Audience Générale du pape François – Mercredi 27 septembre 2023

Le pape François et les évêques de toute la Méditerranée sont salués par le cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, lors de la session de clôture des Rencontres Méditerranéennes, le 23 septembre.

Lors de son audience générale aujourd’hui, le pape François transmet un nouveau regard sur la Méditerranée qu’il a définit: « simplement humain, capable de tout rapporter à la valeur primordiale de la personne humaine et à sa dignité inviolable. »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

A la fin de la semaine dernière, je me suis rendu à Marseille pour participer à la clôture des Rencontres Méditerranéennes, qui ont réuni des évêques et des maires du pourtour méditerranéen, ainsi que de nombreux jeunes, afin de tourner le regard vers l’avenir. L’événement marseillais s’intitulait d’ailleurs « Mosaïque d’espérance ». Tel est le rêve, tel est le défi : que la Méditerranée retrouve sa vocation, être un laboratoire de civilisation et de paix.

La Méditerranée, nous le savons, est un berceau de civilisation, et un berceau, c’est pour la vie ! Ce n’est pas tolérable qu’elle devienne un tombeau, ni une zone de conflit. La mer Méditerranée est ce qui s’oppose le plus au choc des civilisations, à la guerre, à la traite des êtres humains. C’est tout le contraire, parce que la Méditerranée met en relation l’Afrique, l’Asie et l’Europe ; le nord et le sud, l’orient et l’occident ; les personnes et les cultures, les peuples et les langues, les philosophies et les religions. Bien sûr, la mer est toujours en quelque sorte un abîme à franchir, et elle peut aussi devenir périlleuse. Mais ses eaux recèlent des trésors de vie, ses vagues et ses vents portent des navires de toutes sortes.

Depuis sa rive orientale, il y a deux mille ans, est parti l’Évangile de Jésus-Christ.

[Son annonce] naturellement ne se fait pas par magie et n’est pas acquis une fois pour toutes. C’est le fruit d’un parcours où chaque génération est appelée à faire un bout de chemin, en lisant les signes des temps qu’elle vit.

La rencontre de Marseille fait suite à celles qui se sont tenues à Bari en 2020 et à Florence l’année dernière. Il ne s’agit pas d’un événement isolé, mais d’un pas en avant dans un itinéraire qui trouve son origine dans les « Colloques méditerranéens » organisés par le maire Giorgio La Pira à Florence à la fin des années 1950. Un pas en avant pour répondre, aujourd’hui, à l’appel lancé par saint Paul VI dans son encyclique Populorum Progressio, pour « la promotion d’un monde plus humain pour tous, un monde où tous auront à donner et à recevoir, sans que le progrès des uns soit un obstacle au développement des autres. » (n° 44).

Qu’est-ce qui résulte de l’événement de Marseille ? Un regard sur la Méditerranée que je définirais comme simplement humain, ni idéologique, ni stratégique, ni politiquement correct, ni instrumental, humain, c’est-à-dire capable de tout rapporter à la valeur primordiale de la personne humaine et à sa dignité inviolable. Ensuite en même temps, est apparu un regard d’espérance. C’est aujourd’hui très surprenant : quand on écoute des témoins qui ont vécu des situations inhumaines ou qui les ont partagées, et que c’est d’eux que l’on reçoit une  » profession d’espérance « . Et même c’est un regard de fraternité.

Frères et sœurs, cette espérance, cette fraternité ne doit pas « se volatiliser », non, au contraire, elle doit s’organiser, se concrétiser dans des actions à long, moyen et court terme. Afin que les personnes, en toute dignité, puissent choisir d’émigrer ou de ne pas émigrer. La Méditerranée doit être un message d’espérance.

Mais il y a un autre aspect complémentaire : il faut redonner de l’espérance à nos sociétés européennes, spécialement aux nouvelles générations. En effet, comment accueillir les autres si nous n’avons pas nous-mêmes un horizon ouvert sur l’avenir ? Comment des jeunes sans espérance, enfermés dans leur vie privatisée, préoccupés par la gestion de leur précarité, peuvent-ils s’ouvrir à la rencontre et au partage ? Nos sociétés tant de fois malades de l’individualisme, du consumérisme et de l’évasion vide ont besoin de s’ouvrir, d’oxygéner leurs âmes et leurs esprits pour pouvoir lire la crise comme une opportunité et l’affronter de manière positive.

L’Europe a besoin de retrouver passion et enthousiasme, et à Marseille je peux dire que je les ai trouvés : dans son Pasteur, le Cardinal Aveline, dans les prêtres et les consacrés, dans les fidèles laïcs engagés dans la charité, dans l’éducation, dans le peuple de Dieu qui a manifesté une grande chaleur lors de la Messe au Stade Vélodrome. Je les remercie tous, ainsi que le Président de la République, dont la présence a témoigné de l’attention de la France entière à l’égard de l’événement de Marseille. Que Notre-Dame, que les Marseillais vénèrent sous le nom de Notre-Dame de la Garde, accompagne le chemin des peuples de la Méditerranée, afin que cette région devienne ce qu’elle a toujours été appelée à être : une mosaïque de civilisation et d’espérance.

 

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Catéchèse sur la passion de l’évangélisation : Saint Daniel Comboni

Monument de Saint Daniel Comboni (Source : Wikimedia Commons)

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a présenté un apôtre plein de zèle pour l’Afrique : saint Daniel Comboni qui fut passionné de Dieu et des frères qu’il servait en mission. Il  nous invite à penser aux crucifiés de l’histoire d’aujourd’hui : hommes, femmes, enfants, vieillards qui sont crucifiés par des histoires d’injustice et de domination : « N’oubliez pas les pauvres, aimez-les, parce qu’en eux se trouve la présence de Jésus crucifié qui attend de ressusciter ».

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre parcours de la catéchèse sur la passion évangélisatrice, c’est-à-dire le zèle apostolique, aujourd’hui nous nous arrêtons sur le témoignage de Saint Daniel Comboni. Il fut un apôtre plein de zèle pour l’Afrique. De ces peuples, il écrivait : « ils ont pris possession de mon cœur qui ne vit que pour eux » C’est beau ! (Ecrits, 941), « je mourrai avec l’Afrique sur les lèvres » (Ecrits, 1441). Et c’est à eux qu’il s’adresse en ces termes : « le plus heureux de mes jours sera celui où je pourrai donner ma vie pour vous » (Ecrits, 3159). Ceci est l’expression pour une personne amoureuse de Dieu et de ses frères et sœurs qu’il servait en mission et au sujet desquels il ne se lassait pas de rappeler que « Jésus-Christ a souffert et est mort pour eux aussi » (Ecrits, 2499 ; 4801).

Il le disait dans un contexte marqué par l’horreur de l’esclavage dont il était témoin. L’esclavage « chosifie » l’être humain, dont la valeur se réduit à être utile à quelqu’un ou à quelque chose. Mais Jésus, Dieu fait homme, a élevé la dignité de tout être humain et a mis en évidence la fausseté de tout esclavage. Comboni, à la lumière du Christ, a pris conscience du mal de l’esclavage ; il a aussi compris que l’esclavage social s’enracine dans un esclavage plus profond, celui du cœur, celui du péché, dont le Seigneur nous libère. En tant que chrétiens, nous sommes donc appelés à lutter contre toutes les formes d’esclavage. Malheureusement, l’esclavage, comme le colonialisme, n’appartient pas au passé, malheureusement. Dans l’Afrique tant aimée par Comboni, aujourd’hui déchirée par de nombreux conflits, « après le colonialisme politique, un “colonialisme économique” tout aussi asservissant s’est déchainé. (…). C’est un drame devant lequel le monde économiquement plus avancé ferme souvent les yeux, les oreilles et la bouche. » Je renouvelle donc mon appel : « Cessez d’étouffer l’Afrique : elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser. » (Rencontre avec les Autorités, Kinshasa, 31 janvier 2023).

Et revenons à l’histoire de Saint Daniel. Après un premier séjour en Afrique, il dut quitter la mission pour des raisons de santé. Trop de missionnaires étaient morts après avoir contracté des maladies, par manque de connaissance de la réalité locale. Cependant, si d’autres abandonnaient l’Afrique, ce n’était pas le cas de Comboni. Après un temps de discernement, il sentit que le Seigneur lui inspirait une nouvelle manière d’évangéliser, qu’il résuma en ces mots : « Sauver l’Afrique avec l’Afrique » (Ecrits, 2741s). C’est une intuition puissante, rien du colonialisme là-dedans, il s’agit d’une intuition puissante qui contribua à renouveler l’engagement missionnaire qui a contribué à renouveler l’engagement missionnaire : les personnes évangélisées n’étaient pas seulement des « objets », mais des « sujets » de la mission. Et Saint Daniel Comboni désirait faire de tous les chrétiens les protagonistes de l’action évangélisatrice. Et dans cet esprit, il pensa et agit de manière intégrale, en impliquant le clergé local et en promouvant le service laïc des catéchistes. Les catéchistes sont un trésor de l’Église : les catéchistes sont ceux qui sont en avant dans l’évangélisation. C’est ainsi qu’il conçut également le développement humain, en s’occupant des arts et des professions, et en encourageant le rôle de la famille et de la femme dans la transformation de la culture et de la société. Et combien est-il important, encore aujourd’hui, de faire progresser la foi et le développement humain de l’intérieur des contextes de mission, au lieu de transplanter des modèles externes ou de se limiter à un stérile assistancialisme ! Ni modèle extérieur, ni assistancialisme. Prendre dans la culture des peuples le chemin de l’évangélisation. Evangéliser la culture et inculturer l’Evangile : cela va de pair.

La grande passion missionnaire de Comboni, cependant, n’était pas d’abord le résultat d’un effort humain : il n’était pas poussé par son courage ou motivé seulement par des valeurs importantes, comme la liberté, la justice et la paix ; son zèle naissait de la joie de l’Evangile, il puisait dans l’amour du Christ et conduisait à l’amour pour le Christ ! Saint Daniel écrivait : « Une mission aussi ardue et laborieuse que la nôtre ne peut vivre d’apparences ni avec des bigots remplis d’égoïsme et d’égocentrisme, qui ne se soucient pas comme ils le devraient du salut et de la conversion des âmes ». C’est le drame du cléricalisme, qui conduit les chrétiens, même les laïcs, à se cléricaliser et à se transformer – comme il est dit ici – en des bigots remplis d’égoïsme. C’est la peste du cléricalisme. Et il ajoutait : « Il faut les enflammer de charité, qui a sa source en Dieu et dans l’amour du Christ ; et quand on aime vraiment le Christ, alors les privations, les souffrances et le martyre sont des douceurs » (Ecrits, 6656). Son désir était de voir des missionnaires ardents, joyeux, engagés : des missionnaires – écrivait-il – « saints et capables ». […] D’abord saints, c’est-à-dire exempts de péchés et humbles. Mais cela ne suffit pas : il faut la charité qui rend les sujets capables » (Ecrits, 6655). La source de la capacité missionnaire, pour Comboni, est donc la charité, en particulier le zèle pour faire siennes les souffrances des autres.

Sa passion évangélisatrice ne l’a d’ailleurs jamais conduit à agir en soliste, mais toujours en communion, dans l’Église. « Je n’ai qu’une vie à consacrer au salut de ces âmes », écrit-il, « je voudrais en avoir mille à consumer pour cela » (Ecrits, 2271).

Frères et sœurs, saint Daniel témoigne de l’amour du Bon Pasteur, qui va à la recherche de ce qui est perdu et qui donne sa vie pour son troupeau. Son zèle a été énergique et prophétique en s’opposant à l’indifférence et à l’exclusion. Dans ses lettres, il se souvenait avec émotion de son Eglise bien-aimée, qui avait oublié l’Afrique pendant trop longtemps. Le rêve de Comboni est une Eglise qui fait cause commune avec les crucifiés de l’histoire, pour vivre avec eux l’expérience de la résurrection. En ce moment, je vous fais une suggestion. Pensez aux crucifiés de l’histoire d’aujourd’hui : hommes, femmes, enfants, vieillards qui sont crucifiés par des histoires d’injustice et de domination. Pensons à eux et prions. Son témoignage semble se répéter à nous tous, hommes et femmes d’Eglise : « N’oubliez pas les pauvres, aimez-les, parce qu’en eux se trouve la présence de Jésus crucifié qui attend de ressusciter ». N’oubliez pas les pauvres : avant de venir ici, j’ai eu une réunion avec des législateurs brésiliens qui travaillent pour les pauvres, qui essaient de promouvoir les pauvres avec l’aide et la justice sociale. Et eux ils n’oublient pas les pauvres : ils travaillent pour les pauvres. À vous, je dis : n’oubliez pas les pauvres, parce que ce sont eux qui ouvriront la porte du Ciel.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Audience Générale du pape François – Mercredi 13 septembre 2023

Le bienheureux José Gregorio Hernández Cisneros, Wikimedia Commons.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François s’est penché sur la vie du médecin laïc vénézuélien, le bienheureux José Gregorio Hernández Cisneros. Il a soulligné que José Gregorio est toujours connu comme « le médecin des pauvres » :  « Aux richesses de l’argent, il a préféré les richesses de l’Évangile, consacrant son existence à aider les nécessiteux. »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans nos catéchèses, nous continuons à rencontrer des témoins passionnés de l’annonce de l’Évangile. Rappelons qu’il s’agit d’une série de catéchèses sur le zèle apostolique, la volonté et aussi l’ardeur intérieure pour réaliser l’Évangile. Aujourd’hui, rendons-nous en Amérique Latine, plus précisément au Venezuela, pour connaître la figure d’un laïc, le Bienheureux José Gregorio Hernández Cisneros. Né en 1864, il a appris la foi surtout auprès de sa mère, comme il l’a raconté : « Ma mère m’a enseigné la vertu dès le berceau, elle m’a fait grandir dans la connaissance de Dieu et m’a donné la charité comme guide. » Soyons attentifs : ce sont les mamans qui transmettent la foi. La foi se transmet en dialecte, c’est-à-dire dans le langage des mères, ce dialecte que les mères savent parler à leurs enfants. Et vous, les mères, soyez attentives à transmettre la foi dans ce dialecte maternel.

La charité fut en effet l’étoile polaire qui orienta l’existence du Bienheureux José Gregorio : bon et solaire, d’humeur joyeuse, il était doué d’une grande intelligence et devint médecin, professeur d’université et scientifique. Mais il fut surtout un médecin proche des plus faibles, au point d’être connu dans sa patrie comme « le médecin des pauvres ». Il s’occupait des pauvres, toujours. À la richesse de l’argent, il préféra celle de l’Évangile, dépensant sa vie pour aider les nécessiteux. Dans les pauvres, les malades, les migrants, les souffrants, José Gregorio voyait Jésus. Et le succès qu’il ne chercha jamais dans le monde, il le reçut, et continue de le recevoir, des gens qui l’appellent « saint du peuple », « apôtre de la charité », « missionnaire de l’espérance ». De beaux noms :  » Saint du peuple « ,  » apôtre de la charité « ,  » missionnaire de l’espérance « .

José Gregorio était un homme humble, un homme aimable et serviable. En même temps, il était animé d’un feu intérieur, d’un désir de vivre au service de Dieu et du prochain. Poussé par cette ardeur, il essaya à plusieurs reprises de devenir religieux et prêtre, mais divers problèmes de santé l’en empêchèrent. Sa fragilité physique ne l’a cependant pas conduit à se renfermer sur lui-même, mais à devenir un médecin encore plus sensible aux besoins des autres ; il s’attacha à la Providence et, forgé dans son âme, alla davantage à l’essentiel. Voici le véritable zèle apostolique : il ne suit pas ses propres aspirations, mais la disponibilité aux desseins de Dieu. C’est ainsi que le Bienheureux comprit qu’en soignant les malades, il mettait en pratique la volonté de Dieu, en aidant les souffrants, en donnant de l`espérance aux pauvres, en témoignant de la foi non pas avec des paroles mais par l’exemple. C’est ainsi que – à travers ce chemin intérieur- il a accueilli la médecine comme un sacerdoce : « le sacerdoce de la douleur humaine » (M. YABER, José Gregorio Hernández : Médico de los Pobres, Apóstol de la Justicia Social, Misionero de las Esperanzas, 2004, 107). Combien est-il important de ne pas subir passivement les choses, mais, comme le dit l’Écriture, de tout faire dans un bon esprit, pour servir le Seigneur (cf. Col 3, 23).

Mais interrogeons-nous : d’où José Gregorio tenait-il tout cet enthousiasme, tout ce zèle ? Cela venait d’une certitude et d’une force. La certitude était la grâce de Dieu. Il écrivait que « s’il y a des bons et des mauvais dans le monde, les mauvais y sont parce qu’ils sont devenus mauvais eux-mêmes, mais les bons ne le sont qu’avec l’aide de Dieu » (27 mai 1914). Et lui en premier se sentait dans le besoin de la grâce qu’il mendiait dans les rues et avait grand besoin de l’amour. Et voici la force dont il s’inspirait : l’intimité avec Dieu. C’était un homme de prière – il y a la grâce de Dieu et l’intimité avec le Seigneur – c’était un homme de prière qui participait à la Messe.

Et au contact de Jésus, qui s’offre sur l’autel pour tous, José Gregorio s’est senti appelé à offrir sa vie pour la paix. Le premier conflit mondial était en cours. Nous arrivons ainsi au 29 juin 1919 : un ami lui rend visite et le trouve très heureux. José Gregorio a en effet appris que le traité mettant fin à la guerre avait été signé. Son offrande a été accueillie, et c’est comme s’il pressentait que sa tâche sur terre est terminée. Ce matin-là, comme d’habitude, il était allé à la messe et il descend maintenant dans la rue pour apporter des médicaments à un malade. Mais en traversant la route, il est percuté par un véhicule ; transporté à l’hôpital, il meurt en prononçant le nom de la Vierge. Son voyage terrestre se termine ainsi, sur une route en accomplissant une œuvre de miséricorde, et dans un hôpital, où il avait fait de son travail un chef-d’œuvre comme médecin.

Frères, sœurs, devant ce témoignage, demandons-nous : moi, devant Dieu présent dans les pauvres près de moi, devant ceux qui, dans le monde, souffrent le plus, comment est-ce que je réagis ? Et comment l’exemple de José Gregorio me touche-t-il ? Lui nous stimule à nous engager face aux grandes questions sociales, économiques et politiques d’aujourd’hui. Beaucoup en parlent, beaucoup critiquent et disent que tout va mal. Mais le chrétien n’est pas appelé à cela, mais à s’en occuper, à se salir les mains : tout d’abord, comme nous l’a dit saint Paul, à prier (cf. 1 Tm 2, 1-4), et ensuite à s’engager non pas dans le bavardage – le bavardage est une peste -, mais à promouvoir le bien, à construire la paix et la justice dans la vérité. Cela aussi est le zèle apostolique, c’est l’annonce de l’Évangile, et ceci est la béatitude chrétienne : « Heureux les artisans de paix » (Mt 5,9). Suivons le chemin du bienheureux Grégoire : un laïc, un médecin, un homme du quotidien, poussé par le zèle apostolique à vivre en faisant la charité durant toute sa vie.


Mes pensées vont aux populations de la Libye, durement touchées par de violentes pluies qui ont provoqué des crues et des inondations, faisant de nombreux morts et blessés, ainsi que des dégâts considérables. Je vous invite à vous associer à ma prière pour ceux qui ont perdu la vie, pour leurs familles et pour les personnes déplacées. Que notre solidarité avec ces frères et sœurs, éprouvés par une calamité aussi dévastatrice, ne fasse pas défaut. Et mes pensées vont encore vers le noble peuple marocain qui a subi ces séismes, ces tremblements de terre. Prions pour le Maroc, prions pour les habitants. Que le Seigneur leur donne la force de se relever après cette terrible « agression » qui est advenue sur leur terre.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Audience générale du pape François – Mercredi le 6 septembre 2023

Le pape François s’adressant aux travailleurs humanitaires lors de l’inauguration de la nouvelle Maison de la Miséricorde le 4 septembre à Oulan-Bator, en Mongolie. Cette visite apostolique a eu lieu du 31 août au 4 septembre.

Dans son audience aujourd’hui le pape François a souligné que l’Église en Mongolie illustre le sens du mot « catholique : une universalité incarnée, ‘inculturée’, qui embrasse le bien là où il se trouve et sert les personnes avec lesquelles elle vit. »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Lundi, je suis rentré de Mongolie. Je voudrais exprimer ma gratitude à tous ceux qui ont accompagné ma visite par leurs prières, et renouveler ma reconnaissance aux Autorités qui m’ont solennellement accueilli : en particulier au Président Khürelsükh, ainsi qu’à l’ancien Président Enkhbayar, qui m’avait adressé une invitation officielle à visiter le pays. Je repense avec joie à l’Église locale et au peuple mongol : un peuple noble et sage, qui m’a manifesté tant de cordialité et d’affection. Aujourd’hui, je souhaiterais vous plonger au cœur de ce voyage.

On pourrait se demander pourquoi le pape se rend si loin pour visiter un petit troupeau de fidèles. Parce que c’est précisément là, loin des projecteurs, que l’on trouve souvent les signes de la présence de Dieu, qui ne regarde pas les apparences, mais le cœur comme nous l’avons entendu dans le passage du prophète Samuel (cf. 1 Sam 16, 7). Le Seigneur ne cherche pas le centre de la scène, mais le cœur simple de ceux qui le désirent et l’aiment sans apparences, sans vouloir dominer sur les autres. Et j’ai eu la grâce de rencontrer en Mongolie une Église humble et une Église joyeuse, qui est dans le cœur de Dieu, et je peux vous témoigner sa joie de s’être trouvée pour quelques jours aussi au centre de l’Église.

Cette communauté a une histoire touchante. Elle est née, par la grâce de Dieu, du zèle apostolique – sur lequel nous réfléchissons en ce moment – de quelques missionnaires qui, passionnés par l’Évangile, se sont rendus, il y a environ trente ans, dans un pays qu’ils ne connaissaient pas. Ils en ont appris la langue – qui n’est pas facile- et, bien qu’issus de nations différentes, ils ont créé une communauté unie et véritablement catholique. C’est d’ailleurs le sens du mot « catholique », qui signifie « universel ». Mais il ne s’agit pas d’une universalité qui homologue, mais d’une universalité qui inculture, c’est une universalité qui s’inculture. C’est cela la catholicité : une universalité incarnée, « inculturée » qui saisit le bien là où elle vit et qui sert les personnes avec lesquelles elle vit. C’est ainsi que vit l’Église : en témoignant de l’amour de Jésus avec douceur, avec la vie plus que les paroles, heureuse de sa vraie richesse : le service du Seigneur et des frères et sœurs.

C’est ainsi qu’est née cette jeune Église : dans le sillon de la charité, qui est le meilleur témoignage de la foi. À la fin de ma visite, j’ai eu la joie de bénir et d’inaugurer la « Maison de la miséricorde », la première œuvre caritative créée en Mongolie, expression de toutes les composantes de l’Église locale. Une maison qui est la carte de visite de ces chrétiens, mais qui rappelle aussi à chacune de nos communautés d’être une maison de la miséricorde : c’est-à-dire un lieu ouvert et, lieu accueillant, où les misères de chacun peuvent entrer sans vergogne en contact avec la miséricorde de Dieu qui relève et guérit. C’est le témoignage de l’Église mongole, avec des missionnaires de différents pays qui se sentent en harmonie avec le peuple, heureux de le servir et de découvrir la beauté qui s’y trouve déjà. Parce que ces missionnaires ne sont pas allés là-bas pour faire du prosélytisme, ce qui n’est pas évangélique, ils sont allés là-bas pour vivre comme le peuple mongol, pour parler leur langue, la langue de ce peuple, pour prendre les valeurs de ce peuple et prêcher l’Évangile dans le style mongol, avec des paroles mongoles. Ils sont allés et se sont « inculturés » : ils ont pris la culture mongole pour proclamer l’Évangile dans cette culture.

J’ai pu découvrir une partie de cette beauté, notamment en faisant la connaissance de certaines personnes, en écoutant leurs histoires, en appréciant leur quête religieuse. En ce sens, je suis reconnaissant pour la rencontre interreligieuse et œcuménique de dimanche passé. La Mongolie a une grande tradition bouddhiste, avec de nombreuses personnes qui, en silence, vivent leur religiosité de manière sincère et radicale, à travers l’altruisme et la lutte contre leurs passions. Pensons à tant de graines de bien qui, de manière cachée, font germer le jardin du monde, alors qu’habituellement nous n’entendons que le bruit des arbres qui tombent ! Le scandale plaît aux gens, même à nous : « Mais regardez cette barbarie, un arbre qui tombe, le bruit qu’il a fait ! ». – « Mais tu ne vois donc pas la forêt grandir tous les jours ? » parce que la croissance se fait dans le silence. Il est décisif d’être capable de discerner et de reconnaître le bien. Au lieu de cela, bien souvent nous n’apprécions les autres que dans la mesure où ils correspondent à nos idées, nous devons plutôt voir ce bien. C’est pour cela qu’il est important, comme le fait le peuple mongol, de regarder vers le haut, vers la lumière du bien. Seulement ainsi, en partant de la reconnaissance du bien, on construit l’avenir commun ; ce n’est qu’en valorisant l’autre qu’on l’aide à s’améliorer.

Je suis allé au cœur de l’Asie et cela m’a fait du bien. Cela fait du bien d’entrer en dialogue avec ce grand continent, d’en saisir les messages, d’en connaître la sagesse, la façon de regarder les choses, d’étreindre le temps et l’espace. Cela m’a fait du bien de rencontrer le peuple mongol, qui conserve ses racines et ses traditions, respecte les personnes âgées et vit en harmonie avec l’environnement : c’est un peuple qui scrute le ciel et sent la respiration de la création. En pensant aux étendues illimitées et silencieuses de la Mongolie, laissons-nous stimuler par le besoin d’élargir les frontières de notre regard, s’il vous plait : élargir les frontières, regarder loin et haut, regarder et ne pas tomber prisonniers de la petitesse, élargir les frontières de notre regard, afin qu’il voit le bien qu’il y a chez les autres et soit capable de dilater les propres horizons et également dilater son propre cœur pour comprendre, pour être proche de chaque personne et de chaque civilisation.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Audience générale du pape François – 30 août 2023

Statue de sainte Kateri Tekakwitha à la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré, Québec. Wikimedia Commons.

Le pape François reprend sa catéchèse sur le zèle évangélique en évoquant Sainte Kateri Tekakwitha, la première sainte autochtone d’Amérique du Nord. Il a souligné que « la vie de Kateri nous montre que chaque défi peut être surmonté si nous ouvrons nos cœurs à Jésus, qui nous accorde la grâce dont nous avons besoin. »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Maintenant, en poursuivant notre catéchèse sur le thème du zèle apostolique et la passion pour l’annonce de l’Évangile, nous regardons aujourd’hui Sainte Kateri Tékakwitha, première femme autochtone d’Amérique du Nord qui a été canonisée. Née vers l’an 1656 dans un village du nord de l’État de New York, elle était la fille d’un chef Mohawk non baptisé et d’une mère chrétienne Algonquienne, qui lui a appris à prier et à chanter des hymnes à Dieu. Beaucoup d’entre nous ont également été introduits au Seigneur pour la première fois au sein de la famille, en particulier par nos mères et nos grands-mères. C’est ainsi que commence l’évangélisation et, en effet, ne l’oublions pas, la foi est toujours transmise en dialecte par les mères, par les grands-mères. La foi doit être transmise en dialecte et nous l’avons reçue dans ce dialecte de nos mères et de nos grands-mères. L’évangélisation commence ainsi, souvent : par de petits gestes simples, comme des parents qui aident leurs enfants à apprendre à parler à Dieu dans la prière et leur racontent son amour grand et miséricordieux. Et les fondements de la foi pour Kateri, et autant pour nous aussi ont été posés de cette manière. Elle l’avait reçue de sa mère en dialecte, le dialecte de la foi.

Lorsque Kateri avait quatre ans, une grave épidémie de variole frappa son peuple. Ses parents et son jeune frère moururent et Kateri elle-même en garda des cicatrices sur le visage et des problèmes de vue. Dès lors, Kateri a dû faire face à de nombreuses difficultés : certes, des difficultés physiques dues aux effets de la variole, mais aussi des incompréhensions, des persécutions et même des menaces de mort qu’elle a subies après son baptême le dimanche de Pâques 1676. Tout cela a donné à Kateri un grand amour pour la croix, signe ultime de l’amour du Christ, qui s’est donné jusqu’au bout pour nous. Le témoignage de l’Évangile ne se limite pas en fait à ce qui plaît ; nous devons aussi savoir porter nos croix quotidiennes avec patience, confiance et espérance. La patience, face aux difficultés, aux croix : la patience est une grande vertu chrétienne. Celui qui n’a pas de patience n’est pas un bon chrétien. La patience de tolérer : tolérer les difficultés et aussi tolérer les autres, qui sont parfois ennuyeux ou qui vous mettent en difficulté … La vie de Kateri Tekakwitha nous montre que tout défi peut être surmonté si nous ouvrons le cœur à Jésus, qui nous accorde la grâce dont nous avons besoin : patience et cœur ouvert à Jésus, c’est une recette pour bien vivre.

Après avoir été baptisée, Kateri a dû se réfugier parmi les Mohawks dans la mission des jésuites près de la ville de Montréal. Là, elle assistait à la Messe tous les matins, passait du temps en adoration devant le Très Saint Sacrement, priait le Chapelet et menait une vie de pénitence. Ses pratiques spirituelles impressionnaient tous les membres de la mission, qui reconnurent en Kateri une sainteté qui attirait parce qu’elle provenait de son amour profond pour Dieu. Cela est le propre de la sainteté, d’attirer. Dieu nous appelle par attraction, il nous appelle avec ce désir d’être proche de nous et elle a ressenti cette grâce de l’attraction divine. En même temps, elle enseignait aux enfants de la Mission à prier et, par l’accomplissement constant de ses responsabilités, y compris le soin des malades et des personnes âgées, elle offrait un exemple de service humble et plein d’amour à Dieu et au prochain. La foi s’exprime toujours dans le service. La foi ne consiste pas à se maquiller, à maquiller son âme : non, elle consiste à servir.

Bien qu’elle ait été encouragée à se marier, Kateri désirait au contraire consacrer entièrement sa vie au Christ. Ne pouvant entrer dans la vie consacrée, elle émit le vœu de virginité perpétuelle le 25 mars 1679. Son choix révèle un autre aspect du zèle apostolique qu’elle avait : le don total au Seigneur. Certes, tous ne sont pas appelés à faire le même vœu que Kateri ; cependant, chaque chrétien est appelé chaque jour à s’engager avec un cœur sans partage dans la vocation et la mission que Dieu lui a confiées, en le servant Lui et en servant son prochain dans un esprit de charité.

Chers frères et sœurs, la vie de Kateri est un témoignage supplémentaire du fait que le zèle apostolique implique à la fois une union avec Jésus, nourrie par la prière et par les Sacrements, et le désir de répandre la beauté du message chrétien à travers la fidélité à sa vocation particulière. Les dernières paroles de Kateri sont très belles. Avant de mourir elle a dit : « Jésus, je t’aime ».

Nous aussi, en puisant notre force dans le Seigneur, comme l’a fait sainte Kateri Tekakwitha, apprenons à accomplir des actions ordinaires de manière extraordinaire et ainsi à grandir chaque jour dans la foi, la charité et le témoignage zélé du Christ.

Ne l’oublions pas : chacun de nous est appelé à la sainteté, à la sainteté quotidienne, à la sainteté de la vie chrétienne commune. Chacun de nous reçoit cet appel : poursuivons ce chemin. Le Seigneur ne nous abandonnera pas.

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APPEL

Après demain, 1er septembre, on célèbre la Journée Mondiale de Prière pour la Sauvegarde de la Création, inaugurant le « Temps de la Création » qui durera jusqu’au 4 octobre, fête de Saint François d’Assise. À cette date, j’ai l’intention de publier une exhortation, une seconde Laudato sì. Unissons-nous à nos frères et sœurs chrétiens dans l’engagement de prendre soin de la création comme un don sacré du Créateur. Nous devons nous tenir aux côtés des victimes de l’injustice environnementale et climatique et nous efforcer de mettre fin à la guerre insensée contre notre Maison commune. Je vous invite tous à travailler et à prier pour qu’elle regorge à nouveau de vie.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Audience générale du pape François – 23 août 2023

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François poursuit la  découverte de la passion pour l’annonce de l’Évangile en portant le regard sur la Guadalupe où la Vierge est apparue, habillée de vêtements des autochtones. À travers Marie, Dieu continue à s’incarner dans la vie des peuples. lle annonce Dieu dans la langue maternelle de ces personnes. 

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Sur notre chemin à la redécouverte de notre passion pour l’annonce de l’Evangile, pour voir comment le zèle apostolique, cette passion pour annoncer l’Evangile s’est développée dans l’histoire de l’Eglise, sur ce chemin, nous nous tournons aujourd’hui  vers les Amériques. Ici, l’évangélisation a une source toujours vivante: Guadalupe. C’est une source vivante. Les Mexicains sont contents!  Bien sûr, l’Evangile y était déjà parvenu avant ces apparitions, mais il avait malheureusement été aussi accompagné d’intérêts mondains. Au lieu du chemin de l’inculturation, on a trop souvent emprunté le raccourci de la transplantation et de l’imposition de modèles pré-constitués — européens, par exemple —, sans respect pour les peuples autochtones. La Vierge de Guadalupe, en revanche, apparaît vêtue des habits des autochtones, parle leur langue, accueille et aime la culture locale: Marie est Mère et sous son manteau chaque enfant trouve sa place. En Elle, Dieu s’est fait chair et, à travers Marie, il continue à s’incarner dans la vie des peuples. La Vierge, en effet, annonce Dieu dans la langue la plus appropriée, c’est-à-dire la langue maternelle. Oui, l’Evangile est transmis dans la langue maternelle. Et à nous aussi la Vierge parle dans une langue maternelle, celle que nous connaissons bien. Oui, l’Evangile se transmet dans la langue maternelle. Et je voudrais dire merci aux nombreuses mères et aux nombreuses grands-mères qui le transmettent à leurs enfants et petits-enfants: la foi passe avec la vie, c’est pourquoi les mères et les grands-mères sont les premières annonciatrices. Un applaudissement aux mères et aux grands-mères! Et l’Evangile se communique, comme le montre Marie, dans la simplicité: la Vierge choisit toujours des personnes simples, sur la colline de Tepeyac au Mexique comme à Lourdes et à Fatima: en leur parlant, elle parle à chacun, dans un langage adapté à tous, dans un langage compréhensible, comme celui de Jésus.

Arrêtons-nous donc sur le témoignage de saint Juan Diego, qui est le messager, c’est le garçon, c’est l’au-tochtone qui a reçu la révélation de Marie: le messager de la Vierge de Guadalupe. C’était une personne humble, un Indien du peuple: Sur lui, s’est posé le regard de Dieu, qui aime accomplir  des miracles à travers les petits. Juan Diego était venu à la foi déjà adulte et marié. En décembre 1531, il avait environ 55 ans. En chemin, il aperçoit sur une colline la Mère de Dieu, qui l’appelle tendrement, et comment la Vierge l’appelle-t-elle? «Mon petit fils bien-aimé Juanito» (Nican Mopohua, 23). Elle l’envoie ensuite auprès de l’évêque pour lui demander de construire un temple à l’endroit où elle était apparue. Juan Diego, simple et disponible, y va avec la générosité de son cœur pur, mais il doit attendre longtemps. Il parle enfin à l’évêque, mais on ne le croit pas. Parfois, nous évêques… Il rencontre à nouveau la Vierge, qui le console et lui demande d’essayer à nouveau. L’indien retourne auprès de l’évêque et, non sans grande difficulté, le rencontre, mais ce dernier, après l’avoir écouté, le renvoie et envoie des hommes le suivre. Voilà la difficulté, l’épreuve de l’annonce: malgré le zèle, arrivent les imprévus,  parfois de l’Eglise elle-même. Pour annoncer, en effet, il ne suffit pas de témoigner du bien, il faut pouvoir supporter le mal. N’oublions pas cela: c’est très important pour annoncer l’Evangile, il ne suffit pas de témoigner le bien, mais il faut savoir supporter le mal. Un chrétien fait le bien, mais il supporte le mal. Les deux choses vont ensemble, la vie est ainsi.  Aujourd’hui aussi, dans de nombreux endroits, l’inculturation de l’Evangile et l’évangélisation des cultures exigent persévérance et patience, il ne faut pas craindre les conflits, ni perdre confiance. Je pense à un pays où les chrétiens sont persécutés, parce qu’ils sont chrétiens et ne peuvent pas  pratiquer leur religion  bien et dans la paix. Juan Diego, découragé, parce que l’évêque le ren-voyait, demande à la Vierge de le dispenser et de nommer quelqu’un de plus estimé et plus capable que lui, mais il est invité à persévérer. Il y a toujours le risque d’une certaine capitulation dans l’annonce: une chose ne va pas et on fait marche arrière, en se décourageant et en se réfugiant peut-être dans ses propres certitudes, dans les petits groupes et dans quelques dévotions intimistes. La Vierge, au contraire, tout en nous consolant, nous fait avancer et ainsi, nous fait grandir, comme une bonne mère qui, tout en suivant les pas de son fils, le lance dans les défis du monde.

Juan Diego, ainsi encouragé, retourne auprès de l’évêque qui lui demande un signe. La Vierge le lui promet et le réconforte par ces mots: «Que ton visage et ton cœur ne se troublent pas: […] Ne suis-je pas ici, ta mère?» (ibid., 118-119). C’est beau cela, très souvent, comme nous sommes  en proie au découragement, à la tristesse, aux difficultés,  la Vierge nous le dit à nous aussi, dans le cœur: «Ne suis-je pas ici, moi qui suis ta mère?». Toujours proche pour nous réconforter, et nous donner la force d’aller de l’avant.  Elle lui demande ensuite d’aller cueillir des fleurs au sommet de  la colline aride. C’est l’hiver, mais Juan Diego en trouve de très belles, les met dans son manteau et les offre à la Mère de Dieu, qui l’invite à les apporter à l’évêque comme preuve. Il s’y rend, attend patiemment son tour et finalement, en présence de l’évêque, ouvre sa tilma  — qui est ce qu’utilisaient les autochtones pour se couvrir — il ouvre sa tilma  en montrant les fleurs et voici:  sur le tissu du manteau apparaît l’image de la Madone, la Vierge extraordinaire et vivante que nous connaissons tous, dans les yeux de laquelle les protagonistes de l’époque se reflètent encore. Voici la surprise de Dieu: quand il y a disponibilité et quand il y a  obéissance, Il peut accomplir quelque chose d’inattendu, en des temps et des manières que nous ne pouvons pas prévoir. C’est ainsi que le  sanctuaire demandé par la Vierge a été construit et qu’aujourd’hui, on peut le visiter.

Juan Diego quitte tout et, avec la permission de l’évêque, consacre sa vie au sanctuaire. Il accueille les pèlerins et les évangélise. C’est ce qui a lieu dans les sanctuaires mariaux, destinations de pèlerinage et  lieux d’annonce, où chacun se sent chez soi — parce que c’est la maison de la mère, c’est la maison de la mère — et éprouve la nostalgie de sa maison, c’est-à-dire  la nostalgie du lieu où se trouve la Mère, le Ciel. Là, la foi est accueillie de manière simple, la foi est accueillie de façon authentique, de façon populaire, et  la Vierge, comme elle l’a dit à Juan Diego, écoute nos pleurs et guérit nos peines (cf. ibid., 32). Apprenons cela: quand il y a des difficultés dans la vie, allons voir la Mère; et quand la vie est heureuse, allons voir la Mère pour partager cela également. Nous avons besoin de nous rendre dans ces oasis de consolation et de miséricorde, où la foi s’exprime dans la langue maternelle, où nous déposons les difficultés de la vie dans les bras de la Vierge et où nous retournons à la vie avec la paix dans le cœur, peut-être avec la paix des enfants.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Audience générale du pape François – Mercredi 9 Août 2023

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François poursuit sa catéchèse sur le voyage apostolique au Portugal à l’occasion des Journées Mondiales de la Jeunesse qui ont eu lieu du 1er au 6 août 2023.

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Ces derniers jours, je suis allé au Portugal pour les 37èmes Journées Mondiales de la Jeunesse.

Ces JMJ de Lisbonne, qui ont eu lieu après la pandémie, ont été ressenties par tous comme un don de Dieu qui a remis en mouvement les cœurs et les pas des jeunes, tant de jeunes de toutes les parties du monde – beaucoup – pour aller se rencontrer et rencontrer Jésus.

La pandémie, nous le savons bien, a gravement affecté les comportements sociaux : le confinement a souvent dégénéré en renfermement, et les jeunes ont été particulièrement touchés. Avec ces Journées Mondiales de la Jeunesse, Dieu a donné un coup de pouce dans la direction opposée : elles ont marqué un nouveau départ du grand pèlerinage des jeunes à travers les continents, au nom de Jésus-Christ. Et ce n’est pas un hasard si c’est arrivé à Lisbonne, une ville qui donne sur l’océan, une ville-symbole des grandes explorations maritimes.

C’est ainsi qu’aux Journées Mondiales de la Jeunesse, l’Évangile a proposé aux jeunes le modèle de la Vierge Marie. Au moment le plus critique pour elle, [Marie] va rendre visite à sa cousine Elisabeth. L’Evangile dit : « elle se leva et partit en hâte  » (Lc 1,39). J’aime beaucoup invoquer la Vierge sous cet aspect : la Vierge  » en hâte « , qui fait toujours les choses en hâte, jamais, elle ne nous fait attendre, parce qu’elle est la mère de tous. – Ainsi Marie aujourd’hui au troisième millénaire, guide le pèlerinage des jeunes à la suite de Jésus. Comme elle l’avait déjà fait il y a un siècle au Portugal, à Fatima, lorsqu’elle s’est adressée à trois enfants, leur confiant un message de foi et d’espérance pour l’Église et le monde. C’est pourquoi, dans les JMJ, je suis retourné à Fatima, sur le lieu de l’apparition, et avec quelques jeunes malades, j’ai prié Dieu pour qu’il guérisse le monde des maladies de l’âme : l’orgueil, le mensonge, l’inimitié, la violence – ce sont des maladies de l’âme et le monde est malade de ces maladies. Et nous avons renouvelé la consécration de nous-mêmes, de l’Europe, du monde au cœur de Marie, au Cœur Immaculé de Marie. J’ai prié pour la paix, parce qu’il y a beaucoup de guerres dans toutes les parties du monde, beaucoup.

Les jeunes du monde entier sont venus à Lisbonne en grand nombre et avec un grand enthousiasme. Je les ai également rencontrés en petits groupes, certains avec beaucoup de problèmes ; le groupe de jeunes Ukrainiens racontait des histoires qui étaient douloureuses. Ce n’était pas des vacances, ni un voyage touristique, ni même un événement spirituel en soi ; les Journées Mondiales de la Jeunesse sont une rencontre avec le Christ vivant à travers l’Église. Les jeunes vont à la rencontre du Christ. C’est vrai, là où il y a des jeunes, il y a de la joie et il y a un peu de tout cela.

Ma visite au Portugal, à l’occasion des JMJ, a bénéficié de l’ambiance festive de cette vague de jeunes. Je remercie Dieu pour cela, en pensant surtout à l’Église de Lisbonne qui, en retour du grand effort déployé pour l’organisation et l’accueil, recevra des énergies nouvelles pour continuer le nouveau chemin, pour jeter à nouveau les filets avec une passion apostolique. Les jeunes au Portugal sont déjà aujourd’hui une présence vitale, et maintenant, après cette « transfusion » reçue des Églises du monde entier, ils le seront encore plus. Et beaucoup de jeunes, sur le chemin du retour, sont passés par Rome, nous les apercevons aussi ici, il y en a qui ont participé à ces Journées. Les voici ! Là où il y a des jeunes, il y a du bruit, ils savent bien le faire !

Alors qu’en Ukraine et dans d’autres endroits du monde, on se combat, et que dans certaines salles cachées, on planifie la guerre – C’est malheureux cela, on planifie la guerre-, les JMJ ont montré à tous qu’un autre monde est possible : un monde de frères et sœurs, où les drapeaux de tous les peuples flottent ensemble, l’une à côté de l’autre, sans haine, sans peur, sans fermetures, sans armes ! Le message des jeunes a été clair : les « grands de la terre » l’entendront-ils ? Je me demande, entendront-ils cet enthousiasme juvénile en faveur de la paix ? C’est une parabole pour notre temps, et aujourd’hui encore, Jésus dit : « Que celui qui a des oreilles entende ! Que celui qui a des yeux regarde ! » Espérons que le monde entier entende ces Journées de la Jeunesse et regarde cette beauté des jeunes qui vont de l’avant.

Une fois de plus, j’exprime ma gratitude au Portugal, à Lisbonne, au Président de la République, qui a assisté à toutes les célébrations, et aux autres Autorités civiles ; au Patriarche de Lisbonne – qui a été brave-, au Président de la Conférence Épiscopale et à l’Évêque coordinateur des Journées Mondiales de la Jeunesse, à tous les collaborateurs et à tous les volontaires. Pensez aux volontaires – je suis allé les retrouver le dernier jour avant de rentrer – ils étaient 25 000 : ces Journées comptaient 25 000 volontaires ! Merci à tous ! Par l’intercession de la Vierge Marie, que le Seigneur bénisse les jeunes du monde entier et qu’il bénisse le peuple portugais. Prions ensemble la Madone, tous ensemble, pour qu’Elle bénisse le peuple portugais.

[Récitation de l’Ave Maria].

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Audience générale du pape François – 28 juin 2023

Statue de Sainte Marie-de-la-Croix à la cathédrale Sainte Marie de Sydney. Wikimedia Commons.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a poursuivi sa catéchèse sur les saints exemples de zèle apostolique en évoquant la vie et la mission de sainte Marie MacKillop. Il a déclaré qu’« une caractéristique essentielle de son zèle pour l’Évangile était son souci des personnes pauvres et marginalisées », ce qui « poussait Marie à aller là où d’autres ne voulaient pas ou ne pouvaient pas aller », à savoir leur offrir une éducation catholique qui consiste à « accompagner et encourager les étudiants sur le chemin de la croissance humaine et spirituelle, en leur montrant combien l’amitié avec Jésus ressuscité élargit le cœur et rend la vie plus humaine. »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui nous devons faire preuve d’un peu de patience avec cette chaleur ! Merci d’être venus par cette chaleur, par ce soleil, merci beaucoup de votre visite !

Dans cette série de catéchèses sur le zèle apostolique, nous allons à la rencontre de quelques figures exemplaires d’hommes et de femmes de tous temps et lieux, qui ont donné leur vie pour l’Évangile. Aujourd’hui, nous allons loin en Océanie, un continent composé de nombreuses îles, grandes et petites. La foi au Christ, que tant d’émigrants européens ont apportée sur ces terres, s’est rapidement enracinée et a porté des fruits abondants (cf. Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Oceania, n. 6). Parmi eux se trouve une religieuse extraordinaire, Sainte Mary MacKillop (1842-1909), fondatrice des Sœurs de Saint-Joseph du Sacré-Cœur, qui a consacré sa vie à la formation intellectuelle et religieuse des pauvres dans les régions rurales d’Australie.

Mary MacKillop naît près de Melbourne de parents écossais émigrés en Australie. Jeune fille, elle se sentit appelée par Dieu à le servir et à témoigner de lui, non seulement par des mots, mais surtout par une vie transformée par la présence de Dieu (cf. Evangelii gaudium, 259). Comme Marie Madeleine, qui, en premier rencontra Jésus ressuscité et fut envoyée par Lui pour porter l’annonce aux disciples, Mary était convaincue qu’elle aussi était envoyée pour répandre la Bonne Nouvelle et attirer d’autres personnes à la rencontre du Dieu vivant.

En lisant avec sagesse les signes des temps, elle comprit que le meilleur moyen d’y parvenir était à travers l’éducation des jeunes, considérant que l’éducation catholique est une forme d’évangélisation. C’est une excellente forme d’évangélisation. Ainsi, si l’on peut dire que « chaque saint est une mission ; il est un projet du Père pour refléter et incarner, à un moment déterminé de l’histoire, un aspect de l’Évangile » (Exhortation apostolique Gaudete et exsultate, 19), Mary MacKillop l’a été surtout à travers la fondation d’écoles.

Une caractéristique essentielle de son zèle pour l’Évangile était son souci des personnes pauvres et marginalisées. Et ceci est très important : sur le chemin de la sainteté, qui est le chemin chrétien, les pauvres et les marginaux sont les protagonistes et une personne ne peut pas avancer dans la sainteté si elle ne se consacre pas aussi à eux, d’une manière ou d’une autre. Eux, qui ont besoin de l’aide du Seigneur, portent la présence du Seigneur. J’ai lu un jour une phrase qui m’a frappé : « Le protagoniste de l’histoire est le mendiant : les mendiants sont ceux qui attirent l’attention sur l’injustice, qui est la grande pauvreté du monde » ; l’argent est dépensé pour fabriquer des armes et non pour produire des repas… Et n’oubliez pas : il n’y a pas de sainteté si, d’une manière ou d’une autre, on ne prend pas soin des pauvres, des indigents, de ceux qui sont un peu en marge de la société. Ce soin des pauvres et des marginaux poussait Mary à aller là où d’autres ne voulaient pas ou ne pouvaient pas aller. Le 19 mars 1866, jour de la fête de Saint Joseph, elle ouvrit la première école dans une petite banlieue dans le sud de l’Australie. De nombreuses autres suivirent, qu’elle et ses sœurs fondèrent dans les communautés rurales d’Australie et de Nouvelle-Zélande. Elles se sont multipliées, parce que le zèle apostolique fait ceci : il multiplie les œuvres.

Mary MacKillop était convaincue que le but de l’éducation est le développement intégral de la personne, à la fois comme individu et comme membre de la communauté, et que cela exige sagesse, patience et charité de la part de chaque enseignant. En effet, l’éducation ne consiste pas à remplir la tête d’idées : non, il ne s’agit pas seulement de cela. En quoi consiste l’éducation ? Il s’agit d’accompagner et d’encourager les étudiants sur le chemin de la croissance humaine et spirituelle, en leur montrant combien l’amitié avec Jésus ressuscité élargit le cœur et rend la vie plus humaine. Éduquer, c’est aider à bien penser, à bien comprendre – le langage du cœur – et à bien agir – le langage des mains. Cette vision est pleinement d’actualité aujourd’hui, où nous ressentons le besoin d’un « pacte éducatif » capable d’unir les familles, les écoles et la société dans son ensemble.

Le zèle de Mary MacKillop pour la diffusion de l’Évangile parmi les pauvres l’a également conduite à entreprendre plusieurs autres œuvres caritatives, à commencer par la  » Maison de la Providence  » ouverte à Adélaïde pour accueillir les personnes âgées et les enfants abandonnés. Mary avait une grande foi en la Providence de Dieu : elle a toujours été convaincue que, en toutes circonstances, Dieu pourvoyait à tout. Mais cela ne lui épargnait pas les angoisses et les difficultés liées à son apostolat, et Mary avait de bonnes raisons pour cela : il fallait payer les factures, traiter avec les évêques et les prêtres locaux, gérer les écoles et veiller à la formation professionnelle et spirituelle de ses sœurs ; et, plus tard, les problèmes de santé. Malgré tout, elle est restée calme, portant patiemment la croix qui fait partie intégrante de la mission.

Un jour, en la fête de l’Exaltation de la Croix, Marie a dit à l’une de ses consœurs : « Ma fille, depuis de nombreuses années, j’ai appris à aimer la Croix ». Elle n’a pas baissé les bras dans les moments d’épreuve et d’obscurité, lorsque sa joie était assombrie par l’opposition, le rejet. Vous voyez : tous les saints ont été confrontés à des oppositions, même au sein de l’Église. C’est curieux. Elle aussi, elle en a rencontré. Elle restait convaincue que même lorsque le Seigneur lui donnait « le pain de l’affliction et l’eau de la tribulation » (Is 30,20), le Seigneur lui-même aurait vite répondu à son cri et l’aurait entourée de sa grâce. Cela est le secret du zèle apostolique : la relation permanente avec le Seigneur.

Frères et sœurs, que la vie de disciple missionnaire de Sainte Mary MacKillop, sa réponse créative aux besoins de l’Église de son temps, son engagement dans la formation intégrale des jeunes nous inspirent tous aujourd’hui, nous qui sommes appelés à être ferment de l’Évangile dans nos sociétés en mutation rapide. Que son exemple et son intercession soutiennent le travail quotidien des parents, des enseignants, des catéchistes et de tous les éducateurs, pour le bien des jeunes et pour un avenir plus humain et plein d’espoir.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Audience générale du pape François – 7 juin 2023

Statue de Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus par Louis Richomme, crypte Basilique de Sainte-Thérèse à Lisieux

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François poursuit l’itinéraire sur le zèle apostolique du croyant et s’adresse au public devant les reliques de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, patronne des missions.

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bienvenus, bonjour !

Nous voici devant les reliques de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, patronne universelle des missions. Il est beau que cela se produise durant le moment de notre réflexion sur la passion pour l’évangélisation, sur le zèle apostolique. Aujourd’hui, donc, laissons-nous aider par le témoignage de Sainte Thérèse. Elle est née il y a 150 ans et, à l’occasion de cet anniversaire, j’ai l’intention de lui dédier une Lettre Apostolique.

Elle est la patronne des missions, bien qu’elle ne soit jamais partie en mission : comment explique-t-on cela ? Elle était carmélite et sa vie fut marquée par la petitesse et la faiblesse : elle se définissait elle-même comme « un petit grain de sable ». De santé fragile, elle mourut à l’âge de 24 ans seulement. Mais si son corps était infirme, son cœur était vibrant, était missionnaire. Dans son « diaire », elle raconte qu’être missionnaire était son désir et qu’elle voulait l’être non seulement pour quelques années, mais pour le reste de sa vie, voire jusqu’à la fin du monde. Thérèse fut la « sœur spirituelle » de plusieurs missionnaires : depuis le monastère, elle les accompagnait par ses lettres, ses prières et en offrant pour eux des sacrifices continuels. Sans en avoir l’air, elle intercédait pour les missions, cachée comme un moteur qui donne au véhicule la force pour avancer. Cependant, elle fut souvent incomprise par ses sœurs moniales : elle reçut d’elles « plus d’épines que de roses », mais elle accepta tout avec amour, avec patience, offrant, en même temps que sa maladie, les jugements et les incompréhensions. Et elle le fit avec joie, et elle le fit pour les besoins de l’Église, afin que, comme elle disait, se répandent « des roses sur tous », en particulier sur les plus éloignés.

Mais maintenant, je me demande, nous pouvons nous demander, d’où lui viennent ce zèle, cette force missionnaire et cette joie d’intercéder ? Deux épisodes survenus avant l’entrée de Thérèse au monastère nous aident à le comprendre. Le premier concerne le jour qui changea sa vie – un jour lui a changé la vie -, Noël 1886, où Dieu opère un miracle dans son cœur. Thérèse aura bientôt 14 ans. En tant que benjamine, elle est choyée par tout le monde à la maison mais non pas mal éduquée. Au retour de la messe de minuit, son père, très fatigué, n’a pas envie d’assister à l’ouverture des cadeaux de sa fille et dit : « Dieu merci, c’est la dernière année ! », parce qu’à l’âge de 15 ans, on ne le faisait déjà plus. Thérèse, de nature très sensible et prompte aux larmes, en fut blessée, monta dans sa chambre et pleura. Mais elle réprima rapidement ses larmes, redescendit et, pleine de joie, ce fut elle qui réjouit ainsi son père. Que s’est-il donc passé ? Cette nuit-là, alors que Jésus s’était fait faible par amour, elle était devenue forte dans son âme – un vrai miracle :  en quelques instants, elle était sortie de la prison de son égoïsme et de son apitoiement sur elle-même et elle commença à sentir que « la charité entrait dans son cœur- c’est ce qu’elle dit-, avec le besoin de s’oublier elle-même » (cf. Manuscrit A, 133-134). Dès lors, elle oriente son zèle vers les autres, pour qu’ils trouvent Dieu, et au lieu de chercher des consolations pour elle-même, elle se donne pour tâche de « consoler Jésus, [de] le faire aimer des âmes », car – note Thérèse – « Jésus est malade d’amour et […] la maladie de l’amour ne peut être guérie que par l’amour » (Lettre à Marie Guérin, juillet 1890). Voilà donc son objectif quotidien : « faire aimer Jésus » (Lettre à Céline, 15 octobre 1889), intercéder pour que les autres puissent l’aimer. Elle écrit : « Je voudrais sauver les âmes et m’oublier pour elles : je voudrais les sauver même après ma mort » (Lettre à l’abbé Roullan, 19 mars 1897). Plusieurs fois, elle dira : « Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre ». C’est le premier épisode qui a changé sa vie à l’âge de 14 ans.

Et son zèle était surtout dirigé vers les pécheurs, vers les « éloignés ». C’est ce que révèle le second épisode. C’est intéressant : Thérèse apprend l’existence d’un criminel condamné à mort pour des crimes horribles, il se nommait Enrico Pranzini – elle écrit le nom : reconnu coupable du meurtre brutal de trois personnes, il est destiné à la guillotine, mais ne veut pas recevoir les réconforts de la foi. Thérèse le prend à cœur et fait tout ce qu’elle peut : elle prie de toutes les manières pour sa conversion, afin que celui qu’elle appelle avec une compassion fraternelle « le pauvre Pranzini » ait un petit signe de repentir et fasse place à la miséricorde de Dieu, en qui Thérèse voue une confiance aveugle. L’exécution a lieu. Le lendemain, Teresa lit dans le journal que Pranzini, juste avant de poser sa tête sur l’échafaud, « soudain, saisi d’une inspiration subite, se retourne, saisit un Crucifix que le prêtre lui présentait et baise trois fois les plaies saintes » de Jésus. La sainte commente : « Alors son âme alla recevoir la sentence miséricordieuse de Celui qui a déclaré qu’au Ciel il y a plus de joie pour un seul pécheur qui fait pénitence que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de pénitence ! » (Manuscrit A, 135).

Frères et sœurs, voilà la force de l’intercession mue par la charité, voilà le moteur de la mission. Les missionnaires, en effet, dont Thérèse est la patronne, ne sont pas seulement ceux qui parcourent de longues distances, apprennent de nouvelles langues, font de bonnes œuvres et sont doués pour l’annonce ; non, missionnaire l’est aussi celui qui vit, là où il se trouve, comme instrument de l’amour de Dieu ; c’est celui qui fait tout pour que, par son témoignage, sa prière, son intercession, Jésus soit manifesté. Et c’est le zèle apostolique qui, rappelons-le toujours, ne procède jamais par prosélytisme – jamais ! – ou par contrainte– jamais ! -, mais par attraction : la foi nait par attraction, on ne devient pas chrétien parce qu’on y est forcé par quelqu’un, non, mais parce qu’on est touché par l’amour. Avant tant de moyens, de méthodes et de structures, qui parfois détournent de l’essentiel, l’Église a surtout besoin de cœurs comme celui de Thérèse, de cœurs qui attirent à l’amour et rapprochent de Dieu. Et demandons à la sainte – nous avons les reliques ici – demandons à la sainte la grâce de surmonter notre égoïsme et demandons la passion d’intercéder, d’intercéder pour que cet attrait soit plus grand chez les gens et pour que Jésus soit connu et aimé.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Audience Générale du pape François du 31 mai 2023

Matteo Ricci, portrait par Yu Wen-hui. Wikimedia Commons.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François poursuit l’itinéraire sur le zèle apostolique avec la figure de Matteo Ricci, un grand scientifique qui avait le souhait profond d’annoncer l’Évangile.

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous poursuivons ce cycle de catéchèses en parlant du zèle apostolique, c’est-à-dire ce que ressent le chrétien pour bien effectuer l’annonce de Jésus-Christ. Et aujourd’hui, je voudrais vous présenter un autre grand exemple de zèle apostolique : nous avons parlé de saint François Xavier, de saint Paul, du zèle apostolique des grands zélateurs ; aujourd’hui, nous parlerons d’un Italien, mais qui est allé en Chine : Matteo Ricci.

Originaire de Macerata, dans la région des Marches en Italie, après avoir étudié dans les écoles des Jésuites et être entré lui-même dans la Compagnie de Jésus, enthousiasmé par les rapports des missionnaires qu’il écoutait et il s’est enthousiasmé comme tant d’autres jeunes qui ressentaient cela, il demanda à être envoyé dans les missions de l’Extrême-Orient. Après la tentative de François Xavier, vingt-cinq autres jésuites avaient vainement tenté d’entrer en Chine. Mais Ricci et l’un de ses confrères se préparèrent très bien, étudiant soigneusement la langue et les coutumes chinoises, et réussirent finalement à s’établir dans le sud du pays. Il leur a fallu dix-huit ans, avec quatre étapes dans quatre villes différentes, avant d’arriver à Pékin, qui était le centre. Avec persévérance et patience, animé d’une foi inébranlable, Matteo Ricci a pu surmonter les difficultés et les dangers, les méfiances et oppositions. Imaginez à l’époque, à pied ou à cheval, tant de distances… et il persistait. Mais quel a été le secret de Matteo Ricci ? Par quel chemin le zèle l’a-t-il poussé ?

Il a suivi toujours la voie du dialogue et de l’amitié avec toutes les personnes qu’il rencontrait, ce qui lui a ouvert de nombreuses portes pour annoncer la foi chrétienne. Son premier ouvrage en chinois fut d’ailleurs un traité Sur l’amitié, qui eut un impact considérable. Pour s’adapter à la culture et à la vie chinoises, il s’est d’abord habillé comme les bonzes bouddhistes, selon la coutume du pays, mais il a ensuite réalisé que le meilleur moyen était d’adopter le style de vie et la tenue des gens de lettres, comme les professeurs d’université, les gens de lettres s’habillaient : il s’est donc habillé comme eux. Il étudia en profondeur leurs textes classiques, afin de pouvoir présenter le christianisme en dialogue positif avec leur sagesse confucéenne et les coutumes de la société chinoise. C’est ce qu’on appelle une attitude d’inculturation. Ce missionnaire a su « inculturer » la foi chrétienne dans le dialogue, comme les Pères de l’Antiquité avec la culture grecque.

Ses remarquables connaissances scientifiques suscitèrent l’intérêt et l’admiration des hommes de culture, à commencer par sa célèbre mappemonde, la carte du monde entier connu à l’époque, avec les différents continents, qui révéla pour la première fois aux Chinois une réalité extérieure à la Chine, beaucoup plus vaste qu’ils ne l’avaient imaginée. Il leur a montré que le monde était encore plus grand que la Chine, et ceux-ci comprenaient – parce qu’ils étaient intelligents. Mais les connaissances mathématiques et astronomiques de Ricci et de ses disciples missionnaires contribuèrent également à une rencontre féconde entre la culture et la science de l’Occident et de l’Orient, qui connaîtra alors l’une de ses périodes les plus heureuses, sous le signe du dialogue et de l’amitié. En effet, l’œuvre de Matteo Ricci n’aurait jamais été possible sans la collaboration de ses grands amis chinois, tels que les célèbres « Docteur Paul » (Xu Guangqi) et « Docteur Leo » (Li Zhizao)

Toutefois, la renommée de Ricci comme homme de science ne doit pas occulter la motivation la plus profonde de tous ses efforts : c’est-à-dire, l’annonce de l’Évangile. Lui, il poursuivait le dialogue scientifique, avec les gens de science, mais il témoignait de sa propre foi, de l’Évangile. La crédibilité obtenue par le dialogue scientifique lui donnait l’autorité nécessaire pour proposer la vérité de la foi et de la morale chrétiennes, qu’il aborde en profondeur dans ses principales œuvres chinoises, comme La véritable signification du Seigneur du Ciel – c’est le titre de ce livre. Outre la doctrine, c’est son témoignage de vie religieuse, de vertu et de prière : ces missionnaires priaient. Ils allaient prêcher, étaient actifs au plan politique, tout cela : ils priaient. C’est ce qui alimente la vie missionnaire, une vie de charité, ils aidaient les autres, humblement, avec un total désintérêt pour les honneurs et les richesses, qui a poussé beaucoup de ses disciples et de ses amis à embrasser la foi catholique. Car ils voyaient un homme si intelligent, si sage, si astucieux – dans le bon sens du terme – pour faire avancer les choses, et si croyant qu’ils disaient : « Mais, ce qu’il prêche est vrai parce que c’est une personne qui rend témoignage : il témoigne par sa propre vie de ce qu’il annonce ». Telle est la cohérence des évangélisateurs. Et cela nous concerne tous, nous chrétiens qui sommes évangélisateurs. Je peux dire le Credo par cœur, je peux dire tout ce que nous croyons, mais si ta vie n’est pas cohérente avec cela, cela ne sert à rien. Ce qui attire les gens, c’est le témoignage de la cohérence : nous, chrétiens, vivons ce que nous disons, et non pas prétendre vivre en chrétiens et vivre comme des mondains. Faites attention à cela, observez ces grands missionnaires – et c’est un Italien, hein ? – en observant ces grands missionnaires, nous voyons que la plus grande force, c’est la cohérence : ils sont cohérents.

Dans les derniers jours de sa vie, à ses proches qui lui demandaient comment il se sentait, « il répondit qu’il se demandait à ce moment-là si étaient plus grande la joie et l’allégresse qu’il ressentait intérieurement à l’idée de la proximité de son voyage pour aller savourer la présence de Dieu, ou la tristesse que pouvait lui causer le fait de quitter ses compagnons de toute la mission qu’il aimait tant, et le service qu’il pouvait encore rendre à Dieu Notre Seigneur dans cette mission » (S. DE URSIS, Rapport sur M. Ricci, Archivio Storico Romano S.I.). C’est la même attitude que l’apôtre Paul (cf. Ph1, 22-24), qui voulait aller vers le Seigneur, retrouver le Seigneur, mais « je reste pour vous servir ».

Matteo Ricci meurt à Pékin en 1610, à l’âge de 57 ans, un homme qui a donné toute sa vie à la mission. L’esprit missionnaire de Matteo Ricci est un modèle à suivre aujourd’hui. Son amour pour le peuple chinois est un modèle, mais ce qui représente un itinéraire actuel, c’est sa cohérence de vie, le témoignage de sa vie de chrétien. Il a apporté le christianisme en Chine ; il est grand, oui, parce qu’il est un grand scientifique, il est grand parce qu’il est courageux, il est grand parce qu’il a écrit tant de livres, mais il est surtout grand parce qu’il a été cohérent avec sa vocation, cohérent avec son désir de suivre Jésus-Christ. Frères et sœurs, aujourd’hui, chacun de nous se demande en son for intérieur : « Suis-je cohérent, ou suis-je un peu comme ci comme ça ? »

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

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