Homélie du pape François lors du Consistoire pour la création de 14 cardinaux

Vous trouverez ci-dessous le texte complet de l’homélie du pape François lors du Consistoire ordinaire public pour la création de 14 nouveaux cardinaux telle que prononcée par le pape François en la basilique Saint-Pierre de Rome:

«Les disciples étaient en route pour monter à Jérusalem; Jésus marchait devant[1] eux» (Mc10, 32).

Le début de ce passage caractéristique de Marc nous invite à toujours voir comment le Seigneur prend soin de son peuple grâce à une pédagogie incomparable. En route vers Jérusalem, Jésus ne manque pas de précéder (primerear) les siens. Jérusalem représente l’heure des grandes déterminations et décisions. Nous savons tous que, dans la vie, les moments importants et cruciaux font parler le cœur et révèlent les intentions ainsi que les tensions qui nous habitent. Ces carrefours de l’existence nous interpellent et font émerger desquestions ainsi que des désirs pas toujours transparents du cœur humain. Voilà ce que révèle, avec une grande simplicité et réalisme, le passage de l’Évangile que nous venons d’écouter. Face à latroisième et plus dure annonce de la passion, l’Évangéliste ne craint pas de révéler certains secrets ducœur des disciples: recherche des premières places, jalousies, convoitises, intrigues, arrangements et accords; une logique qui non seulement mine et corrode de l’intérieur les relations entre eux, maisqui en outre les enferme et les engage dans des discussions inutiles et de peu d’intérêt. CependantJésus ne s’arrête pas à cela, mais va de l’avant; il les devance (primerea) et avec force il leur dit: «Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur» (Mc 10, 43). Par ce comportement, le Seigneur cherche à recentrer le regard et le cœur de ses disciples,en empêchant que les discussions stériles et autoréférentielles trouvent place au sein de la communauté. À quoi sert-il de gagner le monde entier si l’on est corrompu à l’intérieur? À quoi sert-il de gagner le monde entier si l’on vit tous pris dans les intrigues asphyxiantes qui font dessécher etrendent stérile le cœur et la mission? Dans cette situation – comme quelqu’un l’a fait observer – on pourrait déjà entrevoir les intrigues de palais, y compris dans les curies ecclésiastiques.

«Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi»: une réponse du Seigneur qui est, avant tout, uneinvitation et un effort pour récupérer ce qu’il y a de meilleur chez les disciples et ainsi pour ne pas se laisser corrompre et emprisonner par des logiques mondaines qui détournent le regard de l’essentiel.«Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi»: c’est la voix du Seigneur qui fait éviter à la communautéde se regarder trop elle-même au lieu de diriger le regard, les ressources, les attentes et le cœur versce qui compte: la mission.

Et ainsi Jésus nous enseigne que la conversion, la transformation du cœur et la réforme de l’Église sont et seront toujours d’un point de vue missionnaire, car cela présuppose que l’on cesse devoir et de rechercher ses propres intérêts pour regarder et rechercher les intérêts du Père. La conversion de nos péchés, de nos égoïsmes n’est pas et ne sera jamais une fin en soi, mais viseprincipalement à faire grandir dans la fidélité et dans la disponibilité pour embrasser la mission. Etcela de manière que, à l’heure de vérité, surtout dans les moments difficiles pour nos frères, nous soyons bien disposés et disponibles pour les accompagner et accueillir tous et chacun, et que nous ne devenions pas de très bons repoussoirs, ou par étroitesse de vue[2], ou bien, pire encore, parce que nous discutons et pensons entre nous à celui qui sera le plus important. Quand nous oublions la mission, quand nous perdons de vue le visage concret des frères, notre vie se renferme dans la recherche de nos propres intérêts et de nos propres sécurités. Et ainsi, commencent à grandir le ressentiment, la tristesse et le dégoût. Peu à peu, disparaît l’espace pour les autres, pour lacommunauté ecclésiale, pour les pauvres, pour écouter la voix du Seigneur. De cette manière, on perdla joie et le cœur finit par se dessécher (cf. Exhort. Ap. Evangelii gaudium, n. 2).

«Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi, nous dit le Seigneur, […] celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous» (Mc 10, 43.44). C’est la béatitude et le magnificat que nous sommes appelés chaque jour à entonner. C’est l’invitation que le Seigneur nous adresse pour que nous n’oublions pas que l’autorité dans l’Église grandit avec cette capacité de promouvoir la dignité de l’autre, d’oindre l’autre, pour guérir ses blessures et son espérance tant de fois offensée. C’est noussouvenir que nous sommes ici parce que nous sommes invités à « porter la Bonne Nouvelle auxpauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre enliberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur» (Lc 4, 18-19).

Chers frères Cardinaux et nouveaux Cardinaux, tandis que nous sommes en route vers Jérusalem, le Seigneur marche devant nous pour nous rappeler encore une fois que l’unique autoritécrédible est celle qui naît du fait de se mettre aux pieds des autres pour servir le Christ. C’est celle qui vient du fait de ne pas oublier que Jésus, avant d’incliner la tête sur la croix, n’a pas eu peur de s’incliner devant ses disciples et de leur laver les pieds. C’est la plus haute distinction que nous puissions obtenir, la plus grande promotion qui nous puisse être accordée: servir le Christ dans le peuple fidèle de Dieu, dans celui qui est affamé, dans celui qui est oublié, dans le prisonnier, dans le malade, dans le toxicodépendant, dans la personne abandonnée, dans les personnes concrètes avec leurs histoires et leurs espérances, avec leurs attentes et leurs déceptions, avec leurs souffrances et leurs blessures. Ce n’est qu’ainsi que l’autorité du pasteur aura la saveur de l’Évangile et ne sera pas«qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante» (1 Co 13, 1). Personne parmi nous ne doit sesentir ‘‘supérieur’’ à quelqu’un. Personne parmi nous ne doit regarder les autres de haut. Nous pouvons regarder ainsi une personne uniquement quand nous l’aidons à se relever.

Avec vous, je voudrais rappeler une partie du testament spirituel de saint Jean XXIII, qui en avançant sur le chemin a pu dire: «Né pauvre, mais de gens humbles et honorables, je suis particulièrement heureux de mourir pauvre, en ayant distribué, selon les diverses exigences et circonstances de ma vie simple et modeste, au service des pauvres et de la Sainte Église qui m’a nourri, ce que j’ai eu entre les mains – par ailleurs, dans une mesure assez limitée – durant les années de mon sacerdoce et de mon épiscopat. Des apparences de bien-être ont souvent caché des épinesd’une pauvreté affligeante et qui m’ont empêché de donner toujours avec la largesse que j’auraisouhaitée. Je remercie Dieu de cette grâce de la pauvreté dont j’ai fait vœu dans ma jeunesse, pauvreté d’esprit, comme prêtre du Sacré Cœur, et pauvreté réelle, et qui m’a aidé à ne jamais rien demander: ni des postes, ni de l’argent, ni des faveurs, jamais, ni pour moi, ni pour mes parents ou des amis» (29juin 1954).

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[1] Le verbe proago est le même avec lequel Jésus ressuscité fait annoncer à ses disciples qu’il les ‘‘précèdera’’ en Galilée(cf. Mc 16, 7).
[2] Cf. Jorge Mario Bergoglio, Ejercicios Espirituales a los Obispos espagnoles, 2006.

[01080-FR.01] [Texte original: Italien]

Échos du Vatican

Retour dans cette émission sur la rencontre entre le pape François et le président de la République française, Emmanuel Macron; ainsi que sur les autres évènements de ces derniers jours au Vatican.

Échos du Vatican

Retour dans cette émission sur les déplacements, les discours, les rencontres et les célèbrations du pape François, et sur les autres évènements de ces derniers jours au Vatican.

La Foi de Gilles Vigneault

Né à Natashquan en 1928, Gilles Vigneault, qui est considéré comme le poète officiel du Québec, a pu rayonner partout où la langue française a pris racine. Que ce soit par l’acuité de son verbe ou l’agilité de sa voix naturellement familière, Gilles Vigneault n’a cessé de manier modernité et tradition; cherchant ainsi à transmettre ce riche patrimoine culturel qui est le nôtre parce qu’il fut le sien. Accueilli par le maître chanteur à son studio où de son âge vénérable il continue de faire naître amour et beauté dans le cœur de ceux qui s’y rendent, Francis Denis a pu s’entretenir avec lui sur sa foi et les différentes figures religieuses qui ont contribué à faire de lui ce qu’il est devenu. Puissions-nous nous en inspirer afin qu’à notre tour, nous laissions fleurir notre pays intérieur.

L’entrevue, « La foi de Gilles Vigneault », fut présentée en grande primeur sur nos ondes le vendredi 22 juin à 19h30 et en reprise le lundi 25 juin à 20h30. Un rendez-vous à ne pas manquer!

 

Échos du Vatican

Retour dans cette émission sur les déplacements, les discours, les rencontres et les célèbrations du pape François, et sur les autres évènements de ces derniers jours au Vatican.

Le souffle de l’Esprit au rythme du poumon de la terre

CNS/Paul Haring

Le 8 juin dernier, le Secrétariat général du Synode des évêques a publié le document préparatoire à l’assemblée spéciale du Synode des évêques d’octobre 2019 sur l’Amazonie. Intitulé « Amazonie : Nouveaux chemins pour l’Église et pour l’écologie intégrale », ce document est très intéressant tant du point de vue de son contenu spécifiquement dédié au poumon de la Terre que de sa pertinence pour l’ensemble de l’Église universelle. Pouvant être considéré comme une mise en pratique des principes généraux élaborés dans l’encyclique Laudato Sì, ce document met la table non seulement pour une réflexion plus approfondie sur l’engagement de l’Église envers les plus pauvres et l’environnement mais également pour la conversion missionnaire de l’Église.

Laudato Sì en acte

Un des points les plus importants et originaux de l’encyclique Laudato Sì est sans contredit le fait de manifester le « lien intrinsèque entre le social et l’environnemental » (no 9). De fait, l’accroissement des inégalités des chances de notre monde actuel va de pair avec la détérioration de l’environnement. Que les populations les plus pauvres soient également les plus vulnérables aux changements climatiques, cela ne fait aucun doute. Que les différentes solutions aux problèmes de la pauvreté endémique soient les mêmes que celles visant la protection de l’environnement, cela est beaucoup plus subtil. Il est donc nécessaire d’amorcer une réflexion sur la mise en application d’une écologie intégrale. En un mot, elle ne peut rester que théorique. Or, « dans la forêt amazonienne, […] une crise profonde a été déclenchée par une intervention humaine prolongée où prédomine une « culture du déchet » (LS 16) et une mentalité d’extraction » (Préambule). La réflexion de l’Église pour une écologie intégrale pourra montrer au monde l’étendue du potentiel que comporte une telle approche.

Dans un premier temps, l’Église doit manifester comment un développement humain intégral doit impérativement se faire en dialogue avec les populations directement touchées, en l’occurrence les autochtones et qui sont souvent « victimes aujourd’hui d’un néocolonialisme féroce « sous couvert de progrès » » (no4). En ce sens, même les agences dites « environnementales » doivent faire attention à ne pas imposer une vision de l’écologisme trop restreinte culturellement et provenant « de la perversion de certaines politiques qui promeuvent “ la conservation ” de la nature sans tenir compte de l’être humain et concrètement de vous frères amazoniens qui y habitez » (no 5). Ainsi, ne cherchant pas à imposer des solutions provenant de l’extérieur et parfois mésadaptées aux situations concrètes, l’Église et les différents acteurs pourront se mettre à l’écoute de ces peuples dont la sagesse ancestrale recèle des secrets insoupçonnés » (no6).

Un chemin pour et avec les peuples autochtones 

Dans ce contexte, l’Église, dans son domaine d’expertise propre, souhaite contribuer de manière significative à changer « le paradigme historique selon lequel les États considèrent l’Amazonie comme une réserve de ressources naturelles, plus importantes que la vie des peuples natifs et sans considération pour la destruction de la nature » (no 13). Il convient donc que l’Église elle-même effectue ce changement d’abord en évacuant les « vestiges du projet de colonisation » (no 4) qui, malgré les 500 ans qui nous en séparent, continuent à faire des ravages. Pour ce faire, il est central de garder en tête que  « la défense de la terre n’a d’autre finalité que la défense de la vie » (no 5) mais également que cette même finalité se trouve magnifiquement illustrée dans les « diverses cosmovisions ancestrales de ses populations » (no 9). Dans ces « semences et les fruits du Verbe déjà présents dans la cosmovision de ses peuples » (no 15) et dont la complémentarité avec l’Évangile n’attend que sa pleine manifestation.

« Cette dimension sociale – et même cosmique – de la mission évangélisatrice, est particulièrement importante en terre amazonienne, où l’interconnexion entre la vie humaine, les écosystèmes et la vie spirituelle fut et continue d’être très claire pour la grande majorité de ses habitants (no 8).

La démarche synodale menant à octobre 2019 sera donc une belle façon de nous laisser nous-mêmes évangéliser au contact de l’autre. En effet, bien qu’en l’Église catholique « subsiste » (LG 8) le dépôt de la foi et le trésor de la plénitude de la Révélation qu’est Jésus-Christ présent dans l’Eucharistie, nos communautés chrétiennes sont parfois influencées par la culture sécularisée dominante dans nos sociétés qui nous empêche d’avoir un regard sacré sur le monde qui nous entoure. En ce sens, les peuples autochtones de tous les continents ont beaucoup à nous apprendre, spécialement dans le fait de reconnaître la transcendance et les principes éthiques qui en découlent. Ainsi, puisque « l’écologie intégrale nous invite donc à une conversion intégrale » (no 9), celle-là même qui redonnera à notre Église son visage de jeunesse « resplendissante, sans tache, ni ride, ni rien de tel » (Eph, 5, 27).

Conclusion

Que ce soit par sa volonté d’appliquer concrètement les principes de Laudato Sì, d’approfondir les réflexions sur les solutions à apporter aux changements climatiques et l’accroissement de la pauvreté, de développer une pastorale de la rencontre avec les peuples autochtones, de s’inspirer de leur sagesse ancestrale afin de comprendre les différents chemins de Dieu pour notre siècle et le Peuple de Dieu qui s’y trouve ou les différentes questions posées aux communautés locales dans un questionnaires sérieux, ce document « Amazonie : Nouveaux chemins pour l’Église et pour l’écologie intégrale » permettra à tous les acteurs, hommes et femmes de bonne volonté, de mettre leur génie au service d’un discernement  ne laissant personne de côté.

Échos du Vatican

Retour dans cette émission sur la solennité du corps et du sang du Christ (Corpus Domini), célébrée à Ostie, dans le diocèse de Rome, par le pape François.

Homélie du pape François pour la Fête-Dieu à Ostie, Italie

CNS photo/Paul Haring

Vous trouverez ci-dessous le texte officiel de l’homélie du pape François telle que prononcée lors de la Messe de la Solennité du Corps et du Sang du Christ en l’église paroissiale de Sainte-Monique à Ostie en Italie:

Dans l’Evangile que nous avons entendu, la Dernière Cène est racontée, mais d’une façon surprenante, l’attention est placée davantage sur ses préparatifs que sur le repas même. Le verbe “préparer” revient plusieurs fois. Les disciples demandent, par exemple : “Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? » (Mc 14, 12). Jésus les envoie préparer avec des indications précises et ils trouvent « une grande pièce aménagée et prête pour un repas » (v. 15). Les disciples vont préparer mais le Seigneur avait déjà préparé.

Quelque chose de semblable arrive après la résurrection, quand Jésus apparaît aux disciples pour la troisième fois : tandis qu’ils pêchent, il les attend sur le rivage, où il a déjà préparé le pain et le poisson pour eux. Mais en même temps, il demande aux siens d’apporter un peu de poisson qu’ils viennent de prendre et que lui-même avait indiqué comment pêcher (cf. Jn 21, 6.9-10). Là aussi, Jésus prépare à l’avance et demande aux siens de collaborer. Et encore, avant la Pâque, Jésus avait dit aux disciples « Je pars vous préparer une place […] afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi » (Jn 14, 2.3). C’est Jésus qui prépare, le même Jésus qui cependant avec des rappels forts et des paraboles, avant sa Pâque, nous demande de nous préparer, de nous tenir prêts (cf. Mt 24, 44 ; Lc 12, 40).

Jésus, en somme, prépare pour nous et nous demande aussi de préparer. Que prépare-t-il pour nous ? Une place et une nourriture. Une place beaucoup plus digne que la « grande pièce aménagée » de l’Evangile. C’est notre maison spacieuse et vaste ici-bas, l’Eglise, où il y a et il doit y avoir une place pour tous. Mais il nous a réservé aussi une place là-haut, dans le paradis, pour être avec lui et entre nous pour toujours. En plus de la place, il nous prépare une nourriture, un Pain qu’il est lui- même : « Prenez, ceci est mon corps » (Mc 14, 22). Ces deux dons, la place et la nourriture, sont ce qui nous sert pour vivre. Ils sont le vivre et le couvert définitifs. Les deux nous sont donnés dans l’Eucharistie.

Là Jésus nous prépare une place ici-bas, parce que l’Eucharistie est le cœur battant de l’Église, la génère et la régénère, la rassemble et lui donne la force. Mais l’Eucharistie nous prépare aussi une place là-haut, dans l’éternité, parce qu’elle est le Pain du ciel. Il vient de là, c’est l’unique matière sur cette terre qui soit vraiment d’éternité. C’est le pain de l’avenir, qui déjà maintenant nous fait goûter à l’avance un avenir infiniment plus grand que tout ce qu’on peut attendre de mieux. C’est le pain qui nourrit nos attentes les plus grandes et alimente nos rêves les plus beaux. C’est, en un mot, le gage de la vie éternelle : non seulement une promesse, mais un gage, c’est-à-dire une anticipation concrète de ce qui nous sera donné. L’Eucharistie est la “réservation” du paradis; c’est Jésus, viatique de notre chemin vers cette vie bienheureuse qui ne finira jamais.

Dans l’Hostie consacrée, en plus de la place, Jésus nous prépare l’aliment, la nourriture. Dans la vie nous avons continuellement besoin de nous nourrir, et non seulement d’aliments, mais aussi de projets et d’affections, de désirs et d’espérances. Nous avons faim d’être aimés. Mais les compliments les plus appréciés, les cadeaux les plus beaux et les technologies les plus avancées ne suffisent pas, ne nous rassasient jamais complètement. L’Eucharistie est un aliment simple, comme le pain, mais c’est l’unique qui rassasie, parce qu’il n’y a pas d’amour plus grand. Là nous rencontrons réellement Jésus, nous partageons sa vie, nous sentons son amour ; là tu peux faire l’expérience que sa mort et sa résurrection sont pour toi. Et quand tu adores Jésus dans l’Eucharistie, tu reçois de lui l’Esprit Saint et tu trouves paix et joie. Chers frères et sœurs, choisissons cette nourriture de vie : mettons la messe à la première place, redécouvrons l’adoration dans nos communautés ! Demandons la grâce d’être affamés de Dieu, jamais rassasiés de recevoir ce qu’il prépare pour nous.

Mais comme aux disciple d’alors, à nous aussi aujourd’hui, Jésus demande de préparer. Comme les disciples, demandons-lui : « Seigneur où veux-tu que nous allions faire les préparatifs ? ». Où : Jésus ne préfère pas des lieux et n’en exclut pas d’autres. Il recherche des lieux qui ne sont pas par l’amour, qui ne sont pas touchés par l’espérance. Dans ces lieux inconfortables, il désire aller et il nous demande d’y faire les préparatifs. Tant de personnes sont privées d’un lieu digne pour vivre et de nourriture pour manger ! Mais tous nous connaissons des personnes seules, souffrantes, dans le besoin : ce sont des tabernacles abandonnés. Nous, qui recevons de Jésus le vivre et le couvert, nous sommes là pour préparer une place et un aliment à ces frères plus faibles. Il s’est fait pain rompu pour nous ; il nous demande de nous donner aux autres, de ne plus vivre pour nous-même, mais l’un pour l’autre. Ainsi on vit de façon eucharistique : en répandant dans le monde l’amour que nous prenons de la chair du Seigneur. L’Eucharistie se traduit dans la vie en passant du je au tu.

Les disciples, dit encore l’Evangile, firent les préparatifs après être « allés à la ville » (v. 16). Le Seigneur nous appelle aussi aujourd’hui à préparer sa venue en ne restant pas au dehors, distants, mais en entrant dans nos villes. Dans cette ville aussi, dont le nom –“Ostie” – rappelle justement l’entrée, la porte. Seigneur, quelles portes veux-tu que nous t’ouvrions ici ? Quels portails nous appelles-tu à ouvrir tout grand, quelles fermetures devons-nous dépasser ? Jésus désire que soient abattus les murs de l’indifférence et de l’omerta, que soient arrachées les grilles des abus et des tyrannies, que soient ouverts les chemins de la justice, de l’honneur et de la légalité. Le vaste lido de cette ville appelle à la beauté de s’ouvrir et de prendre le large dans la vie. Mais pour le faire, il convient de défaire les nœuds qui nous lient aux amarres de la peur et de l’oppression. L’Eucharistie nous invite à nous laisser porter par la vague de Jésus, à ne pas rester lestés sur la plage dans l’attente que quelque chose arrive, mais à lever l’ancre libres, courageux, unis.

Les disciples, conclut l’Evangile, « après avoir chanté les psaumes, partirent » (v. 26). A la fin de la messe, nous serons nous aussi en sortie. Nous marcherons avec Jésus, qui parcourra les rues de cette ville. Il désire habiter au milieu de vous. Il veut visiter les situations, entrer dans les maisons, offrir sa miséricorde libératrice, bénir, consoler. Vous avez connu l’épreuve de situations douloureuses ; le Seigneur veut être proche de vous. Ouvrons-lui les portes et disons-lui :

Viens, Seigneur, nous visiter.
Nous t’accueillons dans nos cœurs,
dans nos familles, dans notre ville.
Merci, parce que tu nous prépares la nourriture de la vie et une place dans ton Royaume.
Fais-que nous soyons actifs dans les préparatifs,
que nous te portions avec joie toi qui est le chemin, pour apporter fraternité, justice et paix
dans nos rues. Amen.

[00879-FR.01] [Texte original: Italien]

Mais délivrez-nous du Malin.

William-Adolphe Bouguereau (1825-1905) – Dante et Virgil en enfer (1850)

Nous poursuivons aujourd’hui notre parcours sur l’exhortation apostolique du pape François « Gaudete et Exhultate » en analysant le dernier des cinq chapitres qui composent ce texte. Assumant ce qui a été dit précédemment sur les différentes dimensions qu’il faut considérer aujourd’hui pour orienter notre vie sur un idéal de sainteté, le Pape poursuit son propos en démontrant la centralité du discernement individuel, spécialement pour débusquer les embûches de ceux qui veulent à tout prix notre perte : le Diable et ses démons.

Délivrez-nous du Malin

Le mal nous est familier. Nous le voyons dans les informations, les accidents, les injustices, etc. Nous en avons une expérience presque intuitive chaque fois que nous voyons que les choses devraient être autrement qu’elles le sont. Il est donc important de s’interroger sur la nature du mal. N’est-ce pas simplement l’absence de bien, de vérité et d’être ? Ou existe-t-il des forces qui travaillent à ce que le bien ne se réalise pas ? Devant le mal, certains en concluront que Dieu n’existe pas, d’autres, et c’est le cas des chrétiens, en concluent que le diable existe.  Celui dont, comme le disait Beaudelaire, « la plus belle des ruses est de vous persuader qu’il n’existe pas ! ».

Même s’il est omniprésent dans l’imaginaire cinématographique, le monde souvent cherche à ne pas tenir compte de cet être Malfaisant. En effet, « nous n’admettrons pas l’existence du diable si nous nous évertuons à regarder la vie seulement avec des critères empiriques et sans le sens du surnaturel » (no 160). Or, notre monde empreint de sécularisme cherche à répondre à la question du mystère du mal en trouvant des explications quantifiables et visibles. Sommes-nous bien avancés ? Ne court-on pas plutôt le risque de poser le blâme du mal en ce monde sur d’autres êtres humains ? Ne voyons-nous pas souvent des anathèmes être lancés gratuitement contre des opposants politiques, économiques, etc. ? Savoir que les seuls véritables ennemis de l’humanité sont les anges déchus ne nous libère-t-il pas de notre tendance à croire que « l’enfer c’est les autres » ? Comme le dit le Pape : « la conviction que ce pouvoir malin est parmi nous est ce qui nous permet de comprendre pourquoi le mal a parfois tant de force destructrice. » (no 160).

Malheureusement, on a aussi tendance à cacher l’existence du Malin dans nos communautés chrétiennes. En effet, certains courants théologiques ont bien souvent présenté le Diable comme n’étant, en définitive, « qu’un mythe, une représentation, un symbole, une figure ou une idée » (no 161). Or, nous dit le Pape :

Cette erreur nous conduit à baisser les bras, à relâcher l’attention et à être plus exposés. Il n’a pas besoin de nous posséder. Il nous empoisonne par la haine, par la tristesse, par l’envie, par les vices. Et ainsi, alors que nous baissons la garde, il en profite pour détruire notre vie, nos familles et nos communautés, car il rôde « comme un lion rugissant cherchant qui dévorer » (1P 5, 8). (no 161).

Sans se faire des peurs outre mesure, nous devons réintégrer l’agir du Diable dans notre conception chrétienne et nos pratiques ecclésiales. Nous y trouverons ainsi une réponse adéquate au mal qui nous touche tous et nous serons davantage conscient de notre dépendance à la Grâce divine présente dans la Parole de Dieu, dans les sacrements et l’exercice des vertus, spécialement de la Charité et qui sont des « armes puissantes que le Seigneur nous donne » (no 162).

Un discernement nécessaire

Nous en avons déjà parlé, le discernement est, pour le pape François, un outil redoutable dans notre combat personnel pour la sainteté. Or, savoir que le Lucifer est, ultimement, la cause de tous les maux est une chose. Savoir le reconnaître en est une autre. En effet, étant un « être personnel qui nous harcèle [ et qui ] nous empoisonne par la haine, par la tristesse, par l’envie, par les vices » (no 160-161), nous pouvons être certains que son génie, bien plus puissant que tous nos plus brillants cerveaux, cherche à nous tromper en nous présentant le péché sous l’apparence du bien.

En ce sens, le Pape nous met particulièrement en garde contre notre propension actuelle à chercher disproportionnément le changement ou l’immobilisme. C’est deux attitudes qui, comme dans le chapitre précédent, concernent notre rapport au temps si névralgique dans nos sociétés ou tout va vite. En effet, nous dit le Pape, le discernement est important :

 « Quand apparaît une nouveauté dans notre vie et qu’il faudrait alors discerner pour savoir s’il s’agit du vin nouveau de Dieu ou bien d’une nouveauté trompeuse de l’esprit du monde ou de l’esprit du diable. En d’autres occasions, il arrive le contraire, parce que les forces du mal nous induisent à ne pas changer, à laisser les choses comme elles sont, à choisir l’immobilisme et la rigidité. » (no 168).

Ainsi, cette habitude à garder une saine et sage distance devant les événements de la vie pourra nous aider à ne pas faire l’erreur de nous laisser « anfirouaper » par les manœuvres du « prince de ce monde ».

Comme nous avons pu le constater à travers notre lecture de l’exhortation apostolique « Gaudete et Exhultate » du pape François, la sainteté est une réalité accessible pour nous tous à condition que nous acceptions de faire confiance à la Toute-puissance transformante de Dieu qui, malgré notre faiblesse, nous tend la main sans condition en autant que nous lui répondions par un oui sincère et quotidien. Mon intention n’était évidemment pas de présenter le texte de manière exhaustive, je vous invite à le lire et le méditer durant l’été, ce moment de l’année propice au silence et à la méditation. Bonne lecture !

Réflexion: Visitation de Marie

Voici une réflexion à l’occasion de la fête de la Visitation de Marie, célébrée chaque année par l’Église le 31 mai.

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