Audience générale du pape François – mercredi 28 février 2024

Caïn et Abel, panneau d’ivoire provenant de la cathédrale de Salerne, vers 1084. Musée du Louvre. Wikimedia Commons.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François s’est penché sur les deux vices que sont l’envie et la vanité. Au sujet de l’envie, il a déclaré : « À la racine de ce vice, il y a une fausse idée de Dieu : nous n’acceptons pas que Dieu ait sa propre « mathématique », différente de la nôtre. »

Lisez le texte intégral ci-dessous. Vous pouvez également regarder l’intégralité de l’émission ce soir à 19h30 HE soit 16h30 HP sur Sel + Lumière TV et sur Sel + Lumière Plus.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui nous examinons deux vices capitaux que nous trouvons dans les grands inventaires que la tradition spirituelle nous a laissés : l’envie et la vaine gloire.

Commençons par l’envie. Si nous lisons les Saintes Écritures (cf. Gn 4), elle nous apparaît comme l’un des vices les plus anciens : la haine de Caïn envers Abel se déchaîne lorsqu’il se rend compte que les sacrifices de son frère plaisent à Dieu. Caïn était le fils aîné d’Adam et Eve, il avait pris la plus grande part de l’héritage de son père ; pourtant, il suffit qu’Abel, son jeune frère, réussisse un petit exploit pour que Caïn se mette en colère. La tête de l’envieux est toujours triste : son regard est baissé, il semble continuellement sonder le sol, mais en réalité il ne voit rien, car son esprit est enveloppé de pensées pleines de méchanceté. L’envie, si elle n’est pas maîtrisée, conduit à la haine de l’autre. Abel sera tué par Caïn, qui n’a pas supporté le bonheur de son frère.

L’envie est un mal qui n’a pas seulement été étudié en contexte chrétien : elle a attiré l’attention de philosophes et d’érudits de toutes cultures. À la base, il y a une relation de haine et d’amour : l’un veut le mal de l’autre, mais secrètement, il souhaite lui ressembler. L’autre est l’épiphanie de ce que nous voudrions être, et qu’en réalité nous ne sommes pas. Sa bonne fortune nous semble une injustice : nous aurions sûrement – pensons-nous – mérité bien davantage ses succès ou sa bonne fortune !

À la base de ce vice, il y a une fausse idée de Dieu : on n’accepte pas que Dieu ait ses propres « mathématiques », différentes des nôtres. Par exemple, dans la parabole de Jésus sur les ouvriers appelés par le maître à aller à la vigne à différents moments de la journée, ceux de la première heure croient avoir droit à un salaire plus élevé que ceux qui sont arrivés en dernier ; mais le maître leur donne à tous le même salaire, et dit : « N’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ? Ou alors es-tu envieux parce que moi je suis bon ? » (Mt 20,15). Nous voudrions imposer à Dieu notre logique égoïste, mais la logique de Dieu est l’amour. Les biens qu’il nous donne sont faits pour être partagés. C’est pourquoi saint Paul exhorte les chrétiens : « Soyez unis les uns aux autres par l’affection fraternelle, rivalisez de respect les uns pour les autres » (Rm 12,10). Voilà le remède à l’envie !

Et nous arrivons au deuxième vice que nous examinons aujourd’hui : la vaine gloire. Elle va de pair avec le démon de l’envie et, ensemble, ces deux vices sont caractéristiques d’une personne qui aspire à être le centre du monde, libre d’exploiter tout et tout le monde, objet de toutes les louanges et de tous les amours. La vaine gloire est une estime de soi exagérée et sans fondement. Le vantard possède un « moi » encombrant : il n’a aucune empathie et ne se rend pas compte qu’il existe d’autres personnes que lui dans le monde. Ses relations sont toujours instrumentales, marquées par la prévarication de l’autre. Sa personne, ses réalisations, ses succès doivent être montrés à tous : c’est un perpétuel mendiant d’attention. Et si des fois ses qualités ne sont pas reconnues, il se met dans une colère féroce. Les autres sont injustes, ils ne comprennent pas, ils ne sont pas à la hauteur. Dans ses écrits, Évagre le Pontique décrit l’amère histoire de certains moines frappés par la vanité. Il arrive qu’après ses premiers succès dans la vie spirituelle, il se sente déjà arrivé et se précipite dans le monde pour en recevoir les louanges. Mais il ne réalise pas qu’il n’est qu’au début du voyage spirituel et qu’une tentation le guette, qui le fera bientôt tomber.

Pour guérir le vantard, les maîtres spirituels ne proposent pas beaucoup de remèdes. Car au fond, le mal de la vanité a son remède en lui-même : les louanges que l’orgueilleux espérait récolter du monde se retourneront bientôt contre lui. Et combien de personnes, trompées par une fausse image d’elles-mêmes, sont ensuite tombées dans des péchés dont elles auraient bientôt eu honte !

Le meilleur enseignement pour vaincre la vanité se trouve dans le témoignage de Saint Paul. L’apôtre s’est toujours heurté à un défaut qu’il n’a jamais pu surmonter. À trois reprises, il demanda au Seigneur de le délivrer de ce tourment, mais finalement Jésus lui répondit : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse ». Depuis ce jour, Paul a été libéré. Et sa conclusion devrait aussi devenir la nôtre : « C’est donc très volontiers que je mettrai plutôt ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure » (2 Co 12,9).

 

APPEL

Le 1er mars marquera le 25e anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel, qui continuent de frapper des civils innocents, en particulier des enfants, de nombreuses années après la fin des hostilités. J’exprime ma proximité aux nombreuses victimes de ces engins sournois, qui nous rappellent la cruauté dramatique des guerres et le prix que les populations civiles sont contraintes de payer. À cet égard, je remercie tous ceux qui contribuent à l’assistance aux victimes et au déminage des zones infestées. Leur travail est une réponse concrète à l’appel universel à être des artisans de paix, en prenant soin de nos frères et sœurs.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 14 février 2024

Détail d’Acédie et sa cour, traité de Cocharelli sur les vices, musée d’art de Cleveland. Wikimedia Commons.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François s’est penché sur l’acédie ou « paresse ». Il a déclaré que « si, dans les griffes de l’acédie, le désir de l’homme est d’être « ailleurs », de fuir la réalité, il faut au contraire avoir le courage de rester et d’accueillir la présence de Dieu ici et maintenant, dans la situation telle qu’elle est. »

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Chers frères et sœurs, bonjour !

Parmi les vices capitaux, il en est un qui est souvent négligé, peut-être à cause de son nom que beaucoup ne comprennent pas : Je parle de l’acédie. C’est pourquoi, dans le catalogue des vices, le terme acédie est souvent remplacé par un autre beaucoup plus usité : la paresse. En réalité, la paresse est plus un effet qu’une cause. Lorsqu’une personne est oisive, indolente, apathique, nous disons qu’elle est paresseuse. Mais, comme l’enseigne la sagesse des anciens pères du désert, souvent la racine de cette paresse est l’acédie, qui signifie littéralement, en grec, « manque de soin ».

C’est une tentation très dangereuse qu’il ne faut pas prendre à la légère. La personne qui en est victime est comme écrasée par une pulsion de mort : elle éprouve du dégoût pour tout, sa relation avec Dieu lui paraît ennuyeuse, et même les actes les plus saints, ceux qui dans le passé lui avaient réchauffé le cœur, lui semblent désormais tout à fait inutiles. La personne commence à regretter le temps qui passe et la jeunesse qui est irrémédiablement derrière elle.

L’acédie est définie comme le « démon de midi » : elle nous surprend au milieu de la journée, lorsque la fatigue est à son comble et que les heures à venir semblent monotones, impossibles à vivre. Dans une description célèbre, le moine Évagre représente ainsi cette tentation :

l’œil de celui qui est sous l’acédie cherche continuellement les fenêtres, et son esprit fantastique est habité de ses visiteurs. […] Quand il lit, celui qui est sous l’acédie bâille souvent et se laisse facilement gagner par le sommeil, il plisse les yeux, se frotte les mains et, détournant les yeux du livre, fixe le mur ; puis, les tournant à nouveau vers le livre, il lit encore un peu […] ; enfin, baissant la tête, il dépose le livre en dessous, s’endort d’un sommeil léger, jusqu’à ce que la faim le réveille et le pousse à s’occuper de ses besoins.

En conclusion, « celui qui est sous l’acédie n’accomplit pas avec sollicitude l’œuvre de Dieu » (Évagre le Pontique, Les huit esprits du mal, 14).

Les lecteurs contemporains voient dans ces descriptions quelque chose qui rappelle beaucoup le mal de la dépression, tant d’un point de vue psychologique que philosophique. En effet, pour ceux qui sont saisis par l’acédie, la vie perd son sens, prier devient ennuyeux, toute bataille semble dénuée de sens. Même si nous avions nourri des passions dans la jeunesse, elles nous paraissent aujourd’hui illogiques, des rêves qui ne nous ont pas rendus heureux. Alors on se laisse aller et la distraction, l’absence de pensée, apparaissent comme la seule issue : on aimerait être hébété, avoir l’esprit complètement vide… C’est un peu comme mourir par anticipation, et c’est déplorable.

Face à ce vice que l’on sait si dangereux, les maîtres de la spiritualité envisagent divers remèdes. Je voudrais signaler celui qui me semble le plus important et que j’appellerais la patience de la foi. Si, sous le fouet de l’acédie, le désir de l’homme est d’être « ailleurs », de fuir la réalité, il faut au contraire avoir le courage de rester et d’accueillir dans mon « ici et maintenant », dans ma situation telle qu’elle est, la présence de Dieu. Les moines disent que la cellule est pour eux le meilleur maître de vie, parce qu’elle est le lieu qui te parle concrètement et quotidiennement de ton histoire d’amour avec le Seigneur. Le démon de l’acédie veut détruire précisément cette joie simple de l’ici et maintenant, cette crainte reconnaissante de la réalité ; il veut te faire croire que tout est vain, que rien n’a de sens, qu’il ne vaut pas la peine de se préoccuper de rien ni de personne. Dans la vie, nous rencontrons des gens « sous l’emprise de l’acédie », des gens dont nous disons : « Mais qu’il est ennuyeux ! » et nous n’aimons pas être avec eux ; des personnes qui ont aussi une attitude d’ennui contagieuse. C’est l’acédie.

Combien de personnes, sous l’emprise de l’acédie, mues par une inquiétude sans visage, ont stupidement abandonné le chemin du bien qu’elles avaient emprunté ! L’acédie est une bataille décisive, qu’il faut gagner à tout prix. Et c’est une bataille qui n’a pas épargné même les saints, parce que dans tant de leurs diaires, il y a quelques pages qui révèlent des moments terribles, de véritables nuits de la foi, où tout semblait obscur. Ces saints et saintes nous enseignent à traverser la nuit dans la patience en acceptant la pauvreté de la foi. Ils nous ont recommandé, sous l’oppression de l’acédie, de tenir une plus petite mesure d’engagement, de nous fixer des objectifs plus accessibles, mais en même temps de résister et de persévérer en nous appuyant sur Jésus, qui jamais n’abandonne dans la tentation.

La foi, tourmentée par l’épreuve de l’acédie, ne perd pas sa valeur. Bien au contraire, c’est la vraie foi, la foi très humaine qui, malgré tout, malgré l’obscurité qui l’aveugle, croit encore humblement. C’est cette foi qui reste dans le cœur, comme les braises sous la cendre. Elle reste toujours. Et si l’un de nous tombe dans ce vice ou dans la tentation de l’acédie, qu’il s’efforce de regarder à l’intérieur de soi et d’entretenir les braises de la foi : c’est ainsi que l’on va de l’avant.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 7 février 2024

Mourant. Etienne Bobillet et Paul Mosselman. Collection MET. Wikimedia Commons.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François a réfléchi à la « tristesse » qui, en tant que vice, est « comprise comme un abattement de l’âme, une affliction constante qui empêche l’homme de ressentir la joie de sa propre existence. »

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Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre itinéraire de catéchèse sur les vices et les vertus, nous nous focalisons aujourd’hui sur un vice plutôt abominable, la tristesse, entendue comme un abattement de l’âme, une affliction constante qui empêche l’homme d’éprouver de la joie pour sa propre existence.

Il convient tout d’abord de noter que les Pères ont établi une distinction importante en ce qui concerne la tristesse. Il existe en effet une tristesse propre à la vie chrétienne qui, avec la grâce de Dieu, se transforme en joie : celle-ci n’est évidemment pas à rejeter et fait partie du chemin de conversion. Mais il y a aussi une deuxième sorte de tristesse qui s’insinue dans l’âme et la plonge dans l’abattement : c’est cette deuxième sorte de tristesse qu’il faut combattre résolument et de toutes ses forces, parce qu’elle vient du Malin. Nous retrouvons également cette distinction chez saint Paul, qui écrit aux Corinthiens : « Car une tristesse vécue selon Dieu produit un repentir qui mène au salut, sans causer de regrets, tandis que la tristesse selon le monde produit la mort. » (2 Co 7,10).

Il y a donc une tristesse amicale, qui conduit au salut. Pensons au fils prodigue de la parabole : lorsqu’il touche le fond de sa déchéance, il ressent une grande amertume, qui le pousse à reprendre ses esprits et à décider de retourner dans la maison de son père (cf. Lc 15, 11-20). C’est une grâce de gémir sur ses péchés, de se rappeler l’état de grâce d’où nous sommes tombés, de se lamenter parce que nous avons perdu la pureté dans laquelle Dieu nous a rêvés.

Mais il existe une deuxième tristesse, qui au contraire est une maladie de l’âme. Elle naît dans le cœur de l’homme lorsqu’un désir ou une espérance s’évanouit. Nous pouvons ici nous référer au récit des disciples d’Emmaüs. Ces deux disciples quittent Jérusalem le cœur déçu et confient à l’étranger qui, un certain moment les accompagne : « Nous, nous espérions que c’était lui – c’est-à-dire Jésus – qui allait délivrer Israël. » (Lc 24, 21). La dynamique de la tristesse est liée à l’expérience de la perte. Dans le cœur de l’homme naissent des espoirs qui sont parfois déçus. Il peut s’agir du désir de posséder quelque chose que l’on ne peut pas obtenir, mais aussi de quelque chose d’important, comme une perte affective. Lorsque cela se produit, c’est comme si le cœur de l’homme tombait dans un précipice, et les sentiments qu’il éprouve sont le découragement, la faiblesse d’esprit, la dépression, l’angoisse. Nous passons tous par des épreuves qui génèrent en nous de la tristesse, parce que la vie nous fait concevoir des rêves qui se brisent ensuite. Dans cette situation, certains, après un temps de trouble, s’en remettent à l’espérance ; mais d’autres se complaisent dans la mélancolie, la laissant s’envenimer dans leur cœur. Cela procure-t-il du plaisir ? Considérez ceci. La tristesse est comme le plaisir du non-plaisir, être heureux que cela ne soit pas arrivé, c’est comme prendre un bonbon amer, sans sucre, un bonbon abominable et le sucer. La tristesse est un plaisir de non-plaisir.

Le moine Évagre raconte que tous les vices visent le plaisir, aussi éphémère soit-il, alors que la tristesse jouit du contraire : se bercer d’un chagrin sans fin. Certains chagrins prolongés, où l’on continue à élargir le vide de celui qui n’est plus là, ne sont pas propres à la vie dans l’Esprit. Certaines amertumes rancunières, où l’on a toujours en tête une revendication qui nous fait prendre l’apparence de la victime, ne produisent pas en nous une vie saine, et encore moins une vie chrétienne. Il y a quelque chose dans le passé de chacun qui a besoin d’être guéri. La tristesse, qui est une émotion naturelle, peut se transformer en un mauvais état d’esprit.

C’est un démon sournois, celui de la tristesse. Les pères du désert la décrivaient comme un ver du cœur, qui ronge et vide ceux qui lui font l’hospitalité. Cette image est belle, elle nous fait comprendre. Et alors que dois-je faire quand je suis triste ? S’arrêter et réfléchir : est-ce une bonne tristesse ? Est-ce une tristesse qui n’est pas bonne ? Et réagir en fonction de la nature de la tristesse. N’oubliez pas que la tristesse peut être une très mauvaise chose qui nous conduit au pessimisme, qui nous conduit à un égoïsme difficile à guérir.

Frères et sœurs, soyons attentifs à cette tristesse et pensons que Jésus nous apporte la joie de la résurrection. Même si la vie peut être remplie de contradictions, de désirs déconfits, de rêves non réalisés, d’amitiés perdues, grâce à la résurrection de Jésus, nous pouvons croire que tout sera sauvé. Jésus est ressuscité non seulement pour lui-même, mais aussi pour nous, afin de racheter tous les bonheurs restés inachevés dans notre vie. La foi chasse la peur, et la résurrection du Christ dégage la tristesse comme la pierre du tombeau. Chaque journée de chrétien est un exercice de résurrection. Georges Bernanos, dans son célèbre roman Journal d’un curé de campagne, fait dire au curé de Torcy : « L’Église dispose de la joie, toute cette joie qui est réservée à ce triste monde. Ce que vous avez fait contre elle, vous l’avez fait contre la joie ». Et un autre écrivain français, Léon Bloy, nous a laissé cette phrase magnifique : « Il n’y a qu’une seule tristesse, […] celle de n’être pas saint ». Que l’Esprit de Jésus ressuscité nous aide à vaincre la tristesse par la sainteté.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 31 janvier 2024

Colère (Ira) de la série Les sept péchés capitaux. Pieter van der Heyden. Collection MET. Wikimedia Commons.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François a poursuivi sa réflexion sur les vices et les vertus. Parlant du vice de la colère, il a déclaré qu’il « s’agit d’un vice qui détruit les relations humaines. Il exprime l’incapacité d’accepter la diversité des autres, surtout lorsque leurs choix de vie divergent des nôtres ». Il a ensuite ajouté que notre réponse est d’apprendre que « nous sommes redevables, nous avons tous des comptes à régler, et donc nous devons tous apprendre à pardonner pour être pardonnés ».

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Chers frères et sœurs, bonjour !

Ces dernières semaines, nous traitons du thème des vices et des vertus, et aujourd’hui nous nous arrêtons pour réfléchir sur le vice de la colère. Il s’agit d’un vice particulièrement sombre, et peut-être le plus facile à détecter d’un point de vue physique. La personne dominée par la colère peut difficilement la dissimuler : on le reconnaît aux mouvements de son corps, à son agressivité, à sa respiration laborieuse, à son regard obscur et renfrogné.

Dans sa manifestation la plus aiguë, la colère est un vice qui ne laisse aucun répit. Si elle naît d’une injustice subie (ou ressentie comme telle), elle ne se déchaîne souvent pas contre le coupable, mais contre le premier malchanceux. Il y a des hommes qui retiennent leur colère au travail, se montrant calmes et compatissants, mais qui, une fois à la maison, deviennent insupportables pour la femme et les enfants. La colère est un vice omniprésent : elle est capable de nous priver de sommeil et de nous faire constamment comploter dans notre esprit, incapables de trouver une barrière pour raisonner et penser.

La colère est un vice destructeur des relations humaines. Il exprime l’incapacité à accepter la diversité de l’autre, surtout lorsque ses choix de vie divergent des nôtres. Elle ne s’arrête pas au mauvais comportement d’une personne, mais jette tout dans la marmite : c’est l’autre, l’autre tel qu’il est, l’autre en tant que tel qui provoque la colère et le ressentiment. On se met à détester le ton de sa voix, les gestes banals de la vie quotidienne, ses façons de raisonner et de sentir.

Lorsque la relation atteint ce niveau de dégénérescence, la lucidité est désormais perdue. La colère fait perdre la lucidité. Car l’une des caractéristiques de la colère est parfois qu’elle ne s’apaise pas avec le temps. Dans ce cas, même la distance et le silence, au lieu d’apaiser le poids de l’incompréhension, l’amplifient. C’est pour cette raison que l’apôtre Paul – comme nous l’avons entendu – recommande à ses chrétiens d’aborder immédiatement le problème et de tenter une réconciliation : « Que le soleil ne se couche pas sur votre colère » (Ep 4,26). Il est important que tout soit résolu immédiatement, avant que le soleil ne se couche. Si un malentendu survient pendant la journée et que deux personnes ne se comprennent plus, se sentant soudain éloignées l’une de l’autre, la nuit ne doit pas être livrée au diable. Le vice nous maintiendrait éveillés dans l’obscurité, ruminant nos raisons et nos erreurs inexplicables qui ne sont jamais les nôtres et toujours celles de l’autre. C’est ainsi : lorsqu’une personne est dominée par la colère, elle dit toujours que le problème vient de l’autre ; elle n’est jamais capable de reconnaître ses propres fautes, ses propres déficiences.

Dans le « Notre Père », Jésus nous fait prier pour nos relations humaines qui sont un terrain miné : un plan qui ne s’équilibre jamais parfaitement. Dans la vie, nous avons affaire à des débiteurs qui nous sont redevables, tout comme nous n’avons certainement pas toujours aimé tout le monde à sa juste mesure. À certains, nous n’avons pas rendu l’amour qui leur était dû. Nous sommes tous des pécheurs, tous, et tous nous avons des comptes dans le rouge : il ne faut pas l’oublier ! Pour cela tous nous devons apprendre à pardonner pour être pardonnés. Les hommes ne restent pas ensemble s’ils ne pratiquent pas aussi l’art du pardon, pour autant que cela soit humainement possible. Ce qui peut contrer la colère, c’est la bienveillance, l’ouverture du cœur, la douceur, la patience.

Mais à propos de la colère, il faut dire une dernière chose. C’est un vice terrible, a-t-on dit, il est à l’origine des guerres et des violences. Le poème de l’Iliade décrit « la colère d’Achille », qui sera la cause d’un « deuil infini ». Mais tout ce qui naît de la colère n’est pas mauvais. Les anciens savaient bien qu’il y a en nous une part d’irascibilité qui ne peut et ne doit pas être niée. Les passions sont, dans une certaine mesure, inconscientes : elles se produisent, ce sont des expériences de la vie. Nous ne sommes pas responsables de l’apparition de la colère, mais toujours de son développement. Et parfois, il est bon que la colère soit évacuée de la bonne manière. Si une personne ne se met jamais en colère, si elle n’est pas indignée par une injustice, si elle ne ressent pas un frémissement dans ses tripes face à l’oppression d’une personne faible, cela signifierait que cette personne n’est pas humaine, et encore moins chrétienne.

La sainte indignation existe, qui n’est pas la colère mais un mouvement intérieur, une sainte indignation. Jésus l’a connue plusieurs fois dans sa vie (cf. Mc 3,5) : il n’a jamais répondu au mal par le mal, mais dans son âme il a ressenti ce sentiment et, dans le cas des marchands du Temple, il a accompli une action forte et prophétique, dictée non par la colère, mais par le zèle pour la maison du Seigneur (cf. Mt 21,12-13). Nous devons bien distinguer : une chose est le zèle, la sainte indignation, une autre est la colère qui est mauvaise.

Il nous appartient, avec l’aide de l’Esprit Saint, de trouver la juste mesure des passions, de bien les éduquer pour qu’elles s’orientent vers le bien et non vers le mal. Merci.


APPEL

Demain sera célébrée en Italie la Journée nationale des victimes civiles de la guerre. Au souvenir dans la prière de tous ceux qui sont morts au cours des deux conflits mondiaux, associons également les nombreux  — trop nombreux — civils, victimes innocentes des guerres qui ensanglantent malheureusement encore notre planète, comme cela a lieu au Moyen-Orient et en Ukraine. Que leur cri de douleur puisse toucher les cœurs des responsables des nations et susciter des projets de paix. Quand on lit les récits, ces jours-ci, de la guerre, il y a tant de cruauté, tant! Demandons au Seigneur la paix, qui est toujours douce, et jamais cruelle.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 24 janvier 2024

Avarice (Avaritia) de la série Les sept péchés capitaux. Pieter van der Heyden. Collection MET. Wikimedia Commons.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François s’est penché sur le vice de l’avarice ou de la cupidité. Il a expliqué que : « C’est une tentative d’exorciser la peur de la mort : on cherche des valeurs qui, en réalité, s’écroulent au moment même où on les tient dans la main. »

Lisez le texte intégral ci-dessous. Vous pouvez également regarder l’intégralité de l’émission ce soir à 19h30 HE soit 16h30 HP sur Sel + Lumière TV et sur Sel + Lumière Plus.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous poursuivons les catéchèses sur les vices et les vertus et aujourd’hui nous parlons de l’avarice, c’est-à-dire de cette forme d’attachement à l’argent qui empêche l’homme d’être généreux.

Il ne s’agit pas d’un péché qui concerne uniquement les personnes qui possèdent un patrimoine important, mais d’un vice transversal, qui n’a souvent rien à voir avec le solde du compte courant. C’est une maladie du cœur, pas du portefeuille.

Les analyses des Pères du désert sur ce mal ont montré comment l’avarice pouvait s’emparer aussi des moines qui, ayant renoncé à d’énormes héritages, s’étaient attachés dans la solitude de leur cellule à des objets de peu de valeur : ils ne les prêtaient pas, ils ne les partageaient pas, et ils étaient encore moins disposés à les donner. Un attachement à de petites choses. Ces objets sont devenus pour eux une sorte de fétiche dont il était impossible de se détacher. Une sorte de régression au stade des enfants qui s’agrippent à leur jouet en répétant : « C’est à moi ! C’est à moi ! ». Un tel attachement prive de toute liberté. Dans cette revendication se cache un rapport maladif à la réalité, qui peut se traduire par des formes d’accaparement compulsif ou d’accumulation pathologique.

Pour guérir de cette maladie, les moines proposaient une méthode radicale, mais très efficace : la méditation sur la mort. Quelle que soit l’accumulation de biens dans ce monde, nous sommes absolument certains d’une chose : ils ne tiendront pas dans le cercueil. Nous ne pouvons pas emporter les biens. C’est là que se révèle l’absurdité de ce vice. Le lien de possession que nous construisons avec les choses n’est qu’apparent, car nous ne sommes pas les maîtres du monde : cette terre que nous aimons n’est en vérité pas la nôtre, et nous nous y déplaçons comme des étrangers et des pèlerins (cf. Lv 25, 23).

Ces simples considérations nous permettent de comprendre la folie de l’avarice, mais aussi sa raison profonde. Elle tente d’exorciser la peur de la mort : elle recherche la sécurité en des valeurs qui s’écroulent au moment même où nous les saisissons. Rappelez-vous la parabole de cet homme insensé, dont la campagne offrait une récolte très abondante, et qui se berçait de pensées sur la manière d’agrandir ses greniers pour y mettre toute la récolte. L’homme avait tout calculé, tout prévu pour l’avenir. Mais il n’avait pas pris en compte la variable la plus sûre de la vie : la mort. « Tu es fou – dit l’Évangile – cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ? » (Lc 12,20).

Dans d’autres cas, ce sont les voleurs qui rendent ce service. Même dans les Évangiles, ils font de nombreuses apparitions et, bien que leur action soit répréhensible, elle peut devenir un avertissement salutaire. C’est ce que Jésus prêche dans le Sermon sur la montagne : « Ne vous faites pas de trésors sur la terre, là où les mites et les vers les dévorent, où les voleurs percent les murs pour voler. Mais faites-vous des trésors dans le ciel, là où il n’y a pas de mites ni de vers qui dévorent, pas de voleurs qui percent les murs pour voler. » (Mt 6,19-20). Toujours dans les récits des Pères du désert, on raconte l’histoire d’un voleur qui surprend le moine dans son sommeil et lui dérobe les quelques biens qu’il gardait dans sa cellule. Lorsqu’il se réveille, nullement troublé par ce qui s’est passé, le moine se lance sur les traces du voleur et, une fois qu’il l’a trouvé, au lieu de réclamer les biens volés, il lui remet les quelques objets qui lui sont restés, en disant : « Tu as oublié de les prendre ! »

Nous, frères et sœurs, nous pouvons être les maîtres des biens que nous possédons, mais c’est souvent le contraire qui arrive : ces biens finissent par nous posséder. Certains riches ne sont plus libres, ils n’ont même plus le temps de se reposer, ils doivent surveiller leurs épaules parce que l’accumulation des biens exige aussi d’en prendre soin. Ils sont toujours anxieux car un patrimoine se construit à la sueur de son front, mais il peut disparaître à tout moment. Ils oublient la prédication de l’Évangile, qui ne prétend pas que les richesses soient un péché en soi, mais qu’elles sont certainement une responsabilité. Dieu n’est pas pauvre : il est le Seigneur de tout, mais – écrit saint Paul – « lui qui est riche, il s’est fait pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté » (2 Co 8, 9).

C’est ce que l’avare ne comprend pas. Il aurait pu être un motif de bénédiction pour beaucoup, mais au lieu de cela, il s’est engagé dans l’impasse de l’infélicité. Et la vie de l’avare est déplorable : je me souviens du cas d’un monsieur que j’ai connu dans l’autre diocèse, un homme très riche, dont la mère était malade. Il était marié. Les frères s’occupaient de la mère à tour de rôle, et la mère prenait un yaourt le matin. Il lui en donnait la moitié le matin pour lui donner l’autre moitié l’après-midi et économiser un demi-yogourt. Telle est l’avarice, tel est l’attachement aux biens. Puis ce monsieur est mort, et les commentaires des gens qui sont allés à la veillée funèbre ont été les suivants : « Mais vous voyez bien que cet homme n’a rien sur lui : il a tout laissé derrière lui ». Et puis, un peu moqueurs, ils disaient : « Non, non, ils ne pouvaient pas fermer le cercueil parce qu’il voulait tout emporter ». Et cela fait rire les autres, l’avarice : à la fin, nous devons donner notre corps, notre âme au Seigneur et nous devons tout laisser. Soyons vigilants et généreux : généreux avec tout le monde et généreux avec ceux qui ont le plus besoin de nous. Je vous remercie.


APPELS

Samedi prochain, le 27 janvier, sera la Journée internationale de commémoration des victimes de l’Holocauste. Que le souvenir et la condamnation de cette horrible extermination de millions de Juifs et de personnes d’autres confessions, qui a eu lieu dans la première moitié du siècle dernier, aident chacun à ne pas oublier que la logique de la haine et de la violence ne peut jamais être justifiée, parce qu’elle nie notre humanité elle-même.

La guerre elle-même est un déni d’humanité. Ne nous lassons pas de prier pour la paix, pour la fin des conflits, pour l’arrêt des armes et pour le secours des populations accablées. Je pense au Proche-Orient, à la Palestine, à Israël, je pense aux nouvelles inquiétantes qui nous parviennent de l’Ukraine tourmentée, notamment les bombardements qui frappent des lieux fréquentés par des civils, semant mort, destruction et souffrance. Je prie pour les victimes et leurs proches, et j’implore chacun, en particulier ceux qui ont une responsabilité politique, de protéger la vie humaine en mettant fin aux guerres. N’oublions pas que la guerre est toujours une défaite, toujours. Les seuls « gagnants » – entre guillemets – sont les fabricants d’armes.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 17 janvier 2024

Photo par Frank Cone sur Pexels.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François a évoqué le vice de la luxure comme une « moquerie » de l’amour. Il a déclaré qu’elle « pille, elle vole, elle consomme à la hâte, elle ne veut pas écouter l’autre mais seulement son propre besoin et son propre plaisir. »

Lisez le texte intégral ci-dessous. Vous pouvez également regarder l’intégralité de l’émission ce soir à 19h30 HE soit 16h30 HP sur Sel + Lumière TV et sur Sel + Lumière Plus.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui, écoutons bien la catéchèse car ensuite nous aurons le cirque qui fera quelque chose pour nous divertir

Poursuivons notre itinéraire sur les vices et les vertus ; les anciens Pères nous enseignent qu’après la gourmandise, le deuxième « démon », c’est-à-dire vice, qui se tient toujours accroupi à la porte du cœur c’est celui de la luxure. Alors que la gourmandise est une voracité envers la nourriture, ce second vice est une sorte de « voracité » envers une autre personne, c’est-à-dire la relation empoisonnée que les êtres humains entretiennent entre eux, en particulier dans le domaine de la sexualité.

Attention : dans le christianisme, il n’y a pas de condamnation de l’instinct sexuel. Un livre de la Bible, le Cantique des Cantiques, est un merveilleux poème d’amour entre deux fiancés. Cependant, cette belle dimension de notre humanité, la dimension sexuelle, la dimension de l’amour, n’est pas sans danger, à tel point que saint Paul doit déjà aborder la question dans la première Lettre aux Corinthiens. Il écrit : « On entend dire partout qu’il y a chez vous un cas d’inconduite, une inconduite telle qu’on n’en voit même pas chez les païens » (5,1). Le reproche de l’Apôtre concerne précisément une gestion malsaine de la sexualité par certains chrétiens.

Mais regardons l’expérience humaine, l’expérience de tomber amoureux. Ici, il y a tant de nouveaux mariés, vous pouvez parler de cela ! Pourquoi ce mystère se produit, ni pourquoi il s’agit d’une expérience si bouleversante dans la vie des personnes. Aucun d’entre nous ne le sait. Une personne tombe amoureuse d’une autre, cela arrive de tomber amoureux. C’est l’une des réalités les plus surprenantes de l’existence. La plupart des chansons que nous entendons à la radio en parlent : des amours qui s’illuminent, des amours toujours recherchés et jamais atteints, des amours pleins de joie ou des amours qui tourmentent jusqu’aux larmes.

S’il n’est pas pollué par le vice, tomber amoureux est l’un des sentiments les plus purs. Une personne amoureuse devient généreuse, aime faire des cadeaux, écrit des lettres et des poèmes. Il cesse de penser à lui pour se projeter entièrement vers l’autre, que c’est beau. Et si vous demandez à une personne amoureuse : “pour quel motif tu aimes ?, elle ne trouvera pas de réponse : à bien des égards, son amour est inconditionnel, sans aucune raison. Patience si cet amour, si puissant, est aussi un peu naïf : l’amoureux ne connaît pas vraiment le visage de l’autre, il a tendance à l’idéaliser, il est prêt à faire des promesses dont il ne saisit pas immédiatement le poids. Ce « jardin » où se multiplient les merveilles n’est pourtant pas à l’abri du mal. Il est souillé par le démon de la luxure, et ce vice est particulièrement odieux, pour au moins deux raisons.

Tout d’abord parce qu’il dévaste les relations entre les personnes. Pour documenter une telle réalité, l’actualité quotidienne suffit malheureusement. Combien de relations qui avaient commencé dans les meilleures conditions se sont transformées en relations toxiques, de possession de l’autre, de manque de respect et du sens de limite ? Ce sont des amours où la chasteté a fait défaut : une vertu qu’il ne faut pas confondre avec l’abstinence sexuelle- la chasteté est plus que l’abstinence sexuelle -, elle doit plutôt être reliée avec la volonté de ne jamais posséder l’autre. Aimer, c’est respecter l’autre, rechercher son bonheur, cultiver l’empathie pour ses sentiments, se disposer à la connaissance d’un corps, d’une psychologie et d’une âme qui ne sont pas les nôtres et qui doivent être contemplés pour la beauté qu’ils portent. Aimer c’est cela, et c’est beau l’amour. La luxure, en revanche, se moque de tout cela : la luxure pille, elle vole, elle consomme à la hâte, elle ne veut pas écouter l’autre mais seulement son propre besoin et son propre plaisir ; la luxure juge toute fréquentation ennuyeuse, elle ne cherche pas cette synthèse entre raison, pulsion et sentiment qui nous aiderait à conduire l’existence avec sagesse. Le luxurieux ne cherche que des raccourcis : il ne comprend pas que le chemin de l’amour doit être parcouru lentement, et que cette patience, loin d’être synonyme d’ennui, nous permet de rendre heureuses nos relations amoureuses.

Mais il y a une deuxième raison pour laquelle la luxure est un vice dangereux. De tous les plaisirs humains, la sexualité a une voix puissante. Elle met en jeu tous les sens, elle habite à la fois le corps et la psyché, et c’est très beau, mais si elle n’est pas disciplinée avec patience, si elle n’est pas inscrite dans une relation et dans une histoire où deux individus la transforment en danse amoureuse, elle se transforme en une chaîne qui prive l’homme de sa liberté. Le plaisir sexuel qui est un don de Dieu, est miné par la pornographie : une satisfaction sans relation qui peut générer des formes de dépendance. Nous devons défendre l’amour, l’amour du cœur, de l’esprit, du corps, l’amour pur dans le don de soi, l’un à l’autre. Et c’est cela la beauté de la relation sexuelle.

Gagner la bataille contre la luxure, contre la « chosification » de l’autre, peut être l’affaire de toute une vie. Mais le prix de cette bataille est absolument le plus important de tous, car il s’agit de préserver cette beauté que Dieu a inscrite dans sa création lorsqu’il a imaginé l’amour entre l’homme et la femme, qui n’est pas pour s’utiliser l’un, l’autre, mais pour s’aimer. Cette beauté qui nous fait croire que construire une histoire ensemble vaut mieux que partir à l’aventure – il y a tant de Don Juan ! -, cultiver la tendresse vaut mieux que céder au démon de la possession – le véritable amour ne possède pas, il se donne -, servir vaut mieux que conquérir. Car s’il n’y a pas d’amour, la vie est triste, la vie est une triste solitude. Merci.


APPEL

J’exprime ma proximité et ma solidarité avec les victimes, toutes civiles, de l’attaque au missile qui a frappé une zone urbaine d’Erbil, capitale de la Région Autonome du Kurdistan Irakien. Les bonnes relations entre voisins ne se construisent pas par de telles actions, mais par le dialogue et la collaboration. Je demande à tous d’éviter toute mesure susceptible d’accroître les tensions au Moyen-Orient et dans d’autres scénario

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 10 janvier 2024

Le ci devant grand couvert de Gargantua moderne en famille. Photo de Wikimedia Commons.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François a poursuivi sa catéchèse sur les vertus et les vices en se penchant sur le péché de gourmandise. Il a souligné la dimension mondiale de ce vice en déclarant que « le péché de ceux qui succombent devant un morceau de gâteau, tout compte fait, ne cause pas de grands dommages, mais la voracité avec laquelle nous pillons les biens de la planète depuis quelques siècles compromet l’avenir de tous. »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre parcours de catéchèse que nous avons entrepris sur les vices et les vertus, aujourd’hui nous nous arrêtons sur le vice de la gourmandise.

Que nous dit l’Évangile à ce sujet ? Regardons Jésus. Son premier miracle, aux noces de Cana, révèle sa sympathie pour les joies humaines : il veille à ce que la fête se termine bien et donne aux mariés une grande quantité de très bon vin. Tout au long de son ministère, Jésus apparaît comme un prophète très différent du Baptiste : si l’on se souvient de Jean pour son ascétisme – il mangeait ce qu’il trouvait dans le désert -, Jésus est au contraire le Messie que l’on voit souvent à table. Son comportement suscite scandale pour certains, car non seulement il est bienveillant à l’égard des pécheurs, mais il mange même avec eux ; et ce geste démontrait sa volonté de communion et de proximité avec tous.

Mais il y a aussi autre chose. Si l’attitude de Jésus à l’égard des préceptes juifs révèle sa pleine soumission à la Loi, il fait cependant preuve de compréhension à l’égard de ses disciples : lorsqu’ils sont pris en flagrant délit de faim et qu’ils ramassent des épis le jour du sabbat, il les justifie en rappelant que le roi David et ses compagnons, se trouvant dans le besoin, avaient mangé des pains sacrés (cf. Mc 2, 23-26). Et Jésus affirme un nouveau principe : les invités aux noces ne peuvent pas jeûner quand l’époux est avec eux ; ils jeûneront quand l’époux leur sera enlevé. Tout est désormais relatif à Jésus. Quand il est au milieu de nous, nous ne pouvons pas nous affliger ; mais à l’heure de sa passion, alors oui, nous jeûnons (cf. Mc 2,18-20). Jésus veut que nous soyons dans la joie en sa compagnie- Lui est l’Epoux de l’Eglise ; mais il veut aussi que nous partagions ses souffrances, qui sont aussi celles des petits et des pauvres.

Un autre aspect important. Jésus abandonne la distinction entre aliments purs et impurs, qui était une distinction établie par la loi hébraïque. En réalité – enseigne Jésus – ce n’est pas ce qui entre dans l’homme qui le souille, mais ce qui sort de son cœur. C’est ainsi qu’il  » déclarait purs tous les aliments  » (Mc 7,19). C’est pourquoi le christianisme ne considère pas les aliments impurs. Mais l’attention que nous devons avoir est intérieure : elle ne porte donc pas sur la nourriture elle-même, mais sur la relation que nous entretenons avec elle. Et Jésus dit clairement que ce qui fait la bonté ou la malignité, pour ainsi dire, d’un aliment, ce n’est pas l’aliment lui-même, mais la relation que nous entretenons avec lui. Et nous le voyons, lorsqu’une personne a une relation désordonnée avec la nourriture, nous observons la façon dont elle mange, elle mange à la hâte, comme avec l’envie de se rassasier et ne se rassasie jamais, elle n’a pas une bonne relation avec la nourriture, elle est l’esclave de la nourriture.

Cette relation sereine que Jésus a établie envers l’alimentation devrait être redécouverte et valorisée, surtout dans les sociétés dites de l’abondance, où se manifestent tant de déséquilibres et tant de pathologies. On mange trop ou trop peu. Souvent on mange dans la solitude. Les troubles des comportements alimentaires se répandent : anorexie, boulimie, obésité… Et la médecine et la psychologie tentent de s’attaquer au mauvais rapport à la nourriture. Une mauvaise relation avec la nourriture est à l’origine de toutes ces maladies.

Il s’agit de maladies, souvent très douloureuses, qui sont principalement liées à des tourments de la psyché et de l’âme. L’alimentation est la manifestation de quelque chose d’intérieur : la prédisposition à l’équilibre ou à la démesure ; la capacité de rendre grâce ou la prétention arrogante à l’autonomie ; l’empathie de qui sait partager la nourriture avec celui qui est dans le besoin ou l’égoïsme de qui accumule tout pour soi-même. Cette demande est très importante : dis-moi comment tu manges et je te dirai quelle âme tu possèdes. Dans la manière de manger se révèlent notre intériorité, nos habitudes, nos attitudes psychiques.

Les anciens Pères donnaient au vice de la gourmandise le nom de « gastrimargie », terme que l’on peut traduire par « folie du ventre ». La gourmandise est une « folie du ventre ». Et il y a aussi ce proverbe qui dit qu’il faut manger pour vivre et non vivre pour manger. La gourmandise est un vice qui se greffe sur l’un de nos besoins vitaux, comme l’alimentation. Soyons prudents à ce sujet.

Si nous l’envisageons d’un point de vue social, la gourmandise est peut-être le vice le plus dangereux qui est en train de faire périr la planète. Car le péché de ceux qui cèdent devant une part de gâteau, somme toute, ne provoque pas de dommages importants, mais la voracité avec laquelle nous nous déchaînons, depuis quelques siècles, sur les biens de la planète, compromet l’avenir de tous. Nous nous sommes jetés sur tout, pour devenir maîtres de tout, alors que tout avait été confié à notre soin, et non à notre exploitation ! Voilà donc le grand péché, la fureur du ventre : nous avons abjuré le nom d’hommes, pour en prendre un autre, celui de « consommateurs ». C’est ainsi que l’on dit aujourd’hui dans la vie sociale : « consommateurs ». Nous ne nous sommes même pas aperçus que quelqu’un avait commencé à nous appeler ainsi. Nous sommes faits pour être des hommes et des femmes « eucharistiques », capables de rendre grâce, discrets dans l’utilisation de la terre, et au lieu de cela, le danger est de se transformer en prédateurs, et maintenant nous nous rendons compte que cette forme de « gloutonnerie » a fait beaucoup de mal au monde. Demandons au Seigneur de nous aider sur le chemin de la sobriété, et que les différentes formes de gourmandise n’envahissent pas nos vies.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 22 novembre 2023

La fille de la Cananéenne, extrait des Très Riches Heures du duc de Berry. Wikimedia Commons.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a réfléchi à la « destination universelle de l’Évangile », qui « s’adresse à tous ».

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs,

Après avoir vu la dernière fois que l’annonce chrétienne est joie, nous nous arrêtons aujourd’hui sur un second aspect : c’est pour tous, l’annonce chrétienne est joie pour tous. Quand nous rencontrons vraiment le Seigneur Jésus, l’émerveillement de cette rencontre envahit notre vie et demande à être porté au-delà de nous. C’est ce qu’Il veut, que son Évangile soit pour tous. En lui en effet, existe une « force humanisante », une plénitude de vie qui est destinée à tout homme et à toute femme, car pour tous Christ est né, est mort, est ressuscité. Pour tous : personne n’est exclu.

Dans Evangelii gaudium, on peut lire : « Tous ont le droit de recevoir l’Évangile. Les chrétiens ont le devoir de l’annoncer sans exclure personne, non pas comme quelqu’un qui impose un nouveau devoir, mais bien comme quelqu’un qui partage une joie, qui indique un bel horizon, qui offre un banquet désirable. L’Église ne grandit pas par prosélytisme, mais « par attraction » » (n. 14). Frères, sœurs, considérons-nous au service de la destination universelle de l’Évangile, c’est pour tous ; et distinguons-nous par notre capacité à sortir de nous-mêmes, – une annonce pour être une vraie annonce doit sortir de l’égoïsme même – et avoir aussi la capacité – de dépasser toutes les frontières. Les chrétiens se rassemblent sur le parvis plus que dans la sacristie, et vont « sur les places et dans les rues de la ville » (Lc 14,21). Ils doivent être ouverts et expansifs, les chrétiens doivent être « extravertis », et ce caractère leur vient de Jésus, qui a fait de sa présence dans le monde un déplacement continuel, visant à aller à la rencontre de tous, apprenant même de certaines de ses rencontres.

Dans ce sens, l’Évangile rapporte la surprenante rencontre de Jésus avec une femme étrangère, une Cananéenne qui le supplie de guérir sa fille malade (cf. Mt 15, 21-28). Jésus refuse en disant qu’il n’a été envoyé qu’ « aux brebis perdues de la maison d’Israël » et qu’ « il n’est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens » (v. 24.26). Mais la femme, avec l’insistance typique des gens simples, répliqua que même « les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres » (v. 27). Jésus en reste impressionné et lui dit : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » (v. 28). Cette rencontre avec cette femme a quelque chose d’unique. Non seulement quelqu’un fait changer d’avis à Jésus, et c’est une femme, étrangère et païenne, mais le Seigneur lui-même y trouve la confirmation que sa prédication ne doit pas se limiter au peuple auquel il appartient, mais s’ouvrir à tous.

La Bible nous montre que lorsque Dieu appelle une personne et conclut une alliance avec elle, le critère est toujours le suivant : il élit quelqu’un pour en atteindre d’autres, ceci est le critère de Dieu, de l’appel de Dieu Tous les amis du Seigneur ont fait l’expérience de la beauté, mais aussi de la responsabilité et du poids d’avoir été « choisis » par Lui. Et tous ont éprouvé le découragement face à leurs propres faiblesses ou la perte de leurs sécurités. Mais la tentation peut-être plus grande est celle de considérer l’appel reçu comme un privilège, s’il vous plait non, l’appel n’est pas un privilège, jamais. Nous ne pouvons pas dire que nous sommes privilégiés par rapport aux autres, non. L’appel est pour un service. Et Dieu choisit un pour aimer tous, pour arriver à tous.

Aussi pour prévenir la tentation d’identifier le christianisme avec une culture, avec une ethnie, avec un système. Mais de cette façon, il perd sa nature vraiment catholique, c’est-à-dire pour tous, universelle : il ne s’agit pas d’un petit groupe d’élus de première classe. Ne l’oublions pas : Dieu choisit quelqu’un pour aimer tous. Cet horizon de l’universalité. L’Évangile n’est pas seulement pour moi, il est pour tous, ne l’oublions pas. Merci.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 15 novembre 2023

Le repas à Emmaüs (Source : Wikimedia Commons)

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a réfléchi à l’aspect évangélisateur de la joie et au fait que la rencontre avec Jésus est toujours source de joie.

Voici le texte intégral:

Après avoir rencontré divers témoins de l’annonce de l’Évangile, je propose de résumer ce cycle de catéchèses sur le zèle apostolique en quatre points, inspirés par l’Exhortation apostolique Evangelii gaudium, qui fête ce mois-ci ses dix ans. Le premier point, que nous examinons aujourd’hui, le premier des quatre, ne peut concerner que l’attitude dont dépend la substance du geste évangélisateur : la joie. Le message chrétien, comme nous l’avons entendu dans les paroles adressées par l’ange aux bergers, est l’annonce d’une « grande joie » (Lc 2,10). Et la raison ? Une bonne nouvelle, une surprise, un bel événement ? Bien plus, une Personne : Jésus ! Jésus est la joie. C’est Lui le Dieu fait homme qui est venu chez nous ! La question, chers frères et sœurs, n’est donc pas de savoir s‘il faut l’annoncer, mais comment l’annoncer, et ce « comment » est la joie. Ou nous annonçons Jésus avec joie, ou nous ne l’annonçons pas, parce qu’une autre voie pour l’annoncer n’est pas capable de porter la vraie réalité de Jésus.

C’est pourquoi un chrétien mécontent, un chrétien triste, un chrétien insatisfait ou, pire encore, en proie au ressentiment ou à la rancœur n’est pas crédible. Celui-ci parlera de Jésus mais personne ne le croira ! Une personne m’a dit un jour, en parlant de ces chrétiens : « Mais ce sont des chrétiens à visage de morue ! », c’est-à-dire sans aucune expression, ils sont comme ça, et la joie est essentielle. C’est essentiel de veiller sur nos sentiments. L’évangélisation met en œuvre la gratuité, parce qu’elle vient de la plénitude et non de la pression. Et quand on fait une évangélisation – on veut la faire mais cela ne va pas – sur la base d’idéologies, ce n’est pas cela évangéliser, ce n’est pas l’Évangile. L’Évangile n’est pas une idéologie : l’Évangile est une annonce, une annonce de joie. Les idéologies sont froides, toutes. L’Évangile a la chaleur de la joie. Les idéologies ne savent pas sourire, l’Évangile est un sourire, il te fait sourire parce qu’il touche l’âme avec la Bonne Nouvelle.

La naissance de Jésus, dans l’histoire comme dans la vie, est le principe de la joie : pensez à ce qui est arrivé aux disciples d’Emmaüs qui dans la joie ne pouvaient pas croire, et aux autres, puis à l’ensemble des disciples, lorsque Jésus se rend au Cénacle, qui ne pouvaient pas croire à cause de la joie (cf. Lc 24, 13-35). La joie d’avoir Jésus ressuscité. La rencontre avec Jésus apporte toujours de la joie, et si cela ne t’arrive pas, ce n’est pas une vraie rencontre avec Jésus.

Et ce que Jésus fait avec les disciples nous révèle que les premiers à être évangélisés sont les disciples, les premiers qui doivent être évangélisés c’est nous, chrétiens : c’est nous. Et c’est très important. Immergés dans le climat actuel, rapide et confus, même nous en effet nous pouvons nous aussi vivre la foi avec un sens subtil du renoncement, convaincus que l’Évangile n’est plus audible et qu’il ne vaut plus la peine de s’engager pour l’annoncer. Nous pourrions même être tentés par l’idée de laisser « les autres » suivre leur propre chemin. En revanche, c’est précisément le moment de revenir à l’Évangile pour découvrir que le Christ « est toujours jeune et source constante de nouveauté » (Evangelii gaudium, 11).

Alors, comme les deux d’Emmaüs, on retourne à la vie quotidienne avec l’élan de celui qui a trouvé un trésor : ils étaient joyeux ces deux disciples, parce qu’ils avaient trouvé Jésus et il leur a changé la vie. Et l’on découvre que l’humanité regorge de frères et de sœurs qui attendent une parole d’espérance. L’Évangile est également attendu aujourd’hui : l’humanité d’aujourd’hui est comme l’humanité de tout temps : elle en a besoin, même la civilisation de l’incroyance programmée et de la sécularité institutionnalisée ; et mème, surtout la société qui laisse déserts les espaces du sens religieux a besoin de Jésus. C’est le moment favorable pour l’annonce de Jésus. C’est pourquoi je voudrais redire à tous : « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours. (ibid., 1) ». N’oublions pas cela. Et si l’un d’entre nous ne perçoit pas cette joie, qu’il se demande s’il a trouvé Jésus. Une joie intérieure. L’Évangile emprunte le chemin de la joie, toujours, c’est la grande annonce. J’invite chaque chrétien, où qu’il soit, à renouveler aujourd’hui même sa rencontre avec Jésus-Christ. Que chacun d’entre nous prenne aujourd’hui un peu de temps et médite : « Jésus, Tu es en moi : je veux Te rencontrer tous les jours. Tu es une Personne, pas une idée ; Tu es un compagnon de route, pas un programme. Tu es Amour qui résout tant de problèmes. Tu es le principe de l’évangélisation. Toi, Jésus, tu es la source de la joie ».

Amen.

 

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 8 novembre 2023

Photo de Luca Paolini. CC BY-ND 2.0, sur flickr.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a évoqué la vie et la mission de la vénérable Madeleine Delbrêl. Il a cité son adresse à Jesus « Pour être avec Toi sur Ton chemin, nous devons partir, même quand notre paresse nous supplie de rester. Tu nous as choisis pour être dans un équilibre étrange, un équilibre qui ne peut s’établir et se maintenir que dans le mouvement, que dans l’élan. »

Voici le texte intégral:

Au nombre des témoins de la passion pour l’annonce de l’Évangile, ces évangélisateurs passionnés, aujourd’hui je présente la figure d’une femme française du XXe siècle, la vénérable servante de Dieu Madeleine Delbrêl. Née en 1904 et décédée en 1964, elle a été assistante sociale, écrivaine et mystique, elle a vécu pendant plus de trente ans dans les banlieues pauvres et ouvrières de Paris. Eblouie par sa rencontre avec le Seigneur, elle écrit : « Quand nous avons connu la parole de Dieu, nous n’avons pas le droit de ne pas la recevoir ; quand nous l’avons reçue, nous n’avons pas le droit de ne pas la laisser s’incarner en nous ; quand elle s’est incarnée en nous, nous n’avons pas le droit de la garder pour nous : dès lors, nous appartenons à ceux qui l’attendent » (Nous autres, gens des rues, Seuil, coll. «Livre de vie», n. 107, Paris, 1971). Beau : beau ce qu’elle écrit…

Après une adolescence vécue dans l’agnosticisme, – elle ne croyait en rien – à vingt ans environ Madeleine rencontre le Seigneur, frappée par le témoignage d’amis croyants. Elle se met alors à la recherche de Dieu, laissant s’exprimer une soif profonde qu’elle ressentait en elle, et comprend que le « vide qui criait dans son angoisse » c’était Dieu qui la cherchait (Eblouie par Dieu – correspondance 1: 1910-1941 dans Œuvres complètes vol. 1, Nouvelle cité, coll. «Spiritualité», Mont-rouge, 2004). La joie de la foi l’a conduite à mûrir un choix de vie entièrement donnée à Dieu, au cœur de l’Église et au cœur du monde, partageant simplement en fraternité la vie des « gens de la rue ».  Poétiquement elle s’’adressait à Jésus, ainsi : « Pour être avec Toi sur Ton chemin, nous devons partir, même quand notre paresse nous supplie de rester. Tu nous as choisis pour être dans un équilibre étrange, un équilibre qui ne peut s’établir et se maintenir que dans le mouvement, que dans l’élan. Un peu comme une bicyclette, qui ne peut tenir debout sans rouler […] Nous ne pouvons tenir debout qu’en avançant, en se déplaçant, dans un élan de charité ». C’est ce qu’elle appelle la « spiritualité de la bicyclette » (Humour dans l’amour: Méditations et fantaisies dans Œuvres complètes vol. 3, Nouvelle cité, coll. «Spiritualité», Montrouge, 2005). Ce n’est qu’en se mettant en route, en marchant que nous vivons dans l’équilibre de la foi, qui est un déséquilibre, mais c’est comme ça : comme la bicyclette. Si tu t’arrêtes, elle ne tient pas.

Madeleine avait le cœur constamment en éveil et se laisse interpeller par le cri des pauvres. Elle comprenait que le Dieu vivant de l’Évangile devait brûler en nous jusqu’à ce que nous ayons porté son nom à ceux qui ne l’ont pas encore trouvé. Dans cet esprit, tournée vers l’agitation du monde et le cri des pauvres, Madeleine se sent appelée à « vivre entièrement et à la lettre l’amour de Jésus, depuis l’huile du Bon Samaritain jusqu’au vinaigre du Calvaire, lui rendant ainsi amour pour amour […] afin qu’en l’aimant sans réserve et en se laissant aimer jusqu’au bout, les deux grands commandements de la charité s’incarnent en nous et n’en fassent plus qu’un » (La vocation de la charité, 1, Œuvres complètes XIII, Bruyères-le-Châtel, 138-139).

Enfin, Madeleine Delbrêl nous enseigne encore une chose : qu’en évangélisant, on est évangélisés : en évangélisant, nous sommes évangélisés. C’est pourquoi elle disait, en écho à saint Paul :  » malheur à moi si l’évangélisation ne m’évangélise pas « . En évangélisant, on s’évangélise soi-même. Et c’est une belle doctrine.

En contemplant cette femme témoin de l’Evangile, nous apprenons nous aussi que dans toute situation et circonstance personnelle ou sociale de notre vie, le Seigneur est présent et nous appelle à habiter notre temps, à partager la vie des autres, à nous mêler aux joies et aux tristesses du monde. En particulier, elle nous enseigne que même les milieux sécularisés peuvent aider pour la conversion, parce que le contact avec les non-croyants provoque le croyant à une révision continuelle de sa manière de croire et à redécouvrir la foi dans son essentialité (cf. Nous autres, gens des rues, Seuil, coll. «Livre de vie», n. 107, Paris, 1971).

Que Madeleine Delbrêl nous apprenne à vivre cette foi “in moto” –  » en mouvement « , disons, cette foi féconde qui fait de tout acte de foi un acte de charité dans l’annonce de l’Évangile. Je vous remercie.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

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