Audience générale du pape François – 26 avril 2023

Grégoire de Narek (Grigor Narekatsi), Hovhannavank. Wikimedia Commons.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a poursuivi sa catéchèse sur le « zèle évangélique » en réfléchissant à la prière des frères et sœurs de la vie consacrée. Il a déclaré qu’ils « sont le cœur battant de l’annonce. Leur prière est l’oxygène de tous les membres du Corps du Christ, leur prière est la force invisible qui soutient la mission ».

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous poursuivons les catéchèses sur les témoins du zèle apostolique. Nous avons commencé avec saint Paul et la dernière fois nous avons considéré les martyrs, qui proclament Jésus par leur vie, jusqu’à donner leur vie pour Lui et pour l’Évangile. Mais il y a un autre grand témoignage qui traverse l’histoire de la foi : celui des moniales et des moines, des sœurs et des frères qui renoncent à eux-mêmes, ils renoncent au monde pour imiter Jésus sur le chemin de la pauvreté, de la chasteté et de l’obéissance et pour intercéder en faveur de tous. Leurs vies parlent d’elles-mêmes, mais nous pouvons nous demander comment les personnes vivant dans des monastères peuvent-elles contribuer à l’annonce de l’Évangile ? Ne feraient-ils pas mieux de mettre leur énergie au service de la mission ? En sortant du monastère et en prêchant l’Évangile en dehors du monastère ? En réalité, les moines sont le cœur battant de l’annonce : leur prière est l’oxygène de tous les membres du Corps du Christ, leur prière est la force invisible qui soutient la mission. Ce n’est pas un hasard si la patronne des missions est une moniale, Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Écoutons comment elle a découvert sa vocation, elle écrivait ainsi : « J’ai compris que l’Église a un cœur, un cœur brûlant d’amour. J’ai compris que seul l’amour pousse les membres de l’Église à l’action et que, si cet amour s’éteignait, les apôtres n’annonceraient plus l’Évangile, les martyrs ne verseraient plus leur sang. J’ai compris et su que l’amour embrasse en lui toutes les vocations […]. Alors, avec une joie immense et extase de l’âme, je me suis écriée : O Jésus, mon amour, j’ai enfin trouvé ma vocation. Ma vocation est l’amour. […] Dans le cœur de l’Église, ma mère, je serai l’amour » (Manuscrit autobiographique « B », 8 septembre 1896). Les contemplatifs, les moines, les moniales : des personnes qui prient, travaillent, prient en silence, pour toute l’Église. Et c’est l’amour : c’est l’amour qui s’exprime en priant pour l’Église, en travaillant pour l’Église, dans les monastères.

Cet amour pour tous anime la vie des moines et se traduit dans leur prière d’intercession. À cet égard, je voudrais vous citer en exemple saint Grégoire de Narek, Docteur de l’Église. C’est un moine arménien, qui a vécu vers l’an mille, et qui nous a laissé un livre de prières dans lequel s’exprime la foi du peuple arménien, le premier à avoir embrassé le christianisme, un peuple qui, en restant fidèle à la croix du Christ, a tant souffert tout au long de l’histoire. Et Saint Grégoire passa presque toute sa vie au monastère de Narek. C’est là qu’il apprit à scruter les profondeurs de l’âme humaine et, en fusionnant ensemble la poésie et la prière, il marqua l’apogée de la littérature et de la spiritualité arméniennes. Ce qui frappe le plus chez lui, c’est la solidarité universelle dont il est l’interprète. Et parmi les moines et les moniales, il existe une solidarité universelle : tout ce qui se passe dans le monde trouve une place dans leur cœur et ils prient. Le cœur des moines et des moniales est un cœur qui capte, comme une antenne, ce qui se passe dans le monde et qui prie et intercède pour cela. Ils vivent ainsi en union avec le Seigneur et avec tout le monde. Et saint Grégoire de Narek écrit : « J’ai pris volontairement sur moi toutes les fautes, depuis celles du premier père jusqu’à celles du dernier de ses descendants ». (Livre des Lamentations, 72). Et comme Jésus l’a fait, les moines prennent sur eux les problèmes du monde, les difficultés, les maladies, tant de choses, et prient pour les autres. Et ce sont eux les grands évangélisateurs. Comment se fait-il que les monastères vivent fermés et évangélisent ? Parce que par la parole, l’exemple, l’intercession et le travail quotidien, les moines sont un pont d’intercession pour tous les hommes et pour les péchés.  Ils pleurent aussi avec des larmes, ils pleurent pour leurs propres péchés – nous sommes tous pécheurs – et ils pleurent aussi pour les péchés du monde, et ils prient et intercèdent avec leurs mains et leurs cœurs vers le ciel. Pensons un peu à cette « réserve » – si je puis dire – que nous avons dans l’Église : ils sont la vraie force, la vraie force qui fait avancer le peuple de Dieu, et c’est de là que vient l’habitude qu’ont les gens – le peuple de Dieu – quand ils rencontrent une personne consacrée, une personne consacrée, de dire : « Priez pour moi, priez pour moi », parce que vous savez qu’il y a une prière d’intercession. Cela nous fera du bien – dans la mesure du possible – de visiter un monastère, parce qu’on y prie et qu’on y travaille. Chacun a sa propre règle, mais les mains y sont toujours occupées : occupées par le travail, occupées par la prière. Que le Seigneur nous donne de nouveaux monastères, qu’il nous donne des moines et des moniales qui fassent avancer l’Église par leur intercession. Je vous remercie.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Audience générale du pape François – 19 avril 2023

Vitrail du Saint-Laurent en la chapelle de Saint Stéphane, martyr, à Omaha. Wikimédia Commons.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a poursuivi sa catéchèse sur le « zèle évangélique » en se penchant sur les martyrs.es, depuis le fondement de l’Église jusqu’à nos jours.

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Au sujet de l’évangélisation et parlant du zèle apostolique, après avoir considéré le témoignage de Saint Paul, véritable “champion” du zèle apostolique, aujourd’hui nous jetons notre regard non pas sur une figure singulière, mais vers la colonne des martyrs, hommes et femmes de tous âges, de toutes langues et de toutes nations, qui ont donné leur vie pour le Christ, qui ont versé leur sang pour confesser le Christ. Après la génération des Apôtres, qui ont été par excellence les « témoins » de l’Évangile. Les martyrs : le premier fut le diacre Saint Étienne, lapidé à mort hors des murs de Jérusalem. Le mot « martyre » vient du grec martyria, qui signifie précisément témoignage. C’est-à-dire qu’un martyr est un témoin, quelqu’un qui témoigne jusqu’à verser son sang. Cependant, le mot martyr a rapidement été utilisé dans l’Église pour désigner celui qui témoignait jusqu’à l’effusion de sang [1]. C’est-à-dire que le témoignage peut être celui de tous les jours, c’est un martyr. Mais il est utilisé par la suite pour qui donne le sang, qui donne la vie.

Les martyrs, cependant, ne doivent pas être considérés comme des « héros » qui ont agi individuellement, comme des fleurs qui poussent dans un désert, mais comme des fruits mûrs et excellents de la vigne du Seigneur, qui est l’Église. En particulier, les chrétiens, en participant assidûment à la célébration de l’Eucharistie, étaient conduits par l’Esprit à conformer leur vie sur ce mystère d’amour : c’est-à-dire sur le fait que le Seigneur Jésus avait donné sa vie pour eux et que, par conséquent, ils pouvaient et devaient eux aussi donner leur vie pour Lui et pour leurs frères et sœurs. Une grande générosité, le chemin du témoignage chrétien. Saint Augustin souligne souvent cette dynamique de gratitude et de réciprocité gratuite du don. Voici, par exemple, ce qu’il prêchait lors de la fête de Saint Laurent : « Saint Laurent était un diacre de l’Église de Rome », disait Saint Augustin. « C’est là qu’il était ministre du sang du Christ et c’est là qu’il a versé son sang pour le nom du Christ. Le bienheureux apôtre Jean a clairement exposé le mystère de la Cène, en disant : « Jésus, a donné sa vie pour nous. Nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères. » (1 Jn 3, 16). Laurent, mes frères, a compris tout cela. Il l’a compris et l’a mis en pratique. Et il a vraiment rendu ce qu’il avait reçu à cette table. Il a aimé le Christ dans sa vie, il l’a imité dans sa mort » (Disc. 304, 14 ; PL 38, 1395-1397). C’est ainsi que saint Augustin explique le dynamisme spirituel qui animait les martyrs. En ces termes : les martyrs aiment le Christ dans sa vie et l’imitent dans sa mort.

Aujourd’hui, chers frères et sœurs, souvenons-nous de tous les martyrs qui ont accompagné la vie de l’Église. Comme je l’ai dit à maintes reprises, ils sont plus nombreux à notre époque qu’aux premiers siècles. Aujourd’hui, il y a tant de martyrs dans l’Église, tant de martyrs car, pour avoir confessé la foi chrétienne, ils sont chassés de la société ou vont en prison… Ils sont très nombreux. Le Concile Vatican II nous rappelle que « le martyre dans lequel le disciple est assimilé à son maître, acceptant librement la mort pour le salut du monde, et rendu semblable à lui dans l’effusion de son sang, ce disciple est considéré par l’Église comme une grâce éminente et la preuve suprême de la charité. » (Const. Lumen Gentium, 42). Les martyrs, à l’imitation de Jésus et avec sa grâce, transforment la violence de ceux qui refusent l’annonce en une grande opportunité d’amour, suprême, qui va jusqu’au pardon de leurs bourreaux. Ce détail est intéressant : les martyrs pardonnent toujours à leurs bourreaux. Étienne, le premier martyr, mourut en priant : « Seigneur, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Les martyrs prient pour leurs bourreaux.

Si le martyre n’est demandé qu’à quelques-uns, « tous cependant doivent être prêts à confesser le Christ devant les hommes et à le suivre sur le chemin de la croix, à travers les persécutions qui ne manquent jamais à l’Église. » (ibid., 42). Mais ces persécutions sont-elles du passé ? Non, non : aujourd’hui. Aujourd’hui, il y a des persécutions contre les chrétiens dans le monde, beaucoup, beaucoup. Il y a plus de martyrs aujourd’hui que dans les premiers temps. Il y en a tellement. Les martyrs nous montrent que tout chrétien est appelé au témoignage de la vie, même s’il ne va pas jusqu’à l’effusion du sang, en faisant de lui-même un don à Dieu et à ses frères, à l’imitation de Jésus.

Et je voudrais conclure en rappelant le témoignage chrétien actuel dans tous les coins du monde. Je pense, par exemple, au Yémen, une terre blessée depuis de nombreuses années par une guerre terrible et oubliée, qui a causé tant de morts et qui fait encore souffrir tant de personnes, en particulier des enfants. Précisément dans ce pays, il y a eu des témoignages de foi éclatants, comme celui des Sœurs Missionnaires de la Charité, qui ont donné leur vie là. Aujourd’hui encore, elles sont présentes au Yémen, où elles offrent une assistance aux personnes âgées malades et aux personnes handicapées. Certaines d’entre elles ont souffert le martyre, mais les autres continuent, risquent leur vie mais vont de l’avant. Elles accueillent tout le monde, ces sœurs, quelle que soit la religion, car la charité et la fraternité n’ont pas de frontières. En juillet 1998, Sœur Aletta, Sœur Zelia et Sœur Michael, qui rentraient chez elles après la messe, ont été tuées par un fanatique, parce qu’elles étaient chrétiennes. Plus récemment, peu après le début du conflit toujours en cours, en mars 2016, Sœur Anselme, Sœur Marguerite, Sœur Reginette et Sœur Judith ont été tuées avec quelques laïcs qui les aidaient dans leur travail de charité auprès des plus petits. Ce sont les martyrs de notre temps. Parmi ces laïcs assassinés, en plus des chrétiens, il y avait des musulmans qui travaillaient avec les sœurs. C’est émouvant de voir comment le témoignage du sang peut unir des personnes de religions différentes. On ne doit jamais tuer au nom de Dieu, car pour Lui nous sommes tous frères et sœurs. Mais ensemble, nous pouvons donner notre vie pour les autres.

Prions donc pour que nous ne nous lassions pas de témoigner de l’Évangile, même en temps de tribulation. Que tous les saints et les saints martyrs soient des semences de paix et de réconciliation entre les peuples pour un monde plus humain et plus fraternel, en attendant que le Royaume des cieux se manifeste pleinement, quand Dieu sera tout en tous (cf. 1 Co 15, 28). Merci.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Audience générale du pape François – 12 avril 2023

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Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a poursuivi sa catéchèse sur le « zèle évangélique ». Il a réfléchi sur la référence à Éphésiens 6:15 « aux pieds du héraut de la bonne nouvelle », en disant que « celui qui va proclamer doit se déplacer, doit marcher ! »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Après avoir vu, il y a quinze jours, le zèle personnel de saint Paul pour l’Évangile, nous pouvons aujourd’hui réfléchir plus profondément sur le zèle évangélique tel qu’il en parle lui-même et qu’il le décrit dans quelques-unes de ses lettres.

En vertu de sa propre expérience, Paul n’ignore pas le danger d’un zèle déformé, orienté dans la mauvaise direction ; il était lui-même tombé dans ce danger avant la chute providentielle sur le chemin de Damas. Nous avons parfois affaire à un zèle mal orienté, obstiné dans l’observation de normes purement humaines et obsolètes pour la communauté chrétienne. « Certains, écrit l’apôtre, ont pour vous un attachement qui n’est pas bon ». (Gal 4, 17).

Nous ne pouvons pas ignorer la sollicitude avec laquelle certains se consacrent à de mauvaises occupations, même au sein de la communauté chrétienne ; on peut se vanter d’un faux zèle évangélique tout en poursuivant en réalité la vanité ou ses propres convictions.

Quelles sont les caractéristiques du véritable zèle évangélique selon Paul ? Le texte que nous avons entendu au début me semble utile à cet égard, une liste d’« armes » que l’apôtre indique pour le combat spirituel. Parmi ces armes, il y a la volonté de propager l’Évangile, que certains traduisent par « zèle » et qu’ils qualifient de « chaussure ». Pourquoi ? En quoi le zèle pour l’Évangile est-il lié à ce que l’on met à ses pieds ? Cette métaphore reprend un texte du prophète Isaïe : « Comme ils sont beaux sur les montagnes, les pas du messager, celui qui annonce la paix, qui porte la bonne nouvelle, qui annonce le salut, et vient dire à Sion : ‹ Il règne, ton Dieu ! › » (52,7).

Ici aussi, il est question des pieds d’un héraut de la bonne nouvelle. Pourquoi ? Parce que celui qui va proclamer doit se déplacer, il doit marcher ! Mais nous remarquons aussi que Paul, dans ce texte, parle des chaussures comme d’une partie de l’armure, selon l’analogie de l’équipement du soldat qui va au combat : dans le combat, il est essentiel d’avoir une bonne stabilité, d’éviter les pièges du terrain, car l’adversaire a souvent truffé le champ de bataille de pièges, et d’avoir la force de courir et de se déplacer dans la bonne direction.

Le zèle évangélique est le support sur lequel repose l’annonce, et les annonciateurs sont un peu comme les pieds du corps du Christ qui est l’Église. Il n’y a pas de proclamation sans mouvement, sans « sortie”, sans initiative. On n’annonce pas l’Évangile en restant immobile, enfermé dans un bureau, devant son pupitre ou son ordinateur, à discuter comme des « lions du clavier “et à remplacer la créativité de l’annonce par des copier-coller d’idées prises ici et là. L’Évangile s’annonce en se déplaçant, en marchant, en allant.

Le terme utilisé par Paul pour désigner la chaussure de ceux qui portent l’Évangile est un mot grec qui signifie empressement, préparation, alacrité. C’est le contraire du laisser-aller, qui est incompatible avec l’amour. En effet, Paul dit ailleurs : « Ne ralentissez pas votre élan, restez dans la ferveur de l’Esprit, servez le Seigneur » (Rm 12,11). Cette attitude était celle requise dans le livre de l’Exode pour célébrer le sacrifice de la Pâque de délivrance : « Vous mangerez ainsi : la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la main. Vous mangerez en toute hâte : c’est la Pâque du Seigneur. Je traverserai le pays d’Égypte, cette nuit-là » (12,11-12a).

Le héraut est prêt à partir et il sait que le Seigneur passe de manière surprenante ; il doit donc être libre de tout projet et prêt pour une action inattendue et nouvelle. Celui qui annonce l’Évangile ne peut pas être fossilisé dans des cages de plausibilité ou dans le « on a toujours fait comme ça », mais il est prêt à suivre une sagesse qui n’est pas de ce monde, comme le dit Paul en parlant de lui-même : « Mon langage, ma proclamation de l’Évangile, n’avaient rien d’un langage de sagesse qui veut convaincre ; mais c’est l’Esprit et sa puissance qui se manifestaient, pour que votre foi repose, non pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu »  (1 Co 2,4-5).

Ici, il est important d’avoir cette disponibilité à la nouveauté de l’Évangile, cette attitude qui est un élan, une prise d’initiative, un « primerear ». Il s’agit de ne pas laisser passer les occasions de promulguer l’annonce de l’Évangile de la paix, cette paix que le Christ sait donner plus et mieux que le monde ne le fait.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation du Bureau de presse du Saint-Siège.

Homélie du pape François lors de la Messe Chrismale – 6 avril 2023

Le Jeudi Saint 6 avril 2023, le pape François a prononcé l’homélie lors de la célébration de la Messe  Chrismale. Il a dit: L’Esprit du Seigneur est sur moi. Chacun de nous peut le dire ; et ce n’est pas de la présomption, c’est une réalité, puisque tout chrétien, et en particulier tout prêtre, peut faire siennes les paroles suivantes : « Le Seigneur m’a consacré par l’onction » (Is 61, 1).

Vous pouvez lire le texte intégral de l’homélie ci-dessous.

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Célébration de la Messe Chrismale

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Basilique Saint-Pierre
Jeudi Saint, 6 avril 2023

« L’Esprit du Seigneur est sur moi » (Lc 4,18) : c’est à partir de ce verset qu’a commencé la prédication de Jésus, et c’est à partir de ce même verset que la Parole que nous avons entendue aujourd’hui a débuté (cf. Is 61,1). Au commencement, donc, il y a l’Esprit du Seigneur.

Et c’est sur lui que je voudrais réfléchir avec vous aujourd’hui, chers confrères, sur l’Esprit du Seigneur. En effet, sans l’Esprit du Seigneur, il n’y a pas de vie chrétienne, et sans son onction, il n’y a pas de sainteté. Il est le protagoniste et c’est beau, en ce jour de naissance du sacerdoce, de reconnaître qu’il est à l’origine de notre ministère, de la vie et de la vitalité de chaque pasteur. En effet, notre Sainte Mère l’Église nous enseigne à professer que l’Esprit Saint « donne la vie » [1] comme l’a affirmé Jésus en disant : « C’est l’Esprit qui fait vivre » ( Jn 6, 63) ; un enseignement repris par l’apôtre Paul qui écrit : « La lettre tue, mais l’Esprit donne la vie » (2 Co 3, 6) et parle de la « loi de l’Esprit qui donne la vie dans le Christ Jésus » ( Rm 8, 2). Sans Lui, l’Église ne serait pas l’Épouse vivante du Christ, mais tout au plus une organisation religieuse – plus ou moins bonne ; elle ne serait pas le Corps du Christ, mais un temple construit par des mains humaines. Comment l’Église peut-elle être construite, sinon à partir du fait que nous sommes les « temples de l’Esprit Saint » qui « habite en nous » (cf. 1 Co 6, 19 ; 3,16) ? Nous ne pouvons pas le laisser dehors ou le « parquer » dans une zone de dévotion, non, au centre !. Nous avons besoin de dire chaque jour : « Viens, car sans ta puissance rien n’est en l’homme ». [2]

L’Esprit du Seigneur est sur moi. Chacun de nous peut le dire ; et ce n’est pas de la présomption, c’est une réalité, puisque tout chrétien, et en particulier tout prêtre, peut faire siennes les paroles suivantes : « Le Seigneur m’a consacré par l’onction » (Is 61, 1). Frères, sans mérite, par pure grâce, nous avons reçu une onction qui a fait de nous des pères et des pasteurs du Peuple saint de Dieu. Arrêtons-nous donc sur cet aspect de l’Esprit : l’onction.

Après la première « onction » dans le sein de Marie, l’Esprit est descendu sur Jésus au Jourdain. Par la suite, comme l’explique saint Basile, « chaque action [du Christ] s’est accomplie avec la co-présence de l’Esprit Saint ». [3] En effet, c’est par la puissance de cette onction qu’Il prêchait et accomplissait des signes, en vertu de laquelle « une force sortait de Lui et les guérissait tous » ( Lc 6, 19). Jésus et l’Esprit œuvrent toujours ensemble, de sorte qu’ils sont comme les deux mains du Père [4] – Irénée dit cela – qui, tendues vers nous, nous étreignent et nous relèvent. Et c’est par elles que nos mains, ointes par l’Esprit du Christ ont été marquées. Oui, frères, le Seigneur ne nous a pas seulement choisis et appelés de partout : il a répandu en nous l’onction de son Esprit, celui-là même qui est descendu sur les Apôtres. Frères nous sommes des “oints”.

Regardons donc vers eux, vers les Apôtres. Jésus les choisit et, à son appel, ils quittent leurs barques, leurs filets, leurs maisons et ainsi de suite… L’onction de la Parole change leur vie. Avec enthousiasme, ils suivent le Maître et commencent à prêcher, convaincus d’accomplir par la suite des choses encore plus grandes ; jusqu’à ce que survienne la Pâque. Là, tout semble s’arrêter : ils en viennent à renier et à abandonner le Maître. Nous ne devons pas avoir peur. Soyons courageux en lisant notre propre vie et nos chutes. Ils parviennent à renier et à abandonner le Maitre, Pierre, le premier. Ils se rendent compte de leur incapacité et réalisent qu’ils ne l’avaient pas compris : le « Je ne connais pas cet homme » (Mc 14, 71), que Pierre prononce dans la cour du grand prêtre après la dernière Cène, n’est pas seulement une défense impulsive, mais un aveu d’ignorance spirituelle : lui et les autres s’attendaient peut-être à une vie de succès derrière un Messie attirant les foules et accomplissant des prodiges. Mais ils ne reconnaissent pas le scandale de la croix qui brise leurs certitudes. Jésus savait qu’ils n’y arriveraient pas seuls, et c’est pourquoi il leur avait promis le Paraclet. Et c’est justement cette « seconde onction », à la Pentecôte, qui transforme les disciples, en les amenant à paître le troupeau de Dieu et non plus eux-mêmes.Et telle est la contradiction à résoudre : suis-je pasteur du peuple de Dieu ou de moi-même ? Et il y a l’Esprit qui m’enseigne le chemin. C’est cette onction de feu qui fait disparaître leur religiosité centrée sur eux-mêmes et sur leurs propres capacités : une fois l’Esprit reçu, les craintes et les hésitations de Pierre se dissiperont ; Jacques et Jean, brûlés par le désir de donner leur vie, cesseront de courir après les places d’honneur (cf. Mc 10, 35-45) ; notre carriérisme, frères ; les autres ne resteront plus enfermés et craintifs au Cénacle, mais ils sortiront et deviendront apôtres dans le monde.C’est l’esprit qui change notre cœur, qui le met dans ce plan différent.

Frères, un tel chemin embrasse notre vie sacerdotale et apostolique. Pour nous aussi, il y a eu une première onction qui a commencé par un appel d’amour qui a ravi nos cœurs. Pour lui nous avons rompu nos amarres et sur cet enthousiasme authentique est descendue la force de l’Esprit, qui nous a consacrés. Ensuite, selon le temps voulu par Dieu, vient pour chacun l’étape pascale, qui marque le moment de vérité. Et c’est un moment de tension qui prend des formes diverses. Il arrive à chacun, tôt ou tard, de connaître des déceptions, des fatigues, des faiblesses, l’idéal semblant se diluer devant les exigences de la réalité, tandis qu’une certaine habitude prend le dessus et que certaines épreuves, auparavant difficilement imaginables, rendent la fidélité plus inconfortable qu’elle ne l’était auparavant. Cette étape – de cette tentation, de cette épreuve que nous avons tous eue, que nous avons et que nous aurons – cette étape représente une ligne de crête décisive pour ceux qui ont reçu l’onction. On peut s’en sortir mal, en glissant vers une certaine médiocrité, en se traînant avec lassitude dans une « normalité » où s’insinuent trois tentations dangereuses : celle du compromis, où l’on se contente de ce que l’on peut faire ; celle des compensations, où l’on cherche à se « recharger » avec autre chose que notre onction ; celle du découragement – qui est la plus commune –, où, mécontents, l’on continue par inertie. Et c’est là que réside le grand risque : alors que les apparences demeurent intactes – “Je suis prêtre” –, on se replie sur soi-même et on se traîne sans énergie ; le parfum de l’onction n’embaume plus la vie et le cœur ; et le cœur ne se dilate plus mais se rétrécit, enserré dans le désenchantement.C’est un distillat, tu sais ? Lorsque le sacerdoce glisse lentement sur le cléricalisme et que le prêtre oublie d’être pasteur du peuple, pour devenir un clerc d’État.

Mais cette crise peut aussi devenir le tournant du sacerdoce, « l’étape décisive de la vie spirituelle, où il faut faire l’ultime choix entre Jésus et le monde, entre l’héroïsme de la charité et la médiocrité, entre la croix et un certain bien-être, entre la sainteté et une honnête fidélité à l’engagement religieux ». [5] À la fin de cette célébration, on vous donnera comme cadeau un classique, un livre qui traite de ce problème : “ Le second appel”, c’est un classique du Père Voillaume qui touche ce problème, lisez-le. Ensuite, nous avons tous besoin réfléchir à ce moment de notre sacerdoce. C’est le moment béni où, comme les disciples à Pâques, nous sommes appelés à être « assez humbles pour confesser que nous avons été vaincus par le Christ humilié et crucifié, et pour accepter de commencer un nouveau chemin, celui de l’Esprit, de la foi et d’un amour fort et sans illusions ». [6] C’est le kairos où l’on découvre que « tout cela ne se réduit pas à abandonner la barque et les filets pour suivre Jésus pendant un certain temps, mais nous oblige à aller jusqu’au Calvaire, à accueillir la leçon et le fruit, et à aller avec l’aide de l’Esprit Saint jusqu’au bout d’une vie qui doit s’achever dans la perfection de la Charité divine ».  [7] Avec l’aide de l’Esprit Saint : c’est le temps, pour nous comme pour les Apôtres, d’une « seconde onction », temps d’un second appel que nous devons écouter, pour la seconde onction, celle où nous accueillons l’Esprit, non pas à partir de l’enthousiasme de nos rêves, mais à partir de la fragilité de notre réalité. C’est une onction qui fait la vérité en profondeur, qui permet à l’Esprit d’oindre nos faiblesses, nos travaux, nos pauvretés intérieures. Alors l’onction embaume à nouveau : de son parfum et non du nôtre.En ce moment, intérieurement, je fais mémoire de certains d’entre vous qui sont en crise – disons ainsi – qui sont désorientés et qui ne savent pas comment prendre le chemin, comment reprendre le chemin dans cette seconde onction de l’Esprit. À ces frères – je les ai présents – je dis simplement : courage, le Seigneur est plus grand que tes faiblesses, que tes péchés. Confie-toi au Seigneur et laisse-toi appeler une deuxième fois, cette fois avec l’onction de l’Esprit Saint. La double vie ne t’aidera pas ; jeter tout par la fenêtre, non plus. Regarde en avant, laisse-toi caresser par l’onction de l’Esprit Saint.

Et le chemin pour ce pas de maturité est d’admettre la vérité de sa propre faiblesse. « L’Esprit de vérité » (Jn 16, 13) nous y exhorte, il nous pousse à regarder en nous-mêmes jusqu’au fond et à nous demander : mon épanouissement dépend-il de mes capacités, du rôle que j’obtiens, des compliments que je reçois, de la carrière que je poursuis, des supérieurs ou des collaborateurs, ou du confort que je peux me garantir, ou de l’onction qui parfume ma vie ? Frères, la maturité sacerdotale passe par l’Esprit Saint, elle se réalise quand Il devient le protagoniste de notre vie. Alors tout change de perspective, même les déceptions et les amertumes – même les péchés – parce qu’il ne s’agit plus d’essayer de nous améliorer en corrigeant quelque chose, mais de nous en remettre, sans rien retenir, à Celui qui nous a gratifiés de son onction et veut descendre en nous au plus profond. Frères, nous redécouvrons alors que la vie spirituelle devient libre et joyeuse non pas quand on sauve les formes et que l’on rapièce, mais quand on laisse l’initiative à l’Esprit et que, abandonnés à ses desseins, on se dispose à servir là et comme on nous le demande : notre sacerdoce ne grandit pas en rapiéçant, mais en débordant !

Si nous laissons l’Esprit de vérité agir en nous, nous conserverons l’onction – conserver l’onction –, car les faussetés – les hypocrisies cléricales – les faussetés avec lesquelles nous sommes tentés de vivre viendront à la lumière immédiatement. Et l’Esprit, qui « lave ce qui est sale », nous suggérera, sans se lasser, de « ne pas souiller l’onction », ne serait-ce qu’un peu. Il me vient à l’esprit cette phrase du Qohèleth qui dit : « Une seule mouche morte infeste et gâte l’huile du parfumeur » (10, 1). C’est vrai, toute duplicité – la duplicité cléricale, s’il vous plaît – toute duplicité qui s’insinue est dangereuse : elle ne doit pas être tolérée mais mise à la lumière de l’Esprit. Parce que, si « rien n’est plus faux que le cœur de l’homme, il est incurable » ( Jr 17, 9), l’Esprit Saint, Lui seul, nous guérit de l’infidélité (cf. Os 14, 5). C’est pour nous un combat essentiel : il est en effet indispensable, comme l’écrivait saint Grégoire le Grand que « celui qui annonce la parole de Dieu se consacre d’abord à son propre mode de vie, pour apprendre ensuite, à partir de sa propre vie, ce qu’il doit dire et comment il doit le dire. […] Que nul ne prétende dire à l’extérieur ce qu’il n’a pas d’abord entendu à l’intérieur ». [8] Et c’est l’Esprit, le maître intérieur, qu’il faut écouter, sachant qu’il n’y a rien en nous qu’Il ne veuille oindre. Frères, préservons l’onction : que l’invocation de l’Esprit ne soit pas une pratique sporadique, mais le souffle de chaque jour. Viens, viens, conserve-nous l’onction. Moi, consacré par Lui, je suis appelé à m’immerger en Lui, à laisser sa lumière pénétrer mes obscurités – nous en avons beaucoup – pour retrouver la vérité de ce que je suis. Laissons-nous entraîner par Lui pour combattre les contradictions qui s’agitent en nous ; et laissons-nous régénérer par Lui dans l’adoration, car lorsque nous adorons le Seigneur, Il déverse son Esprit dans nos cœurs.

L’esprit du Seigneur est sur moi, parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction ; il m’a envoyé – poursuit la prophétie – et m’a envoyé pour apporter la bonne nouvelle, la délivrance, la guérison et la grâce (cf. Is 61, 1-2 ; Lc 4, 18-19) : en un mot, pour apporter l’harmonie là où il n’y en a pas. Car comme le dit saint Basile : “L’Esprit est l’harmonie” c’est Lui qui fait l’harmonie. Après vous avoir parlé de l’onction, je voudrais vous dire quelque chose de cette harmonie qui en est la conséquence. L’Esprit Saint, en effet, est harmonie. D’abord au ciel : saint Basile explique que « cette supra-céleste et indicible harmonie dans service de Dieu et dans la symphonie réciproque des puissances supra-cosmiques, il est impossible qu’elle soit conservée sinon par l’autorité de l’Esprit » [9]. Et aussi sur la terre : dans l’Église, c’est bien Lui cette « Harmonie divine et musicale » [10] qui relie tout.Mais pensez à un presbyterium sans harmonie, sans l’Esprit : cela ne fonctionne pas. Il suscite la diversité des charismes et la refonde en unité, il crée une concorde qui n’est pas fondée sur l’homologation, mais sur la créativité de la charité. Il en va de même pour l’harmonie entre les uns et les autres. Il en va de même pour l’harmonie dans un presbytère. Pendant les années du Concile Vatican II, qui a été un don de l’Esprit, un théologien a publié une étude dans laquelle il parlait de l’Esprit non pas dans son individualité, mais dans son pluralisme. Il nous invitait à le considérer comme une Personne divine non pas tant singulière que « plurielle », comme le « nous de Dieu », le « nous » du Père et du Fils, parce qu’il est leur lien, il est en lui-même concorde, communion, harmonie. [11] Je me souviens que quand j’ai lu ce traité théologique – c’était en théologie, en étudiant – je me suis scandalisé : il semblait une hérésie, parce que dans notre formation on ne comprenait pas bien comment était l’Esprit Saint.

Créer l’harmonie, c’est ce qu’Il désire, surtout parmi ceux sur qui Il a répandu son onction. Frères, construire l’harmonie entre nous n’est donc pas une bonne méthode pour que la structure ecclésiale puisse mieux fonctionner, ce n’est pas danser le Minuet, ce n’est pas une question de stratégie ou de courtoisie, mais une exigence interne de la vie de l’Esprit. On pèche contre l’Esprit, qui est communion, quand on devient, même par légèreté, un instrument de division, par exemple – et revenons sur le même thème – avec le bavardage. Quand nous devenons des instruments de division, nous péchons contre l’Esprit. Et on fait le jeu de l’ennemi qui ne se montre pas au grand jour et qui aime les rumeurs et les insinuations, qui fomente des partis et des groupes de pressions, nourrit la nostalgie du passé, la méfiance, le pessimisme, la peur. Veillons, s’il vous plaît, à ne pas souiller l’onction de l’Esprit et la tunique de la Sainte Mère l’Église par la désunion, les polarisations, par tout manque de charité et de communion. Rappelons-nous que l’Esprit, « le nous de Dieu », préfère la forme communautaire : c’est-à-dire la disponibilité par rapport à ses propres exigences, l’obéissance par rapport à ses propres goûts, l’humilité par rapport à ses propres attentes.

L’harmonie n’est pas une vertu parmi d’autres, elle est davantage. Saint Grégoire le Grand écrit : « La valeur de la vertu d’harmonie est démontrée par le fait que, sans elle, toutes les autres vertus ne valent absolument rien ». [12] Aidons-nous les uns les autres, mes frères, à préserver l’harmonie, – préserver l’harmonie – ce serait le devoir – en commençant non pas par les autres, mais chacun par soi-même ; en nous demandant : dans mes paroles, dans mes commentaires, dans ce que je dis et écris, y a-t-il l’empreinte de l’Esprit ou celle du monde ? Je pense aussi à la gentillesse du prêtre – mais si souvent les prêtres, nous… sommes impolis – : pensons à la gentillesse du prêtre, si les gens trouvent, même chez nous, des personnes insatisfaites, vieux garçons, des personnes mécontentes qui critiquent et pointent du doigt, où verront-ils l’harmonie ? Combien ne s’approchent pas, ou bien s’éloignent, parce qu’ils ne se sentent ni accueillis ni aimés dans l’Église, mais regardés avec suspicion et jugés ! Au nom de Dieu, accueillons et pardonnons, toujours ! Et rappelons-nous que le fait d’être crispés et de se plaindre, outre que cela ne produit rien de bon, compromet l’annonce, parce que cela est un contre-témoignage de Dieu qui est communion et harmonie. Et cela déplaît beaucoup et surtout à l’Esprit Saint que l’apôtre Paul nous exhorte à ne pas contrister (cf. Ep 4, 30).

Frères, je vous laisse avec ces pensées qui sont sorties du cœur et je termine en vous adressant une parole simple et importante : merci. Merci pour votre témoignage, merci pour votre service ; merci pour tout le bien caché que vous faites, merci pour le pardon et la consolation que vous offrez au nom de Dieu : toujours pardonner, s’il vous plaît, ne jamais refuser le pardon ; merci pour votre ministère qui s’exerce souvent au prix de beaucoup de fatigues, d’incompréhensions et de peu de reconnaissance. Frères, que l’Esprit de Dieu, qui ne déçoit pas ceux qui se confient en Lui, vous comble de paix et achève en vous ce qu’il a commencé, afin que vous soyez prophètes de son onction et apôtres d’harmonie.

 

[1] Symbole de Nicée-Constantinople.

[2] Cf. Séquence de la Pentecôte.

[3] Spir. XVI, 39.

[4] Cf. Irené de Lyon, Adv. haer. IV, 20,1.

[5] R. Voillaume, «La seconda chiamata», in S. Stevan ed.,  La Seconda chiamata. Il coraggio della fragilità, Bologna 2018, 15. (« Le second appel », Lettres aux fraternités, t. 1, Paris, Cerf, 1960, pp. 11-35).

[6] Ibid., 24.

[7] Ibid., 16.

[8] Homélies sur Ezéchiel, I, X ,13-14.

[9] Spir. XVI, 38. Basile de Césarée, De Spiritu sancto, Sources Chrétiennes 17, [SPIR.S] 16, 38 (p.382).

[10] In Ps. 29,1.

[11] Cf. H. Mühlen, Der Heilige Geist als Person. Ich – Du – Wir, Münster in W., 1963.

[12] Homélies sur Ezéchiel, I, VIII, 8.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Audience générale du pape François – 5 avril 2023

« Le roi qui mérite tous les éloges ». Crédit photo: Mirna Encinas on Cathopic.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a réfléchi sur « Le crucifix, source d’espérance ». Il a déclaré que sur la croix, « nous voyons Jésus nu, Jésus dépouillé, Jésus blessé, Jésus tourmenté. Est-ce la fin de tout ? C’est là que se trouve notre espérance. »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dimanche dernier, la Liturgie nous a fait écouter la Passion du Seigneur. Elle se termine par ces mots : « Ils mirent les scellés sur la pierre » (Mt 27, 66). Ils mirent les scellés sur la pierre : tout semble fini. Pour les disciples de Jésus, ce bloc de pierre marque la fin de l’espérance. Le Maître a été crucifié, tué de la manière la plus cruelle et la plus humiliante qui soit, pendu à un infâme gibet hors de la ville : un échec public, la pire fin possible – à cette époque c’était la pire. Le découragement qui oppressait les disciples ne nous est pas totalement étranger aujourd’hui. En nous aussi, fusent des idées noires et des sentiments de frustration : pourquoi tant d’indifférence à l’égard de Dieu ? C’est curieux : pourquoi tant d’indifférence à l’égard de Dieu ? Pourquoi tant de mal dans le monde ? Mais regardez, il y a du mal dans le monde ! Pourquoi les inégalités continuent-elles à se creuser et la paix tant désirée ne se réalise pas ? Pourquoi sommes-nous si attachés à la guerre, à nous faire du mal l’un à l’autre ? Et dans le cœur de chacun, que d’attentes envolées, que de déceptions ! Et toujours ce sentiment que les temps passés étaient meilleurs et que dans le monde, peut-être même dans l’Église, les choses ne sont plus ce qu’elles étaient… Bref, aujourd’hui encore, l’espérance semble parfois scellée sous la pierre de la méfiance. Et j’invite chacun d’entre vous à réfléchir à ceci : où est ton espérance ? Toi, as-tu une espérance vive ou l’as-tu scellée là, ou l’as-tu dans le tiroir comme un souvenir ? Est-ce que ton espérance te fait avancer, ou est-ce un souvenir romantique comme quelque chose qui n’existerait pas ? Où est ton espérance aujourd’hui ?

Une image est restée gravée dans l’esprit des disciples : la croix. Et c’est là que tout est fini. C’est là que se concentrait la fin de tout. Mais peu de temps après, ils découvriront dans la croix elle-même un nouveau commencement. Chers frères et sœurs, c’est ainsi que germe l’espérance de Dieu, elle naît et renaît dans les trous noirs de nos attentes déçues, et l’espérance véritable, au contraire, ne déçoit jamais. Pensons à la croix : du plus terrible instrument de torture, Dieu a tiré le plus grand signe d’amour. Ce bois de la mort, transformé en arbre de vie, nous rappelle que les débuts de Dieu commencent souvent à partir de nos limites : c’est ainsi qu’il aime opérer des merveilles. Aujourd’hui, regardons donc l’arbre de la croix pour que germe en nous l’espérance : cette vertu de tous les jours, cette vertu silencieuse, humble, mais cette vertu qui nous maintient debout, qui nous aide à aller de l’avant. Sans espérance, on ne peut pas vivre. Demandons-nous : où est mon espérance ? Aujourd’hui, regardons l’arbre de la croix pour que germe en nous l’espérance : pour être guéris de la tristesse – mais, que de gens tristes… Moi, quand je pouvais aller dans les rues, maintenant je ne peux plus parce qu’on ne me laisse pas faire, mais quand je pouvais aller dans les rues dans l’autre diocèse, j’aimais bien regarder le regard des gens. Tant de regards tristes ! Des gens tristes, des gens qui parlent tout seuls, des gens qui marchent avec leur téléphone portable, mais sans paix, sans espérance. Et où est ton espérance aujourd’hui ? Nous avons besoin d’un peu d’espérance pour guérir de la tristesse dont nous sommes malades, pour guérir de l’amertume avec laquelle nous polluons l’Église et le monde. Frères et sœurs, regardons le Crucifix. Et que voyons-nous ? Nous voyons Jésus nu, Jésus dépouillé, Jésus blessé, Jésus tourmenté. Est-ce la fin de tout ? C’est là que réside notre espérance.

Observons donc comment, sous ces deux aspects, l’espérance, qui semblait mourir, renaît. Tout d’abord, nous voyons Jésus dépouillé : car « après l’avoir crucifié, ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort » (v. 35). Dieu dépouillé : Celui qui a tout se laisse dépouiller de tout. Mais cette humiliation est le chemin de la rédemption. Dieu triomphe ainsi de nos apparences. En effet, nous avons du mal à nous mettre à nu, à faire la vérité : nous essayons toujours de dissimuler les vérités parce qu’elles ne nous plaisent pas ; nous nous revêtons d’apparences extérieures que nous recherchons et soignons, des masques pour nous déguiser et nous montrer meilleurs que nous ne sommes. Un peu comme l’habitude du maquillage : maquillage intérieur, paraître meilleur que les autres …Nous pensons que l’important est l’ostentation, le paraitre, pour que les autres disent du bien de nous. Et nous nous parons d’apparences, nous nous parons d’apparences, de choses superflues, mais de cette manière nous ne trouvons pas la paix. Puis le maquillage disparaît et tu te regardes dans le miroir avec le visage laid que tu as, mais le vrai, celui que Dieu aime, pas celui qui est « maquillé ». Et Jésus dépouillé de tout nous rappelle que l’espérance renaît en faisant la vérité sur nous-mêmes – se dire la vérité à soi-même -, en abandonnant la duplicité, en nous libérant de la coexistence pacifique avec nos mensonges. Parfois, nous sommes tellement habitués à nous dire des mensonges que nous vivons avec ces mensonges comme s’il s’agissait de vérités et nous finissons par être empoisonnés par nos mensonges. Voilà ce qui est nécessaire : revenir au cœur, à l’essentiel, à une vie simple, dépouillée de tant de choses inutiles, qui sont des substituts de l’espérance. Aujourd’hui, alors que tout est complexe et que nous risquons de perdre le fil, nous avons besoin de simplicité, nous avons besoin de redécouvrir la valeur de la sobriété, la valeur du renoncement, de faire le ménage dans ce qui pollue le cœur et nous rend tristes. Chacun de nous peut penser à une chose inutile dont il peut se débarrasser pour se retrouver. Pensez-y, que de choses inutiles ! Ici, il y a quinze jours, à Santa Marta, où je vis – c’est un hôtel pour tant de gens – on a dit que pour cette Semaine Sainte, il serait bon de regarder l’armoire et de se dépouiller, de nous débarrasser des choses que nous avons, que nous n’utilisons pas… vous ne pouvez pas imaginer la quantité de choses ! Il est bon de se débarrasser des choses inutiles. Et cela a été donné aux pauvres, aux personnes dans le besoin. Nous aussi, nous avons tant de choses inutiles à l’intérieur de notre cœur – et à l’extérieur aussi. Regardez votre garde-robe : regardez-la. Ce qui est utile, ce qui est inutile… et faire le ménage. Regardez l’armoire de l’âme : combien de choses inutiles vous avez, combien d’illusions stupides. Revenons à la simplicité, aux choses essentielles, qui n’ont pas besoin de maquillage. Voilà un bel exercice !

Jetons un second regard sur le crucifix et voyons Jésus blessé. La croix montre les clous qui transpercent ses mains et ses pieds, son côté ouvert. Mais aux blessures du corps s’ajoutent celles de l’âme : mais quelle angoisse ! Jésus est seul : trahi, livré et renié par les siens, de ses amis et également de ses disciples, condamné par le pouvoir religieux et civil, excommunié, Jésus fait même l’expérience de l’abandon de Dieu (cf. v. 46). Sur la croix, apparaît également le motif de la condamnation : « Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs » (v. 37). C’est une moquerie : lui qui s’était enfui quand on avait voulu le faire roi (cf. Jn 6,15), est condamné pour s’être fait roi ; alors qu’il n’a commis aucun crime, il est mis entre deux malfaiteurs et on lui préfère le violent Barabbas (cf. Mt 27,15-21). Jésus, en somme, est blessé dans son corps et dans son âme. Je me demande : en quoi cela aide-t-il notre espérance ? Ainsi, Jésus nu, dépouillé de tout, de tout : qu’est-ce que cela dit de mon espérance, en quoi cela m’aide-t-il ?

Nous aussi nous sommes blessés : qui n’est pas blessé dans la vie ? Et tant de fois avec des blessures cachées, que nous cachons à cause de la honte. Qui ne porte pas les cicatrices de choix passés, d’incompréhensions, de douleurs qui restent à l’intérieur et qui sont difficiles à surmonter ? Mais aussi des torts subis, des paroles acerbes, des jugements sans clémence ? Dieu ne cache pas à nos yeux les blessures qui ont transpercé son corps et son âme. Il les montre pour nous dévoiler qu’un nouveau passage peut s’ouvrir à Pâques : faire de ses blessures des trous de lumière. « Mais, Sainteté, n’exagérez pas », pourrait-on me dire. Non, c’est vrai : essaie. Essaie. Pense à tes blessures, celles que tu es le seul à connaître, celles que chacun a cachées dans le cœur. Et regarde le Seigneur. Et tu verras, tu verras comment de ces blessures jaillissent des trous de lumière. Jésus en croix, ne récrimine pas, il aime. Il aime et pardonne à ceux qui le blessent (cf. Lc 23, 34). Il transforme ainsi le mal en bien, ainsi convertit-il et transforme-t-il la douleur en amour.

Frères et sœurs, la question n’est pas d’être blessé un peu ou beaucoup par la vie, la question est ce que je fais de mes blessures. Les petites, les grandes, celles qui laisseront toujours une trace dans mon corps, dans mon âme. Qu’est-ce que je fais avec mes blessures ? Que fais-tu, toi avec tes blessures ? « Non, mon Père, je n’ai pas de blessures » – « Attention, réfléchis-y par deux fois avant de dire cela ». Et moi je te demande : que fais-tu de tes blessures, celles que toi seul connais ? Tu peux les laisser s’infecter dans le ressentiment, la tristesse, ou je peux les unir à celles de Jésus, pour que mes blessures aussi deviennent lumineuses. Pensez au nombre de jeunes qui ne supportent pas leurs blessures et qui considèrent le suicide comme une voie de salut : aujourd’hui, dans nos villes, il y a beaucoup, beaucoup de jeunes qui ne voient pas d’issue, qui n’ont pas d’espérance et qui préfèrent aller plus loin avec la drogue, avec l’oubli… pauvres choses. Pensez à eux. Et toi, quelle est ta drogue, pour couvrir tes blessures ? Nos blessures peuvent devenir sources d’espérance quand, au lieu de pleurer sur nous-mêmes ou de les cacher, nous essuyons les larmes des autres ; quand, au lieu de nourrir du ressentiment pour ce qui nous est enlevé, nous nous occupons de ce qui manque aux autres ; quand, au lieu de ruminer en nous-mêmes, nous nous penchons sur ceux qui souffrent ; quand, au lieu d’être assoiffés d’amour pour nous-mêmes, nous étanchons la soif de ceux qui ont besoin de nous. Car seulement si nous cessons de penser à nous-mêmes, nous nous trouvons nous-mêmes. Mais si nous continuons à penser à nous-mêmes, nous ne nous retrouverons plus jamais. Et c’est ainsi que – comme le dit l’Écriture – notre blessure se cicatrise rapidement (cf. Is 58, 8) et que l’espérance refleurit. Réfléchissez : que puis-je faire pour les autres ? Je suis blessé, je suis blessé par le péché, je suis blessé par l’histoire, chacun a sa propre blessure. Que dois-je faire : est-ce que je lèche mes propres blessures comme ça, toute la vie ? Ou est-ce que je regarde les blessures des autres et je pars avec l’expérience blessée de ma propre vie, pour guérir, pour aider les autres ? C’est le défi d’aujourd’hui, pour vous tous, pour chacun d’entre nous. Que le Seigneur nous aide à aller de l’avant.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Homélie du pape François durant la célébration de la messe du dimanche des Rameaux 2023

Le dimanche 2 avril 2023, le pape François a prononcé l’homélie lors de la célébration du dimanche des Rameaux de la Passion du Seigneur. Il a souligné qu’ «à l’heure de l’abandon, Jésus a continué à faire confiance. À l’heure de l’abandon, il a continué à aimer ses disciples qui s’étaient enfuis, le laissant seul. Dans son abandon, il a pardonné à ceux qui l’avaient crucifié. (Luc 23:34) Nous voyons ici l’abîme de nos nombreux péchés immergé dans un amour plus grand, avec pour résultat que notre isolement devient communion. »

Vous pouvez lire le texte intégral de l’homélie ci-dessous.

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Célébration du dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Place Saint-Pierre
Dimanche 2 avril 2023

« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 26, 46). C’est l’invocation que la liturgie d’aujourd’hui nous a fait répéter dans le Psaume responsorial (Cf. Ps 22, 2) et c’est la seule prononcée sur la croix par Jésus dans l’Évangile que nous avons entendu. Ce sont donc les paroles qui nous conduisent au cœur de la passion du Christ, au point culminant des souffrances qu’il a endurées pour nous sauver. “Pourquoi m’as-tu abandonné ?”

Les souffrances de Jésus ont été nombreuses, et chaque fois que nous écoutons le récit de la passion, elles nous pénètrent. Il y a eu les souffrances du corps : pensons aux gifles, aux coups, à la flagellation, à la couronne d’épines, jusqu’à la torture de la croix. Il y a eu les souffrances de l’âme : la trahison de Judas, les reniements de Pierre, les condamnations religieuses et civiles, les railleries des gardes, les insultes sous la croix, le rejet de beaucoup de gens, l’échec de tout, l’abandon des disciples. Pourtant, dans toute cette souffrance, il reste à Jésus une certitude : la proximité du Père. Mais voilà que l’impensable se produit : avant de mourir, il s’écrie : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». L’abandon de Jésus.

Voici la souffrance la plus déchirante, c’est la souffrance de l’esprit : à l’heure la plus tragique, Jésus fait l’expérience de l’abandon de Dieu. Jamais auparavant il n’avait appelé le Père par le nom générique de Dieu. Pour nous transmettre la force de cet événement, l’Évangile rapporte la phrase également en araméen : c’est la seule, parmi celles prononcées par Jésus sur la croix qui nous parvient dans la langue originale. L’événement est l’abaissement extrême, c’est-à-dire l’abandon de son Père, l’abandon de Dieu. Le Seigneur vient souffrir par amour pour nous, comme il est difficile pour nous de le comprendre. Il voit le ciel fermé, il expérimente l’amère frontière de la vie, le naufrage de l’existence, l’effondrement de toute certitude : il crie « le pourquoi des pourquoi ». “Toi, Dieu, pourquoi ?”

Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Le verbe « abandonner » dans la Bible est fort ; il apparaît dans des moments de douleur extrême : dans les amours manquées, rejetées et trahies ; dans les enfants rejetés et avortés ; dans les situations de répudiation, de veuvage et d’orphelinat ; dans les mariages épuisés, dans les exclusions qui privent des liens sociaux, dans l’oppression de l’injustice et dans la solitude de la maladie : bref, dans les lacérations les plus implacables des liens. Là, on dit ce mot : “abandon”. Le Christ a porté cela sur la croix, en prenant sur lui le péché du monde. Et au point culminant, Lui, le Fils unique et bien-aimé, fait l’expérience de la situation qui Lui était la plus étrangère : l’abandon, l’éloignement de Dieu.

Et pourquoi en est-il arrivé là ? Pour nous, il n’y a pas d’autre réponse. Pour nous. Frères et sœurs, aujourd’hui ce n’est pas un spectacle. En écoutant l’abandon de Jésus, que chacun de nous se dise : pour moi. Cet abandon est le prix qu’il a payé pour moi. Il s’est fait solidaire avec chacun de nous jusqu’à l’extrême, pour être avec nous jusqu’à la fin. Il a connu l’abandon pour ne pas nous laisser otages de la désolation et pour être à nos côtés pour toujours. Il l’a fait pour moi, pour toi, pour que lorsque moi, toi ou n’importe qui d’autre se voit le dos au mur, perdu dans une impasse, plongé dans l’abîme de l’abandon, aspiré dans le tourbillon des nombreux « pourquoi » sans réponse, il y ait une espérance. Lui, pour toi, pour moi. Ce n’est pas la fin, car Jésus est passé par là et il est maintenant avec toi : Lui qui a souffert la distance de l’abandon pour accueillir dans son amour toutes nos distances. Pour que chacun de nous puisse dire : dans mes chutes – chacun de nous est tombé plusieurs fois –, dans ma désolation, quand je me sens trahi, ou quand j’ai trahi les autres, quand je me sens rejeté ou quand j’ai rejeté les autres, quand je me sens abandonné ou quand j’ai abandonné les autres, pensons qu’Il a été abandonné, trahi, rejeté. Et là nous Le trouvons. Quand je me sens mal et perdu, quand je n’y arrive plus, Il est avec moi ; dans mes nombreux pourquoi sans réponse, Il est là.

C’est ainsi que le Seigneur nous sauve, à partir de nos « pourquoi ». C’est à partir de là qu’il entrouvre l’espérance qui ne déçoit pas. En effet, sur la croix, alors qu’il ressent un extrême abandon, il ne se laisse pas aller au désespoir – c’est la limite –, mais il prie et se confie. Il crie son « pourquoi » avec les mots d’un psaume (22, 2) et s’abandonne entre les mains du Père, même s’il le sent loin (cf. Lc 23, 46) ou il ne le sent pas car il se trouve abandonné. Dans l’abandon, il se confie. Dans l’abandon, il continue à aimer les siens qui l’avaient laissé seul. Dans l’abandon, il pardonne à ceux qui l’ont crucifié (v. 34). Voilà que l’abîme de nos nombreux maux est plongé dans un amour plus grand, de sorte que toute séparation se transforme en communion.

Frères et sœurs, un tel amour total pour nous, jusqu’au bout, l’amour de Jésus est capable de transformer nos cœurs de pierre en cœurs de chair. C’est un amour de pitié, de tendresse, de compassion. Le style de Dieu est ceci : proximité, compassion et tendresse. Dieu est ainsi. Le Christ abandonné nous pousse à le chercher et à l’aimer dans les personnes abandonnées. Car en elles, il n’y a pas seulement des nécessiteux, mais il y a Lui, Jésus abandonné, Celui qui nous a sauvés en descendant au plus profond de notre condition humaine. Il est avec chacun d’eux, abandonnés jusqu’à la mort… Je pense à cet homme dit “de la rue”, allemand, qui mourut sous la colonnade, seul, abandonné. C’est Jésus pour chacun de nous. Beaucoup ont besoin de notre proximité, beaucoup sont abandonnés. J’ai aussi besoin que Jésus me caresse et s’approche de moi, et c’est pourquoi je vais le trouver dans les abandonnés, dans les personnes seules. Il veut que nous nous occupions des frères et des sœurs qui Lui ressemblent le plus, dans les situations extrêmes de douleur et de solitude. Aujourd’hui, chers frères et sœurs, il y a tant de « christs abandonnés ». Des peuples entiers sont exploités et abandonnés à eux-mêmes ; des pauvres dont nous n’avons pas le courage de croiser le regard vivent aux carrefours de nos rues ; il y a des migrants qui n’ont plus de visages mais qui sont des numéros ; il y a des prisonniers qui sont rejetés, des personnes qui sont cataloguées comme un problème. Mais aussi tant de christs invisibles, cachés, abandonnés, sont rejetés avec des gants blancs : des enfants à naître, des personnes âgées laissées seules – ça peut être ton père, ta mère peut-être, le grand-père, la grand-mère, abandonnés dans les instituts gériatriques –, des malades non visités, des handicapés ignorés, des jeunes qui ressentent un grand vide intérieur sans que personne n’écoute vraiment leur cri de souffrance. Et ils ne trouvent pas d’autre voie que le suicide. Les abandonnés d’aujourd’hui. Les christs d’aujourd’hui.

Jésus abandonné nous demande d’avoir des yeux et un cœur pour les personnes abandonnées. Pour nous, disciples de l’Abandonné, personne ne peut être marginalisé, personne ne peut être laissé à lui-même ; parce que, rappelons-nous, les rejetés et les exclus sont des icônes vivantes du Christ, ils nous rappellent son amour fou, son abandon qui nous sauve de toute solitude et de toute désolation. Frères et sœurs, demandons cette grâce aujourd’hui : savoir aimer Jésus abandonné et savoir aimer Jésus dans toute personne abandonnée, dans toute personne abandonnée. Demandons la grâce de savoir regarder, de savoir reconnaître le Seigneur qui crie encore en eux. Ne laissons pas sa voix se perdre dans le silence assourdissant de l’indifférence. Dieu ne nous a pas laissés seuls ; prenons soin de ceux qui sont laissés seuls. Alors, seulement, nous ferons nôtres les désirs et les sentiments de Celui qui, pour nous, « s’est dépouillé lui-même » (Ph 2, 7). Il s’est dépouillé totalement pour nous.

 

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Note commune sur la « Doctrine de la découverte »

Le pape François s’adresse à une réunion des peuples Autochtones–Premières Nations, Métis et Inuit à l’ancien pensionnat Ermineskin à Maskwacis, Alberta, le 25 juillet 2022.

Note commune sur la « Doctrine de la découverte » du Dicastère pour la Culture et l’Éducation et du Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral

 

1. Fidèle au mandat reçu du Christ, l’Église catholique s’efforce de promouvoir la fraternité universelle et le respect de la dignité de tout être humain.

2. C’est pourquoi, au cours de l’histoire, les papes ont condamné les actes de violence, d’oppression, d’injustice sociale et d’esclavage, y compris ceux commis contre les peuples Autochtones. Il y a également eu de nombreux exemples d’évêques, de prêtres, de religieux, de religieuses et de fidèles laïcs qui ont donné leur vie pour défendre la dignité de ces peuples.

3. En même temps, le respect des faits de l’histoire exige la reconnaissance de la faiblesse humaine et des échecs des disciples du Christ dans chaque génération. De nombreux chrétiens ont commis des actes malveillants à l’encontre des peuples Autochtones, pour lesquels les papes récents ont demandé pardon à de nombreuses reprises.

4. De nos jours, un dialogue renouvelé avec les peuples Autochtones, en particulier avec ceux qui professent la foi catholique, a aidé l’Église à mieux comprendre leurs valeurs et leurs cultures. Avec leur aide, l’Église a acquis une plus grande conscience de leurs souffrances, passées et présentes, dues à l’expropriation de leurs terres, qu’ils considèrent comme un don sacré de Dieu et de leurs ancêtres, ainsi qu’aux politiques d’assimilation forcée, promues par les autorités gouvernementales de l’époque, destinées à éliminer leurs cultures Autochtones. Comme l’a souligné le Pape François, leurs souffrances constituent un puissant appel à abandonner la mentalité colonisatrice et à marcher avec eux côte à côte, dans le respect mutuel et le dialogue, en reconnaissant les droits et les valeurs culturelles de toutes les personnes et de tous les peuples. À cet égard, l’Église s’engage à accompagner les peuples Autochtones et à favoriser les efforts visant à promouvoir la réconciliation et la guérison.

5. C’est dans ce contexte d’écoute des peuples Autochtones que l’Église a compris l’importance d’aborder le concept appelé « de la découverte ». Le concept juridique de « découverte » a été débattu par les puissances coloniales à partir du XVIe siècle et a trouvé une expression particulière dans la jurisprudence du XIXe siècle des tribunaux de plusieurs pays, selon laquelle la découverte de terres par des colons conférait un droit exclusif d’éteindre, par achat ou conquête, le titre ou la possession de ces terres par les peuples Autochtones. Certains chercheurs ont affirmé que la base de la « doctrine » susmentionnée se trouve dans plusieurs documents pontificaux, tels que les Bulles Dum Diversas (1452), Romanus Pontifex (1455) et Inter Caetera (1493).

6. La « doctrine de la découverte » ne fait pas partie de l’enseignement de l’Église catholique. La recherche historique démontre clairement que les documents pontificaux en question, rédigés à une période historique spécifique et liés à des questions politiques, n’ont jamais été considérés comme des expressions de la foi catholique. En même temps, l’Église reconnaît que ces bulles pontificales n’ont pas reflété de manière adéquate l’égale dignité et les droits des peuples Autochtones. L’Église est également consciente que le contenu de ces documents a été manipulé à des fins politiques par des puissances coloniales concurrentes afin de justifier des actes immoraux à l’encontre des peuples Autochtones qui ont été réalisés parfois sans que les autorités ecclésiastiques ne s’y opposent. Il est juste de reconnaître ces erreurs, de reconnaître les terribles effets des politiques d’assimilation et la douleur éprouvée par les peuples Autochtones, et de demander pardon. En outre, le Pape François a exhorté: « Que la communauté chrétienne ne se laisse plus jamais contaminer par l’idée qu’il existe une supériorité d’une culture par rapport à une autre et qu’il est légitime d’utiliser des moyens de coercition sur les autres ».

7. En termes clairs, le magistère de l’Église défend le respect dû à tout être humain. L’Église catholique rejette donc les concepts qui ne reconnaissent pas les droits humains inhérents aux peuples Autochtones, y compris ce qui est connu sous le nom juridique et politique de « doctrine de la découverte ».

8. Des déclarations nombreuses et répétées de l’Église et des papes défendent les droits des peuples Autochtones. Par exemple, dans la Bulle Sublimis Deus de 1537, le Pape Paul III a écrit : « Nous définissons et déclarons […] que [, …] lesdits Indiens et tous les autres peuples qui seront découverts plus tard par les chrétiens, ne doivent en aucun cas être privés de leur liberté ou de la possession de leurs biens, même s’ils ne sont pas de foi chrétienne ; et qu’ils peuvent et doivent, librement et légitimement, jouir de leur liberté et de la possession de leurs biens ; ils ne doivent en aucun cas être réduits en esclavage; si le contraire se produit, cela sera nul et sans effet ».

9. Plus récemment, la solidarité de l’Église avec les peuples Autochtones a donné lieu à un fort soutien du Saint-Siège aux principes contenus dans la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones. La mise en œuvre de ces principes améliorerait les conditions de vie et contribuerai.t à protéger les droits des peuples Autochtones, ainsi qu’à faciliter leur développement dans le respect de leur identité, de leur langue et de leur culture.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation du Bureau de presse du Saint-Siège.

Audience Générale du pape François – 29 mars 2023

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a poursuivi sa catéchèse sur l’évangélisation et le zèle apostolique. Il réfléchit à la conversion de saint Paul en disant que « le vrai catholique, le vrai chrétien est celui qui reçoit Jésus en lui, ce qui change son cœur ».

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre parcours catéchétique sur le zèle apostolique, nous commençons aujourd’hui à considérer certaines figures qui, de manières et à des époques différentes, ont donné un témoignage exemplaire de ce que signifie la passion pour l’Évangile. Le premier témoin est bien naturellement l’apôtre Paul. Je voudrais lui dédier deux catéchèses.

L’histoire de Paul de Tarse est emblématique à ce sujet. Dans le premier chapitre de la Lettre aux Galates, tout comme dans le récit des Actes des Apôtres, nous voyons que son zèle pour l’Évangile apparaît après sa conversion, et prend la place de son zèle précédent pour le judaïsme. C’était un homme zélé pour la loi de Moïse, pour le judaïsme, et après sa conversion, ce zèle s’est poursuivi, mais pour proclamer, pour prêcher Jésus-Christ. Paul était un passionné de Jésus. Saul – le nom initial de Paul – était déjà zélé, mais le Christ convertit son zèle : de la Loi à l’Évangile. Son zèle voulait d’abord détruire l’Église, plus tard au contraire, il la construit. Nous pouvons nous demander : que s’est-il passé ? Comment fait-il le passage de la destruction à la construction ? Qu’est-ce qui a changé chez Paul ? Dans quel sens son zèle, son élan pour la gloire de Dieu ont-ils été transformés ?

Saint Thomas d’Aquin enseigne que la passion, d’un point de vue moral, n’est ni bonne ni mauvaise : son utilisation vertueuse la rend moralement bonne, le péché la rend mauvaise [1]. Dans le cas de Paul, ce qui l’a changé, ce n’est pas une simple idée ou conviction : c’est la rencontre avec le Seigneur ressuscité – ne l’oubliez pas, ce qui change une vie, c’est la rencontre avec le Seigneur – ce fut pour Saül la rencontre avec le Seigneur Ressuscité qui a transformé tout son être. L’humanité de Paul, sa passion pour Dieu et sa gloire n’est pas anéantie, mais transformée, « convertie » par l’Esprit Saint. Le Saint-Esprit est l’unique capable de changer nos cœurs. Il en va de même pour tous les aspects de sa vie. Exactement comme dans l’Eucharistie : le pain et le vin ne disparaissent pas, mais deviennent le Corps et le Sang du Christ. Le zèle de Paul demeure, mais devient le zèle pour le Christ. Le sens change mais le zèle reste le même. Le Seigneur, nous le serons avec notre humanité, avec nos prérogatives et nos caractéristiques, mais ce qui change tout, ce n’est pas une idée, mais la vie elle-même, comme le dit Paul lui-même : « Si donc quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né. » (2 Co 5,17). La rencontre avec Jésus-Christ te change de l’intérieur, elle fait de toi une personne différente. Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature, c’est le sens d’être une nouvelle créature. Devenir chrétien n’est pas un maquillage qui change ta face, non ! Si tu es chrétien, cela change ton cœur, mais si tu es un chrétien d’apparence, ce n’est pas bon… des chrétiens de maquillage, ce n’est pas bon. Le vrai changement, c’est celui du cœur. C’est ce qui est arrivé à Paul.

La passion pour l’Évangile n’est pas une question de compréhension ou d’étude, qui sont utiles mais ne la suscitent pas ; elle signifie plutôt passer par cette même expérience de  » chute et de résurrection  » que Saul/Paul a vécue et qui est à l’origine de la transfiguration de son élan apostolique. Tu peux étudier toute la théologie que tu veux, tu peux étudier la Bible et tout ça et devenir athée ou mondain, ce n’est pas une question d’étude ; il y a eu beaucoup de théologiens athées tout au long de l’histoire ! L’étude sert mais ne génère pas la vie nouvelle de la grâce. En effet, comme le dit saint Ignace de Loyola : « Ce n’est pas tant la connaissance qui satisfait et rassasie l’âme, mais le fait de sentir et de goûter intérieurement les choses » [2]. Il s’agit des choses qui te changent de l’intérieur, qui te font connaître quelque chose d’autre, goûter quelque chose d’autre. Que chacun d’entre nous y réfléchisse : « Suis-je un religieux ? » – « Très bien » – « Est-ce que je prie ? » – « Oui » – « Est-ce que j’essaie d’observer les commandements ? » – « Oui » – « Mais où est Jésus dans ta vie ? » – Ah, non, je fais les choses que l’Église commande. Mais Jésus où est-il ? As-tu rencontré Jésus, as-tu parlé à Jésus ? Prends-tu l’Évangile ou parles-tu avec Jésus, te souviens-tu qui est Jésus ? Et c’est quelque chose qui nous échappe si souvent. Quand Jésus entre dans ta vie, comme il est entré dans la vie de Paul, Jésus entre, tout change. Tant de fois nous avons entendu des commentaires sur des personnes : « Mais regarde celui-là qui était un malheureux et qui maintenant est un homme bon, une femme bonne… Qui l’a changé ? Jésus, il a trouvé Jésus. Ta vie de chrétien a-t-elle changé ? « Et non, plus ou moins, oui… ». Si Jésus n’est pas entré dans ta vie, elle n’a pas changé. Tu peux être chrétien de l’extérieur seulement. Non, Jésus doit entrer dans ta vie et cela te change, et c’est ce qui est arrivé à Paul. On a besoin de trouver Jésus et c’est pourquoi Paul a dit que l’amour du Christ nous saisit, ce qui te fait progresser. Le même changement s’est produit pour tous les saints qui, lorsqu’ils ont trouvé Jésus, ont progressé.

Nous pouvons faire une autre réflexion sur le changement qui s’opère chez Paul, qui de persécuteur est devenu apôtre du Christ. Nous constatons qu’il se produit chez lui une sorte de paradoxe : en effet, tant qu’il se considère juste devant Dieu, il se sent autorisé à persécuter, à arrêter, voire à tuer, comme dans le cas d’Étienne ; mais lorsque, illuminé par le Seigneur Ressuscité, il découvre qu’il a été  » un blasphémateur et un homme violent  » (cf. 1 Tm 1, 13), – C’est ce qu’il dit de lui-même : « J’étais un blasphémateur et un homme violent » – alors il commence à être vraiment capable d’aimer. Et voici comment. Si l’un d’entre nous dit : « Ah, merci Seigneur, parce que je suis une bonne personne, je fais de bonnes choses, je ne commets pas de gros péchés… » : ce n’est pas un bon chemin, c’est un chemin d’autosuffisance, c’est un chemin qui ne te justifie pas, qui fait de toi un catholique élégant, mais un catholique élégant n’est pas un saint catholique, il est élégant. Le vrai catholique, le vrai chrétien est celui qui reçoit Jésus à l’intérieur, qui change son cœur. C’est la question que je vous pose à tous aujourd’hui : que signifie Jésus pour moi ? Est-ce que je l’ai laissé entrer dans mon cœur, ou est-ce que je le garde à portée de main, mais je ne le laisse pas entrer tellement à l’intérieur ? Me suis-je laissé changer par lui ? Ou bien Jésus n’est-il qu’une idée, une théologie qui se poursuit… Et c’est cela le zèle, quand on trouve Jésus, on sent le feu et, comme Paul, on doit prêcher Jésus, parler de Jésus, aider les gens, faire de bonnes choses. Quand on trouve l’idée de Jésus, on reste un idéologue du christianisme et cela ne sauve pas, seul Jésus nous sauve, si tu l’as rencontré et si tu lui as ouvert la porte de ton cœur. L’idée de Jésus ne te sauve pas ! Que le Seigneur nous aide à trouver Jésus, à rencontrer Jésus, et que ce Jésus de l’intérieur change notre vie et nous aide à aider les autres.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Audience Générale du pape François – 22 mars 2023

Dans son audience générale aujourd’hui le pape François met à l’école de l’Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi de saint Paul VI, charte fondamentale de l’évangélisation dans le monde contemporain. Si l’évangélisation suppose la foi professée, c’est-à-dire l’adhésion manifeste à Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, qui par amour nous a créés et rachetés, elle est avant tout un témoignage de la rencontre personnelle avec Jésus Christ, le Verbe incarné par lequel s’accomplit le salut. Le témoignage est donc indissociable de la cohérence entre ce que l’on croit et ce que l’on proclame.

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui, nous nous mettons à l’écoute de la « Magna Carta » la Charte fondamentale de l’évangélisation dans le monde contemporain : l’Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi de saint Paul VI (EN, 8 décembre 1975). Ce texte est d’actualité, il a été écrit en 1975, mais c’est comme s’il avait été écrit hier. L’évangélisation est plus qu’une simple transmission doctrinale et morale. Elle est avant tout témoignage : on ne peut pas évangéliser sans témoignage ; le témoignage de la rencontre personnelle avec Jésus-Christ, Verbe Incarné en qui le salut s’est accompli. Un témoignage indispensable parce que, avant tout, le monde a besoin « d’évangélisateurs qui lui parlent d’un Dieu qu’ils connaissent et qui leur est familier » (EN, 76) Ce n’est pas transmettre une idéologie ou une « doctrine » sur Dieu, non. C’est transmettre Dieu qui se fait vie en moi : c’est cela le témoignage ; et aussi parce que « l’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres, […] ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins » (ibid., 41). Le témoignage du Christ est donc en même temps le premier moyen d’évangélisation (cf. ibid.) et la condition essentielle de son efficacité (cf. ibid., 76), pour que l’annonce de l’Évangile soit féconde. Être témoins.

Il est nécessaire de rappeler que le témoignage comprend aussi la foi professée, c’est-à-dire l’adhésion convaincue et manifeste à Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit, qui par amour nous a créés, nous a rachetés. Une foi qui nous transforme, qui transforme nos relations, les critères et les valeurs qui déterminent nos choix. Le témoignage est donc indissociable de la cohérence entre ce que l’on croit et ce que l’on annonce et ce que l’on vit. On n’est pas crédible seulement en énonçant une doctrine ou une idéologie, non. Une personne est crédible s’il y a harmonie entre ce qu’elle croit et ce qu’elle vit. Tant de chrétiens disent seulement qu’ils croient, mais vivent autre chose, comme s’ils ne croyaient pas. C’est de l’hypocrisie. Le contraire du témoignage, c’est l’hypocrisie. Combien de fois avons-nous entendu  » ah, celui-là qui va à la messe tous les dimanches, et ensuite il vit ainsi, ainsi, ainsi, ainsi » : c’est vrai, c’est le contre-témoignage.

Chacun de nous est appelé à répondre à trois questions fondamentales, ainsi formulées par Paul VI : « Croyez-vous vraiment à ce que vous annoncez ? Vivez-vous ce que vous croyez ? Prêchez-vous vraiment ce que vous vivez ? » (cf. ibid.). Y a-t-il une harmonie : croyez-vous ce que vous annoncez ? Vivez-vous ce que vous croyez ? Annoncez-vous ce que vous vivez ? Nous ne pouvons pas nous contenter de réponses faciles et toutes faites. Nous sommes appelés à prendre le risque, même déstabilisant, de chercher, en faisant pleinement confiance à l’action de l’Esprit Saint qui agit en chacun de nous, nous poussant toujours à aller au-delà : au-delà de nos frontières, au-delà de nos barrières, au-delà de nos limites, quelles qu’elles soient.

En ce sens, témoigner d’une vie chrétienne implique un chemin de sainteté, fondé sur le Baptême, qui nous rend « participants de la nature divine et donc vraiment saints » (Constitution dogmatique Lumen Gentium, 40). Une sainteté qui n’est pas réservée à quelques-uns, qui est un don de Dieu et qui demande à être accueillie et à porter du fruit pour nous et pour les autres. Choisis et aimés par Dieu, nous devons porter cet amour aux autres. Paul VI enseigne que le zèle pour l’évangélisation jaillit de la sainteté de vie, jaillit du cœur qui est rempli de Dieu. Alimentée par la prière et surtout par l’amour de l’Eucharistie, l’évangélisation fait à son tour grandir en sainteté les gens qui la mettent en œuvre (cf. EN, 76). En même temps, sans la sainteté, la parole de l’évangélisateur « fera difficilement son chemin dans le cœur de l’homme de notre temps. », mais « risque d’être vaine et inféconde » (ibid.).

Nous devons donc être conscients que les destinataires de l’évangélisation ne sont pas seulement les autres, ceux qui professent d’autres confessions ou qui n’en professent aucune, mais aussi nous-mêmes, croyants dans le Christ et membres actifs du Peuple de Dieu. Et nous devons nous convertir chaque jour, accepter la parole de Dieu et changer notre vie : chaque jour. C’est ainsi que se fait l’évangélisation du cœur. Pour donner ce témoignage, l’Église comme telle doit aussi commencer par s’évangéliser elle-même. Si l’Église ne s’évangélise pas elle-même, elle reste une pièce de musée. En revanche, ce qui contribue à l’actualiser en permanence, c’est l’évangélisation d’elle-même. Elle a besoin d’écouter sans cesse ce qu’elle doit croire, ses raisons d’espérer, le commandement nouveau de l’amour. L’Eglise, qui est un Peuple de Dieu immergé dans le monde, et souvent tenté par les idoles- beaucoup – elle a toujours besoin d’entendre proclamer les œuvres de Dieu. Cela signifie, en bref, qu’elle a toujours besoin d’être évangélisée, qu’elle a besoin de recevoir l’Évangile, de prier et de sentir la force de l’Esprit qui change les cœurs (EN, 15).

Une Église qui s’évangélise pour évangéliser est une Église qui, guidée par l’Esprit Saint, est appelée à parcourir un chemin exigeant, un chemin de conversion, de renouvellement. Cela implique aussi la capacité de changer les manières de comprendre et de vivre sa présence évangélisatrice dans l’histoire, en évitant de se réfugier dans les zones protégées par la logique du « on a toujours fait comme ça ». Ce sont des refuges qui rendent l’Église malade. L’Église doit aller de l’avant, elle doit grandir continuellement, alors elle restera jeune. Cette Église est entièrement tournée vers Dieu, donc elle participe à son plan de salut pour l’humanité, et, en même temps, entièrement tournée vers l’humanité. L’Église doit être une Église qui dialogue avec le monde contemporain, qui tisse des relations fraternelles, qui crée des espaces de rencontre, en mettant en œuvre de bonnes pratiques d’hospitalité, d’accueil, de reconnaissance et d’intégration de l’autre et de l’altérité, et qui prend soin de la maison commune qu’est la création. C’est-à-dire une Église qui se met en dialogue avec le monde contemporain, dialogue avec le monde contemporain, mais qui rencontre tous les jours le Seigneur et dialogue avec le Seigneur, et laisse entrer l’Esprit Saint qui est le protagoniste de l’évangélisation. Sans l’Esprit Saint, nous ne pourrions que faire de la publicité pour l’Église, pas évangéliser. C’est l’Esprit Saint en nous qui nous pousse à l’évangélisation et c’est la vraie liberté des enfants de Dieu.

Chers frères et sœurs, je vous renouvelle mon invitation à lire et à relire Evangelii Nuntiandi : je vous dis la vérité, je le lis souvent, car c’est le chef-d’œuvre de saint Paul VI, c’est l’héritage qu’il nous a laissé pour évangéliser.


Audience générale du Pape François – 15 mars 2023

Photo de gilcastro sur Cathopic.

Lors de l’Audience générale d’aujourd’hui, le pape François a souligné le rôle des laïcs dans la mission apostolique de l’Église. Il a cité le décret Apostolicam Actuositatem de Vatican II, qui affirme qu’ « il y a diversité de ministères, mais unité de mission….Les laïcs rendus participants de la charge sacerdotale, prophétique et royale du Christ assument leur part dans ce qui est la mission du Peuple de Dieu tout entier, dans l’Église et dans le monde »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous poursuivons les catéchèses sur la passion d’évangéliser : non seulement sur « évangéliser », mais la passion d’évangéliser et, à l’école du Concile Vatican II, essayons de mieux comprendre que signifie être « apôtres » aujourd’hui. Le mot « apôtre » évoque le groupe des douze disciples choisis par Jésus. On appelle parfois « apôtres » certains saints, ou plus généralement les évêques : ils sont apôtres, parce qu’ils vont au nom de Jésus. Mais sommes-nous conscients que la fonction d’apôtre concerne chaque chrétien ? Sommes-nous conscients que cela concerne chacun d’entre nous ? En effet, nous sommes appelés à être apôtres – c’est-à-dire envoyés – au sein d’une Église que nous professons apostolique dans le Credo.

Que signifie donc être apôtres ? C’est être envoyé pour une mission. L’événement exemplaire et fondateur est celui où le Christ ressuscité envoie ses apôtres dans le monde, leur transmettant le pouvoir qu’il a lui-même reçu du Père et leur donnant son Esprit. Nous lisons dans l’Évangile de Jean : « Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint » » (20,21-22).

Un autre aspect fondamental de l’identité de l’apôtre est la vocation, c’est-à-dire l’appel. Il en a été ainsi dès le début, lorsque le Seigneur Jésus « appela ceux qu’il voulait. Ils vinrent auprès de lui » (Mc 3,13). Il les constitua comme groupe, en leur donnant le titre d' »apôtres », pour qu’ils soient avec lui et pour les envoyer en mission (cf. Mc 3,14 ; Mt 10,1-42). Saint Paul se présente ainsi dans ses lettres : « Paul, appelé pour être apôtre », c’est-à-dire envoyé, (1 Co 1,1) et encore : « Paul, serviteur du Christ Jésus, Apôtre envoyé par l’appel, mis à part pour l’Évangile de Dieu » (Rm 1,1). Et il insiste sur le fait d’être « Apôtre non par des hommes, ni par l’intermédiaire d’un homme, mais par Jésus Christ et par Dieu le Père qui l’a ressuscité d’entre les morts » (Ga 1,1) ; Dieu l’a appelé dès le sein de sa mère pour annoncer l’Évangile parmi les nations (cf. Ga 1,15-16).

L’expérience des Douze apôtres et le témoignage de Paul nous interpellent également aujourd’hui. Ils nous invitent à vérifier nos attitudes, à vérifier nos choix, nos décisions, à partir de ces repères : tout dépend d’un appel gratuit de Dieu ; Dieu nous choisit également pour des services qui parfois semblent dépasser nos capacités ou ne pas correspondre à nos attentes ; à l’appel reçu comme don gratuit, il faut répondre gratuitement.

Le Concile dit : « La vocation chrétienne […] est aussi par nature vocation à l’apostolat » (Decr. Apostolicam actuositatem [AA], 2). C’est un appel qui est commun, « comme est commune la dignité des membres du fait de leur régénération dans le Christ ; commune la grâce d’adoption filiale ; commune la vocation à la perfection ; il n’y a qu’un salut, une espérance, une charité indivisible » (LG, 32).

C’est un appel qui concerne aussi bien ceux qui ont reçu le sacrement de l’Ordre, les personnes consacrées, que chaque fidèle laïc, homme ou femme, c’est un appel à tous. Toi, le trésor que tu as reçu avec ta vocation chrétienne, tu dois le donner : c’est la dynamique de la vocation, c’est la dynamique de la vie. C’est un appel qui permet d’accomplir sa propre tâche apostolique de manière active et créative, au sein d’une Église où « il y a diversité de ministères, mais unité de mission. Le Christ a confié aux apôtres et à leurs successeurs la charge d’enseigner, de sanctifier et de gouverner en son nom et par son autorité. Mais aussi les laïcs : vous tous ; la majorité d’entre vous, vous êtes laïcs. Également les laïcs rendus participants de la charge sacerdotale, prophétique et royale du Christ assument leur part dans ce qui est la mission du Peuple de Dieu tout entier, dans l’Église et dans le monde » (AA, 2).

Dans ce cadre, comment le Concile comprend-il la collaboration des laïcs avec la hiérarchie ? Comment l’envisage-t-il ? S’agit-il d’une simple adaptation stratégique à de nouvelles situations qui surviennent ? Pas du tout, rien de cela : c’est bien plus quelque chose qui dépasse les contingences du moment et conserve sa propre valeur même pour nous. L’Église est ainsi, elle est apostolique.

Dans le cadre de l’unité de la mission, la diversité des charismes et des ministères ne doit pas donner lieu, au sein du corps ecclésial, à des catégories privilégiées : Il ne s’agit pas d’une promotion, et lorsque tu conçois la vie chrétienne comme une promotion, que celui qui est au sommet commande les autres parce qu’il a réussi à se hisser plus haut, ce n’est pas le christianisme. C’est du paganisme pur. La vocation chrétienne n’est pas une promotion pour se hisser plus haut, non ! C’est autre chose. Et c’est une chose importante car, même si « certains, par la volonté du Christ, sont établis dans une position peut-être plus importante, docteurs, dispensateurs des mystères et pasteurs pour le bien des autres, cependant, quant à la dignité et à l’activité commune à tous les fidèles dans l’édification du Corps du Christ, il règne entre tous une véritable égalité » (LG, 32). Qui a le plus de dignité dans l’Église : l’évêque, le prêtre ? Non … nous sommes tous des chrétiens au service des autres. Qui est le plus important dans l’Église : la religieuse ou le simple baptisé, l’enfant, l’évêque ? Tous sont égaux, nous sommes égaux, et quand l’une des parties se croit plus importante que les autres et se met un peu le nez en l’air, elle se trompe. Ce n’est pas la vocation de Jésus. La vocation que Jésus donne à tous – mais surtout à ceux qui semblent occuper des positions plus élevées – est le service, le service des autres, dans l’humilité. Si tu vois une personne qui dans l’Église a une vocation plus haute et que tu la vois être vaniteuse, tu diras : “le pauvre” ; prie pour elle parce qu’’elle n’a pas compris ce qu’est la vocation de Dieu. La vocation de Dieu est l’adoration du Père, l’amour pour la communauté et le service. C’est cela être apôtre, c’est cela le témoignage des apôtres.

La question de l’égalité en dignité nous invite à repenser de nombreux aspects de nos relations, qui sont décisifs pour l’évangélisation. Par exemple, sommes-nous conscients que par nos paroles nous pouvons porter atteinte à la dignité des personnes, détruisant ainsi les relations au sein de l’Église ? Alors que nous essayons de dialoguer avec le monde, savons-nous aussi dialoguer entre nous croyants ? Ou bien est-ce que dans la paroisse, l’un va contre l’autre, l’un fait des commérages sur l’autre pour se hisser plus haut ? Savons-nous écouter pour comprendre les raisons de l’autre, ou nous imposons-nous, peut-être même avec des paroles doucereuses ? Écouter, s’humilier, être au service des autres : c’est cela servir, c’est cela être chrétien, c’est cela être apôtre.

Chers frères et sœurs, n’ayons pas peur de nous poser ces questions. Fuyons la vanité, la vanité des postes. Ces paroles peuvent nous aider à examiner comment nous vivons notre vocation baptismale, comment nous vivons notre manière d’être apôtres dans une Église apostolique, qui est au service des autres.


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