Audience générale du pape François – mercredi 22 novembre 2023

La fille de la Cananéenne, extrait des Très Riches Heures du duc de Berry. Wikimedia Commons.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a réfléchi à la « destination universelle de l’Évangile », qui « s’adresse à tous ».

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs,

Après avoir vu la dernière fois que l’annonce chrétienne est joie, nous nous arrêtons aujourd’hui sur un second aspect : c’est pour tous, l’annonce chrétienne est joie pour tous. Quand nous rencontrons vraiment le Seigneur Jésus, l’émerveillement de cette rencontre envahit notre vie et demande à être porté au-delà de nous. C’est ce qu’Il veut, que son Évangile soit pour tous. En lui en effet, existe une « force humanisante », une plénitude de vie qui est destinée à tout homme et à toute femme, car pour tous Christ est né, est mort, est ressuscité. Pour tous : personne n’est exclu.

Dans Evangelii gaudium, on peut lire : « Tous ont le droit de recevoir l’Évangile. Les chrétiens ont le devoir de l’annoncer sans exclure personne, non pas comme quelqu’un qui impose un nouveau devoir, mais bien comme quelqu’un qui partage une joie, qui indique un bel horizon, qui offre un banquet désirable. L’Église ne grandit pas par prosélytisme, mais « par attraction » » (n. 14). Frères, sœurs, considérons-nous au service de la destination universelle de l’Évangile, c’est pour tous ; et distinguons-nous par notre capacité à sortir de nous-mêmes, – une annonce pour être une vraie annonce doit sortir de l’égoïsme même – et avoir aussi la capacité – de dépasser toutes les frontières. Les chrétiens se rassemblent sur le parvis plus que dans la sacristie, et vont « sur les places et dans les rues de la ville » (Lc 14,21). Ils doivent être ouverts et expansifs, les chrétiens doivent être « extravertis », et ce caractère leur vient de Jésus, qui a fait de sa présence dans le monde un déplacement continuel, visant à aller à la rencontre de tous, apprenant même de certaines de ses rencontres.

Dans ce sens, l’Évangile rapporte la surprenante rencontre de Jésus avec une femme étrangère, une Cananéenne qui le supplie de guérir sa fille malade (cf. Mt 15, 21-28). Jésus refuse en disant qu’il n’a été envoyé qu’ « aux brebis perdues de la maison d’Israël » et qu’ « il n’est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens » (v. 24.26). Mais la femme, avec l’insistance typique des gens simples, répliqua que même « les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres » (v. 27). Jésus en reste impressionné et lui dit : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » (v. 28). Cette rencontre avec cette femme a quelque chose d’unique. Non seulement quelqu’un fait changer d’avis à Jésus, et c’est une femme, étrangère et païenne, mais le Seigneur lui-même y trouve la confirmation que sa prédication ne doit pas se limiter au peuple auquel il appartient, mais s’ouvrir à tous.

La Bible nous montre que lorsque Dieu appelle une personne et conclut une alliance avec elle, le critère est toujours le suivant : il élit quelqu’un pour en atteindre d’autres, ceci est le critère de Dieu, de l’appel de Dieu Tous les amis du Seigneur ont fait l’expérience de la beauté, mais aussi de la responsabilité et du poids d’avoir été « choisis » par Lui. Et tous ont éprouvé le découragement face à leurs propres faiblesses ou la perte de leurs sécurités. Mais la tentation peut-être plus grande est celle de considérer l’appel reçu comme un privilège, s’il vous plait non, l’appel n’est pas un privilège, jamais. Nous ne pouvons pas dire que nous sommes privilégiés par rapport aux autres, non. L’appel est pour un service. Et Dieu choisit un pour aimer tous, pour arriver à tous.

Aussi pour prévenir la tentation d’identifier le christianisme avec une culture, avec une ethnie, avec un système. Mais de cette façon, il perd sa nature vraiment catholique, c’est-à-dire pour tous, universelle : il ne s’agit pas d’un petit groupe d’élus de première classe. Ne l’oublions pas : Dieu choisit quelqu’un pour aimer tous. Cet horizon de l’universalité. L’Évangile n’est pas seulement pour moi, il est pour tous, ne l’oublions pas. Merci.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 15 novembre 2023

Le repas à Emmaüs (Source : Wikimedia Commons)

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a réfléchi à l’aspect évangélisateur de la joie et au fait que la rencontre avec Jésus est toujours source de joie.

Voici le texte intégral:

Après avoir rencontré divers témoins de l’annonce de l’Évangile, je propose de résumer ce cycle de catéchèses sur le zèle apostolique en quatre points, inspirés par l’Exhortation apostolique Evangelii gaudium, qui fête ce mois-ci ses dix ans. Le premier point, que nous examinons aujourd’hui, le premier des quatre, ne peut concerner que l’attitude dont dépend la substance du geste évangélisateur : la joie. Le message chrétien, comme nous l’avons entendu dans les paroles adressées par l’ange aux bergers, est l’annonce d’une « grande joie » (Lc 2,10). Et la raison ? Une bonne nouvelle, une surprise, un bel événement ? Bien plus, une Personne : Jésus ! Jésus est la joie. C’est Lui le Dieu fait homme qui est venu chez nous ! La question, chers frères et sœurs, n’est donc pas de savoir s‘il faut l’annoncer, mais comment l’annoncer, et ce « comment » est la joie. Ou nous annonçons Jésus avec joie, ou nous ne l’annonçons pas, parce qu’une autre voie pour l’annoncer n’est pas capable de porter la vraie réalité de Jésus.

C’est pourquoi un chrétien mécontent, un chrétien triste, un chrétien insatisfait ou, pire encore, en proie au ressentiment ou à la rancœur n’est pas crédible. Celui-ci parlera de Jésus mais personne ne le croira ! Une personne m’a dit un jour, en parlant de ces chrétiens : « Mais ce sont des chrétiens à visage de morue ! », c’est-à-dire sans aucune expression, ils sont comme ça, et la joie est essentielle. C’est essentiel de veiller sur nos sentiments. L’évangélisation met en œuvre la gratuité, parce qu’elle vient de la plénitude et non de la pression. Et quand on fait une évangélisation – on veut la faire mais cela ne va pas – sur la base d’idéologies, ce n’est pas cela évangéliser, ce n’est pas l’Évangile. L’Évangile n’est pas une idéologie : l’Évangile est une annonce, une annonce de joie. Les idéologies sont froides, toutes. L’Évangile a la chaleur de la joie. Les idéologies ne savent pas sourire, l’Évangile est un sourire, il te fait sourire parce qu’il touche l’âme avec la Bonne Nouvelle.

La naissance de Jésus, dans l’histoire comme dans la vie, est le principe de la joie : pensez à ce qui est arrivé aux disciples d’Emmaüs qui dans la joie ne pouvaient pas croire, et aux autres, puis à l’ensemble des disciples, lorsque Jésus se rend au Cénacle, qui ne pouvaient pas croire à cause de la joie (cf. Lc 24, 13-35). La joie d’avoir Jésus ressuscité. La rencontre avec Jésus apporte toujours de la joie, et si cela ne t’arrive pas, ce n’est pas une vraie rencontre avec Jésus.

Et ce que Jésus fait avec les disciples nous révèle que les premiers à être évangélisés sont les disciples, les premiers qui doivent être évangélisés c’est nous, chrétiens : c’est nous. Et c’est très important. Immergés dans le climat actuel, rapide et confus, même nous en effet nous pouvons nous aussi vivre la foi avec un sens subtil du renoncement, convaincus que l’Évangile n’est plus audible et qu’il ne vaut plus la peine de s’engager pour l’annoncer. Nous pourrions même être tentés par l’idée de laisser « les autres » suivre leur propre chemin. En revanche, c’est précisément le moment de revenir à l’Évangile pour découvrir que le Christ « est toujours jeune et source constante de nouveauté » (Evangelii gaudium, 11).

Alors, comme les deux d’Emmaüs, on retourne à la vie quotidienne avec l’élan de celui qui a trouvé un trésor : ils étaient joyeux ces deux disciples, parce qu’ils avaient trouvé Jésus et il leur a changé la vie. Et l’on découvre que l’humanité regorge de frères et de sœurs qui attendent une parole d’espérance. L’Évangile est également attendu aujourd’hui : l’humanité d’aujourd’hui est comme l’humanité de tout temps : elle en a besoin, même la civilisation de l’incroyance programmée et de la sécularité institutionnalisée ; et mème, surtout la société qui laisse déserts les espaces du sens religieux a besoin de Jésus. C’est le moment favorable pour l’annonce de Jésus. C’est pourquoi je voudrais redire à tous : « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours. (ibid., 1) ». N’oublions pas cela. Et si l’un d’entre nous ne perçoit pas cette joie, qu’il se demande s’il a trouvé Jésus. Une joie intérieure. L’Évangile emprunte le chemin de la joie, toujours, c’est la grande annonce. J’invite chaque chrétien, où qu’il soit, à renouveler aujourd’hui même sa rencontre avec Jésus-Christ. Que chacun d’entre nous prenne aujourd’hui un peu de temps et médite : « Jésus, Tu es en moi : je veux Te rencontrer tous les jours. Tu es une Personne, pas une idée ; Tu es un compagnon de route, pas un programme. Tu es Amour qui résout tant de problèmes. Tu es le principe de l’évangélisation. Toi, Jésus, tu es la source de la joie ».

Amen.

 

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 8 novembre 2023

Photo de Luca Paolini. CC BY-ND 2.0, sur flickr.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a évoqué la vie et la mission de la vénérable Madeleine Delbrêl. Il a cité son adresse à Jesus « Pour être avec Toi sur Ton chemin, nous devons partir, même quand notre paresse nous supplie de rester. Tu nous as choisis pour être dans un équilibre étrange, un équilibre qui ne peut s’établir et se maintenir que dans le mouvement, que dans l’élan. »

Voici le texte intégral:

Au nombre des témoins de la passion pour l’annonce de l’Évangile, ces évangélisateurs passionnés, aujourd’hui je présente la figure d’une femme française du XXe siècle, la vénérable servante de Dieu Madeleine Delbrêl. Née en 1904 et décédée en 1964, elle a été assistante sociale, écrivaine et mystique, elle a vécu pendant plus de trente ans dans les banlieues pauvres et ouvrières de Paris. Eblouie par sa rencontre avec le Seigneur, elle écrit : « Quand nous avons connu la parole de Dieu, nous n’avons pas le droit de ne pas la recevoir ; quand nous l’avons reçue, nous n’avons pas le droit de ne pas la laisser s’incarner en nous ; quand elle s’est incarnée en nous, nous n’avons pas le droit de la garder pour nous : dès lors, nous appartenons à ceux qui l’attendent » (Nous autres, gens des rues, Seuil, coll. «Livre de vie», n. 107, Paris, 1971). Beau : beau ce qu’elle écrit…

Après une adolescence vécue dans l’agnosticisme, – elle ne croyait en rien – à vingt ans environ Madeleine rencontre le Seigneur, frappée par le témoignage d’amis croyants. Elle se met alors à la recherche de Dieu, laissant s’exprimer une soif profonde qu’elle ressentait en elle, et comprend que le « vide qui criait dans son angoisse » c’était Dieu qui la cherchait (Eblouie par Dieu – correspondance 1: 1910-1941 dans Œuvres complètes vol. 1, Nouvelle cité, coll. «Spiritualité», Mont-rouge, 2004). La joie de la foi l’a conduite à mûrir un choix de vie entièrement donnée à Dieu, au cœur de l’Église et au cœur du monde, partageant simplement en fraternité la vie des « gens de la rue ».  Poétiquement elle s’’adressait à Jésus, ainsi : « Pour être avec Toi sur Ton chemin, nous devons partir, même quand notre paresse nous supplie de rester. Tu nous as choisis pour être dans un équilibre étrange, un équilibre qui ne peut s’établir et se maintenir que dans le mouvement, que dans l’élan. Un peu comme une bicyclette, qui ne peut tenir debout sans rouler […] Nous ne pouvons tenir debout qu’en avançant, en se déplaçant, dans un élan de charité ». C’est ce qu’elle appelle la « spiritualité de la bicyclette » (Humour dans l’amour: Méditations et fantaisies dans Œuvres complètes vol. 3, Nouvelle cité, coll. «Spiritualité», Montrouge, 2005). Ce n’est qu’en se mettant en route, en marchant que nous vivons dans l’équilibre de la foi, qui est un déséquilibre, mais c’est comme ça : comme la bicyclette. Si tu t’arrêtes, elle ne tient pas.

Madeleine avait le cœur constamment en éveil et se laisse interpeller par le cri des pauvres. Elle comprenait que le Dieu vivant de l’Évangile devait brûler en nous jusqu’à ce que nous ayons porté son nom à ceux qui ne l’ont pas encore trouvé. Dans cet esprit, tournée vers l’agitation du monde et le cri des pauvres, Madeleine se sent appelée à « vivre entièrement et à la lettre l’amour de Jésus, depuis l’huile du Bon Samaritain jusqu’au vinaigre du Calvaire, lui rendant ainsi amour pour amour […] afin qu’en l’aimant sans réserve et en se laissant aimer jusqu’au bout, les deux grands commandements de la charité s’incarnent en nous et n’en fassent plus qu’un » (La vocation de la charité, 1, Œuvres complètes XIII, Bruyères-le-Châtel, 138-139).

Enfin, Madeleine Delbrêl nous enseigne encore une chose : qu’en évangélisant, on est évangélisés : en évangélisant, nous sommes évangélisés. C’est pourquoi elle disait, en écho à saint Paul :  » malheur à moi si l’évangélisation ne m’évangélise pas « . En évangélisant, on s’évangélise soi-même. Et c’est une belle doctrine.

En contemplant cette femme témoin de l’Evangile, nous apprenons nous aussi que dans toute situation et circonstance personnelle ou sociale de notre vie, le Seigneur est présent et nous appelle à habiter notre temps, à partager la vie des autres, à nous mêler aux joies et aux tristesses du monde. En particulier, elle nous enseigne que même les milieux sécularisés peuvent aider pour la conversion, parce que le contact avec les non-croyants provoque le croyant à une révision continuelle de sa manière de croire et à redécouvrir la foi dans son essentialité (cf. Nous autres, gens des rues, Seuil, coll. «Livre de vie», n. 107, Paris, 1971).

Que Madeleine Delbrêl nous apprenne à vivre cette foi “in moto” –  » en mouvement « , disons, cette foi féconde qui fait de tout acte de foi un acte de charité dans l’annonce de l’Évangile. Je vous remercie.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

« Marcher Ensemble » gagne le prix d’excellence de l’AMéCO

Le pape François accueillant les délégations des Premières Nations, des Métis et des Inuits à Rome.

Le mercredi 25 octobre, le documentaire original Marcher Ensemble de Sel + Lumière Média a reçu le prix d’excellence de l’AMéCO, l’Association des médias catholiques et œcuméniques, basée à Montréal.  

Nous sommes honorés de recevoir cette reconnaissance pour Marcher Ensemble, qui accompagne les délégations des Premières Nations, des Métis et des Inuits à Rome pour une série d’audiences avec le pape François en mars et avril 2022. Le documentaire se concentre sur ces rencontres, au cours desquelles le Saint-Père s’est excusé au nom des dirigeants et des institutions de l’Église pour les horreurs des pensionnats et leurs effets dévastateurs sur les communautés autochtones du Canada. Le père Alan Fogarty, s.j. PDG de Sel + Lumière Média, en a été le producteur exécutif. Ce film a été écrit, produit et raconté par le diacre Pedro Guevara-Mann.

Vous pouvez voir ici Mireille Haj-Chahine, notre Associée bilingue – aux relations avec les donateurs, recevant le prix pour Sel + Lumière Média. (Photo de Judith Renauld du Verbe, prise lors de la cérémonie de remise des prix d’excellence de l’AMéCO).

Marcher Ensemble a été salué pour sa capacité à décrire avec sincérité les expériences des victimes et des générations qui ont suivi, tout en inspirant l’espoir d’une réconciliation. Une critique a déclaré : « Le film vous laisse avec le sentiment profond que non seulement vous devriez faire partie de la solution, mais que vous pouvez la faire, et c’est un cadeau ».  

Nous sommes reconnaissants spécialement aux survivants, à leurs familles, aux défenseurs et aux dirigeants autochtones qui ont partagé leur histoire avec nous pour ce documentaire, ainsi que pour leur persévérance, leur foi et leur courage. Nous apprécions également l’accueil réservé au film qui a suivi et dont le titre est Marcher ensemble : Autour du tambour, qui met en lumière la visite apostolique du pape au Canada en juillet 2022. Nous espérons et prions pour que ces documentaires soient une source de guérison, de réconciliation et d’inspiration pour les survivants, les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis, ainsi que pour tous les peuples autochtones qui subissent l’oppression et ses effets sur plusieurs générations.

 Pour en savoir plus sur Marcher Ensemble, consultez ce communiqué de presse.

Marcher Ensemble et Marcher ensemble : Autour du tambour sont tous les deux disponibles, sur demande, sur Sel + Lumière Plus.

Voici la bande-annonce originale :

 

Homélie du pape François pour la conclusion de l’Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques

Conclusion de l’Assemblée générale ordinaire du synode des évêques. Photo © Sel + Lumière Média.

L’Assemblée générale 2023 du Synode sur la synodalité s’est achevée par la messe du 29 octobre, 30e dimanche du temps ordinaire. Dans son homélie, le pape François a déclaré : « Nous pouvons avoir beaucoup de bonnes idées sur la façon de réformer l’Église, mais rappelons-nous : adorer Dieu et aimer nos frères et sœurs de son amour, voilà la grande et éternelle réforme. »

Lisez le texte intégral de son homélie ci-dessous :

Messe du 30ème dimanche du temps ordinaire
Conclusion de l’Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques
Homélie de Sa Sainteté

C’est vraiment avec un prétexte qu’un docteur de la Loi se présente à Jésus, et seulement pour le mettre à l’épreuve. Il s’agit cependant d’une question importante, une question toujours actuelle, qui se fraye parfois un chemin dans nos cœurs et dans la vie de l’Église : « Quel est le grand commandement ? » (Mt 22, 36). Nous aussi, plongés dans le fleuve vivant de la Tradition, nous nous demandons : quelle est la chose la plus importante ? Quel est le centre propulseur ? Qu’est-ce qui compte le plus, au point d’être le principe inspirateur de tout ? Et la réponse de Jésus est claire : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt 22, 37-39).

Frères cardinaux, frères évêques et prêtres, religieuses et religieux, sœurs et frères, au terme de cette étape du chemin que nous avons parcouru, il est important de regarder le “principe et le fondement” sur lequel tout commence et recommence : aimer. Aimer Dieu par toute notre vie et aimer notre prochain comme soi-même. Non pas nos stratégies, non pas les calculs humains, non pas les manières du monde, mais aimer Dieu et le prochain : voilà le cœur de tout. Mais comment traduire cet élan d’amour ? Je vous propose deux verbes, deux mouvements du cœur sur lesquels je voudrais réfléchir : adorer et servir. Aimer Dieu se fait à travers l’adoration et le service.

Le premier verbe, adorer. Aimer, c’est adorer. L’adoration est la première réponse que nous pouvons donner à l’amour gratuit, à l’amour surprenant de Dieu. L’émerveillement de l’adoration est essentiel dans l’Église, surtout à notre époque où nous avons perdu l’habitude de l’adoration. Adorer c’est en effet reconnaître dans la foi que Dieu seul est Seigneur et que notre vie, le chemin de l’Église, le destin de l’histoire dépendent de la tendresse de son amour. Il est le sens de la vie.

En l’adorant, nous nous redécouvrons libres. C’est pourquoi l’amour du Seigneur dans l’Écriture est souvent associé à la lutte contre l’idolâtrie. Ceux qui adorent Dieu rejettent les idoles car, alors que Dieu libère, les idoles asservissent. Elles nous trompent et ne tiennent jamais leurs promesses car elles sont « ouvrages de mains humaines » (Ps 113b, 4). L’Écriture est sévère à l’égard de l’idolâtrie parce que les idoles sont l’œuvre de l’homme qui les manipule, alors que Dieu est toujours le Vivant, qui est ici et au-delà, « qui n’est pas fait comme je le pense, qui ne dépend pas de ce que j’attends de lui, qui peut donc bouleverser mes attentes, précisément parce qu’il est vivant. La preuve que nous n’avons pas toujours une idée juste de Dieu, c’est que nous sommes parfois déçus : je m’attendais à ceci, j’imaginais que Dieu se comportait ainsi, et je me suis trompé. Nous nous engageons ainsi sur la voie de l’idolâtrie en voulant que le Seigneur agisse selon l’image que nous nous sommes faite de lui » (C.M. Martini, I grandi della Bibbia. Esercizi spirituali con l’Antico Testamento, Firenze 2022, 826-827). Et c’est un risque que nous pouvons toujours courir : penser que nous “contrôlons Dieu”, enfermer son amour dans nos schémas. Au contraire, son action est toujours imprévisible, elle va au-delà, et c’est pourquoi cet agir de Dieu exige émerveillement et adoration. L’émerveillement est si important !

Nous devons toujours lutter contre les idolâtries ; les idolâtries mondaines qui découlent souvent de la vanité personnelle, comme la soif de succès, l’affirmation de soi à tout prix, l’avidité pour l’argent – le diable entre par la poche, ne l’oublions pas -, l’attrait du carriérisme ; mais aussi les idolâtries déguisées en spiritualité : ma propre spiritualité, mes propres idées religieuses, mes prouesses pastorales… Soyons vigilants pour ne pas nous mettre au centre plutôt que Lui. Et revenons à l’adoration. Qu’elle soit centrale pour nous, pasteurs : consacrons chaque jour du temps à l’intimité avec Jésus Bon Pasteur devant le tabernacle. Adorer. Que l’Église soit adoratrice : dans chaque diocèse, dans chaque paroisse, dans chaque communauté, adorons le Seigneur ! Parce que ce n’est que de cette manière que nous nous tournerons vers Jésus et non vers nous-mêmes ; parce que ce n’est qu’à travers un silence d’adoration que la Parole de Dieu habitera nos paroles ; parce que ce n’est que devant Lui que nous serons purifiés, transformés et renouvelés par le feu de son Esprit. Frères et sœurs, adorons le Seigneur Jésus !

Le second verbe est servir. Aimer, c’est servir. Dans le grand commandement, le Christ lie Dieu et le prochain pour qu’ils ne soient jamais séparés. Il n’existe pas d’expérience religieuse qui soit sourde aux cris du monde, une véritable expérience religieuse. Il n’y a pas d’amour de Dieu sans implication dans le soin du prochain, sous peine de pharisaïsme. Nous pouvons en effet avoir beaucoup de belles idées pour réformer l’Église, mais rappelons-nous : adorer Dieu et aimer nos frères de son amour, voilà la grande et durable réforme. Être une Église adoratrice et une Église du service qui lave les pieds de l’humanité blessée, qui accompagne le chemin des personnes fragiles, faibles et laissées-pour-compte, qui va tendrement à la rencontre des plus pauvres. C’est ce que Dieu a ordonné, nous l’avons entendu, dans la première lecture.

Frères et sœurs, je pense à ceux qui sont victimes des atrocités de la guerre ; aux souffrances des migrants, à la douleur cachée de ceux qui se retrouvent seuls et dans la pauvreté ; à ceux qui sont écrasés par les fardeaux de la vie ; à ceux qui n’ont plus de larmes, à ceux qui n’ont plus de voix. Et je pense à combien de fois, derrière de belles paroles et de douces promesses, des formes d’exploitation sont encouragées ou rien n’est fait pour les empêcher. C’est un péché grave que d’exploiter les plus faibles, un péché grave qui ronge la fraternité et dévaste la société. Nous, disciples de Jésus, nous voulons apporter au monde un autre levain, celui de l’Évangile : Dieu à la première place, et avec Lui ceux qu’Il préfère, les pauvres et les faibles.

Telle est, frères et sœurs, l’Église dont nous sommes appelés à rêver : une Église au service de tous, au service des derniers. Une Église qui n’exige jamais un bulletin de “bonne conduite”, mais qui accueille, sert, aime, pardonne. Une Église aux portes ouvertes qui soit un port de miséricorde. « L’homme miséricordieux – dit Chrysostome – est un port pour ceux qui sont dans le besoin : le port accueille et sauve du danger tous les naufragés ; qu’ils soient méchants, bons, ou qu’ils soient ce qu’ils sont […], le port les abrite dans son anse. Toi donc aussi, quand tu verras à terre un homme qui a fait naufrage dans la pauvreté, ne le juge pas, ne lui demande pas compte de sa conduite, mais délivre-le du malheur » (Discours sur le pauvre Lazare, II, 5).

Frères et sœurs, l’Assemblée synodale s’achève. Dans cette « conversation de l’Esprit », nous avons pu expérimenter la tendre présence du Seigneur et découvrir la beauté de la fraternité. Nous nous sommes écoutés les uns les autres et surtout, dans la riche variété de nos histoires et de nos sensibilités, nous nous sommes mis à l’écoute de l’Esprit-Saint. Aujourd’hui, nous ne voyons pas le fruit complet de ce processus, mais avec anticipation, nous pouvons regarder l’horizon qui s’ouvre devant nous : le Seigneur nous guidera et nous aidera à être une Église plus synodale et plus missionnaire, qui adore Dieu et sert les femmes et les hommes de notre temps, en allant porter à tous la joie consolatrice de l’Évangile.

Frères et sœurs : pour tout ce que vous avez fait au sein du Synode et continuez à faire, je vous dis merci ! Merci pour le chemin que nous avons parcouru ensemble, pour l’écoute et le dialogue. En vous remerciant, je voudrais formuler un vœu pour nous tous : que nous puissions grandir dans l’adoration de Dieu et dans le service au prochain. Adorer et servir. Que le Seigneur nous accompagne. Et en avant, dans la joie !

 

 

Audience générale du pape François – Mercredi 25 octobre 2023

Statue des saints Cyrille et Méthode à Trebíc, en République tchèque. Photo de Jirí Sedlácek – Frettie, CC BY-SA 3.0, par Wikimedia Commons.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François s’est penché sur la mission des saints Cyrille et Méthode auprès du peuple slave. Il a souligné que « la foi doit être inculturée et la culture évangélisée. »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui, je vais vous parler de deux frères très célèbres en Orient, au point d’être appelés « les apôtres des Slaves » : les Saints Cyrille et Méthode. Nés en Grèce au IXe siècle dans une famille aristocratique, ils renoncent à leur carrière politique pour se consacrer à la vie monastique. Mais leur rêve d’une existence retirée est de courte durée. Ils sont envoyés comme missionnaires dans la Grande Moravie, qui comprenait alors divers peuples, déjà en partie évangélisés, mais parmi lesquels persistaient de nombreuses coutumes et traditions païennes. Leur prince demandait un maître pour expliquer la foi chrétienne dans leur langue.

La première tâche de Cyrille et Méthode est donc d’étudier en profondeur la culture de ces peuples. Toujours cette ritournelle : la foi doit être inculturée et la culture doit être évangélisée. Inculturation de la foi, évangélisation de la culture, toujours. Cyrille leur demande s’ils ont un alphabet ; ils lui répondent par la négative. Il réplique : « Qui peut écrire un discours sur l’eau ? En effet, pour annoncer l’Évangile et prier, il fallait un outil adéquat, approprié, spécifique. Il invente donc l’alphabet glagolitique. Il traduit la Bible et les textes liturgiques. Les gens sentent que la foi chrétienne n’est plus « étrangère », mais qu’elle devient leur foi, parlée dans leur langue maternelle. Pensez-y : deux moines grecs qui donnent un alphabet aux Slaves. C’est cette ouverture du cœur qui a enraciné l’Évangile parmi eux. Ils n’avaient pas peur ces deux-là, ils étaient courageux.

Très tôt, cependant, une opposition se fait jour de la part de certains Latins, qui s’estiment dépossédés du monopole de la prédication chez les Slaves, cette lutte à l’intérieur de l’Eglise, toujours ainsi. Leur objection est religieuse, mais seulement en apparence : Dieu ne peut être loué – disent-ils – que dans les trois langues écrites sur la croix, l’hébreu, le grec et le latin. Ceux-ci avaient la mentalité fermée pour défendre leur propre autonomie. Mais Cyrille répond avec force : Dieu veut que chaque peuple le loue dans sa propre langue. Avec son frère Méthode, il s’adresse au Pape qui approuve leurs textes liturgiques en langue slave, les fait placer sur l’autel de l’église de Sainte-Marie-Majeure et chante avec eux les louanges du Seigneur selon ces livres. Cyrille mourut quelques jours plus tard et ses reliques sont toujours vénérées à Rome, dans la Basilique de Saint-Clément. Méthode, quant à lui, est ordonné évêque et renvoyé dans les territoires des Slaves. Là, il devra beaucoup souffrir, il sera même emprisonné, mais, frères et sœurs, nous avons qu’on ne peut enchaîner la Parole de Dieu et elle se répand parmi ces peuples.

En considérant le témoignage de ces deux évangélisateurs, que Saint Jean-Paul II a voulu co-patrons de l’Europe et sur lesquels il a écrit l’Encyclique Slavorum Apostoli, examinons trois aspects importants.

Tout d’abord, l’unité : les Grecs, le Pape, les Slaves : à cette époque, il y avait en Europe une chrétienté non divisée, qui collaborait pour évangéliser.

Un second aspect important est l’inculturation, dont j’ai parlé précédemment : évangéliser la culture et l’inculturation met en évidence que l’évangélisation et la culture sont étroitement liées. On ne peut pas prêcher un Évangile abstrait, distillé, non : l’Évangile doit être inculturé et est aussi une expression de la culture.

Un dernier aspect, la liberté. La liberté est nécessaire dans la prédication mais la liberté a toujours besoin du courage, une personne est libre dans la mesure où elle est plus courageuse et ne se laisse pas enchainer par tant de choses qui la privent de sa liberté.

Frères et sœurs, demandons aux saints Cyrille et Méthode, apôtres des Slaves, d’être des instruments de « liberté dans la charité » pour les autres. Être créatifs, être constants et être humbles, avec la prière et avec le service.

 


APPEL

Je pense toujours à la grave situation en Palestine et en Israël : j’encourage la libération des otages et l’entrée de l’aide humanitaire à Gaza. Je continue à prier pour ceux qui souffrent et à espérer des chemins de paix, au Moyen-Orient, dans l’Ukraine tourmentée et dans d’autres régions blessées par la guerre. Je rappelle à tous qu’après-demain, vendredi 27 octobre, nous vivrons une journée de jeûne, de prière et de pénitence ; à 18 heures, à Saint-Pierre, nous nous réunirons pour prier et implorer la paix dans le monde.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – Mercredi 18 octobre

Ermitage et chapelle de Nazareth, où Saint Charles de Foucauld a marché sur les traces de Jésus. iStock photo

Au cours de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a évoqué le zèle missionnaire de Saint Charles de Foucauld. Il a souligné que saint Charles était « une figure prophétique pour notre temps » qui « a témoigné de la beauté de la communication de l’Évangile à travers l’apostolat de la douceur : se considérant comme un ‘frère universel’ et accueillant tout le monde, il nous montre la force évangélisatrice de la douceur, de la tendresse. »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs,

Nous poursuivons dans notre rencontre avec certains chrétiens témoins riches de zèle dans l’annonce de l’Évangile. Le zèle apostolique, le zèle pour l’annonce : et nous allons à la rencontre de certains chrétiens qui ont été des exemples de ce zèle apostolique. Aujourd’hui, je voudrais vous parler d’un homme qui a fait de Jésus et de ses frères les plus pauvres la passion de sa vie. Je me réfère à Saint Charles de Foucauld qui, « grâce à son expérience intense de Dieu, a fait un cheminement de transformation jusqu’à se sentir le frère de tous » (Lett. enc. Fratelli tutti, 286).

Et quel a été le « secret » de Charles de Foucauld, de sa vie ? Après avoir vécu une jeunesse loin de Dieu, sans croire à rien sinon qu’à la recherche désordonnée du plaisir, il le confie à un ami non-croyant, auquel, après s’être converti en accueillant la grâce du pardon de Dieu dans la Confession, il révèle la raison de sa vie. Il écrit : « J’ai perdu mon cœur pour Jésus de Nazareth » [1]. Frère Charles nous rappelle ainsi que le premier pas dans l’évangélisation est d’avoir Jésus dans son cœur, c’est de « perdre la tête » pour Lui. Si ce n’est pas le cas, difficilement nous réussissons à le montrer par notre vie. Nous risquons en revanche de parler de nous-mêmes, dans notre groupe d’appartenance, d’une morale ou, pire encore, d’un ensemble de règles, mais pas de Jésus, de son amour, de sa miséricorde. Cela je le vois dans certains nouveaux mouvements qui émergent : ils parlent de leur vision de l’humanité, ils parlent de leur spiritualité et ils se sentent une nouvelle voie… Mais pourquoi ne parlez-vous pas de Jésus ? Ils parlent de beaucoup de choses, d’organisation, de chemins spirituels, mais ils ne savent pas parler de Jésus. Je crois qu’aujourd’hui, il serait bon que chacun d’entre nous se demande : « Est-ce que j’ai Jésus au centre de mon cœur ? Ai-je un peu perdu la tête pour Jésus ?

Charles le fait, au point de passer de l’attraction pour Jésus à l’ imitation de Jésus. Conseillé par son confesseur, il se rend en Terre Sainte pour visiter les lieux où le Seigneur a vécu et pour marcher où le Maitre a marché. En particulier, c’est à Nazareth qu’il comprend le devoir de se former à l’école du Christ. Il vit une relation intense avec le Seigneur, passe de longues heures à lire les Évangiles et se sent comme son petit frère. Et connaissant Jésus, nait en lui le désir de le faire connaitre : cela survient toujours ainsi. Lorsque chacun de nous connait plus Jésus, nait le désir de le faire connaitre, de partager ce trésor. En commentant le récit de la visite de la Vierge à Elisabeth, il Lui fait dire, à la Vierge, à lui : « Je me suis donné au monde… portez-moi au monde ». Oui mais comment faire ? Comme Marie dans le mystère de la Visitation : « en silence, par l’exemple, par la vie » [2]. Par la vie, parce que « toute notre existence, écrit frère Charles – doit crier l’Évangile » [3]. Et tant de fois notre existence crie mondanité, crie tant de choses stupides, choses étranges et lui nous dit : “Non, toute notre existence doit crier l’Évangile”.

Il décide alors de s’installer dans des régions lointaines pour crier l’Évangile dans le silence, en vivant dans l’esprit de Nazareth, dans la pauvreté et de manière cachée. Il se rend dans le désert du Sahara, parmi les non-chrétiens, et y arrive en ami et en frère, apportant la douceur de Jésus Eucharistie. Charles laisse que ce soit Jésus à agir silencieusement, convaincu que la « vie eucharistique » évangélise. En effet, il croit que le Christ est le premier évangélisateur. Il reste donc en prière aux pieds de Jésus, devant le tabernacle, environ dix heures par jour, sûr que la force évangélisatrice se trouve là et réalisant que c’est Jésus qui le rend proche de tant de frères lointains. Et nous, je me demande croyons-nous au pouvoir de l’Eucharistie ? Notre sortie vers les autres, notre service, trouve-t-il là, dans l’adoration, son commencement et son accomplissement ? Je suis convaincu que nous avons perdu le sens de l’adoration : nous devons le retrouver, en commençant par nous, personnes consacrées, évêques, prêtres, religieuses et toutes les personnes consacrées. « Perdre » du temps devant le tabernacle, retrouver le sens de l’adoration.

Charles de Foucauld écrivait : « Tout chrétien est un apôtre » [4] et rappelle à un ami qu’ « à côté des prêtres, nous avons besoin de laïcs qui voient ce que le prêtre ne voit pas, qui évangélisent avec une proximité de charité, avec une bonté pour tous, avec une affection toujours prête à se donner » [5]. Les saints laïcs, pas les arrivistes, mais ces laïcs, hommes et femmes qui sont amoureux de Jésus, font comprendre au prêtre qu’il n’est pas un fonctionnaire, qu’il est un médiateur, un prêtre. Combien nous, prêtres, avons besoin d’avoir à nos côtés ces laïcs qui croient sérieusement et qui, par leur témoignage, nous enseignent le chemin. Charles de Foucauld, avec cette expérience laïque, anticipe l’époque du Concile Vatican II, il perçoit l’importance des laïcs et comprend que l’annonce de l’Évangile est la responsabilité du peuple de Dieu tout entier. Mais comment accroître cette participation ? Comme Charles de Foucauld l’a fait : en se mettant à genoux et en accueillant l’action de l’Esprit, qui suscite toujours de nouvelles manières pour s’engager, rencontrer, écouter et dialoguer, toujours dans la collaboration et dans la confiance, toujours en communion avec l’Église et avec les pasteurs.

Saint Charles de Foucauld, figure qui est une prophétie pour notre temps, a témoigné de la beauté de la communication de l’Évangile à travers l’ apostolat de la douceur : lui qui se sentait « frère universel » et accueillait tous, nous montre la force évangélisatrice de la douceur, de la tendresse. Ne l’oublions pas, le style de Dieu ce sont trois paroles : proximité, compassion et tendresse. Dieu est toujours proche, toujours compatissant, toujours tendre. Et le témoignage chrétien doit suivre ce chemin : de proximité, de compassion, de tendresse. Et il était ainsi doux et tendre. Il voulait que quiconque le rencontrait voit, à travers sa bonté, la bonté de Jésus. Il disait qu’il était en fait « le serviteur de quelqu’un qui est bien meilleur que moi » [6]. Vivre la bonté de Jésus l’entrainait à tisser des liens fraternels et d’amitié avec les pauvres, avec les Touaregs, avec ceux qui sont les plus éloignés de sa mentalité. Peu à peu, ces liens généraient la fraternité, l’inclusion, l’appréciation de la culture de l’autre. La bonté est simple et demande d’être des gens simples, qui n’ont pas peur de donner un sourire. Et avec son sourire, avec sa simplicité, Frère Charles a témoigné de l’Évangile. Jamais de prosélytisme, jamais : le témoignage. L’évangélisation ne se fait pas par le prosélytisme, mais par témoignage, par attraction. Demandons-nous alors enfin si nous portons en nous et aux autres la joie chrétienne, la douceur chrétienne, la tendresse chrétienne, la compassion chrétienne, la proximité chrétienne. Merci.

* * *

Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents à cette audience, notamment les groupes de paroissiens et d’élèves venus de Suisse, de Côte d’Ivoire, de France et du Maroc, notamment la Délégation de l’Institut oecuménique de théologie Al Mowafaqa, accompagnée par le Cardinal Cristobal Lopez Romero et Madame Karen Smith.

Puisse saint Charles de Foucauld, nous apprendre la valeur du silence et la force évangélisatrice d’une vie cachée en Dieu.

Que le Seigneur vous bénisse !


APPELS 

Aujourd’hui encore, chers frères et sœurs, nos pensées vont vers la Palestine et Israël. Le nombre de victimes augmente et la situation à Gaza est désespérée. Que tout ce qui est possible soit fait, s’il vous plait, pour éviter une catastrophe humanitaire. Il est inquiétant de constater que le conflit pourrait s’étendre alors que tant de fronts de guerre sont déjà ouverts dans le monde. Faites taire les armes, écoutez le cri de paix des pauvres, des peuples, des enfants… Frères et sœurs, la guerre ne résout aucun problème : elle ne fait que semer la mort et la destruction, accroître la haine, multiplier les vengeances. La guerre efface l’avenir, elle efface l’avenir. J’exhorte les croyants à ne prendre qu’un seul parti dans ce conflit : celui de la paix. Mais pas avec des mots, mais avec la prière, avec un dévouement total. C’est dans cet esprit que j’ai décidé d’appeler à une journée de jeûne et de prière le vendredi 27 octobre, une journée de pénitence à laquelle j’invite les sœurs et les frères des différentes confessions chrétiennes, ceux qui appartiennent à d’autres religions et tous ceux qui ont à cœur la cause de la paix dans le monde, à se joindre comme ils l’entendent. Ce soir-là, à 18 heures, à Saint-Pierre, nous vivrons dans un esprit de pénitence une heure de prière pour implorer la paix, la paix dans ce monde. Je demande à toutes les Églises particulières de participer en organisant des initiatives similaires impliquant le Peuple de Dieu.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Catéchèse sur le zèle apostolique du croyant

Portrait en tapisserie de sainte Joséphine Bakhita, décédée en 1947 et canonisée en 2000.

Lors de son audience générale aujourd’hui, le pape François continue la série de catéchèses sur le zèle apostolique. Il nous laisse inspirer aujourd’hui par le témoignage de sainte Joséphine Bakhita, une sainte soudanise.

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans la série de catéchèses sur le zèle apostolique, – nous sommes en train de réfléchir sur le zèle apostolique – aujourd’hui nous nous laissons inspirer par le témoignage de Sainte Joséphine Bakhita, une sainte soudanaise. Malheureusement, depuis des mois, le Soudan est déchiré par un terrible conflit armé dont on parle peu aujourd’hui ; prions pour le peuple soudanais, afin qu’il vive en paix ! Mais la renommée de Sainte Bakhita a franchi toutes les frontières pour rejoindre tous ceux qui sont privés d’identité et de dignité.

Née au Darfour – le Darfour tourmenté ! – en 1869, elle est enlevée de sa famille à l’âge de sept ans et transformée en esclave. Ses ravisseurs l’appelèrent « Bakhita« , ce qui signifie « chanceuse ». Elle a connu huit maîtres – l’un la vendait à l’autre… Les souffrances physiques et morales qu’elle a subies pendant son enfance l’ont laissée sans identité. Elle a subi la malveillance et la violence : elle avait plus d’une centaine de cicatrices sur le corps. Mais elle-même témoigne : « Comme esclave, je n’ai jamais désespéré, car je sentais une force mystérieuse qui me soutenait ».

Face à cela je me demande : quel est le secret de Sainte Bakhita ? Nous savons que souvent la personne blessée blesse à son tour ; l’opprimé devient facilement un oppresseur. Par contre, la vocation des opprimés est de se libérer et de libérer les oppresseurs en devenant des restaurateurs d’humanité. Seulement dans la faiblesse de l’opprimé peut se révéler la puissance de l’amour de Dieu qui libère les deux. Sainte Bakhita exprime très bien cette vérité. Un jour, son tuteur lui fait cadeau d’un petit crucifix, et elle, qui n’avait jamais rien possédé, le garde comme un trésor jalousement. En le regardant, elle éprouve une libération intérieure parce qu’elle se sent comprise et aimée et donc capable de comprendre et d’aimer : ceci est le début. Elle se sent comprise, elle se sent aimée et par conséquent capable de comprendre et d’aimer les autres. En effet, elle dira : « L’amour de Dieu m’a toujours accompagnée d’une manière mystérieuse… Le Seigneur m’a tant aimée : il faut aimer tout le monde… Il faut compatir !  » Ainsi est l’âme de Bakhita. Réellement, compatir signifie à la fois souffrir avec les victimes de tant d’inhumanité dans le monde et avoir pitié de ceux qui commettent des erreurs et des injustices, non pas en les justifiant, mais en les humanisant. C’est la caresse qu’elle nous enseigne : humaniser. Lorsque nous entrons dans la logique de la lutte, de la division entre nous, des mauvais sentiments, l’un contre l’autre, nous perdons l’humanité. Et bien souvent, nous pensons que nous avons besoin d’humanité, d’être plus humains. Et c’est le travail que Sainte Bakhita nous enseigne : humaniser, nous humaniser nous-mêmes et humaniser les autres.

Sainte Bakhita, devenue chrétienne, est transformée par les paroles du Christ qu’elle méditait quotidiennement : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34). C’est pourquoi elle a dit : « Si Judas avait demandé pardon à Jésus, lui aussi aurait trouvé miséricorde ». Nous pouvons dire que la vie de Sainte Bakhita est devenue une parabole existentielle du pardon. Que c’est beau de dire d’une personne « elle a été capable, elle a été capable de pardonner toujours ». Et elle a été capable de le faire toujours, bien plus : sa vie est une parabole existentielle du pardon. Pardonner parce qu’ensuite nous serons pardonnés. N’oublions pas ceci : le pardon, c’est la caresse de Dieu pour nous tous.

Le pardon l’a rendue libre. Le pardon d’abord reçu à travers l’amour miséricordieux de Dieu, et ensuite le pardon donné a fait d’elle une femme libre, joyeuse, capable d’aimer.

Bakhita a pu vivre le service non pas comme un esclavage, mais comme l’expression du don gratuit de soi. Et ceci est très important : elle s’est faite servante volontairement – elle a été vendue comme esclave – elle a ensuite choisi librement de se faire servante, de porter sur ses épaules les fardeaux des autres.

Sainte Joséphine Bakhita, par son exemple, nous montre le chemin pour être finalement libérés de nos esclavages et de nos peurs. Elle nous aide à démasquer nos hypocrisies et nos égoïsmes, à surmonter rancœurs et conflictualités. Et elle nous encourage toujours.

Chers frères et sœurs, le pardon n’enlève rien mais ajoute – qu’est-ce que le pardon ajoute ? – de la dignité : le pardon ne t’enlève rien mais ajoute de la dignité à la personne, il fait porter le regard de soi-même vers les autres, pour les voir aussi fragiles que nous, mais toujours frères et sœurs dans le Seigneur. Frères et sœurs, le pardon est la source d’un zèle qui devient miséricorde et appelle à une sainteté humble et joyeuse, comme celle de Sainte Bakhita.

* * *

Je salue cordialement les pèlerins de langue française venus de différentes nations.

Frères et sœurs, par l’intercession de sainte Joséphine Bakhita, demandons au Seigneur le courage de nous réconcilier avec nous-mêmes et avec les autres, et d’œuvrer pour la paix dans nos familles et nos communautés.

Que Dieu vous bénisse !


APPELS

Je continue à suivre avec douleur et appréhension ce qui se passe en Israël et en Palestine : tant de personnes tuées, d’autres blessées… Je prie pour les familles qui ont vu un jour de fête se transformer en jour de deuil, et je demande que les otages soient libérés immédiatement. C’est le droit de qui est attaqué de se défendre, mais je suis très préoccupé par le siège total dans lequel vivent les Palestiniens à Gaza, où il y a également eu de nombreuses victimes innocentes. Le terrorisme et les extrémismes ne contribuent pas à trouver une solution au conflit entre Israéliens et Palestiniens, mais alimentent la haine, la violence et la vengeance, et font seulement souffrir les uns et les autres. Le  Moyen-Orient n’a pas besoin de guerre mais de paix, une paix fondée sur la justice, le dialogue et le courage de la fraternité.

J’adresse une pensée spéciale à la population de l’Afghanistan qui souffre des conséquences du tremblement de terre dévastateur qui l’a frappée, faisant des milliers de victimes (dont beaucoup de femmes et d’enfants) et de personnes déplacées. J’invite toutes les personnes de bonne volonté à aider ce peuple déjà si éprouvé, en contribuant dans un esprit de fraternité à alléger les souffrances des gens et à soutenir la reconstruction nécessaire.

 

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Homélie du pape François lors de la messe d’ouverture du Synode 2023

L’Assemblée générale 2023 du Synode sur la synodalité a débuté par la Sainte Messe le 4 octobre, en la fête de Saint François d’Assise. Dans son homélie, le pape François a affirmé que « le Synode sert à nous rappeler ceci : notre Mère l’Église a toujours besoin d’être purifiée, d’être « réparée », car nous sommes un peuple composé de pécheurs pardonnés – les deux éléments : pécheurs pardonnés – qui ont toujours besoin de revenir à la source qu’est Jésus et de se remettre sur les chemins de l’Esprit pour atteindre tout le monde avec son Évangile. »

Messe avec les nouveaux cardinaux et le Collège des cardinaux
Ouverture de l’Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques
Homélie de Sa Sainteté
Place Saint-Pierre
Mercredi 4 octobre 2023

Voici le texte intégral:

L’Évangile que nous venons d’entendre est précédé par le récit d’un moment difficile de la mission de Jésus, que nous pourrions définir comme un moment de “désolation pastorale” : Jean Baptiste doute qu’il soit vraiment le Messie ; de nombreuses villes qu’il a traversées, malgré les miracles accomplis, ne se sont pas converties ; les gens l’accusent d’être un glouton et un ivrogne, alors qu’un peu plus tôt ils s’étaient plaints du Baptiste parce qu’il était trop austère (cf. Mt 11, 2-24). Cependant, nous voyons que Jésus ne se laisse pas abattre par la tristesse, mais il lève les yeux vers le ciel et bénit le Père parce qu’il a révélé aux simples les mystères du Royaume de Dieu : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » (Mt 11, 25). Au moment de la désolation, Jésus a donc un regard capable de voir au-delà: il loue la sagesse du Père et il est capable de discerner le bien caché qui grandit, la semence de la Parole accueillie par les simples, la lumière du Royaume de Dieu qui se fraye un chemin même dans la nuit. 

Chers frères cardinaux, frères évêques, sœurs et frères, nous sommes à l’ouverture de l’Assemblée synodale. Et nous n’avons pas besoin d’un regard immanent, fait de stratégies humaines, de calculs politiques ou de batailles idéologiques. Nous ne sommes pas ici pour mener une réunion parlementaire ou un plan de réforme. Non. Nous sommes ici pour marcher ensemble sous le regard de Jésus, qui bénit le Père et accueille tous ceux qui sont fatigués et opprimés. Partons donc du regard de Jésus, un regard qui bénit et qui accueille.

1. C’est avant tout un regard qui bénit. Bien qu’il ait fait l’expérience du rejet et qu’il ait vu tant de dureté de cœur autour de lui, le Christ ne se laisse pas emprisonner par la déception, il ne devient pas amer, il n’éteint pas la louange ; son cœur, enraciné dans le primat du Père, reste serein même dans la tempête. 

Ce regard qui bénit du Seigneur nous invite aussi à être une Église qui, avec un esprit joyeux, contemple l’action de Dieu et discerne le présent. Et qui, au milieu des vagues parfois agitées de notre temps, ne se décourage pas, ne cherche pas d’échappatoires idéologiques, ne se barricade pas derrière des convictions acquises, ne cède pas aux solutions faciles, ne se laisse pas dicter son agenda par le monde. Telle est la sagesse spirituelle de l’Église, résumée avec sérénité par saint Jean XXIII : « Il est nécessaire avant tout que l’Église ne détourne jamais son regard de l’héritage sacré de vérité qu’elle a reçu des anciens. Mais il faut aussi qu’elle se tourne vers les temps présents, qui entraînent de nouvelles situations, de nouvelles formes de vie et ouvrent de nouvelles voies à l’apostolat » (Discours pour l’ouverture solennelle du Concile œcuménique Vatican II, 11 octobre 1962). 

Le regard qui bénit de Jésus nous invite à être une Église qui n’affronte pas les défis et les problèmes d’aujourd’hui avec un esprit de division et de conflit, mais qui, au contraire, tourne les yeux vers Dieu qui est communion et, avec crainte et humilité, le bénit et l’adore, le reconnaissant comme son unique Seigneur. Nous Lui appartenons et – ne l’oublions pas – nous n’existons que pour Le 

porter au monde. Comme nous l’a dit l’apôtre Paul, « la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste notre seule fierté » (Ga 6, 14). Cela nous suffit, Il nous suffit. Nous ne voulons pas de gloires terrestres, nous ne voulons pas paraitre beaux aux yeux du monde, mais le rejoindre avec la consolation de l’Évangile, pour mieux témoigner, à tous, de l’amour infini de Dieu. En effet, comme l’a dit Benoît XVI en s’adressant à une Assemblée synodale, « La question pour nous est la suivante : Dieu a parlé, Il a vraiment rompu le grand silence, Il s’est montré, mais comment pouvons-nous faire arriver cette réalité à l’homme d’aujourd’hui afin qu’elle devienne salut? » (Méditation au cours de la 1ère Congrégation générale de la XIIIe Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques, 8 octobre 2012). Telle est la question fondamentale. Et c’est la tâche première du Synode : recentrer notre regard sur Dieu, pour être une Église qui regarde l’humanité avec miséricorde. Une Église unie et fraternelle, qui écoute et dialogue ; une Église qui bénit et encourage, qui aide ceux qui cherchent le Seigneur, qui secoue avec bienveillance les indifférents, qui ouvre des chemins pour initier les personnes à la beauté de la foi. Une Église qui a Dieu en son centre et qui, par conséquent, ne se divise pas à l’intérieur et n’est jamais dure à l’extérieur. C’est ainsi que Jésus veut l’Église, son Épouse.

2. Après le regard qui bénit, nous contemplons le regard du Christ qui accueille. Alors que ceux qui se croient sages ne reconnaissent pas l’œuvre de Dieu, lui se réjouit dans le Père parce qu’il se révèle aux petits, aux simples, aux pauvres en esprit. Ainsi, tout au long de sa vie, il adopte ce regard hospitalier envers les plus faibles, les souffrants, les laissés-pour-compte. C’est vers eux, en particulier, qu’il se tourne, en disant ce que nous avons entendu : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos » (Mt 11, 28).

Ce regard accueillant de Jésus nous invite également à être une Église hospitalière. Dans une époque complexe comme la nôtre, de nouveaux défis culturels et pastoraux apparaissent, qui requièrent une attitude intérieure cordiale et douce, afin que nous puissions nous confronter sans crainte. Dans le dialogue synodal, dans cette belle “marche dans l’Esprit Saint” que nous entreprenons ensemble en tant que Peuple de Dieu, nous pouvons grandir dans l’unité et l’amitié avec le Seigneur pour regarder les défis d’aujourd’hui avec son regard ; pour devenir, selon une belle expression de saint Paul VI, une Église qui « se fait conversation » (Lett. enc. Ecclesiam suam, n. 67). Une Église dont “le joug est doux” (cf. Mt 11, 30), qui n’impose pas de fardeaux et qui répète à chacun : “Venez, vous qui êtes fatigués et opprimés, venez, vous qui vous êtes égarés ou qui vous sentez loin, venez, vous qui avez fermé les portes de l’espérance : l’Église est là pour vous”.

3. Frères et sœurs, Peuple saint de Dieu, face aux difficultés et aux défis qui nous attendent, le regard qui accueille et bénit Jésus nous empêche de tomber dans certaines tentations dangereuses : être une Église rigide, qui s’arme contre le monde et regarde en arrière ; être une Église tiède, qui se soumet aux modes du monde ; être une Église fatiguée, repliée sur elle-même. Marchons ensemble, humbles, ardents et joyeux. Marchons sur les traces de saint François d’Assise, le saint de la pauvreté et de la paix, le “fou de Dieu” qui a porté dans son corps les stigmates de Jésus et s’est dépouillé de tout pour se revêtir de Lui. Saint Bonaventure raconte que, tandis qu’il priait, le Crucifié lui dit : « Va et répare mon église » (Legenda maior, II, 1). Le Synode sert à nous rappeler ceci : notre Mère l’Église a toujours besoin d’être purifiée, d’être “réparée”, parce que tous nous sommes un Peuple de pécheurs pardonnés, qui ont toujours besoin de revenir à la source qu’est Jésus et de se remettre sur les chemins de l’Esprit pour rejoindre tout le monde avec son Évangile. François d’Assise, à une époque de grandes luttes et de divisions entre les pouvoirs temporel et religieux, entre l’Église institutionnelle et les courants hérétiques, entre les chrétiens et les autres croyants, n’a critiqué ni critiqué personne, mais il a pris à bras le corps les armes de l’Évangile : l’humilité et l’unité, la prière et la charité. Faisons de même !

Et si le saint Peuple de Dieu, et ses pasteurs, partout dans le monde, nourrit des attentes, des espoirs et même quelques craintes à l’égard du Synode que nous commençons, souvenons-nous qu’il ne s’agit non pas d’un rassemblement politique, mais d’une convocation dans l’Esprit ; non pas d’un parlement polarisé, mais d’un lieu de grâce et de communion. L’Esprit Saint brise souvent nos attentes pour créer quelque chose de nouveau qui dépasse nos prédictions et notre négativité. Ouvrons-nous à Lui et invoquons-Le, Lui le protagoniste, l’Esprit Saint. Et avec Lui, marchons, dans la confiance et la joie. 

 

 

Homélie du pape François durant la veillée œcuménique de prière

Homélie du pape François lors de la veillée œcuménique de prière par laquelle il demande à l’Esprit le don de l’écoute pour les participants au Synode : « Écoute de Dieu jusqu’à entendre avec Lui le cri du peuple ; écoute du peuple, jusqu’à y respirer la volonté à laquelle Dieu nous appelle »

VEILLÉE ŒCUMÉNIQUE DE PRIÈRE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Place Saint-Pierre
Samedi 30 septembre 2023

Voici le texte intégral:

« Together ». « Ensemble ». Comme la communauté chrétienne des premiers temps le jour de la Pentecôte ; comme un seul troupeau, aimé et rassemblé par un seul Pasteur, Jésus ; comme la grande foule de l’Apocalypse, nous sommes ici, frères et sœurs « de toutes nations, tribus, peuples et langues » (Ap 7, 9), provenant de communautés et de pays différents, filles et fils du même Père, animés par l’Esprit reçu au baptême, appelés à la même espérance (cf. Ep 4, 4-5).

Merci pour votre présence. Merci à la communauté de Taizé pour cette initiative. Je salue très chaleureusement les chefs d’Églises, les responsables et les délégations des différentes traditions chrétiennes, et je vous salue tous, en particulier les jeunes : merci. Merci d’être venus prier pour nous et avec nous, à Rome, avant l’Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, à la veille de la retraite spirituelle qui la précède. « Syn-odos » : marchons ensemble, pas seulement les catholiques, mais tous les chrétiens, tout le peuple des baptisés, tout le Peuple de Dieu, parce que « seul l’ensemble peut être l’unité de tous » (J.A. Möhler, Symbolik oder Darstellung der dogmatischen Gegensätze der Katholiken und Protestanten nach ihren öffentlichen Bekenntnisschriften, II, Köln-Olten 1961, 698).

Comme la grande foule de l’Apocalypse, nous avons prié en silence, en écoutant un « grand silence » (cf. Ap 8, 1). Et le silence est important, il est puissant : il peut exprimer une douleur indicible face au malheur, mais aussi, dans les moments de joie, une allégresse qui dépasse les mots. C’est pourquoi je voudrais réfléchir brièvement avec vous sur son importance dans la vie du croyant, dans la vie de l’Église et dans le chemin d’unité des chrétiens. L’importance du silence.

Premièrement, le silence est essentiel dans la vie du croyant. En effet, il se trouve au début et à la fin de l’existence terrestre du Christ. Le Verbe, la Parole du Père, s’est fait « silence » dans la mangeoire et sur la croix, dans la nuit de la Nativité et dans celle de Pâques. Ce soir, nous, chrétiens, nous nous tenons en silence devant le Crucifix de Saint-Damien, comme des disciples à l’écoute devant la croix, qui est la cathèdre du Maître. Notre silence n’a pas été vide, mais a été un moment rempli de foi, d’attente et de disponibilité. Dans un monde plein de bruit, nous ne sommes plus habitués au silence, et nous avons même parfois du mal à le supporter parce qu’il nous met face à Dieu et face à nous-mêmes.Et pourtant, il est le fondement de la parole et de la vie. Saint Paul dit que le mystère du Verbe incarné a été « gardé depuis toujours dans le silence » (Rm 16, 25), il nous enseigne que le silence garde le mystère, comme Abraham gardait l’Alliance, comme Marie gardait dans son sein et méditait dans son cœur la vie de son Fils (cf. Lc 1, 31 ; 2, 19 51). Par ailleurs, la vérité n’a pas besoin de cris violents pour atteindre le cœur des hommes. Dieu n’aime pas les proclamations et les clameurs, le bavardage et le vacarme : Dieu préfère plutôt, comme il l’a fait avec Élie, parler dans le « murmure d’une brise légère » (1 R 19,12), dans un « fin silence sonore ». Et alors, nous aussi, comme Abraham, comme Élie, comme Marie, nous avons besoin de nous libérer de tant de bruits pour entendre sa voix. Car ce n’est que dans notre silence que sa Parole résonne.

Deuxièmement, le silence est essentiel dans la vie de l’Église. Les Actes des Apôtres racontent qu’après le discours de Pierre au Concile de Jérusalem, « toute la multitude garda le silence » (Ac 15, 12) en se préparant à recevoir le témoignage de Paul et de Barnabé sur les signes et les prodiges que Dieu avait accomplis parmi les nations. Et cela nous rappelle que le silence dans la communauté ecclésiale rend possible la communication fraternelle dans laquelle l’Esprit Saint harmonise les points de vue ; parce qu’Il est harmonie. Être synodal veut dire s’accueillir les uns les autres en ayant conscience que nous avons tous quelque chose à témoigner et à apprendre, en nous mettant ensemble à l’écoute de « l’Esprit de vérité » (Jn 14, 17) pour savoir ce qu’il « dit aux Églises » (Ap 2, 7). Et le silence permet justement le discernement, à travers l’écoute attentive des « gémissements inexprimables » (Rm 8, 26) de l’Esprit qui résonnent, souvent cachés, dans le Peuple de Dieu. Demandons donc à l’Esprit le don de l’écoute pour les participants au Synode : « Écoute de Dieu jusqu’à entendre avec Lui le cri du peuple ; écoute du peuple, jusqu’à y respirer la volonté à laquelle Dieu nous appelle » (Discours à l’occasion de la Veillée de prière préparatoire au Synode sur la Famille, 4 octobre 2014).

Enfin, troisièmement, le silence est essentiel sur le chemin de l’unité des chrétiens. En effet, il est fondamental pour la prière qui est le point de départ de l’œcuménisme et sans laquelle il est stérile. Jésus, en effet, a prié pour que ses disciples « soient un » (Jn 17, 21). Le silence qui devient prière permet d’accueillir le don de l’unité « comme le Christ la veut », « avec les moyens qu’il veut » (cf. P. Cᴏᴜᴛᴜʀɪᴇʀ, Prière pour l’unité), et non comme le fruit autonome de nos efforts et selon des critères purement humains. Plus nous nous tournons ensemble vers le Seigneur dans la prière, plus nous sentons que c’est Lui qui nous purifie et nous unit au-delà des différences. L’unité des chrétiens grandit dans le silence devant la croix, comme les semences que nous recevrons et qui représentent les différents dons accordés par l’Esprit Saint aux diverses traditions : nous avons le devoir de les semer, avec la certitude que Dieu seul donne la croissance (cf. 1 Co 3, 6). Elles seront un signe pour nous, appelés à notre tour à mourir silencieusement à l’égoïsme pour grandir, sous l’action de l’Esprit Saint, dans la communion avec Dieu et la fraternité entre nous.

C’est pourquoi, frères et sœurs, nous demandons dans la prière commune de réapprendre à faire silence : pour écouter la voix du Père, l’appel de Jésus et le gémissement de l’Esprit. Demandons que le Synode soit un kairós de fraternité, un lieu où l’Esprit Saint purifie l’Église des bavardages, des idéologies et des polarisations. Alors que nous nous dirigeons vers l’important anniversaire du grand Concile de Nicée, demandons de pouvoir adorer unis, et en silence comme les Mages, le mystère du Dieu fait homme, certains que, plus nous serons proches du Christ, plus nous serons unis entre nous. Et comme les sages d’Orient furent conduits à Bethléem par une étoile, que la lumière céleste nous guide vers l’unique Seigneur et vers l’unité pour laquelle Il a prié. Frères et sœurs, mettons-nous en route ensemble, désireux de le rencontrer, de l’adorer et de l’annoncer « pour que le monde croie » (Jn 17, 21).

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

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