Audience générale du pape François – mercredi 22 novembre 2023

La fille de la Cananéenne, extrait des Très Riches Heures du duc de Berry. Wikimedia Commons.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a réfléchi à la « destination universelle de l’Évangile », qui « s’adresse à tous ».

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs,

Après avoir vu la dernière fois que l’annonce chrétienne est joie, nous nous arrêtons aujourd’hui sur un second aspect : c’est pour tous, l’annonce chrétienne est joie pour tous. Quand nous rencontrons vraiment le Seigneur Jésus, l’émerveillement de cette rencontre envahit notre vie et demande à être porté au-delà de nous. C’est ce qu’Il veut, que son Évangile soit pour tous. En lui en effet, existe une « force humanisante », une plénitude de vie qui est destinée à tout homme et à toute femme, car pour tous Christ est né, est mort, est ressuscité. Pour tous : personne n’est exclu.

Dans Evangelii gaudium, on peut lire : « Tous ont le droit de recevoir l’Évangile. Les chrétiens ont le devoir de l’annoncer sans exclure personne, non pas comme quelqu’un qui impose un nouveau devoir, mais bien comme quelqu’un qui partage une joie, qui indique un bel horizon, qui offre un banquet désirable. L’Église ne grandit pas par prosélytisme, mais « par attraction » » (n. 14). Frères, sœurs, considérons-nous au service de la destination universelle de l’Évangile, c’est pour tous ; et distinguons-nous par notre capacité à sortir de nous-mêmes, – une annonce pour être une vraie annonce doit sortir de l’égoïsme même – et avoir aussi la capacité – de dépasser toutes les frontières. Les chrétiens se rassemblent sur le parvis plus que dans la sacristie, et vont « sur les places et dans les rues de la ville » (Lc 14,21). Ils doivent être ouverts et expansifs, les chrétiens doivent être « extravertis », et ce caractère leur vient de Jésus, qui a fait de sa présence dans le monde un déplacement continuel, visant à aller à la rencontre de tous, apprenant même de certaines de ses rencontres.

Dans ce sens, l’Évangile rapporte la surprenante rencontre de Jésus avec une femme étrangère, une Cananéenne qui le supplie de guérir sa fille malade (cf. Mt 15, 21-28). Jésus refuse en disant qu’il n’a été envoyé qu’ « aux brebis perdues de la maison d’Israël » et qu’ « il n’est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens » (v. 24.26). Mais la femme, avec l’insistance typique des gens simples, répliqua que même « les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres » (v. 27). Jésus en reste impressionné et lui dit : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » (v. 28). Cette rencontre avec cette femme a quelque chose d’unique. Non seulement quelqu’un fait changer d’avis à Jésus, et c’est une femme, étrangère et païenne, mais le Seigneur lui-même y trouve la confirmation que sa prédication ne doit pas se limiter au peuple auquel il appartient, mais s’ouvrir à tous.

La Bible nous montre que lorsque Dieu appelle une personne et conclut une alliance avec elle, le critère est toujours le suivant : il élit quelqu’un pour en atteindre d’autres, ceci est le critère de Dieu, de l’appel de Dieu Tous les amis du Seigneur ont fait l’expérience de la beauté, mais aussi de la responsabilité et du poids d’avoir été « choisis » par Lui. Et tous ont éprouvé le découragement face à leurs propres faiblesses ou la perte de leurs sécurités. Mais la tentation peut-être plus grande est celle de considérer l’appel reçu comme un privilège, s’il vous plait non, l’appel n’est pas un privilège, jamais. Nous ne pouvons pas dire que nous sommes privilégiés par rapport aux autres, non. L’appel est pour un service. Et Dieu choisit un pour aimer tous, pour arriver à tous.

Aussi pour prévenir la tentation d’identifier le christianisme avec une culture, avec une ethnie, avec un système. Mais de cette façon, il perd sa nature vraiment catholique, c’est-à-dire pour tous, universelle : il ne s’agit pas d’un petit groupe d’élus de première classe. Ne l’oublions pas : Dieu choisit quelqu’un pour aimer tous. Cet horizon de l’universalité. L’Évangile n’est pas seulement pour moi, il est pour tous, ne l’oublions pas. Merci.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 15 novembre 2023

Le repas à Emmaüs (Source : Wikimedia Commons)

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a réfléchi à l’aspect évangélisateur de la joie et au fait que la rencontre avec Jésus est toujours source de joie.

Voici le texte intégral:

Après avoir rencontré divers témoins de l’annonce de l’Évangile, je propose de résumer ce cycle de catéchèses sur le zèle apostolique en quatre points, inspirés par l’Exhortation apostolique Evangelii gaudium, qui fête ce mois-ci ses dix ans. Le premier point, que nous examinons aujourd’hui, le premier des quatre, ne peut concerner que l’attitude dont dépend la substance du geste évangélisateur : la joie. Le message chrétien, comme nous l’avons entendu dans les paroles adressées par l’ange aux bergers, est l’annonce d’une « grande joie » (Lc 2,10). Et la raison ? Une bonne nouvelle, une surprise, un bel événement ? Bien plus, une Personne : Jésus ! Jésus est la joie. C’est Lui le Dieu fait homme qui est venu chez nous ! La question, chers frères et sœurs, n’est donc pas de savoir s‘il faut l’annoncer, mais comment l’annoncer, et ce « comment » est la joie. Ou nous annonçons Jésus avec joie, ou nous ne l’annonçons pas, parce qu’une autre voie pour l’annoncer n’est pas capable de porter la vraie réalité de Jésus.

C’est pourquoi un chrétien mécontent, un chrétien triste, un chrétien insatisfait ou, pire encore, en proie au ressentiment ou à la rancœur n’est pas crédible. Celui-ci parlera de Jésus mais personne ne le croira ! Une personne m’a dit un jour, en parlant de ces chrétiens : « Mais ce sont des chrétiens à visage de morue ! », c’est-à-dire sans aucune expression, ils sont comme ça, et la joie est essentielle. C’est essentiel de veiller sur nos sentiments. L’évangélisation met en œuvre la gratuité, parce qu’elle vient de la plénitude et non de la pression. Et quand on fait une évangélisation – on veut la faire mais cela ne va pas – sur la base d’idéologies, ce n’est pas cela évangéliser, ce n’est pas l’Évangile. L’Évangile n’est pas une idéologie : l’Évangile est une annonce, une annonce de joie. Les idéologies sont froides, toutes. L’Évangile a la chaleur de la joie. Les idéologies ne savent pas sourire, l’Évangile est un sourire, il te fait sourire parce qu’il touche l’âme avec la Bonne Nouvelle.

La naissance de Jésus, dans l’histoire comme dans la vie, est le principe de la joie : pensez à ce qui est arrivé aux disciples d’Emmaüs qui dans la joie ne pouvaient pas croire, et aux autres, puis à l’ensemble des disciples, lorsque Jésus se rend au Cénacle, qui ne pouvaient pas croire à cause de la joie (cf. Lc 24, 13-35). La joie d’avoir Jésus ressuscité. La rencontre avec Jésus apporte toujours de la joie, et si cela ne t’arrive pas, ce n’est pas une vraie rencontre avec Jésus.

Et ce que Jésus fait avec les disciples nous révèle que les premiers à être évangélisés sont les disciples, les premiers qui doivent être évangélisés c’est nous, chrétiens : c’est nous. Et c’est très important. Immergés dans le climat actuel, rapide et confus, même nous en effet nous pouvons nous aussi vivre la foi avec un sens subtil du renoncement, convaincus que l’Évangile n’est plus audible et qu’il ne vaut plus la peine de s’engager pour l’annoncer. Nous pourrions même être tentés par l’idée de laisser « les autres » suivre leur propre chemin. En revanche, c’est précisément le moment de revenir à l’Évangile pour découvrir que le Christ « est toujours jeune et source constante de nouveauté » (Evangelii gaudium, 11).

Alors, comme les deux d’Emmaüs, on retourne à la vie quotidienne avec l’élan de celui qui a trouvé un trésor : ils étaient joyeux ces deux disciples, parce qu’ils avaient trouvé Jésus et il leur a changé la vie. Et l’on découvre que l’humanité regorge de frères et de sœurs qui attendent une parole d’espérance. L’Évangile est également attendu aujourd’hui : l’humanité d’aujourd’hui est comme l’humanité de tout temps : elle en a besoin, même la civilisation de l’incroyance programmée et de la sécularité institutionnalisée ; et mème, surtout la société qui laisse déserts les espaces du sens religieux a besoin de Jésus. C’est le moment favorable pour l’annonce de Jésus. C’est pourquoi je voudrais redire à tous : « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours. (ibid., 1) ». N’oublions pas cela. Et si l’un d’entre nous ne perçoit pas cette joie, qu’il se demande s’il a trouvé Jésus. Une joie intérieure. L’Évangile emprunte le chemin de la joie, toujours, c’est la grande annonce. J’invite chaque chrétien, où qu’il soit, à renouveler aujourd’hui même sa rencontre avec Jésus-Christ. Que chacun d’entre nous prenne aujourd’hui un peu de temps et médite : « Jésus, Tu es en moi : je veux Te rencontrer tous les jours. Tu es une Personne, pas une idée ; Tu es un compagnon de route, pas un programme. Tu es Amour qui résout tant de problèmes. Tu es le principe de l’évangélisation. Toi, Jésus, tu es la source de la joie ».

Amen.

 

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 8 novembre 2023

Photo de Luca Paolini. CC BY-ND 2.0, sur flickr.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a évoqué la vie et la mission de la vénérable Madeleine Delbrêl. Il a cité son adresse à Jesus « Pour être avec Toi sur Ton chemin, nous devons partir, même quand notre paresse nous supplie de rester. Tu nous as choisis pour être dans un équilibre étrange, un équilibre qui ne peut s’établir et se maintenir que dans le mouvement, que dans l’élan. »

Voici le texte intégral:

Au nombre des témoins de la passion pour l’annonce de l’Évangile, ces évangélisateurs passionnés, aujourd’hui je présente la figure d’une femme française du XXe siècle, la vénérable servante de Dieu Madeleine Delbrêl. Née en 1904 et décédée en 1964, elle a été assistante sociale, écrivaine et mystique, elle a vécu pendant plus de trente ans dans les banlieues pauvres et ouvrières de Paris. Eblouie par sa rencontre avec le Seigneur, elle écrit : « Quand nous avons connu la parole de Dieu, nous n’avons pas le droit de ne pas la recevoir ; quand nous l’avons reçue, nous n’avons pas le droit de ne pas la laisser s’incarner en nous ; quand elle s’est incarnée en nous, nous n’avons pas le droit de la garder pour nous : dès lors, nous appartenons à ceux qui l’attendent » (Nous autres, gens des rues, Seuil, coll. «Livre de vie», n. 107, Paris, 1971). Beau : beau ce qu’elle écrit…

Après une adolescence vécue dans l’agnosticisme, – elle ne croyait en rien – à vingt ans environ Madeleine rencontre le Seigneur, frappée par le témoignage d’amis croyants. Elle se met alors à la recherche de Dieu, laissant s’exprimer une soif profonde qu’elle ressentait en elle, et comprend que le « vide qui criait dans son angoisse » c’était Dieu qui la cherchait (Eblouie par Dieu – correspondance 1: 1910-1941 dans Œuvres complètes vol. 1, Nouvelle cité, coll. «Spiritualité», Mont-rouge, 2004). La joie de la foi l’a conduite à mûrir un choix de vie entièrement donnée à Dieu, au cœur de l’Église et au cœur du monde, partageant simplement en fraternité la vie des « gens de la rue ».  Poétiquement elle s’’adressait à Jésus, ainsi : « Pour être avec Toi sur Ton chemin, nous devons partir, même quand notre paresse nous supplie de rester. Tu nous as choisis pour être dans un équilibre étrange, un équilibre qui ne peut s’établir et se maintenir que dans le mouvement, que dans l’élan. Un peu comme une bicyclette, qui ne peut tenir debout sans rouler […] Nous ne pouvons tenir debout qu’en avançant, en se déplaçant, dans un élan de charité ». C’est ce qu’elle appelle la « spiritualité de la bicyclette » (Humour dans l’amour: Méditations et fantaisies dans Œuvres complètes vol. 3, Nouvelle cité, coll. «Spiritualité», Montrouge, 2005). Ce n’est qu’en se mettant en route, en marchant que nous vivons dans l’équilibre de la foi, qui est un déséquilibre, mais c’est comme ça : comme la bicyclette. Si tu t’arrêtes, elle ne tient pas.

Madeleine avait le cœur constamment en éveil et se laisse interpeller par le cri des pauvres. Elle comprenait que le Dieu vivant de l’Évangile devait brûler en nous jusqu’à ce que nous ayons porté son nom à ceux qui ne l’ont pas encore trouvé. Dans cet esprit, tournée vers l’agitation du monde et le cri des pauvres, Madeleine se sent appelée à « vivre entièrement et à la lettre l’amour de Jésus, depuis l’huile du Bon Samaritain jusqu’au vinaigre du Calvaire, lui rendant ainsi amour pour amour […] afin qu’en l’aimant sans réserve et en se laissant aimer jusqu’au bout, les deux grands commandements de la charité s’incarnent en nous et n’en fassent plus qu’un » (La vocation de la charité, 1, Œuvres complètes XIII, Bruyères-le-Châtel, 138-139).

Enfin, Madeleine Delbrêl nous enseigne encore une chose : qu’en évangélisant, on est évangélisés : en évangélisant, nous sommes évangélisés. C’est pourquoi elle disait, en écho à saint Paul :  » malheur à moi si l’évangélisation ne m’évangélise pas « . En évangélisant, on s’évangélise soi-même. Et c’est une belle doctrine.

En contemplant cette femme témoin de l’Evangile, nous apprenons nous aussi que dans toute situation et circonstance personnelle ou sociale de notre vie, le Seigneur est présent et nous appelle à habiter notre temps, à partager la vie des autres, à nous mêler aux joies et aux tristesses du monde. En particulier, elle nous enseigne que même les milieux sécularisés peuvent aider pour la conversion, parce que le contact avec les non-croyants provoque le croyant à une révision continuelle de sa manière de croire et à redécouvrir la foi dans son essentialité (cf. Nous autres, gens des rues, Seuil, coll. «Livre de vie», n. 107, Paris, 1971).

Que Madeleine Delbrêl nous apprenne à vivre cette foi “in moto” –  » en mouvement « , disons, cette foi féconde qui fait de tout acte de foi un acte de charité dans l’annonce de l’Évangile. Je vous remercie.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

« Marcher Ensemble » gagne le prix d’excellence de l’AMéCO

Le pape François accueillant les délégations des Premières Nations, des Métis et des Inuits à Rome.

Le mercredi 25 octobre, le documentaire original Marcher Ensemble de Sel + Lumière Média a reçu le prix d’excellence de l’AMéCO, l’Association des médias catholiques et œcuméniques, basée à Montréal.  

Nous sommes honorés de recevoir cette reconnaissance pour Marcher Ensemble, qui accompagne les délégations des Premières Nations, des Métis et des Inuits à Rome pour une série d’audiences avec le pape François en mars et avril 2022. Le documentaire se concentre sur ces rencontres, au cours desquelles le Saint-Père s’est excusé au nom des dirigeants et des institutions de l’Église pour les horreurs des pensionnats et leurs effets dévastateurs sur les communautés autochtones du Canada. Le père Alan Fogarty, s.j. PDG de Sel + Lumière Média, en a été le producteur exécutif. Ce film a été écrit, produit et raconté par le diacre Pedro Guevara-Mann.

Vous pouvez voir ici Mireille Haj-Chahine, notre Associée bilingue – aux relations avec les donateurs, recevant le prix pour Sel + Lumière Média. (Photo de Judith Renauld du Verbe, prise lors de la cérémonie de remise des prix d’excellence de l’AMéCO).

Marcher Ensemble a été salué pour sa capacité à décrire avec sincérité les expériences des victimes et des générations qui ont suivi, tout en inspirant l’espoir d’une réconciliation. Une critique a déclaré : « Le film vous laisse avec le sentiment profond que non seulement vous devriez faire partie de la solution, mais que vous pouvez la faire, et c’est un cadeau ».  

Nous sommes reconnaissants spécialement aux survivants, à leurs familles, aux défenseurs et aux dirigeants autochtones qui ont partagé leur histoire avec nous pour ce documentaire, ainsi que pour leur persévérance, leur foi et leur courage. Nous apprécions également l’accueil réservé au film qui a suivi et dont le titre est Marcher ensemble : Autour du tambour, qui met en lumière la visite apostolique du pape au Canada en juillet 2022. Nous espérons et prions pour que ces documentaires soient une source de guérison, de réconciliation et d’inspiration pour les survivants, les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis, ainsi que pour tous les peuples autochtones qui subissent l’oppression et ses effets sur plusieurs générations.

 Pour en savoir plus sur Marcher Ensemble, consultez ce communiqué de presse.

Marcher Ensemble et Marcher ensemble : Autour du tambour sont tous les deux disponibles, sur demande, sur Sel + Lumière Plus.

Voici la bande-annonce originale :

 

Homélie du pape François pour la conclusion de l’Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques

Conclusion de l’Assemblée générale ordinaire du synode des évêques. Photo © Sel + Lumière Média.

L’Assemblée générale 2023 du Synode sur la synodalité s’est achevée par la messe du 29 octobre, 30e dimanche du temps ordinaire. Dans son homélie, le pape François a déclaré : « Nous pouvons avoir beaucoup de bonnes idées sur la façon de réformer l’Église, mais rappelons-nous : adorer Dieu et aimer nos frères et sœurs de son amour, voilà la grande et éternelle réforme. »

Lisez le texte intégral de son homélie ci-dessous :

Messe du 30ème dimanche du temps ordinaire
Conclusion de l’Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques
Homélie de Sa Sainteté

C’est vraiment avec un prétexte qu’un docteur de la Loi se présente à Jésus, et seulement pour le mettre à l’épreuve. Il s’agit cependant d’une question importante, une question toujours actuelle, qui se fraye parfois un chemin dans nos cœurs et dans la vie de l’Église : « Quel est le grand commandement ? » (Mt 22, 36). Nous aussi, plongés dans le fleuve vivant de la Tradition, nous nous demandons : quelle est la chose la plus importante ? Quel est le centre propulseur ? Qu’est-ce qui compte le plus, au point d’être le principe inspirateur de tout ? Et la réponse de Jésus est claire : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt 22, 37-39).

Frères cardinaux, frères évêques et prêtres, religieuses et religieux, sœurs et frères, au terme de cette étape du chemin que nous avons parcouru, il est important de regarder le “principe et le fondement” sur lequel tout commence et recommence : aimer. Aimer Dieu par toute notre vie et aimer notre prochain comme soi-même. Non pas nos stratégies, non pas les calculs humains, non pas les manières du monde, mais aimer Dieu et le prochain : voilà le cœur de tout. Mais comment traduire cet élan d’amour ? Je vous propose deux verbes, deux mouvements du cœur sur lesquels je voudrais réfléchir : adorer et servir. Aimer Dieu se fait à travers l’adoration et le service.

Le premier verbe, adorer. Aimer, c’est adorer. L’adoration est la première réponse que nous pouvons donner à l’amour gratuit, à l’amour surprenant de Dieu. L’émerveillement de l’adoration est essentiel dans l’Église, surtout à notre époque où nous avons perdu l’habitude de l’adoration. Adorer c’est en effet reconnaître dans la foi que Dieu seul est Seigneur et que notre vie, le chemin de l’Église, le destin de l’histoire dépendent de la tendresse de son amour. Il est le sens de la vie.

En l’adorant, nous nous redécouvrons libres. C’est pourquoi l’amour du Seigneur dans l’Écriture est souvent associé à la lutte contre l’idolâtrie. Ceux qui adorent Dieu rejettent les idoles car, alors que Dieu libère, les idoles asservissent. Elles nous trompent et ne tiennent jamais leurs promesses car elles sont « ouvrages de mains humaines » (Ps 113b, 4). L’Écriture est sévère à l’égard de l’idolâtrie parce que les idoles sont l’œuvre de l’homme qui les manipule, alors que Dieu est toujours le Vivant, qui est ici et au-delà, « qui n’est pas fait comme je le pense, qui ne dépend pas de ce que j’attends de lui, qui peut donc bouleverser mes attentes, précisément parce qu’il est vivant. La preuve que nous n’avons pas toujours une idée juste de Dieu, c’est que nous sommes parfois déçus : je m’attendais à ceci, j’imaginais que Dieu se comportait ainsi, et je me suis trompé. Nous nous engageons ainsi sur la voie de l’idolâtrie en voulant que le Seigneur agisse selon l’image que nous nous sommes faite de lui » (C.M. Martini, I grandi della Bibbia. Esercizi spirituali con l’Antico Testamento, Firenze 2022, 826-827). Et c’est un risque que nous pouvons toujours courir : penser que nous “contrôlons Dieu”, enfermer son amour dans nos schémas. Au contraire, son action est toujours imprévisible, elle va au-delà, et c’est pourquoi cet agir de Dieu exige émerveillement et adoration. L’émerveillement est si important !

Nous devons toujours lutter contre les idolâtries ; les idolâtries mondaines qui découlent souvent de la vanité personnelle, comme la soif de succès, l’affirmation de soi à tout prix, l’avidité pour l’argent – le diable entre par la poche, ne l’oublions pas -, l’attrait du carriérisme ; mais aussi les idolâtries déguisées en spiritualité : ma propre spiritualité, mes propres idées religieuses, mes prouesses pastorales… Soyons vigilants pour ne pas nous mettre au centre plutôt que Lui. Et revenons à l’adoration. Qu’elle soit centrale pour nous, pasteurs : consacrons chaque jour du temps à l’intimité avec Jésus Bon Pasteur devant le tabernacle. Adorer. Que l’Église soit adoratrice : dans chaque diocèse, dans chaque paroisse, dans chaque communauté, adorons le Seigneur ! Parce que ce n’est que de cette manière que nous nous tournerons vers Jésus et non vers nous-mêmes ; parce que ce n’est qu’à travers un silence d’adoration que la Parole de Dieu habitera nos paroles ; parce que ce n’est que devant Lui que nous serons purifiés, transformés et renouvelés par le feu de son Esprit. Frères et sœurs, adorons le Seigneur Jésus !

Le second verbe est servir. Aimer, c’est servir. Dans le grand commandement, le Christ lie Dieu et le prochain pour qu’ils ne soient jamais séparés. Il n’existe pas d’expérience religieuse qui soit sourde aux cris du monde, une véritable expérience religieuse. Il n’y a pas d’amour de Dieu sans implication dans le soin du prochain, sous peine de pharisaïsme. Nous pouvons en effet avoir beaucoup de belles idées pour réformer l’Église, mais rappelons-nous : adorer Dieu et aimer nos frères de son amour, voilà la grande et durable réforme. Être une Église adoratrice et une Église du service qui lave les pieds de l’humanité blessée, qui accompagne le chemin des personnes fragiles, faibles et laissées-pour-compte, qui va tendrement à la rencontre des plus pauvres. C’est ce que Dieu a ordonné, nous l’avons entendu, dans la première lecture.

Frères et sœurs, je pense à ceux qui sont victimes des atrocités de la guerre ; aux souffrances des migrants, à la douleur cachée de ceux qui se retrouvent seuls et dans la pauvreté ; à ceux qui sont écrasés par les fardeaux de la vie ; à ceux qui n’ont plus de larmes, à ceux qui n’ont plus de voix. Et je pense à combien de fois, derrière de belles paroles et de douces promesses, des formes d’exploitation sont encouragées ou rien n’est fait pour les empêcher. C’est un péché grave que d’exploiter les plus faibles, un péché grave qui ronge la fraternité et dévaste la société. Nous, disciples de Jésus, nous voulons apporter au monde un autre levain, celui de l’Évangile : Dieu à la première place, et avec Lui ceux qu’Il préfère, les pauvres et les faibles.

Telle est, frères et sœurs, l’Église dont nous sommes appelés à rêver : une Église au service de tous, au service des derniers. Une Église qui n’exige jamais un bulletin de “bonne conduite”, mais qui accueille, sert, aime, pardonne. Une Église aux portes ouvertes qui soit un port de miséricorde. « L’homme miséricordieux – dit Chrysostome – est un port pour ceux qui sont dans le besoin : le port accueille et sauve du danger tous les naufragés ; qu’ils soient méchants, bons, ou qu’ils soient ce qu’ils sont […], le port les abrite dans son anse. Toi donc aussi, quand tu verras à terre un homme qui a fait naufrage dans la pauvreté, ne le juge pas, ne lui demande pas compte de sa conduite, mais délivre-le du malheur » (Discours sur le pauvre Lazare, II, 5).

Frères et sœurs, l’Assemblée synodale s’achève. Dans cette « conversation de l’Esprit », nous avons pu expérimenter la tendre présence du Seigneur et découvrir la beauté de la fraternité. Nous nous sommes écoutés les uns les autres et surtout, dans la riche variété de nos histoires et de nos sensibilités, nous nous sommes mis à l’écoute de l’Esprit-Saint. Aujourd’hui, nous ne voyons pas le fruit complet de ce processus, mais avec anticipation, nous pouvons regarder l’horizon qui s’ouvre devant nous : le Seigneur nous guidera et nous aidera à être une Église plus synodale et plus missionnaire, qui adore Dieu et sert les femmes et les hommes de notre temps, en allant porter à tous la joie consolatrice de l’Évangile.

Frères et sœurs : pour tout ce que vous avez fait au sein du Synode et continuez à faire, je vous dis merci ! Merci pour le chemin que nous avons parcouru ensemble, pour l’écoute et le dialogue. En vous remerciant, je voudrais formuler un vœu pour nous tous : que nous puissions grandir dans l’adoration de Dieu et dans le service au prochain. Adorer et servir. Que le Seigneur nous accompagne. Et en avant, dans la joie !

 

 

Lettre au peuple de Dieu

L’Assemblée du Synode lors de l’une de ses sessions matinales. Photo © Sel + Lumière Média.

Le mercredi 25 octobre, les participants au synode ont publié une lettre au peuple de Dieu décrivant leur expérience de l’unité et de la foi et exprimant leur engagement à poursuivre sur cette voie au cours de l’année à venir.

Lettre de la

16ème Assemblée Générale Ordinaire

du Synode des Évêques

au peuple de Dieu

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs,

Alors que s’achèvent les travaux de la première session de la 16ème Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques, nous voulons, avec vous tous, rendre grâces à Dieu pour la belle et riche expérience que nous venons de vivre. Nous avons vécu ce temps béni en profonde communion avec vous tous. Nous étions soutenus par vos prières, porteurs de vos attentes, de vos questions et aussi de vos craintes. Voilà déjà deux ans qu’a commencé, à la demande du pape François, un long processus d’écoute et de discernement, ouvert à tout le peuple de Dieu, sans exclusive, afin de « marcher ensemble », sous la conduite de l’Esprit Saint, disciples missionnaires à la suite du Christ Jésus.

La session qui nous a réunis à Rome depuis le 30 septembre constitue une étape importante de ce processus. À bien des égards, ce fut une expérience inédite. Pour la première fois, à l’invitation du pape François, des hommes et des femmes étaient conviés, en vertu de leur baptême, à siéger à la même table pour prendre part non seulement aux délibérations mais aussi aux votes de cette Assemblée du Synode des Évêques. Ensemble, dans la complémentarité de nos vocations, de nos charismes et de nos ministères, nous nous sommes mis intensément à l’écoute de la Parole de Dieu et de l’expérience des autres. À l’aide de la méthode de la conversation dans l’Esprit, nous avons partagé humblement les richesses et les pauvretés de nos communautés sur tous les continents, en essayant de discerner ce que l’Esprit Saint veut dire à l’Église aujourd’hui. Nous avons notamment expérimenté l’importance de favoriser les échanges réciproques entre la tradition latine et les traditions de l’Orient chrétien. En outre, la participation des Délégués fraternels d’autres Églises et Communautés ecclésiales a profondément enrichi nos débats. 

Notre assemblée s’est déroulée dans le contexte d’un monde en crise, dont les blessures et les inégalités scandaleuses ont résonné douloureusement dans nos cœurs et donné à nos travaux une gravité particulière, d’autant plus que certains d’entre nous venaient de pays où la guerre fait rage. Nous avons prié pour les victimes de la violence meurtrière, sans oublier celles et ceux que la misère et la corruption jettent sur les routes dangereuses de la migration. Nous avons exprimé notre solidarité et notre engagement aux côtés des femmes et des hommes qui, partout dans le monde, sont des artisans de justice et de paix.

À l’invitation du Saint-Père, nous avons accordé une place importante au silence, afin de favoriser l’écoute respectueuse entre nous et le désir de communion dans l’Esprit. Lors de la veillée œcuménique d’ouverture, nous avons expérimenté combien la soif d’unité grandit dans la contemplation silencieuse du Christ crucifié. La croix est, en effet, l’unique cathèdre de Celui qui, en donnant sa vie pour le salut du monde, a confié ses disciples à son Père, afin que « tous soient un » (Jn 17,21). Fermement unis dans l’espérance que nous donne Sa résurrection, nous lui avons confié notre Maison commune où résonnent de façon de plus en plus urgente la clameur de la terre et la clameur des pauvres : « Laudate Deum ! », a rappelé le pape François au tout début de nos travaux. 

Au fil des jours, nous avons entendu l’appel pressant à la conversion pastorale et missionnaire. Car la vocation de l’Église est d’annoncer l’Évangile non pas en se centrant sur elle-même, mais en se mettant au service de l’amour infini dont Dieu aime le monde (cf. Jn 3,16). Interrogés sur leurs attentes à l’égard de l’Église à l’occasion de ce synode, des personnes sans-abri des environs de la place Saint-Pierre ont répondu : « L’amour ! ». Cet amour doit toujours demeurer le cœur brûlant de l’Église, un amour trinitaire et eucharistique, comme l’a rappelé le Pape en évoquant le 15 octobre, à mi-chemin du parcours de notre assemblée, le message de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. « C’est la confiance » qui nous donne l’audace et la liberté intérieure dont nous avons fait l’expérience, n’hésitant pas à exprimer nos convergences et nos divergences, nos désirs et nos interrogations, librement et humblement.

Et maintenant ? Nous souhaitons que les mois qui nous séparent de la deuxième session, en octobre 2024, permettent à chacun de participer concrètement au dynamisme de communion missionnaire qu’indique le mot « synode ». Il ne s’agit pas d’une idéologie mais d’une expérience enracinée dans la Tradition apostolique. Comme l’a rappelé le Pape au début de ce processus : « Communion et mission risquent de rester des termes un peu abstraits si l’on ne cultive pas une pratique ecclésiale qui exprime la réalité concrète de la synodalité (…), favorisant l’implication effective de tous et de chacun » (9 octobre 2021). Les défis sont multiples et les questions nombreuses : le rapport de synthèse de la première session précisera les points d’accord auxquels nous sommes parvenus, soulignera les questions ouvertes et indiquera la manière dont nous devrons poursuivre le travail.

Pour progresser dans son discernement, l’Église a absolument besoin de se mettre à l’écoute de tous, en commençant par les plus pauvres. Cela exige de sa part un chemin de conversion, qui est aussi un chemin de louange : « Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » (Lc 10, 21) ! Il s’agit de se mettre à l’écoute de celles et ceux qui n’ont pas droit à la parole dans la société ou qui se sentent exclus, même de la part de l’Église. À l’écoute des personnes victimes du racisme sous toutes ses formes, notamment, en certaines régions, les peuples indigènes dont les cultures ont été bafouées. Et surtout, l’Église de notre temps se doit d’écouter, dans un esprit de conversion, les personnes qui ont été victimes d’abus commis par des membres du corps ecclésial, et de s’engager concrètement et structurellement pour que cela ne se reproduise pas. 

L’Église a aussi besoin d’écouter les laïcs, femmes et hommes, tous appelés à la sainteté en raison de leur vocation baptismale : le témoignage des catéchistes, qui dans bien des situations sont les premiers annonciateurs de l’Évangile ; la simplicité et la vivacité des enfants, l’enthousiasme des jeunes, leurs questions et leurs appels ; les rêves des anciens, leur sagesse et leur mémoire. L’Église a besoin de se mettre à l’écoute des familles, de leurs préoccupations éducatives, du témoignage chrétien qu’elles offrent dans le monde d’aujourd’hui. Elle a besoin d’accueillir la parole de celles et ceux qui souhaitent s’engager dans des ministères laïcs ou dans des instances participatives de discernement et de décision. 

L’Église a particulièrement besoin, pour progresser dans son discernement synodal, de recueillir davantage la parole et l’expérience des ministres ordonnés : les prêtres, premiers collaborateurs des évêques, dont le ministère sacramentel est indispensable à la vie du corps tout entier ; les diacres, qui signifient par leur ministère la sollicitude de toute l’Église au service des plus fragiles. Elle a aussi besoin de se laisser bousculer par la voix prophétique de la vie consacrée, sentinelle vigilante des appels de l’Esprit. Elle se doit également d’être attentive à celles et ceux qui ne partagent pas sa foi mais cherchent la vérité, et en qui l’Esprit est présent et agissant, Lui qui « offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associés au mystère pascal » (Gaudium et spes 22, 5).

« Le monde dans lequel nous vivons, et que nous sommes appelés à aimer et à servir, même dans ses contradictions, exige de l’Église le renforcement des synergies dans tous les domaines de sa mission. C’est précisément le chemin de la synodalité que Dieu attend de l’Église du troisième millénaire » (Pape François, 17 octobre 2015). N’ayons pas peur de répondre à cet appel. La Vierge Marie, première en chemin, accompagne notre pèlerinage. Dans les joies et les peines, elle nous montre son Fils et nous invite à la confiance. C’est Lui, Jésus, notre unique espérance !

Cité du Vatican, 25 octobre 2023

 

Audience générale du pape François – Mercredi 25 octobre 2023

Statue des saints Cyrille et Méthode à Trebíc, en République tchèque. Photo de Jirí Sedlácek – Frettie, CC BY-SA 3.0, par Wikimedia Commons.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François s’est penché sur la mission des saints Cyrille et Méthode auprès du peuple slave. Il a souligné que « la foi doit être inculturée et la culture évangélisée. »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui, je vais vous parler de deux frères très célèbres en Orient, au point d’être appelés « les apôtres des Slaves » : les Saints Cyrille et Méthode. Nés en Grèce au IXe siècle dans une famille aristocratique, ils renoncent à leur carrière politique pour se consacrer à la vie monastique. Mais leur rêve d’une existence retirée est de courte durée. Ils sont envoyés comme missionnaires dans la Grande Moravie, qui comprenait alors divers peuples, déjà en partie évangélisés, mais parmi lesquels persistaient de nombreuses coutumes et traditions païennes. Leur prince demandait un maître pour expliquer la foi chrétienne dans leur langue.

La première tâche de Cyrille et Méthode est donc d’étudier en profondeur la culture de ces peuples. Toujours cette ritournelle : la foi doit être inculturée et la culture doit être évangélisée. Inculturation de la foi, évangélisation de la culture, toujours. Cyrille leur demande s’ils ont un alphabet ; ils lui répondent par la négative. Il réplique : « Qui peut écrire un discours sur l’eau ? En effet, pour annoncer l’Évangile et prier, il fallait un outil adéquat, approprié, spécifique. Il invente donc l’alphabet glagolitique. Il traduit la Bible et les textes liturgiques. Les gens sentent que la foi chrétienne n’est plus « étrangère », mais qu’elle devient leur foi, parlée dans leur langue maternelle. Pensez-y : deux moines grecs qui donnent un alphabet aux Slaves. C’est cette ouverture du cœur qui a enraciné l’Évangile parmi eux. Ils n’avaient pas peur ces deux-là, ils étaient courageux.

Très tôt, cependant, une opposition se fait jour de la part de certains Latins, qui s’estiment dépossédés du monopole de la prédication chez les Slaves, cette lutte à l’intérieur de l’Eglise, toujours ainsi. Leur objection est religieuse, mais seulement en apparence : Dieu ne peut être loué – disent-ils – que dans les trois langues écrites sur la croix, l’hébreu, le grec et le latin. Ceux-ci avaient la mentalité fermée pour défendre leur propre autonomie. Mais Cyrille répond avec force : Dieu veut que chaque peuple le loue dans sa propre langue. Avec son frère Méthode, il s’adresse au Pape qui approuve leurs textes liturgiques en langue slave, les fait placer sur l’autel de l’église de Sainte-Marie-Majeure et chante avec eux les louanges du Seigneur selon ces livres. Cyrille mourut quelques jours plus tard et ses reliques sont toujours vénérées à Rome, dans la Basilique de Saint-Clément. Méthode, quant à lui, est ordonné évêque et renvoyé dans les territoires des Slaves. Là, il devra beaucoup souffrir, il sera même emprisonné, mais, frères et sœurs, nous avons qu’on ne peut enchaîner la Parole de Dieu et elle se répand parmi ces peuples.

En considérant le témoignage de ces deux évangélisateurs, que Saint Jean-Paul II a voulu co-patrons de l’Europe et sur lesquels il a écrit l’Encyclique Slavorum Apostoli, examinons trois aspects importants.

Tout d’abord, l’unité : les Grecs, le Pape, les Slaves : à cette époque, il y avait en Europe une chrétienté non divisée, qui collaborait pour évangéliser.

Un second aspect important est l’inculturation, dont j’ai parlé précédemment : évangéliser la culture et l’inculturation met en évidence que l’évangélisation et la culture sont étroitement liées. On ne peut pas prêcher un Évangile abstrait, distillé, non : l’Évangile doit être inculturé et est aussi une expression de la culture.

Un dernier aspect, la liberté. La liberté est nécessaire dans la prédication mais la liberté a toujours besoin du courage, une personne est libre dans la mesure où elle est plus courageuse et ne se laisse pas enchainer par tant de choses qui la privent de sa liberté.

Frères et sœurs, demandons aux saints Cyrille et Méthode, apôtres des Slaves, d’être des instruments de « liberté dans la charité » pour les autres. Être créatifs, être constants et être humbles, avec la prière et avec le service.

 


APPEL

Je pense toujours à la grave situation en Palestine et en Israël : j’encourage la libération des otages et l’entrée de l’aide humanitaire à Gaza. Je continue à prier pour ceux qui souffrent et à espérer des chemins de paix, au Moyen-Orient, dans l’Ukraine tourmentée et dans d’autres régions blessées par la guerre. Je rappelle à tous qu’après-demain, vendredi 27 octobre, nous vivrons une journée de jeûne, de prière et de pénitence ; à 18 heures, à Saint-Pierre, nous nous réunirons pour prier et implorer la paix dans le monde.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – Mercredi 18 octobre

Ermitage et chapelle de Nazareth, où Saint Charles de Foucauld a marché sur les traces de Jésus. iStock photo

Au cours de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a évoqué le zèle missionnaire de Saint Charles de Foucauld. Il a souligné que saint Charles était « une figure prophétique pour notre temps » qui « a témoigné de la beauté de la communication de l’Évangile à travers l’apostolat de la douceur : se considérant comme un ‘frère universel’ et accueillant tout le monde, il nous montre la force évangélisatrice de la douceur, de la tendresse. »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs,

Nous poursuivons dans notre rencontre avec certains chrétiens témoins riches de zèle dans l’annonce de l’Évangile. Le zèle apostolique, le zèle pour l’annonce : et nous allons à la rencontre de certains chrétiens qui ont été des exemples de ce zèle apostolique. Aujourd’hui, je voudrais vous parler d’un homme qui a fait de Jésus et de ses frères les plus pauvres la passion de sa vie. Je me réfère à Saint Charles de Foucauld qui, « grâce à son expérience intense de Dieu, a fait un cheminement de transformation jusqu’à se sentir le frère de tous » (Lett. enc. Fratelli tutti, 286).

Et quel a été le « secret » de Charles de Foucauld, de sa vie ? Après avoir vécu une jeunesse loin de Dieu, sans croire à rien sinon qu’à la recherche désordonnée du plaisir, il le confie à un ami non-croyant, auquel, après s’être converti en accueillant la grâce du pardon de Dieu dans la Confession, il révèle la raison de sa vie. Il écrit : « J’ai perdu mon cœur pour Jésus de Nazareth » [1]. Frère Charles nous rappelle ainsi que le premier pas dans l’évangélisation est d’avoir Jésus dans son cœur, c’est de « perdre la tête » pour Lui. Si ce n’est pas le cas, difficilement nous réussissons à le montrer par notre vie. Nous risquons en revanche de parler de nous-mêmes, dans notre groupe d’appartenance, d’une morale ou, pire encore, d’un ensemble de règles, mais pas de Jésus, de son amour, de sa miséricorde. Cela je le vois dans certains nouveaux mouvements qui émergent : ils parlent de leur vision de l’humanité, ils parlent de leur spiritualité et ils se sentent une nouvelle voie… Mais pourquoi ne parlez-vous pas de Jésus ? Ils parlent de beaucoup de choses, d’organisation, de chemins spirituels, mais ils ne savent pas parler de Jésus. Je crois qu’aujourd’hui, il serait bon que chacun d’entre nous se demande : « Est-ce que j’ai Jésus au centre de mon cœur ? Ai-je un peu perdu la tête pour Jésus ?

Charles le fait, au point de passer de l’attraction pour Jésus à l’ imitation de Jésus. Conseillé par son confesseur, il se rend en Terre Sainte pour visiter les lieux où le Seigneur a vécu et pour marcher où le Maitre a marché. En particulier, c’est à Nazareth qu’il comprend le devoir de se former à l’école du Christ. Il vit une relation intense avec le Seigneur, passe de longues heures à lire les Évangiles et se sent comme son petit frère. Et connaissant Jésus, nait en lui le désir de le faire connaitre : cela survient toujours ainsi. Lorsque chacun de nous connait plus Jésus, nait le désir de le faire connaitre, de partager ce trésor. En commentant le récit de la visite de la Vierge à Elisabeth, il Lui fait dire, à la Vierge, à lui : « Je me suis donné au monde… portez-moi au monde ». Oui mais comment faire ? Comme Marie dans le mystère de la Visitation : « en silence, par l’exemple, par la vie » [2]. Par la vie, parce que « toute notre existence, écrit frère Charles – doit crier l’Évangile » [3]. Et tant de fois notre existence crie mondanité, crie tant de choses stupides, choses étranges et lui nous dit : “Non, toute notre existence doit crier l’Évangile”.

Il décide alors de s’installer dans des régions lointaines pour crier l’Évangile dans le silence, en vivant dans l’esprit de Nazareth, dans la pauvreté et de manière cachée. Il se rend dans le désert du Sahara, parmi les non-chrétiens, et y arrive en ami et en frère, apportant la douceur de Jésus Eucharistie. Charles laisse que ce soit Jésus à agir silencieusement, convaincu que la « vie eucharistique » évangélise. En effet, il croit que le Christ est le premier évangélisateur. Il reste donc en prière aux pieds de Jésus, devant le tabernacle, environ dix heures par jour, sûr que la force évangélisatrice se trouve là et réalisant que c’est Jésus qui le rend proche de tant de frères lointains. Et nous, je me demande croyons-nous au pouvoir de l’Eucharistie ? Notre sortie vers les autres, notre service, trouve-t-il là, dans l’adoration, son commencement et son accomplissement ? Je suis convaincu que nous avons perdu le sens de l’adoration : nous devons le retrouver, en commençant par nous, personnes consacrées, évêques, prêtres, religieuses et toutes les personnes consacrées. « Perdre » du temps devant le tabernacle, retrouver le sens de l’adoration.

Charles de Foucauld écrivait : « Tout chrétien est un apôtre » [4] et rappelle à un ami qu’ « à côté des prêtres, nous avons besoin de laïcs qui voient ce que le prêtre ne voit pas, qui évangélisent avec une proximité de charité, avec une bonté pour tous, avec une affection toujours prête à se donner » [5]. Les saints laïcs, pas les arrivistes, mais ces laïcs, hommes et femmes qui sont amoureux de Jésus, font comprendre au prêtre qu’il n’est pas un fonctionnaire, qu’il est un médiateur, un prêtre. Combien nous, prêtres, avons besoin d’avoir à nos côtés ces laïcs qui croient sérieusement et qui, par leur témoignage, nous enseignent le chemin. Charles de Foucauld, avec cette expérience laïque, anticipe l’époque du Concile Vatican II, il perçoit l’importance des laïcs et comprend que l’annonce de l’Évangile est la responsabilité du peuple de Dieu tout entier. Mais comment accroître cette participation ? Comme Charles de Foucauld l’a fait : en se mettant à genoux et en accueillant l’action de l’Esprit, qui suscite toujours de nouvelles manières pour s’engager, rencontrer, écouter et dialoguer, toujours dans la collaboration et dans la confiance, toujours en communion avec l’Église et avec les pasteurs.

Saint Charles de Foucauld, figure qui est une prophétie pour notre temps, a témoigné de la beauté de la communication de l’Évangile à travers l’ apostolat de la douceur : lui qui se sentait « frère universel » et accueillait tous, nous montre la force évangélisatrice de la douceur, de la tendresse. Ne l’oublions pas, le style de Dieu ce sont trois paroles : proximité, compassion et tendresse. Dieu est toujours proche, toujours compatissant, toujours tendre. Et le témoignage chrétien doit suivre ce chemin : de proximité, de compassion, de tendresse. Et il était ainsi doux et tendre. Il voulait que quiconque le rencontrait voit, à travers sa bonté, la bonté de Jésus. Il disait qu’il était en fait « le serviteur de quelqu’un qui est bien meilleur que moi » [6]. Vivre la bonté de Jésus l’entrainait à tisser des liens fraternels et d’amitié avec les pauvres, avec les Touaregs, avec ceux qui sont les plus éloignés de sa mentalité. Peu à peu, ces liens généraient la fraternité, l’inclusion, l’appréciation de la culture de l’autre. La bonté est simple et demande d’être des gens simples, qui n’ont pas peur de donner un sourire. Et avec son sourire, avec sa simplicité, Frère Charles a témoigné de l’Évangile. Jamais de prosélytisme, jamais : le témoignage. L’évangélisation ne se fait pas par le prosélytisme, mais par témoignage, par attraction. Demandons-nous alors enfin si nous portons en nous et aux autres la joie chrétienne, la douceur chrétienne, la tendresse chrétienne, la compassion chrétienne, la proximité chrétienne. Merci.

* * *

Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents à cette audience, notamment les groupes de paroissiens et d’élèves venus de Suisse, de Côte d’Ivoire, de France et du Maroc, notamment la Délégation de l’Institut oecuménique de théologie Al Mowafaqa, accompagnée par le Cardinal Cristobal Lopez Romero et Madame Karen Smith.

Puisse saint Charles de Foucauld, nous apprendre la valeur du silence et la force évangélisatrice d’une vie cachée en Dieu.

Que le Seigneur vous bénisse !


APPELS 

Aujourd’hui encore, chers frères et sœurs, nos pensées vont vers la Palestine et Israël. Le nombre de victimes augmente et la situation à Gaza est désespérée. Que tout ce qui est possible soit fait, s’il vous plait, pour éviter une catastrophe humanitaire. Il est inquiétant de constater que le conflit pourrait s’étendre alors que tant de fronts de guerre sont déjà ouverts dans le monde. Faites taire les armes, écoutez le cri de paix des pauvres, des peuples, des enfants… Frères et sœurs, la guerre ne résout aucun problème : elle ne fait que semer la mort et la destruction, accroître la haine, multiplier les vengeances. La guerre efface l’avenir, elle efface l’avenir. J’exhorte les croyants à ne prendre qu’un seul parti dans ce conflit : celui de la paix. Mais pas avec des mots, mais avec la prière, avec un dévouement total. C’est dans cet esprit que j’ai décidé d’appeler à une journée de jeûne et de prière le vendredi 27 octobre, une journée de pénitence à laquelle j’invite les sœurs et les frères des différentes confessions chrétiennes, ceux qui appartiennent à d’autres religions et tous ceux qui ont à cœur la cause de la paix dans le monde, à se joindre comme ils l’entendent. Ce soir-là, à 18 heures, à Saint-Pierre, nous vivrons dans un esprit de pénitence une heure de prière pour implorer la paix, la paix dans ce monde. Je demande à toutes les Églises particulières de participer en organisant des initiatives similaires impliquant le Peuple de Dieu.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

La coresponsabilité synodale dans la mission évangélisatrice

LA CORESPONSABILITÉ SYNODALE  

DANS LA MISSION ÉVANGÉLISATRICE. 

Comment partager les dons et les tâches au service de l’Évangile ? 

Carlos María Galli 

Doyen de la Faculté de théologie de l’Université catholique d’Argentine 

Membre de la Commission théologique internationale – Coordinateur de l’équipe théologique et pastorale du CELAM 

 

L’Instrumentum Laboris place le thème de la coresponsabilité dans la mission au centre du  discernement (B.2). Il fait référence à l’échange entre les Églises sur les sujets de la communion  (IL 35) et de la mission (IL 22, 41). Il suggère une question préalable aux cinq questions qui  suivent : Comment partager les dons et les missions au service de l’Évangile ? Cette réflexion  théologique examine le lien intrinsèque entre synodalité et mission (1) ; la coresponsabilité des  baptisés (2) ; le partage au service de l’Evangile (3).

 

1. L’Église synodale est missionnaire. L’Église missionnaire est synodale.

1. La Constitution Episcopalis Communio souligne la finalité évangélisatrice du Synode. Aujourd’hui, à un moment historique où l’Église se dirige vers « une nouvelle étape  d’évangélisation » [EG 1], qui lui demande de se constituer « dans toutes les régions de la terre  en « état permanent de mission » [EG 25], le Synode des évêques est appelé, comme toute autre  institution ecclésiastique, à se convertir toujours d’avantage en « un canal approprié pour  l’évangélisation du monde d’aujourd’hui plutôt que pour l’auto-préservation » [EG 27]).

2. L’Église, comme la Trinité et l’Eucharistie, est un mystère de communion missionnaire. Le  Synode consacré aux jeunes a développé l’expression intégratrice de la synodalité missionnaire.  Il a fait une réception créative du document de la Commission théologique internationale sur  la synodalité, qui affirme :

« Dans l’Église, la synodalité est vécue au service de la mission. « L’Église pèlerine est  missionnaire par sa nature même (Ecclesia peregrinans natura sua missionaria est) (AG 2),  « elle existe pour évangéliser » (EN 14). Tout le peuple de Dieu est le sujet de l’annonce de  l’Évangile. En lui, chaque baptisé est appelé à être un protagoniste de la mission parce que nous  sommes tous des disciples missionnaires » (SIN 53).  

Le texte cite le décret conciliaire Ad gentes : « L’Église pèlerine est missionnaire par nature »  (AG 2) et l’exhortation de Paul VI Evangelii nuntiandi : « L’Église existe pour évangéliser » (EN  14).

3. En ouvrant ce processus synodal, l’évêque de Rome a condensé ces grandes lignes du  Concile. Le Document préparatoire à cette Assemblée identifie l’Église synodale et l’Église en  marche (DP 15). La Constitution Praedicate Evangelium souligne le lien entre synodalité et mission (EP 4). Le document pour l’étape continentale affirme que la synodalité conduit au  renouveau missionnaire. Le texte de l’Assemblée ecclésiale d’Amérique latine et des Caraïbes  affirme que « l’Église en chemin, en pèlerinage vers la plénitude du Royaume, est missionnaire  parce qu’elle est synodale et est synodale parce qu’elle est missionnaire ». L’Instrumentum  Laboris affirme : « La mission constitue l’horizon dynamique à partir duquel penser l’Église  synodale, à laquelle elle imprime un élan vers « l’extase », qui consiste à sortir de soi-même » (IL  51).

4. Le Concile Vatican II a développé l’expression nature missionnaire pour dire que la mission  est essentielle. Elle découle « de la mission du Fils et du Saint-Esprit, selon le dessein de Dieu  le Père » (AG 2). Une ecclésiologie dynamique affirme non seulement que l’Église a une  mission, mais que la mission du Dieu trinitaire a une Église. L’Église pélerine est historique et  eschatologique. Nous sommes en chemin, nous sommes des synodes missionnaires, nous  allons ensemble proclamer l’Évangile du Royaume de Dieu. La synodalité est missionnaire, la  mission est synodale. L’expression Église synodale missionnaire (IL 54) renforce l’ecclésialité  et le dynamisme de la mission : « Allez et faites de toutes les nations des disciples » (Mt 28,19).

 

2. La coresponsabilité de tous les baptisés dans la mission. 

Jésus a promis aux apôtres : « Vous recevrez une force, celle de l’Esprit Saint qui viendra sur  vous, et vous serez mes témoins… jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8). L’Esprit est le  principal acteur de l’évangélisation (EN 75). La rencontre de Jérusalem est le modèle de la vie  synodale au service de la mission (cf. Ac 15, 1-35). Le discernement effectué sous la conduite  de l’Esprit a confirmé la vocation universelle du Peuple que Dieu forme dans et à partir des  peuples de la terre (Ac 15, 14).

2. L’Esprit « distribue ses dons à chacun comme il veut » (1 Co 12,11). « À chacun est donnée la  manifestation de l’Esprit pour le bien commun » (1 Co 12,7). Les hommes et les femmes  baptisés sont appelés à partager les dons et les missions dans chaque Église locale – diocèse ou  éparchie -, dans les groupements d’Églises particulières aux niveaux régional, national et  continental, et dans l’Église tout entière.

À la suite de Vatican II et de Paul VI, le pape François enseigne que c’est tout le peuple de Dieu  qui proclame l’Évangile (EG 111-134 ; cf. AG 35, EN 59). Ce qui appartient à l’ensemble du  peuple de Dieu appartient à tous les membres du peuple de Dieu. Le mouvement va du « nous »  au « je » : l’Église est le sujet communautaire de la mission et en elle chacun est appelé à  évangéliser. Chaque chrétien peut dire « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile » (1 Cor  9,16) et « Je suis une mission » (EG 273). Nous sommes une mission, « nous sommes tous  toujours des disciples missionnaires » (EG 119-121) et c’est pourquoi nous réfléchissons  aujourd’hui sur la mission (B.2.1).

4. Le baptême et la foi sont les fondements de la vocation universelle à la sainteté et à la  mission. Chaque chrétien est appelé à la plénitude de l’amour et à l’annonce de l’Évangile. Le  renforcement de la coresponsabilité devrait nous aider à voir comment les charismes laïcs  enrichissent les communautés chrétiennes et améliorent la vie des pauvres ; comment recréer  des liens de mutualité, de réciprocité et de complémentarité entre hommes et femmes ;  comment reconnaître et promouvoir la dignité des femmes dans l’Église (B.2.2-3).

5. Nous aurons à discuter sur les échanges entre individus, communautés, institutions et  mouvements dans l’Église locale ; et sur les difficultés d’articulation entre laïcs, vie consacrée  et ministère ordonné dans une Église ministérielle (B.2.2). Il existe plusieurs types de ministères et de ministres qui tiennent leur ministère du baptême. Stables : les mères et les  pères ; spontanés : ceux qui animent des prières populaires ; reconnus : les bénévoles de Caritas  ou les chantres liturgiques ; institués : les catéchistes laïcs. Il y en a de nouveaux : mon père était ministre de l’écoute dans sa paroisse. Les ministères ordonnés seront également analysés  dans une optique missionnaire (B.2.4 ; B.2.5). Nous pouvons tous progresser dans la  conversion pastorale.

 

3. Le partage des dons et des missions au service de l’Évangile. 

1. En traitant de la catholicité, la Constitution Lumen Gentium fait référence aux richesses  culturelles et aux diversités ecclésiales. Dans ce contexte, elle considère l’échange entre les  Églises. 

« De là découlent des liens de communion intime (vincula intimae communionis) entre les  diverses parties de l’Église en ce qui concerne les richesses spirituelles, les travailleurs  apostoliques et les aides temporelles. Les membres du Peuple de Dieu sont appelés à partager  les biens (ad communicandum enim bona), et ces paroles de l’Apôtre peuvent s’appliquer à  chaque Église: ‘En bons intendants des multiples grâces de Dieu, que chacun, ayant reçu le don  qu’il a reçu, se mette au service des autres’ (1 P 4, 10) » (LG 13c). 

2. La grâce fait que les évangélisés deviennent des évangélisateurs et les disciples des  missionnaires. Les anciennes Églises transmettent la foi et forment de nouvelles églises qui, en  grandissant, donnent de leur pauvreté et deviennent des églises sœurs. De nombreux  immigrants deviennent des missionnaires spontanés et contribuent à dynamiser la foi. Ils  apportent avec eux non seulement leur pauvreté, leurs besoins et leurs péchés, mais aussi leurs  richesses, leurs valeurs et leurs vertus, en particulier leur foi, qui peut constituer une précieuse  contribution à l’évangélisation.

3. La mise en commun des biens fait partie du mode de vie illustré dans les résumés des Actes  des Apôtres :

« Tous se réunissaient régulièrement pour écouter l’enseignement des apôtres et participer à la  vie commune (koinonia), à la fraction du pain et aux prières… Tous les croyants étaient unis et  mettaient leurs biens en commun : ils vendaient leurs propriétés et leurs biens et distribuaient  l’argent entre eux selon les besoins de chacun… » (Ac 2, 42-47).  

Le Concile appelle les choses partagées dona et bona. Lumen gentium 13 mentionne trois types  de biens : les richesses spirituelles (divitias espirituales), les travailleurs apostoliques (operarios  apostolicos), les ressources matérielles (temporalia subsidia). Ensemble, ils représentent les  grâces multiples de Dieu. 

 4. Parmi les richesses spirituelles, il y a l’autocommunication de Dieu, le Corps du Christ, la  vie de l’Esprit, la Parole, la grâce, l’Église. Ces biens sont le fondement de la communio  sanctorum. Cette formule du Credo a deux significations interdépendantes : la communion  entre les personnes saintes (sancti) et celle entre les choses saintes (sancta). L’Eucharistie est  communion et partage. « Puisqu’il n’y a qu’un seul pain, nous sommes tous un seul corps, même  si nous sommes nombreux, parce que nous participons à un seul pain » (1 Co 10,17). Les  richesses spirituelles comprennent les trésors du peuple de Dieu : révélation, charité, sainteté, sagesse, liturgie, spiritualité, culture, art, kérygme, théologie, etc.

 5. Le travailleur apostolique est l’évangélisateur évangélisé. Le premier bien qu’il partage est  sa personne, car l’amour est don de soi. Saint Paul dit : « Nous avons eu pour vous un tel amour  que nous avons voulu vous donner non seulement l’Évangile de Dieu, mais aussi notre propre  vie : vous nous êtes devenus si chers » (1 Th 2,8). Les talents sont des dons à mûrir pour le  bénéfice des autres (Mt 23,14-30). Le temps, c’est la vie que nous donnons comme ouvriers de la première heure ou de la dernière (Mt 20,1-16).

 6. « La multitude de ceux qui avaient cru n’avait qu’un seul cœur et qu’une seule âme. Personne  ne considérait comme sien ce qu’il possédait, mais tout leur était commun » (Actes 4:32). Si nous partageons des dons spirituels, comment ne pas partager des biens matériels ? « Ils  résolurent de faire une collecte (koinonia) pour les saints de Jérusalem… Ils le firent  spontanément, bien qu’ils fussent redevables envers eux. En effet, si les païens participaient à  leurs biens spirituels, ils devaient à leur tour leur rendre la pareille avec des biens matériels » (Rm 15, 26-27). Lors de la Conférence d’Aparecida, les directeurs d’Adveniat et de Misereor,  qui aident beaucoup nos Églises, nous ont remerciés pour la vitalité de la foi et de l’amour des pauvres. 

 7. Comment partager les dons et les missions ? « Donnez gratuitement ce que vous avez reçu  gratuitement » (Mt 10,8). La mission sert le don de la rencontre avec le Christ par débordement,  témoignage, annonce, attraction. 

L’amour de Dieu est beaucoup plus (pollô mallon) que le péché : « Car si la défaillance d’un  seul homme a causé la mort de tous, la grâce de Dieu et le don accordé par la grâce d’un seul  homme, Jésus-Christ, ont été déversés bien plus abondamment sur tous » (Rm 5,15). Paul a  modifié le verbe abonder (perisseuo), ajouté le préfixe « sur » (hyper), créant ainsi le verbe  surabonder. « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5,17). La logique du  « beaucoup plus » engendre l’espérance.  

C’est dans cette espérance que, par l’action de l’Esprit, je souhaite que là où la communion  abonde, la synodalité surabonde et là où la synodalité abonde, la mission surabonde.

Déclaration sur la récente escalade du conflit en Terre Sainte

 

Déclaration de Mgr William T. McGrattan, évêque de Calgary et président de la CECC, aux fidèles catholiques au Canada sur la récente escalade du conflit en Terre Sainte.

Ces derniers jours, le monde a été témoin d’une escalade rapide du conflit armé en Terre Sainte, avec des informations faisant état d’un nombre croissant de blessés ou de morts, y compris des civils innocents.

Alors que la Terre Sainte est plongée dans cette violence et ce carnage, nous nous souvenons que Jésus, Fils de Dieu, qui y a vécu et marché comme l’amour incarné, à travers son enseignement en paroles et en actes, nous appelle, comme frères et sœurs, à être toujours unis par le lien de charité.

J’invite les fidèles catholiques au Canada à se joindre à d’autres personnes de bonne volonté, ici et ailleurs dans le monde, pour implorer Dieu de toucher le cœur des dirigeants impliqués dans le conflit actuel afin de désamorcer les actes de terrorisme, de mettre fin à la violence et à la guerre et de reprendre les efforts constructifs qui visent à établir une paix et une harmonie durables.

Alors que nous prions pour la paix, souvenons-nous des familles et des individus qui souffrent à cause de cette récente flambée de violence.

En tant que chrétiens et chrétiennes, nous sommes invités par les enseignements et l’exemple de Jésus de prier pour la paix dans le monde entier. Dans un esprit fraternel de solidarité avec nos frères et sœurs chrétiens, juifs et musulmans, unissons-nous pour rappeler le désir de Dieu de voir la paix rayonner dans la terre où Jésus-Christ a élu domicile.

 

 

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