Pape au Mozambique: Discours aux autorités

(CNS photo/Paul Haring)

Voici le discours du pape François lors de sa rencontre avec le président du Mozambique et les autorités du pays, prononcé le 5 septembre 2019 au palais présidentiel, à Maputo.

Monsieur le Président,
Membres du Gouvernement et du Corps Diplomatique,
Distinguées Autorités,
Représentants de la société civile,
Mesdames et Messieurs,

Merci, Monsieur le Président, pour vos paroles de bienvenue comme pour l’aimable invitation à visiter cette Nation. Je suis heureux de me trouver de nouveau en Afrique et de commencer ce voyage apostolique par ce pays, si béni par sa beauté naturelle comme par sa grande richesse culturelle qui ajoute, à la joie de vivre éprouvée de votre peuple, l’espérance d’un avenir meilleur. Je salue cordialement les membres du Gouvernement et du Corps diplomatique ainsi que les représentants de la société civile ici présents. À travers vous, je voudrais approcher et saluer affectueusement tout le peuple mozambicain qui, de Rovuma jusqu’à Maputo, nous ouvre ses portes pour préparer un avenir redessiné de paix et de réconciliation. Je veux que mes premières paroles de proximité et de solidarité aillent à tous ceux sur qui se sont récemment abattus les cyclones Idai et Kenneth, dont les conséquences dévastatrices continuent de peser sur de nombreuses familles, surtout dans des endroits où la reconstruction n’a pas encore été possible, requérant une attention spéciale.

Malheureusement, je ne pourrai pas me rendre personnellement auprès de vous, mais je veux que vous sachiez que je partage votre angoisse, votre souffrance ainsi que l’engagement de la communauté catholique pour faire face à une situation si dure. Au sein de la catastrophe et de la désolation, je demande à la Providence que ne vous fasse pas défaut la sollicitude de tous les acteurs civils et sociaux qui, en mettant la personne au centre, seront capables de promouvoir la reconstruction nécessaire. Je désire également exprimer ma reconnaissance et celle d’une grande partie de la communauté internationale pour les efforts qui, depuis des décennies, sont accomplis afin que la paix redevienne la norme et la réconciliation, le meilleur chemin pour affronter les difficultés et les défis que vous avez en tant que Nation. Dans cet esprit et à cet effet, vous avez signé, il y a environ un mois, dans le Parc national de Gorongosa, l’accord du cessez-le-feu définitif entre frères mozambicains. C’est un jalon, que nous saluons et espérons décisif, posé par des personnes courageuses sur la voie de la paix qui part de cet Accord général de 1992 conclu à Rome. Que d’événements se sont succédé depuis la signature du traité historique qui a scellé la paix et produit ses premières pousses ! Ce sont ces pousses qui soutiennent l’espérance et donnent confiance pour empêcher que la manière d’écrire l’histoire ne soit une lutte fratricide, mais plutôt la capacité de se reconnaître comme frères, fils d’une même terre, administrateurs d’un destin commun. Le courage de la paix ! Un courage de haute volée : non pas celui de la force brute et de la violence, mais celui qui se concrétise dans la recherche inlassable du bien commun (cf. PAUL VI, Message pour la journée mondiale de la paix, 1973)

Vous avez connu la souffrance, le deuil et l’affliction, mais nous n’avez pas voulu que le critère régulateur des relations humaines soit la vengeance ou la répression, ni que la haine et la violence aient le dernier mot. Comme le rappelait mon prédécesseur saint Jean-Paul II durant sa visite dans votre pays en 1988, avec la guerre « beaucoup d’hommes, de femmes et d’enfants souffrent de ne pas avoir une maison où habiter, assez de nourriture, d’écoles pour s’instruire, d’hôpitaux pour se soigner, d’églises où se réunir pour prier et de champs où déployer la maind’œuvre. Des milliers de personnes sont contraintes à se déplacer en quête de sécurité et de moyens pour survivre ; d’autres se réfugient dans des pays voisins (…) Non à la violence et oui à la paix ! » (Discours lors de la visite au Président de la République, 16 septembre 1988, n. 3).

Durant toutes ces années, vous avez fait l’expérience que la recherche d’une paix durable – une mission qui engage tous – exige un travail ardu, constant et sans trêve, car la paix « est comme une fleur fragile qui cherche à s’épanouir au milieu des pierres de la violence » (Message pour la journée mondiale de la paix, 2019) et, pour cela, elle demande que l’on continue d’affirmer, avec détermination mais sans fanatisme, avec courage mais sans exaltation, avec ténacité mais de manière intelligente : non à la violence qui détruit, oui à la paix et à la réconciliation ! Comme nous le savons, la paix n’est pas seulement l’absence de guerre, mais l’engagement inlassable – surtout de la part de nous autres qui exerçons une charge liée à une plus grande responsabilité – de reconnaître, de garantir et de reconstruire concrètement la dignité, bien des fois oubliée ou ignorée, de nos frères, pour qu’ils puissent se sentir les principaux protagonistes du destin de leur Nation. Nous ne pouvons pas perdre de vue que « sans égalité de chances, les différentes formes d’agression et de guerre trouveront un terrain fertile qui tôt ou tard provoquera l’explosion. Quand la société – locale, nationale ou mondiale – abandonne dans la périphérie une partie d’elle-même, il n’y a ni programmes politiques, ni forces de l’ordre ou d’intelligence qui puissent assurer sans fin la tranquillité » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 59).

La paix a rendu possible le développement du Mozambique dans beaucoup de domaines. Les progrès enregistrés dans le domaine de l’éducation et de la santé sont prometteurs. Je vous encourage à poursuivre le travail de consolidation des structures et des institutions nécessaires pour que personne ne se sente abandonné, surtout vos jeunes, qui constituent la majorité de la population. Ils ne sont pas seulement l’espérance de cette terre, ils sont le présent qui interpelle, cherche et a besoin de trouver des moyens dignes leur permettant de développer leurs talents ; ils sont un potentiel pour semer et développer l’amitié sociale tant désirée. Une culture de paix exige « un processus constant dans lequel chaque nouvelle génération se trouve engagée » (Ibid., n. 220).

C’est pourquoi, le chemin doit être tel qu’il puisse favoriser une culture de la rencontre, de sorte que tout en soit imprégné : reconnaître l’autre, nouer des liens, construire des ponts. Dans ce sens, il est indispensable de garder vivante la mémoire comme chemin qui ouvre à l’avenir ; comme cheminement, qui conduit à rechercher des objectifs communs, des valeurs partagées, des idées qui aident à surmonter des intérêts sectoriels, corporatifs ou de parties afin que les richesses de votre nation soient mises au service de tous, surtout des plus pauvres. Vous avez une mission exigeante et historique à accomplir : ne relâchez pas l’effort tant qu’il y aura des enfants et des adolescents sans éducation, des familles sans toit, des travailleurs en chômage, des paysans sans terre… Voilà les fondements d’un avenir d’espérance, parce qu’avenir de dignité ! Voilà les armes de la paix !

La paix nous invite également à prendre soin de notre Maison Commune. À cet égard, le Mozambique est une nation bénie, et vous êtes particulièrement invités à sauvegarder cette bénédiction. La protection de la terre est aussi la protection de la vie, qui demande une attention spéciale quand on constate la tendance au pillage et à la spoliation, causée par l’obsession d’accumuler qui, en général, n’est même pas nourrie par des personnes qui habitent ce pays, ni motivée par le bien commun de votre peuple. Une culture de paix implique un développement productif, substantiel et inclusif, où chaque mozambicain puisse sentir que ce pays est sien, et dans lequel il puisse établir des relations de fraternité et d’équité avec son voisin et avec tout ce qui l’entoure.

Monsieur le Président, distinguées Autorités ! Vous êtes tous des constructeurs de la plus belle œuvre à réaliser : un avenir de paix et de réconciliation comme garanties du droit à un avenir de paix pour vos enfants. Je demande à Dieu que, durant ce temps que je passerai avec vous – moi aussi, en communion avec mes frères évêques et avec l’Église catholique qui pérégrine dans ce pays – je puisse contribuer à ce que la paix, la réconciliation et l’espérance règnent définitivement parmi vous. Merci

Discours du pape François au Forum jeunesse international

Vous trouverez ci-dessous le texte complet de l’allocution du pape François lors de l’audience avec les participants du Forum jeunesse international:

Chers jeunes,

Je suis très heureux de vous rencontrer à la fin du 11ème Forum International des Jeunes, organisé par le Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie, avec l’objectif de promouvoir la mise en œuvre du Synode de 2018 sur Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel. Je félicite le Cardinal Farrell et tous ses collaborateurs pour cette initiative qui reconnait en vous, les jeunes, les premiers protagonistes de la conversion pastorale tant désirée par les pères synodaux. Vous êtes lesJeunes en action dans une Eglise synodale, et vous avez médité et réfléchi là-dessus ces derniers jours.

Le Document final de la dernière Assemblée synodale voit « l’épisode des disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24, 13-35) comme un texte paradigmatique pour comprendre la mission ecclésiale en relation avec les jeunes générations » (n.4). Lorsque les deux disciples étaient assis à table avec Jésus, il « prit le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent » (Lc 24, 30.31). Ce n’est pas un hasard si vous avez pu célébrer lasolennité du Corpus Christi précisément dans les jours où vous étiez réunis pour cette rencontre.N’est-ce pas le Seigneur qui veut, une fois encore, ouvrir vos cœurs et vous parler par le moyen de ce passage d’Evangile ?

La profonde expérience que les disciples d’Emmaüs ont vécu les a poussés irrésistiblement àse mettre de nouveau en marche, bien qu’ils aient parcouru onze kilomètres. L’obscurité arrivait, mais ils n’avaient plus peur de marcher de nuit, puisque c’est le Christ qui éclairait leur vie. Nous aussi,un jour, nous avons rencontré le Seigneur sur le chemin de notre vie. Comme les disciples d’Emmaüs,nous avons été appelés pour porter la lumière du Christ dans la nuit du monde. Chers jeunes, vousêtes appelés à être lumière dans l’obscurité de la nuit de tant de camarades qui ne connaissent pas même la joie de la vie nouvelle en Jésus.

Cléophas et l’autre disciple, après avoir rencontré le Ressuscité, ont senti le besoin vital d’être avec sa communauté. Il n’y a pas de joie authentique si on ne la partage pas avec les autres. « Il est doux pour des frères de vivre ensemble et d’être unis ! » (Ps 133, 1). J’imagine que vous êtes contents d’avoir participé à ce Forum. Et maintenant qu’est venu le moment de nous séparer, peut-être que vous sentez une certaine nostalgie… C’est normal. Cela fait partie de l’expérience humaine. Les disciples d’Emmaüs non plus ne voulaient pas que leur “hôte mystérieux” parte… « Reste avec nous », disaient-ils, voulant le convaincre de rester avec eux. Dans d’autres passages de l’Evangile, ce même sentiment apparait. Rappelons-nous, par exemple, la Transfiguration, lorsque Pierre, Jacques et Jean veulent dresser des tentes et rester sur la montagne. Ou bien lorsque Marie Madeleine rencontre le Ressuscité et veux le retenir. Mais « son Corps ressuscité n’est pas un trésor àemprisonner, mais un Mystère à partager » (Document final du Synode, n. 115). Nous rencontrons Jésus surtout dans la communauté et sur les chemins du monde. Plus nous le portons aux autres, plus nous le sentons présent dans nos vies. Et je suis sûr que vous le ferez quand vous serez de retour chezvous. Le texte d’Emmaüs dit que Jésus a allumé un feu dans le cœur des disciples (cf. Lc 24, 32).Comme vous le savez, le feu, pour qu’il ne s’éteigne pas, doit se répandre, se propager. C’estpourquoi, alimentez et propagez le feu du Christ que vous avez en vous !

Chers jeunes, je le répète encore une fois : vous êtes l’aujourd’hui de Dieu, l’aujourd’hui de l’Eglise ! L’Eglise a besoin de vous pour être pleinement elle-même. Comme Eglise, vous êtes le Corps du Seigneur ressuscité présent dans le monde. Je veux que vous vous rappeliez toujours que vous êtes les membres d’un unique Corps. Vous êtes unis les uns aux autres, seuls vous ne pourriezpas survivre. Vous avez besoin les uns des autres pour faire bouger vraiment les choses dans unmonde toujours plus tenté par les divisions. C’est seulement en marchant ensemble que nous seronsvraiment forts. Avec le Christ, Pain de Vie qui nous donne la force pour la route, portons la lumière de son feu aux nuits de ce monde !

Je voudrais profiter de cette occasion pour vous faire une annonce importante. Comme vousle savez bien, le chemin de préparation au Synode de 2018 a coïncidé en grande partie avec l’itinérairevers les JMJ de Panama qui ont eu lieu trois mois après. Dans mon message aux jeunes de 2017j’avais exprimé l’espérance qu’il y ait une grande harmonie entre ces deux chemins (cf. Documentpréparatoire, III, 5). Et bien ! la prochaine édition internationale des JMJ sera à Lisbonne en 2022.Pour cette étape de pèlerinage intercontinental des jeunes, j’ai choisi le thème suivant : “Marie se leva et partit avec empressement” (cf. Lc 1, 39). Pour les deux années qui précèdent, je vous invite à méditer sur les versets : « Jeune homme, je te le dis, lève-toi » (cf. Lc 7, 14, Chrisus vivit, n. 20) et « Lève-toi, je te destine à être témoin de ce tu as vu » (cf. Ac 26, 16). De cette manière je souhaitequ’il y ait une syntonie entre l’itinéraire jusqu’aux JMJ de Lisbonne et le chemin post-synodal.N’ignorez pas la voix de Dieu qui vous pousse à vous lever et à suivre les chemins qu’il a préparéspour vous. Comme Marie, et avec elle, soyez tous les jours des porteurs de sa joie et de son amour.

[01113-FR.01] [Texte original: Italien]

Église en sortie 21 juin 2019

Cette semaine à Église en Sortie, Francis Denis reçoit Suzanne Desrochers de l’Office de catéchèse du Québec pour parler du document « Oser ! : outils d’animation pour une conversion missionnaire en formation à la vie chrétienne ». On vous présente un reportage sur l’Institut de formation théologique du Diocèse de Saint-Hyacinthe. Dans la troisième partie de l’émission, on s’entretient de la béatification de Guadalupe Ortiz de Landàzuri avec la collaboratrice au Bureau d’information de l’Opus Dei au Canada, Monique David.

Église en Sortie 14 juin 2019

Cette semaine à Église en Sortie, Francis Denis reçoit l’auteur, compositeur et interprète Guylan Seft pour parler de son plus récent album : « Nostalgie de l’ailleurs ». On vous présente la dernière chronique des actualités de la rue de la saison avec l’abbé Claude Paradis. Dans la troisième partie de l’émission, on s’entretient avec le philosophe et théologien Jean Proulx pour parler de son plus récent livre intitulé « J’ai perdu un être cher ».

Église en Sortie 7 juin 2019

Cette semaine à Église en Sortie, Francis Denis reçoit le sociologue et chroniqueur au Figaro et au Journal de Montréal Mathieu Bock-Côté pour parler de son plus récent ouvrage intitulé « L’empire du politiquement correct ». Et on vous présente un reportage sur la célébration eucharistique d’action de grâce pour le 5eanniversaire de la canonisation des saints François de Laval et Marie de l’Incarnation à la basilique cathédrale Notre-Dame de Québec.

Homélie du pape François lors de la Divine Liturgie et béatification de 7 martyrs grec-catholiques

(Photo credit: CNS/Paul Haring) Vous trouverez ci-dessous le texte complet de l’homélie du pape François lors de la Divine Liturgie avec la béatification de 7 évêques grec-catholiques sur la Place de la liberté de Blaj en Roumanie: 

«Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » (Jn 9, 2). Cette question des disciples à Jésus enclenche une série de mouvements et d’actions qui se dérouleront dans tout le récit évangélique en révélant et en mettant en évidence ce qui aveugle réellement le cœur humain.

Jésus, comme ses disciples, voit l’aveugle de naissance; il est capable de le reconnaître et de le mettre au centre. Au lieu d’expliquer que sa cécité n’était pas le fruit du péché, il mélange la poussière de la terre avec sa salive et la lui applique sur les yeux; puis, il lui demande d’aller se laver dans la piscine de Siloé. Après s’être lavé, l’aveugle retrouve la vue. Il est intéressant d’observer comment le miracle est raconté à peine en deux versets, tous les autres orientant l’attention non pas sur l’aveugle guéri mais sur les discussions qu’il suscite. Il semble que sa vie et surtout sa guérison deviennent banales, anecdotiques ou un élément de discussion, mais aussi d’irritation ou de colère. Dans un premier temps, l’aveugle guéri est interrogé par la foule étonnée, puis par les pharisiens; et ces derniers interrogent également ses parents. Ils mettent en doute l’identité de l’homme guéri; puis ils nient l’action de Dieu, en prétextant que Dieu n’agit pas le jour du sabbat. Ils vont même jusqu’à douter que l’homme soit né aveugle.

Toute la scène et les discussions révèlent combien il est difficile de comprendre les actions et les priorités de Jésus, capable de mettre au centre celui qui était à la périphérie, surtout quand on pense que c’est le ‘‘sabbat’’ qui bénéficie du primat et non l’amour du Père qui cherche à sauver tous les hommes (cf. 1 Tm 2, 4). L’aveugle devait coexister non seulement avec sa cécité mais aussi avec celle de ceux qui l’entouraient. Ainsi sont les résistances et les hostilités qui surgissent dans le cœur humain quand, au centre, au lieu des personnes, on met des intérêts particuliers, des étiquettes, des théories, des abstractions et des idéologies, qui ne font rien d’autre qu’aveugler tout et tous. En revanche, la logique du Seigneur est différente: loin de se cacher dans l’inaction ou dans l’abstraction idéologique, il cherche la personne avec son visage, avec ses blessures et son histoire. Il va à sa rencontre et ne se laisse pas duper par les discours incapables d’accorder la priorité à ce qui est réellement important et de le mettre au centre.

Ces terres connaissent bien la souffrance des gens lorsque le poids de l’idéologie ou d’un régime est plus fort que la vie et supplante même la vie et la foi des personnes comme norme; lorsque la capacité de décision, la liberté et l’espace de créativité se voient réduits, voire éliminés (cf. Lettre Enc. Laudato si’, n. 108). Chers frères et sœurs, vous avez souffert des discours et des actions fondés sur le mépris qui conduisent même à l’expulsion et à l’anéantissement de celui qui ne peut pas se défendre et font taire les voix discordantes. Pensons en particulier aux sept évêques gréco-catholiques que j’ai eu la joie de proclamer bienheureux! Face à la féroce oppression du régime, ils ont fait preuve d’une foi et d’un amour exemplaires pour leur peuple. Avec grand courage et force intérieure, ils ont accepté d’être soumis à la dure incarcération et à tout genre de mauvais traitements, pour ne pas renier leur appartenance à leur Église bien-aimée. Ces pasteurs, martyrs de la foi, ont recueilli et laissé au peuple roumain un précieux héritage que nous pouvons synthétiser en deux mots: liberté et miséricorde.

En pensant à la liberté, je ne peux pas ne pas observer que nous célébrons cette liturgie divine sur le ‘‘Champ de la liberté’’. Ce lieu significatif rappelle l’unité de votre peuple qui s’est réalisée dans la diversité des expressions religieuses: cela constitue un patrimoine spirituel qui enrichit et caractérise la culture et l’identité nationale roumaines. Les nouveaux Bienheureux ont souffert et sacrifié leur vie, en s’opposant à un système idéologique totalitaire et coercitif en ce qui concerne les droits fondamentaux de la personne humaine. Dans cette triste période, la vie de la communauté catholique était soumise à une rude épreuve par le régime dictatorial et athée: tous les évêques, et beaucoup de fidèles, de l’Église gréco-catholique et de l’Église catholique de rite latin ont été persécutés et emprisonnés.

L’autre aspect de l’héritage spirituel des nouveaux Bienheureux, est la miséricorde. Leur persévérance dans la profession de fidélité au Christ allait de pair avec la disposition au martyre sans aucune parole de haine envers leurs persécuteurs, pour lesquels ils ont eu une réelle douceur. Ce qu’a déclaré durant son emprisonnement l’évêque Iuliu Hossuest éloquent : «Dieu nous a envoyés dans ces ténèbres de la souffrance pour accorder le pardon et prier pour la conversion de tous». Ces paroles sont le symbole et la synthèse de l’attitude par laquelle ces Bienheureux, dans la période de l’épreuve, ont soutenu leur peuple en continuant à professer la foi sans faille et sans réserve. Cette attitude de miséricorde envers les bourreaux est un message prophétique, car il se présente aujourd’hui comme une invitation pour tous à vaincre la rancœur par la charité et le pardon, en vivant avec cohérence et courage la foi chrétienne.

Chers frères et sœurs, aujourd’hui également, réapparaissent de nouvelles idéologies qui, de manière subtile, cherchent à s’imposer et à déraciner nos peuples de leurs plus riches traditions culturelles et religieuses. Des colonisations idéologiques qui déprécient la valeur de la personne, de la vie, du mariage et de la famille (cf. Exhort. ap. postsyn. Amoris laetitia, n. 40) et qui nuisent, par des propositions aliénantes, aussi athées que par le passé, surtout à nos jeunes et à nos enfants en les privant de racines pour grandir (cf. Exhort. Ap. Christus vivit, n. 78). Et alors tout devient sans importance s’il ne sert pas à des intérêts personnels immédiats et pousse les personnes à profiter des autres et à les traiter comme de simples objets (cf. Lettre Enc. Laudato si’, nn. 123-124). Ce sont des voix qui, répandant la peur et la division, cherchent à éliminer et à enterrer le plus riche héritage que ces terres aient vu naître. Je pense, en fait d’héritage, par exemple à l’Édit de Torda en 1568 qui sanctionnait toute sorte de radicalisme émettant – un des premiers cas en Europe – un acte de tolérance religieuse.

Je voudrais vous encourager à porter la lumière de l’Évangile à nos contemporains et à continuer de lutter, comme ces Bienheureux contre ces nouvelles idéologies qui surgissent. Maintenant, c’est à nous qu’il revient de lutter, comme ils ont eu à le faire en leurs temps. Puissiez-vous être des témoins de liberté et de miséricorde, en faisant prévaloir la fraternité et le dialogue sur les divisions, en renforçant la fraternité du sang, qui trouve son origine dans la période de souffrance où les chrétiens, divisés au cours de l’histoire, se sont découverts plus proches et solidaires! Très chers frères et sœurs, que vous accompagnent dans votre cheminement la protection maternelle de la Vierge Marie, la Sainte Mère de Dieu, et l’intercession des nouveaux Bienheureux!

[00958-FR.02] [Texte original: Italien]

Allocution du pape François à la rencontre avec les familles de Iasi, Roumanie

(Photo credit: CNS/Paul Haring) Vous trouverez ci-dessous le texte complet de l’allocution du pape François lors de la rencontre avec les familles sur l’esplanade du palais gouvernemental à Iasi en Romanie:

Chers frères et soeurs, bună seara!

Ici, avec vous, on sent la chaleur d’être en famille, entouré des petits et des grands. C’est facile, en vous voyant et en vous entendant, de se sentir chez soi. Le Pape parmi vous se sent chez lui. Merci pour votre accueil chaleureux et pour les témoignages que vous nous avez donnés. Mgr Petru, comme un bon et fier père de famille, vous a tous pris dans ses bras avec ses paroles en vous présentant et tu l’as confirmé Eduard quand tu nous as dit que cette rencontre ne veut être ni seulement celle des jeunes, ni celle des adultes, ni celle des autres, mais que vous “avez désiré que nos parents et nos grands-parents soient avec nous ce soir”.

Aujourd’hui sur ces terres, c’est la journée des enfants. Nous les Des applaudissements pour les enfants ! Je voudrais que la première chose que nous fassions soit de prier pour eux : demandons à la Vierge de les garder sous son manteau. Jésus les a placés au milieu de ses apôtres, nous voulons nous aussi les placer au milieu et réaffirmer notre engagement à les aimer du même amour avec lequel le Seigneur les aime, en nous engageant à leur garantir le droit à un avenir. Voici un bel héritage: garantir aux enfants le droit à un avenir!

Je suis heureux de savoir que sur cette place, il y a le visage de la famille de Dieu qui embrasse des enfants, des jeunes, des couples mariés, des personnes consacrées, des anciens, roumains de diverses régions et traditions, ainsi que de la Moldavie, et même ceux qui sont venus de l’autre bord de la rivière Prut, les fidèles de langue csango, polonaise et russe. L’Esprit Saint nous convoque tous et nous aide à découvrir la beauté d’être ensemble, de pouvoir nous rencontrer pour marcher ensemble. Chacun dans sa propre langue et sa propre tradition, mais heureux de se retrouver entre frères. Avec cette joie que nous partageaient Elisabetta et Ioan, – tous deux sont à féliciter – avec leurs onze enfants, tous différents, arrivés de divers lieux, mais “ aujourd’hui ils sont tous réunis, tout comme il y a quelque temps, chaque dimanche matin, ils prenaient tous ensemble la route vers l’église”. La joie des parents de voir leurs enfants réunis. Je suis sûr qu’aujourd’hui, on fait la fête dans le ciel, en voyant tant d’enfants qui ont décidé d’être ensemble.

C’est l’expérience d’une nouvelle Pentecôte, comme nous l’avons entendu dans la lecture. Où l’Esprit embrasse nos différences et nous donne la force d’ouvrir des chemins d’espérance en tirant le meilleur de chacun; le même chemin que les apôtres ont commencé, il y a deux mille ans, et dont il nous appartient de prendre le relais aujourd’hui et de nous décider à semer. Nous ne pouvons pas attendre que d’autres le fassent, cela nous appartient. Nous sommes responsables! Cela nous revient!

C’est difficile de marcher ensemble, n’est-ce pas ? C’est un don que nous devons demander, une œuvre artisanale que nous sommes appelés à construire et un beau don à transmettre. Mais par où commençons-nous à marcher ensemble ?

Je voudrais à nouveau “voler” les paroles de ces grands-parents, Elisabetta et Ioan. C’est beau de voir quand l’amour prend racine grâce au dévouement et à l’engagement, par le travail et la prière. L’amour a pris racine en vous et a donné beaucoup de fruit. Comme l’a dit Joël, quand jeunes et anciens se rencontrent, les grands-parents n’ont pas peur de rêver (cf. Jl 3,1). Et cela a été votre rêve : “Nous rêvons qu’ils puissent se construire un avenir sans oublier d’où ils sont partis. Nous rêvons que tout notre peuple n’oublie pas ses racines”. Vous regardez vers l’avenir et vous ouvrez l’avenir pour vos enfants, pour vos petits-enfants, pour votre peuple, en offrant le meilleur de ce que vous avez appris sur votre chemin : qu’ils n’oublient pas d’où ils sont partis. Où qu’ils aillent, quoiqu’ils fassent, qu’ils n’oublient pas les racines. C’est le même rêve, la même recommandation que Saint Paul a faite à Timothée : maintenir vivante la foi de sa mère et de sa grand-mère (Cf. 2 Tm 1, 5-7). Dans la mesure où tu grandis – dans tous les sens : fort, grand, et aussi en te faisant un nom – n’oublie pas la chose la plus belle et la plus précieuse que tu as apprise en famille. C’est la sagesse que l’on reçoit avec les années : quand tu grandis, n’oublie pas ta mère et ta grand-mère et cette foi simple mais solide qui les caractérisait et qui leur donnait force et constance pour aller de l’avant et ne pas baisser les bras. C’est une invitation à rendre grâce et à réhabiliter la générosité, le courage, le désintéressement d’une foi “faite maison”, qui passe inaperçue mais qui construit peu à peu le Royaume de Dieu.

Certes, la foi qui “n’est pas cotée en bourse”, n’a rien à vendre, et comme nous le rappelait Eduard, elle peut sembler “ne servir à rien”. Mais la foi est un don qui maintient vivante une assurance profonde et belle : notre appartenance d’enfants, et d’enfants aimés de Dieu. Dieu aime avec un amour de Père. Chaque vie, chacun de nous lui appartient. Et c’est une appartenance d’enfants, mais aussi de petits-enfants, d’époux, de grands-parents, d’amis, de voisins; une appartenance de frères. Le malin divise, disperse, sépare et crée la discorde, il sème la méfiance. Il veut que nous vivions “détachés” des autres et de nous-mêmes. L’Esprit, au contraire, nous rappelle que nous ne sommes pas des êtres anonymes, abstraits, des êtres sans visage, sans histoire, sans identité. Nous ne sommes pas des êtres vides ni superficiels. Il existe un réseau spirituel très puissant qui nous unit, nous “connecte” et nous soutient et qui est plus puissant que tout autre type de connexion. Et ce réseau, ce sont les racines: savoir que nous nous appartenons les uns aux autres, que la vie de chacun est amarrée à la vie des autres. “Les jeunes s’épanouissent quand ils sont vraiment aimés”, disait Eduard. Tous, nous nous épanouissons quand nous nous sentons aimés. Parce que l’amour prend racine et nous invite à les porter dans la vie des autres. Comme ces belles paroles de votre poète national qui souhaitait à sa douce Roumanie que “tes enfants vivent seulement dans la fraternité, comme les étoiles de la nuit” (M. EMINESCU, “Ce que je te souhaite, douce Roumanie”). Eminescu était un adulte, il avait grandi, s’était senti mûr, mais en plus, il avait le sens de la fraternité, et pour cela il veut que la Roumanie, que tous les roumains soient frères ‘‘comme les étoiles de la nuit’’. Nous appartenons les uns aux autres et le bonheur personnel passe par le fait de rendre les autres heureux. Tout le reste, ce sont des fables.

Pour marcher ensemble là où tu es, n’oublie pas ce que tu as appris en famille. N’oublie pas tes racines!

Cela m’a rappelé la prophétie d’un saint ermite de ces terres. Un jour, le moine Galaction Ilie du Monastère Sihăstria, marchant avec les moutons sur la montagne, rencontra un saint ermite qu’il connaissait et lui demanda: “Dis-moi, père, quand sera la fin du monde ?” Et le vénérable ermite, soupirant du fond du cœur, dit : “Père Galaction, sais-tu quand sera la fin du monde ? Quand il n’y aura plus de sentiers de voisin à voisin ! C’est-à-dire, quand il n’y aura plus d’amour chrétien et de compréhension entre frères, parents, chrétiens et entre peuples ! Quand les personnes n’aimeront plus, ce sera vraiment la fin du monde. Parce que sans amour et sans Dieu, aucun homme ne peut vivre sur la terre !

La vie commencera à s’éteindre et à flétrir, notre cœur cessera de battre et se dessèchera, les anciens ne rêveront plus et les jeunes ne prophétiseront plus, quand il n’y aura plus de sentiers de voisin à voisin… Parce que sans amour et sans Dieu, aucun homme ne peut vivre sur la terre.

Eduard nous a dit que lui, comme tant d’autres dans son pays, essaie de vivre la foi au milieu de nombreuses provocations. Il y a vraiment beaucoup de provocations qui peuvent nous décourager et nous fermer en nous-mêmes. Nous ne pouvons pas le nier, nous ne pouvons pas faire comme si de rien n’était. Les difficultés existent et elles sont évidentes. Mais cela ne peut pas nous faire perdre de vue que la foi nous donne la plus grande des provocations : celle qui, loin de t’enfermer ou de t’isoler, fait germer le meilleur de chacun. Le Seigneur est le premier à nous provoquer et à nous dire que le pire vient “quand il n’y aura plus de sentiers de voisin à voisin”, quand nous voyons plus de tranchées que de chemins. Le Seigneur est celui qui nous offre un chant plus fort que celui de toutes les sirènes qui veulent paralyser notre marche. Et il le fait de la même manière : en entonnant un chant plus beau et plus attirant.

Le Seigneur nous donne à tous une vocation qui est une provocation pour nous faire découvrir les talents et les capacités que nous possédons et pour que nous les mettions au service des autres. Il nous demande d’user de notre liberté comme liberté de choix, de dire “oui” à un projet d’amour, à un visage, à un regard. C’est une liberté bien plus grande que de pouvoir consommer et acheter des choses. Une vocation qui nous met en mouvement, qui nous fait supprimer des tranchées et ouvrir des chemins qui nous rappellent notre appartenance d’enfants et de frères.

Dans cette capitale historique et culturelle du Pays, on partait ensemble – au Moyen-Âge – comme pèlerins par la Via Transilvana, pour Saint Jacques de Compostelle. Aujourd’hui, vivent ici de nombreux étudiants de diverses parties du monde. Je me souviens d’une rencontre virtuelle que nous avons eue, en mars, avec Scholas Occurentes, dans laquelle on me disait aussi que cette ville, durant cette année, est la capitale nationale de la jeunesse. Est-ce vrai? Est-ce vrai que cette ville, cette année, est la capitale nationale de la jeunesse? [Les jeunes répondent: ‘‘Oui!’’]. Vivent les jeunes! Deux très bons éléments : une ville qui historiquement sait ouvrir et initier des processus – comme le chemin de Compostelle – ; une ville qui sait accueillir des jeunes provenant de diverses parties du monde comme actuellement. Deux caractéristiques qui rappellent les potentialités et la grande mission que vous pouvez développer : ouvrir des chemins pour marcher ensemble et réaliser ce rêve des grands-parents qui est une prophétie : sans amour et sans Dieu, aucun homme ne peut vivre sur la terre. D’ici, aujourd’hui, peuvent partir de nouvelles voies d’avenir vers l’Europe et vers tant d’autres lieux du monde. Jeunes, vous êtes des pèlerins du XXIe siècle, capables d’imaginer de manière nouvelle les liens qui nous unissent.

Mais il ne s’agit pas de créer de grands programmes ni de grands projets, mais de laisser grandir la foi, de permettre aux racines de nous apporter la sève. Comme je vous le disais au début: la foi ne se transmet pas seulement avec les paroles, mais par des gestes, des regards, des caresses comme celles de nos mères, de nos grands-mères; avec la saveur des choses que nous avons apprises à la maison, de manière simple et authentique. Là où il y a beaucoup de bruit, que nous sachions écouter; là où il y a de la confusion, que nous inspirions de l’harmonie; là où tout se revêt d’ambiguïté, que nous puissions mettre de la clarté; là où il y a de l’exclusion, que nous apportions du partage; au milieu du sensationnalisme, des messages et des nouvelles rapides, que nous prenions soin de l’intégrité des autres; au milieu de l’agressivité, que nous donnions la priorité à la paix; au milieu du mensonge, que nous apportions la vérité; qu’en tout, en tout nous privilégions l’ouverture de chemins pour sentir cette appartenance d’enfants et de frères (cf. Message pour la 52ème Journée mondiale des Communications Sociales 2018). Ces dernières paroles que j’ai prononcées portent la marque de la ‘‘musique’’ de François d’Assise. Vous savez ce que conseillait saint François d’Assise à ses frères pour transmettre la foi? Il disait ceci: ‘‘Allez, prêchez l’Évangile et, si nécessaire, également par les paroles’’. [Applaudissements]. Ces applaudissements sont pour saint François d’Assise!

Je suis sur le point de finir, il reste un paragraphe, mais je ne peux m’empêcher de faire part d’une expérience que j’ai vécue lors de mon entrée sur la place. Il y avait une femme âgée, d’un certain âge, une grand-mère. Elle portait dans ses bras son petit-fils d’environ deux mois, pas plus. Quand je suis passé, elle me l’a fait voir. Elle souriait, et elle arborait un sourire de complicité, comme pour me dire : ‘‘Regarde, à présent, je peux rêver’’. Sur le champ, j’ai été pris d’émotion et je n’ai pas eu le courage d’aller la chercher pour la conduire ici devant. C’est pourquoi j’en parle. Les grands-parents nourrissent des rêves quand leurs petits-fils progressent et les petits-fils ont du courage lorsqu’ils prennent racines des grands-parents.

La Roumanie est le “jardin de la Mère de Dieu” et dans cette rencontre, j’ai pu m’en rendre compte, parce qu’elle est une Mère qui cultive les rêves de ses enfants, qui en garde les espérances, qui apporte la joie dans la maison. C’est une Mère tendre et concrète qui prend soin de nous. Vous êtes la communauté vivante et florissante, pleine d’espérance que nous pouvons offrir à notre Mère. A elle, à la Mère, nous consacrons l’avenir des jeunes, l’avenir des familles et de l’Église. Mulțumesc! [Merci!]

[00957-FR.02] [Texte original: Italien]

Homélie du pape François au Sanctuaire de Şumuleu Ciuc en Roumanie

(Photo: CNS/Paul Haring) Vous trouverez ci-dessous le texte complet de l’homélie du pape François lors de la Messe au Sanctuaire marial de Şumuleu Ciuc en Roumanie:

Avec joie et reconnaissance à Dieu, je me trouve aujourd’hui avec vous, chers frères et sœurs, dans ce cher Sanctuaire marial, riche d’histoire et de foi, où, en tant qu’enfants, nous venons rencontrer notre Mère et nous reconnaître comme frères. Les sanctuaires, lieux quasi “sacramentels” d’une Église hôpital de campagne, gardent la mémoire du peuple fidèle qui, au milieu de ses épreuves, ne se lasse pas de chercher la source d’eau vive où rafraîchir son espérance. Ce sont des lieux de fête et de célébration, de larmes et de demandes. Nous venons aux pieds de la Mère, sans beaucoup de paroles, pour nous laisser regarder par elle et pour qu’avec son regard, elle nous mène à Celui qui est le Chemin, la Vérité et la Vie (Jn 14, 6).

Nous ne le faisons pas de n’importe quelle manière, nous sommes des pèlerins. Ici, chaque année, le samedi de Pentecôte, vous vous rendez en pèlerinage pour honorer le vœu de vos aïeux et pour fortifier votre foi en Dieu et votre dévotion à la Vierge, représentée par cette statue monumentale en bois. Ce pèlerinage annuel appartient à l’héritage de la Transylvanie, mais il honore en même temps les traditions religieuses roumaines et hongroises ; y participent aussi des fidèles d’autres confessions et il est un symbole de dialogue, d’unité et de fraternité, un appel à retrouver les témoignages d’une foi devenue vie et d’une vie qui s’est faite espérance. Partir en pèlerinage, c’est savoir que nous venons comme peuple dans notre maison. C’est savoir que nous avons conscience de constituer un peuple. Un peuple dont les mille visages, les mille cultures, langues et traditions sont la richesse ; le saint Peuple fidèle de Dieu qui est en pèlerinage avec Marie, chantant la miséricorde du Seigneur. Si, à Cana en Galilée, Marie a intercédé auprès de Jésus pour qu’il accomplisse le premier miracle, dans chaque sanctuaire, elle veille et intercède non seulement auprès de son Fils mais aussi auprès de chacun de nous pour que nous ne nous laissions pas voler la fraternité par les voix et les blessures qui nourrissent la division et le cloisonnement. Les vicissitudes complexes et tristes du passé ne doivent pas être oubliées ou niées, mais elles ne peuvent pas constituer non plus un obstacle ou un argument pour empêcher une coexistence fraternelle désirée. Partir en pèlerinage signifie se sentir appelés et poussés à marcher ensemble, en demandant au Seigneur la grâce de transformer les rancœurs et les méfiances anciennes et actuelles en de nouvelles opportunités de communion ; c’est quitter nos sécurités et notre confort à la recherche d’une nouvelle terre que le Seigneur veut nous donner. Partir en pèlerinage, c’est le défi de découvrir et de transmettre l’esprit du vivre ensemble, de ne pas avoir peur de nous mélanger, de nous rencontrer et de nous aider. Partir en pèlerinage, c’est participer à cette marée un peu chaotique qui peut se transformer en une véritable expérience de fraternité, en une caravane toujours solidaire pour bâtir l’histoire (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 87). Partir en pèlerinage, c’est regarder non pas tant ce qui aurait pu être (et n’a pas été) mais tout ce qui nous attend et que nous ne pouvons pas reporter davantage. C’est croire au Seigneur qui vient et qui est au milieu de nous, promouvant et encourageant la solidarité, la fraternité, le désir du bien, de vérité et de justice (cf. ibid., n. 71). Partir en pèlerinage, c’est s’engager à lutter pour que ceux qui hier étaient demeurés en arrière deviennent les protagonistes de demain, et pour que les protagonistes d’aujourd’hui ne soient pas laissés en arrière demain. Et cela, chers frères et sœurs, requiert le travail artisanal de tisser ensemble l’avenir. C’est pourquoi nous sommes ici pour dire ensemble : Mère enseigne-nous à bâtir l’avenir.

Le pèlerinage dans ce sanctuaire tourne notre regard vers Marie et vers le mystère de l’élection de Dieu. Elle, une jeune fille de Nazareth, petite localité de Galilée, à la périphérie de l’empire romain et aussi à la périphérie d’Israël, a été capable par son ‘oui’ d’engager la révolution de la tendresse (cf. ibid., n.88). Le mystère de l’élection de Dieu qui pose son regard sur le faible pour confondre les forts, nous pousse et nous encourage nous aussi à dire “oui”, comme elle, comme Marie, afin de parcourir les chemins de la réconciliation. Chers frères et sœurs, ne l’oublions pas: celui qui risque, le Seigneur ne le déçoit pas! Marchons et marchons ensemble, prenons des risques, en laissant l’Évangile être le levain capable de tout imprégner et de donner à nos peuples la joie du salut, dans l’unité et dans la fraternité.

[00956-FR.02] [Texte original: Italien

Église en Sortie 31 mai 2019

Cette semaine à Église en Sortie, on s’entretient avec le frère Yvon Poitras de la communauté des frères de l’Instruction chrétienne sur son plus récent livre « La Vie toujours la vie ! ». On vous présente un reportage sur la rencontre 2019 de la Commission épiscopale francophone pour les traductions liturgiques (CEFTEL) à Québec. On parle de la vie et de l’œuvre du Père Ludger Brien, S.J avec la responsable de la Société du Christ Seigneur, Diane Poirier.

Pape François en Roumanie: homélie lors de la Messe en la cathédrale Saint-Joseph

Le pape François se rend à la cathédrale catholique Saint-Joseph de Bucarest, en Roumanie, pour célébrer la messe du 31 mai 2019. (Photo CNS / Paul Haring)

Le 31 mai 2019, premier jour de son voyage apostolique en Roumanie et fête de la Visitation, le pape François a présidé la Messe à la cathédrale Saint-Joseph de Bucarest, capitale de la Roumanie. Dans son homélie, il a évoqué la visite de Marie à sa cousine Élisabeth. Lire le texte intégral de son homélie ci-dessous:

 

L’Evangile que nous venons d’entendre nous plonge dans la rencontre de deux femmes qui s’embrassent et qui remplissent tout de joie et de louanges: l’enfant exulte de joie et Elisabeth bénit sa cousine pour sa foi; Marie chante les merveilles que le Seigneur a réalisées en son humble servante avec le grand cantique d’espérance pour ceux qui ne peuvent plus chanter parce qu’ils ont perdu la voix… Cantique d’espérance qui veut nous réveiller nous aussi et nous inviter à l’entonner aujourd’hui par le moyen de trois précieux éléments qui naissent de la contemplation de la première disciple: Marie marche, Marie rencontre, Marie se réjouit.

Marie marche… de Nazareth à la maison de Zacharie et d’Elisabeth: c’est le premier des voyages de Marie que raconte l’Ecriture. Le premier d’un grand nombre. Elle ira de Galilée à Bethléem, où naîtra Jésus; elle fuira en Egypte pour sauver l’enfant d’Erode; elle se rendra encore à Jérusalem chaque année pour la Pâque, jusqu’au dernier où elle suivra Jésus au Calvaire. Ces voyages ont une caractéristique: ils n’ont jamais été des chemins faciles, ils ont demandé courage et patience. Ils nous disent que la Vierge connaît les montées, elle connaît nos montées: elle est pour nous une sœur sur le chemin. Experte en effort, elle sait comment nous prendre par la main dans les aspérités, quand nous nous trouvons face aux tournants les plus raides de la vie. En bonne mère, Marie sait que l’amour se fait chemin dans les petites choses quotidiennes. Amour et ingéniosité maternelle capables de transformer une grotte pour animaux en maison de Jésus, avec quelques pauvres langes et une montagne de tendresse. (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 286). Contempler Marie nous permet de poser le regard sur tant de femmes, de mères et de grand-mères de ces terres qui, avec sacrifice et de manière cachée, abnégation et engagement, façonnent le présent et tissent les rêves de demain. Donation silencieuse, persévérante et inaperçue, qui n’a pas peur de “se remonter les manches” et de charger les difficultés sur les épaules pour faire avancer la vie de ses enfants, et de toute la famille «espérant contre toute espérance» (Rm 4, 18). C’est un souvenir vivant le fait que, dans votre peuple, vit et palpite un fort sentiment d’espérance, au-delà de toutes les conditions qui peuvent l’obscurcir ou tentent de l’éteindre. En regardant Marie et tant de visages maternels, on fait l’expérience de l’espace et on le nourrit pour l’espérance (cf. Document d’Aparecida, n. 536) qui engendre et ouvre l’avenir. Disons-le avec force: dans notre peuple il y a de la place pour l’espérance. C’est pourquoi Marie marche et nous invite à marcher ensemble.

Marie rencontre Elisabeth (cf. Lc 1, 39-56), déjà avancée en âge (v. 7). Mais c’est elle, l’ancienne, qui parle d’avenir, qui prophétise: “remplie d’Esprit Saint” (v. 41), elle l’appelle «bienheureuse» parce qu’«elle a cru» (v. 45), anticipant la dernière béatitude de l’Evangile: bienheureux celui qui croit (cf. Jn 20, 29). Voilà, la jeune va à la rencontre de l’ancienne à la recherche des racines, et l’ancienne renaît et prophétise sur la jeune lui donnant un avenir. Ainsi, jeunes et anciens se rencontrent, s’embrassent et sont capables, chacun, de réveiller le meilleur de l’autre. C’est le miracle suscité par la culture de la rencontre où personne n’est écarté ni étiqueté, au contraire, où tous sont recherchés parce que nécessaires, pour faire transparaître le Visage du Seigneur. Ils n’ont pas peur de marcher ensemble et, quand cela arrive, Dieu vient et accomplit des prodiges dans son peuple. Car c’est l’Esprit Saint qui nous pousse à sortir de nous-mêmes, de nos enfermements et de nos particularismes, pour nous apprendre à regarder au-delà des apparences et nous offrir la possibilité de dire du bien des autres – “les bénir” – spécialement de beaucoup de nos frères qui sont laissés sans abri, privés peut être, non seulement d’un toit ou d’un peu de pain, mais de l’amitié et de la chaleur d’une communauté qui leur ouvre les bras, les protège et les accueille. Culture de la rencontre qui nous pousse, nous chrétiens, à faire l’expérience du miracle de la maternité de l’Eglise qui cherche, défend et unit ses enfants. Dans l’Eglise, lorsque des rites divers se rencontrent, quand ce ne sont pas les appartenances de chacun, son groupe ou son ethnie qui passent en premier, mais le Peuple qui, ensemble, sait louer Dieu, alors de grandes choses se produisent. Disons-le avec force: bienheureux celui qui croit (cf. Jn 20, 29) et s’efforce de créer rencontre et communion.

Marie qui marche et qui rencontre Elisabeth nous rappelle où Dieu a voulu demeurer et vivre, quel est son sanctuaire et en quel lieu nous pouvons entendre le battement [de son cœur ]: au milieu de son Peuple. Il est là, il vit là, il nous attend là. Nous sentons l’invitation du prophète qui nous est adressée de ne pas craindre, de ne pas baisser les bras. Car le Seigneur notre Dieu est au milieu de nous, il est un sauveur puissant (cf. So 3, 16-17), il est au milieu de son peuple. Cela c’est le secret du christianisme: Dieu est au milieu de nous comme un sauveur puissant. Cette certitude nous permet, comme pour Marie, de chanter et d’exulter de joie. Marie se réjouit, elle se réjouit parce qu’elle est celle qui porte l’Emmanuel, le Dieu avec nous. «Etre chrétien est joie dans l’Esprit Saint» (Exhort. ap. Gaudete et exsultate, n. 122). Sans joie nous restons paralysés, esclaves de nos tristesses. Souvent le problème de la foi n’est pas tant le manque de moyens et de structures, de quantité, ni même la présence de celui qui ne nous accepte pas; le problème de la foi est le manque de joie. La foi vacille quand on navigue dans la tristesse et dans le découragement. Quand nous vivons dans le manque de confiance, enfermés sur nous-mêmes, nous contredisons la foi, car au lieu de nous sentir enfants pour lesquels Dieu fait de grandes choses (cf. v. 49), nous réduisons tout à la mesure de nos problèmes et nous oublions que nous ne sommes pas orphelins; dans la tristesse, nous oublions que nous ne sommes pas orphelins, que nous avons un Père au milieu de nous, sauveur et puissant. Marie nous vient en aide car, au lieu de rapetisser, elle magnifie, c’est-à-dire, elle“grandit” le Seigneur, elle loue sa grandeur. Voilà le secret de la joie. Marie, petite et humble, part de la grandeur de Dieu et, malgré ses difficultés – qui étaient nombreuses – elle demeure dans la joie, car elle fait, en tout, confiance au Seigneur. Elle nous rappelle que Dieu peut toujours accomplir des merveilles si nous restons ouverts à lui et aux frères. Pensons aux grands témoins de ces terres: des personnes simples, qui ont fait confiance à Dieu au milieu des persécutions. Ils n’ont pas mis leur espérance dans le monde, mais dans le Seigneur, et ils sont ainsi allés de l’avant. Je voudrais rendre grâce pour ces humbles vainqueurs, pour ces saints de la porte d’à côté qui nous montrent le chemin. Leurs larmes n’ont pas été stériles, elles ont été une prière qui est montée au ciel et qui a irrigué l’espérance de ce peuple.

Chers frères et sœurs, Marie marche, elle rencontre et se réjouit parce qu’elle a porté une chose plus grande qu’elle-même: elle a été porteuse d’une bénédiction. Comme elle, nous aussi n’ayons pas peur d’être les porteurs de la bénédiction dont a besoin la Roumanie. Soyez les promoteurs d’une culture de la rencontre qui désavoue l’indifférence et qui désavoue la division et permet à cette terre de chanter avec force les miséricordes du Seigneur.

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