Audience générale du pape François – mercredi 28 février 2024

Caïn et Abel, panneau d’ivoire provenant de la cathédrale de Salerne, vers 1084. Musée du Louvre. Wikimedia Commons.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François s’est penché sur les deux vices que sont l’envie et la vanité. Au sujet de l’envie, il a déclaré : « À la racine de ce vice, il y a une fausse idée de Dieu : nous n’acceptons pas que Dieu ait sa propre « mathématique », différente de la nôtre. »

Lisez le texte intégral ci-dessous. Vous pouvez également regarder l’intégralité de l’émission ce soir à 19h30 HE soit 16h30 HP sur Sel + Lumière TV et sur Sel + Lumière Plus.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui nous examinons deux vices capitaux que nous trouvons dans les grands inventaires que la tradition spirituelle nous a laissés : l’envie et la vaine gloire.

Commençons par l’envie. Si nous lisons les Saintes Écritures (cf. Gn 4), elle nous apparaît comme l’un des vices les plus anciens : la haine de Caïn envers Abel se déchaîne lorsqu’il se rend compte que les sacrifices de son frère plaisent à Dieu. Caïn était le fils aîné d’Adam et Eve, il avait pris la plus grande part de l’héritage de son père ; pourtant, il suffit qu’Abel, son jeune frère, réussisse un petit exploit pour que Caïn se mette en colère. La tête de l’envieux est toujours triste : son regard est baissé, il semble continuellement sonder le sol, mais en réalité il ne voit rien, car son esprit est enveloppé de pensées pleines de méchanceté. L’envie, si elle n’est pas maîtrisée, conduit à la haine de l’autre. Abel sera tué par Caïn, qui n’a pas supporté le bonheur de son frère.

L’envie est un mal qui n’a pas seulement été étudié en contexte chrétien : elle a attiré l’attention de philosophes et d’érudits de toutes cultures. À la base, il y a une relation de haine et d’amour : l’un veut le mal de l’autre, mais secrètement, il souhaite lui ressembler. L’autre est l’épiphanie de ce que nous voudrions être, et qu’en réalité nous ne sommes pas. Sa bonne fortune nous semble une injustice : nous aurions sûrement – pensons-nous – mérité bien davantage ses succès ou sa bonne fortune !

À la base de ce vice, il y a une fausse idée de Dieu : on n’accepte pas que Dieu ait ses propres « mathématiques », différentes des nôtres. Par exemple, dans la parabole de Jésus sur les ouvriers appelés par le maître à aller à la vigne à différents moments de la journée, ceux de la première heure croient avoir droit à un salaire plus élevé que ceux qui sont arrivés en dernier ; mais le maître leur donne à tous le même salaire, et dit : « N’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ? Ou alors es-tu envieux parce que moi je suis bon ? » (Mt 20,15). Nous voudrions imposer à Dieu notre logique égoïste, mais la logique de Dieu est l’amour. Les biens qu’il nous donne sont faits pour être partagés. C’est pourquoi saint Paul exhorte les chrétiens : « Soyez unis les uns aux autres par l’affection fraternelle, rivalisez de respect les uns pour les autres » (Rm 12,10). Voilà le remède à l’envie !

Et nous arrivons au deuxième vice que nous examinons aujourd’hui : la vaine gloire. Elle va de pair avec le démon de l’envie et, ensemble, ces deux vices sont caractéristiques d’une personne qui aspire à être le centre du monde, libre d’exploiter tout et tout le monde, objet de toutes les louanges et de tous les amours. La vaine gloire est une estime de soi exagérée et sans fondement. Le vantard possède un « moi » encombrant : il n’a aucune empathie et ne se rend pas compte qu’il existe d’autres personnes que lui dans le monde. Ses relations sont toujours instrumentales, marquées par la prévarication de l’autre. Sa personne, ses réalisations, ses succès doivent être montrés à tous : c’est un perpétuel mendiant d’attention. Et si des fois ses qualités ne sont pas reconnues, il se met dans une colère féroce. Les autres sont injustes, ils ne comprennent pas, ils ne sont pas à la hauteur. Dans ses écrits, Évagre le Pontique décrit l’amère histoire de certains moines frappés par la vanité. Il arrive qu’après ses premiers succès dans la vie spirituelle, il se sente déjà arrivé et se précipite dans le monde pour en recevoir les louanges. Mais il ne réalise pas qu’il n’est qu’au début du voyage spirituel et qu’une tentation le guette, qui le fera bientôt tomber.

Pour guérir le vantard, les maîtres spirituels ne proposent pas beaucoup de remèdes. Car au fond, le mal de la vanité a son remède en lui-même : les louanges que l’orgueilleux espérait récolter du monde se retourneront bientôt contre lui. Et combien de personnes, trompées par une fausse image d’elles-mêmes, sont ensuite tombées dans des péchés dont elles auraient bientôt eu honte !

Le meilleur enseignement pour vaincre la vanité se trouve dans le témoignage de Saint Paul. L’apôtre s’est toujours heurté à un défaut qu’il n’a jamais pu surmonter. À trois reprises, il demanda au Seigneur de le délivrer de ce tourment, mais finalement Jésus lui répondit : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse ». Depuis ce jour, Paul a été libéré. Et sa conclusion devrait aussi devenir la nôtre : « C’est donc très volontiers que je mettrai plutôt ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure » (2 Co 12,9).

 

APPEL

Le 1er mars marquera le 25e anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel, qui continuent de frapper des civils innocents, en particulier des enfants, de nombreuses années après la fin des hostilités. J’exprime ma proximité aux nombreuses victimes de ces engins sournois, qui nous rappellent la cruauté dramatique des guerres et le prix que les populations civiles sont contraintes de payer. À cet égard, je remercie tous ceux qui contribuent à l’assistance aux victimes et au déminage des zones infestées. Leur travail est une réponse concrète à l’appel universel à être des artisans de paix, en prenant soin de nos frères et sœurs.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

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