Homélie du pape François lors de la célébration eucharistique à Czestochowa

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Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie de Sa Sainteté le pape François lors de la célébration eucharistique à Czestochowa 28 juillet 2016:

Des lectures de cette Liturgie émerge un fil divin, qui passe par l’histoire humaine et tisse l’histoire du salut.

L’apôtre Paul nous parle du grand dessein de Dieu : « Lorsqu’est venue la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme » (Ga 4, 4). Toutefois, l’histoire nous dit que lorsqu’est venue cette ‘‘plénitude des temps’’, c’est-à-dire lorsque Dieu s’est fait homme, l’humanité n’était pas particulièrement bien disposée et il n’y avait même pas une période de stabilité et de paix : il n’y avait pas un ‘‘âge d’or’’. La scène de ce monde ne méritait donc pas la venue de Dieu, tout au contraire, « les siens ne l’ont pas reçu » (Jn 1, 11). La plénitude des temps a été alors un don de grâce : Dieu a rempli notre temps de l’abondance de sa miséricorde ; par pur amour, il a inauguré la plénitude des temps.

Surtout, la manière dont se réalise la venue de Dieu dans l’histoire est frappante : ‘‘né d’une femme’’. Aucune entrée triomphale, aucune manifestation imposante du Tout-Puissant : il ne se montre pas comme un soleil éblouissant, mais il entre dans le monde de la manière la plus simple, comme un enfant de sa mère, de cette manière dont nous parle l’Écriture : comme pluie sur la terre (cf. Is 55, 10), comme la plus petite des semences qui germe et grandit (cf. Mc 4, 31-32). Ainsi, contrairement à ce à quoi nous nous attendrions et que peut-être nous voudrions, le Royaume de Dieu, maintenant comme autrefois, « n’est pas observable » (Lc 17, 20), mais vient dans la petitesse, dans l’humilité

L’Évangile d’aujourd’hui reprend ce fil divin qui traverse délicatement l’histoire : de la plénitude des temps, nous passons au ‘‘troisième jour’’ du ministère de Jésus (cf. Jn 2, 1) et à l’annonce du ‘‘maintenant’’ du salut (cf. v. 4). Le temps se resserre, et la manifestation de Dieu s’accomplit toujours dans la petitesse. Tel fut ‘‘le commencement des signes que Jésus accomplit’’ (v. 11) à Cana de Galilée. Il n’y a pas un geste éclatant accompli devant la foule, et même pas une intervention qui résout une question politique brûlante, comme la soumission du peuple à la domination romaine. Plutôt, dans un petit village, un miracle simple est accompli, qui réjouit le mariage d’une jeune famille, tout à fait anonyme. Pourtant, l’eau changée en vin à la fête de noces est un grand signe, parce qu’elle nous révèle le visage nuptial de Dieu, d’un Dieu qui se met à table avec nous, qui rêve et qui réalise la communion avec nous. Elle dit que le Seigneur ne maintient pas la distance, mais qu’il est proche et concret, qu’il est au milieu de nous et prend soin de nous, sans décider à notre place et sans s’occuper de questions de pouvoir. Il aime à se faire contenir dans ce qui est petit, contrairement à l’homme, qui tend à vouloir posséder quelque chose de toujours plus grand. Être attiré par la puissance, par la grandeur et par la visibilité est tragiquement humain, et constitue une grande tentation qui cherche à s’introduire partout ; se donner aux autres, supprimer les distances, en demeurantCapture d’écran 2016-07-28 à 10.05.35 dans la petitesse et en habitant concrètement le quotidien, est typiquement divin.

Dieu nous sauve donc en se faisant petitproche et concret. Avant tout, Dieu se fait petit. Le Seigneur, « doux et humble de cœur » (Mt 11, 29), préfère les petits, auxquels est révélé le Royaume de Dieu (Mt 11, 25) ; ils sont grands à ses yeux et il tourne son regard vers eux (cf. Is 66, 2). Il a une prédilection pour eux, parce qu’ils s’opposent à l’‘‘arrogance de la vie’’, qui vient du monde (cf. 1Jn 2, 16). Les petits parlent la même langue que lui : l’amour humble qui rend libre. Voilà pourquoi il appelle des personnes simples et disponibles pour être ses porte-paroles, et il leur confie la révélation de son nom ainsi que les secrets de son cœur. Pensons aux nombreux fils et filles de votre peuple : aux martyrs, qui ont fait resplendir la force sans défense de l’Évangile ; aux gens simples mais extraordinaires qui ont su témoigner de l’amour du Seigneur au sein de grandes épreuves ; aux annonciateurs doux et forts de la Miséricorde, tels que saint Jean-Paul II e sainte Faustine. À travers ces ‘‘canaux’’ de son amour, le Seigneur a fait parvenir d’inestimables dons à toute l’Église et à l’humanité entière. Et il est significatif que cet anniversaire du Baptême de votre peuple coïncide précisément avec le Jubilé de la Miséricorde.

En outre, Dieu est proche, son Royaume est proche (cf. Mc 1, 15) : le Seigneur ne désire pas être craint comme un souverain puissant et distant, il ne veut pas rester sur un trône au ciel ou dans les livres d’histoire, mais il aime se glisser dans nos événements quotidiens, pour cheminer avec nous. En pensant au don d’un millénaire riche de foi, il est beau de remercier avant tout Dieu, qui a cheminé avec votre peuple, en le prenant par la main et en l’accompagnant dans de nombreuses situations. Voilà ce que, également comme Église, nous sommes appelés à faire toujours : écouter, nous impliquer, nous faire proches, en partageant les joies et les peines des gens, en sorte que l’Évangile passe de la manière la plus cohérente et qu’il porte davantage de fruit : par un rayonnement positif, à travers la transparence de la vie.

Enfin, Dieu est concret. Des lectures d’aujourd’hui il ressort que tout, dans l’agir de Dieu, est concret : la Sagesse divine ‘‘œuvre comme un artisan’’ et ‘‘joue’’ (cf. Pr 8, 30), le Verbe s’est fait chair, il naît d’une mère, il naît sous la loi (cf. Ga 4, 4), il a des amis et participe à une fête : l’éternel se communique en passant du temps avec des personnes et dans des situation concrètes. Votre histoire également, pétrie de l’Évangile, de la Croix et de la fidélité à l’Église, a vu la contagion positive d’une foi authentique, transmise de famille en famille, de père en fils, et surtout par les mamans et par les grand-mères, qu’il faut beaucoup remercier. En particulier, vous avez pu toucher de la main la tendresse concrète et pleine de sollicitude de la Mère de tous, que je suis venu ici vénérer en tant que pèlerin et que nous avons salué dans le Psaume comme « honneur de notre peuple » (Jdt15, 9). 

C’est justement vers elle que nous, ici réunis, nous tournons le regard. En Marie, nous trouvons la pleine correspondance au Seigneur : au fil divin se noue ainsi dans l’histoire un ‘‘fil marial’’. S’il y a quelque gloire humaine, quelque mérite de notre part dans la plénitude des temps, c’est elle : c’est elle cet espace, demeuré libre du mal, où Dieu s’est reflété ;  c’est elle l’échelle que Capture d’écran 2016-07-28 à 10.04.59Dieu a parcourue pour descendre jusqu’à nous et se faire proche et concret ; c’est elle le signe le plus clair de la plénitude des temps.

Dans la vie de Marie, nous admirons cette petitesse aimée par Dieu, qui « s’est penché sur son humble servante » et qui «  a  élevé les humbles » (Lc 1, 48.52). Il s’est tant complu en elle qu’il s’est laissé tisser la chair en elle, en sorte que la Vierge est devenue Mère de Dieu, comme le proclame une hymne très ancienne, que vous chantez depuis des siècles. A vous, qui sans interruption, venez à elle, en accourant dans cette capitale spirituelle du pays, qu’elle continue d’indiquer la voie, et qu’elle vous aide à tisser, dans la vie, la trame humble et simple de l’Évangile. 

A Cana, comme ici à Jasna Góra, Marie nous offre sa proximité, et elle nous aide à découvrir ce qui manque à la plénitude de la vie. Maintenant comme autrefois, elle le fait avec un empressement de Mère, par la présence et le bon conseil, nous enseignant à éviter les décisions sans consultation et les murmures dans nos communautés. En tant que Mère de famille, elle veut nous protéger ensemble. Le chemin de votre peuple a surmonté, dans l’unité, tant de moments difficiles ; que la Mère, forte aux pieds de la croix et persévérante dans la prière avec les disciples dans l’attente de l’Esprit Saint, infuse le désir d’aller au-delà des torts et des blessures du passé, et de créer la communion avec tous,sans jamais céder à la tentation de s’isoler et de s’imposer. 

La Vierge, à Cana, a été très concrète : c’est une Mère qui prend à cœur les problèmes et intervient, qui sait se rendre compte des moments difficiles et y pourvoir avec discrétion, efficacité et détermination. Elle n’est pas patronne ni protagoniste, mais Mère et servante.  Demandons la grâce de faire nôtre sa disponibilité, sa créativité au service de celui qui est dans le besoin, la beauté de consacrer sa vie aux autres, sans préférences ni distinctions. Elle, cause de notre joie, qui apporte la paix dans l’abondance du péché et dans les turbulences de l’histoire, qu’elle nous obtienne la surabondance de l’Esprit, pour être de bons et fidèles serviteurs.

PAR SON INTERCESSION QUE LA PLÉNITUDE DES TEMPS SE RENOUVELLE AUSSI POUR NOUS. LE PASSAGE ENTRE L’AVANT ET L’APRÈS CHRIST SERT À PEU DE CHOSES, S’IL DEMEURE UNE DATE DANS LES ANNALES DE L’HISTOIRE. QUE PUISSE S’ACCOMPLIR, POUR TOUS ET POUR CHACUN, UN PASSAGE INTÉRIEUR, UNE PÂQUES DU CŒUR VERS LE STYLE DIVIN INCARNÉ PAR MARIE : ŒUVRER DANS LA PETITESSE ET ACCOMPAGNER DE PRÈS, D’UN CŒUR SIMPLE ET OUVERT.

Vidéo message du pape François pour les jeunes en Pologne

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Photo: Catholic News Service

Plusieurs jours avant son Voyage apostolique en Pologne à l’occasion de la XXXIe Journée Mondiale de la Jeunesse, le pape François a envoyé un vidéo en italien aux jeunes de Pologne et qui fut télédiffusé à 8:00 pm à travers toute la nation polonaise. Ci-dessous, vous trouverez la traduction française du texte du Message du Saint-Père tel qu’il fut envoyé du Vatican en Pologne.

Chers frères et sœurs,
elle est désormais proche la trente-et-unième Journée mondiale de la Jeunesse, qui m’appelle à rencontrer les jeunes du monde, convoqués à Cracovie, et m’offre aussi l’heureuse occasion de rencontrer la chère nation polonaise. Tout sera sous le signe de la Miséricorde, en cette Année jubilaire, et dans la mémoire reconnaissante et fidèle de saint Jean-Paul II, qui a été l’artisan des Journées mondiales de la Jeunesse et a été le guide du peuple polonais sur son récent chemin historique vers la liberté.

Chers jeunes polonais, je sais que depuis longtemps vous avez préparé, surtout par la prière, la grande rencontre de Cracovie. Je vous remercie de grand cœur pour tout ce que vous faites, et pour l’amour avec lequel vous le faites ; d’avance, je vous embrasse et je vous bénis.

Chers jeunes de toutes les parties de l’Europe, d’Afrique, d’Amérique, d’Asie et d’Océanie ! Je bénis aussi vos pays, vos désirs et vos pas vers Cracovie, afin qu’ils soient un pèlerinage de foi et de fraternité. Que le Seigneur Jésus vous accorde la grâce de faire en vous-mêmes l’expérience de sa parole : « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Mt 5, 7).

J’ai un grand désir de vous rencontrer, pour offrir au monde un nouveau signe d’harmonie, une mosaïque de visages divers, de tant de races, langues, peuples et cultures, mais tous unis dans le nom de Jésus, qui est le Visage de la Miséricorde.

Et maintenant je m’adresse à vous, chers fils et filles de la nation polonaise ! Je sens que c’est un grand don du Seigneur que celui de venir parmi vous, parce que vous êtes un peuple qui dans son histoire, a traversé tant d’épreuves, certaines très dures, et qui est allé de l’avant avec la force de la foi, soutenu par la main maternelle de la Vierge Marie. Je suis certain que le pèlerinage au sanctuaire de Częstochowa sera pour moi une immersion dans cette foi éprouvée, qui me fera beaucoup de bien. Je vous remercie de vos prières avec lesquelles vous préparez ma visite. Je remercie les Évêques et les prêtres, les religieux et les religieuses, les fidèles laïcs, spécialement les familles, auxquelles j’apporte en pensée l’Exhortation apostolique post synodale Amoris laetitia. La “santé” morale et spirituelle d’une nation se voit dans ses familles : pour cela, saint Jean-Paul II avait tant à cœur les fiancés, les jeunes époux et les familles. Continuez sur cette route !

Chers frères et sœurs, je vous envoie ce message comme gage de mon affection. Restons unis dans la prière. Et à bientôt en Pologne !

[01194-FR.01] [Texte original: Italien]

Vidéo message du pape François pour les jeunes de Pologne:

Les JMJ: l’expérience de Francis Denis

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Lorsque je pense à mon expérience personnelle des Journées mondiales de la Jeunesse, je me souviens de l’été 2011 à Madrid. Je venais de terminer mon baccalauréat en théologie à Rome et j’étais sur le point de revenir à Québec. J’étais donc dans une période de transition intense. De l’Église universelle que j’avais côtoyée durant 3 ans à Rome, j’étais sur le point de revenir à l’atmosphère de mon église particulière. Rome étant la capitale mondiale du catholicisme, j’allais évidemment devoir m’adapter à un nouveau climat de vie ecclésiale. En ce sens, ma participation aux JMJ de Madrid, du 16 au 21 août 2011 fut une expérience qui m’a permis de faire le pont entre ces deux modes de vie en Église.

Universalité dans la localité

D’une certaine façon, les JMJ renversent la structure même de l’Église pendant quelques jours. Ce n’est plus Rome qui devient le cœur de l’Église mais un diocèse particulier, celui qui accueille les JMJ. Ces jours passés à Madrid m’ont appris que la vie de l’Église ne repose pas seulement sur les décisions romaines mais aussi dans la manière dont ces décisions sont incarnées par des personnes sur le terrain. En ce sens, les JMJ de Madrid étaient pour moi l’occasion de découvrir une église riche d’une tradition séculaire où l’Église universelle avait pu prendre racine d’une manière des plus fructueuses au cours des siècles. La seule visite de la ville et des églises présentes sur son territoire avaient réussi à me convaincre que la foi qui avait habité l’histoire et toutes ces personnes durant des siècles pouvait encore aujourd’hui porter de nombreux fruits.

Une ville transformée

Les JMJ peuvent être un évènement traumatisant pour la ville hôte. Dans le cas de Madrid, alors que sévissait encore la crise économique de 2008 et que le mouvement des « indignés » y avait vu le jour plusieurs mois auparavant, on aurait pu craindre le pire. Toutefois, les centaines de milliers de jeunes, qui ont littéralement pris d’assaut la capitale espagnole, n’ont pas tardé à se faire aimer des madrilènes. Non seulement les bénéfices économiques réels faisaient le bonheur des nombreux commerçants mais aussi la joie que ces jeunes apportaient avec eux a pu redonner un peu de bonheur aux habitants de la capitale; et ainsi les aider à passer mieux à travers cette période difficile.

Un aéroport en état de grâce

Arrivés la veille à l’aéroport de Quatro vientos dans une zone quelque peu à l’extérieur de Madrid, plus d’un million et demi de personnes se sont rassemblées pour une veillée de prière le soir même et une messe gigantesque le matin suivant. Une atmosphère ahurissante se dégageait de ce rassemblement titanesque. Alors que dans l’après-midi torride, des camions réservoirs avaient aspergé les pèlerins avec leurs boyaux d’arrosage, durant la Veillée de prière avec le pape Benoît XVI, un orage important faisait son entrée avec coups de tonnerres, éclairs et des vents dont la fraîcheur faisait presque regretter la canicule de l’après-midi. Je me souviens encore m’être réfugié sous une toile de plastique apportée par de sympathiques inconnus avec qui nous avons pu, l’équipe de tournage et moi, fraterniser jusqu’à ce que la tempête se calme. Ce soir-là, l’aéroport des « Quatre vents » portait bien son nom!

De retour à Québec, cette expérience des JMJ m’avait profondément marqué comme étant un moment de ressourcement pour tous les chrétiens, spécialement désireux de recharger leurs batteries d’évangélisateurs. Car c’est bien là le but premier des Journées Mondiales de la Jeunesse, faire en sorte que les jeunes découvrent leur vocation missionnaire en prenant conscience de l’intensité et de la beauté du message qu’ils seront appelés à partager avec leurs concitoyens de retour chez eux.

Vous trouverez ci-dessous une vidéo que nous avions réalisée à la toute fin des JMJ de Madrid. On y voit justement ma première apparition sur les ondes de S+L ! Une belle expérience qui se poursuit !!!

Homélie du pape François lors de la Messe de la Solennité des saints Pierre et Paul

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Bénédiction des pallia et Messe de la Solennité des saints Pierre et Paul

Lors de la Messe de Solennité des saints Pierre et Paul à 9h30 am dans la basilique vaticane, le pape François a béni les Pallia (du singulier « Pallium ») tiré de la confession de l’apôtre Pierre pour les nouveaux Archevêques métropolitains nommés au cours de la dernière année. Le Pallium sera ensuite imposé sur chacun des archevêques métropolitains par le représentant pontifical dans leur siège métropolitain et pays respectifs.

Après le rite de bénédiction des Pallia, le Pape a présidé à la Messe accompagné des nouveaux archevêques métropolitains. Comme le veux la coutume à l’occasion de la Fête des saints apôtres Pierre et Paul, patrons de la ville de Rome, furent présent lors de la Sainte Messe une délégation du Patriarcat Œcuménique de Constantinople. À la tête de cette délégation se trouvait le Patriarche Bartholomé 1er, Son Éminence Méthodios, Métropolitain de Boston, Son Excellence Job, Archevêque de Telmessos ainsi que le Révérend Diacre Patriarche Nephon Tsimalis.

Vous trouverez ci-dessous le texte complet de l’homélie telle que prononcée par le pape François :

La Parole de Dieu de cette liturgie contient un binôme central : fermeture / ouverture. Nous pouvons rapprocher aussi de cette image le symbole des clefs, que Jésus promet à Simon Pierre pour qu’il puisse ouvrir l’entrée du Royaume des cieux, et certainement pas pour la fermer aux gens, comme le faisaient certains scribes et pharisiens hypocrites que Jésus réprimandait (cf. Mt 23, 13).

La lecture des Actes des Apôtres (12, 1-11) nous présente trois fermetures : celle de Pierre en prison ; celle de la communauté recueillie en prière ; et – dans le contexte immédiat de notre texte – celle de la maison de Marie, mère de Jean surnommé Marc, où Pierre va frapper à la porte après avoir été libéré.

En ce qui concerne les fermetures, la prière apparaît comme la voie de sortie principale : voie de sortie pour la communauté, qui risque de se replier sur elle-même à cause de la persécution et de la peur ; voie de sortie pour Pierre, qui, encore au début de la mission qui lui a été confiée par le Seigneur, est jeté en prison par Hérode et risque la condamnation à mort. Et tandis que Pierre était en prison, « l’Église priait Dieu pour lui incessamment » (Ac 12, 5). Et le Seigneur répond à la prière et envoie son ange le libérer, ‘‘en l’arrachant aux mains d’Hérode’’ (cf. v. 11). La prière, en tant qu’humble abandon à Dieu et à sa sainte volonté, est toujours la voie de sortie de nos fermetures personnelles et communautaires. C’est la grande voie de sortie des fermetures.

De même Paul, en écrivant à Timothée, parle de son expérience de libération, de sortie du danger d’être lui aussi condamné à mort ; au contraire, le Seigneur lui a été proche et lui a donné la force de pouvoir porter à son achèvement son œuvre d’évangélisation des peuples (cf. 2 Tm 4, 17). Mais Paul parle d’une ‘‘ouverture’’ bien plus grande, vers un horizon infiniment plus vaste : celui de la vie éternelle, qui l’attend à la fin de sa ‘‘course’’ terrestre. Il est beau alors de voir la vie de l’Apôtre toute ‘‘en sortie’’ grâce àCapture d’écran 2016-06-29 à 10.12.16 l’Évangile : toute projetée en avant, d’abord pour porter le Christ à ceux qui ne le connaissent pas, et ensuite pour se jeter, pour ainsi dire, dans ses bras, et être conduit par lui, sain et sauf au ciel, dans son Royaume (cf. v. 18).

Retournons à Pierre. Le récit évangélique (Mt 16, 13-19) de sa confession de foi et de la mission qui lui a été confiée ensuite par Jésus nous montre que la vie de Simon, pêcheur galiléen, – comme la vie de chacun de nous – s’ouvre, s’épanouit pleinement lorsqu’elle accueille de Dieu le Père la grâce de la foi. Alors Simon se met en route – une route longue et dure – qui le conduira à sortir de lui-même, de ses sécurités humaines, surtout de son orgueil mêlé de courage et d’altruisme généreux. Dans ce parcours de libération, la prière de Jésus est décisive : « J’ai prié pour toi [Simon] afin que ta foi ne défaille pas » (Lc 22, 32). Et également décisif est le regard plein de compassion du Seigneur après que Pierre l’a eu renié trois fois : un regard qui touche le cœur et fait sécher les larmes de repentir (cf. Lc 22, 61-62). Alors Simon Pierre a été libéré de la prison de son moi orgueilleux, de son moi peureux, et il a surmonté la tentation de se fermer à l’appel de Jésus à le suivre sur la voie de la croix.

Comme je le disais, dans le contexte immédiat du passage des Actes des Apôtres il y a un détail qu’il peut nous faire du bien de noter (cf. 12, 12-17). Lorsque Pierre se retrouve miraculeusement libre, hors de la prison d’Hérode, il se rend dans la maison de la mère de Jean surnommé Marc. Il frappe à la porte, et de l’intérieur répond une domestique du nom de Rhodè, qui, ayant reconnu la voix de Pierre, au lieu d’ouvrir la porte, à la fois incrédule et pleine de joie, court rapporter la chose à sa patronne. Le récit, qui peut sembler comique – et qui peut donner origine au soi-disant “complexe de Rhodè”-, nous fait percevoir le climat de peur dans lequel se trouvait la communauté chrétienne, qui demeurait enfermée à la maison, et fermée aussi aux surprises de Dieu. Pierre frappe à la porte. “Regarde !”. Il y a de la joie, il y a de la peur… “Nous ouvrons, nous n’ouvrons pas ?…”. Et lui est en danger, parce que la police peut le prendre. Mais la peur nous arrête, elle nous arrête toujours ; elle nous ferme, elle nous ferme aux surprises de Dieu. Ce détail nous parle de la tentation qui existe toujours pour l’Église : celle de se replier sur elle-même, face aux dangers. Mais il y a aussi ici la spirale à travers laquelle peut passer l’action de Dieu : Luc dit que dans cette maison « se trouvaient rassemblés un certain nombre de personnes qui priaient » (v. 12). La prière permet à la grâce d’ouvrir une voie de sortie : de la fermeture vers l’ouverture, de la peur vers le courage, de la tristesse vers la joie. Et nous pouvons ajouter : de la division vers l’unité. Oui, nous le disons aujourd’hui, confiants, avec nos frères de la Délégation envoyée par le cher Patriarche Œcuménique Bartholomée, pour participer à la fête des Saints Patrons de Rome. Une fête de communion pour toute l’Église, comme le met aussi en évidence la présence des Archevêques Métropolitains venus pour la bénédiction des Palliums, qui leur seront imposés par mes Représentants dans leurs Sièges respectifs.

Que les saints Pierre et Paul intercèdent pour nous, afin que nous puissions parcourir avec joie ce chemin, faire l’expérience de l’action libératrice de Dieu et en témoigner à tous.

[01119-FR.02] [Texte original: Italien]

Article de Mgr Roche sur la déclaration de la fête de Sainte Marie Madeleine

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“APÔTRE DES APÔTRES”

Selon le désir exprès du Saint-Père François, la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements a rendu public un nouveau décret, daté du 3 juin 2016, solennité du Sacré Cœur de Jésus, par lequel la célébration de Sainte Marie Madeleine, actuellement mémoire obligatoire, sera élevée dans le Calendrier Romain Général au rang de fête.

La décision s’inscrit dans le contexte ecclésial actuel, qui demande de réfléchir plus profondément sur la dignité de la femme, sur la nouvelle évangélisation et sur la grandeur du mystère de la miséricorde divine. C’est saint Jean Paul II qui a porté une grande attention non seulement à l’importance des femmes dans la mission même du Christ et de l’Eglise, mais aussi, et avec un accent spécial, à la fonction particulière de Marie de Magdala comme premier témoin qui a vu le Ressuscité, et première messagère qui a annoncé aux apôtres la résurrection du Seigneur (cf. Mulieris dignitatem, n. 16). Cette importance continue aujourd’hui dans l’Eglise – comme le manifeste l’engagement actuel pour une nouvelle évangélisation – qui veut accueillir, sans aucune distinction, hommes et femmes de toute race, peuple, langue et nation (cf. Ap 5,9), pour leur annoncer la bonne nouvelle de l’Evangile de Jésus-Christ, pour les accompagner dans leur pèlerinage terrestre et leur offrir les merveilles du salut de Dieu. Sainte Marie Madeleine est un exemple d’évangélisatrice vraie et authentique, c’est-à-dire, une évangéliste qui annonce le joyeux message central de Pâques (cf. Collecte du 22 juillet et nouvelle préface).

Jesus Mary Magdalene HS Basilica copyLe Saint-Père François a pris cette décision justement dans le contexte du Jubilé de la Miséricorde pour signifier l’importance de cette femme qui a démontré un grand amour pour le Christ et fut par lui tellement aimée, comme l’affirme Raban Maur en parlant d’elle (« dilectrix Christi et a Christo plurimum dilecta » : De vita beatæ Mariæ Magdalenæ, Prologus) ainsi que saint Anselme de Cantorbéry (« electa dilectrix et dilecta electrix Dei » : Oratio LXXIII ad sanctam Mariam Magdalenam). Il est certain que la tradition ecclésiale en Occident, surtout après saint Grégoire le Grand, identifie dans la même personne: Marie de Magdala, ainsi que la femme qui a versé le parfum dans la maison de Simon le pharisien, et la sœur de Lazare et de Marthe. Cette interprétation s’est maintenue et a eu une influence chez les auteurs ecclésiastiques occidentaux, dans l’art chrétien et dans les textes liturgiques relatifs à la Sainte. Les Bollandistes ont amplement exposé le problème de l’identification des trois femmes et ont préparé la voie pour la réforme liturgique du Calendrier Romain. Avec la mise en œuvre de la réforme liturgique, les textes du Missale Romanum, de la Liturgia Horarum et du Martyrologium Romanum se réfèrent à Marie de Magdala. Il est certain que Marie Madeleine a fait partie du groupe des disciples de Jésus, elle l’a suivi jusqu’au pied de la croix et, dans le jardin où se trouvait le sépulcre, elle fut le premier “témoin de la miséricorde divine” (Grégoire le Grand, XL Hom. In Evangelia, lib. II, Hom. 25,10). L’Evangile de Jean raconte que Marie Madeleine pleurait, parce qu’elle n’avait pas trouvé le corps du Seigneur (cf. Jn 20, 11); et Jésus a eu de la miséricorde envers elle en se faisant reconnaître comme le Maître et en transformant ses larmes en joie pascale.

En profitant de cette opportune circonstance, je désire mettre en évidence deux idées relatives aux textes bibliques et liturgiques de cette nouvelle fête, qui peuvent nous aider à mieux comprendre l’importance pour aujourd’hui d’une telle Sainte femme.

D’un côté, elle a l’honneur d’être la « prima testis » de la résurrection du Seigneur (Hymnus, Ad Laudes matutinas), la première à voir le sépulcre vide et la première à écouter la vérité de sa résurrection. Le Christ a une spéciale considération et miséricorde pour cette femme, qui manifeste son amour envers Lui, en le cherchant dans le jardin avec angoisse et souffrance, avec des « lacrimas humilitatis », comme dit Saint Anselme dans la prière que nous avons citée. A ce propos, je désire souligner le contraste entre les deux femmes présentes dans le jardin du paradis et dans le jardin de la résurrection. La première a propagé la mort là où était la vie ; la seconde a annoncé la Vie à partir d’un sépulcre, lieu de la mort. C’est ce que fait observer Grégoire le Grand : « Quia in paradiso mulier viro propinavit mortem, a sepulcro mulier viris annuntiat vitam » (XL Hom. In Evangelia, lib. II, Hom. 25). De plus, c’est justement dans le jardin de la résurrection où le Seigneur dit à Marie Madeleine: « Noli me tangere ». C’est une invitation adressée non seulement à Marie, mais aussi à toute l’Eglise, pour entrer dans une expérience de foi qui surpasse toute appropriation matérialiste et toute compréhension humaine du mystère divin. Elle a une portée ecclésiale ! C’est une bonne leçon pour chaque disciple de Jésus : ne pas rechercher des sécurités humaines et des titres mondains, mais la foi au Christ Vivant et Ressuscité !

Justement parce qu’elle a été témoin oculaire du Christ Ressuscité, elle a été aussi, d’un autre côté, la première à en donner le témoignage devant les apôtres. Elle accompli la mission que lui a donné le Ressuscité : « Va trouver mes frères pour leur dire … Marie Madeleine s’en va donc annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur ! », et elle raconta ce qu’il lui avait dit (Jn 20,17-18). De cette manière elle devient, comme on a déjà noté, évangéliste, c’est-à-dire messagère qui annonce la bonne nouvelle de la résurrection du Seigneur ; ou comme disaient Raban Maur et saint Thomas d’Aquin, « apostolorum apostola », puisqu’elle annonce aux apôtres ce que, à leur tour, ils annonceront au monde entier (cf. Raban Maur, De vita beatæ Mariæ Magdalenæ, c. XXVII; S. Thomas d’Aquin, In Ioannem Evangelistam Expositio, c. XX, L. III, 6). C’est avec raison que le Docteur Angélique utilise cette parole en l’appliquant à Marie Madeleine: elle est le témoin du Christ Ressuscité et elle annonce le message de la résurrection du Seigneur, comme les autres Apôtres. C’est pourquoi il est juste que la célébration liturgique de cette femme ait le même degré de fête que celui qui est donné à la célébration des apôtres dans le Calendrier Romain Général et que soit mise en évidence la mission de cette femme, qui est un exemple et un modèle pour toute femme dans l’Eglise.

+ Arthur Roche
Archevêque Secrétaire de la Congrégation pour le
Culte Divin et la Discipline des Sacrements

Décret du Vatican déclarant la fête de Sainte Marie Madeleine

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DÉCRET

L’Eglise, que ce soit en Occident ou en Orient, a toujours réservé la plus grande considération à Sainte Marie Madeleine, premier témoin et évangéliste de la résurrection du Seigneur, et ainsi elle a été célébrée, quoiqu’en des manières différentes.

De nos jours, où l’Eglise est appelée à réfléchir de manière plus profonde sur la dignité de la femme, sur la nouvelle évangélisation et sur la grandeur du mystère de la miséricorde divine, il a semblé que ce serait une bonne chose aussi que l’exemple de Sainte Marie Madeleine soit proposé aux fidèles d’une manière plus convenable. En effet, cette femme, connue comme celle qui a aimé le Christ et qui a été grandement aimée par le Christ, elle qui est appelée par Saint Grégoire le Grand « témoin de la miséricorde divine » et par Saint Thomas d’Aquin « l’apôtre des apôtres », peut être reconnue par les fidèles de ce temps comme un modèle de service des femmes dans l’Eglise.

C’est pourquoi le Souverain Pontife François a décidé que la célébration de Sainte Marie Madeleine, à partir de maintenant, soit inscrite dans le Calendrier Romain Général avec le degré de fête au lieu de mémoire, comme elle l’est actuellement.

Ce nouveau degré ne comporte aucune variation quant au jour de la célébration elle-même et aux textes du Missel et de la Liturgie des Heures à utiliser, c’est-à-dire :

a) le jour dédié à la célébration de Sainte Marie Madeleine demeure le 22 juillet, comme on le trouve au Calendrier Romain ;

b) les textes à utiliser pour la Messe et l’Office Divin demeurent les mêmes qui sont contenus dans le Missel et la Liturgie des Heures au jour indiqué, en ajoutant au Missel Romain la préface propre, en pièce jointe à ce décret. Il appartiendra aux Conférences Episcopales de traduire le texte de la préface dans la langue vernaculaire, de sorte que, une fois obtenue l’approbation du Siège Apostolique, elle puisse être utilisée et, en temps voulu, être insérée dans la prochaine réimpression du Missel Romain.

Là où Sainte Marie Madeleine, selon le droit particulier, est célébrée légitimement en un jour et avec un degré différents, elle continuera à être célébrée à l’avenir au même jour et degré qu’elle a eu jusqu’à présent.

Nonobstant toute chose contraire.

De la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, le 3 juin 2016, Solennité du Sacré Cœur de Jésus.

Robertus Card. Sarah

Préfet

+ Arturus Roche

Archevêque Secrétaire

Homélie du pape François lors de la Messe de canonisation de Saint Stanislas de Jésus Marie Papczyński & Sainte Marie Élisabeth Hesselblad

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La Parole de Dieu que nous avons écoutée nous reconduit à l’événement central de la foi : la victoire de Dieu sur la souffrance et sur la mort. C’est l’Évangile de l’espérance jaillissant du Mystère pascal du Christ ; il irradie à partir de son visage qui révèle Dieu le Père, consolateur des affligés. C’est une Parole qui nous appelle à demeurer intimement unis à la passion de notre Seigneur Jésus, afin que se manifeste en nous la puissance de sa résurrection.

En effet, dans la Passion du Christ, il y a la réponse de Dieu au cri angoissé, et parfois indigné, que l’expérience de la souffrance et de la mort suscite en nous. Il s’agit de ne pas échapper de la Croix, mais de rester là, comme l’a fait la Vierge Mère, qui en souffrant avec Jésus a reçu la grâce d’espérer contre toute espérance (cf. Rm 4, 18).

Cela a aussi été l’expérience de Stanislas de Jésus Marie et de Marie Élisabeth Hesselblad, qui sont aujourd’hui proclamés saints : ils sont restés intimement unis à la passion de Jésus et la puissance de sa résurrection s’est manifestée en eux.

La première lecture et l’évangile de ce dimanche nous présentent justement deux signes prodigieux de résurrection : le premier opéré par le prophète Elie, le Capture d’écran 2016-06-05 à 09.30.17second par Jésus. Dans les deux cas, les morts sont de très jeunes fils de femmes veuves qui sont rendus vivants à leurs mères.

La veuve de Sarepta – une femme non juive, qui cependant avait accueilli dans sa maison le prophète Elie – s’est indignée contre le prophète et contre Dieu parce que, justement pendant qu’Elie était son hôte, son enfant était tombé malade et avait à présent expiré dans ses bras. Alors Elie dit à cette femme : « Donne-moi ton fils ! » (1 R17, 19). Voilà un mot-clé : il exprime l’attitude de Dieu devant notre mort (sous toutes ses formes) ; il ne dit pas : « Garde-le, arrange-toi ! », mais il dit : « Donne-le moi ». Et en effet, le prophète prend l’enfant et le porte dans la chambre à l’étage supérieur, et là, seul, dans la prière, « il lutte avec Dieu », le mettant devant l’absurdité de cette mort. Et le Seigneur écoute la voix d’Elie, parce qu’en réalité c’était Lui, Dieu, qui parlait et agissait à travers le prophète. C’était lui qui, par la bouche d’Elie, avait dit à la femme : « Donne- moi ton fils ». Et maintenant c’était Lui qui le rendait vivant à sa mère.

La tendresse de Dieu se révèle pleinement en Jésus. Nous avons entendu dans l’Évangile (Lc 7, 11-17) comme il a été saisi de compassion (cf. v. 13) pour cette veuve de Naïm, en Galilée, qui accompagnait son fils unique, encore adolescent, pour l’enterrer. Mais Jésus s’approche, touche le cercueil, arrête le cortège funèbre, et il aura certainement caressé le visage baigné de larmes de cette pauvre maman. « Ne pleure pas ! », lui dit-il (Lc 7, 13). Comme s’il lui demandait : « Donne-moi ton fils ». Jésus demande pour lui notre mort, afin de nous en libérer et de nous redonner la vie. En effet ce jeune s’est réveillé comme d’un sommeil profond et il a recommencé à parler. Et Jésus « le rendit à sa mère » (v. 15). Il n’est pas un magicien ! Il est la tendresse de Dieu incarnée ; en lui opère l’immense compassion du Père.

Que l’apôtre Paul d’ennemi et persécuteur féroce des chrétiens devienne témoin et héraut de l’Évangile (cf. Ga 1, 13-17) est aussi une espèce de résurrection. Ce Capture d’écran 2016-06-05 à 09.38.25changement radical n’a pas été son œuvre personnelle mais un don de la miséricorde de Dieu, qui l’« a mis à part » et l’« a appelé dans sa grâce » et a voulu révéler « en lui » son Fils pour qu’il annonce ce Fils parmi les nations (vv. 15-16). Paul dit qu’il a plu à Dieu le Père de révéler le Fils non seulement à lui mais aussi en lui, c’est-à-dire en imprimant dans sa personne, chair et esprit, la mort et la résurrection du Christ. Ainsi l’apôtre sera non seulement un messager, mais avant tout un témoin.

Et de même, avec les pécheurs, pris un à un, Jésus ne se lasse pas de faire resplendir la victoire de la grâce qui donne vie. Il dit à la Mère Église : « Donne-moi tes enfants », que nous sommes tous. Il prend sur lui nos péchés, les enlève et il nous redonne vivants à l’Église même. Et cela advient d’une manière spéciale durant cette Année Sainte de la Miséricorde.

Aujourd’hui, l’Église nous montre deux de ses enfants qui sont des témoins exemplaires de ce mystère de résurrection. Les deux peuvent chanter dans l’éternité avec les paroles du Psalmiste : « Tu as changé mon deuil en une danse, / sans fin, Seigneur, mon Dieu, je te rendrai grâce » (Ps 30, 12). Et tous ensemble nous nous unissons en disant : « Je t’exalte, Seigneur : tu m’as relevé » (Refrain du Psaume responsorial).

[00937-FR.01] [Texte original: Italien]

Homélie du Pape François à la Messe du Jubilé des Prêtres

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Homélie du Pape François lors de la Sainte Messe pour le Jubilé des Prêtres
Solennité du Sacré Coeur de Jésus
3 juin 2016 (Place Saint-Pierre)

Célébrant le Jubilé des Prêtres en la Solennité du Sacré Cœur de Jésus, nous sommes appelés à viser au cœur, c’est-à-dire à l’intériorité, aux racines les plus fortes de la vie, au noyau des affections, en un mot, au centre de la personne. Et aujourd’hui, nous tournons le regard vers deux cœurs : le Cœur du Bon Pasteur et notre cœur de pasteurs.

Le Cœur du Bon Pasteur n’est pas seulement le Cœur qui a de la miséricorde pour nous, mais la miséricorde elle-même. Là resplendit l’amour du Père ; là je me sens sûr d’être accueilli et compris comme je suis ; là, avec toutes mes limites et mes péchés, je goûte la certitude d’être choisi et aimé. En regardant ce Cœur, je renouvelle le premier amour : la mémoire du moment où le Seigneur m’a touché dans l’âme et m’a appelé à le suivre, la joie d’avoir jeté les filets de la vie sur sa Parole (cf. Lc 5, 5).

Le Cœur du Bon Pasteur nous dit que son amour n’a pas de frontières, il ne se fatigue jamais et ne se rend jamais. Là nous voyons sa manière continuelle de se donner, sans limites ; là nous trouvons la source de l’amour fidèle et doux, qui laisse libres et rend libres ; là nous redécouvrons chaque fois que Jésus nous aime « jusqu’au bout » (Jn 13, 1), sans jamais s’imposer.

Le Cœur du Bon Pasteur est penché vers nous, « polarisé » spécialement envers celui qui est plus distant ; là pointe obstinément l’aiguille de sa boussole, là se révèle une faiblesse d’amour particulier, parce qu’il désire rejoindre chacun et n’en perdre aucun.

Devant le Cœur de Jésus naît l’interrogation fondamentale de notre vie sacerdotale : où est orienté mon cœur ? Le ministère et souvent rempli de multiples initiatives, qui l’exposent sur de nombreux fronts : de la catéchèse à la liturgie, à la charité, aux engagements pastoraux et aussi administratifs. Parmi tant d’activités demeure la question : où est fixé mon cœur, où pointe-t-il, quel trésor cherche-t-il ? Parce que dit Jésus – « là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Mt 6, 21).

Les trésors irremplaçables du Cœur de Jésus sont deux : le Père et nous. Ses journées se passaient entre la prière au Père et la rencontre avec les gens. Le cœur du pasteur du Christ lui aussi connaît seulement deux directions : le Seigneur et les gens. Le cœur du prêtre est un cœur transpercé par l’amour du Seigneur ; pour cela il ne se regarde plus lui-même mais il est tourné vers Dieu et vers les frères. Ce n’est plus « un cœur instable », qui se laisse attirer par la suggestion du moment ou qui va çà et là en cherchant des consensus et de petites satisfactions ; c’est au contraire un cœur établi dans le Seigneur, captivé par l’Esprit Saint, ouvert et disponible aux frères.

Pour aider notre cœur à brûler de la charité de Jésus Bon Pasteur, nous pouvons nous entraîner à faire nôtre trois actions, que les Lectures d’aujourd’hui nous suggèrent : chercher, inclure et se réjouir.

Chercher. Le prophète Ézéchiel nous a rappelé que Dieu lui-même cherche ses brebis (34, 11.16). L’Évangile dit, « il va chercher celle qui est perdue » (Lc 15, 4), sans se laisser effrayer par les risques ; sans délai il s’aventure hors des endroits du pâturage et hors des horaires de travail. Il ne renvoie pas la recherche, il ne pense pas « aujourd’hui j’ai déjà fait mon devoir, je m’en occuperai demain », mais il se met tout de suite à l’œuvre ; son cœur est inquiet tant qu’il n’a pas retrouvé cette unique brebis perdue. L’a-t-il trouvée, il oublie la fatigue et il la charge sur ses épaules tout content.

Voilà le cœur qui cherche : c’est un cœur qui ne privatise pas les temps et les espaces, il n’est pas jaloux de sa légitime tranquillité, et il n’exige jamais de ne pas être dérangé. Le pasteur selon le cœur de Dieu ne défend pas ses propres aises, il n’est pas préoccupé de conserver sa bonne réputation, au contraire, sans craindre les critiques, il est disposé à risquer même d’imiter son Seigneur.

Le Pasteur selon Jésus a le cœur libre pour laisser ses affaires, il ne vit pas en tenant les comptes de ce qu’il a et des heures de service : il n’est pas un comptable de l’esprit, mais un bon samaritain à la recherche de celui qui a besoin. C’est un pasteur, non un inspecteur du troupeau, et il se dévoue à la mission non à cinquante ou soixante pour cent, mais avec tout lui-même. Allant à la recherche, il trouve, et il trouve parce qu’il risque, il ne s’arrête pas après les déceptions et il ne se rend pas dans les fatigues ; il est en effet, obstiné dans le bien, oint de la divine obstination que personne ne se perde. Pour cela, non seulement il tient les portes ouvertes, mais il sort à la recherche de celui qui ne veut plus entrer par la porte. Comme tout bon chrétien et comme exemple pour tout chrétien, il est toujours en sortie de soi. L’épicentre de son cœur se trouve hors de lui : il n’est pas attiré par son moi, mais par le Tu de Dieu et par le nous des hommes.

Inclure. Le Christ aime et connaît se brebis, il donne sa vie pour elles et aucune ne lui est étrangère (cf. Jn 10, 11-14). Son troupeau est sa famille et sa vie. Il n’est pas un chef craint par les brebis, mais il est le Pasteur qui marche avec elles et les appelle par leur nom (cf. Jn 10, 3-4). Et il désire rassembler les brebis qui ne demeurent pas encore avec Lui (cf. Jn 10, 16).

Ainsi également le prêtre du Christ : il est oint pour le peuple, pas pour choisir ses propres projets, mais pour être proche des gens concrets que Dieu, par l’Église, lui a confiés. Personne n’est exclu de son cœur, de sa prière et de son sourire. Avec un regard aimable et un cœur de père, il accueille, il inclut et, quand il doit corriger, c’est toujours pour approcher ; il ne méprise personne, mais il est prêt à se salir les mains pour tous. Ministre de la communion qu’il célèbre et qu’il vit, il n’attend pas les salutations et les compliments des autres, mais il tend la main en premier, rejetant les bavardages, les jugements et les venins. Il écoute les problèmes avec patience et il accompagne les pas des personnes, accordant le pardon divin avec une généreuse compassion. Il ne gronde pas celui qui laisse ou qui perd la route, mais il est toujours prêt à réinsérer et à calmer les querelles.

Se réjouir. Dieu est « tout joyeux » (Lc 5, 5) : sa joie naît du pardon, de la vie qui renaît, du fils qui respire à nouveau l’air de la maison. La joie de Jésus Bon Pasteur n’est pas une joie pour soi, mais c’est une joie pour les autres et avec les autres, la vraie joie de l’amour. C’est aussi la joie du prêtre. Il est transformé par la miséricorde qui donne gratuitement. Dans la prière il découvre la consolation de Dieu et il expérimente que rien n’est plus fort que son amour. Pour cela, il est serein intérieurement, et il est heureux d’être un canal de miséricorde, d’approcher l’homme au Cœur de Dieu. La tristesse pour lui n’est pas normale, mais seulement passagère : la dureté lui est étrangère, parce qu’il est pasteur selon le Cœur doux de Dieu.

Chers prêtres, dans la célébration eucharistique nous retrouvons chaque jour notre identité de pasteurs. Chaque fois nous pouvons faire véritablement nôtre ses paroles « ceci est mon corps offert en sacrifice pour vous ». C’est le sens de notre vie, ce sont les paroles avec lesquelles, dans un certain sens, nous pouvons renouveler quotidiennement les promesses de notre Ordination. Je vous remercie pour votre « oui » à donner la vie unis à Jésus : là se tient la source pure de notre joie.

(Image: CNS Photo/Paul Haring)

Troisième méditation du Pape François lors du Jubilé des prêtres

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Troisième méditation du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde
Retraite spirituelle présidée par le pape François
Lors du Jubilé des prêtres, 2 juin 2016
(Basilique Saint-Paul-hors-des-murs) 

Troisième méditation : La bonne odeur du Christ et la lumière de sa Miséricorde

Dans notre troisième rencontre, je vous propose de méditer sur les œuvres de miséricorde, soit en prenant l’une d’entre elles, celle que nous pensons être la plus liée à notre charisme, soit en les contemplant toutes ensemble, les regardant avec les yeux miséricordieux de Notre Dame qui nous fait découvrir le vin qui manque et qui nous encourage à faire tout ce que Jésus nous dit (cf. Jn 2, 1-12) pour que sa miséricorde opère les miracles dont notre peuple a besoin.

Les œuvres de miséricorde sont très liées aux ‘‘sens spirituels’’. En priant nous demandons la grâce de ‘‘sentir et de goûter’’ l’Évangile, de telle sorte qu’il nous rende sensible à la vie. Mus par l’Esprit, guidés par Jésus, nous pouvons voir déjà de loin, avec un regard de miséricorde, celui qui est tombé au bord du chemin, nous pouvons entendre les cris de Bartimée, nous pouvons sentir comme le Seigneur sent, sur le bord de son manteau, le contact timide mais décidé de l’hémorroïsse, nous pouvons demander la grâce de goûter avec lui sur la croix la saveur amère du fiel de tous les crucifiés, pour sentir ainsi la forte odeur de la misère – dans les hôpitaux de campagne, dans les trains et les barques remplies de gens – ; cette odeur que l’huile de la miséricorde ne couvre pas, mais qui, en étant ointe, fait que s’éveille une espérance. Le Catéchisme de l’Église catholique, en parlant des œuvres de miséricorde, nous raconte que Sainte Rose de Lima, le jour où sa mère l’a réprimandée d’accueillir à la maison pauvres et infirmes, lui dit : « Quand nous servons les pauvres et les malades, nous servons Jésus » (n. 2449). Cette bonne odeur du Christ – le soin des pauvres – est distinctive de l’Église, il en a toujours été ainsi. Paul y a centré sa rencontre avec les ‘‘colonnes’’, comme il les qualifie, avec Pierre, Jacques, et Jean. Ils [nous] ont demandé « seulement de nous souvenir des pauvres » (Ga 2, 10). Le Catéchisme dit aussi, de manière suggestive, que « ceux que [la misère] accable sont l’objet d’un amour de préférence de la part de l’Église qui, depuis les origines, en dépit des défaillances de beaucoup de ses membres, n’a cessé de travailler à les soulager, les défendre et les libérer » (n. 2448).

Dans l’Église nous avons eu et nous avons beaucoup de choses pas très bonnes, et beaucoup de péchés, mais quant au service des pauvres à travers les œuvres de miséricorde, en tant qu’Église nous avons toujours suivi l’Esprit, et nos saints l’ont fait de manière très créative et efficace. L’amour des pauvres a été le signe, la lumière qui fait que les personnes glorifient le Père. Nos gens apprécient ceci : le prêtre qui prend soin des plus pauvres, des malades, qui pardonne aux pécheurs, qui enseigne et corrige avec patience… Nos gens pardonnent beaucoup de défauts aux prêtres, sauf celui de l’attachement à l’argent. Et ce n’est pas tant à cause de la richesse en soi, mais parce que l’argent nous fait perdre la richesse de la miséricorde. Notre peuple sent par intuition quels péchés sont graves pour le pasteur, ceux qui tuent son ministère parce qu’ils le transforment en fonctionnaire, ou pire, en mercenaire, et en revanche les péchés qui sont, je ne dirais pas secondaires, mais oui, des péchés que l’on peut supporter, charger comme une croix, jusqu’à ce que le Seigneur les purifie à la fin, comme il le fera de la zizanie. En revanche, ce qui porte atteinte à la miséricorde est une contradiction principale. Cela porte atteinte au dynamisme du salut, au Christ qui « s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté » (2Co 8, 9). Et il en est ainsi parce que la miséricorde prend soin « en perdant quelque chose d’elle-même » : une partie du cœur reste avec la personne blessée, un temps de notre vie est perdu pour ce que nous avions envie de faire, quand nous l’offrons aux autres.

C’est pourquoi il ne s’agit pas que Dieu me fasse miséricorde pour certaines fautes, comme si pour le reste j’étais autosuffisant ; ou bien que, de temps en temps, j’accomplisse une œuvre particulière de miséricorde envers une personne dans le besoin. La grâce que nous demandons dans cette prière est celle de laisser Dieu nous faire miséricorde dans tous les domaines de notre vie, et d’être miséricordieux envers les autres dans tout notre agir. Pour nous, prêtres et évêques, qui administrons les sacrements, baptisant, confessant, célébrant l’Eucharistie… la miséricorde est la manière de changer toute la vie du peuple de Dieu en sacrement. Etre miséricordieux ce n’est pas seulement une manière d’être mais la manière d’être. Il n’y a pas une autre manière possible d’être prêtre. Le Père Brochero, qui, si Dieu le veut, sera canonisé cette année, disait : « Le prêtre qui n’a pas beaucoup de pitié envers les pécheurs est un demi prêtre. Ce ne sont pas ces haillons bénis que je porte qui font de moi un prêtre ; si je n’ai pas dans mon cœur la charité, je ne suis même pas chrétien ».

Le propre du regard d’un père est de voir ce qui manque pour y porter remède immédiatement, et mieux encore, de le prévoir. Ce regard sacerdotal – de celui qui joue le rôle de père au sein de l’Eglise Mère – qui nous fait voir les personnes du point de vue de la miséricorde, on doit enseigner à le cultiver dès le séminaire et il doit alimenter tous les plans pastoraux. Nous voulons et nous demandons au Seigneur un regard qui sache discerner les signes des temps en termes d’« œuvres de miséricorde dont notre peuple a aujourd’hui besoin », pour pouvoir sentir et faire l’expérience du Dieu de l’histoire qui marche avec lui. En effet, comme le dit le document d’Aparecida, en citant saint Alberto Hurtado : « Par nos œuvres, notre peuple sait que nous comprenons sa souffrance » (n. 386). Par nos œuvres.

La preuve de cette compréhension de notre peuple est que nous sommes toujours bénis par Dieu dans nos œuvres de miséricorde, et que nous obtenons l’aide et la collaboration de nos gens. Il n’en est pas ainsi pour d’autres types de projets, qui parfois marchent bien, d’autres fois non, sans que certains ne comprennent pourquoi ça ne marche pas et se cassent la tête à chercher un nouvel énième plan pastoral, alors qu’on pourrait dire simplement : ça ne marche pas parce qu’il y manque la miséricorde, sans devoir entrer dans les détails. Si ce n’est pas béni, c’est parce qu’il y manque la miséricorde. Il manque cette miséricorde qui a plus de lien avec un hôpital de campagne qu’avec une clinique de luxe, cette miséricorde qui, valorisant ce qui est bon, prépare le terrain à une rencontre de la personne avec Dieu dans l’avenir, au lieu de l’éloigner par une critique sur un point particulier.

Je vous propose une prière avec la pécheresse pardonnée (Jn 8, 3-11), pour demander la grâce d’être miséricordieux dans la confession, et une autre sur la dimension sociale des œuvres de miséricorde.

Le passage concernant le Seigneur avec la femme adultère m’émeut toujours, lorsque, ne la condamnant pas, il ‘‘enfreint’’ la loi ; sur ce cas précis sur lequel on lui demandait de se prononcer – ‘‘faut-il la lapider ou non’’ –, il ne s’est pas exprimé, il n’a pas appliqué la loi. Il a feint de ne pas comprendre et, à ce moment-là, il leur a sorti quelque chose d’autre. Il a ainsi initié un processus dans le cœur de la femme qui avait besoin de ces paroles : ‘‘Moi non plus, je ne te condamne pas’’. En la prenant par la main, il l’a relevée et cela lui a permis de croiser un regard plein de douceur qui a changé son cœur. Parfois j’éprouve un mélange de peine et d’indignation quand on s’empresse de mettre en lumière la dernière recommandation, le ‘‘ne pèche plus’’. Et on utilise cette phrase pour ‘‘défendre’’ Jésus, afin que ce ne soit pas comme s’il avait violé la loi. Je pense que les paroles que le Seigneur utilise forment un tout avec ses actes. Le fait de se pencher pour écrire par deux fois sur le sol, marquant une pause avant de parler à ceux qui veulent lapider la femme, et ensuite une autre avant ce qu’il lui dit, nous parle du temps que le Seigneur prend pour juger et pardonner. Un temps qui renvoie chacun à sa propre intériorité et fait que ceux qui jugent se retirent.

Dans son dialogue avec la femme, le Seigneur ouvre d’autres espaces : le premier est l’espace de la non condamnation. L’Evangile insiste sur cet espace resté libre. Il nous place sous le regard de Jésus et nous dit qu’ ‘‘il ne voit personne autour, sinon la femme’’. Et ensuite Jésus luimême amène la femme à regarder autour d’elle par cette question : ‘‘Où sont-ils, ceux qui te cataloguaient ?’’ (le mot est important, puisqu’il exprime ce que nous condamnons tant comme le fait qu’on nous catalogue ou qu’on nous caricature…). Une fois qu’il lui a fait voir cet espace libre du jugement d’autrui, il lui dit que lui non plus ne l’agresse pas avec ses pierres : ‘‘Moi non plus je ne te condamne pas’’. Et, sur le champ, il lui ouvre un autre espace libre : ‘‘Désormais, ne pèche plus’’. Le commandement est donné pour l’avenir, pour aider à avancer, pour « marcher dans l’amour ». Voilà la délicatesse de la miséricorde qui regarde avec pitié le passé et encourage pour l’avenir. Ce ‘‘ne pèche plus’’, n’est pas une chose évidente. Le Seigneur le dit ‘‘avec elle’’, il l’aide à exprimer par des paroles ce qu’elle-même ressent, ce ‘‘non’’ libre au péché qui est comme le ‘‘oui’’ de Marie à la grâce. Le ‘‘non’’ est dit en relation avec la racine du péché de chacun. Chez la femme, il s’agissait d’un péché social, d’une personne dont les gens s’approchaient, ou pour coucher avec elle, ou pour la lapider. C’est pourquoi le Seigneur, non seulement lui dégage la voie, mais aussi la met en mouvement, pour qu’elle cesse d’être ‘‘objet’’ du regard d’autrui, pour qu’elle soit protagoniste. Le fait de ne pas pécher ne se réfère pas seulement à l’aspect moral, je crois, mais à un type de péché qui ne la laisse pas faire sa vie. Au paralytique à la piscine de Bethesda il dit également « ne pèche plus » (Jn 5, 14). Mais à celui-ci – qui se justifiait avec les choses tristes qui ‘‘lui arrivaient’’, qui avait une psychologie de victime – il lui lance une pique en ces termes : ‘‘Qu’il ne t’arrive pas quelque chose de pire’’. Le Seigneur profite de sa manière de penser, de ce qu’il craint, pour le sortir de sa paralysie. Disons qu’il se sert de la peur pour le faire bouger. Ainsi, nous devons chacun entendre ce ‘‘ne pèche plus’’ de manière profonde, personnelle.

Cette image du Seigneur qui met les gens en mouvement lui est vraiment propre : il est le Dieu qui se met en route avec son peuple, qui fait aller de l’avant et accompagne notre histoire. C’est pourquoi l’objet vers lequel se dirige la miséricorde est très précis : c’est vers ce qui fait qu’un homme ou une femme ne marche pas à sa place, avec les siens, à son rythme, vers là où Dieu l’invite à aller. La peine, ce qui bouleverse, c’est que l’un ou l’autre se perde, ou reste derrière, ou s’égare par présomption. Disons, qu’il soit désorienté. Qu’il ne soit pas à la disposition du Seigneur, disponible pour la tâche qu’il veut lui confier. Qu’on ne marche pas humblement en présence du Seigneur (cf. Mi 6, 8), qu’on ne marche pas dans la charité (cf. Ep 5, 2).

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Deuxième méditation du Pape François lors du Jubilé des prêtres

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Deuxième méditation du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde
Retraite spirituelle présidée par le pape François
Lors du Jubilé des prêtres, 2 juin 2016
(Basilique Sainte-Marie-Majeure)

Deuxième méditation : le réceptacle de la Miséricorde

Le réceptacle de la Miséricorde est notre péché. Mais il arrive souvent que notre péché soit comme une passoire, comme une cruche percée, ce qui fait que la grâce s’en échappe en peu de temps : « Oui, mon peuple a commis deux méfaits : ils m’ont abandonné, moi, la source d’eau vive, et ils se sont creusé des citernes, des citernes fissurées qui ne retiennent pas l’eau » (Jr 2, 13). D’où la nécessité que le Seigneur explique à Pierre de ‘‘pardonner soixante-dix- fois sept fois’’. Dieu ne se lasse pas de pardonner, même s’il voit que sa grâce semble ne pas parvenir à s’enraciner fortement dans la terre de notre cœur, qui est un chemin dur, encombré de mauvaises herbes et pierreux. Il revient semer sa miséricorde et son pardon.

Des cœurs re-créés

Cependant, nous pouvons faire un pas de plus dans cette miséricorde de Dieu qui es toujours ‘‘plus grande que notre conscience’’ du péché. Non seulement le Seigneur ne se lasse pas de nous pardonner mais aussi il renouvelle l’outre dans laquelle nous recevons le pardon. Il utilise une outre neuve pour le vin nouveau de sa miséricorde pour que ce ne soit pas un vêtement rapiécé ou une vieille outre. Et cette outre, c’est sa miséricorde même : sa miséricorde telle qu’elle est expérimentée en nous-mêmes et telle que nous la mettons en pratique en aidant les autres. Le cœur qui a bénéficié de miséricorde n’est pas un cœur rapiécé mais un cœur nouveau, re-créé. Celui dont David dit : « Crée en moi un cœur pur, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit » (Ps 50, 12). Ce cœur nouveau, re-créé, est un bon récipient. La liturgie exprime l’âme de l’Eglise lorsqu’elle nous fait dire cette merveilleuse prière : « Seigneur notre Dieu, toi qui as fait merveille en créant l’homme et plus grande merveille encore en le sauvant » (Prière de la veillée pascale, après la Première Lecture). Par conséquent, cette seconde création est plus merveilleuse que la première. C’est un cœur qui se sait recréé grâce à la fusion de sa misère avec le pardon de Dieu et donc c’‘‘est un cœur qui a reçu la miséricorde et fait miséricorde’’. C’est ainsi : il expérimente les bénéfices de la grâce sur sa blessure et sur son péché, il sent comment la miséricorde pacifie sa faute, inonde avec amour sa sécheresse, rallume son espérance. Voilà pourquoi, lorsqu’en même temps et avec la même grâce, celui-là pardonne à qui a une dette envers lui et a compassion de ceux qui sont également pécheurs, cette miséricorde s’enracine dans une bonne terre, d’où l’eau ne s’échappe pas mais donne vie. Dans l’exercice de cette miséricorde qui répare le mal d’autrui, personne n’est mieux placé pour aider à le soigner que celui qui maintient vive l’expérience d’avoir été objet miséricorde pour ce même mal. Nous voyons que, parmi ceux qui travaillent à combattre la toxicodépendance, ceux qui se sont libérés sont généralement ceux qui comprennent mieux, qui aident et savent exiger des autres. Et le meilleur confesseur est d’ordinaire celui qui se confesse le mieux. Presque tous les grands saints ont été de grands pécheurs ou, comme la petite sainte Thérèse, ils étaient conscients que ne pas l’avoir été était une pure grâce prévenante.

Ainsi, le vrai récipient de la miséricorde est la miséricorde même que chacun a reçue et qui lui a recréé le cœur, voilà l’‘‘outre neuve’’ dont parle Jésus (cf. Lc 5, 37), la ‘‘source régénérée’’.

Nous nous situons ainsi dans le domaine du mystère du Fils, de Jésus, qui est la miséricorde du Père faite chair. L’image définitive du réceptacle de la miséricorde, nous la trouvons dans les plaies du Seigneur ressuscité, image de l’empreinte du péché restauré par Dieu, qui ne s’efface pas totalement ni ne suppure : c’est une cicatrice, non une blessure purulente. C’est dans cette ‘‘sensibilité’’ propre aux cicatrices, qui nous rappellent la blessure sans forte douleur et la guérison sans que nous n’oubliions la fragilité, que réside la miséricorde divine. Dans la sensibilité du Christ ressuscité qui conserve ses plaies, – non seulement aux pieds et aux mains, mais aussi dans son cœur qui est un cœur blessé – nous trouvons le juste sens du péché et de la grâce. En contemplant le cœur blessé du Seigneur, nous nous voyons en lui comme dans un miroir. Notre cœur et le sien se ressemblent en ceci que les deux sont blessés et ressuscités. Mais nous savons que son amour était un amour pur et qu’il a été blessé parce qu’il a accepté d’être vulnérable ; notre cœur, en revanche, était pure plaie, qui a été guérie parce qu’elle a accepté d’être aimée.

Nos saints ont reçu la miséricorde

Cela peut nous faire du bien de contempler d’autres qui se sont laissés recréer le cœur par la miséricorde et d’observer dans quel ‘‘réceptacle’’ ils l’ont reçue.

Paul la reçoit dans le réceptacle dur et inflexible de son jugement forgé par la Loi. Sa dureté de jugement le poussait à être un persécuteur. La miséricorde le transforme de telle manière que, tout en devenant quelqu’un qui cherche les plus éloignés, qui cherche les gens de mentalité païenne, en même temps il est plus compréhensif et miséricordieux envers ceux qui étaient comme lui, il avait été. Paul voulait être considéré anathème afin de sauver les siens. Son jugement se consolide ‘‘en ne se jugeant même pas lui-même’’, mais en se laissant justifier par un Dieu qui est plus grand que sa conscience, en recourant à Jésus Christ qui est un avocat fidèle de l’amour duquel rien ni personne peut le séparer. La radicalité des jugements de Paul sur la miséricorde inconditionnelle de Dieu, qui surmonte la blessure de fond, celle qui fait que nous avons deux lois (celle de la chair et celle de l’Esprit), est telle parce qu’elle est le récipient d’un esprit sensible au caractère absolu de la vérité, esprit blessé là même où la Loi et la Lumière deviennent un piège. La fameuse ‘‘épine’’ que le Seigneur ne lui enlève pas est le réceptacle dans lequel Paul reçoit la miséricorde du Seigneur (cf. 2 Co 12, 7).

Pierre reçoit la miséricorde dans sa présomption d’homme de bon sens. Il était doté du bon sens robuste et expérimenté d’un pêcheur, qui sait par expérience quand on peut pêcher ou non. C’est le bon sens de celui qui, lorsqu’il s’enthousiasme en marchant sur les eaux et en obtenant une pêche miraculeuse et qu’il commet un excès en se regardant lui-même, sait demander de l’aide au seul qui peut le sauver. Ce Pierre a été guéri de la plus profonde blessure qu’il puisse y avoir, celle de renier un ami. Peut-être le reproche de Paul, lorsqu’il lui jette à la figure sa duplicité, a-t-il un lien avec cela. Il semblerait que Paul sentait qu’il avait été lui-même le pire [des hommes] ‘‘avant’’ de connaître le Christ ; mais Pierre, après l’avoir connu, l’avait renié… Cependant, en avoir été guéri a transformé Pierre en un Pasteur miséricordieux, en une pierre solide sur laquelle on peut toujours édifier, parce qu’il s’agit d’une pierre fragile qui a été assainie, non une pierre qui dans sa robustesse conduit le plus faible à trébucher. Pierre est le disciple que le Seigneur reprend le plus dans l’Évangile. Il le corrige constamment, jusqu’au dernier moment : « Que t’importe ? Toi, suismoi » (Jn 21, 22). La tradition dit qu’il lui est apparu de nouveau lorsque Pierre fuyait de Rome. Le signe de Pierre crucifié la tête en bas est peut-être le plus éloquent de ce réceptacle à la tête dure qui, pour être miséricordieuse, se met vers le bas y compris en rendant le témoignage suprême d’amour à son Seigneur. Pierre ne veut pas finir sa vie en disant ‘‘Moi, j’ai déjà appris la leçon’’, mais en disant : ‘‘Comme ma tête n’apprendra jamais, je la mets vers le bas’’. Au-dessus de tout, les pieds que le Seigneur a lavés. Ces pieds sont pour Pierre le réceptacle grâce auquel il reçoit la miséricorde de son Ami et Seigneur.

Jean sera guéri dans sa prétention de vouloir réparer le mal par le feu et finira par être celui qui écrit ‘‘mes petits enfants’’, et il semblerait qu’il soit l’un de ces grands-parents pleins de bonté qui ne parlent que d’amour, lui, qui était « le fils du tonnerre » (Mc 3, 17).

Augustin a été guéri de sa nostalgie d’être arrivé tard au rendez-vous : « Je t’ai aimé tard », et il trouvera sa manière créative de remplir d’amour le temps perdu en écrivant ses Confessions.

François est de plus en plus miséricordieux, à bien des moments de sa vie. Peut-être le réceptacle définitif, qui s’est transformé en plaies réelles, plus que de donner un baiser au lépreux, de se dépouiller grâce à dame pauvreté et de sentir toute créature comme sœur, aura-t-il été de devoir protéger dans un silence miséricordieux l’Ordre qui avait été fondé. François voit comment ses frères se divisent en prenant comme bannière la même pauvreté. Le démon nous amène à nous quereller entre nous en défendant les plus saintes choses, mais ‘‘avec un mauvais esprit’’.

Ignace a été guéri de sa vanité, et si ceci avait été le réceptacle, nous pouvons entrevoir combien était grand ce désir de gloriole, qui a été recréé dans une telle recherche de la plus grande gloire de Dieu.

Dans le Journal d’un curé de campagne, Bernanos nous relate la vie du curé d’un village, en s’inspirant de la vie du Saint Curé d’Ars. Il y a deux paragraphes très beaux qui racontent les pensées intérieures du curé aux derniers moments de sa soudaine maladie : « Au cours des dernières semaines….que Dieu me laissera, aussi longtemps que je pourrai garder la charge d’une paroisse, j’essaierai, comme jadis, d’agir avec prudence. Mais enfin j’aurai moins souci de l’avenir, je travaillerai pour le présent. Cette sorte de travail me semble à ma mesure… Car je n’ai de réussite qu’aux petites choses, et si souvent éprouvé par l’inquiétude, je dois reconnaître que je triomphe dans les petites joies ». Un récipient de la miséricorde, tout petit, a un lien avec les petites joies de notre vie pastorale, là où nous pouvons recevoir et exercer la miséricorde infinie du Père dans de petits gestes.

L’autre paragraphe dit : « C’est fini. L’espèce de méfiance que j’avais de moi, de ma personne, vient de se dissiper, je crois, pour toujours. Cette lutte a pris fin. Je ne la comprends plus. Je suis réconcilié avec moi-même, avec cette pauvre dépouille. Il est plus facile que l’on croit de se haïr. La grâce est de s’oublier. Mais si tout orgueil était mort en nous, la grâce des grâces serait de s’aimer humblement soi-même, comme n’importe lequel des membres souffrants de Jésus-Christ ». Voilà le récipient : « S’aimer humblement soi-même, comme n’importe lequel des membres souffrants de Jésus-Christ ». C’est un récipient commun, comme une vieille jarre que nous pouvons emprunter auprès des plus pauvres.

Le Père Brochero, le bienheureux argentin, qui sera bientôt canonisé, « a laissé la miséricorde de Dieu travailler son cœur ». Son réceptacle a fini par être son propre corps de lépreux. Lui, qui rêvait de mourir en galopant, en passant à gué quelque fleuve de montagne pour aller donner l’onction à un malade. L’une de ses dernières paroles a été : « Il n’y a pas de gloire définitive dans cette vie » ; « je suis très satisfait de ce qu’il m’a fait concernant la vue, et je le remercie beaucoup de cela. Quand je pouvais servir l’humanité, il a conservé sains et robustes mes sens. Aujourd’hui, où je ne le peux plus, il a rendu inutilisable l’un des sens de mon corps. Dans ce monde, il n’y a pas de gloire définitive, et nous sommes pleins de misères ». Nos affaires demeurent souvent à mi-chemin et, pour cela, sortir de soi est toujours une grâce. On nous concède d’‘‘abandonner les choses’’ pour que le Seigneur les bénisse et les perfectionne. Nous ne devons pas trop nous préoccuper. Cela nous permet de nous ouvrir aux peines et aux joies de nos frères. C’était le Cardinal Van Thuam qui disait qu’en prison le Seigneur lui avait enseigné à distinguer entre ‘‘choses de Dieu’’, auxquelles il avait consacré sa vie en liberté en tant que prêtre et évêque, et Dieu lui-même, auquel il se consacrait en étant en prison’’ (cf. Van Thuam, Cinque pani e due pesci, San Paolo 1997).

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