Homélie du pape François lors de la Messe pour le Jubilé des jeunes

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« À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13, 35).

Chers jeunes garçons et filles, quelle grande responsabilité le Seigneur nous confie aujourd’hui ! Il nous dit que les gens reconnaîtront les disciples de Jésus à la façon dont ils s’aiment entre eux. L’amour, en d’autres termes, est la carte d’identité du chrétien, c’est l’unique ‘‘document’’ valide pour être reconnu disciples de Jésus. Si ce document expire et n’est pas renouvelé continuellement, nous ne sommes plus des témoins du Maître. Alors, je vous demande : voulez-vous accueillir l’invitation de Jésus à être ses disciples ? Voulez-vous être des amis fidèles ? Le vrai ami de Jésus se distingue essentiellement par l’amour concret qui resplendit dans sa vie. Voulez-vous vivre cet amour qu’il nous donne ? Cherchons alors à nous mettre à son école, qui est une école de vie pour apprendre à aimer.

D’abord et avant tout, aimer, c’est beau, c’est la voie pour être heureux. Mais ce n’est pas facile, c’est exigeant, cela demande de l’effort. Pensons, par exemple, à ce qui se passe lorsque nous recevons un cadeau : cela nous rend heureux, mais pour préparer ce cadeau, des personnes généreuses ont consacré du temps et de l’énergie ; et ainsi en nous offrant quelque chose, ils nous ont donné également un peu d’eux-mêmes, quelque chose dont ils ont su se priver. Pensons aussi au don que vos parents et vos animateurs vous ont fait, en vous permettant de venir à Rome pour ce Jubilé qui vous est consacré. Ils ont tout planifié, organisé, préparé pour vous, et cela leur procurait de la joie, même si peut-être ils renonçait à un voyage pour eux-mêmes. Aimer, en effet, veut dire donner, non pas seulement quelque chose de matériel, mais quelque chose de soi-même : son propre temps, sa propre amitié, ses propres capacités.

Regardons le Seigneur, qui est invincible en générosité. Nous recevons de lui de nombreux bienfaits, et chaque jour nous devrions le remercier… Je voudrais vous demander : remerciez-vous le Seigneur chaque jour ? Même si nous, nous l’oublions, lui, il n’oublie pas de nous offrir chaque jour un cadeau spécial. Il ne s’agit pas d’un cadeau à tenir matériellement en main et à utiliser, mais c’est un cadeau plus grand, pour la vie. Il nous donne sa fidèle amitié, qu’il ne nous retirera jamais. Même si tu le déçois et t’éloignes de lui, Jésus continue à t’aimer et à être proche de toi, à croire en toi plus que tu crois en toi-même. Et cela est si important ! Car la menace principale, qui empêche de bien grandir, c’est lorsque tu ne comptes pour personne, lorsque tu vois que tu es mis à l’écart. Le Seigneur, au contraire, est toujours avec toi et il est content d’être avec toi. Comme il l’a fait avec ses jeunes disciples, il te regarde dans les yeux et t’appelle à le suivre, à ‘‘prendre le large’’ et à ‘‘jeter les filets’’ confiant en sa parole, c’est-à-dire à mettre en jeu tes talents dans la vie, avec lui, sans peur. Jésus t’attend patiemment, il attend une réponse, il attend ton ‘‘oui’’.

Chers jeunes, à votre âge, émerge en vous, aussi d’une nouvelle manière, le désir d’aimer et d’être aimé. Si vous allez à son école, le Seigneur vous enseignera à rendre également plus belles l’affection et la tendresse. Il mettra dans votre cœur une intention bonne, celle d’aimer sans être possessif : d’aimer les personnes sans les vouloir comme vôtres, mais en les laissant libres. Il y a toujours, en effet, la tentation de polluer l’affection par la prétention instinctive de prendre, d’‘‘avoir’’ ce qui plaît. Et aussi, la culture consumériste renforce cette tendance. Mais toute chose, si on l’étreint trop, se froisse, s’abîme : puis, on est déçu, gagné par un vide intérieur. Si vous écoutez sa voie, le Seigneur vous révélera le secret de la tendresse : prendre soin de l’autreCapture d’écran 2016-04-24 à 12.05.54 personne, ce qui veut dire la respecter, la protéger et l’attendre.

Au cours de ces années, vous sentez aussi un grand désir de liberté. Beaucoup vous diront qu’être libres signifie faire ce qu’on veut. Mais ici il faut savoir dire des ‘non’. La liberté n’est pas pouvoir toujours faire ce qui me convient : cela enferme, rend distant, empêche d’être des amis ouverts et sincères ; ce n’est pas vrai que lorsque je me sens bien tout va bien. La liberté, en revanche, est le don de pouvoir choisir le bien : est libre celui qui choisit le bien, celui qui cherche ce qui plaît à Dieu, même si c’est pénible. Cependant c’est seulement par des choix courageux et forts qu’on réalise les plus grands rêves, ceux auxquels il vaut la peine de consacrer la vie. Ne vous contentez pas de la médiocrité, de ‘‘vivoter’’ dans le confort et assis ; ne vous fiez pas à celui qui vous distrait de la vraie richesse, que vous êtes, en vous disant que la vie est belle uniquement lorsqu’on a beaucoup de choses : méfiez-vous de celui qui veut vous faire croire que vous avez de la valeur quand vous portez le masque des forts, comme les héros des films, ou quand vous endossez des habits dernier cri. Votre bonheur n’a pas de prix et ne se commercialise pas : il n’est pas une ‘‘app’’ qu’on télécharge sur un téléphone portable : même la version la plus actualisée ne peut vous aider à devenir libres et grands dans l’amour.

En effet, l’amour est le don libre de celui qui a le cœur ouvert ; c’est une belle responsabilité qui dure toute la vie ; c’est l’engagement quotidien de celui qui sait réaliser de grands rêves ! L’amour se nourrit de confiance, de respect et de pardon. L’amour ne se réalise pas parce que nous en parlons, mais quand nous le vivons : il n’est pas une douce poésie à apprendre par cœur, mais un choix de vie à mettre en pratique ! Comment pouvons-nous grandir dans l’amour ? Le secret est encore le Seigneur : Jésus se donne à nous dans la Messe, il nous offre le pardon et la paix dans la Confession. Là, nous apprenons à accueillir son Amour, à le faire nôtre et à le diffuser dans le monde. Et quand aimer semble dur, quand il est difficile de dire non à ce qui est erroné, regardez la croix de Jésus, embrassez-la et ne lâchez pas sa main, qui vous conduit vers le haut et vous relève quand vous tombez.

Je sais que vous êtes capables de gestes de grande amitié et de bonté. Vous êtes appelés à construire l’avenir ainsi : avec les autres et pour les autres, jamais contre quelqu’un ! Vous ferez des choses merveilleuses si vous vous préparez dès à présent, en vivant pleinement votre âge si riche de dons, et sans avoir peur de l’effort. Faites comme les champions sportifs, qui atteignent de hauts objectifs en s’entraînant avec humilité et durement chaque jour. Que votre programme quotidien soit les œuvres de miséricorde : entraînez-vous-y avec enthousiasme pour devenir des champions de la vie ! Ainsi, vous serez reconnus comme des disciples de Jésus. Et votre joie sera totale.

[00657-FR.01] [Texte original: Italien]

Nous sommes tous en « situation irrégulière » !

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Vendredi dernier, le pape François publiait son exhortation apostolique post synodale sur l’amour dans la famille. J’ai déjà donné mes impressions sur ce que je retenais de ma première lecture du texte. Aujourd’hui et dans les semaines à venir, j’aimerais vous présenter mon analyse de chacun des chapitres du document. Cette semaine, je propose donc ma compréhension du chapitre premier d’Amoris Laetitia.

Entre mystère et réalité

Le premier chapitre de l’exhortation nous met en contact direct avec une vérité fondamentale de la foi catholique que j’appellerais le « dialogue entre mystère et réalité ». Souvent, on présente l’enseignement moral de Jésus comme étant en opposition avec la réalité d’aujourd’hui, avec notre monde moderne. De cela découlerait une impossibilité de mettre concrètement ces enseignements en pratique. Ainsi, le grand nombre de situations dites « irrégulières », avec lesquelles l’Église devrait maintenant composer, légitimeraient la constante réprimande faite à l’Église de la nécessité de changer ses enseignements. En ce sens, je crois que le premier chapitre d’Amoris Laetitia répond à cette critique d’une manière admirable en nous replongeant au racine de la fo catholique.

En effet, dans un premier, temps, il est important de comprendre que la foi et l’appartenance à l’Église ne dépendent en aucune manière des bonnes actions des personnes. Le salut n’est pas d’abord méritoire. Elle est un don gratuit de Dieu. Nul n’est donc sauvé sur ses propres mérites mais sur ceux du Christ de qui nous recevons constamment la grâce de nous y associer par son Église. En d’autres termes, il n’y a ni salut obligatoire pour tous, puisque nous devons librement nous associer au mérite du Christ, ni exclusion totale puisque personne ne se sauve par lui-même. Nous sommes tous en « situation irrégulière » ! Nous avons tous besoin de la Miséricorde de Dieu. Cette vérité fondamentale est au cœur des enseignements du pape François sur la famille et sur l’Église.

Éternelle disponibilité

En ces  « temps de relations frénétiques et superficielles » (no 28)[1], on pourrait être tenté de se décourager et de croire que la situation des familles d’aujourd’hui est irrécupérable. A contrario, Amoris Laetitia, me semble-t-il, se place dans la logique inverse, celle de l’espérance. En effet, le texte débute en manifestant à quel point « la Bible abonde en familles, en générations, en histoires d’amour et en crises familiales, depuis la première page […] jusqu’à la dernière page » (no8)[2]. L’enseignement de Jésus sur la famille ne doit donc pas être compris comme une série de règles inertes à suivre pour se sauver soi-même mais comme la présence de Dieu en marche avec les personnes et toujours prêt à pardonner.

Nécessaire ouverture

Toutefois, cette invitation universelle à la vie éternelle doit être accueillie, dès ici bas, par des « oui » concrets à l’Amour de Dieu dans notre vie. La famille n’est-elle pas le lieu idéal de mise en pratique de cette vie nouvelle présente en nous depuis le baptême et qui n’attend que notre disponibilité pour se manifester ? Car, si « la famille, en effet, n’est pas étrangère à l’essence divine même » (no 11)[3], la prise de conscience de cette vie déjà présente n’attend que nous pour rayonner au-delà, d’où la vocation missionnaire de toute famille. Voilà pourquoi, le Pape insiste sur la nécessité d’une spiritualité familiale dans laquelle « est présentée l’icône de la famille de Nazareth, avec sa vie quotidienne faite de fatigues, voire de cauchemars » (no 30)[4].

Ainsi, sans prétendre épuiser la richesse du texte lui-même, le premier chapitre représente à mon sens un résumé de l’enseignement de l’Église dans le langage pastoral de la miséricorde. Tant par son souci d’affirmer que le contexte actuel est loin d’être étranger aux difficultés des familles que par son insistance sur la constante disponibilité et invitation de Dieu envers toutes les personnes, le pape François démontre une sagesse d’enseignement en présentant la logique de la Grâce dans un équilibre entre les largesses de la miséricorde de Dieu et notre liberté capable de choix éternellement définitifs. La semaine prochaine j’entamerai l’analyse du chapitre 2 d’Amortis Laetitia.

Amoris Laetitia ou la famille sur la voie de la charité

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Aujourd’hui même à midi heure de Rome, le pape François a publié sa très attendue exhortation apostolique intitulée Amoris Laetitia sur le thème de l’amour dans la famille. Ce document de 258 pages pour l’édition française est le fruit des travaux des deux synodes sur la famille qui ont eu lieu au Vatican en 2014 et 2015. Bien que, dès les premières pages du texte, le Pape « ne recommande pas une lecture générale hâtive » (no 7), la rédaction de ce premier article nécessitait que je le lise dans son entièreté assez rapidement… Toutefois, n’ayez crainte, nous aurons l’occasion d’en reparler dans une série d’articles dans lesquels nous nous arrêterons plus longuement sur les nombreux thèmes abordés. Je vous propose aujourd’hui mes premières impressions suite à ma lecture d’Amoris Laetitia, espérant que dans notre prochain rendez-vous, vous aurez eu l’occasion de parcourir cet important document vous-mêmes.

La première chose qui me vient à l’esprit après la lecture d’Amoris Laetitia c’est que ce texte respire la préoccupation de l’Église et du pape François pour les familles d’aujourd’hui. Conscient de sa mission d’accompagner tous les fidèles et tous les humains, on perçoit avec quelle intensité le présent Pape souhaite que tous puissent découvrir la grandeur de cette vocation humaine. Pour cela, le Pape souhaite que l’on redécouvre l’essence de l’attitude de l’Église qui consiste en ce qu’il appelle la « via caritatis » (no 306) qui signifie en français la voie de la charité. En effet, on a souvent taxé l’Église d’être dogmatique et d’avoir un enseignement qui n’est plus en accord avec notre monde d’aujourd’hui. Il me semble que ce document répond magnifiquement à cette critique, à la fois, en manifestant que l’Église est non seulement parfaitement consciente et à l’écoute de la réalité contemporaine mais aussi qu’elle est capable d’un esprit critique envers elle-même et face au monde, esprit qu’elle puise à la lumière de la Révélation d’amour accomplie en Jésus-Christ.

En ce sens, les deux précédents synodes l’ont démontré : l’Église n’est pas cette institution fermée et rétrograde mais bien une communauté d’hommes et de femmes qui marchent ensemble à la suite du Christ; une communauté universelle qui s’interroge sur les meilleurs chemins à prendre pour rester le plus fidèle possible à l’amour qui repose en leur être depuis le baptême. Comment donc réaliser ce projet de Dieu sur nous dans nos familles aujourd’hui? C’est la question fondamentale à laquelle ce texte tente d’apporter sa contribution.

Pour ce faire, le pape manifeste que le dessein de Dieu sur la famille n’est pas un idéal abstrait mais une réalité concrète. C’est pourquoi, on ne doit jamais se décourager de nous-mêmes ou des situations dans lesquelles nous nous trouvons. Nous ne sommes pas parfaits et la perfection à laquelle nous sommes destinés n’est pas de ce monde. Les chutes et les échecs sur le chemin sont pour Dieu et pour nous des occasions de réconciliation dont le but sublime est de manifester la grandeur de la Miséricorde de Dieu.

C’est le deuxième point qui a attiré mon attention : ce souci de montrer que la miséricorde est la clé de compréhension de tout l’enseignement et de la pratique de l’Église. En effet, la miséricorde « n’est pas seulement l’agir du Père, mais elle devient le critère pour comprendre qui sont ses véritables enfants. En résumé, nous sommes invités à vivre de miséricorde parce qu’il nous a d’abord été fait miséricorde » (no 310). Selon moi, tout le texte tient à revisiter cet enseignement sur la famille si incompris par bon nombre de personnes aujourd’hui; parmi lesquelles on retrouve malheureusement beaucoup de catholiques. Que ce soit dans la présentation des enseignements bibliques et magistériels sur la famille (chapitre 1 et 3), dans l’analyse des défis contemporains auxquels toutes les familles font face dans leur volonté (consciente ou non) de réaliser leurs plus grandes aspirations (chapitre 2 et 5), dans la présentation de la beauté et de l’héroïcité nécessaires à la mise en pratique des exigences de l’amour véritable (chapitre 4 et 7) ou de l’approche pastorale nécessaire pour accompagner les familles dans la réalisation de leur vocation universelle à la sainteté (chapitre 6 et 8), l’ensemble du document semble être orienté vers la proximité avec Dieu qui se trouve aux côtés de chacun d’entre nous et qui nous invite à le connaître et l’aimer par l’entremise de nos relations familiales « où se reflète, par grâce, le mystère de la Sainte Trinité » ( no 86).

Nous reviendrons, dans les prochaines semaines, sur les différents thèmes abordés dans cette exhortation apostolique qui, des plus polémiques aux plus apparemment anodins, auront sans doute eu l’occasion de faire surface ici et là dans l’actualité. Entre temps, je vous recommande fortement la lecture de ce document qui saura réchauffer le cœur de tous les lecteurs qui forcément sentiront l’immense trésor de sagesse dont l’Église est dépositaire et dont elle nous fait part gratuitement s’appuyant sur ce don ultime de Dieu par son Fils sur la Croix.

Synthèse de présentation de l’exhortation apostolique « Amoris Laetitia » sur l’amour et la famille

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Vous trouverez ci-dessous le texte de synthèse présenté lors de la conférence de Presse de présentation de l’exhortation apostolique Amoris Laetitia sur l’amour dans la famille:

« Amoris Laetitia » (AL – « La joie dans l’amour »), l’Exhortation apostolique post-synodale « sur l’amour dans la famille » qui ne porte pas par hasard la date du 19 mars, jour de la Solennité de Saint Joseph, rassemble les résultats des deux Synodes sur la famille convoqués par le Pape François en 2014 et 2015. Les Relations conclusives des deux Synodes y sont largement citées, ainsi que d’autres documents et enseignements des prédécesseurs du Pape François et des nombreuses catéchèses qu’il a prononcé sur la famille. Comme cela est déjà arrivé avec d’autres documents magistériels, le Pape puise également dans des documents de différentes Conférences épiscopales du monde (Kenya, Australie, Argentine…) et cite des personnalités bien connues telles que Martin Luther King ou Erich Fromm. A noter, une citation du film « Le Festin de Babette », que le Pape a souhaité évoquer pour expliquer le concept de gratuité.

Préambule

L’Exhortation apostolique frappe par son amplitude et son articulation. Elle est divisée en neuf chapitres et plus de 300 paragraphes. Elle s’ouvre avec sept paragraphes introductifs qui révèlent la conscience de la complexité du thème et de l’approfondissement qu’il requiert. Il y est dit que les interventions des Pères du Synode ont composé un « magnifique polyèdre » (AL 4) qui doit être préservé. En ce sens, le Pape écrit que « tous les débats doctrinaux, moraux ou pastoraux ne doivent pas être tranchés par des interventions magistérielles ». Ainsi concernant certaines questions, « dans chaque pays ou région, peuvent être cherchées des solutions plus inculturées, attentives aux traditions et aux défis locaux. Car “les cultures sont très diverses entre elles et chaque principe général […] a besoin d’être inculturé, s’il veut être observé et appliqué ” » (AL 3). Ce principe d’inculturation se révèle très important jusque dans la manière de formuler et de comprendre les problèmes qui, au-delà des questions dogmatiques bien définies par le Magistère de l’Eglise, ne peuvent être « mondialisées ».

Mais surtout, le Pape affirme d’emblée et avec clarté qu’il faut sortir de l’opposition stérile entre l’angoisse du changement et l’application pure et simple de normes abstraites. Il écrit : « Les débats qui se déroulent dans les moyens de communication ou bien dans les publications et même entre les ministres de l’Eglise, vont d’un désir effréné de tout changer sans une réflexion suffisante ou sans fondement, à la prétention de tout résoudre en appliquant des normes générales ou bien en tirant des conclusions excessives de certaines réflexions théologiques » (AL 2) .

Chapitre premier : « A la lumière de la Parole »

Ce préambule étant posé, le Pape articule sa réflexion à partir des Saintes Ecritures dans ce premier chapitre qui se développe comme une méditation sur le psaume 128, caractéristique tant de la liturgie nuptiale hébraïque que chrétienne. La Bible « abonde en familles, en générations, en histoires d’amour et en crises familiales » (AL 8) et à partir de cet état de fait, on peut méditer sur la manière dont la famille n’est pas un idéal abstrait, mais une « œuvre artisanale » (AL 16) qui s’exprime avec tendresse (AL 28) mais qui s’est confrontée aussi et dès le début au péché, quand la relation d’amour s’est transformée en une domination (cfr AL 19). Alors la Parole de Dieu « ne se révèle pas comme une séquence de thèses abstraites, mais comme une compagne de voyage, y compris pour les familles qui sont en crise ou sont confrontées à une souffrance ou à une autre, et leur montre le but du chemin » (AL 22).

Chapitre deux : « La réalité et les défis de la famille »

A partir du terrain biblique, le Pape considère, dans le deuxième chapitre, la situation actuelle des familles, en gardant « les pieds sur terre » (AL 6), en puisant amplement dans les Relations conclusives des deux Synodes, et en affrontant de nombreux défis : du phénomène migratoire aux négations idéologiques de la différence des sexes (idéologie du genre) ; de la culture du provisoire à la mentalité antinataliste et à l’impact des biotechnologies dans le domaine de la procréation ; du manque de logements et de travail à la pornographie et aux abus sur mineurs ; de l’attention aux handicapés, au respect des personnes âgées ; de la déconstruction juridique de la famille aux violences à l’encontre des femmes. Le Pape insiste sur le caractère concret qui est une donnée fondamentale de l’Exhortation. Le caractère concret et le réalisme établissent une différence essentielle entre la « théorie » d’interprétation de la réalité, et les « idéologies ».

Citant Familiaris consortio, le Pape François affirme qu’il « convient de prêter attention à la réalité concrète, parce que “les exigences, les appels de l’Esprit se font entendre aussi à travers les événements de l’histoire”, à travers lesquels “ l’Église peut être amenée à une compréhension plus profonde de l’inépuisable mystère du mariage et de la famille”» (AL 31). Sans écouter la réalité, il est impossible de comprendre aussi bien les exigences du présent, que les appels de l’Esprit. Le Pape note qu’en raison de l’individualisme exaspéré, il est aujourd’hui difficile de se donner avec générosité à une autre personne (cfr AL 33). Voilà une description intéressante de la situation : « On craint la solitude, on désire un milieu de protection et de fidélité, mais en même temps grandit la crainte d’être piégé dans une relation qui peut retarder la réalisation des aspirations personnelles » (AL 34).

L’humilité du réalisme aide à ne pas présenter « un idéal théologique du mariage trop abstrait, presqu’artificiellement construit, loin de la situation concrète et des possibilités effectives des familles réelles » (AL36). L’idéalisme nous empêche de prendre le mariage pour ce qu’il est, c’est-à-dire « un chemin dynamique de développement et d’épanouissement ». Pour cette raison, il ne faut pas croire que pour défendre la famille, il suffise d’insister « seulement sur des questions doctrinales, bioéthiques et morales, sans encourager l’ouverture à la grâce » (AL 37). Le Pape invite à l’autocritique face à une présentation inadéquate de la réalité matrimoniale et familiale et il insiste sur le fait qu’il est nécessaire d’accorder de la place à la formation des consciences des fidèles : « Nous sommes appelés à former les consciences, mais non à prétendre nous substituer à elles » (AL 37). Jésus proposait un idéal exigeant mais « ne renonçait jamais à une proximité compatissante avec les personnes fragiles comme la samaritaine ou la femme adultère » (AL 38).

Chapitre trois : « L’amour dans le mariage »

Le troisième chapitre est consacré à un certain nombre d’éléments essentiels de l’enseignement de l’Eglise concernant le mariage et la famille. L’existence de ce chapitre est important parce qu’il présente de manière synthétique, en 30 paragraphes, la vocation de la famille selon l’Evangile et la manière dont elle a été reçue par l’Eglise à travers les époques, surtout sur le thème de l’indissolubilité, du caractère sacramentel du mariage, de la transmission de la vie et de l’éducation des enfants. La constitution pastorale Gaudium et Spes du Concile Vatican II, l’Encyclique Humanae vitae de Paul VI et l’Exhortation apostolique Familiaris consortio de Jean-Paul II sont amplement citées.

Le regard est vaste et inclut aussi les « situations imparfaites ». On peut lire en effet : « “Le discernement de la présence des semina Verbi dans les autres cultures (cf. Ad Gentes, n. 11) peut être appliqué aussi à la réalité conjugale et familiale. Outre le véritable mariage naturel, il existe des éléments positifs présents dans les formes matrimoniales d’autres traditions religieuses”, même si les ombres ne manquent pas non plus » (AL 77). La réflexion inclut aussi «  les familles blessées » devant lesquelles le Pape affirme, en citant la Relatio finalis du Synode de 2015 – qu’« il faut toujours rappeler un principe général : ‘‘Les pasteurs doivent savoir que, par amour de la vérité, ils ont l’obligation de bien discerner les diverses situations’’ (Familiaris consortio, n. 84). Le degré de responsabilité n’est pas le même dans tous les cas et il peut exister des facteurs qui limitent la capacité de décision. C’est pourquoi, tout en exprimant clairement la doctrine, il faut éviter les jugements qui ne tiendraient pas compte de la complexité des diverses situations ; il est également nécessaire d’être attentif à la façon dont les personnes vivent et souffrent à cause de leur condition » (AL 79).

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Homélie du pape François lors de la Messe du dimanche de la Divine Miséricorde

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« Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre » (Jn 20, 30). L’Évangile est le livre de la miséricorde de Dieu, à lire et à relire, parce que tout ce que Jésus a dit et accompli est une expression de la miséricorde du Père. Toutefois, tout n’a pas été écrit ; l’Évangile de la miséricorde demeure un livre ouvert, où continuer à écrire les signes des disciples du Christ, gestes concrets d’amour, qui sont le meilleur témoignage de la miséricorde. Nous sommes tous appelés à devenir écrivains vivants de l’Évangile, porteurs de la Bonne Nouvelle à tout homme et à toute femme d’aujourd’hui. Nous pouvons le faire en mettant en pratique les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles, qui sont le style de vie du chrétien. Par ces gestes simples et forts, parfois même invisibles, nous pouvons visiter tous ceux qui sont dans le besoin, portant la tendresse et la consolation de Dieu. On poursuit ainsi ce que Jésus a accompli le jour de Pâques, quand il a répandu dans les cœurs des disciples effrayés la miséricorde du Père, soufflant sur eux l’Esprit Saint qui pardonne les péchés et donne la joie.

Toutefois, dans le récit que nous avons écouté émerge un contraste évident : il y a la crainte des disciples, qui ferment les portes de la maison ; de l’autre, il y a la mission de la part de Jésus, qui les envoie dans le monde porter l’annonce du pardon. Il peut y avoir aussi en nous ce contraste, une lutte intérieure entre la fermeture du cœur et l’appel de l’amour à ouvrir les portes closes et à sortir de nous-mêmes. Le Christ, qui par amour est passé à travers les portes closes du péché, de la mort et des enfers, désire entrer aussi chez chacun pour ouvrir tout grand les portes closes du cœur. Lui, qui par la résurrection a vaincu la peur et la crainte qui nous emprisonnent, veut ouvrir tout grand nos portes closes et nous envoyer. La route que le Maître ressuscité nous indique est à sens unique, elle avance dans une seule direction : sortir de nous-mêmes, sortir pour témoigner de la force de guérison de l’amour qui nous a conquis. Nous voyons devant nous une humanité souvent blessée et craintive, qui porte les cicatrices de la douleur et de l’incertitude. Face à l’implorationCapture d’écran 2016-04-03 à 10.04.46 douloureuse de miséricorde et de paix, nous entendons, aujourd’hui adressée à chacun de nous, l’invitation confiante de Jésus : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie » (v. 21).

Chaque infirmité peut trouver dans la miséricorde de Dieu un secours efficace. Sa miséricorde, en effet, ne s’arrête pas à distance : il désire venir à la rencontre de toutes les pauvretés et libérer des nombreuses formes d’esclavage qui affligent notre monde. Il veut rejoindre les blessures de chacun, pour les soigner. Être apôtres de miséricorde signifie toucher et caresser ses plaies, présentes aussi aujourd’hui dans le corps et dans l’âme de tant de ses frères et sœurs. En soignant ces plaies nous professons Jésus, nous le rendons présent et vivant ; nous permettons à d’autres, de toucher de la main sa miséricorde, de le reconnaître « Seigneur et Dieu » (cf. v. 28), comme fit l’Apôtre Thomas. C’est cela la mission qui nous a été confiée. Tant de personnes demandent d’être écoutées et comprises. L’Évangile de la miséricorde, à annoncer et à écrire dans la vie, cherche des personnes au cœur patient et ouvert, « bons samaritains » qui connaissent la compassion et le silence face au mystère du frère et de la sœur ; il demande des serviteurs généreux et joyeux, qui aiment gratuitement sans rien exiger en échange.

« La paix soit avec vous ! » (v. 21) : c’est le salut que le Christ adresse à ses disciples ; c’est la même paix qu’attendent les hommes de notre temps. Ce n’est pas une paix négociée, ce n’est pas l’arrêt de quelque chose qui ne va pas : c’est sa paix, la paix qui vient du cœur du Ressuscité, la paix qui a vaincu le péché, la mort et la peur. C’est la paix qui ne divise pas, mais unit ; c’est la paix qui ne laisse pas seuls, mais nous fait sentir accueillis et aimés ; c’est la paix qui demeure dans la douleur et fait fleurir l’espérance. Cette paix, comme le jour de Pâques, naît et renaît toujours du pardon de Dieu, qui enlève l’inquiétude du cœur. Être porteuse de sa paix : c’est la mission confiée à l’Église le jour de Pâques. Nous sommes nés dans le Christ comme instruments de réconciliation, pour porter à tous le pardon du Père, pour révéler son visage de seul amour dans les signes de la miséricorde.

Dans le Psaume responsorial il a été proclamé : « Son amour est pour toujours » (117/118, 2). C’est vrai, la miséricorde de Dieu est éternelle ; elle ne finit pas, elle ne s’épuise pas, elle ne se rend pas face aux fermetures, et elle ne se fatigue jamais. Dans ce « pour toujours » nous trouvons un soutien dans les moments d’épreuve et de faiblesse, parce que nous sommes certains que Dieu ne nous abandonne pas : il demeure avec nous pour toujours. Remercions pour son si grand amour, qu’il nous est impossible de comprendre : il si grand ! Demandons la grâce de ne jamais nous fatiguer de puiser la miséricorde du Père et de la porter dans le monde : demandons d’être nous-mêmes miséricordieux, pour répandre partout la force de l’Évangile, pour écrire ces pages de l’Évangile que l’apôtre Jean n’a pas écrites.

[00502-FR.01] [Texte original: Italien]

Message de Pâques du pape François durant la bénédiction « Ubi et Orbi »

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Vous trouverez ci-dessous le texte du pape François prononcé avant la bénédiction Ubi et Orbi:

« Rendez grâce au Seigneur : il est bon, éternel est son amour» (Ps 135, 1).

Chers frères et sœurs, bonnes fêtes de Pâques.
Jésus-Christ, incarnation de la miséricorde de Dieu, est mort par amour sur la croix, et, par
amour, est ressuscité. C’est pourquoi nous proclamons aujourd’hui : Jésus est le Seigneur !

Sa résurrection accomplit pleinement la prophétie du Psaume : la miséricorde de Dieu est éternelle, son amour est pour toujours, il ne mourra jamais. Nous pouvons nous confier totalement à lui, et nous lui rendons grâces parce qu’il est descendu pour nous jusqu’au fond de l’abîme.

Face aux gouffres spirituels et moraux de l’humanité, face aux vides qui s’ouvrent dans les cœurs et qui provoquent la haine et la mort, seule une miséricorde infinie peut nous donner le salut. Seul Dieu peut remplir de son amour ces vides, ces abîmes, et nous permettre de ne pas nous écrouler, mais de continuer à marcher ensemble vers le Terre de la liberté et de la vie.

L’annonce joyeuse de Pâques : Jésus, le crucifié, n’est pas ici, il est ressuscité (cf. Mt 28, 5- 6), nous offre la consolante certitude que l’abîme de la mort a été traversé et, avec lui, le deuil, la plainte et l’angoisse (cf. Ap 21, 4) ont été vaincus. Le Seigneur, qui a souffert l’abandon de ses disciples, le poids d’une condamnation injuste, et la honte d’une mort infâmante, nous rend maintenant participants de sa vie immortelle, et il nous donne son regard de tendresse et de compassion envers les affamés et les assoiffés, les étrangers et les prisonniers, les marginaux et les exclus, les victimes des abus et de la violence. Le monde est rempli de personnes qui souffrent dans leur corps et dans leur esprit, et chaque jour les journaux sont pleins de nouvelles de crimes atroces, commis souvent dans les murs du foyer domestique, et de conflits armés, à grande échelle, qui soumettent des populations entières à des épreuves indicibles.

Que le Christ ressuscité ouvre des chemins d’espérance à la Syrie bien aimée, pays déchiqueté par un long conflit, avec son triste cortège de destructions, de mort, de mépris du droit humanitaire et de décomposition de la cohabitation civile. Nous confions à la puissance du Seigneur ressuscité les discussions en cours, pour que, grâce à la bonne volonté et à la collaboration de tous, on puisse recueillir des fruits de paix et engager la construction d’une société fraternelle, respectueuse de la dignité et des droits de tout citoyen. Que le message de vie, qui a retenti dans la bouche de l’Ange près de la pierre basculée du tombeau, soit victorieux de la dureté des cœurs et promeuve une rencontre féconde des peuples et desCapture d’écran 2016-03-27 à 09.40.03 cultures dans les autres zones du bassin méditerranéen et du Moyen Orient, en particulier en Irak, au Yémen et en Lybie.

Que l’image de l’homme nouveau qui resplendit sur le visage du Christ favorise la cohabitation entre Israéliens et Palestiniens en Terre Sainte, ainsi que la disponibilité patiente et l’engagement quotidien à se dévouer pour construire les bases d’une paix juste et durable, par le moyen de négociations directes et sincères. Que le Seigneur de la vie accompagne aussi les efforts visant à trouver une solution définitive à la guerre en Ukraine, en inspirant et en soutenant également les initiatives d’aide humanitaire, parmi lesquelles la libération des personnes détenues.

Que le Seigneur Jésus, notre Paix (cf. Ep. 2, 14), qui par sa résurrection a vaincu le mal et le péché, stimule en cette fête de Pâques notre proximité aux victimes du terrorisme, forme aveugle et atroce de violence qui ne cesse pas de répandre le sang innocent en diverses parties du monde, comme cela s’est produit dans les récents attentats en Belgique, en Turquie, au Nigéria, au Tchad, au Cameroun et en Côte d’Ivoire. Que les ferments d’espérance et les perspectives de paix en Afrique aboutissent; je pense en particulier au Burundi, au Mozambique, à la République Démocratique du Congo et au Sud Soudan, marqués par des tensions politiques et sociales.

Avec les armes de l’amour, Dieu a vaincu l’égoïsme et la mort ; son Fils Jésus est la porte de la miséricorde grand ouverte à tous. Que son message pascal se projette de plus en plus sur le peuple vénézuélien, qui se trouve dans des conditions difficiles pour vivre, et sur tous ceux qui ont en main les destinées du pays, afin que l’on puisse travailler en vue du bien commun, en cherchant des espaces de dialogue et de collaboration avec tous. Que partout on se dévoue Capture d’écran 2016-03-27 à 09.54.29pour favoriser la culture de la rencontre, la justice et le respect réciproque, qui seuls peuvent garantir le bien être spirituel et matériel des citoyens.

Le Christ ressuscité, annonce de vie pour toute l’humanité, se prolonge au long des siècles, et nous invite à ne pas oublier les hommes et les femmes en chemin, dans la recherche d’un avenir meilleur, file toujours plus nombreuse de migrants et de réfugiés – parmi lesquels de nombreux enfants – fuyant la guerre, la faim, la pauvreté et l’injustice sociale. Ces frères et sœurs rencontrent trop souvent en chemin la mort ou du moins le refus de ceux qui pourraient leur offrir un accueil et de l’aide. Que le rendez-vous du prochain Sommet Humanitaire Mondial n’oublie pas de mettre au centre la personne humaine avec sa dignité et d’élaborer des politiques capables d’assister et de protéger les victimes des conflits et des autres situations d’urgence, surtout les plus vulnérables et tous ceux qui sont persécutés pour des raisons ethniques et religieuses.

En ce jour glorieux, « que notre terre soit heureuse, irradiée de tant de feux » (cf. Exultet ), terre qui est pourtant tellement maltraitée et vilipendée par une exploitation avide de gain qui altère les équilibres de la nature. Je pense en particulier à ces zones touchées par les effets des changements climatiques, qui provoquent souvent la sécheresse ou de violentes inondations, avec, en conséquence, des crises alimentaires en plusieurs endroits de la planète.

Avec nos frères et sœurs qui sont persécutés pour la foi et pour leur fidélité au nom du Christ, et face au mal qui semble avoir le dessus dans la vie de beaucoup de personnes, réécoutons la consolante parole du Seigneur : « Courage ! Moi, je suis vainqueur du monde » (Jn 16, 33). C’est aujourd’hui le jour resplendissant de cette victoire, parce que le Christ a foulé aux pieds la mort, et par sa résurrection il a fait resplendir la vie et l’immortalité (cf. 2Tm 1, 10). « Il nous fait passer de l’esclavage à la liberté, de la tristesse à la joie, du deuil à la fête, des ténèbres à la lumière, de l’esclavage à la rédemption. Disons-lui : Alléluia ! » (Méliton de Sardes, Homélie de Pâques).

A tous ceux qui, dans nos sociétés, ont perdu toute espérance et le goût de vivre, aux personnes âgées écrasées qui, dans la solitude, sentent leur forces diminuer, aux jeunes qui pensent ne pas avoir d’avenir, à tous j’adresse encore une fois les paroles du Ressuscité : « Voici que je fais toutes choses nouvelles…A celui qui a soif, moi, je donnerai l’eau de la source de vie, gratuitement (Ap 21, 5-6).

Que le message rassurant de Jésus nous aide chacun à repartir avec plus de courage pour construire des chemins de réconciliations avec Dieu et avec les frères.
[00469-FR.01] [Texte original: Italien]

Vigile Pascale: homélie du pape François

Le 26 mars 2016, le Saint Père a présidé la Vigile Pascale à la basilique vaticane. Voici l’homélie qu’il a prononcé suite à la lecture de l’Évangile selon Saint Luc (24 ,1-12):

« Pierre courut au tombeau » (Lc 24, 12). Quelles pensées pouvaient donc agiter l’esprit et le cœur de Pierre pendant cette course ? L’Evangile nous dit que les Onze, parmi lesquels Pierre, n’avaient pas cru au témoignage des femmes, à leur annonce pascale. Plus encore, « ces propos leur semblèrent délirants » (v. 11). Il y avait donc le doute dans le cœur de Pierre, accompagné de nombreuses pensées négatives : la tristesse pour la mort du Maître aimé, et la déception de l’avoir trahi trois fois pendant la Passion.

Mais il y a un détail qui marque un tournant : Pierre, après avoir écouté les femmes et ne pas les avoir cru, cependant « se leva » (v. 12). Il n’est pas resté assis à réfléchir, il n’est pas resté enfermé à la maison comme les autres. Il ne s’est pas laissé prendre par l’atmosphère morose de ces journées, ni emporter par ses doutes ; il ne s’est pas laissé accaparer par les remords, par la peur ni par les bavardages permanents qui ne mènent à rien. Il a cherché Jésus, pas lui-même. Il a préféré la voie de la rencontre et de la confiance et, tel qu’il était, il s’est levé et a couru au tombeau, d’où il revint « tout étonné » (v. 12 ). Cela a été le début de la « résurrection » de Pierre, la résurrection de son cœur. Sans céder à la tristesse ni à l’obscurité, il a laissé place à la voix de l’espérance : il a permis que la lumière de Dieu entre dans son cœur, sans l’éteindre.

Les femmes aussi, qui étaient sorties tôt le matin pour accomplir une œuvre de miséricorde, pour porter les aromates à la tombe, avaient vécu la même expérience. Elles étaient « saisies de crainte et gardaient le visage incliné vers le sol », mais elles ont été troublées en entendant les paroles de l’ange : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? » (v. 5).

Nous aussi, comme Pierre et les femmes, nous ne pouvons pas trouver la vie en restant tristes, sans espérance, et en demeurant prisonniers de nous-mêmes. Mais ouvrons au Seigneur nos tombeaux scellés, pour que Jésus entre et donne vie ; portons-lui les pierres des rancunes et les amas du passé, les lourds rochers des faiblesses et des chutes. Il souhaite venir et nous prendre par la main, pour nous tirer de l’angoisse. Mais la première pierre à faire rouler au loin cette nuit, c’est le manque d’espérance qui nous enferme en nous-mêmes. Que le Seigneur nous libère de ce terrible piège d’être des chrétiens sans espérance, qui vivent comme si le Seigneur n’était pas ressuscité et comme si nos problèmes étaient le centre de la vie.

Nous voyons et nous verrons continuellement des problèmes autour de nous et en nous. Il y en aura toujours. Mais, cette nuit, il faut éclairer ces problèmes de la lumière du Ressuscité, en un certain sens, les « évangéliser ». Les obscurités et les peurs ne doivent pas accrocher le regard de l’âme et prendre possession du cœur ; mais écoutons la parole de l’Ange : le Seigneur « n’est pas ici, il est ressuscité » (v. 6). Il est notre plus grande joie, il est toujours à nos côtés et ne nous décevra jamais. Voilà le fondement de l’espérance, qui n’est pas un simple optimisme, ni une attitude psychologique ou une bonne invitation à nous donner du courage. L’espérance chrétienne est un don que Dieu nous fait, si nous sortons de nous-mêmes et nous ouvrons à lui. Cette espérance ne déçoit pas car l’Esprit Saint a été répandu dans nos cœurs (cf. Rm 5, 5). Le Consolateur ne rend pas tout beau, il ne supprime pas le mal d’un coup de baguette magique, mais il infuse la vraie force de la vie, qui n’est pas une absence de problèmes mais la certitude d’être toujours aimés et pardonnés par le Christ qui, pour nous, a vaincu le péché, la mort et la peur. Aujourd’hui c’est la fête de notre espérance, la célébration de cette certitude : rien ni personne ne pourra jamais nous séparer de son amour (cf. Rm 8, 39).

Le Seigneur est vivant et veut être cherché parmi les vivants. Après l’avoir rencontré, il envoie chacun porter l’annonce de Pâques, susciter et ressusciter l’espérance dans les cœurs appesantis par la tristesse, chez celui qui peine à trouver la lumière de la vie. Il y en a tellement besoin aujourd’hui. Oublieux de nous-mêmes, comme des serviteurs joyeux de l’espérance, nous sommes appelés à annoncer le Ressuscité avec la vie et par l’amour ; autrement nous serions une structure internationale avec un grand nombre d’adeptes et de bonnes règles, mais incapables de donner l’espérance dont le monde est assoiffé.

Comment pouvons-nous nourrir notre espérance ? La liturgie de cette nuit nous donne un bon conseil. Elle nous apprend à faire mémoire des œuvres de Dieu. Les lectures nous ont raconté, en effet, sa fidélité, l’histoire de son amour envers nous. La Parole vivante de Dieu est capable de nous associer à cette histoire d’amour, en alimentant l’espérance et en ravivant la joie. L’Évangile que nous avons entendu nous le rappelle aussi ; les anges, pour insuffler l’espérance aux femmes, disent : « Rappelez-vous ce qu’il vous a dit » (v. 6). N’oublions pas sa Parole ni ses œuvres, autrement nous perdrions l’espérance ; au contraire, faisons mémoire du Seigneur, de sa bonté et de ses paroles de vie qui nous ont touchés ; rappelons-les et faisons-les nôtres, pour être les sentinelles du matin qui sachent découvrir les signes du Ressuscité.

Chers frères et sœurs, le Christ est ressuscité ! Ouvrons-nous à l’espérance et mettons-nous en route ; que la mémoire de ses œuvres et de ses paroles soit une lumière éclatante qui guide nos pas dans la confiance, vers la Pâque qui n’aura pas de fin.

Angelus des Rameaux: le Pape invite les jeunes à venir à Cracovie pour les JMJ

À l’issue de la célébration liturgique, avant la prière de l’Angelus, le Pape François a invité les jeunes à se rendre nombreux fin juillet à Cracovie à l’occasion des JMJ. Le dimanche des Rameaux coïncide avec la célébration diocésaine de la Journée mondiale de la Jeunesse. Mais c’est en Pologne, pays natal de Jean-Paul II, qu’aura lieu la prochaine rencontre mondiale. À l’occasion de l’Année Sainte de la Miséricorde, a indiqué le Saint-Père, les JMJ de Cracovie constitueront le Jubilé des jeunes au niveau de l’Église universelle. Sur la place Saint-Pierre se trouvaient de nombreux jeunes du diocèse de Rome ainsi que des jeunes volontaires de Cracovie. Ces derniers sont venus à Rome avec des rameaux d’olivier de Jérusalem, d’Assise et du Mont Cassin. Le Pape François les a bénis pour qu’ils puissent les porter aux responsables polonais comme une invitation à cultiver des desseins de paix, de réconciliation et de fraternité.

Voici l’Angelus du Pape François :

Je salue tous ceux qui ont participé à cette célébration et ceux qui se sont unis à nous grâce à la télévision, la radio, ou d’autres moyens de communication. Aujourd’hui, nous célébrons la 31e Journée mondiale de la Jeunesse, dont le point d’orgue sera la grande rencontre mondiale à Cracovie à la fin du mois de juillet. Le thème est « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Mt 5,7). Je salue particulièrement les jeunes présents ici, ainsi que ceux dans le monde entier. J’espère que vous pourrez venir nombreux à Cracovie, la patrie de Saint Jean-Paul II, à l’origine de la Journée Mondiale de la Jeunesse. Nous lui confions les derniers mois de préparation de ce pèlerinage qui, dans le contexte de l’Année Sainte de la Miséricorde, sera le Jubilée des jeunes au niveau de l’Église universelle. Les nombreux jeunes volontaires de Cracovie sont ici avec nous. En retournant en Pologne, ils porteront aux responsables de la nation des rameaux d’olivier, cueillis à Jérusalem, à Assise et du Mont Cassin et bénis aujourd’hui sur cette place, comme une invitation à cultiver les intentions de paix, de réconciliation et de fraternité. Merci pour cette belle initiative ; avancez avec courage ! Et maintenant prions la Vierge Marie, parce qu’elle nous aide à vivre la Semaine Sainte avec une intensité spirituelle.

Dimanche des Rameaux: homélie du pape François

À 9 h30 ce matin, le pape François a présidé la liturgie solennelle du Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur, Place Saint-Pierre. Tout près de l’obélisque, le Pape a béni les rameaux et les branches d’olivier puis il est entré en procession. Arrivé à l’autel il a célébré la Messe de la Passion. Pour marquer l’approche des Journée mondiale de la jeunesse 2016, des jeunes de Cracovie en Pologne ont participé à la célébration à l’occasion de la fête diocésaine de la XXXIe Journée mondiale de la jeunesse, sous le thème “Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde” (Mt 5, 7). Suite à la proclamation de la Passion tiré de l’Évangile de Saint Luc, le Pape a livré cette homélie:

La foule de Jérusalem criait en accueillant Jésus : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » (cf. Lc 19, 38). Nous avons fait nôtre cet enthousiasme : en agitant les palmes et les rameaux d’olivier, nous avons exprimé la louange et la joie, le désir de recevoir Jésus qui vient à nous.

Il désire, en effet, entrer dans nos villes et dans nos vies, comme il est entré à Jérusalem. Il vient humblement à nous, comme il le fait dans l’Évangile, monté simplement sur un âne, mais il vient « au nom du Seigneur » : avec la puissance de son amour divin il pardonne nos péchés et nous réconcilie, avec le Père et avec nous-mêmes. Jésus est content de la manifestation populaire d’affection de la foule, et il répond à la protestation des pharisiens –pour qu’il fasse taire ceux qui l’acclament – : « Si eux se taisent, les pierres crieront » (Lc 19, 40). Rien n’a pu arrêter l’enthousiasme provoqué par l’entrée de Jésus ; que rien ne nous empêche de trouver en lui la source de notre joie, de la vraie joie, qui demeure et qui donne la paix. Car seul Jésus nous sauve des liens du péché, de la mort, de la peur et de la tristesse.

Mais la liturgie de ce jour nous enseigne que le Seigneur ne nous a pas sauvés par une entrée triomphale ni par le moyen de puissants miracles. L’Apôtre Paul, dans la seconde lecture, synthétise par deux verbes le parcours de la rédemption : « il s’est anéanti » et « il s’est abaissé » lui-même. (Ph 2, 7.8) Ces deux verbes nous disent jusqu’à quelle extrémité est arrivé l’amour de Dieu pour nous.

Jésus s’est anéanti lui-même : il a renoncé à la gloire de Fils de Dieu et il est devenu Fils de l’homme pour être en tout solidaire avec nous, pécheurs, lui qui est sans péché. Et pas seulement : il a vécu parmi nous une « condition de serviteur » (v.7) ; non pas de roi, ni de prince, mais de serviteur. Il s’est donc abaissé, et l’abîme de son humiliation, que nous montre la Semaine Sainte, semble ne pas avoir de fond. Le premier geste de cet amour « jusqu’au bout » (Jn 13, 1) est le lavement des pieds. « Le Seigneur et le Maître » (Jn 13, 14) s’abaisse aux pieds des disciples, comme seuls le font les serviteurs.

Il nous a montré par l’exemple que nous avons besoin d’être rejoints par son amour qui se penche sur nous ; nous ne pouvons pas nous en passer, nous ne pouvons pas aimer sans nous faire d’abord aimer par lui, sans faire l’expérience de sa surprenante tendresse, et sans accepter que l’amour véritable consiste dans le service concret.

Mais c’est seulement le début. L’humiliation que subit Jésus devient extrême dans la Passion. Il est vendu pour trente deniers et trahi par le baiser d’un disciple qu’il avait choisi et appelé ami. Presque tous les autres fuient et l’abandonnent ; Pierre le renie trois fois dans la cour du temple. Humilié dans l’âme par des moqueries, des insultes et des crachats, il souffre dans son corps d’atroces violences : les coups, le fouet et la couronne d’épine rendent son aspect méconnaissable. Il subit aussi l’infamie et la condamnation inique des autorités, religieuse et politique : il est fait péché et reconnu injuste.

Ensuite, Pilate l’envoie à Hérode, et celui-ci le renvoie au gouverneur romain : alors que toute justice lui est refusée, Jésus éprouve aussi l’indifférence, parce que personne ne veut assumer la responsabilité de son destin. La foule, qui l’avait acclamé peu de temps avant, change ses louanges en cri d’accusation, préférant même qu’un homicide soit libéré à sa place. Il arrive ainsi à la mort de la croix, la plus douloureuse et infamante, réservée aux traitres, aux esclaves et aux pires criminels. La solitude, la diffamation et la douleur ne sont pas encore le sommet de son dépouillement. Pour être en tout solidaire avec nous, il fait aussi, sur la croix, l’expérience du mystérieux abandon du Père. Mais dans l’abandon, il prie et s’en remet : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit » (Lc 23, 46). Suspendu au gibet, en plus de la dérision, il affronte aussi la dernière tentation : la provocation à descendre de la croix, à vaincre le mal par la force et à montrer le visage d’un Dieu puissant et invincible.

Jésus, au contraire, précisément ici, au faîte de l’anéantissement, révèle le vrai visage de Dieu, qui est miséricorde. Il pardonne à ceux qui l’ont crucifié, il ouvre les portes du paradis au larron repenti et touche le coeur du centurion. Si le mystère du mal est abyssal, la réalité de l’Amour qui l’a transpercé est infinie, parvenant jusqu’au tombeau et aux enfers, assumant toute notre souffrance pour la racheter, portant la lumière aux ténèbres, la vie à la mort, l’amour à la haine.

Il semble que nous sommes loin de la manière d’agir de Dieu qui s’est anéanti pour nous, alors que nous oublier un peu nous-mêmes nous paraît difficile. Il a renoncé à lui pour nous ; combien il nous coûte de renoncer à quelque chose pour lui et pour les autres ! Mais si nous voulons suivre le Maître, en plus de nous réjouir qu’il vient nous sauver, nous sommes appelés à choisir sa route : la route du service, du don, de l’oubli de soi. Puissions-nous apprendre cette route en nous arrêtant ces jours-ci pour regarder le Crucifié, la « Chaire de Dieu », pour apprendre l’amour humble qui sauve et qui donne la vie, pour renoncer à l’égoïsme, à la recherche du pouvoir et de la renommée.

Nous sommes attirés par les mille flatteries de l’apparence, oubliant que « l’homme vaut plus par ce qu’il est que par ce qu’il a » (Gaudium et spes, n. 35) ; par son humiliation, Jésus nous invite à purifier notre vie. Tournons le regard vers lui, demandons la grâce de comprendre quelque chose de son anéantissement pour nous ; reconnaissons-le comme Seigneur de notre vie et répondons à son amour infini par un peu d’amour concret.

Reconsidérer le rôle de l’Église en éducation au Québec

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(Photo: Catholic News Service)

Depuis toujours, l’Église catholique s’est consacrée à la mission d’éducation. En effet, selon l’esprit même de son Fondateur, elle a su mettre en pratique sa mission d’aider à faire fructifier toutes les dimensions de la personne humaine qu’elle soit corporelle, intellectuelle ou spirituelle. Au cours de l’histoire, cette implication fondamentale a suscité la création de nombreuses institutions totalement dédiées à l’enseignement et à la formation des nouvelles générations. Des lieux où le savoir et la connaissance de la vérité seraient au cœur de la vie des personnes et qui, par la suite, pourraient améliorer le sort de l’espèce humaine par la découverte de nouvelles applications pratiques. Ces lieux sont ce que l’on nomme encore aujourd’hui « université » c’est-à-dire des lieux où l’universel prend le dessus sur le particulier, où la recherche de la vérité fait norme. C’est au Moyen-Âge et sous l’impulsion et la collaboration de l’Église que de telles institutions reçurent la forme qu’elles ont encore aujourd’hui.

Mais justement, quelle place l’Église doit-elle prendre aujourd’hui dans le domaine de l’éducation. Au Québec, par exemple, l’histoire récente montre que sa présence n’est plus aussi grande qu’elle a pu l’être. Certains diront même que la religion n’a plus sa place à l’école. Cette opinion, que l’on entend souvent, est toutefois quelque peu différente de ce que l’Église elle-même prône. De fait, la liberté de religion demande à ce que soit garantie l’affirmation des orientations fondamentales qu’une religion se donne à elle-même pas de celles qu’elle reçoit de l’extérieur. Ainsi, si l’on regarde partout dans le monde, on trouve dans la majorité des pays du monde des écoles et des universités catholiques qui sont, bien souvent, parmi les plus réputées. Comme le disait le pape François dans Evangelii Gaudium, ne cachant pas sa fierté : « Et combien est grande la contribution des écoles et des universités catholiques dans le monde entier ! » (no 65). Mais revenons à notre sujet de la présence pastorale de l’Église dans les institutions d’enseignement chez nous au Québec et au Canada. Il est clair que le « processus de sécularisation tend à réduire la foi et l’Église au domaine privé et intime » (no 64). Dans ces circonstances, certains croient bénéfique de restreindre la portée des initiatives religieuses puisqu’elles sont considérées comme nuisibles à la paix et à la concorde sociale et à un climat d’étude sain. Toutefois, cette crainte, qu’on peut comprendre si on regarde la présentation qui en est faite dans les médias de masse, n’est pas justifiée.

Selon Sabrina Di Matteo, directrice du Centre étudiant Benoît-Lacroix, l’Église et la pastorale universitaire pourraient jouer un rôle de leadership dans l’offre de services spirituels et intellectuels auprès des étudiants universitaires. Toutefois, cela présupposerait de la part des universités une ouverture au phénomène religieux et une réelle reconnaissance du rôle positif de celui-ci dans la vie universitaire dans son ensemble. De fait, comme l’affirme le pape François « en bien des occasions, l’Église a servi de médiatrice pour favoriser la solution de problèmes qui concernent la paix, la concorde, l’environnement, la défense de la vie, les droits humains et civils, etc. » (no 65). Ainsi, loin d’être un fardeau à porter, les religions doivent être considérées comme des instruments utiles à la vie universitaire et, comme le disait cette semaine le député québécois Amir Kadir, « à la société dans son ensemble ». Que ce soit dans leur souci de recherche de la vérité, la centralité qu’elles accordent à l’éthique, leur ouverture au dialogue et à l’universel sans compter leur souci de situer les différents savoirs à l’intérieur d’un horizon existentiel et des questions de sens, les religions ont une mission essentielle à jouer dans tous les milieux, y compris les universités. De plus, le christianisme et, plus particulièrement, la religion catholique, portant déjà cette mission et ce leadership, ces dernières auraient tout à gagner à lui confier cette nouvelle responsabilité.

Enfin, l’implication de l’Église dans les milieux universitaires n’est pas seulement nécessaire pour les universités, elle l’est également pour l’Église et les chrétiens eux-mêmes qui ont besoin d’être intellectuellement confrontés dans leur croyance et, ce, pour deux raisons principales. D’abord, la raison et les savoirs tels que les sciences humaines et pures, permettent aux croyants, de se défaire de tous les éléments de superstition qui pourraient entacher leur foi et, par conséquent, leur relation avec le Christ. Secondo, cette même confrontation (Disputatio disait-on au Moyen-Âge) permet de mettre en pratique l’appel missionnaire reçu au baptême. En effet, « Les Universités sont un milieu privilégié pour penser et développer cet engagement d’évangélisation de manière interdisciplinaire et intégrée. Les écoles catholiques, qui se proposent toujours de conjuguer la tâche éducative avec l’annonce explicite de l’Évangile, constituent un apport de valeur à l’évangélisation de la culture, même dans les pays et les villes où une situation défavorable nous encourage à faire preuve de créativité pour trouver les chemins adéquats » (no 134).

Comme nous l’avons vu, la mission éducative fait partie intégrante de la mission de l’Église. Celle-ci a donc la responsabilité de s’investir dans ce lieu de recherche et d’étude de la vérité que sont les universités afin de mener non seulement à terme son appel au développement intégral de la personne humaine mais également pour que chaque chrétien puisse, par son engagement missionnaire, grandir dans sa relation avec le Christ. Pour ceux et celles que le sujet intéresse, je vous invite à regarder l’épisode d’Église en sortie du 11 mars 2016 dans lequel nous nous interrogeons, avec le P. André Descôteaux o.p. et Sabrina Di Matteo, sur cette questions ainsi que sur les initiatives concrètes en cette matière, dont le Centre étudiant Benoît-Lacroix.

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