Un travail au service de la famille

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Le premier mai, c’est la journée internationale des travailleurs. On le sait, le travail est une dimension centrale de la vie humaine qui a des répercussions sur toutes les autres, y compris sur la vie familiale. Il m’a donc semblé opportun de revisiter l’exhortation apostolique Amoris Laetitia en reprenant certains des enseignements qu’on y trouve sur le travail et ses incidences sur les familles de notre temps.

Un enseignement qui passe à travers les âges

L’enseignement de l’Église sur le travail est fortement enraciné dans la Révélation divine. Dès les premières pages de la Genèse, on trouve un enseignement profond et riche de signification. En effet, on y apprend que le travail, que nous trouvons parfois si ardu, n’est pas une punition de Dieu. Il ne s’agit pas non plus, comme on pourrait le penser, d’une conséquence du péché originel puisqu’il y est déclaré que « l’homme a été établi dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder » (Gn 2, 15). On ne doit donc pas considérer le travail comme un « mal nécessaire » qui devrait éventuellement disparaître. Contrairement aux idées reçues de la « société des loisirs » et qui ont aussi, selon moi, mal vieillies, le pape François affirme, que, Dieu Lui-même dans son Incarnation en Jésus « gagnait son pain en travaillant de ses mains » (no 65). On ne doit donc pas fuir le travail puisque (no24) « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2 Th 3, 10 ; cf. 1 Th 4, 11). Par contre, on ne doit jamais perdre de vue que le travail doit être au service de l’homme et non l’inverse.

Le travail au service de la famille

Pour le pape François et l’enseignement de l’Église, le travail est très important à la fois pour les personnes et la société ainsi que pour cette réalité mitoyenne qu’est la famille. En effet, si le travail est bon pour la famille, il sera bon et pour la personne, et pour la société. Les problèmes commencent lorsque ce n’est pas le cas. En effet, « le travail permet à la fois le développement de la société, l’entretien de la famille ainsi que sa stabilité et sa fécondité » (no 24)

Pour ce faire, la société doit, dans un premier temps, permettre au travail d’être au service des familles d’abord en faisant en sorte que les parents travaillent puisque « manquer de sources de travail affecte de diverses manières la sérénité des familles. » (no 25). De fait, les familles souffrent en particulier des problèmes liés au travail. Les possibilités pour les jeunes sont peu nombreuses et l’offre de travail est très sélective et précaire. Les journées de travail sont longues et souvent alourdies par de longues période de déplacement. Ceci n’aide pas les membres de la famille à se retrouver entre eux et avec leurs enfants, de façon à alimenter quotidiennement leurs relations ( no 44).

Deuxièmement, la société doit également prendre conscience qu’actuellement elle crée de nombreux obstacles à la formation de familles fortes. De fait, « le rythme de vie actuel, le stress, l’organisation sociale et l’organisation du travail, parce qu’ils sont des facteurs culturels qui font peser des risques sur la possibilité de choix permanents » (no 33 & 287). De plus, même dans les sociétés les plus développées comme la nôtre, on voit néanmoins de nouvelles formes de discrimination apparaître ici et là sous le couvert de nouvelles lois soit disant « à l’avant garde ». En effet, « à ceux qui travaillent dans les structures de santé, on rappelle leur obligation morale à l’objection de conscience. De même, l’Église sent non seulement l’urgence d’affirmer le droit à la mort naturelle, en évitant l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie », mais aussi elle « rejette fermement la peine de mort ». (no 83) [Read more…]

L’euthanasie et la liberté de conscience: entrevue avec Dr. Caroline Girouard

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Le 19 avril dernier, des représentants de différentes religions ont tenu un point de presse au Parlement du Canada afin de faire connaître aux parlementaires leur « opposition à l’euthanasie et au suicide assisté, de même que leurs préoccupations concernant la législation proposée sur l’« aide médicale à mourir ». Parmi les intervenants, se trouvait Dre Caroline Girouard, MD, FRCPC, hématologue-oncologue à l’hôpital du Sacré-Cœur de Montréal. Je me suis entretenu avec elle.

Dans la pratique médicale depuis 20 ans maintenant, sa tâche principale est d’accompagner et de soigner des patients qui sont souvent porteurs de maladies métastatiques cancéreuses. Cette nouvelle loi qui sera bientôt votée au Parlement fédéral de même que la loi déjà votée au Québec la touchent particulièrement puisqu’une grande majorité de ses patients pourraient potentiellement être éligibles à l’euthanasie.  Par sa présence lors de la conférence de presse, elle désirait faire valoir la voix des plus vulnérables  qu’elle côtoie tous les jours ainsi que défendre la liberté de conscience des médecins afin qu’ils ne soient pas obligés d’appliquer cette loi et, donc, qu’ils puissent continuer de pratiquer avec la même intégrité et la même honnêteté, en soignant leurs patients du mieux qu’ils peuvent et dans les meilleures conditions possibles.

Quels sont les enjeux liés à l’objection de conscience que cette loi soulève concrètement pour vous ?

 Il est clair que lorsqu’on entre en médecine, notre préoccupation principale est de soigner le malade, de le traiter au meilleur de nos compétences. Dans le projet de loi fédéral, on propose de décriminaliser l’injection d’une substance létale dans le but de provoquer délibérément la mort du patient. C’est la définition de l’euthanasie. Au Québec, on joue sur les mots. On parle « d’aide médicale à mourir » et on nous dit que c’est un grand « soin ». Mais, en fait, l’euthanasie reste un homicide et le projet de loi fédéral dit clairement que ce qu’il propose c’est une exemption de la loi criminelle sur les homicides et donc une garantie de non-poursuites judiciaires. Mais cela ne réduirait en rien ma responsabilité professionnelle. Comme médecin, personnellement je ne peux pas tuer un de mes malades ni même l’envoyer se faire tuer. Dans la loi québécoise, on dit « nous protégeons votre liberté de conscience » mais dans les faits le médecin est obligé, par force de loi, de référer à un autre. Alors, si vous me demandez d’appeler mon collègue ou un administrateur pour lui demander de s’occuper d’une demande d’euthanasie que je ne considère pas moi-même comme indiquée, aussi bien dire que c’est moi qui le fais. Dans les deux cas, j’ai la même responsabilité morale et professionnelle. C’est là qu’est mise en jeu la liberté de conscience d’un médecin. Je crois qu’un médecin qui a cette profonde conviction de la valeur intrinsèque de la vie humaine, que ce soit par croyance religieuse, philosophique ou rationnelle, ne peut pas être obligé de tuer un de ses patients contre son gré ni même d’y participer indirectement.

Dans ce contexte, quelle est l’ouverture du gouvernement au respect de la liberté de conscience des IMG_0366médecins ?

Récemment un de mes confrères en soins palliatifs de l’hôpital Notre-Dame s’est fait menacer de sanctions disciplinaires par le ministre de la santé du Québec s’il faisait obstruction à la loi. Évidemment, il n’a pas élaboré sur ces « sanctions disciplinaires » mais le fait est qu’il a affirmé publiquement une telle chose (comme cela a été rapporté dans les journaux), et il est prévisible qu’il appliquerait le même type de sanction à tout autre médecin qui se retrouverait dans cette position.

Dans la présente formulation du projet de loi fédéral, qu’est-ce que vous aimeriez que l’on apporte comme modification sachant que l’interdiction pure et simple de l’euthanasie ne semble plus être possible. Quel serait le moins mauvais projet de loi possible selon vous ?

 Vous avez raison de le souligner, on parle littéralement de moindre mal ici. On comprend que nous sommes dans une situation où la légalisation est malheureusement inévitable. Alors, pour essayer de ménager les plus vulnérables et l’intégrité de la profession médicale, je crois que la première chose est de protéger la liberté de conscience. Si on considère l’ensemble des travailleurs de la santé, il y a une foule de personnes impliquées dans le système de santé qui ne croient pas à cette proposition de fin de vie par euthanasie. On ne peut pas forcer les gens à changer d’opinion par des lois coercitives. Faire ça, ça s’appelle du totalitarisme. Ça n’a pas sa place dans un pays démocratique.

 Donc, dans un premier temps, ce qu’on demande à la loi fédérale c’est une clause explicite qui garantit la liberté de conscience de tous les professionnels de la santé et de ne surtout pas laisser aux provinces le soin de règlementer. De fait, si c’était le cas, il y aurait une énorme variabilité législative selon les provinces. Chaque province a déjà annoncé ce qu’elle était pour faire. Par exemple, l’Ontario a déjà annoncé qu’elle obligerait ses docteurs objecteurs à référer à un collègue. De son côté, le Québec est plus ambigu: il affirme respecter la liberté des médecins mais dans les faits, on nous menace de représailles si on ne participe pas. Chaque province aurait donc sa propre loi qu’elle appliquerait à sa façon. C’est une situation invivable dans un pays comme le Canada où l’on veut uniformiser les soins et la pratique médicale. C’est pourquoi la liberté de conscience des travailleurs de la santé est un droit fondamental qui doit être protégé par le fédéral.

 La deuxième chose qui mérite d’être discutée c’est que dans la loi proposée, les critères d’admissibilité restent extrêmement laxistes à cause de la très grande marge de manœuvre qui est laissée aux médecins pour l’interpréter. La question de savoir qui pourrait être admissible à l’euthanasie est très sérieuse. Au départ, on a prôné que les personnes qui pourraient y avoir recours seraient l’exception, qu’elles seraient une minorité. On nous avait parlé quand tout cela a commencé d’un tout petit pourcentage, réservé aux personnes en phase terminale. Cela n’est absolument pas garanti,  et il appert que depuis la mi-décembre au Québec, on parle déjà de quelques dizaines de morts. Si on laisse les choses aller, la promotion du suicide et de l’euthanasie pourrait même faire en sorte que cela devienne bientôt la façon normale de mourir. C’est cela qu’on veut éviter dans un pays comme le nôtre.

Nous sommes tous en « situation irrégulière » !

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Vendredi dernier, le pape François publiait son exhortation apostolique post synodale sur l’amour dans la famille. J’ai déjà donné mes impressions sur ce que je retenais de ma première lecture du texte. Aujourd’hui et dans les semaines à venir, j’aimerais vous présenter mon analyse de chacun des chapitres du document. Cette semaine, je propose donc ma compréhension du chapitre premier d’Amoris Laetitia.

Entre mystère et réalité

Le premier chapitre de l’exhortation nous met en contact direct avec une vérité fondamentale de la foi catholique que j’appellerais le « dialogue entre mystère et réalité ». Souvent, on présente l’enseignement moral de Jésus comme étant en opposition avec la réalité d’aujourd’hui, avec notre monde moderne. De cela découlerait une impossibilité de mettre concrètement ces enseignements en pratique. Ainsi, le grand nombre de situations dites « irrégulières », avec lesquelles l’Église devrait maintenant composer, légitimeraient la constante réprimande faite à l’Église de la nécessité de changer ses enseignements. En ce sens, je crois que le premier chapitre d’Amoris Laetitia répond à cette critique d’une manière admirable en nous replongeant au racine de la fo catholique.

En effet, dans un premier, temps, il est important de comprendre que la foi et l’appartenance à l’Église ne dépendent en aucune manière des bonnes actions des personnes. Le salut n’est pas d’abord méritoire. Elle est un don gratuit de Dieu. Nul n’est donc sauvé sur ses propres mérites mais sur ceux du Christ de qui nous recevons constamment la grâce de nous y associer par son Église. En d’autres termes, il n’y a ni salut obligatoire pour tous, puisque nous devons librement nous associer au mérite du Christ, ni exclusion totale puisque personne ne se sauve par lui-même. Nous sommes tous en « situation irrégulière » ! Nous avons tous besoin de la Miséricorde de Dieu. Cette vérité fondamentale est au cœur des enseignements du pape François sur la famille et sur l’Église.

Éternelle disponibilité

En ces  « temps de relations frénétiques et superficielles » (no 28)[1], on pourrait être tenté de se décourager et de croire que la situation des familles d’aujourd’hui est irrécupérable. A contrario, Amoris Laetitia, me semble-t-il, se place dans la logique inverse, celle de l’espérance. En effet, le texte débute en manifestant à quel point « la Bible abonde en familles, en générations, en histoires d’amour et en crises familiales, depuis la première page […] jusqu’à la dernière page » (no8)[2]. L’enseignement de Jésus sur la famille ne doit donc pas être compris comme une série de règles inertes à suivre pour se sauver soi-même mais comme la présence de Dieu en marche avec les personnes et toujours prêt à pardonner.

Nécessaire ouverture

Toutefois, cette invitation universelle à la vie éternelle doit être accueillie, dès ici bas, par des « oui » concrets à l’Amour de Dieu dans notre vie. La famille n’est-elle pas le lieu idéal de mise en pratique de cette vie nouvelle présente en nous depuis le baptême et qui n’attend que notre disponibilité pour se manifester ? Car, si « la famille, en effet, n’est pas étrangère à l’essence divine même » (no 11)[3], la prise de conscience de cette vie déjà présente n’attend que nous pour rayonner au-delà, d’où la vocation missionnaire de toute famille. Voilà pourquoi, le Pape insiste sur la nécessité d’une spiritualité familiale dans laquelle « est présentée l’icône de la famille de Nazareth, avec sa vie quotidienne faite de fatigues, voire de cauchemars » (no 30)[4].

Ainsi, sans prétendre épuiser la richesse du texte lui-même, le premier chapitre représente à mon sens un résumé de l’enseignement de l’Église dans le langage pastoral de la miséricorde. Tant par son souci d’affirmer que le contexte actuel est loin d’être étranger aux difficultés des familles que par son insistance sur la constante disponibilité et invitation de Dieu envers toutes les personnes, le pape François démontre une sagesse d’enseignement en présentant la logique de la Grâce dans un équilibre entre les largesses de la miséricorde de Dieu et notre liberté capable de choix éternellement définitifs. La semaine prochaine j’entamerai l’analyse du chapitre 2 d’Amortis Laetitia.

Amoris Laetitia ou la famille sur la voie de la charité

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Aujourd’hui même à midi heure de Rome, le pape François a publié sa très attendue exhortation apostolique intitulée Amoris Laetitia sur le thème de l’amour dans la famille. Ce document de 258 pages pour l’édition française est le fruit des travaux des deux synodes sur la famille qui ont eu lieu au Vatican en 2014 et 2015. Bien que, dès les premières pages du texte, le Pape « ne recommande pas une lecture générale hâtive » (no 7), la rédaction de ce premier article nécessitait que je le lise dans son entièreté assez rapidement… Toutefois, n’ayez crainte, nous aurons l’occasion d’en reparler dans une série d’articles dans lesquels nous nous arrêterons plus longuement sur les nombreux thèmes abordés. Je vous propose aujourd’hui mes premières impressions suite à ma lecture d’Amoris Laetitia, espérant que dans notre prochain rendez-vous, vous aurez eu l’occasion de parcourir cet important document vous-mêmes.

La première chose qui me vient à l’esprit après la lecture d’Amoris Laetitia c’est que ce texte respire la préoccupation de l’Église et du pape François pour les familles d’aujourd’hui. Conscient de sa mission d’accompagner tous les fidèles et tous les humains, on perçoit avec quelle intensité le présent Pape souhaite que tous puissent découvrir la grandeur de cette vocation humaine. Pour cela, le Pape souhaite que l’on redécouvre l’essence de l’attitude de l’Église qui consiste en ce qu’il appelle la « via caritatis » (no 306) qui signifie en français la voie de la charité. En effet, on a souvent taxé l’Église d’être dogmatique et d’avoir un enseignement qui n’est plus en accord avec notre monde d’aujourd’hui. Il me semble que ce document répond magnifiquement à cette critique, à la fois, en manifestant que l’Église est non seulement parfaitement consciente et à l’écoute de la réalité contemporaine mais aussi qu’elle est capable d’un esprit critique envers elle-même et face au monde, esprit qu’elle puise à la lumière de la Révélation d’amour accomplie en Jésus-Christ.

En ce sens, les deux précédents synodes l’ont démontré : l’Église n’est pas cette institution fermée et rétrograde mais bien une communauté d’hommes et de femmes qui marchent ensemble à la suite du Christ; une communauté universelle qui s’interroge sur les meilleurs chemins à prendre pour rester le plus fidèle possible à l’amour qui repose en leur être depuis le baptême. Comment donc réaliser ce projet de Dieu sur nous dans nos familles aujourd’hui? C’est la question fondamentale à laquelle ce texte tente d’apporter sa contribution.

Pour ce faire, le pape manifeste que le dessein de Dieu sur la famille n’est pas un idéal abstrait mais une réalité concrète. C’est pourquoi, on ne doit jamais se décourager de nous-mêmes ou des situations dans lesquelles nous nous trouvons. Nous ne sommes pas parfaits et la perfection à laquelle nous sommes destinés n’est pas de ce monde. Les chutes et les échecs sur le chemin sont pour Dieu et pour nous des occasions de réconciliation dont le but sublime est de manifester la grandeur de la Miséricorde de Dieu.

C’est le deuxième point qui a attiré mon attention : ce souci de montrer que la miséricorde est la clé de compréhension de tout l’enseignement et de la pratique de l’Église. En effet, la miséricorde « n’est pas seulement l’agir du Père, mais elle devient le critère pour comprendre qui sont ses véritables enfants. En résumé, nous sommes invités à vivre de miséricorde parce qu’il nous a d’abord été fait miséricorde » (no 310). Selon moi, tout le texte tient à revisiter cet enseignement sur la famille si incompris par bon nombre de personnes aujourd’hui; parmi lesquelles on retrouve malheureusement beaucoup de catholiques. Que ce soit dans la présentation des enseignements bibliques et magistériels sur la famille (chapitre 1 et 3), dans l’analyse des défis contemporains auxquels toutes les familles font face dans leur volonté (consciente ou non) de réaliser leurs plus grandes aspirations (chapitre 2 et 5), dans la présentation de la beauté et de l’héroïcité nécessaires à la mise en pratique des exigences de l’amour véritable (chapitre 4 et 7) ou de l’approche pastorale nécessaire pour accompagner les familles dans la réalisation de leur vocation universelle à la sainteté (chapitre 6 et 8), l’ensemble du document semble être orienté vers la proximité avec Dieu qui se trouve aux côtés de chacun d’entre nous et qui nous invite à le connaître et l’aimer par l’entremise de nos relations familiales « où se reflète, par grâce, le mystère de la Sainte Trinité » ( no 86).

Nous reviendrons, dans les prochaines semaines, sur les différents thèmes abordés dans cette exhortation apostolique qui, des plus polémiques aux plus apparemment anodins, auront sans doute eu l’occasion de faire surface ici et là dans l’actualité. Entre temps, je vous recommande fortement la lecture de ce document qui saura réchauffer le cœur de tous les lecteurs qui forcément sentiront l’immense trésor de sagesse dont l’Église est dépositaire et dont elle nous fait part gratuitement s’appuyant sur ce don ultime de Dieu par son Fils sur la Croix.

L’analyse historique: un chemin de réconciliation

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(Peinture: John Stanley)
Le 19 mars dernier, la Conférence des évêques catholiques du Canada a publié le document intitulé Réaction catholique à la « doctrine de la découverte » et de la terra nullius. Ce document de 15 pages rend compte du fruit des réflexions conjointes de la CECC avec le Conseil autochtone catholique du Canada ainsi que d’autres organisations catholiques sur les doctrines dites de « la découverte » et de la « terra nullius ». Se voulant explicitement une réponse « aux erreurs et contre-vérités transmises, souvent par des chrétiens », le document procède à un examen ainsi qu’à un rejet de ces doctrines qui, selon les signataires, ont été à la source de plusieurs injustices dont les peuples autochtones d’Amérique ont été victimes.

Dans un premier temps, le document rend publiques une série d’affirmations sur les droits des autochtones ainsi qu’une reconnaissance d’une certaine complicité historique de la communauté catholique devant les injustices perpétrées contre les premières Nations par les autorités politiques des différentes époques de notre histoire. Prenant acte des affirmations fortes des récents papes tels que saint Jean-Paul II ou François la CECC a vu la nécessité de faire face aux « nombreux et graves péchés qui ont été commis contre les peuples originaires de l’Amérique au nom de Dieu ». Pour ce faire, ce document procède à un examen précis de deux doctrines qui ont souvent servi à justifier des actes injustes et cruels envers les premières Nations du Canada plus particulièrement.

Un nécessaire examen

Dans un premier temps, il est intéressant de noter que cette initiative doit être comprise dans la logique suivie par la Commission Vérité et réconciliation. En effet, pour cette Commission, le pardon et la réconciliation ne pouvaient se concrétiser que dans l’optique d’une prise de conscience commune des évènements passés. Ainsi, faisant face ensemble à la vérité qui libère, tant les victimes que les responsables peuvent construire les voies menant à une réconciliation. Les unes pardonnant pendant que les autres demandent pardon.

Une de ces nombreuses injustices subies par les premières Nations se trouve dans le fait que beaucoup de leurs terres ancestrales furent considérées comme n’appartenant à personne. Comment se fait-il que les Européens arrivant en Amérique n’aient bien souvent pas tenu compte des peuples qui se trouvaient déjà sur place ? Comme se fait-il que certaines personnes se soient vues dépossédées de leur terre sans respect pour leur dignité et leur droit naturel à la propriété ? Quels prétextes ont-ils utilisés pour commettre ce qui aurait été considéré comme un larcin si cela avait été commis contre un Européen ? Pour répondre à ces questions importantes et dont la réconciliation exige l’examen, il était essentiel de poursuivre l’analyse des erreurs du passé à un niveau plus intellectuel afin de percevoir ce qui, dans la mentalité de l’époque, a pu servir de justification à ces crimes. En ce sens, deux doctrines sont identifiées.

Dans un premier temps, le document mentionne la « doctrine de la découverte » qui, bien qu’ayant eu plusieurs interprétations divergentes, limitait les droits des autochtones qui ne pouvaient « vendre leur territoire qu’au pays européen qui l’a « découvert » tout en ajoutant « qu’en réalité les terres qui appartenaient aux peuples autochtones ont souvent été tout simplement saisies et n’ont pas été vendues librement par leurs propriétaires autochtones ». Sur quelle base une telle expropriation a-t-elle pu s’opérer ? C’est ainsi que l’on introduit la notion latine de « terra nullius » signifiant en français « territoire sans maître ». De fait, cette doctrine a souvent servi de raison aux Européens « pour justifier leur mainmise sur les territoires autochtones ». Le texte poursuit en procédant à une analyse des différentes formulations et des développements de cette doctrine dans l’histoire. Sans entrer dans les détails, deux points ont attiré mon attention.

Séparer le bon grain de l’ivraie

D’abord, on a souvent tendance à croire que le Moyen-âge et la Renaissance furent des époques où l’action de l’Église et celles des royaumes se confondaient. Or, la réalité est souvent beaucoup plus complexe. Des rois on souvent agit contre des papes et des évêques et vice-versa. Il serait donc injuste d’accorder à l’Église l’entière responsabilité de ce que certains rois, mêmes catholiques, ont pu faire. Le texte montre bien comment les documents pontificaux ont souvent été interprétés de manière très large pour favoriser les intérêts des royaumes et des compagnies plutôt que le respect des principes légaux et moraux. De plus, certains gouvernants coloniaux savaient très bien les fortes condamnations et réticences des papes contre l’esclavage et la non reconnaissance des droits fondamentaux des âmes présentes dans le Nouveau Monde. Pourtant, « en dépit des bulles papales, les pays européens savaient qu’ils ne pouvaient pas, en vertu de la théologie ou du droit canonique, simplement revendiquer la souveraineté des terres conquises. Il a donc fallu inventer de nouvelles justifications ». D’où l’apparition de théories telles que la Terra Nullius.

Cela m’amène au deuxième point qui a attiré mon attention. En effet, le jugement historique sur les actions de l’Église ne doit jamais justifier des raccourcis intellectuels. De fait, l’Église a toujours été une institution très complexe et dans laquelle plusieurs opinions avaient droit de cité. C’est en ce sens que le document présente plusieurs cas où les décisions de la hiérarchie ont été contestées par d’autres ecclésiastiques. Ainsi, loin d’absoudre certains chefs d’Église ayant collaboré aux injustices présentes dans l’histoire des relations entre les Européens et les Amérindiens, le document manifeste néanmoins l’importance du débat que cette question a toujours suscitée à l’intérieur de l’Église. Ainsi, on ne peut accuser l’ensemble de l’Église catholique d’avoir été complice de ces injustices manifestes tout en reconnaissant que les fidèles (la hiérarchie comprise) n’ont pas toujours été conséquent du message qu’ils représentaient.

Je vous conseille fortement la lecture de ce document instructif qui nous invite à faire un voyage dans l’histoire des idées et de leur influence sur la construction du monde qui est aujourd’hui le nôtre. De cette façon, nous pourrons « aller de l’avant ensemble » en nous engageant dans les différents niveaux définis par la CECC dans le but de « continuer à cheminer avec les peuples autochtones pour édifier une société plus juste où seront cultivés et honorés leurs dons et ceux de toute la société ».

Reconsidérer le rôle de l’Église en éducation au Québec

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(Photo: Catholic News Service)

Depuis toujours, l’Église catholique s’est consacrée à la mission d’éducation. En effet, selon l’esprit même de son Fondateur, elle a su mettre en pratique sa mission d’aider à faire fructifier toutes les dimensions de la personne humaine qu’elle soit corporelle, intellectuelle ou spirituelle. Au cours de l’histoire, cette implication fondamentale a suscité la création de nombreuses institutions totalement dédiées à l’enseignement et à la formation des nouvelles générations. Des lieux où le savoir et la connaissance de la vérité seraient au cœur de la vie des personnes et qui, par la suite, pourraient améliorer le sort de l’espèce humaine par la découverte de nouvelles applications pratiques. Ces lieux sont ce que l’on nomme encore aujourd’hui « université » c’est-à-dire des lieux où l’universel prend le dessus sur le particulier, où la recherche de la vérité fait norme. C’est au Moyen-Âge et sous l’impulsion et la collaboration de l’Église que de telles institutions reçurent la forme qu’elles ont encore aujourd’hui.

Mais justement, quelle place l’Église doit-elle prendre aujourd’hui dans le domaine de l’éducation. Au Québec, par exemple, l’histoire récente montre que sa présence n’est plus aussi grande qu’elle a pu l’être. Certains diront même que la religion n’a plus sa place à l’école. Cette opinion, que l’on entend souvent, est toutefois quelque peu différente de ce que l’Église elle-même prône. De fait, la liberté de religion demande à ce que soit garantie l’affirmation des orientations fondamentales qu’une religion se donne à elle-même pas de celles qu’elle reçoit de l’extérieur. Ainsi, si l’on regarde partout dans le monde, on trouve dans la majorité des pays du monde des écoles et des universités catholiques qui sont, bien souvent, parmi les plus réputées. Comme le disait le pape François dans Evangelii Gaudium, ne cachant pas sa fierté : « Et combien est grande la contribution des écoles et des universités catholiques dans le monde entier ! » (no 65). Mais revenons à notre sujet de la présence pastorale de l’Église dans les institutions d’enseignement chez nous au Québec et au Canada. Il est clair que le « processus de sécularisation tend à réduire la foi et l’Église au domaine privé et intime » (no 64). Dans ces circonstances, certains croient bénéfique de restreindre la portée des initiatives religieuses puisqu’elles sont considérées comme nuisibles à la paix et à la concorde sociale et à un climat d’étude sain. Toutefois, cette crainte, qu’on peut comprendre si on regarde la présentation qui en est faite dans les médias de masse, n’est pas justifiée.

Selon Sabrina Di Matteo, directrice du Centre étudiant Benoît-Lacroix, l’Église et la pastorale universitaire pourraient jouer un rôle de leadership dans l’offre de services spirituels et intellectuels auprès des étudiants universitaires. Toutefois, cela présupposerait de la part des universités une ouverture au phénomène religieux et une réelle reconnaissance du rôle positif de celui-ci dans la vie universitaire dans son ensemble. De fait, comme l’affirme le pape François « en bien des occasions, l’Église a servi de médiatrice pour favoriser la solution de problèmes qui concernent la paix, la concorde, l’environnement, la défense de la vie, les droits humains et civils, etc. » (no 65). Ainsi, loin d’être un fardeau à porter, les religions doivent être considérées comme des instruments utiles à la vie universitaire et, comme le disait cette semaine le député québécois Amir Kadir, « à la société dans son ensemble ». Que ce soit dans leur souci de recherche de la vérité, la centralité qu’elles accordent à l’éthique, leur ouverture au dialogue et à l’universel sans compter leur souci de situer les différents savoirs à l’intérieur d’un horizon existentiel et des questions de sens, les religions ont une mission essentielle à jouer dans tous les milieux, y compris les universités. De plus, le christianisme et, plus particulièrement, la religion catholique, portant déjà cette mission et ce leadership, ces dernières auraient tout à gagner à lui confier cette nouvelle responsabilité.

Enfin, l’implication de l’Église dans les milieux universitaires n’est pas seulement nécessaire pour les universités, elle l’est également pour l’Église et les chrétiens eux-mêmes qui ont besoin d’être intellectuellement confrontés dans leur croyance et, ce, pour deux raisons principales. D’abord, la raison et les savoirs tels que les sciences humaines et pures, permettent aux croyants, de se défaire de tous les éléments de superstition qui pourraient entacher leur foi et, par conséquent, leur relation avec le Christ. Secondo, cette même confrontation (Disputatio disait-on au Moyen-Âge) permet de mettre en pratique l’appel missionnaire reçu au baptême. En effet, « Les Universités sont un milieu privilégié pour penser et développer cet engagement d’évangélisation de manière interdisciplinaire et intégrée. Les écoles catholiques, qui se proposent toujours de conjuguer la tâche éducative avec l’annonce explicite de l’Évangile, constituent un apport de valeur à l’évangélisation de la culture, même dans les pays et les villes où une situation défavorable nous encourage à faire preuve de créativité pour trouver les chemins adéquats » (no 134).

Comme nous l’avons vu, la mission éducative fait partie intégrante de la mission de l’Église. Celle-ci a donc la responsabilité de s’investir dans ce lieu de recherche et d’étude de la vérité que sont les universités afin de mener non seulement à terme son appel au développement intégral de la personne humaine mais également pour que chaque chrétien puisse, par son engagement missionnaire, grandir dans sa relation avec le Christ. Pour ceux et celles que le sujet intéresse, je vous invite à regarder l’épisode d’Église en sortie du 11 mars 2016 dans lequel nous nous interrogeons, avec le P. André Descôteaux o.p. et Sabrina Di Matteo, sur cette questions ainsi que sur les initiatives concrètes en cette matière, dont le Centre étudiant Benoît-Lacroix.

Vers une conversion missionnaire de l’œcuménisme?

blog_1457123346 Photo: Courtoisie Catholic News Service

Il a deux semaines, alors que le pape François se rendait au Mexique pour une visite apostolique, une rencontre historique avait été organisée à Cuba avec le Patriarche orthodoxe russe Kyrill. Lors de cet entretien, les deux évêques chrétiens ont discuté à huis clos pendant plus d’une heure et ont signé une Déclaration commune que d’aucuns ont appelé programme de l’engagement prophétique des églises en ce début de XXIe siècle. En effet, ce document, en 30 points, fait à la fois, état des relations œcuméniques actuelles et des problèmes centraux de notre monde contemporain tout en ouvrant de nouvelles perspectives de solutions à ces deux niveaux.

Un regard tourné vers l’avant

Dans un premier temps, le lieu choisi pour la rencontre avait une valeur symbolique forte. Pour les deux chefs d’église chrétienne, le choix de Cuba soulignait symboliquement que les événements sombres qui entachent l’histoire et qui ont résulté dans le « scandale des divisions entre les chrétiens » ne doivent plus être l’objet principal de l’attention. En effet, « loin des vieilles querelles de l’« Ancien Monde », nous sentons avec une force particulière la nécessité d’un labeur commun des catholiques et des orthodoxes, appelés, avec douceur et respect, à rendre compte au monde de l’espérance qui est en nous (cf. 1 P 3, 15) » (no3). Lieu symbolique s’il en est un, Cuba ne fut pas d’abord choisi pour son caractère politiquement « neutre » mais parce que, même 524 ans après la découverte de Christophe Colomb, l’Amérique est encore le symbole d’un lieu de tous les possibles, d’un lieu où l’on peut croire en la sincérité de l’autre et reconstruire sur le socle solide d’une miséricorde réciproque.

Ce regard renouvelé doit donc permettre non pas de lire le passé dans le but d’alimenter les divisions mais plutôt dans le but de se rendre disponible au projet de Dieu sur nos deux églises. Suivant cette logique, ce nouvel élan devra donc davantage se concentrer sur le présent et, ce, dans le but d’aboutir à un meilleur futur. Ce nouveau regard n’est cependant pas des plus reluisants. Selon les deux chefs d’église, la « civilisation humaine est entrée dans un moment de changement d’époque. Notre conscience chrétienne et notre responsabilité pastorale ne nous permettent pas de rester inactifs face aux défis exigeant une réponse commune. » (no7). Ce tournant de civilisation, accéléré par une nouvelle proximité entre les peuples causée par des moyens de communications toujours

plus performants et une mobilité des populations s’accroissant sans cesse, ne peut plus tolérer une attitude de repli sur soi. On ne peut plus aujourd’hui se conforter dans nos apriori et nos préjugés réciproques. Un dialogue franc et sincère est donc l’unique option pour toutes les institutions, y compris les organisations religieuses. Cela, Kirill et François l’ont mis en pratique par cette rencontre. En ce sens, les deux chefs chrétiens ont donc, à la fois, donné l’exemple à tous ceux qui seraient tentés de se refermer sur eux-mêmes d’une possibilité de rapprochement de ce qui s’était éloigner depuis longtemps (dans ce cas on parle de presque mille ans !) mais ont également manifesté la force sous-jacente à toute réconciliation.

Un programme chargé

Comme je le disais plus tôt, notre monde a de nombreux défis qui nécessitent l’implication et la coopération de tous les acteurs civils et religieux. En effet, les bouleversements environnementaux, la lutte contre les structures de péchés, la pauvreté endémique, les persécutions visant majoritairement aujourd’hui les chrétiens ainsi que le terrorisme international ne sont pas des problèmes isolés. Ainsi, « En cette époque préoccupante est indispensable le dialogue interreligieux. » (no 13). De plus, «  Les communautés chrétiennes mènent une large activité caritative et sociale, apportant une aide diversifiée aux nécessiteux. Orthodoxes et catholiques œuvrent souvent côte à côte. Ils attestent des fondements spirituels communs de la convivance humaine, en témoignant des valeurs évangéliques » (no 14). Cette contribution des chrétiens dans le monde doit donc être mieux appréciée par tous, de ceux qui considère les chrétiens comme des ennemies comme les chrétiens eux-mêmes qui devront retrouver ou intensifier leur engagement social missionnaire.

Cette nouvelle coopération catholique-orthodoxe permettra aussi de manifester que ce travail d’éducation à la vertu est indispensable à toute société digne de ce nom. En ce sens, il est important souligner bon nombre de « limitations actuelles des droits des chrétiens, voire de leur discrimination, lorsque certaines forces politiques, guidées par l’idéologie d’un sécularisme si souvent agressif, s’efforcent de les pousser aux marges de la vie publique » (no 15).

Comme on le dit souvent « L’union fait la force » ! Les circonstances actuelles ne permettent plus que nous restions isolés les uns des autres. Tous les problèmes mentionnés dans cette Déclaration, signée par le Pape et le Patriarche, doivent nous convaincre de la centralité et de la nouvelle pertinence de l’œcuménisme aujourd’hui. Puisse cette rencontre historique être l’occasion d’un nouvel engagement commun entre catholiques et orthodoxes sur les nombreux chantiers spirituels et temporels qui s’imposent à nous en ce moment crucial de l’histoire humaine.

 

L’euthanasie ou l’humanisme perdu

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Jeudi le 25 février dernier, un rapport d’un comité mixte spécial fédéral a été déposé rendant publiques ses recommandations au Gouvernement fédéral sur l’enjeu crucial de la légalisation de l’euthanasie au pays. Faisant suite au jugement Carter de la Cour Suprême du Canada jugeant la criminalité de l’euthanasie inconstitutionnelle, ce rapport demande à l’éventuelle législation fédérale d’être beaucoup plus large que celle adoptée au Québec. En effet, selon ce rapport, l’État devrait non seulement permettre l’euthanasie volontaire dans les cas de mort imminente suite à une maladie incurable mais également pour les handicapés (Recommandation no 1), les personnes souffrant de troubles psychologiques (Recommandation no 3-4) et même pour les mineurs (Recommandation no 6). Ce document, long de 67 pages, donne ainsi raison à ceux qui craignaient que l’étendard des cas extrêmes utilisés lors des campagnes pro euthanasie n’aient été que le « cheval de Troie » d’un agenda caché. Tout compte fait, l’argument de la « pente glissante » aura encore une fois montré toute sa pertinence. Devant l’importance de cet enjeu, il était naturel que les évêques du Canada se lèvent pour dénoncer un tel effritement du droit le plus fondamental des Canadiens : le droit à la vie.

D’où vient donc cet acharnement en vue de conquérir ce prétendu « droit » à mourir? À ce sujet, plusieurs arguments sont avancés par les défenseurs de l’euthanasie. D’abord, il y a ceux qui voient dans cet enjeu l’exemple d’un combat d’une soi-disant libération. En ce sens, militer pour l’euthanasie aurait une valeur symbolique, ce serait l’occasion de s’insérer dans le mythe d’une modernité émancipatrice et de projeter une image de soi-même, à tort, au côté des grands héros tel Martin Luther King ou William Wilberforce.

D’autres pensent qu’il s’agit d’un combat motivé par la compassion, par une volonté de comprendre l’autre dans sa souffrance et dans les choix qui en découlent. J’imagine que certains pensent vraiment que l’euthanasie est un moyen raisonnable de venir en aide à une personne qui souffre. Loin de moi l’idée de juger l’intention des personnes favorables à cette pratique. Toutefois, l’enjeu mérite que l’on s’intéresse davantage aux arguments avancés plutôt qu’à l’honnêteté des interlocuteurs. Ici comme ailleurs, le prétendu « goût de mourir » n’est rien d’autre qu’un appel à l’aide déguisé. Une requête d’euthanasie ne tiendrait jamais dans des circonstances d’accompagnement adapté, répondant au besoin d’amour et de valorisation à la hauteur de la dignité humaine. Pensez-y deux minutes, pourrait-on croire qu’une personne entourée, aimée, valorisée, visitée, à qui l’on demande conseil, etc. entourée de petits-enfants ou de proches pourrait désirer quitter ce monde plus tôt que prévu ? Évidemment que non ! Pourquoi donc ne pas créer ces circonstances favorables autour de nous et socialement ?

Finalement, il y a ceux qui croient que ce « droit de mourir » entre parfaitement dans la logique du libéralisme effréné de notre monde actuel. Cette « culture du déchet » tant décriée par le pape François n’a pas que des applications économiques. En effet, elle réduit les hommes et les femmes à leur condition de consommateur c’est-à-dire à des machines à plaisir. Le citoyen n’est donc plus considéré comme une personne mais comme une « monade » dont le seul but est d’accroître les profits et les intérêts des puissants de ce monde, qu’ils soient PDG de multinationales, actionnaires, politiciens ou fonctionnaires gouvernementaux.

C’est de cette façon que, peu à peu, le moteur de la société est passé d’une vision holiste du bonheur humain à celle de la jouissance à tout prix. Passée d’une perspective humaniste à une perspective utilitariste, notre société en est venue à confondre la recherche légitime du bonheur avec celle du plaisir égoïste. Pas étonnant que, faute de ne plus comprendre le sens de la souffrance, nous ne soyons plus capables ni de la supporter ni de la tolérer ! C’est ici qu’a eu lieu le déplacement majeur qui aujourd’hui nous empêche de comprendre les implication de cette vérité fondamentale que la vie humaine est bien absolu. Puisque la vie n’est plus le Bien central à protéger mais plutôt le moyen par lequel nous jouissons des réalités qui nous entourent, il n’est pas surprenant qu’il soit commun de dire que la vie, peut, « ne plus valoir la peine d’être vécue ». En effet, si ma qualité de vie dépend de ma capacité de jouir, ne nous étonnons pas si la disparition de cette aptitude suffise à me convaincre que ma vie n’a plus de sens. Ainsi, puisqu’il est normal que les lois d’un pays suivent la culture et la mentalité d’un peuple, les changements de lois actuelles ne sont qu’un symptôme de cette révolution plus profonde.

Pour bien faire face à cette nouvelle menace contre la dignité des plus faibles de notre société, l’Assemblée des évêques du Québec a récemment publié un Parcours de réflexion intitulé Les soins de fin de vie à la lumière de la Parole de Dieu qui permet au lecteur de voir, à la fois, à quel point le riche patrimoine de la foi chrétienne donne un sens lumineux à la fin de vie mais également comment la mort peut être un chemin de réconciliation et d’humanisation. En ce sens, je vous invite à regarder l’épisode de l’émission Église en sortie  du 26 février 2016 dans lequel Mgr Paul Lortie, évêque de Mont-Laurier et président de l’AECQ nous présente ce document en cinq étapes ainsi que la lettre pastorale intitulée « Approcher de la mort avec le Christ ».

Devenir « Église en sortie » avec l’AECQ

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Le 26 janvier dernier, le Conseil Communauté et Ministère de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec publiait un document intitulé « Le tournant missionnaire des communautés chrétiennes. Devenir une « Église en sortie » à la suite de La Joie de l’Évangile ». Comme son nom l’indique, ce document offre une réflexion détaillée sur les modalités particulières de la conversion missionnaire de l’Église au Québec. Ainsi, le document, fruit d’une session d’étude et de réflexion qui a eu lieu à Trois-Rivières les 12 et 13 mars 2014, invite le lecteur à s’interroger sur les différents niveaux de changement qu’une telle conversion implique.

Ce document disponible sur le site de l’AECQ propose d’abord une relecture de l’exhortation apostolique du pape François Evangelii Gaudium afin d’y puiser les intuitions fondamentales qui doivent guider notre réflexion. Cette section un peu plus « théorique » nous invite donc à une démarche de « purification » au sens où nous devons sortir du « pessimisme, du fatalisme et de la méfiance. [En effet] certaines personnes ne se donnent pas à la mission, car elles croient que rien ne peut changer et pour elles, il est alors inutile de fournir des efforts » (EG no 175). Accepter d’être missionnaire signifie accepter de nous donner sans compter, offrir nos services au Seigneur sans s’attendre à trop de reconnaissance et sachant que les résultats ne seront peut-être jamais visibles pour nous. Cette conversion intérieure, qui manifeste pleinement que nous avons accepté d’être les instruments de l’Esprit Saint c’est-à-dire de Celui qui ne cherche pas à attirer l’attention, ne doit cependant pas se limiter à notre vie spirituelle. Elle doit aussi prendre forme dans notre propre conception de nous-mêmes comme Église.

Le document propose dans un deuxième temps une réflexion sur le constat de l’Église et de la société québécoise dans son ensemble. Comme on le dit souvent : « pour savoir où l’on va il faut savoir d’où on vient ». Bien qu’il est évident que l’histoire du Québec et l’histoire de l’Église sont intimement liées, il est également évident que les 50 dernières années ont été marquées par une fracture de plus en plus grande entre l’Église et la société québécoise. Ce passé de « chrétienté » étant bel et bien derrière nous, il est nécessaire de, non pas nous jeter dans le vide spirituel actuel, mais de revisiter nos fondateurs. En effet, comme l’a dit le pape François lors de la Messe d’action de Grâce pour la canonisation de Sainte Marie de l’Incarnation et Saint François de Laval, il est essentiel qu’aujourd’hui nous fassions :

« Mémoire de ceux qui nous ont précédés, de ceux qui ont fondé notre Église. Église féconde que celle du Québec ! Féconde de nombreux missionnaires qui sont allés partout. Le monde a été rempli de missionnaires canadiens comme ces deux-ci. Maintenant un conseil : que cette mémoire ne nous conduise pas à abandonner la franchise et le courage. Peut-être – ou plutôt non,  sans peut-être ! – le diable est jaloux et il ne tolère pas qu’une terre soit ainsi féconde de missionnaires. Prions le Seigneur pour que le Québec revienne sur ce chemin de la fécondité, pour donner au monde de nombreux missionnaires. Que ces deux-ci qui ont – pour ainsi dire – fondé l’Église du Québec, nous aident comme intercesseurs. Que la graine semée croisse et donne comme fruit de nouveaux hommes et femmes courageux, clairvoyants, avec le cœur ouvert à l’appel du Seigneur. Aujourd’hui, on doit demander cela pour votre pays. Eux, du ciel, seront nos intercesseurs. Que le Québec redevienne cette source de bons et de saints missionnaires. »

Revisiter nos fondateurs afin de nous laisser inspirer et, je dirais même, imbiber de leur zèle missionnaire. Seulement ainsi serons-nous en mesure d’effectuer cette transition douloureuse qu’impose la situation actuelle puisque nous garderons en tête que « le salut des âmes est, dans l’Église, la loi suprême »(no1752) qui doit guider notre agir.

Je vous invite à lire et méditer ce document du Conseil Communautés et Ministères de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec. Tant par sa réflexion fondamentale que par son souci de trouver des solutions aux problèmes concrets qui affectent l’Église de chez nous, ce document vous permettra d’approfondir votre réflexion sur la conversion missionnaire de l’Église tout en vous donnant des pistes pour mettre cette dernière en pratique. D’ici là, sachez que nous avons reçu Mgr Alain Faubert en studio et nous serons en mesure de vous présenter cette entrevue dans les semaines à venir dans le cadre de notre nouvelle émission « Église en Sortie ».

Nous constaterons que nous ne sommes « plus qu’un ».

blog_1452869798(Photo: Courtoisie Catholic News Service)

Du 18 au 25 janvier 2016 aura lieu la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Pour l’occasion, toutes sortes d’activités de ressourcement et de prière œcuménique seront organisées partout dans le monde. Le thème de cette année, « Appelés à proclamer les hauts faits du Seigneur » (cf. 1 Pierre 2, 9) est selon moi très pertinent puisqu’il est facile de faire le lien avec, à la fois, l’année de la miséricorde décrétée par le pape François mais aussi avec la dimension missionnaire de la foi chrétienne. Pour bien vous préparer à cette semaine importante, je vous conseille de consulter ce que nous propose le document du Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens fait conjointement avec 
la Commission Foi et Constitution du Conseil œcuménique des Églises. Avant de s’y attarder plus longuement je voulais vous partager une expérience que j’ai vécu.

Il y a quelques semaines déjà, je suis allé à Québec par l’entremise de l’agence Amigo Express. Pour ceux qui ont déjà utilisé ce service, vous savez que la plupart du temps le voyage commence par la question : « Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? ». Après avoir répondu être journaliste catholique à Sel + Lumière, le conducteur et la passagère ont tous les deux répliqué qu’ils étaient chrétiens eux-aussi, spécifiant qu’ils étaient de dénomination protestante. Nous étions donc trois personnes réunies complètement « par hasard » mais le simple fait de nous savoir chrétiens nous a permis d’échanger sur notre foi et toutes sortes de sujets de société. Je me suis alors rendu compte à quel point les circonstances du monde actuel sont favorables à l’œcuménisme et à l’unité des chrétiens. Notre société n’étant plus chrétienne, le dialogue peut se faire de manière beaucoup plus libre puisque nous n’avons plus vraiment d’intérêt humain à protéger. Selon moi, cela montre que nous avons comme personne et institution atteint une qualité de liberté qui s’approche de plus en plus de la véritable liberté évangélique nécessaire à l’acceptation de la plénitude de la Révélation. C’est ainsi qu’à la fin du voyage, au lieu de leur dire « au revoir » je leur ai dit « Dieu vous bénisse ». Mes interlocuteurs étaient très surpris de m’entendre parler un langage chrétien aussi ouvertement, surtout venant d’un catholique ! Toutefois, ils étaient heureux de la chose et m’ont souhaité la même bénédiction.

Comme je le disais au début, le thème de la semaine de cette année « Appelés à proclamer les hauts faits du Seigneur » (cf. 1 Pierre 2, 9) est fort adéquat puisqu’il manifeste le lien entre l’unité des chrétiens et la transformation missionnaire de l’Église. En effet, ce thème met l’emphase sur « l’appel » de tous les chrétiens. Cette dimension « vocationnelle » de l’unité des chrétiens manifeste bien que cette même unité est d’abord et avant tout un profond désir de Dieu. Cela nous aide donc à prendre conscience des racines humaines des divisions mais également de la priorité de la Grâce dans la construction de cette unité. Nous ne parviendrons à l’unité que si tous ensemble nous nous mettons à l’écoute de la Parole de Dieu d’une manière plus authentique. En ce sens, l’Église catholique ne parviendra à répondre adéquatement aux motions de Dieu que si elle oriente davantage sa pratique pastorale vers la mission. Par le fait même, elle aura mis l’accent sur le dialogue, la prière et l’action commune de tous les chrétiens.

La deuxième partie du thème de cette Semaine de prière pour l’unité des chrétiens souligne que notre appel consiste d’abord à « proclamer les hauts faits du Seigneur ». D’abord, cela signifie que nous devons prendre conscience que notre appel n’est pas de nous proclamer nous-mêmes comme personnes ou communauté mais d’attirer l’attention vers Dieu, vers Jésus. Loin des attitudes « autoréférentielles » (no 94-95) tant décriées par le pape François. Deuxièmement, cette décentralisation de nous-mêmes ne doit pas devenir culpabilisation ou honte de nous-mêmes mais bien manifestation des beautés que Dieu a faites pour nous et en nous. Nous avons tous raison de nous réjouir lorsque nous sommes heureux mais ce bonheur ne peut être authentique qu’en relation avec Celui qui nous donne l’existence et nous appelle à une communion avec Lui. Enfin, de ce témoignage des merveilles de la vie éternelle présentes dans notre vie et reçues par notre baptême, les chrétiens pourront être l’étincelle qui « mettra le feu » au monde. Un feu qui réchauffe et qui donne de l’énergie ! À Cela, de par leur baptême, tous les chrétiens peuvent y participer et, peut-être qu’un jour, alors que nous serons en chemin sans s’en rendre compte, nous nous constaterons que nous ne sommes « plus qu’un » (Jean 17, 11).

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