Homélie du pape François lors de la Messe au Centre d’Études de Ecatepec, Mexique

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Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie du pape François lors de la Messe au Centre d’Études de Ecatepec au Mexique:

Mercredi dernier nous avons commencé le temps liturgique du Carême où l’Église nous invite à nous préparer à célébrer la grande fête de Pâques. C’est un temps spécial pour rappeler le don de notre baptême, lorsque nous avons été faits enfants de Dieu. L’Église nous invite à raviver le don qui nous a été fait, pour ne pas le laisser endormi comme une chose du passé, ou dans quelque « tiroir aux souvenirs ». Ce temps du Carême est un moment favorable pour retrouver la joie et l’espérance que nous ressentons du fait d’être enfants aimés du Père. Ce Père qui nous attend pour nous enlever les vêtements de la fatigue, de l’apathie, de la méfiance, et nous revêtir de la dignité que seuls un vrai père ou une vraie mère savent donner à leurs enfants, les vêtements qui naissent de la tendresse et de l’amour.

Notre Père est le Père d’une grande famille, il est notre Père. Il sait nourrir un amour unique mais ne sait engendrer ni éduquer des « fils uniques ». C’est un Dieu qui sait ce qu’est le foyer, la fraternité, le pain rompu et partagé. Il est le Dieu du « Notre Père », non pas du « Mon Père », ni du « Votre Père ». 

En chacun de nous se trouve, vit ce rêve de Dieu qu’à chaque Pâques, dans chaque Eucharistie nous célébrons de nouveau : nous sommes enfants de Dieu. Rêve que beaucoup de nos frères ont vécu tout au long de l’histoire. Rêve dont ont témoigné beaucoup de martyrs d’hier et Capture d’écran 2016-02-14 à 12.55.13d’aujourd’hui, en versant leur sang. 

Le Carême est un temps de conversion parce que nous faisons quotidiennement l’expérience dans notre vie de la façon dont ce rêve est sans cesse menacé par le père du mensonge, par celui qui cherche à nous séparer, en créant une société divisée et qui s’affronte. Une société d’un petit nombre et pour un petit nombre. Que de fois ne faisons-nous l’expérience dans notre chair, ou dans notre famille, à travers nos amis ou nos voisins, de la douleur qui naît de ne pas voir reconnue cette dignité que nous portons tous en nous ! Que de fois n’avons-nous pas dû pleurer et regretter de ne nous être pas rendu compte que nous n’avons pas reconnu cette dignité dans les autres ! Que de fois  – et je le dis avec douleur – ne sommes-nous pas aveugles et insensibles devant le manque de reconnaissance de notre propre dignité et de celle d’autrui ! 

Le Carême est un temps pour ajuster les sens, ouvrir les yeux devant tant d’injustices qui portent atteinte directement au rêve et au projet de Dieu. C’est un temps pour démasquer ces trois grandes formes de tentations qui brisent, divisent l’image que Dieu a voulu former.

Trois tentations du Christ…

Trois tentations du chrétien qui essayent de détruire la vérité à laquelle nous avons été appelés.

Trois tentations qui cherchent à dégrader et à nous dégrader.

  1. La richesse, en nous appropriant de biens qui ont été donnés à tous, les utilisant seulement pour moi ou ‘‘pour les miens’’. C’est avoir le « pain » à la sueur du front de l’autre, voire au prix de sa vie. Cette richesse, qui est un pain au goût de douleur, d’amertume, de souffrance. Dans une famille ou une société corrompue, c’est le pain que l’on donne à manger à ses propres enfants. 
  2. La vanité ; elle est la recherche de prestige sur la base de la disqualification continuelle et constante de ceux qui « ne sont pas comme nous ». La recherche exacerbée de ces cinq minutes de gloire, qui ne supporte pas la « gloire » des autres. « Transformant l’arbre tombé en bois de chauffage», elle conduit  à la troisièmetentation :
  3. L’orgueil ; c’est-à-dire se mettre sur un plan de supériorité en tout genre, sentant qu’on ne partage pas ‘‘la vie du commun des mortels’’, et prier tous les jours : « Merci Seigneur parce que tu ne m’as pas fait comme eux ». 

Capture d’écran 2016-02-14 à 12.54.54Trois tentations du Christ…

Trois tentations que le chrétien affronte tous les jours.

Trois tentations qui cherchent à dégrader, détruire et ôter la joie ainsi que la fraîcheur de l’Évangile ; qui nous enferment dans un cercle de destruction et de péché.

Il vaut donc la peine de nous demander :

Jusqu’à quel point sommes-nous conscients de ces tentations dans notre personne, en nous-mêmes ? Jusqu’à quel point sommes-nous habitués à un style de vie qui pense que dans la richesse, dans la vanité et dans l’orgueil se trouvent la source et la force de la vie ? Jusqu’à quel point croyons-nous que l’attention à l’autre, notre souci  et occupation pour le pain, pour le nom et pour la dignité des autres sont source de joie et d’espérance ?

Nous avons choisi Jésus et non le démon, nous voulons suivre ses traces, mais nous savons que ce n’est pas facile. Nous savons ce que signifie être séduit par l’argent, la gloire et le pouvoir. C’est pourquoi l’Église nous offre ce temps, elle nous invite à la conversion avec une seule certitude : Lui nous attend et il veut guérir nos cœurs de tout ce qui le dégrade, en étant dégradé ou en dégradant. Il est le Dieu qui porte un nom : miséricorde. Son nom est notre richesse, son nom est notre gloire, son nom est notre pouvoir et en son nom, une fois de plus, nous redisons avec le Psaume : « Tu es mon Dieu, en toi j’ai mis ma confiance ». Nous pouvons le répéter ensemble « Tu es mon Dieu, en toi j’ai mis ma confiance ».

Qu’en cette Eucharistie le Saint Esprit renouvelle en nous la certitude que son Nom est miséricorde et qu’il nous fasse expérimenter chaque jour que « la joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus… Avec Jésus-Christ la joie naît et renaît toujours » (Evangelii gaudium, n. 1).

Devenir « Église en sortie » avec l’AECQ

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Le 26 janvier dernier, le Conseil Communauté et Ministère de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec publiait un document intitulé « Le tournant missionnaire des communautés chrétiennes. Devenir une « Église en sortie » à la suite de La Joie de l’Évangile ». Comme son nom l’indique, ce document offre une réflexion détaillée sur les modalités particulières de la conversion missionnaire de l’Église au Québec. Ainsi, le document, fruit d’une session d’étude et de réflexion qui a eu lieu à Trois-Rivières les 12 et 13 mars 2014, invite le lecteur à s’interroger sur les différents niveaux de changement qu’une telle conversion implique.

Ce document disponible sur le site de l’AECQ propose d’abord une relecture de l’exhortation apostolique du pape François Evangelii Gaudium afin d’y puiser les intuitions fondamentales qui doivent guider notre réflexion. Cette section un peu plus « théorique » nous invite donc à une démarche de « purification » au sens où nous devons sortir du « pessimisme, du fatalisme et de la méfiance. [En effet] certaines personnes ne se donnent pas à la mission, car elles croient que rien ne peut changer et pour elles, il est alors inutile de fournir des efforts » (EG no 175). Accepter d’être missionnaire signifie accepter de nous donner sans compter, offrir nos services au Seigneur sans s’attendre à trop de reconnaissance et sachant que les résultats ne seront peut-être jamais visibles pour nous. Cette conversion intérieure, qui manifeste pleinement que nous avons accepté d’être les instruments de l’Esprit Saint c’est-à-dire de Celui qui ne cherche pas à attirer l’attention, ne doit cependant pas se limiter à notre vie spirituelle. Elle doit aussi prendre forme dans notre propre conception de nous-mêmes comme Église.

Le document propose dans un deuxième temps une réflexion sur le constat de l’Église et de la société québécoise dans son ensemble. Comme on le dit souvent : « pour savoir où l’on va il faut savoir d’où on vient ». Bien qu’il est évident que l’histoire du Québec et l’histoire de l’Église sont intimement liées, il est également évident que les 50 dernières années ont été marquées par une fracture de plus en plus grande entre l’Église et la société québécoise. Ce passé de « chrétienté » étant bel et bien derrière nous, il est nécessaire de, non pas nous jeter dans le vide spirituel actuel, mais de revisiter nos fondateurs. En effet, comme l’a dit le pape François lors de la Messe d’action de Grâce pour la canonisation de Sainte Marie de l’Incarnation et Saint François de Laval, il est essentiel qu’aujourd’hui nous fassions :

« Mémoire de ceux qui nous ont précédés, de ceux qui ont fondé notre Église. Église féconde que celle du Québec ! Féconde de nombreux missionnaires qui sont allés partout. Le monde a été rempli de missionnaires canadiens comme ces deux-ci. Maintenant un conseil : que cette mémoire ne nous conduise pas à abandonner la franchise et le courage. Peut-être – ou plutôt non,  sans peut-être ! – le diable est jaloux et il ne tolère pas qu’une terre soit ainsi féconde de missionnaires. Prions le Seigneur pour que le Québec revienne sur ce chemin de la fécondité, pour donner au monde de nombreux missionnaires. Que ces deux-ci qui ont – pour ainsi dire – fondé l’Église du Québec, nous aident comme intercesseurs. Que la graine semée croisse et donne comme fruit de nouveaux hommes et femmes courageux, clairvoyants, avec le cœur ouvert à l’appel du Seigneur. Aujourd’hui, on doit demander cela pour votre pays. Eux, du ciel, seront nos intercesseurs. Que le Québec redevienne cette source de bons et de saints missionnaires. »

Revisiter nos fondateurs afin de nous laisser inspirer et, je dirais même, imbiber de leur zèle missionnaire. Seulement ainsi serons-nous en mesure d’effectuer cette transition douloureuse qu’impose la situation actuelle puisque nous garderons en tête que « le salut des âmes est, dans l’Église, la loi suprême »(no1752) qui doit guider notre agir.

Je vous invite à lire et méditer ce document du Conseil Communautés et Ministères de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec. Tant par sa réflexion fondamentale que par son souci de trouver des solutions aux problèmes concrets qui affectent l’Église de chez nous, ce document vous permettra d’approfondir votre réflexion sur la conversion missionnaire de l’Église tout en vous donnant des pistes pour mettre cette dernière en pratique. D’ici là, sachez que nous avons reçu Mgr Alain Faubert en studio et nous serons en mesure de vous présenter cette entrevue dans les semaines à venir dans le cadre de notre nouvelle émission « Église en Sortie ».

Église en sortie 5 février 2016

Cette semaine à l‘émission Église en Sortie, Francis Denis reçoit l’abbé Claude Paradis, prêtre de l’Archidiocèse de Montréal responsable de « Notre-Dame de la rue » un organisme qui vient en aide aux sans abris du centre-ville de Montréal. Nous vous présentons un reportage sur l’ouverture de la Porte de la Miséricorde à la cathédrale Marie-Reine-du-Monde de Montréal suivi d’un entretien avec Mgr Christian Lépine, Archevêque de Montréal à propos du Jubilé extraordinaire 2016 et des œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles.

Le pape François, un jésuite profondément ignatien

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Par le père Schineller, s.j.                                                                               Photo : CNS/Paul Haring

Un premier Pape jésuite ! Maintenant que nous nous sommes remis de la surprise et de l’onde de choc que cette nouvelle a suscitées, qu’est-ce que cela signifie ? De quelle façon pouvons-nous dire que le pape François est, à la fois, profondément ignatien et jésuite ? Je vois un lien entre François et Saint Ignace, un lien que François lui-même a reconnu publiquement. On trouve son affirmation originale dans la phrase latine, difficilement traduisible, et que le Pape a utilisée à plusieurs reprises : « Non coerceri maximo, contineri tamen a minimo, divinum est » ce qui signifie « Être contenu par le plus petit, c’est cela qui est divin ».

Cette maxime fut composée en 1640 dans le but de décrire le mieux possible le génie de Saint Ignace, sa capacité à garder ensemble le petit et le grand, le global et le local dans une tension qui, à première vue, les opposent. Saint Ignace, dans sa vision globale et son désir de mettre le feu au monde, a pu passer les seize dernières années de sa vie à travailler dans sa chambre de Rome à écrire la constitution des Jésuites. En ce sens, le spécialiste de la pensée ignatienne Hugo Rahner a écrit à propos de cette maxime « qu’aucune description d’Ignace n’a jamais égalé ces mots ».

Le fait que le pape François cite cette maxime manifeste, je crois, la manière dont il perçoit lui-même sa relation avec l’esprit et le cœur de Saint Ignace. Le pape essaie de garder à l’esprit, à la fois, une vision d’ensemble et des rêves grandioses avec une attention particulière pour les pauvres et ceux qui sont dans les périphéries en étant au service des plus vulnérables et ceux qui sont dans le besoin. Ainsi, dans un essai de 1981 intitulé « Leadership, les petits détails d’une vision globale », Bergoglio écrit que, dans cette même maxime « « Non coerceri maximo, contineri tamen a minimo, divinum est », on trouve un heureux équilibre dans l’attitude à avoir devant les petites et les grandes choses ». Il explique que Saint Ignace était en mesure de combiner la sévérité et la douceur, la rigueur et la gentillesse. Il a toujours été prêt à faire des exceptions. La clef de ce discernement était, dans un premier temps, de savoir juger ce qui est grand et ce qui est petit pour ensuite corriger le grand et le brillant pour qu’il n’oublie pas le petit. C’est de cette façon qu’il est possible de garder à l’esprit le tout, la vision globale.

Dans son livre « Esprit ouvert, cœurs fidèles », écrit alors qu’il était encore Archevêque, Bergoglio parle ainsi contre l’aphasie : «  Occasionnellement, cette attitude se révèle en ceux qui élaborent de magnifiques plans sans se soucier des moyens concrets pour les réaliser. De la même manière, on voit cela chez ceux qui deviennent tellement accaparés par les petits détails de chaque moment qu’ils ne peuvent plus voir au-delà de ces derniers et contempler le grand plan de Dieu. Nous faisons bien de rappeler l’épigraphe attribuée à Saint Ignace : « ne pas être accaparé par ce qui est le plus grand alors que nous devons être attentif à ce qui est le plus petit, voilà ce qui est divin ». [Read more…]

Message du pape François pour le Carême 2016

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«C’est la miséricorde que je veux, et non les sacrifices»(Mt 9,13) Les œuvres de miséricorde dans le parcours jubilaire

1. Marie, icône d’une Eglise qui évangélise parce qu’elle a été évangélisée

Dans la Bulle d’indiction du Jubilé, j’ai invité à faire en sorte que « le Carême de cette Année Jubilaire [soit] vécu plus intensément comme un temps fort pour célébrer et expérimenter la miséricorde de Dieu » ( Misericordiae vultus, n. 17). Par le rappel de l’écoute de la Parole de Dieu et l’initiative « 24 heures pour le Seigneur », j’ai voulu souligner la primauté de l’écoute priante de la Parole, plus particulièrement de la Parole prophétique. La miséricorde de Dieu est certes une annonce faite au monde: cependant chaque chrétien est appelé à en faire l’expérience personnellement. C’est pourquoi, en ce temps de Carême, j’enverrai les Missionnaires de la

Miséricorde afin qu’ils soient pour tous un signe concret de la proximité et du pardon de Dieu. Parce qu’elle a accueilli la Bonne Nouvelle annoncée par l’archange Gabriel, Marie chante prophétiquement dans son Magnificat la miséricorde par laquelle Dieu l’a choisie. La Vierge de Nazareth, promise comme épouse à Joseph, devient ainsi l’icône parfaite de l’Eglise qui évangélise car elle a été et demeure constamment évangélisée par l’œuvre de l’Esprit Saint qui a fécondé son sein virginal. Dans la tradition prophétique – et déjà au niveau étymologique – la miséricorde est étroitement liée aux entrailles maternelles (rahamim) et à une bonté généreuse, fidèle et compatissante (hesed) qui s’exerce dans les relations conjugales et parentales.

2. L’alliance de Dieu avec les hommes : une histoire de miséricorde

Le mystère de la miséricorde divine se dévoile au cours de l’histoire de l’alliance entre Dieu et son peuple Israël. Dieu, en effet, se montre toujours riche en miséricorde, prêt à reverser sur lui en toutes circonstances une tendresse et une compassion viscérales, particulièrement dans les moments les plus dramatiques, lorsque l’infidélité brise le lien du pacte et que l’alliance requiert d’être ratifiée de façon plus stable dans la justice et dans la vérité. Nous nous trouvons ici face à un véritable drame d’amour où Dieu joue le rôle du père et du mari trompé, et Israël celui du fils ou de la fille, et de l’épouse infidèles. Ce sont les images familières, comme nous le voyons avec Osée (cf. Os 1-2), qui expriment jusqu’à quel point Dieu veut se lier à son peuple.

Ce drame d’amour atteint son point culminant dans le Fils qui s’est fait homme. Dieu répand en lui sa miséricorde sans limites, au point d’en faire la « Miséricorde incarnée » (Misericordiae Vultus, n. 8). En tant qu’homme, Jésus de Nazareth est fils d’Israël dans le plein sens du terme. Il l’est au point d’incarner cette écoute parfaite de Dieu demandée à tout Juif par le Shemà qui constitue, aujourd’hui encore, le cœur de l’alliance de Dieu avec Israël : « Ecoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes forces » (Dt 6, 4-5). Le Fils de Dieu est l’Epoux qui met tout en œuvre pour conquérir l’amour de son Epouse. Il lui est lié par son amour inconditionnel qui se manifeste dans les noces éternelles avec elle.

Ceci constitue le cœur vibrant du kérygme apostolique où la miséricorde divine tient une place centrale et fondamentale. Il est « la beauté de l’amour salvifique de Dieu manifesté en Jésus-Christ, mort et ressuscité » (Exhort. apost. Evangelii gaudium, n. 36), cette première annonce « que l’on doit toujours écouter de nouveau de différentes façons, et que l’on doit toujours annoncer de nouveau durant la catéchèse » (Ibid., n. 164). La miséricorde alors « illustre le comportement de Dieu envers le pécheur, lui offrant une nouvelle possibilité de se repentir, de se convertir et de croire » (Misericordiae vultus, n. 21), restaurant vraiment ainsi la relation avec Lui. En Jésus Crucifié, Dieu veut rejoindre l’homme pécheur jusque dans son éloignement le plus extrême, précisément là où il s’est égaré et éloigné de Lui. Et ceci, il le fait dans l’espoir de réussir finalement à toucher le cœur endurci de son Épouse.

3. Les œuvres de miséricorde

La miséricorde de Dieu transforme le cœur de l’homme et lui fait expérimenter un amour fidèle qui le rend capable d’être, à son tour, miséricordieux. C’est à chaque fois un miracle que la miséricorde divine puisse se répandre dans la vie de chacun de nous, en nous incitant à l’amour du prochain et en suscitant ce que la tradition de l’Eglise nomme les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. Elles nous rappellent que notre foi se traduit par des actes concrets et quotidiens, destinés à aider notre prochain corporellement et spirituellement, et sur lesquels nous serons jugés : le nourrir, le visiter, le réconforter, l’éduquer. C’est pourquoi j’ai souhaité que « le peuple chrétien réfléchisse durant le Jubilé sur les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. Ce sera une façon de réveiller notre conscience souvent endormie face au drame de la pauvreté, et de pénétrer toujours davantage le cœur de l’Evangile, où les pauvres sont les destinataires privilégiés de la miséricorde divine » (Ibid., n. 15). Dans la personne du pauvre, en effet, la chair du Christ « devient de nouveau visible en tant que corps torturé, blessé, flagellé, affamé, égaré… pour être reconnu par nous, touché et assisté avec soin » (Ibid.). Inouï et scandaleux mystère qui prolonge dans l’Histoire la souffrance de l’Agneau innocent, buisson ardent brûlant d’un amour gratuit, et devant lequel nous ne pouvons, à la suite de Moïse, qu’ôter nos sandales (cf. Ex 3,5) ; et ceci plus encore quand ce pauvre est notre frère ou notre sœur en Christ qui souffre à cause de sa foi.

Face à cet amour, fort comme la mort (cf. Ct 8,6), le pauvre le plus misérable est celui qui n’accepte pas de se reconnaître comme tel. Il croit être riche mais, en réalité, il est le plus pauvre des pauvres. Et s’il est tel, c’est parce qu’il est esclave du péché qui le pousse à user de la richesse et du pouvoir non pas pour servir Dieu et les autres, mais pour étouffer en lui l’intime conviction de n’être, lui aussi, rien d’autre qu’un pauvre mendiant. D’autant plus grands sont le pouvoir et les richesses dont il dispose, d’autant plus grand est le risque que cet aveuglement devienne mensonger. Il en vient à ne même plus vouloir voir le pauvre Lazare qui mendie à la porte de sa maison (cf. Lc 16, 20-21), figure du Christ qui, dans les pauvres, mendie notre conversion. Lazare est cette opportunité de nous convertir que Dieu nous offre et que peut-être nous ne voyons pas. Cet aveuglement est accompagné d’un délire orgueilleux de toute-puissance, dans lequel résonne, de manière sinistre, ce démoniaque « vous serez comme des dieux » (Gn 3,5), qui est à la racine de tout péché. Un tel délire peut également devenir un phénomène social et politique, comme l’ont montré les totalitarismes du XXème siècle, et comme le montrent actuellement les idéologies de la pensée unique et celles de la technoscience qui prétendent réduire Dieu à l’insignifiance et les hommes à des masses qu’on peut manipuler. Ceci, de nos jours, peut être également illustré par les structures de péché liées à un modèle erroné de développement fondé sur l’idolâtrie de l’argent qui rend indifférentes au destin des pauvres les personnes et les sociétés les plus riches, qui leur ferment les portes, refusant même de les voir.

Pour tous, le Carême de cette Année jubilaire est donc un temps favorable qui permet finalement de sortir de notre aliénation existentielle grâce à l’écoute de la Parole et aux œuvres de miséricorde. Si à travers les œuvres corporelles nous touchons la chair du Christ dans nos frères et nos sœurs qui ont besoin d’être nourris, vêtus, hébergés, visités, les œuvres spirituelles, quant à elles, – conseiller, enseigner, pardonner, avertir, prier – touchent plus directement notre condition de pécheurs. C’est pourquoi les œuvres corporelles et les œuvres spirituelles ne doivent jamais être séparées. En effet, c’est justement en touchant la chair de Jésus Crucifié dans le plus nécessiteux que le pécheur peut recevoir en don la conscience de ne se savoir lui-même rien d’autre qu’un pauvre mendiant. Grâce à cette voie, « les hommes au cœur superbe », « les puissants » et « les riches », dont parle le Magnificat ont la possibilité de reconnaître qu’ils sont, eux aussi, aimés de façon imméritée par le Christ Crucifié, mort et ressuscité également pour eux. Cet amour constitue la seule réponse à cette soif de bonheur et d’amour infinis que l’homme croit à tort pouvoir combler au moyen des idoles du savoir, du pouvoir et de l’avoir. Mais il existe toujours le danger qu’à cause d’une fermeture toujours plus hermétique à l’égard du Christ, qui dans la personne du pauvre continue à frapper à la porte de leur cœur, les hommes au cœur superbe, les riches et les puissants finissent par se condamner eux-mêmes à sombrer dans cet abîme éternel de solitude qu’est l’enfer. C’est alors que résonnent à nouveau, pour eux comme pour nous tous, les paroles ardentes d’Abraham : « Ils ont Moïse et les Prophètes, qu’ils les écoutent ! » (Lc 16,29). Cette écoute agissante nous préparera le mieux à fêter la victoire définitive sur le péché et sur la mort de l’Epoux qui est désormais ressuscité, et qui désire purifier sa future Épouse dans l’attente de son retour.

Ne laissons pas passer en vain ce temps de Carême favorable à la conversion ! Nous le demandons par l’intercession maternelle de la Vierge Marie, qui, la première, face à la grandeur de la miséricorde divine dont elle a bénéficié gratuitement, a reconnu sa propre petitesse (cf. Lc 1,48) en se reconnaissant comme l’humble Servante du Seigneur (cf. Lc 1,38).

FRANCISCUS

Du Vatican, 4 octobre 2015

Fête de Saint-François d’Assise

Message du pape François pour la 50e journée des communications sociales

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(Photo: Courtoisie Catholic News Service)

Vous trouverez ci-dessous le texte complet du message du pape François pour la 50e journée des communications sociales:

Communication et miséricorde: une rencontre féconde

Chers frères et sœurs,

L’Année Sainte de la Miséricorde nous invite à réfléchir sur le rapport entre communication et miséricorde. En effet l’Église, unie au Christ, incarnation vivante de Dieu Miséricordieux, est appelée à vivre la miséricorde comme un trait distinctif de tout son être et de tout son agir. Ce que nous disons et la manière dont nous le disons, chaque parole et chaque geste, devrait pouvoir exprimer la compassion, la tendresse et le pardon de Dieu pour tous. L’amour, par nature, est communication, il conduit à s’ouvrir et non pas à s’isoler. Et si notre cœur et nos gestes sont animés par la charité, par l’amour divin, notre communication sera porteuse de la force de Dieu.

En tant qu’enfants de Dieu, nous sommes appelés à communiquer avec tous, sans exclusion. En particulier, c’est le propre du langage et des actions de l’Église que de transmettre la miséricorde, en sorte de toucher les cœurs des personnes et de les soutenir sur le chemin vers la plénitude de la vie que Jésus Christ, envoyé par le Père, est venu apporter à tous. Il s’agit d’accueillir en nous et de répandre autour de nous la chaleur de l’Église Mère, pour que Jésus soit connu et aimé ; cette chaleur qui donne consistance aux paroles de la foi et qui allume dans la prédication et dans le témoignage l’ « étincelle » qui les rend vivantes.

La communication a le pouvoir de créer des ponts, de favoriser la rencontre et l’inclusion, enrichissant ainsi la société. Comme il est beau de voir des personnes engagées à choisir avec soin des paroles et des gestes pour dépasser les incompréhensions, guérir la mémoire blessée et construire la paix et l’harmonie. Les paroles peuvent jeter des ponts entre les personnes, les familles, les groupes sociaux, les peuples ; que ce soit dans le domaine physique ou dans le domaine numérique. Que les paroles et les actions soient donc telles qu’elles nous aident à sortir des cercles vicieux des condamnations et des vengeances, qui continuent à piéger les individus et les nations, et qui conduisent à s’exprimer avec des messages de haine. La parole du chrétien, au contraire, se propose de faire grandir la communion et, même quand il faut condamner le mal avec fermeté, elle cherche à ne jamais briser la relation et la communication.

Je voudrais donc inviter toutes les personnes de bonne volonté à redécouvrir le pouvoir de la miséricorde de guérir les relations déchirées, et de ramener la paix et l’harmonie entre les familles et dans les communautés. Nous savons tous de quelle manière les vieilles blessures et les ressentiments peuvent piéger les personnes et les empêcher de communiquer et de se réconcilier. Et ceci vaut aussi pour les relations entre les peuples. Dans tous ces cas, la miséricorde est capable de créer une nouvelle manière de parler et de dialoguer, comme l’a ainsi très bien exprimé Shakespeare : « La miséricorde n’est pas une obligation. Elle descend du ciel comme la fraîcheur de la pluie sur la terre. Elle est une double bénédiction : elle bénit celui qui la donne et celui qui la reçoit » (Le Marchand de Venise, Acte 4, Scène 1).

Il est souhaitable que le langage de la politique et de la diplomatie se laisse aussi inspirer par la miséricorde, qui ne donne jamais rien pour perdu. Je fais appel surtout à tous ceux qui ont des responsabilités institutionnelles, politiques et dans la formation de l’opinion publique, pour qu’ils soient toujours vigilants sur la manière de s’exprimer envers celui qui pense ou agit autrement, et aussi envers celui qui peut s’être trompé. Il est facile de céder à la tentation d’exploiter de semblables situations et d’alimenter ainsi les flammes de la défiance, de la peur, de la haine. Il faut au contraire du courage pour orienter les personnes dans des processus de réconciliation ; et c’est justement cette audace positive et créative qui offre de vraies solutions à de vieux conflits, et l’occasion de réaliser une paix durable. « Bienheureux les miséricordieux, parce qu’ils obtiendront miséricorde […] Bienheureux les artisans de paix, parce qu’ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 7.9).

Comme je voudrais que notre manière de communiquer, et aussi notre service de pasteurs dans l’Église, n’exprime jamais l’orgueil fier du triomphe sur un ennemi, ni n’humilie ceux que la mentalité du monde considère comme perdants et à rejeter ! La miséricorde peut aider à tempérer les adversités de la vie et à offrir de la chaleur à tous ceux qui ont seulement connu la froideur du jugement. Que le style de notre communication soit en mesure de dépasser la logique qui sépare nettement les pécheurs des justes. Nous pouvons et devons juger des situations de péché – violence, corruption, exploitation, etc. – mais nous ne pouvons pas juger les personnes, parce que seul Dieu peut lire en profondeur dans leur cœur. C’est notre devoir d’avertir celui qui se trompe, en dénonçant la méchanceté et l’injustice de certains comportements, afin de libérer les victimes et de soulager celui qui est tombé. L’Évangile de Jean nous rappelle que « La vérité vous rendra libres » (Jn 8, 32). Cette vérité est, en définitive, le Christ lui-même, dont la douce miséricorde est la mesure de notre manière d’annoncer la vérité et de condamner l’injustice. C’est notre principal devoir d’affirmer la vérité avec amour (Cf. Ep 4, 15). Seules les paroles prononcées avec amour et accompagnées de douceur et de miséricorde touchent les cœurs des pécheurs que nous sommes. Des paroles et des gestes durs ou moralisants risquent d’aliéner plus tard ceux que nous voudrions conduire à la conversion et à la liberté, en renforçant leur sens du refus et de la défense.

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Nous constaterons que nous ne sommes « plus qu’un ».

blog_1452869798(Photo: Courtoisie Catholic News Service)

Du 18 au 25 janvier 2016 aura lieu la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Pour l’occasion, toutes sortes d’activités de ressourcement et de prière œcuménique seront organisées partout dans le monde. Le thème de cette année, « Appelés à proclamer les hauts faits du Seigneur » (cf. 1 Pierre 2, 9) est selon moi très pertinent puisqu’il est facile de faire le lien avec, à la fois, l’année de la miséricorde décrétée par le pape François mais aussi avec la dimension missionnaire de la foi chrétienne. Pour bien vous préparer à cette semaine importante, je vous conseille de consulter ce que nous propose le document du Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens fait conjointement avec 
la Commission Foi et Constitution du Conseil œcuménique des Églises. Avant de s’y attarder plus longuement je voulais vous partager une expérience que j’ai vécu.

Il y a quelques semaines déjà, je suis allé à Québec par l’entremise de l’agence Amigo Express. Pour ceux qui ont déjà utilisé ce service, vous savez que la plupart du temps le voyage commence par la question : « Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? ». Après avoir répondu être journaliste catholique à Sel + Lumière, le conducteur et la passagère ont tous les deux répliqué qu’ils étaient chrétiens eux-aussi, spécifiant qu’ils étaient de dénomination protestante. Nous étions donc trois personnes réunies complètement « par hasard » mais le simple fait de nous savoir chrétiens nous a permis d’échanger sur notre foi et toutes sortes de sujets de société. Je me suis alors rendu compte à quel point les circonstances du monde actuel sont favorables à l’œcuménisme et à l’unité des chrétiens. Notre société n’étant plus chrétienne, le dialogue peut se faire de manière beaucoup plus libre puisque nous n’avons plus vraiment d’intérêt humain à protéger. Selon moi, cela montre que nous avons comme personne et institution atteint une qualité de liberté qui s’approche de plus en plus de la véritable liberté évangélique nécessaire à l’acceptation de la plénitude de la Révélation. C’est ainsi qu’à la fin du voyage, au lieu de leur dire « au revoir » je leur ai dit « Dieu vous bénisse ». Mes interlocuteurs étaient très surpris de m’entendre parler un langage chrétien aussi ouvertement, surtout venant d’un catholique ! Toutefois, ils étaient heureux de la chose et m’ont souhaité la même bénédiction.

Comme je le disais au début, le thème de la semaine de cette année « Appelés à proclamer les hauts faits du Seigneur » (cf. 1 Pierre 2, 9) est fort adéquat puisqu’il manifeste le lien entre l’unité des chrétiens et la transformation missionnaire de l’Église. En effet, ce thème met l’emphase sur « l’appel » de tous les chrétiens. Cette dimension « vocationnelle » de l’unité des chrétiens manifeste bien que cette même unité est d’abord et avant tout un profond désir de Dieu. Cela nous aide donc à prendre conscience des racines humaines des divisions mais également de la priorité de la Grâce dans la construction de cette unité. Nous ne parviendrons à l’unité que si tous ensemble nous nous mettons à l’écoute de la Parole de Dieu d’une manière plus authentique. En ce sens, l’Église catholique ne parviendra à répondre adéquatement aux motions de Dieu que si elle oriente davantage sa pratique pastorale vers la mission. Par le fait même, elle aura mis l’accent sur le dialogue, la prière et l’action commune de tous les chrétiens.

La deuxième partie du thème de cette Semaine de prière pour l’unité des chrétiens souligne que notre appel consiste d’abord à « proclamer les hauts faits du Seigneur ». D’abord, cela signifie que nous devons prendre conscience que notre appel n’est pas de nous proclamer nous-mêmes comme personnes ou communauté mais d’attirer l’attention vers Dieu, vers Jésus. Loin des attitudes « autoréférentielles » (no 94-95) tant décriées par le pape François. Deuxièmement, cette décentralisation de nous-mêmes ne doit pas devenir culpabilisation ou honte de nous-mêmes mais bien manifestation des beautés que Dieu a faites pour nous et en nous. Nous avons tous raison de nous réjouir lorsque nous sommes heureux mais ce bonheur ne peut être authentique qu’en relation avec Celui qui nous donne l’existence et nous appelle à une communion avec Lui. Enfin, de ce témoignage des merveilles de la vie éternelle présentes dans notre vie et reçues par notre baptême, les chrétiens pourront être l’étincelle qui « mettra le feu » au monde. Un feu qui réchauffe et qui donne de l’énergie ! À Cela, de par leur baptême, tous les chrétiens peuvent y participer et, peut-être qu’un jour, alors que nous serons en chemin sans s’en rendre compte, nous nous constaterons que nous ne sommes « plus qu’un » (Jean 17, 11).

Message du pape François pour le Jubilé de la Miséricorde des jeunes garçons et filles

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Vous trouvez ci-dessous le texte complet du message du pape François pour le Jubilé de la Miséricorde des jeunes garçons et filles à Rome du 23 au 25 avril 2016:

Grandir en étant miséricordieux comme le Père

Chers jeunes,

l’Église vit l’Année Sainte de la Miséricorde, un temps de grâce, de paix, de conversion et de joie qui implique tout le monde : petits et grands, proches et lointains. Il n’y a pas de frontière ou de distance qui puissent empêcher la miséricorde du Père de nous rejoindre et de se rendre présente au milieu de nous. Désormais la Porte Sainte est ouverte à Rome et dans tous les diocèses du monde.

Ce temps précieux vous concerne vous aussi, chers jeunes garçons et filles, et je m’adresse à vous pour vous inviter à y prendre part, à en devenir les acteurs, vous découvrant enfants de Dieu (cf. 1 Jn 3, 1). Je voudrais vous appeler un par un, je voudrais vous appeler par votre nom, comme fait Jésus chaque jour, parce que vous savez bien que vos noms sont inscrits dans les cieux (Lc 10, 20), sont gravés dans le cœur du Père qui est le Cœur miséricordieux d’où naît toute réconciliation et toute douceur.

Le Jubilé est une année entière où chaque moment est dit saint afin que notre existence devienne entièrement sainte. C’est une occasion où nous redécouvrons que vivre en frères est une grande fête, la plus belle que nous puissions rêver, la fête sans fin que Jésus nous a enseigné à chanter dans son Esprit. Le Jubilé est la fête à laquelle Jésus invite vraiment chacun, sans distinctions et sans exclure personne. Pour cela j’ai désiré vivre aussi avec vous des journées de prière et de fête. Je vous attends nombreux, donc, au mois d’avril prochain.

“Grandir en étant miséricordieux comme le Père” est le titre de votre Jubilé, mais c’est aussi la prière que nous faisons pour vous tous, vous accueillant au nom de Jésus. Grandir en étant miséricordieux signifie apprendre à être courageux dans l’amour concret et désintéressé, signifie devenir grands aussi bien au physique qu’à l’intérieur. Vous vous préparez à devenir des chrétiens capables de choix et de gestes courageux, en mesure de construire chaque jour, aussi dans les petites choses, un monde de paix.

Vous êtes à un âge d’incroyables changements, où tout semble possible et impossible en même temps. Je vous répète avec beaucoup de force : « Demeurez sur le chemin de la foi avec une ferme espérance dans le Seigneur. Là se trouve le secret de notre chemin ! Lui nous donne le courage d’aller à contrecourant. Croyez-moi: cela fait du bien au cœur, mais il faut du courage pour aller à contrecourant et lui nous donne ce courage ! Avec lui nous pouvons faire de grandes choses ; il nous fera sentir la joie d’être ses disciples, ses témoins. Misez sur les grands idéaux, sur les grandes choses. Nous chrétiens nous ne sommes pas choisis par le Seigneur pour de petites bricoles, allez toujours au- delà, vers les grandes choses. Jouez votre vie pour de grands idéaux ! » (Homélie pour la journée des confirmés de l’Année de la Foi, 28 avril 2013).

Je ne peux pas vous oublier, jeunes garçons et filles, qui vivez dans des contextes de guerre, d’extrême pauvreté, de lutte quotidienne, d’abandon. Ne perdez pas l’espérance, le Seigneur a un grand rêve à réaliser avec vous ! Vos amis de votre âge qui vivent dans des conditions moins dramatiques que la vôtre, se souviennent de vous et s’engagent pour que la paix et la justice puissent appartenir à tous. Ne croyez pas aux paroles de haine et de terreur qui sont souvent répétées ; construisez au contraire des amitiés nouvelles. Offrez votre temps, préoccupez-vous toujours de celui qui vous demande de l’aide. Soyez courageux et à contrecourant, soyez des amis de Jésus, qui est le Prince de la paix (cf. Is 9, 6), « tout en Lui parle de miséricorde. Rien en Lui ne manque de compassion » (Misericordiae vultus, n. 8).

Je sais que vous ne pourrez pas tous venir à Rome, mais le Jubilé est vraiment pour tous et sera célébré aussi dans votre Églises locales. Vous êtes tous invités à ce moment de joie ! Ne préparez pas seulement les sacs et les banderoles, préparez surtout votre cœur et votre esprit. Méditez bien les désirs que vous remettrez à Jésus dans le sacrement de la Réconciliation et dans l’Eucharistie que nous célébrerons ensemble.

Quand vous traverserez la Porte Sainte, rappelez-vous que vous vous engagez à rendre sainte votre vie, à vous nourrir de l’Évangile et de l’Eucharistie, qui sont la Parole et le Pain de la Vie, pour pouvoir construire un monde plus juste et plus fraternel.

Que le Seigneur bénisse chacun de vos pas vers la Porte Sainte. Je prie pour vous l’Esprit Saint, afin qu’il vous guide et vous éclaire. Que la Vierge Marie, qui est Mère de tous, soit pour vous, pour vos familles et pour tous ceux qui vous aident à grandir en bonté et en grâce, une vraie Porte de la Miséricorde.

Du Vatican, le 6 janvier 2016, Solennité de l’Épiphanie du Seigneur

FRANCISCUS

Miséricorde au coeur de cette ville

« Nous n’aimons pas penser à toutes ces fois où nous avons ignoré les pauvres. Je ne suis pas fière de toutes ces fois où j’ai croisé un sans-abri sans lui offrir même la moitié de mon sandwich ». C’est de cette manière dont Kerry Weber, rédactrice en chef du magazine America à New York, décrit sa rencontre avec les marginalisés de la ville dans son livre Mercy in the City. Cette expérience l’a poussé à vivre un carême bien différent des autres.

Nous sommes confrontés à cette même réalité dans chacune de nos villes. À Toronto, par exemple, c’est une réalité qui fait partie de mon quotidien. Chaque jour, ils entrent dans le décor de ma petite routine pour demander de l’argent ou des billets d’autobus aux portes des magasins, sur les coins de rue, à la sortie de l’église ou dans le métro. D’autres n’ouvrent pas la bouche mais ils sont là. Et rares sont les fois où j’arrive à dépasser mes cloisons pour aller à leur rencontre.

Au début de son ouvrage, l’auteur de Mercy in the City cite Saint Basile le Grand. « Le pain que vous ne mangez pas appartient à celui qui a faim; le vêtement que vous ne portez pas appartient à celui qui est nu; les chaussures que vous ne portez pas sont les chaussures de celui qui est nu-pieds; l’or qui vous est inutile, c’est le bien de l’indigent; ces gestes de miséricorde que vous ne pratiquez pas sont tant d’injustices que vous commettez ».

Pour se défaire des obstacles qui la retenait d’être un visage de miséricorde, Kerry Weber a décidé de pratiquer les oeuvres corporelles de miséricorde. Pendant quarante jours (pour son carême) elle donne à manger à des sans-abris, visite des malades, puis des prisonniers, donne à boire à des marathoniens et accueille des étrangers dans son petit appartement. Elle rencontre un fossoyeur pour mieux comprendre le métier d’enterrer les morts. Elle purge sa garde-robe pour une collecte de vêtements.

Elle a avoué que, malgré toutes ces belles intentions, la réalisation de son projet pendant le carême n’était pas si simple. Se réveiller à 5 h30 le matin pour servir le café ne lui apportait pas toujours de la joie. On a mis du temps avant de lui accorder une visite dans un pénitencier et rencontrer l’aumônier. Puis, elle s’est sentie pressée par son échéance d’accomplir les oeuvres au bout de quarante jours… Enfin, après tout ça, elle a compris que la miséricorde c’est d’abord une rencontre avec l’autre et l’occasion d’aimer la personne qui est devant soi. À cela, on ne peut pas mettre d’échéance; il faut que ça devienne un style de vie.

Nous n’avons peut-être pas les moyens – ou quarante jours d’affilés – pour imiter son programme. Mais le pape François recommande que nous pratiquons les oeuvres de miséricorde corporelles (et spirituelles!) au courant de toute l’année jubilaire pour « réveiller notre conscience souvent endormie face au drame de la pauvreté, et de pénétrer toujours davantage le cœur de l’Évangile, où les pauvres sont les destinataires privilégiés de la miséricorde divine » (Je vous conseille de lire le blogue de Francis Denis pour en savoir plus sur les oeuvres de miséricorde). L’expérience de Kerry Weber lui a appris que, de toute manière, « Ce qui est plus important en miséricorde c’est d’y répondre le mieux possible là où nous sommes » même si c’est petit et fait dans le silence.

Quel geste de miséricorde poserons-nous cette année ? Comment traduire la miséricorde dans notre quotidien ? Qui sont les personnes dans notre entourage qui ont besoin de faire l’expérience de la miséricorde de Dieu ?

Discours du pape François à l’occasion des voeux du corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège

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Vous trouverez ci-dessous le texte complet du discours du pape François à l’occasion des voeux du corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège:

Excellences, Mesdames et Messieurs,

Je vous adresse une cordiale bienvenue à ce rendez-vous annuel, qui m’offre l’opportunité de vous présenter mes vœux pour la nouvelle année, me permettant de réfléchir avec vous sur la situation de notre monde, béni et aimé de Dieu, pourtant tourmenté et affligé de nombreux maux. Je remercie le nouveau Doyen du Corps diplomatique, Son Excellence Monsieur Armindo Fernandes do Espírito Santo Vieira, Ambassadeur d’Angola, pour les aimables paroles qu’il m’a adressées au nom de tout le Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, alors que je désire rappeler d’une façon spéciale – à presqu’un mois de leur disparition – les regrettés Ambassadeur de Cuba, Rodney Alejandro López Clemente, et du Libéria, Rudolf P. von Ballmoos.

L’occasion m’est offerte aussi d’adresser une pensée particulière à tous ceux qui participent pour la première fois à cette rencontre, relevant avec satisfaction que, au cours de l’année passée, le nombre d’Ambassadeurs résidant à Rome s’est encore accru. Il s’agit d’une indication significative de l’attention avec laquelle la Communauté internationale suit l’activité diplomatique du Saint-Siège. Les Accords internationaux souscrits ou ratifiés au cours de l’année qui vient de s’achever en sont une preuve supplémentaire. Je désire, en particulier, citer ici les ententes spécifiques en matière fiscale signées avec l’Italie et les États-Unis d’Amérique, qui témoignent de l’engagement accru du Saint-Siège en faveur d’une plus grande transparence dans les questions économiques. Non moins importants sont les accords de caractère général, en vue de réguler des aspects essentiels de la vie et de l’activité de l’Église dans les différents pays, comme l’entente signée à Díli avec la République du Timor-Oriental.

Je désire également rappeler l’échange des Instruments de ratification de l’Accord avec le Tchad sur l’état juridique de l’Église catholique dans le pays, comme aussi l’Accord signé et ratifié avec la Palestine. Il s’agit de deux accords qui, avec le Mémorandum d’Entente entre la Secrétairerie d’État et le Ministère des Affaires étrangères du Koweït, montrent, entre autre, comment le vivre-ensemble pacifique entre des personnes appartenant à des religions différentes est possible, là où la liberté religieuse est reconnue et où la possibilité effective de collaborer à l’édification du bien commun, dans le respect réciproque de l’identité culturelle de chacun, est garantie.

D’autre part, chaque expérience religieuse authentiquement vécue ne peut que promouvoir la paix. Noël, que nous venons de célébrer et où nous avons contemplé la naissance d’un enfant sans défense, « appelé : Conseiller merveilleux, Dieu-fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix » (cf. Is 9, 5), nous le rappelle. Le mystère de l’Incarnation nous montre le vrai visage de Dieu, pour qui puissance ne signifie pas force et destruction, mais bien amour ; justice ne signifie pas vengeance, mais bien miséricorde. C’est dans cette perspective que j’ai voulu proclamer le Jubilé extraordinaire de la Miséricorde, inauguré exceptionnellement à Bangui au cours de mon voyage apostolique au Kenya, en Ouganda et en République Centrafricaine. Dans un pays longuement éprouvé par la faim, la pauvreté et les conflits, où la violence fratricide des dernières années a laissé des blessures profondes dans les âmes, déchirant la communauté nationale et engendrant misère matérielle et morale, l’ouverture de la Porte Sainte de la Cathédrale de Bangui a voulu être un signe d’encouragement à élever le regard, à reprendre la route et à retrouver les raisons du dialogue. Là où l’on a abusé du nom de Dieu pour commettre l’injustice, j’ai voulu rappeler, avec la communauté musulmane de la République Centrafricaine, que « celui qui dit croire en Dieu doit être aussi un homme, une femme de paix » [1], et donc de miséricorde, puisqu’on ne peut jamais tuer au nom de Dieu. Seule une Capture d’écran 2016-01-11 à 09.57.35forme idéologique et déviée de la religion peut penser rendre justice au nom du Tout-Puissant, en massacrant délibérément des personnes sans défense, comme cela est arrivé dans les attentats terroristes sanglants des mois derniers en Afrique, en Europe et au Moyen-Orient.

La miséricorde a été comme le “fil conducteur” qui a guidé mes voyages apostoliques déjà au cours de l’année passée. Je me réfère surtout à la visite à Sarajevo, ville profondément blessée par la guerre dans les Balkans et capitale d’un pays, la Bosnie Herzégovine, qui revêt une signification spéciale pour l’Europe et pour le monde entier. Un tel carrefour de cultures, nations et religions s’efforce, avec des résultats positifs, de construire toujours de nouveaux ponts, de valoriser ce qui unit et de regarder les différences comme des opportunités de croissance dans le respect de tous. Cela est possible grâce au dialogue patient et confiant, qui sait faire siennes les valeurs de la culture de chacun et accueillir le bien provenant des expériences d’autrui [2].

Ma pensée va ensuite au voyage en Bolivie, en Équateur et au Paraguay, où j’ai rencontré des peuples qui ne se rendent pas face aux difficultés et affrontent avec courage, détermination et esprit de fraternité les nombreux défis qui les tourmentent, à commencer par la pauvreté diffuse et les inégalités sociales. Au cours du voyage à Cuba et aux États-Unis d’Amérique, j’ai pu embrasser deux pays qui ont été longuement divisés et qui ont décidé d’écrire une nouvelle page de l’histoire, en entreprenant un chemin de rapprochement et de réconciliation.

À Philadelphie, à l’occasion de la Rencontre mondiale des familles, comme aussi au cours du voyage au Sri Lanka et aux Philippines et avec le récent Synode des Évêques, j’ai rappelé l’importance de la famille, qui est la première et la plus importante école de miséricorde, où l’on apprend à découvrir le visage affectueux de Dieu et où notre humanité grandit et se développe. Malheureusement, nous connaissons les nombreux défis que la famille doit affronter en ce temps, où elle est « menacée par les efforts croissants de certains pour redéfinir l’institution-même du mariage à travers le relativisme, la culture de l’éphémère et un manque d’ouverture à la vie » [3]. Il y a aujourd’hui une peur diffuse face au caractère définitif que la famille exige et en font les frais surtout les plus jeunes, souvent fragiles et désorientés, et les personnes âgées qui finissent par être oubliées et abandonnées. Au contraire, « de la fraternité vécue en famille, naît (…) la solidarité dans la société » [4], qui nous porte à être responsable les uns des autres. Cela est possible seulement si dans nos maisons, de même que dans nos sociétés, nous ne laissons pas se sédimenter les peines et les ressentiments, mais donnons place au dialogue, qui est le meilleur antidote à l’individualisme si largement répandu dans la culture de notre temps.

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