«C’est la miséricorde que je veux, et non les sacrifices»(Mt 9,13) Les œuvres de miséricorde dans le parcours jubilaire
1. Marie, icône d’une Eglise qui évangélise parce qu’elle a été évangélisée
Dans la Bulle d’indiction du Jubilé, j’ai invité à faire en sorte que « le Carême de cette Année Jubilaire [soit] vécu plus intensément comme un temps fort pour célébrer et expérimenter la miséricorde de Dieu » ( Misericordiae vultus, n. 17). Par le rappel de l’écoute de la Parole de Dieu et l’initiative « 24 heures pour le Seigneur », j’ai voulu souligner la primauté de l’écoute priante de la Parole, plus particulièrement de la Parole prophétique. La miséricorde de Dieu est certes une annonce faite au monde: cependant chaque chrétien est appelé à en faire l’expérience personnellement. C’est pourquoi, en ce temps de Carême, j’enverrai les Missionnaires de la
Miséricorde afin qu’ils soient pour tous un signe concret de la proximité et du pardon de Dieu. Parce qu’elle a accueilli la Bonne Nouvelle annoncée par l’archange Gabriel, Marie chante prophétiquement dans son Magnificat la miséricorde par laquelle Dieu l’a choisie. La Vierge de Nazareth, promise comme épouse à Joseph, devient ainsi l’icône parfaite de l’Eglise qui évangélise car elle a été et demeure constamment évangélisée par l’œuvre de l’Esprit Saint qui a fécondé son sein virginal. Dans la tradition prophétique – et déjà au niveau étymologique – la miséricorde est étroitement liée aux entrailles maternelles (rahamim) et à une bonté généreuse, fidèle et compatissante (hesed) qui s’exerce dans les relations conjugales et parentales.
2. L’alliance de Dieu avec les hommes : une histoire de miséricorde
Le mystère de la miséricorde divine se dévoile au cours de l’histoire de l’alliance entre Dieu et son peuple Israël. Dieu, en effet, se montre toujours riche en miséricorde, prêt à reverser sur lui en toutes circonstances une tendresse et une compassion viscérales, particulièrement dans les moments les plus dramatiques, lorsque l’infidélité brise le lien du pacte et que l’alliance requiert d’être ratifiée de façon plus stable dans la justice et dans la vérité. Nous nous trouvons ici face à un véritable drame d’amour où Dieu joue le rôle du père et du mari trompé, et Israël celui du fils ou de la fille, et de l’épouse infidèles. Ce sont les images familières, comme nous le voyons avec Osée (cf. Os 1-2), qui expriment jusqu’à quel point Dieu veut se lier à son peuple.
Ce drame d’amour atteint son point culminant dans le Fils qui s’est fait homme. Dieu répand en lui sa miséricorde sans limites, au point d’en faire la « Miséricorde incarnée » (Misericordiae Vultus, n. 8). En tant qu’homme, Jésus de Nazareth est fils d’Israël dans le plein sens du terme. Il l’est au point d’incarner cette écoute parfaite de Dieu demandée à tout Juif par le Shemà qui constitue, aujourd’hui encore, le cœur de l’alliance de Dieu avec Israël : « Ecoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes forces » (Dt 6, 4-5). Le Fils de Dieu est l’Epoux qui met tout en œuvre pour conquérir l’amour de son Epouse. Il lui est lié par son amour inconditionnel qui se manifeste dans les noces éternelles avec elle.
Ceci constitue le cœur vibrant du kérygme apostolique où la miséricorde divine tient une place centrale et fondamentale. Il est « la beauté de l’amour salvifique de Dieu manifesté en Jésus-Christ, mort et ressuscité » (Exhort. apost. Evangelii gaudium, n. 36), cette première annonce « que l’on doit toujours écouter de nouveau de différentes façons, et que l’on doit toujours annoncer de nouveau durant la catéchèse » (Ibid., n. 164). La miséricorde alors « illustre le comportement de Dieu envers le pécheur, lui offrant une nouvelle possibilité de se repentir, de se convertir et de croire » (Misericordiae vultus, n. 21), restaurant vraiment ainsi la relation avec Lui. En Jésus Crucifié, Dieu veut rejoindre l’homme pécheur jusque dans son éloignement le plus extrême, précisément là où il s’est égaré et éloigné de Lui. Et ceci, il le fait dans l’espoir de réussir finalement à toucher le cœur endurci de son Épouse.
3. Les œuvres de miséricorde
La miséricorde de Dieu transforme le cœur de l’homme et lui fait expérimenter un amour fidèle qui le rend capable d’être, à son tour, miséricordieux. C’est à chaque fois un miracle que la miséricorde divine puisse se répandre dans la vie de chacun de nous, en nous incitant à l’amour du prochain et en suscitant ce que la tradition de l’Eglise nomme les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. Elles nous rappellent que notre foi se traduit par des actes concrets et quotidiens, destinés à aider notre prochain corporellement et spirituellement, et sur lesquels nous serons jugés : le nourrir, le visiter, le réconforter, l’éduquer. C’est pourquoi j’ai souhaité que « le peuple chrétien réfléchisse durant le Jubilé sur les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. Ce sera une façon de réveiller notre conscience souvent endormie face au drame de la pauvreté, et de pénétrer toujours davantage le cœur de l’Evangile, où les pauvres sont les destinataires privilégiés de la miséricorde divine » (Ibid., n. 15). Dans la personne du pauvre, en effet, la chair du Christ « devient de nouveau visible en tant que corps torturé, blessé, flagellé, affamé, égaré… pour être reconnu par nous, touché et assisté avec soin » (Ibid.). Inouï et scandaleux mystère qui prolonge dans l’Histoire la souffrance de l’Agneau innocent, buisson ardent brûlant d’un amour gratuit, et devant lequel nous ne pouvons, à la suite de Moïse, qu’ôter nos sandales (cf. Ex 3,5) ; et ceci plus encore quand ce pauvre est notre frère ou notre sœur en Christ qui souffre à cause de sa foi.
Face à cet amour, fort comme la mort (cf. Ct 8,6), le pauvre le plus misérable est celui qui n’accepte pas de se reconnaître comme tel. Il croit être riche mais, en réalité, il est le plus pauvre des pauvres. Et s’il est tel, c’est parce qu’il est esclave du péché qui le pousse à user de la richesse et du pouvoir non pas pour servir Dieu et les autres, mais pour étouffer en lui l’intime conviction de n’être, lui aussi, rien d’autre qu’un pauvre mendiant. D’autant plus grands sont le pouvoir et les richesses dont il dispose, d’autant plus grand est le risque que cet aveuglement devienne mensonger. Il en vient à ne même plus vouloir voir le pauvre Lazare qui mendie à la porte de sa maison (cf. Lc 16, 20-21), figure du Christ qui, dans les pauvres, mendie notre conversion. Lazare est cette opportunité de nous convertir que Dieu nous offre et que peut-être nous ne voyons pas. Cet aveuglement est accompagné d’un délire orgueilleux de toute-puissance, dans lequel résonne, de manière sinistre, ce démoniaque « vous serez comme des dieux » (Gn 3,5), qui est à la racine de tout péché. Un tel délire peut également devenir un phénomène social et politique, comme l’ont montré les totalitarismes du XXème siècle, et comme le montrent actuellement les idéologies de la pensée unique et celles de la technoscience qui prétendent réduire Dieu à l’insignifiance et les hommes à des masses qu’on peut manipuler. Ceci, de nos jours, peut être également illustré par les structures de péché liées à un modèle erroné de développement fondé sur l’idolâtrie de l’argent qui rend indifférentes au destin des pauvres les personnes et les sociétés les plus riches, qui leur ferment les portes, refusant même de les voir.
Pour tous, le Carême de cette Année jubilaire est donc un temps favorable qui permet finalement de sortir de notre aliénation existentielle grâce à l’écoute de la Parole et aux œuvres de miséricorde. Si à travers les œuvres corporelles nous touchons la chair du Christ dans nos frères et nos sœurs qui ont besoin d’être nourris, vêtus, hébergés, visités, les œuvres spirituelles, quant à elles, – conseiller, enseigner, pardonner, avertir, prier – touchent plus directement notre condition de pécheurs. C’est pourquoi les œuvres corporelles et les œuvres spirituelles ne doivent jamais être séparées. En effet, c’est justement en touchant la chair de Jésus Crucifié dans le plus nécessiteux que le pécheur peut recevoir en don la conscience de ne se savoir lui-même rien d’autre qu’un pauvre mendiant. Grâce à cette voie, « les hommes au cœur superbe », « les puissants » et « les riches », dont parle le Magnificat ont la possibilité de reconnaître qu’ils sont, eux aussi, aimés de façon imméritée par le Christ Crucifié, mort et ressuscité également pour eux. Cet amour constitue la seule réponse à cette soif de bonheur et d’amour infinis que l’homme croit à tort pouvoir combler au moyen des idoles du savoir, du pouvoir et de l’avoir. Mais il existe toujours le danger qu’à cause d’une fermeture toujours plus hermétique à l’égard du Christ, qui dans la personne du pauvre continue à frapper à la porte de leur cœur, les hommes au cœur superbe, les riches et les puissants finissent par se condamner eux-mêmes à sombrer dans cet abîme éternel de solitude qu’est l’enfer. C’est alors que résonnent à nouveau, pour eux comme pour nous tous, les paroles ardentes d’Abraham : « Ils ont Moïse et les Prophètes, qu’ils les écoutent ! » (Lc 16,29). Cette écoute agissante nous préparera le mieux à fêter la victoire définitive sur le péché et sur la mort de l’Epoux qui est désormais ressuscité, et qui désire purifier sa future Épouse dans l’attente de son retour.
Ne laissons pas passer en vain ce temps de Carême favorable à la conversion ! Nous le demandons par l’intercession maternelle de la Vierge Marie, qui, la première, face à la grandeur de la miséricorde divine dont elle a bénéficié gratuitement, a reconnu sa propre petitesse (cf. Lc 1,48) en se reconnaissant comme l’humble Servante du Seigneur (cf. Lc 1,38).
FRANCISCUS
Du Vatican, 4 octobre 2015
Fête de Saint-François d’Assise
Message du pape François pour le Carême 2016
Conclusion de la Semaine de prière pour l’Unité des chrétiens
Texte en provenance du site français de Radio Vatican:
(RV) Le Pape François a présidé ce lundi soir, 25 janvier 2016, en la basilique de Saint-Paul-Hors-les-Murs, une célébration œcuménique pour conclure la Semaine de prière pour l’Unité des chrétiens.
Le Pape a traversé la Porte Sainte (ouverte officiellement le 13 décembre dernier) avec le métropolite Gennadios, représentant du Patriarcat œcuménique d Constantinople, et avec Sir David Moxon, évêque anglican néo-zélandais, représentant personnel à Rome de l’archevêque de Canterbury, «pour rappeler que l’unique porte qui nous conduit au salut est Jésus-Christ notre Seigneur, le visage miséricordieux du Père.»
Dans son homélie, en ce 25 janvier qui marque la commémoration liturgique de la Conversion de Saint Paul, François s’est appuyé sur l’expérience de Paul sur le chemin de Damas pour rappeler que ce bouleversement «n’était pas d’abord un changement moral, mais une expérience transformante de la grâce de Dieu, et en même temps l’appel à une nouvelle mission, celle d’annoncer à tous ce Jésus qu’avant il persécutait en persécutant ses disciples». Une mission qui ne se fondait donc pas sur ses mérites, mais sur «la bonté de Dieu».
«Pour les premiers chrétiens, comme aujourd’hui pour nous tous, baptisés, c’est un motif de réconfort et de constante stupeur de savoir avoir été choisis pour faire partie du dessein de salut de Dieu, acté en Jésus-Christ et dans l’Église», a rappelé le Pape. Tout repose donc sur l’appel de Dieu : «Nous pouvons progresser sur la voie de la pleine communion visible entre les chrétiens, pas seulement quand nous nous rapprochons les uns des autres, mais surtout dans la mesure à laquelle nous nous convertissons au Seigneur, qui par sa grâce nous choisit et nous appelle à être ses disciples.»
«L’unité se fait en chemin», a lancé le Pape en sortant de son texte, en appelant que les chrétiens des différentes Églises travaillent ensemble à la diffusion de l’Évangile.
Un appel au pardon et à la miséricorde
Le Pape François a voulu situer ce temps de prière dans la démarche du Jubilé de la Miséricorde et dans une demande de pardon, utilisant des termes proches de ceux utilisés par Saint Jean-Paul II lors du Jubilé de l’an 2000 : «comme évêque de Rome et pasteur de l’Église catholique, je veux invoquer miséricorde et pardon pour les comportements non évangéliques tenus de la part de catholiques dans les confrontations avec des chrétiens d’autres Églises, a déclaré le Pape François. Dans le même temps, j’invite tous les frères et sœurs catholiques à pardonner si, aujourd’hui ou dans le passé, ils ont subi des offenses d’autres chrétiens. Nous ne pouvons pas annuler ce qui s’est passé, mais nous ne voulons pas permettre que le poids des fautes passées continue à falsifier nos rapports. La miséricorde de Dieu renouvellera nos relations.»
Le Pape a aussi évoqué les martyrs communs aux différentes communautés chrétiennes : «Ici devant la tombe de Saint Pierre, apôtre et martyr, (…) nous sentons que notre humble requête est soutenus par l’intercession de la multitude des martyrs chrétiens d’hier et d’aujourd’hui. Ils ont répondu avec générosité à l’appel du Seigneur, ils ont donné un témoignage fidèle, avec leur vie, des œuvres merveilleuses que Dieu a accompli pour nous, et expérimentent déjà la pleine communion à la présence de Dieu le Père». Un exemple qui manifeste «l’œcuménisme du sang», a rappelé le Pape, sortantde son texte pour reprendre une expression qu’il utilise régulièrement.
Dans un geste improvisé, à la fin de la cérémonie, le Pape a demandé aux deux représentants des Églises sœurs de venir à ses côtés pour qu’ils puissent donner ensemble la bénédiction finale.
(CV)
Message du pape François pour la 50e journée des communications sociales
(Photo: Courtoisie Catholic News Service)
Vous trouverez ci-dessous le texte complet du message du pape François pour la 50e journée des communications sociales:
Communication et miséricorde: une rencontre féconde
Chers frères et sœurs,
L’Année Sainte de la Miséricorde nous invite à réfléchir sur le rapport entre communication et miséricorde. En effet l’Église, unie au Christ, incarnation vivante de Dieu Miséricordieux, est appelée à vivre la miséricorde comme un trait distinctif de tout son être et de tout son agir. Ce que nous disons et la manière dont nous le disons, chaque parole et chaque geste, devrait pouvoir exprimer la compassion, la tendresse et le pardon de Dieu pour tous. L’amour, par nature, est communication, il conduit à s’ouvrir et non pas à s’isoler. Et si notre cœur et nos gestes sont animés par la charité, par l’amour divin, notre communication sera porteuse de la force de Dieu.
En tant qu’enfants de Dieu, nous sommes appelés à communiquer avec tous, sans exclusion. En particulier, c’est le propre du langage et des actions de l’Église que de transmettre la miséricorde, en sorte de toucher les cœurs des personnes et de les soutenir sur le chemin vers la plénitude de la vie que Jésus Christ, envoyé par le Père, est venu apporter à tous. Il s’agit d’accueillir en nous et de répandre autour de nous la chaleur de l’Église Mère, pour que Jésus soit connu et aimé ; cette chaleur qui donne consistance aux paroles de la foi et qui allume dans la prédication et dans le témoignage l’ « étincelle » qui les rend vivantes.
La communication a le pouvoir de créer des ponts, de favoriser la rencontre et l’inclusion, enrichissant ainsi la société. Comme il est beau de voir des personnes engagées à choisir avec soin des paroles et des gestes pour dépasser les incompréhensions, guérir la mémoire blessée et construire la paix et l’harmonie. Les paroles peuvent jeter des ponts entre les personnes, les familles, les groupes sociaux, les peuples ; que ce soit dans le domaine physique ou dans le domaine numérique. Que les paroles et les actions soient donc telles qu’elles nous aident à sortir des cercles vicieux des condamnations et des vengeances, qui continuent à piéger les individus et les nations, et qui conduisent à s’exprimer avec des messages de haine. La parole du chrétien, au contraire, se propose de faire grandir la communion et, même quand il faut condamner le mal avec fermeté, elle cherche à ne jamais briser la relation et la communication.
Je voudrais donc inviter toutes les personnes de bonne volonté à redécouvrir le pouvoir de la miséricorde de guérir les relations déchirées, et de ramener la paix et l’harmonie entre les familles et dans les communautés. Nous savons tous de quelle manière les vieilles blessures et les ressentiments peuvent piéger les personnes et les empêcher de communiquer et de se réconcilier. Et ceci vaut aussi pour les relations entre les peuples. Dans tous ces cas, la miséricorde est capable de créer une nouvelle manière de parler et de dialoguer, comme l’a ainsi très bien exprimé Shakespeare : « La miséricorde n’est pas une obligation. Elle descend du ciel comme la fraîcheur de la pluie sur la terre. Elle est une double bénédiction : elle bénit celui qui la donne et celui qui la reçoit » (Le Marchand de Venise, Acte 4, Scène 1).
Il est souhaitable que le langage de la politique et de la diplomatie se laisse aussi inspirer par la miséricorde, qui ne donne jamais rien pour perdu. Je fais appel surtout à tous ceux qui ont des responsabilités institutionnelles, politiques et dans la formation de l’opinion publique, pour qu’ils soient toujours vigilants sur la manière de s’exprimer envers celui qui pense ou agit autrement, et aussi envers celui qui peut s’être trompé. Il est facile de céder à la tentation d’exploiter de semblables situations et d’alimenter ainsi les flammes de la défiance, de la peur, de la haine. Il faut au contraire du courage pour orienter les personnes dans des processus de réconciliation ; et c’est justement cette audace positive et créative qui offre de vraies solutions à de vieux conflits, et l’occasion de réaliser une paix durable. « Bienheureux les miséricordieux, parce qu’ils obtiendront miséricorde […] Bienheureux les artisans de paix, parce qu’ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 7.9).
Comme je voudrais que notre manière de communiquer, et aussi notre service de pasteurs dans l’Église, n’exprime jamais l’orgueil fier du triomphe sur un ennemi, ni n’humilie ceux que la mentalité du monde considère comme perdants et à rejeter ! La miséricorde peut aider à tempérer les adversités de la vie et à offrir de la chaleur à tous ceux qui ont seulement connu la froideur du jugement. Que le style de notre communication soit en mesure de dépasser la logique qui sépare nettement les pécheurs des justes. Nous pouvons et devons juger des situations de péché – violence, corruption, exploitation, etc. – mais nous ne pouvons pas juger les personnes, parce que seul Dieu peut lire en profondeur dans leur cœur. C’est notre devoir d’avertir celui qui se trompe, en dénonçant la méchanceté et l’injustice de certains comportements, afin de libérer les victimes et de soulager celui qui est tombé. L’Évangile de Jean nous rappelle que « La vérité vous rendra libres » (Jn 8, 32). Cette vérité est, en définitive, le Christ lui-même, dont la douce miséricorde est la mesure de notre manière d’annoncer la vérité et de condamner l’injustice. C’est notre principal devoir d’affirmer la vérité avec amour (Cf. Ep 4, 15). Seules les paroles prononcées avec amour et accompagnées de douceur et de miséricorde touchent les cœurs des pécheurs que nous sommes. Des paroles et des gestes durs ou moralisants risquent d’aliéner plus tard ceux que nous voudrions conduire à la conversion et à la liberté, en renforçant leur sens du refus et de la défense.
Le Pape modifie le rite du lavement des pieds
Un nouveau décret a été publié concernant le rite du lavement des pieds. La congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements a annoncé la décision du pape François le 21 janvier 2016. Voici le texte du décret dans son intégralité:
DÉCRET
Par le décret Maxima Redemptionis nostræ mysteria (30 novembre 1955) la réforme de la Semaine Sainte a donné la faculté, là où pastoralement cela semble bon, de faire le lavement des pieds à douze hommes pendant la Messe de la Cène du Seigneur, après la lecture de l’Evangile selon saint Jean, comme pour exprimer d’une manière représentative l’humilité et l’amour du Christ envers ses disciples.
Ce rite, dans la liturgie romaine, a été transmis sous le nom de Mandatum du Seigneur sur la charité fraternelle suivant les paroles de Jésus (cfr. Jn 13,34) qui sont chantées comme antienne durant la célébration.
En accomplissant ce rite, les Evêques et les prêtres sont invités à se conformer intimement au Christ, qui « n’est pas venu pour être servi, mais pour servir » (Mt 20,28) et, poussé par un amour qui va « jusqu’au bout » (Jn 13,1), donner sa vie pour le salut de tout le genre humain.
Pour manifester ce sens plénier du rite à ceux qui participent, il a paru bon au Souverain Pontife François de changer la norme qu’on lit dans les rubriques du Missalis Romani (p. 300 n. 11) : « Les hommes qui ont été choisis sont conduits … », qui doit être changée de la manière suivante : « Ceux qui ont été choisis parmi le peuple de Dieu sont conduits … » (et, par conséquent, aussi dans le Cæremoniale Episcoporum au n. 301, alors qu’au n. 299b on lira ainsi : « des sièges pour ceux qui ont été désignés »), de manière à ce que les pasteurs puissent choisir un petit groupe de fidèles qui représentent la variété et l’unité de chaque portion du peuple de Dieu. Ce petit groupe peut être composé d’hommes et de femmes et, comme il convient, de jeunes et d’anciens, de personnes en santé ou malades, de clercs, de consacrés et de laïcs.
Cette Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, en vertu des facultés concédées par le Souverain Pontife, introduit ce changement dans les livres liturgiques du Rite Romain, tout en rappelant aux pasteurs leur devoir d’instruire adéquatement aussi bien les fidèles choisis pour ce rite que les autres, afin qu’ils y participent de façon consciente, active et fructueuse.
Nonobstant toute chose contraire. De la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, le 6 janvier 2016, solennité de l’Epiphanie du Seigneur.
Robert Card. Sarah Préfet
Arthur Roche Archevêque Secrétaire
Discours du pape François lors de sa visite à la Grande Synagogue de Rome
Vous trouverez ci-dessous le texte complet du discours du pape François lors de sa visite à la Grande Synagogue de Rome le 17 janvier 2016. [Texte original : italien, et hébreu] © Traduction de Zenit, Anita Bourdin :
Chers frères et sœurs,
Je suis heureux de me trouver avec vous aujourd’hui dans cette Grande synagogue. Je remercie de leurs paroles courtoises le Dr Di Segni, Mme Dureghello et l’Avocat Gattegna, et je vous remercie tous de votre accueil chaleureux. Toda rabba, merci!Lors de cette première visite que je fais dans cette synagogue en tant qu’évêque de Rome, je désire vous exprimer, en l’étendant à toutes les communautés juives, le salut fraternel de paix de cette Eglise et de toute l’Eglise catholique. Nos relations me tiennent beaucoup à cœur. A Buenos Aires déjà, j’avais l’habitude de me rendre dans les synagogues pour y rencontrer les communautés qui s’y réunissent, suivre de près les fêtes et les commémorations juives et rendre grâce au Seigneur qui nous donne la vie et qui nous accompagne sur le chemin de l’histoire. Au cours du temps, un lien spirituel s’est créé, qui a favorisé la naissance d’authentiques relations d’amitié et qui ont aussi inspiré un engagement commun.
Dans le dialogue interreligieux, il est fondamental que nous nous rencontrions comme des frères et sœurs devant notre Créateur et que nous lui rendions louange, que nous nous respections, et que nous nous apprécions mutuellement et que nous cherchions à collaborer. Et dans le dialogue judéo-chrétien, il y a un lien unique et particulier, en vertu des racines juives du christianisme : juifs et chrétiens doivent donc se sentir frères, unis par le même Dieu et par un riche patrimoine spirituel commun (cf. Déclaration Nostra aetate, 4), sur lequel se fonder pour continuer à construire l’avenir.
Par ma visite, je suis les pas de mes prédécesseurs. Le pape Jean-Paul II est venu ici il y a trente ans, le 13 avril 1986. Et le pape Benoît XVI a été parmi vous il y a déjà six ans. A cette occasion, Jean-Paul II a forgé cette expression de « frères aînés » et en effet vous êtes nos frères et nos sœurs aînés dans la foi. Nous appartenons tous à une unique famille, la famille de Dieu, qui nous accompagne et qui nous protège comme son peuple. Ensemble, en tant que juifs et en tant que catholiques, nous sommes appelés à assumer nos responsabilités pour cette ville, en apportant notre contribution, avant tout spirituelle, et en favorisant la résolution des différents problèmes actuels. Je souhaite que grandisse toujours plus la proximité, la connaissance réciproque, et l’estime entre nos deux communautés de foi. C’est pourquoi il est significatif que je sois venu parmi vous aujourd’hui, le 17 janvier, alors que la Conférence épiscopale italienne célèbre la Journée du dialogue entre catholiques et juifs.
Nous venons de commémorer le 50e anniversaire de la Déclaration du concile Vatican II, Nostra ætate, qui a rendu possible le dialogue systématique entre l’Eglise catholique et le judaïsme. Le 28 octobre dernier, place Saint-Pierre, j’ai pu saluer aussi de nombreux représentants juifs et je me suis exprimé ainsi : « Dieu mérite une gratitude particulière pour la véritable transformation qu’a subie, au cours de ces 50 années, la relation entre les chrétiens et les juifs. L’indifférence et l’opposition se sont transformées en collaboration et bienveillance. D’ennemis et étrangers, nous sommes devenus amis et frères. Le Concile, avec la déclaration Nostra ætate, a tracé la route : « oui » à la redécouverte des racines juives du christianisme ; « non » à toute forme d’antisémitisme et condamnation de toute injure, discrimination et persécution qui en découlent. »
Nostra ætate a défini théologiquement pour la première fois, de façon explicite, les relations de l’Eglise catholique avec le judaïsme. Elle n’a naturellement pas résolu toutes les questions théologiques qui nous concernent mais elle y a fait référence de façon encourageante, en fournissant un stimulant très important pour des réflexions ultérieures nécessaires. A ce propos, le 10 décembre 2015, la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme a publié un nouveau document qui affronte les questions théologiques qui ont émergé ces dernières décennies, depuis la promulgation de Nostra ætate. En effet, la dimension théologique du dialogue judéo-chrétien mérite d’être toujours plus approfondie, et je désire encourager tous ceux qui sont engagés dans ce dialogue, à continuer dans ce sens avec discernement et persévérance. Justement, d’un point de vue théologique, le lien indissoluble qui unit chrétiens et juifs apparaît clairement. Les chrétiens, pour se comprendre eux-mêmes, ne peuvent pas ne pas se référer à leurs racines juives, et l’Eglise, tout en professant le salut par la foi dans le Christ, reconnaît le caractère irrévocable de l’Ancienne Alliance, et l’amour constant et fidèle de Dieu pour Israël.
Avec les questions théologiques, nous ne devons pas perdre de vue les grands défis que le monde d’aujourd’hui doit affronter. Celui d’une écologie intégrale est désormais prioritaire, et, en tant que chrétiens et juifs, nous pouvons et nous devons offrir à l’humanité tout entière le message de la Bible sur la protection de la Création. Conflits, guerres, violences et injustices ouvrent des blessures profondes dans l’humanité, et nous appellent à renforcer l’engagement pour la paix et pour la justice. La violence de l’homme contre l’homme est en contradiction avec toute religion digne de ce nom, et en particulier les trois grandes religions monothéistes. La vie est sacrée, en tant que don de Dieu. Le cinquième commandement du Décalogue dit : « Tu ne tueras pas » (Ex 20, 13). Dieu est le Dieu de la vie, et il veut toujours la promouvoir et la défendre. Et nous, créés à son image et à sa ressemblance, nous sommes tenus de faire de même. Tout être humain, en tant que créature de Dieu, est notre frère, indépendamment de son origine ou de son appartenance religieuse. Toute personne doit être regardée avec bienveillance, comme Dieu le fait, lui qui tend à tous sa main miséricordieuse, indépendamment de leur foi et de leur provenance, et qui prend soin de ceux qui ont le plus besoin de Lui : les pauvres, les malades, les marginaux, les sans-défense. Là où la vie est en danger, nous sommes encore plus appelés à la protéger. Ni la violence ni la mort n’auront le dernier mot devant Dieu, qui est le Dieu de l’amour et de la vie.
Nous devons le prier avec insistance afin qu’il nous aide à mettre en pratique en Europe, en Terre sainte, au Moyen Orient, en Afrique et dans tout autre partie du monde, la logique de la paix, de la réconciliation, du pardon et de la vie. Au cours de son histoire, le peuple juif a dû faire l’expérience de la violence et de la persécution, jusqu’à l’extermination des juifs européens durant la Shoah. Pour la seule raison de leur appartenance au peuple juif, six millions de personnes ont été victimes de la barbarie la plus inhumaine, perpétrée au nom d’une idéologie qui voulait remplacer Dieu par l’homme. Le 16 octobre 1943, plus de mille hommes, femmes et enfants de la communauté juive de Rome ont été déportés à Auschwitz. Aujourd’hui, je désire me souvenir d’eux de façon spéciale : leurs souffrances, leurs angoisses, leurs larmes ne doivent jamais être oubliées. Et le passé doit nous servir de leçon pour le présent et pour l’avenir. La Shoah nous enseigne qu’il faut toujours la plus grande vigilance pour pouvoir intervenir rapidement pour défendre la dignité humaine et la paix.
Je voudrais exprimer ma proximité à chaque témoin de la Shoah encore vivant. Et je salue particulièrement ceux qui sont présents ici aujourd’hui. Chers frères aînés, nous devons vraiment être reconnaissants pour tout ce qu’il a été possible de réaliser ces cinquante dernières années, parce qu’entre nous ont grandi et se sont approfondies la compréhension réciproque, la confiance mutuelle et l’amitié.
Prions ensemble le Seigneur afin qu’il conduise notre chemin vers un avenir bon, meilleur. Dieu a pour nous des projets de salut, comme le dit le prophète Jérémie :« Je connais mes projets pour vous – oracle du Seigneur – des projets de paix et non de malheur, pour vous accorder un avenir plein d’espérance » (Jérémie 29, 11).
Que le Seigneur nous bénisse et nous protège. Qu’il fasse briller sur nous son visage et nous donne sa grâce. Qu’il tourne vers nous son visage et nous accorde la paix (cf. Nombres 6,24-26). Shalom alechem !
Nous constaterons que nous ne sommes « plus qu’un ».
(Photo: Courtoisie Catholic News Service)
Du 18 au 25 janvier 2016 aura lieu la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Pour l’occasion, toutes sortes d’activités de ressourcement et de prière œcuménique seront organisées partout dans le monde. Le thème de cette année, « Appelés à proclamer les hauts faits du Seigneur » (cf. 1 Pierre 2, 9) est selon moi très pertinent puisqu’il est facile de faire le lien avec, à la fois, l’année de la miséricorde décrétée par le pape François mais aussi avec la dimension missionnaire de la foi chrétienne. Pour bien vous préparer à cette semaine importante, je vous conseille de consulter ce que nous propose le document du Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens fait conjointement avec la Commission Foi et Constitution du Conseil œcuménique des Églises. Avant de s’y attarder plus longuement je voulais vous partager une expérience que j’ai vécu.
Il y a quelques semaines déjà, je suis allé à Québec par l’entremise de l’agence Amigo Express. Pour ceux qui ont déjà utilisé ce service, vous savez que la plupart du temps le voyage commence par la question : « Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? ». Après avoir répondu être journaliste catholique à Sel + Lumière, le conducteur et la passagère ont tous les deux répliqué qu’ils étaient chrétiens eux-aussi, spécifiant qu’ils étaient de dénomination protestante. Nous étions donc trois personnes réunies complètement « par hasard » mais le simple fait de nous savoir chrétiens nous a permis d’échanger sur notre foi et toutes sortes de sujets de société. Je me suis alors rendu compte à quel point les circonstances du monde actuel sont favorables à l’œcuménisme et à l’unité des chrétiens. Notre société n’étant plus chrétienne, le dialogue peut se faire de manière beaucoup plus libre puisque nous n’avons plus vraiment d’intérêt humain à protéger. Selon moi, cela montre que nous avons comme personne et institution atteint une qualité de liberté qui s’approche de plus en plus de la véritable liberté évangélique nécessaire à l’acceptation de la plénitude de la Révélation. C’est ainsi qu’à la fin du voyage, au lieu de leur dire « au revoir » je leur ai dit « Dieu vous bénisse ». Mes interlocuteurs étaient très surpris de m’entendre parler un langage chrétien aussi ouvertement, surtout venant d’un catholique ! Toutefois, ils étaient heureux de la chose et m’ont souhaité la même bénédiction.
Comme je le disais au début, le thème de la semaine de cette année « Appelés à proclamer les hauts faits du Seigneur » (cf. 1 Pierre 2, 9) est fort adéquat puisqu’il manifeste le lien entre l’unité des chrétiens et la transformation missionnaire de l’Église. En effet, ce thème met l’emphase sur « l’appel » de tous les chrétiens. Cette dimension « vocationnelle » de l’unité des chrétiens manifeste bien que cette même unité est d’abord et avant tout un profond désir de Dieu. Cela nous aide donc à prendre conscience des racines humaines des divisions mais également de la priorité de la Grâce dans la construction de cette unité. Nous ne parviendrons à l’unité que si tous ensemble nous nous mettons à l’écoute de la Parole de Dieu d’une manière plus authentique. En ce sens, l’Église catholique ne parviendra à répondre adéquatement aux motions de Dieu que si elle oriente davantage sa pratique pastorale vers la mission. Par le fait même, elle aura mis l’accent sur le dialogue, la prière et l’action commune de tous les chrétiens.
La deuxième partie du thème de cette Semaine de prière pour l’unité des chrétiens souligne que notre appel consiste d’abord à « proclamer les hauts faits du Seigneur ». D’abord, cela signifie que nous devons prendre conscience que notre appel n’est pas de nous proclamer nous-mêmes comme personnes ou communauté mais d’attirer l’attention vers Dieu, vers Jésus. Loin des attitudes « autoréférentielles » (no 94-95) tant décriées par le pape François. Deuxièmement, cette décentralisation de nous-mêmes ne doit pas devenir culpabilisation ou honte de nous-mêmes mais bien manifestation des beautés que Dieu a faites pour nous et en nous. Nous avons tous raison de nous réjouir lorsque nous sommes heureux mais ce bonheur ne peut être authentique qu’en relation avec Celui qui nous donne l’existence et nous appelle à une communion avec Lui. Enfin, de ce témoignage des merveilles de la vie éternelle présentes dans notre vie et reçues par notre baptême, les chrétiens pourront être l’étincelle qui « mettra le feu » au monde. Un feu qui réchauffe et qui donne de l’énergie ! À Cela, de par leur baptême, tous les chrétiens peuvent y participer et, peut-être qu’un jour, alors que nous serons en chemin sans s’en rendre compte, nous nous constaterons que nous ne sommes « plus qu’un » (Jean 17, 11).
Message du pape François pour le Jubilé de la Miséricorde des jeunes garçons et filles
Grandir en étant miséricordieux comme le Père
Chers jeunes,
l’Église vit l’Année Sainte de la Miséricorde, un temps de grâce, de paix, de conversion et de joie qui implique tout le monde : petits et grands, proches et lointains. Il n’y a pas de frontière ou de distance qui puissent empêcher la miséricorde du Père de nous rejoindre et de se rendre présente au milieu de nous. Désormais la Porte Sainte est ouverte à Rome et dans tous les diocèses du monde.
Ce temps précieux vous concerne vous aussi, chers jeunes garçons et filles, et je m’adresse à vous pour vous inviter à y prendre part, à en devenir les acteurs, vous découvrant enfants de Dieu (cf. 1 Jn 3, 1). Je voudrais vous appeler un par un, je voudrais vous appeler par votre nom, comme fait Jésus chaque jour, parce que vous savez bien que vos noms sont inscrits dans les cieux (Lc 10, 20), sont gravés dans le cœur du Père qui est le Cœur miséricordieux d’où naît toute réconciliation et toute douceur.
Le Jubilé est une année entière où chaque moment est dit saint afin que notre existence devienne entièrement sainte. C’est une occasion où nous redécouvrons que vivre en frères est une grande fête, la plus belle que nous puissions rêver, la fête sans fin que Jésus nous a enseigné à chanter dans son Esprit. Le Jubilé est la fête à laquelle Jésus invite vraiment chacun, sans distinctions et sans exclure personne. Pour cela j’ai désiré vivre aussi avec vous des journées de prière et de fête. Je vous attends nombreux, donc, au mois d’avril prochain.
“Grandir en étant miséricordieux comme le Père” est le titre de votre Jubilé, mais c’est aussi la prière que nous faisons pour vous tous, vous accueillant au nom de Jésus. Grandir en étant miséricordieux signifie apprendre à être courageux dans l’amour concret et désintéressé, signifie devenir grands aussi bien au physique qu’à l’intérieur. Vous vous préparez à devenir des chrétiens capables de choix et de gestes courageux, en mesure de construire chaque jour, aussi dans les petites choses, un monde de paix.
Vous êtes à un âge d’incroyables changements, où tout semble possible et impossible en même temps. Je vous répète avec beaucoup de force : « Demeurez sur le chemin de la foi avec une ferme espérance dans le Seigneur. Là se trouve le secret de notre chemin ! Lui nous donne le courage d’aller à contrecourant. Croyez-moi: cela fait du bien au cœur, mais il faut du courage pour aller à contrecourant et lui nous donne ce courage ! Avec lui nous pouvons faire de grandes choses ; il nous fera sentir la joie d’être ses disciples, ses témoins. Misez sur les grands idéaux, sur les grandes choses. Nous chrétiens nous ne sommes pas choisis par le Seigneur pour de petites bricoles, allez toujours au- delà, vers les grandes choses. Jouez votre vie pour de grands idéaux ! » (Homélie pour la journée des confirmés de l’Année de la Foi, 28 avril 2013).
Je ne peux pas vous oublier, jeunes garçons et filles, qui vivez dans des contextes de guerre, d’extrême pauvreté, de lutte quotidienne, d’abandon. Ne perdez pas l’espérance, le Seigneur a un grand rêve à réaliser avec vous ! Vos amis de votre âge qui vivent dans des conditions moins dramatiques que la vôtre, se souviennent de vous et s’engagent pour que la paix et la justice puissent appartenir à tous. Ne croyez pas aux paroles de haine et de terreur qui sont souvent répétées ; construisez au contraire des amitiés nouvelles. Offrez votre temps, préoccupez-vous toujours de celui qui vous demande de l’aide. Soyez courageux et à contrecourant, soyez des amis de Jésus, qui est le Prince de la paix (cf. Is 9, 6), « tout en Lui parle de miséricorde. Rien en Lui ne manque de compassion » (Misericordiae vultus, n. 8).
Je sais que vous ne pourrez pas tous venir à Rome, mais le Jubilé est vraiment pour tous et sera célébré aussi dans votre Églises locales. Vous êtes tous invités à ce moment de joie ! Ne préparez pas seulement les sacs et les banderoles, préparez surtout votre cœur et votre esprit. Méditez bien les désirs que vous remettrez à Jésus dans le sacrement de la Réconciliation et dans l’Eucharistie que nous célébrerons ensemble.
Quand vous traverserez la Porte Sainte, rappelez-vous que vous vous engagez à rendre sainte votre vie, à vous nourrir de l’Évangile et de l’Eucharistie, qui sont la Parole et le Pain de la Vie, pour pouvoir construire un monde plus juste et plus fraternel.
Que le Seigneur bénisse chacun de vos pas vers la Porte Sainte. Je prie pour vous l’Esprit Saint, afin qu’il vous guide et vous éclaire. Que la Vierge Marie, qui est Mère de tous, soit pour vous, pour vos familles et pour tous ceux qui vous aident à grandir en bonté et en grâce, une vraie Porte de la Miséricorde.
Du Vatican, le 6 janvier 2016, Solennité de l’Épiphanie du Seigneur
FRANCISCUS
Discours du pape François à l’occasion des voeux du corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège
Vous trouverez ci-dessous le texte complet du discours du pape François à l’occasion des voeux du corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège:
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Je vous adresse une cordiale bienvenue à ce rendez-vous annuel, qui m’offre l’opportunité de vous présenter mes vœux pour la nouvelle année, me permettant de réfléchir avec vous sur la situation de notre monde, béni et aimé de Dieu, pourtant tourmenté et affligé de nombreux maux. Je remercie le nouveau Doyen du Corps diplomatique, Son Excellence Monsieur Armindo Fernandes do Espírito Santo Vieira, Ambassadeur d’Angola, pour les aimables paroles qu’il m’a adressées au nom de tout le Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, alors que je désire rappeler d’une façon spéciale – à presqu’un mois de leur disparition – les regrettés Ambassadeur de Cuba, Rodney Alejandro López Clemente, et du Libéria, Rudolf P. von Ballmoos.
L’occasion m’est offerte aussi d’adresser une pensée particulière à tous ceux qui participent pour la première fois à cette rencontre, relevant avec satisfaction que, au cours de l’année passée, le nombre d’Ambassadeurs résidant à Rome s’est encore accru. Il s’agit d’une indication significative de l’attention avec laquelle la Communauté internationale suit l’activité diplomatique du Saint-Siège. Les Accords internationaux souscrits ou ratifiés au cours de l’année qui vient de s’achever en sont une preuve supplémentaire. Je désire, en particulier, citer ici les ententes spécifiques en matière fiscale signées avec l’Italie et les États-Unis d’Amérique, qui témoignent de l’engagement accru du Saint-Siège en faveur d’une plus grande transparence dans les questions économiques. Non moins importants sont les accords de caractère général, en vue de réguler des aspects essentiels de la vie et de l’activité de l’Église dans les différents pays, comme l’entente signée à Díli avec la République du Timor-Oriental.
Je désire également rappeler l’échange des Instruments de ratification de l’Accord avec le Tchad sur l’état juridique de l’Église catholique dans le pays, comme aussi l’Accord signé et ratifié avec la Palestine. Il s’agit de deux accords qui, avec le Mémorandum d’Entente entre la Secrétairerie d’État et le Ministère des Affaires étrangères du Koweït, montrent, entre autre, comment le vivre-ensemble pacifique entre des personnes appartenant à des religions différentes est possible, là où la liberté religieuse est reconnue et où la possibilité effective de collaborer à l’édification du bien commun, dans le respect réciproque de l’identité culturelle de chacun, est garantie.
D’autre part, chaque expérience religieuse authentiquement vécue ne peut que promouvoir la paix. Noël, que nous venons de célébrer et où nous avons contemplé la naissance d’un enfant sans défense, « appelé : Conseiller merveilleux, Dieu-fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix » (cf. Is 9, 5), nous le rappelle. Le mystère de l’Incarnation nous montre le vrai visage de Dieu, pour qui puissance ne signifie pas force et destruction, mais bien amour ; justice ne signifie pas vengeance, mais bien miséricorde. C’est dans cette perspective que j’ai voulu proclamer le Jubilé extraordinaire de la Miséricorde, inauguré exceptionnellement à Bangui au cours de mon voyage apostolique au Kenya, en Ouganda et en République Centrafricaine. Dans un pays longuement éprouvé par la faim, la pauvreté et les conflits, où la violence fratricide des dernières années a laissé des blessures profondes dans les âmes, déchirant la communauté nationale et engendrant misère matérielle et morale, l’ouverture de la Porte Sainte de la Cathédrale de Bangui a voulu être un signe d’encouragement à élever le regard, à reprendre la route et à retrouver les raisons du dialogue. Là où l’on a abusé du nom de Dieu pour commettre l’injustice, j’ai voulu rappeler, avec la communauté musulmane de la République Centrafricaine, que « celui qui dit croire en Dieu doit être aussi un homme, une femme de paix » [1], et donc de miséricorde, puisqu’on ne peut jamais tuer au nom de Dieu. Seule une forme idéologique et déviée de la religion peut penser rendre justice au nom du Tout-Puissant, en massacrant délibérément des personnes sans défense, comme cela est arrivé dans les attentats terroristes sanglants des mois derniers en Afrique, en Europe et au Moyen-Orient.
La miséricorde a été comme le “fil conducteur” qui a guidé mes voyages apostoliques déjà au cours de l’année passée. Je me réfère surtout à la visite à Sarajevo, ville profondément blessée par la guerre dans les Balkans et capitale d’un pays, la Bosnie Herzégovine, qui revêt une signification spéciale pour l’Europe et pour le monde entier. Un tel carrefour de cultures, nations et religions s’efforce, avec des résultats positifs, de construire toujours de nouveaux ponts, de valoriser ce qui unit et de regarder les différences comme des opportunités de croissance dans le respect de tous. Cela est possible grâce au dialogue patient et confiant, qui sait faire siennes les valeurs de la culture de chacun et accueillir le bien provenant des expériences d’autrui [2].
Ma pensée va ensuite au voyage en Bolivie, en Équateur et au Paraguay, où j’ai rencontré des peuples qui ne se rendent pas face aux difficultés et affrontent avec courage, détermination et esprit de fraternité les nombreux défis qui les tourmentent, à commencer par la pauvreté diffuse et les inégalités sociales. Au cours du voyage à Cuba et aux États-Unis d’Amérique, j’ai pu embrasser deux pays qui ont été longuement divisés et qui ont décidé d’écrire une nouvelle page de l’histoire, en entreprenant un chemin de rapprochement et de réconciliation.
À Philadelphie, à l’occasion de la Rencontre mondiale des familles, comme aussi au cours du voyage au Sri Lanka et aux Philippines et avec le récent Synode des Évêques, j’ai rappelé l’importance de la famille, qui est la première et la plus importante école de miséricorde, où l’on apprend à découvrir le visage affectueux de Dieu et où notre humanité grandit et se développe. Malheureusement, nous connaissons les nombreux défis que la famille doit affronter en ce temps, où elle est « menacée par les efforts croissants de certains pour redéfinir l’institution-même du mariage à travers le relativisme, la culture de l’éphémère et un manque d’ouverture à la vie » [3]. Il y a aujourd’hui une peur diffuse face au caractère définitif que la famille exige et en font les frais surtout les plus jeunes, souvent fragiles et désorientés, et les personnes âgées qui finissent par être oubliées et abandonnées. Au contraire, « de la fraternité vécue en famille, naît (…) la solidarité dans la société » [4], qui nous porte à être responsable les uns des autres. Cela est possible seulement si dans nos maisons, de même que dans nos sociétés, nous ne laissons pas se sédimenter les peines et les ressentiments, mais donnons place au dialogue, qui est le meilleur antidote à l’individualisme si largement répandu dans la culture de notre temps.
Homélie du pape François lors de la Messe de l’Épiphanie
Les paroles du Prophète Isaïe – adressées à la ville sainte de Jérusalem – nous appellent à nous lever, à sortir, sortir de nos fermetures, sortir de nous-mêmes, et à reconnaître la splendeur de la lumière qui illumine notre existence : « Debout, Jérusalem, resplendis ! Elle est venue ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi » (60,1). “Ta lumière”, c’est la gloire du Seigneur. L’Église ne doit pas croire qu’elle brille de sa propre lumière ; elle ne le doit pas. Saint Ambroise le rappelle dans une belle expression, en utilisant la lune comme métaphore de l’Église : « L’Église est véritablement comme la lune: […] elle brille non pas de sa propre lumière, mais de celle du Christ. Elle tire sa splendeur du Soleil de justice, de sorte que l’on peut dire : “Ce n’est plus moi qui vit mais le Christ qui vit en moi” » (Exameron, IV, 8, 32). Le Christ est la vraie lumière qui éclaire ; et dans la mesure où l’Église demeure ancrée en lui, dans la mesure où l’Eglise se laisse éclairer par lui, elle parvient à éclairer la vie des personnes et des peuples. C’est pourquoi les saints Pères reconnaissaient dans l’Église le “mysterium lunae”.
Nous avons besoin de cette lumière qui vient d’en haut pour correspondre de manière cohérente à la vocation que nous avons reçue. Annoncer l’Évangile du Christ n’est pas un choix que nous pourrions faire parmi tant d’autres, ce n’est pas non plus une profession. Pour l’Église, être missionnaire ne signifie pas faire du prosélytisme. Pour l’Église, être missionnaire revient à exprimer sa nature même : être illuminée par Dieu et réfléchir sa lumière. C’est cela son service. Il n’y a pas d’autre voie. La mission est sa vocation : faire resplendir la lumière du Christ est son service. Combien de personnes attendent de nous cet engagement missionnaire, parce qu’elles ont besoin du Christ, elles ont besoin de connaître le visage du Père.
Les Mages, dont parle l’Évangile de Matthieu, sont un témoignage vivant du fait que les semences de vérité sont présentes partout, parce qu’elles sont un don du créateur qui appelle chacun à le reconnaître comme Père bon et fidèle. Les Mages représentent les hommes de partout dans le monde, qui sont accueillis dans la maison de Dieu. Devant Jésus il n’existe plus aucune division de race, de langue ni de culture : dans cet Enfant, toute l’humanité trouve son unité. Et l’Église a la tâche de reconnaître et de faire apparaître de manière plus claire le désir de Dieu que chacun porte en soi. C’est le service de l’Église, avec la lumière qu’elle réfléchit, faire apparaître le désire de Dieu que chacun porte en soi. Comme les Mages beaucoup de personnes, aussi de nos jours, vivent avec le “cœur inquiet” qui continue à interroger sans trouver de réponses certaines – c’est l’inquiétude de l’Esprit Saint qui se meut dans les cœurs. Elles sont encore à la recherche de l’Étoile qui indique la route vers Bethléem.
Combien d’étoiles il y a dans le ciel ! Et pourtant, les Mages en ont suivi une autre, nouvelle, qui brillait pour eux beaucoup plus. Ils avaient scruté longtemps le grand livre du ciel pour trouver une réponse à leurs interrogations – ils avaient le cœur inquiet –, et finalement la lumière était apparue. Cette étoile les a changés. Elle leur a fait oublier leurs intérêts quotidiens, et ils se sont mis tout de suite en chemin. Ils ont écouté une voix qui, de l’intérieur, les poussait à suivre cette lumière – la voix de l’Esprit Saint qui opère chez toutes les personnes –; et elle les a guidés jusqu’à ce qu’ils trouvent le roi des juifs dans une pauvre maison de Bethléem.
Tout cela est un enseignement pour nous. Aujourd’hui, répéter la question des Mages nous fera du bien : « Où est le roi des juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’Orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui » (Mt 2, 2). Nous sommes sollicités, surtout à une époque comme la nôtre, à nous mettre à la recherche des signes que Dieu offre, sachant qu’ils demandent notre engagement pour les déchiffrer, et comprendre ainsi sa volonté. Nous sommes interpellés à aller à Bethléem pour trouver l’Enfant et sa Mère. Suivons la lumière que Dieu nous offre – toute petite… ; l’hymne du bréviaire nous dit de manière poétique que les Mages lumen requirunt lumine : c’est une petite lumière –, la lumière qui émane du visage du Christ, plein de miséricorde et de fidélité. Et, une fois arrivés devant lui, adorons-le de tout notre cœur, et présentons-lui nos dons : notre liberté, notre intelligence, notre amour. La vraie sagesse se cache dans le visage de cet Enfant. C’est là, dans la simplicité de Bethléem, que se trouve résumée la vie de l’Église. C’est là la source de cette lumière, qui attire à elle toute personne dans le monde, et oriente le chemin des peuples sur la voie de la paix.
[00012-FR.02] [Texte original: Italien]
Homélie du pape François lors de la Messe d’ouverture de la Porte de la miséricorde à la basilique Sainte-Marie-Majeure de Rome
Salve, Mater misericordiae!
C’est avec ce salut que nous voulons nous tourner vers la Vierge Marie dans la Basilique romaine qui lui est dédiée avec le titre de Mère de Dieu. C’est le début d’une hymne antique, que nous chanterons à la fin de cette Eucharistie, remontant à un auteur inconnu et arrivé jusqu’à nous comme une prière qui jaillit spontanément du cœur des croyants : “Salut, Mère de miséricorde, Mère de Dieu et Mère du pardon, Mère de l’espérance et Mère de la grâce, Mère remplie d’une sainte joie”. Dans ces quelques paroles se trouve la synthèse de la foi de générations de personnes qui, gardant leurs yeux fixés sur l’icône de la Vierge, lui demandent l’intercession et la consolation.
Il est plus que jamais approprié qu’en ce jour nous invoquions la Vierge Marie, par-dessus tout comme Mère de la miséricorde. La Porte Sainte que nous avons ouverte est de fait une Porte de la Miséricorde. Quiconque passe ce seuil est appelé à s’immerger dans l’amour miséricordieux du Père, avec une pleine confiance et sans aucune crainte ; et il peut repartir de cette Basilique avec la certitude qu’il aura à ses côtés la compagnie de Marie. Elle est Mère de la miséricorde, parce qu’elle a engendré dans son sein le Visage même de la divine miséricorde, Jésus, l’Emmanuel, Celui qui est attendu par tous les peuples, le « prince de la paix » (Is 9,5). Le Fils de Dieu fait chair pour notre salut, nous a donné sa Mère qui, avec nous, se fait pèlerine pour que nous ne soyons jamais seuls sur le chemin de notre vie, surtout dans les moments d’incertitude et de souffrance.
Marie est Mère de Dieu qui pardonne, qui donne le pardon, et pour cela nous pouvons dire qu’elle est Mère du pardon. Cette parole – “pardon” – bien incomprise de la mentalité mondaine, indique par contre le fruit propre, original de la foi chrétienne. Celui qui ne sait pas pardonner n’a pas encore connu la plénitude de l’amour. Et seul celui qui aime vraiment est en mesure d’arriver jusqu’au pardon, en oubliant l’offense reçue. Au pied de la Croix, Marie voit son Fils qui s’offre totalement et témoigne ainsi ce que signifie aimer comme Dieu aime. En ce moment elle entend prononcer par Jésus des paroles qui viennent probablement de ce qu’elle-même lui avait enseigné dès qu’il était enfant : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34). En ce moment, Marie est devenue pour nous tous Mère du pardon. Elle-même, à l’exemple de Jésus et avec sa grâce, a été capable de pardonner à tous ceux qui étaient en train de faire mourir son Fils innocent.
Pour nous, Marie devient une icône de la manière dont l’Église doit étendre le pardon à tous ceux qui le demandent. La Mère du pardon enseigne à l’Église que le pardon offert sur le Golgotha ne connaît pas de limites. La loi avec ses subtilités ne peut l’arrêter, ni la sagesse de ce monde avec ses distinctions. Le pardon de l’Église doit avoir la même extension que celui de Jésus sur la Croix, et de Marie à ses pieds. Il n’y a pas d’alternative. C’est pourquoi l’Esprit Saint a rendu les apôtres instruments efficaces du pardon, afin que tout ce qui a été obtenu par la mort de Jésus puisse rejoindre tout homme en tout lieu et en tout temps (cf. Jn 20, 19-23).
L’hymne marial, enfin, continue en disant : «Mère de l’espérance et Mère de la grâce, Mère remplie d’une sainte joie ». L’espérance, la grâce et la sainte joie sont sœurs : toutes sont du Christ, et même, elles sont d’autres de ses noms, écrits, pour ainsi dire, dans sa chair. Le cadeau que Marie nous donne en nous donnant Jésus Christ est celui du pardon qui renouvelle la vie, qui vous permet d’accomplir de nouveau la volonté de Dieu, et qui remplit la vie d’un vrai bonheur. Cette grâce ouvre le cœur pour regarder l’avenir avec la joie de celui qui espère. C’est l’enseignement qui provient aussi du Psaume : « Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit. […] Rends-moi la joie d’être sauvé » (50, 12.14). La force du pardon est le véritable antidote à la tristesse provoquée par la rancune et la vengeance. Le pardon ouvre à la joie et à la sérénité parce qu’il libère l’âme des pensées de mort, tandis que la rancune et la vengeance poussent l’esprit à la révolte et déchirent le cœur, lui ôtant le repos et la paix.
Franchissons donc la Porte Sainte de la Miséricorde avec la certitude de la compagnie de la Vierge Mère, la Sainte Mère de Dieu, qui intercède pour nous. Laissons-nous accompagner par elle pour redécouvrir la beauté de la rencontre avec son Fils Jésus. Ouvrons tout grand notre cœur à la joie du pardon, conscients de l’espérance confiante qui nous est rendue, pour faire de notre existence quotidienne un humble instrument de l’amour de Dieu.
Et avec l’amour des enfants acclamons-la avec les paroles mêmes du peuple d’Éphèse, au temps du Concile historique : “Sainte Mère de Dieu !”.