.
Chers frères et soeurs, « un enfant nous est né, un fils nous a été donné » : c’est le « Prince-de-la-paix ». Accueillons-le !
[après la bénédiction]
A vous, chers frères et soeurs, arrivés de toutes les parties du monde sur cette place, et à tous ceux qui, de différents pays, sont reliés à travers la radio, la télévision et les autres moyens de communication, j’adresse mes voeux les meilleurs.

En ce jour de joie nous sommes tous appelés à contempler l’Enfant-Jésus, qui redonne l’espérance à tout homme sur la face de la terre. Avec sa grâce donnons voix et donnons corps à cette espérance, en témoignant de la solidarité et de la paix.

Joyeux Noël à tous !

Homélie du Pape à la messe de Noël

« La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes » (Tt 2, 11). Les paroles de l’apôtre Paul révèlent le mystère de cette nuit sainte : la grâce de Dieu s’est manifestée, son cadeau gratuit ; dans l’Enfant qui nous est donné l’amour de Dieu pour nous se fait concret.

C’est une nuit de gloire, cette gloire proclamée par les anges à Bethléem et aussi par nous aujourd’hui dans le monde entier. C’est une nuit de joie, parce que depuis aujourd’hui et pour toujours Dieu, l’Eternel, l’Infini, est Dieu-avec-nous : il n’est pas lointain, nous ne devons pas le chercher dans les orbites célestes ou dans quelque idée mystique ; il est proche, il s’est fait homme et ne se détachera jamais de notre humanité, qu’il a faite sienne. C’est une nuit de lumière : cette lumière, prophétisée par Isaïe (cf. 9, 1), qui illuminerait celui qui marche sur une terre ténébreuse, elle est apparue et elle a enveloppé les bergers de Bethléem (cf. Lc 2, 9).

Les bergers découvrent simplement qu’« un enfant nous est né » (Is 9, 5) et ils comprennent que toute cette gloire, toute cette joie, toute cette lumière se concentrent en un seul point, dans ce signe que l’ange leur a indiqué : « Vous trouverez une nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire » (Lc 2, 12). C’est le signe de toujours pour trouver Jésus. Non seulement alors, mais aussi aujourd’hui. Si nous voulons fêter le vrai Noël, contemplons ce signe : la simplicité fragile d’un petit nouveau-né, la douceur de son être couché, la tendre affection des langes qui l’enveloppent. Là est Dieu.

Avec ce signe, l’Evangile nous dévoile un paradoxe : il parle de l’Empereur, du Gouverneur, des grands de ce temps, mais Dieu ne se fait pas présent là ; il n’apparaît pas dans la salle noble d’un palais royal, mais dans la pauvreté d’une étable ; non dans les fastes de l’apparence, mais dans la simplicité de la vie ; non dans le pouvoir, mais dans une petitesse qui surprend. Et pour le rencontrer il faut aller là, où il se tient : il faut s’incliner, s’abaisser, se faire petits. L’Enfant qui naît nous interpelle : il nous appelle à laisser les illusions de l’éphémère pour aller à l’essentiel, à renoncer à nos prétentions insatiables, à abandonner l’insatisfaction pérenne et la tristesse pour quelque chose qui toujours nous manquera. Cela nous fera du bien de laisser ces choses pour retrouver dans la simplicité de Dieu-enfant la paix, la joie, le sens de la vie.

Laissons-nous interpeller par l’Enfant dans la mangeoire, mais laissons-nous interpeller aussi par des enfants qui, aujourd’hui, ne sont pas couchés dans un berceau et caressés par la tendresse d’une mère et d’un père, mais qui gisent dans les sordides “mangeoires de la dignité” : dans le refuge souterrain pour échapper aux bombardements, sur les trottoirs d’une grande ville, au fond d’une embarcation surchargée de migrants. Laissons-nous interpeller par les enfants qu’on ne laisse pas naître, par ceux qui pleurent parce que personne ne rassasie leur faim, par ceux qui ne tiennent pas dans leurs mains des jouets, mais des armes.

Le mystère de Noël, qui est lumière et joie, interpelle et bouleverse, parce qu’il est en même temps un mystère d’espérance et de tristesse. Il porte avec lui une saveur de tristesse, en tant que l’amour n’est pas accueilli, la vie est rejetée. C’est ce qui arrive à Joseph et Marie, qui trouvèrent les portes fermées et déposèrent l’enfant dans une mangeoire, « car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune » (v. 7). Jésus est né dans le refus de certains et dans l’indifférence de la plupart. Aujourd’hui aussi il peut y avoir la même indifférence, quand Noël devient une fête où les protagonistes sont nous, au lieu de Lui ; quand les lumières du commerce jettent dans l’ombre la lumière de Dieu ; quand nous nous donnons du mal pour les cadeaux et restons insensibles à celui qui est exclus.

Mais Noël a surtout une saveur d’espérance parce que, malgré nos ténèbres, la lumière de Dieu resplendit. Sa lumière gracieuse ne fait pas peur ; Dieu, épris de nous, nous attire par sa tendresse, naissant pauvre et fragile au milieu de nous, comme un de nous. Il naît à Bethléem, qui signifie “maison du pain”. Il semble ainsi vouloir nous dire qu’il naît comme pain pour nous ; il vient à la vie pour nous donner sa vie ; il vient dans notre monde pour nous porter son amour. Il ne vient pas pour dévorer et pour commander, mais pour nourrir et servir. Ainsi, il y a un fil direct qui relie la crèche et la croix, où Jésus sera pain rompu : c’est le fil direct de l’amour qui se donne et nous sauve, qui donne lumière à notre vie, paix à nos cœurs.

Ils l’ont compris, en cette nuit, les bergers, qui étaient parmi les exclus d’alors. Mais personne n’est exclus aux yeux de Dieu et ce furent vraiment eux les invités de Noël. Celui qui était sûr de lui, autosuffisant, était chez lui au milieu de ses affaires ; les bergers au contraire « allèrent, sans hésitation » (cf. Lc 2, 16). Nous aussi, laissons-nous interpeller et convoquer cette nuit par Jésus, allons à Lui avec confiance, à partir de ce en quoi nous nous sentons exclus, à partir de nos limites. Laissons-nous toucher par la tendresse qui sauve ; approchons-nous de Dieu qui se fait proche, arrêtons-nous pour regarder la crèche, imaginons la naissance de Jésus : la lumière et la paix, la plus grande pauvreté et le refus. Entrons dans le vrai Noël avec les bergers, portons à Jésus ce que nous sommes, nos exclusions, nos blessures non guéries. Ainsi, en Jésus, nous goûterons le véritable esprit de Noël : la beauté d’être aimés de Dieu. Avec Marie et Joseph, restons devant la crèche, devant Jésus qui naît comme pain pour ma vie. Contemplant son amour humble et infini, disons-lui : merci, parce que tu as fait tout cela pour moi.

Message de Noël du Président de la Conférence des évêques catholiques du Canada, Mgr Douglas Crosby, o.m.i.

Vous trouverez ci-dessous le message de Noël 2016 du Président de la Conférence des évêques catholiques du Canada, Mgr Douglas Crosby o.m.i.:

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