Homélie du pape François pour le Jubilé des détenus

pope-jubilee-prisonersLe 6 novembre 2016, le Saint Père a célébré la Messe à la basilique Saint-Pierre de Rome, à l’occasion du Jubilé des détenus au Vatican. Environ 1000 prisonniers d’Italie ont participé à cette célébration accompagnés de leur famille. Voici le text complet de son homélie:

Le message que la Parole de Dieu veut nous communiquer aujourd’hui est certainement celui de l’espérance.

L’un des sept frères condamnés à mort par le Roi Antiocos Épiphane dit : « On attend la résurrection promise par Dieu » (2M 7, 14). Ces paroles manifestent la foi de ces martyrs qui, malgré les souffrances et les tortures, ont la force de regarder au-delà. Une foi qui, tandis qu’elle reconnaît en Dieu la source de l’espérance, révèle le désir d’attendre une vie nouvelle.

De même, dans l’Évangile, nous avons entendu comment Jésus, avec une réponse simple mais parfaite, efface toute la banale casuistique que les Saducéens lui avaient soumise. Son expression : « Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui » (Lc 20, 38), révèle le vrai visage du Père, qui ne désire que la vie de tous ses enfants. L’espérance de renaître à une vie nouvelle est donc ce que nous sommes tous appelés à faire nôtre pour être fidèles à l’enseignement de Jésus.

L’espérance est un don de Dieu. Elle est mise au plus profond du cœur de chaque personne afin qu’elle puisse éclairer de sa lumière le présent, souvent obscurci et assombri par tant de situations qui portent tristesse et douleur. Nous avons besoin d’affermir toujours davantage les racines de notre espérance, pour qu’elles puissent porter du fruit. En premier lieu, la certitude de la présence et de la compassion de Dieu, malgré le mal que nous avons accompli. Il n’y a pas d’endroit dans notre cœur qui ne puisse pas être atteint par l’amour de Dieu. Là où il y a une personne qui a commis une faute, là se fait encore plus présente la miséricorde du Père, pour susciter le repentir, le pardon, la réconciliation.

Aujourd’hui, nous célébrons le Jubilé de la Miséricorde pour vous et avec vous, frères et sœurs détenus. Et c’est à cette expression de l’amour de Dieu, la miséricorde, que nous sentons le besoin de nous confronter. Certes, le manquement à la loi a mérité la condamnation ; et la privation de la liberté est la forme la plus lourde de la peine qui est purgée, car elle touche la personne dans son fond le plus intime. Et pourtant, l’espérance ne peut s’évanouir. Une chose, en effet, est ce que nous méritons pour le mal fait ; autre chose, en revanche, est le fait de ‘‘respirer’’ l’espérance, qui ne peut être étouffé par rien ni par personne. Notre cœur espère toujours le bien ; nous le devons à la miséricorde avec laquelle Dieu vient à notre rencontre sans jamais nous abandonner (cf. Augustin, Sermon 254, 1).

Dans la Lettre aux Romains, l’apôtre Paul parle de Dieu comme du « Dieu de l’espérance » (Rm 15, 13). C’est comme s’il voulait nous dire que Dieu aussi espère ; et aussi paradoxal que cela puisse paraître, il en est précisément ainsi : Dieu espère ! Sa miséricorde ne le laisse pas tranquille. Il est comme ce Père de la parabole, qui espère toujours le retour de son fils qui a commis une faute (cf. Lc 15, 11-32). Il n’y a ni trêve ni repos pour Dieu jusqu’à ce qu’il retrouve la brebis qui s’était perdue ( cf. Lc 15, 5). Donc, si Dieu espère, alors l’espérance ne peut être enlevée à personne, car elle est la force pour aller de l’avant ; elle est la tension vers l’avenir pour transformer la vie ; elle est un élan vers demain, afin que l’amour dont, malgré tout, nous sommes aimés, puisse devenir un chemin nouveau…. En somme, l’espérance est la preuve intérieure de la force de la miséricorde de Dieu, qui demande de regarder devant et de vaincre, par la foi et l’abandon à lui, l’attraction vers le mal et le péché.

Chers détenus, c’est le jour de votre Jubilé ! Qu’aujourd’hui, devant le Seigneur, votre espérance soit allumée. Le Jubilé, par sa nature même, porte en soi l’annonce de la libération (cf. Lv 25, 39-46). Il ne dépend pas de moi de pouvoir la concéder ; mais susciter en chacun de vous le désir de la vraie liberté est une tâche à laquelle l’Église ne peut renoncer. Parfois, une certaine hypocrisie porte à voir en vous uniquement des personnes qui ont commis une faute, pour lesquelles l’unique voie est celle de la prison. On ne pense pas à la possibilité de changer de vie, il y a peu de confiance dans la réhabilitation. Mais de cette manière, on oublie que nous sommes tous pécheurs et que, souvent, nous sommes aussi des prisonniers sans nous en rendre compte. Lorsqu’on s’enferme dans ses propres préjugés, ou qu’on est esclave des idoles d’un faux bien-être, quand on s’emmure dans des schémas idéologiques ou qu’on absolutise les lois du marché qui écrasent les personnes, en réalité, on ne fait rien d’autre que de se mettre dans les murs étroits de la cellule de l’individualisme et de l’autosuffisance, privé de la vérité qui génère la liberté. Et montrer du doigt quelqu’un qui a commis une faute ne peut devenir un alibi pour cacher ses propres contradictions.

Nous savons, en effet, que personne devant Dieu ne peut se considérer juste (cf. Rm 2, 1-11). Mais personne ne peut vivre sans la certitude de trouver le pardon ! Le larron repenti, crucifié avec Jésus, l’a accompagné au paradis (cf. Lc 23, 43). Que personne d’entre vous, par conséquent, ne s’enferme dans le passé ! Certes, le passé, même si nous le voulions, ne peut être réécrit. Mais l’histoire qui commence aujourd’hui, et qui regarde l’avenir, est encore toute à écrire, avec la grâce de Dieu et avec votre responsabilité personnelle. En apprenant des erreurs du passé, on peut ouvrir un nouveau chapitre de la vie. Ne tombons pas dans la tentation de penser de ne pouvoir être pardonnés. Quelle que soit la chose, petite ou grande, que le cœur nous reproche, « Dieu est plus grand que notre cœur « (cf. 1 Jn 3, 20) : nous devons uniquement nous confier à sa miséricorde.

La foi, même si elle petite comme un grain de sénevé, est en mesure de déplacer les montagnes (cf. Mt 17, 20). Que de fois la force de la foi a permis de prononcer le mot pardon dans des conditions humainement impossibles ! Des personnes qui ont subi des violences et des abus dans leur propre chair ou dans leurs proches ou dans leurs biens… Seule la force de Dieu, la miséricorde, peut guérir certaines blessures. Et là où on répond à la violence par le pardon, là aussi le cœur de celui qui a commis une faute peut être vaincu par l’amour qui l’emporte sur toute forme de mal. Et ainsi, parmi les victimes et parmi les coupables, Dieu suscite d’authentiques témoins et artisans de miséricorde.

Aujourd’hui, nous vénérons la Vierge Marie dans cette statue qui la représente comme la Mère qui porte dans ses bras Jésus avec une chaîne rompue, la chaîne de l’esclave et de la détention. Qu’elle tourne vers chacun de vous son regard maternel ; qu’elle fasse jaillir de votre cœur la force de l’espérance pour une vie nouvelle et digne d’être vécue dans la pleine liberté et au service du prochain.

Visite du Pape en Suède: Homélie lors de la rencontre oecuménique en la cathédrale luthérienne de Lund

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« Demeurez en moi, comme moi en vous » (Jn 15, 4). Ces paroles, prononcées par Jésus dans le contexte de la dernière Cène, nous permettent de nous approcher du cœur du Christ peu avant qu’il ne se livre définitivement sur la croix. Nous pouvons sentir les battements [de cœur] de son amour pour nous et son désir d’unité pour tous ceux qui croient en lui. Il nous dit qu’il est la vraie vigne et nous, les sarments ; et que, comme lui est uni au Père, de même nous devons être unis à lui, si nous voulons porter du fruit.

            Dans cette rencontre de prière, ici à Lund, nous voulons manifester notre désir commun de rester unis à lui pour avoir la vie. Nous lui demandons : ‘‘Seigneur, aide-nous par ta grâce à être plus unis à toi pour porter ensemble un témoignage plus efficace de foi, d’espérance et de charité’’. C’est également un moment pour remercier Dieu de l’effort de tant de nos frères, de différentes communautés ecclésiales, qui ne se sont pas résignés à la division, mais ont maintenu vivante l’espérance de la réconciliation de tous ceux qui croient dans l’unique Seigneur.

            Catholiques et Luthériens, nous avons commencé à marcher ensemble sur un chemin de réconciliation. À présent, dans le contexte de la commémoration commune de la Réforme de 1517, nous avons une opportunité nouvelle pour prendre un chemin commun, qui durant les cinq dernières années a progressivement pris forme dans le dialogue œcuménique entre la Fédération Luthérienne Mondiale et l’Église catholique. Nous ne pouvons pas nous résigner à la division et à l’éloignement que la séparation a provoquée entre nous. Nous avons l’occasion de réparer un moment crucial de notre histoire, en surmontant les controverses et lescapture-decran-2016-10-31-a-10-18-09 malentendus qui souvent nous ont empêchés de nous comprendre les uns les autres.

            Jésus nous dit que le Père est le vigneron (cf. v. 1), qu’il prend soin du sarment et le taille pour qu’il porte plus de fruit (cf. v. 2). Le Père se soucie constamment de notre relation avec Jésus, pour voir si nous sommes vraiment unis à lui (cf. v. 4). Il nous regarde, et son regard d’amour nous encourage à purifier notre passé et à travailler dans le présent pour faire de cet avenir d’unité que nous désirons une réalité.

            Nous aussi, nous devons regarder avec amour et honnêteté notre passé et reconnaître notre faute et demander pardon, Dieu seul est juge. On doit reconnaître avec la même honnêteté et le même amour que notre division s’éloignait de l’intuition originelle du peuple de Dieu, qui désire être uni, et que notre division a été historiquement perpétuée plus par des hommes de pouvoir de ce monde que par la volonté du peuple fidèle, qui toujours et en tout lieu a besoin d’être guidé avec assurance et tendresse par son Bon Pasteur. Toutefois, il y avait une volonté sincère des deux côtés de professer et de défendre la vraie foi, mais aussi nous sommes conscients que nous avons enfermé en nous-mêmes, par crainte et à cause de préjugés, la foi que les autres professent avec un accent et un langage différents. Le Pape Jean-Paul II disait : « Nous ne pouvons pas nous laisser guider par le désir de nous ériger en juges de l’histoire, mais uniquement par le désir de comprendre mieux les événements et de parvenir à être des porteurs de la vérité » (Message au Cardinal Johannes Willebrands, Président du Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens, 31 octobre 1983). Dieu est le vigneron, qui avec un amour immense prend soin de la vigne et la protège ; laissons-nous émouvoir par le regard de Dieu ; la seule chose qu’il souhaite, c’est que nous demeurions comme des sarments vivants unis à son Fils Jésus. Par ce nouveau regard sur le passé, nous ne prétendons pas réaliser une correction impossible de ce qui s’est passé mais « raconter cette histoire  d’une manière différente » (Commission Luthérienne-Catholique Romaine sur l’unité, Du conflit à la communion, 17 juin 2013, n. 16).

            Jésus nous rappelle : « En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » (v. 5). Il est celui qui nous soutient et nous encourage à chercher les moyens pour que l’unité soit une réalité toujours plus évidente. Sans doute, la séparation a été une source immense de souffrance et d’incompréhensions ; mais elle nous a également conduits à prendre sincèrement conscience que sans lui nous ne pouvons rien faire, en nous donnant la possibilité de mieux comprendre certains aspects de notre foi. Avec gratitude, nous reconnaissons que la Réforme a contribué à mettre davantage au centre la Sainte Écriture dans la vie de l’Église. À travers l’écoute commune de la parole de Dieu dans les Écritures, le dialogue entre l’Église catholique et la capture-decran-2016-10-31-a-10-15-59Fédération Luthérienne Mondiale, dont nous célébrons le 50ème anniversaire, a fait des progrès importants. Demandons au Seigneur que sa Parole nous maintienne unis, car elle est source d’aliment et de vie ; sans son inspiration nous ne pouvons rien faire.

            L’expérience spirituelle de Martin Luther nous interpelle et nous rappelle que  nous ne pouvons rien faire sans Dieu : ‘‘Comment puis-je avoir un Dieu miséricordieux ?’’ C’est la question qui hantait constamment Luther. En effet, la question de la relation juste avec Dieu est la question décisive de la vie. Comme on le sait, Luther a trouvé ce Dieu miséricordieux dans la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ incarné, mort et ressuscité. Par le concept ‘‘uniquement par la grâce divine’’, on nous rappelle que c’est toujours Dieu qui prend l’initiative et qu’il précède toute réponse humaine, en même temps qu’il cherche à susciter cette réponse. La doctrine de la justification, par conséquent, exprime l’essence de l’existence humaine face à Dieu.

            Jésus intercède pour nous comme médiateur auprès du Père et il lui demande l’unité de ses disciples « pour que le monde croie » (Jn 17, 21). C’est ce qui nous réconforte et nous encourage à nous unir à Jésus pour lui demander avec insistance : ‘‘Donne-nous le don de l’unité pour que le monde croie dans le pouvoir de ta miséricorde’’. C’est le témoignage que le monde attend de nous. Nous les chrétiens, nous serons un témoignage crédible de la miséricorde dans la mesure où le pardon, la rénovation et la réconciliation sont une expérience quotidienne au milieu de nous. Ensemble, nous pouvons annoncer et manifester de manière concrète et avec joie la miséricorde de Dieu, en défendant et en servant la dignité de chaque personne. Sans ce service au monde et dans le monde, la foi chrétienne est incomplète.

            Luthériens et Catholiques, nous prions ensemble dans cette Cathédrale et nous sommes conscients qu’en dehors de Dieu nous ne pouvons rien faire ; nous demandons son aide pour être des membres vivants unis à lui, ayant toujours besoin de sa grâce pour pouvoir porter ensemble sa Parole au monde, qui a besoin de sa tendresse et de sa miséricorde.

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Homélie du pape François lors de la Messe de canonisation de sept nouveaux saints

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Ce dimanche 16 octobre sur la Place Saint-Pierre, devant une multitude d’environ 80 000 personnes, le pape François a présidé la Messe de canonisation de 7 nouveaux saint. José Sánchez del Río (Mexique); Salomon Leclercq (France); José Gabriel del Rosario Brochero (Argentine); Manuel González García (Espagne); Lodovico Pavoni (Italie); Alfonso Maria Fusco (Italie) et Elizabeth de la Trinité (France). Vous trouverez ci-dessous l’homélie telle que prononcée par le Pape lors de cette célébration:

Au début de la célébration d’aujourd’hui, nous avons adressé au Seigneur cette prière : « Crée en nous un cœur généreux et fidèle afin que nous puissions toujours te servir avec loyauté et pureté de cœur » (Oraison de la collecte)

Nous tout seuls, nous ne sommes pas capables de nous former un tel cœur, Dieu seul peut le faire, et pour cela nous le demandons dans la prière, nous l’invoquons de Lui comme un don, comme sa “création”. De cette manière nous sommes introduits dans le thème de la prière, qui est au centre des lectures bibliques de ce dimanche et qui nous interpelle nous aussi, nous qui sommes rassemblés pour la canonisation de nouveaux Saints et Saintes. Ils ont atteint le but, ils ont eu un cœur généreux et fidèle, grâce à la prière : ils ont prié avec toutes leurs forces, ils ont lutté, et ils ont vaincu.

Prier, donc. Comme Moïse, qui a été surtout un homme de Dieu, un homme de prière. Nous le voyons aujourd’hui dans l’épisode de la bataille contre Amalec, debout sur la colline avec les mains levées ; mais à chaque fois, à cause du poids, les mains retombaient, et dans ces moments le peuple avait le dessous ; alors Aaron et Hour firent asseoir Moïse sur une pierre et ils soutenaient ses mains levées, jusqu’à la victoire finale. Voilà le style de vie spirituelle que nous demande l’Église : non pour gagner la guerre, mais pour gagner la paix ! Dans l’épisode de Moïse, il y a un message important : l’engagement de la prière demande de nous soutenir l’un l’autre. La fatigue est inévitable, parfois nous n’en pouvons plus, mais avec le soutien des frères, notre prière peut aller de l’avant, jusqu’à ce que le Seigneur porte son œuvre à son terme.

Saint Paul, écrivant à son disciple et collaborateur Timothée, lui recommande de demeurer ferme dans ce qu’il a appris et dans ce en quoi il croit fermement (cf. 2 Tm 3, 14). Toutefois, Timothée lui aussi ne pouvait pas y arriver tout seul : la “bataille” de la persévérance ne se remporte pas sans la prière. Mais pas une prière sporadique, en dents de scie, mais faite comme Jésus l’enseigne dans l’Évangile d’aujourd’hui : « toujours prier, sans se décourager » (Lc 18, 1). C’est la manière d’agir chrétienne : être fermes dans la prière pour rester fermes dans la foi et dans le témoignage. Et voici de nouveau une voix au dedans de nous : “Mais Seigneur, comment est-il possible de ne pas se décourager ? Nous sommes des êtres humains… Moïse aussi s’est découragé ! …”. C’est vrai, chacun de nous se décourage. Mais nous ne sommes pas seuls, nous faisons partie d’un Corps ! Nous sommes membres du Corps du Christ, l’Église, dont les mains sont levées jour et nuit vers le ciel grâce à la présence du Christ ressuscité et de son Saint Esprit. Et seulement dans l’Église et grâce à la prière de l’Église, nous pouvons rester fermes dans la foi et dans le témoignage.

Nous avons écouté la promesse de Jésus dans l’Évangile : Dieu fera justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit (cfr Lc 18, 7). C’est le mystère de la prière : crier, ne pas se décourager, et si tu te décourages, demander de l’aide pour tenir les mains levées. C’est la prière que Jésus nous a révélée et nous a donnée dans l’Esprit Saint. Prier ce n’est pas se réfugier dans un monde idéal, ce n’est pas s’évader dans une fausse quiétude égoïste. Au contraire, prier c’est lutter, c’est aussi laisser l’Esprit Saint prier en nous. C’est l’Esprit Saint qui nous enseigne à prier, qui nous guide dans la prière, qui nous fait prier comme des enfants.

Les saints sont des hommes et des femmes qui entrent jusqu’au fond dans le mystère de la prière. Des hommes et des femmes qui luttent avec la prière, laissant l’Esprit Saint prier et lutter en eux ; ils luttent jusqu’au bout, avec toutes leurs forces, et ils vainquent, mais pas tout seuls : le Seigneur vainc en eux et avec eux. Ainsi ces sept témoins qui ont été canonisés aujourd’hui, ont combattu la bonne bataille de la foi et de l’amour avec la prière. C’est pourquoi ils sont restés fermes dans la foi, avec le cœur généreux et fidèle. Que par leur exemple et leur intercession, Dieu nous accorde à nous aussi d’être des hommes et des femmes de prière ; de crier jour et nuit vers Dieu sans nous décourager ; de laisser l’Esprit Saint prier en nous, et de prier en nous soutenant les uns les autres pour rester les mains levées, jusqu’à ce que vainque la Divine Miséricorde.

[01651-FR.01] [Texte original: Italien]

Homélie du pape François lors de la Messe pour le Jubilé marial

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Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie du pape François lors de la Messe pour le Jubilé mariale telle que prononcée sur la Place Saint-Pierre:

L’Évangile de ce dimanche (cf. Lc 17, 11-19) nous invite à reconnaître avec étonnement et gratitude les dons de Dieu. Sur la route qui le conduit vers la mort et vers la résurrection, Jésus rencontre dix lépreux, qui vont à sa rencontre, s’arrêtent à distance et crient leur malheur à l’adresse de cet homme chez qui leur foi a perçu un éventuel sauveur : « Jésus, maître, prends pitié de nous » (v. 13). Ils sont malades et cherchent quelqu’un pour les guérir. Jésus, en répondant, leur dit d’aller se présenter aux prêtres, qui, selon la loi, étaient chargés de certifier une guérison éventuelle. Ainsi, il ne se limite pas à faire une promesse, mais met leur foi à l’épreuve. À ce moment-là, en effet, les dix ne sont pas encore guéris. Ils recouvrent la santé, tandis qu’ils sont en chemin, après avoir obéi à la parole de Jésus. Alors, tous remplis de joie, ils se sont présentés aux prêtres, et ensuite ils s’en sont allés chacun son chemin, oubliant cependant le Donateur, c’est-à-dire le Père qui les a guéris par l’intermédiaire de Jésus, son Fils fait homme.

Un seul fait exception : un samaritain, un étranger qui vit en marge du peuple élu, presqu’un païen ! Cet homme ne se contente d’avoir obtenu la guérison à travers sa propre foi, mais il fait en sorte que cette guérison atteigne sa plénitude en revenant exprimer sa gratitude personnelle pour le don reçu, reconnaissant en Jésus le vrai Prêtre qui, après l’avoir relevé et sauvé, peut le mettre en chemin et l’accueillir parmi ses disciples.

Savoir remercier, savoir louer pour ce que le Seigneur fait pour nous, combien c’est important! Et alors, nous pouvons nous demander: sommes-nous capables de dire merci? Combien de fois nous disons-nous merci en famille, en communauté, dans l’Église ? Combien de fois disons-nous merci à celui qui nous aide ecapture-decran-2016-10-09-a-10-06-51t quinous est proche, à celui qui nous accompagne dans la vie ? Souvent, nous tenons tout pour acquis ! Et cela se produit également vis-à-vis de Dieu. Il est faciled’aller vers le Seigneur demander quelque chose, mais revenir pour remercier…. C’est pourquoi, Jésus souligne avec force le manquement des neuf lépreux ingrats : « Tous les dix n’ont- ils pas été purifiés ? Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! » (Lc 17, 17-18).

En cette journée jubilaire, un modèle, mieux, le modèle à regarder, nous est présenté : Marie, notre Mère. Après avoir reçu l’annonce de l’Ange, elle a laissé jaillir de son cœur un chant de louange et de gratitude à Dieu : « Mon âme exalte le Seigneur… ». Demandons à la Vierge de nous aider à comprendre que tout est don de Dieu, et à savoir remercier : alors, notre joie sera pleine.

Pour savoir remercier, il faut aussi de l’humilité. Dans la première lecture, nous avons écouté l’histoire singulière de Naaman, commandant de l’armée du roi d’Aram (cf. 2 R 5, 14-17). Atteint de lèpre, pour obtenir la guérison, il accepte la suggestion d’une pauvre esclave et se fie au traitement du prophète Élisée, qui pour lui est un ennemi. Cependant, Naaman est disposé à s’humilier. Et Élisée ne lui demande rien, il lui ordonne de se baigner dans les eaux du fleuve Jourdain. Cette requête laisse Naaman perplexe, voire contrarié : peut-il être vraiment un Dieu, celui qui demande des choses aussi banales ? Il voudrait faire demi-tour, mais finalement il accepte de se baigner dans le Jourdain et il est immédiatement guéri.

Le cœur de Marie, plus que n’importe quel autre, est un cœur humble et capable d’accueillir les dons de Dieu. Et Dieu, pour se faire homme, l’a choisie, précisément elle, une fille simple de Nazareth, qui ne vivait pas dans les palais du pouvoir et de la richesse, qui n’a pas accompli des œuvres extraordinaires. Demandons-nous si nous sommes disposés à recevoir les dons de Dieu, ou si nous préférons plutôt nous enfermer dans les sécurités matérielles, dans les sécurités intellectuelles, dans les sécurités de nos projets.

Il est significatif que Naaman et le samaritain soient deux étrangers. Que d’étrangers, y compris des personnes d’autres religions, nous donnent l’exemple de valeurs que nous oublions parfois ou négligeons ! Celui qui vit à côté de nous, peut-être méprisé et marginalisé parce qu’il est un étranger, peut nous enseigner cependant comment marcher sur la voie que le Seigneur veut. La Mère de Dieu, elle aussi, avec son époux Joseph, a fait l’expérience de l’éloignement de sa terre. Pendant longtemps, elle aussi a été une étrangère en Égypte, loin de ses parents et de ses amis. Mais sa foi a su vaincre les difficultés. Accrochons-nous fermement à cette foi simple de la Sainte Mère de Dieu ; demandons-lui de savoir revenir toujours vers Jésus et de lui exprimer notre gratitude pour les nombreux bienfaits de sa miséricorde.

[01607-FR.01] [Texte original: Italien]

Visiste du Pape Azerbaïdjan: Homélie lors de la Messe à Baku

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À 9:45, Le Saint-Père François a quitté l’aéroport international Heydar Aliyev de Baku en direction de l’église de l’Immaculée à proximité du Centre Salésien de la ville pour la célébration de l’Eucharistie. À son arrivée le Pape a parcouru à pied la place devant l’église où s’étaient réunis une centaine de fidèle, pour ensuite se dirigé vers la sacristie.

À 10:30, le pape François a débuté la célébration de la Messe du 27e dimanche du temps ordinaire. À la fin de la célébration, le père Padre Vladimír Fekete,préfet apostolique de l’Azerbaïdjan, a offert ses plus sincères salutations au Saint-Père.
Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie tel que prononcé par le pape François suite à la proclamation de l’Évangile.

La Parole de Dieu nous présente aujourd’hui deux aspects essentiels de la vie chrétienne : la foi et le service. À propos de la foi, deux demandes particulières sont adressées au Seigneur.

La première est celle du prophète Habacuc, qui implore Dieu pour qu’il intervienne et rétablisse la justice et la paix que les hommes ont rompu par la violence, les querelles et les disputes « Combien de temps, Seigneur, vais-je appeler, sans que tu m’entendes ? » (Ha 1, 2), demande le prophète. Dieu, en répondant, n’intervient pas directement, il ne résout pas la situation d’une manière brusque, il ne se rend pas présent par la force. Au contraire, il invite à attendre avec patience, sans jamais perdre l’espérance ; surtout, il souligne l’importance de la foi. Parce que par sa foi, l’homme vivra (cf. Ha 2, 4). Ainsi Dieu fait de même avec nous : il ne cède pas à nos désirs qui voudraient changer le monde et les autres immédiatement et continuellement, mais il vise surtout à guérir le cœur, le mien, le tien, le cœur de chacun ; Dieu change le monde en changeant nos cœurs, et cela il ne peut le faire sans nous. Le Seigneur désire en effet que nous lui ouvrions la porte de notre cœur, pour pouvoir entrer dans notre vie. Cette ouverture à lui, cette confiance en Lui est vraiment « la victoire remportée sur le monde : c’est notre foi (cf. 1 Jn 5, 4). Parce que lorsque Dieu trouve un cœur ouvert et confiant, là il peut accomplir des merveilles.

Mais avoir la foi, une foi vive, n’est pas facile ; et voici alors la seconde demande, celle que dans l’Évangile les Apôtres adressent au Seigneur : «Augmente en nous la foi : » (Lc 17, 6). C’est une belle demande, une prière que nous aussi nous pourrions adresser à Dieu chaque jour. Mais la réponse divine est surprenante et aussi dans ce cas renverse la demande : « Si vous aviez de la foi… ». C’est Lui qui nous demande d’avoir de la foi. Parce que la foi, qui est un don de Dieu et est toujours demandée, est aussi cultivée de notre part. Ce n’est pas une force magique qui descend du ciel, ce n’est pas une “ dot ” qui se reçoit une fois pour toutes, et non plus un superpouvoir qui sert à résoudre les problèmescapture-decran-2016-10-02-a-10-16-07 de la vie. Parce qu’une foi utile pour satisfaire nos besoins serait une foi égoïste, toute centrée sur nous. La foi n’est pas confondue avec le bien-être ou avec le fait de se sentir bien, avec le fait d’être consolé dans l’âme parce que nous avons un peu de paix dans le cœur. La foi est un fil d’or qui nous lie au Seigneur, la pure joie de rester avec Lui, d’être unis à Lui ; c’est le don qui est valable pour la vie entière, mais qui porte du fruit si nous faisons notre part.

Et quelle est notre part ? Jésus nous fait comprendre que c’est le service. Dans l’Évangile en effet, le Seigneur fait tout de suite suivre aux paroles sur la puissance de la foi, celles sur le service. Foi et service ne peuvent se séparer, elles sont même étroitement liées, nouées entre elles. Pour m’expliquer, je voudrais utiliser une image qui vous est très familière, celle d’un beau tapis : vos tapis sont de véritables œuvres d’art et proviennent d’une histoire très ancienne. La vie chrétienne de chacun vient aussi de loin, c’est un don que nous avons reçu dans l’Église et qui provient du cœur de Dieu, notre Père, qui désire faire de chacun de nous un chef d’œuvre de la création et de l’histoire. Chaque tapis, vous le savez bien, est tissé selon la trame et la chaîne ; seulement avec cette structure l’ensemble se trouve bien composé et harmonieux. C’est ainsi pour la vie chrétienne : elle est chaque jour patiemment tissée, entrecroisant entre elles une trame et une chaîne bien définies : la trame de la foi et la chaîne du service. Quand à la foi se noue le service, le cœur se maintient ouvert et jeune, et il se dilate en faisant le bien. Alors la foi, comme dit Jésus dans l’Évangile, devient puissante et elle fait des merveilles. Si elle marche sur cette route, alors elle mûrit et devient forte, à condition qu’elle reste toujours unie au service.

Mais qu’est-ce que le service ? Nous pouvons penser qu’il consiste seulement à être fidèle aux propres devoirs ou à accomplir quelque œuvre bonne. Pour Jésus, c’est beaucoup plus. Dans l’Évangile d’aujourd’hui, il nous demande, avec des paroles très fortes, radicales, une disponibilité totale, une vie mise pleinement à disposition, sans calculs et sans bénéfices. Pourquoi est-il si exigeant ? Parce que Lui nous a aimés ainsi, se faisant notre serviteur « jusqu’au bout » (Jn 13, 1), venant « pour servir et donner sa vie » (Mc 10, 45). Et cela a lieu encore chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie : le Seigneur vient au milieu de nous et pour autant que nous puissions proposer de le servir et de l’aimer, capture-decran-2016-10-02-a-10-20-14c’est toujours Lui qui nous précède, nous servant et nous aimant plus que tout ce que nous imaginons ou méritons. Il nous donne sa vie-même. Et il nous invite à l’imiter, en nous disant : « Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive » (cf. Jn 12, 26).

Donc, nous ne sommes pas appelés à servir seulement pour avoir une récompense, mais pour imiter Dieu, qui s’est fait serviteur pour notre amour. Et nous ne sommes pas appelés à servir de temps et temps mais à vivre en servant. Le service est alors un style de vie, il résume même en lui tout le style de vie chrétien: servir Dieu dans l’adoration et dans la prière ; être ouverts et disponibles ; aimer concrètement le prochain : tout mettre en œuvre avec élan pour le bien commun.

Les tentations qui éloignent du style du service et finissent par rendre la vie inutile ne manquent pas aussi pour les croyants. Ici nous pouvons aussi en mettre deux en évidence. L’une est celle de laisser le cœur s’attiédir. Un cœur tiède se ferme dans une vie paresseuse et étouffe le feu de l’amour. Celui qui est tiède vit pour satisfaire ses propres aises, qui ne suffisent jamais, et ainsi il n’est jamais content ; peu à peu il finit par se contenter d’une vie médiocre. Le tiède réserve à Dieu et aux autres des “pourcentages” de son temps et de son cœur, sans jamais exagérer, et même en cherchant toujours à économiser. Ainsi la vie perd du goût : elle devient comme un thé qui était vraiment bon, mais qui lorsqu’il se refroidit ne peut plus se boire. Mais je suis certain que vous, regardant les exemples de ceux qui vous ont précédés dans la foi, ne laisserez pas votre cœur s’attiédir. L’Église entière, qui nourrit pour vous une sympathie spéciale, vous regarde et vous encourage : vous êtes un petit troupeau si précieux aux yeux de Dieu !

Il y a une seconde tentation, dans laquelle on peut tomber non pas parce qu’on est passifs, mais parce qu’on est “trop actifs” : celle de penser comme des propriétaires, de se donner du mal seulement pour gagner du crédit et pour devenir quelqu’un. Le service devient alors un moyen et non une fin, parce que la fin est devenue le prestige ; ensuite vient le pouvoir, la volonté d’être grands. « Parmi vous, – rappelle Jésus à nous tous – il ne devra pas en être ainsi : Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur » (Mt 20, 26). Ainsi s’édifie et s’embellit l’Église. Reprenant l’image du tapis, en l’appliquant à votre belle communauté : chacun de vous est comme un splendide fil de soie, mais les fils différents créent une belle composition seulement s’ils sont bien tissés entre eux ; tout seuls, ils ne servent pas. Restez toujours unis, en vivant humblement dans la charité et dans la joie ; le Seigneur, qui crée l’harmonie dans les différences, vous gardera.

Que nous aide l’intercession de la Vierge Immaculée et des Saints, en particulier de sainte Teresa de Calcutta, dont les fruits de foi et de service sont au milieu de vous. Accueillons quelques- unes de ses paroles splendides, qui résument le message d’aujourd’hui : « Le fruit de la foi est l’amour. Le fruit de l’amour est le service. Le fruit du service est la paix » (Le chemin simple, Introduction).

[01527-FR.01] [Texte original: Italien]

Homélie du pape François lors de la Messe de clôture des XXXIe Journée mondiale de la jeunesse à Cracovie

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Chers jeunes, vous êtes venus à Cracovie pour rencontrer Jésus. Et l’Évangile aujourd’hui nous parle justement de la rencontre entre Jésus et un homme, Zachée, à Jéricho (cf. Lc 19, 1-10). Là, Jésus ne se limite pas à prêcher, ou à saluer chacun, mais il veut – dit l’Évangéliste – traverser la ville (cf. v. 1). Jésus désire, en d’autres termes, s’approcher de la vie de chacun, parcourir notre chemin jusqu’au bout, afin que sa vie et notre vie se rencontrent vraiment.

Arrive ainsi la rencontre la plus surprenante, celle avec Zachée, le chef des “publicains”, c’est-à-dire des collecteurs d’impôts. Zachée était donc un riche collaborateur des occupants romains détestés ; c’était un exploiteur du peuple, quelqu’un qui, à cause de sa mauvaise réputation, ne pouvait même pas s’approcher du Maître. Mais la rencontre avec Jésus change sa vie, comme cela a été et peut être chaque jour pour chacun de nous. Zachée, cependant, a dû affronter certains obstacles pour rencontrer Jésus : au moins trois, qui peuvent nous dire quelque chose à nous aussi.

Le premier est la petite taille : Zachée ne réussissait pas à voir le Maître parce qu’il était petit. Aujourd’hui aussi nous pouvons courir le risque de rester à distance de Jésus parce que nous ne nous sentons pas à la hauteur, parce que nous avons une basse considération de nous-même. C’est une grande tentation, qui ne regarde pas seulement l’estime de soi, mais touche aussi la foi. Parce que la foi nous dit que nous sommes « enfants de Dieu et nous le sommes réellement » (1 Jn 3, 1) : nous avons été créés à son image ; Jésus a fait sienne notre humanité et son cœur ne se lassera jamais de nous ; l’Esprit Saint désire habiter en nous ; nous sommes appelés à la joie éternelle avec Dieu ! C’est notre “stature”, c’est notre identité spirituelle : nous sommes les enfants aimés de Dieu, toujours. Vous comprenez alors que ne pas s’accepter, vivre mécontents et penser en négatif signifie ne pas reconnaitre notre identité la plus vraie : c’est comme se tourner d’un autre côté tandis que Dieu veut poser son regard sur moi, c’est vouloir effacer le rêve qu’il nourrit pour moi. Dieu nous aime ainsi comme nous sommes, et aucun péché, défaut ou erreur ne le fera changer d’idée. Pour Jésus – l’Évangile nous le montre -, personne n’est inférieur et distant, personne n’est insignifiant, mais nous sommes tous préférés et importants : tu es important ! Et Dieu compte sur toi pour ce que tu es, non pour ce que tu as : à ses yeux ne vaut vraiment rien le vêtement que tu portes ou le téléphone portable que tu utilises : que tu sois à la mode ne lui importe pas, ce qui lui importe, c’est toi. Tu as de la valeur à ses yeux et ta valeur est inestimable.

Quand dans la vie, il nous arrive de viser en bas plutôt qu’en haut, cette grande vérité peut nous aider : Dieu est fidèle dans son amour pour nous, même obstiné. Cela nous aidera de penser qu’il nous aime plus que nous nous aimons nous-même, qu’il croit en nous plus que nous croyons en nous-même, qu’il “est toujours le supporter” pour nous comme le plus irréductible des supporters. Il nous attend toujours avec espérance, même lorsque nous nous refermons sur nos tristesses, ruminant sans cesse sur les torts reçus et sur le passé. Mais s’attacher à la tristesse n’est pas digne de notre stature spirituelle ! C’est même un virus qui infecte et bloque tout, qui ferme toute porte, qui empêche de relancer la vie, de recommencer. Dieu, au contraire est obstinément plein d’espoir : il croit toujours que nous pouvons nous relever et ne se résigne pas à nous voir éteints et sans joie. Parce que nous sommes toujours ses enfants bien-aimés. Rappelons-nous de cela au début de chaque journée. Cela nous fera du bien chaque matin de le dire dans la prière : “Seigneur, je te remercie parce que tu m’aimes; fais-moi aimer ma vie !”. Non pas mes défauts, qui se corrigent, mais la vie, qui est un grand don : c’est le temps pour aimer et pour être aimés.
Zachée avait un second obstacle sur le chemin de la rencontre avec Jésus : la honte qui paralyse.

Nous pouvons imaginer ce qui s’est passé dans le cœur de Zachée avant de monter sur ce sycomore, cela aura été une belle lutte : d’une part une bonne curiosité, celle de connaître Jésus ; de l’autre le risque de faire une terrible piètre figure. Zachée était un personnage public ; il savait qu’en essayant de monter sur l’arbre, il serait devenu ridicule aux yeux de tous, lui, un chef, un homme de pouvoir. Mais il a surmonté la honte, parce que l’attraction de Jésus était plus forte. Vous aurez fait l’expérience de ce qui arrive lorsqu’une personne devient si attirante au point d’en tomber amoureux : il peut arriver alors de faire volontiers des choses qui ne se seraient jamais faites. Quelque chose de semblable arrive dans le cœur de Zachée, quand il sentit que Jésus était si important qu’il aurait fait n’importe quoi pour lui, parce qu’il était le seul qui pouvait le tirer hors des sables mouvants du péché et du mécontentement. Et ainsi la honte qui paralyse n’a pas eu le dessus : Zachée – dit l’Évangile- « courut en avant », « grimpa » et ensuite quand Jésus l’appela, « il descendit vite » (vv. 4.6). Il a risqué et il s’est mis en jeu. Cela est aussi pour nous le secret de la joie : ne pas éteindre la belle curiosité, mais se mettre en jeu, parce que la vie ne s’enferme pas dans un tiroir. Devant Jésus on ne peut rester assis en attendant les bras croisés ; à Lui, qui nous donne la vie, on ne peut répondre par une pensée ou un simple “petit message”!

Chers jeunes, n’ayez pas honte de tout lui porter, spécialement vos faiblesses, vos peines et vos péchés dans la confession : Lui saura vous surprendre avec son pardon et sa paix. N’ayez pas peur de lui dire “oui” avec tout l’élan de votre cœur, de lui répondre généreusement, de le suivre ! Ne vous laissez pas anesthésier l’âme, mais visez l’objectif du bel amour, qui demande aussi le renoncement, et un “non” fort au doping du succès à tout prix et à la drogue de penser seulement à soi et à ses propres aises.

Après la basse stature et la honte qui paralyse, il y a un troisième obstacle que Zachée a dû affronter, non plus à l’intérieur de lui, mais autour de lui. C’est la foule qui murmure, qui l’a d’abord arrêté et puis l’a critiqué : Jésus ne devait pas entrer dans sa maison, la maison d’un pécheur ! Comme il est difficile d’accueillir vraiment Jésus, comme il est dur d’accepter un « Dieu, riche en miséricorde » (Ep 2, 4). Ils pourront vous empêcher, en cherchant à vous faire croire que Dieu est distant, raide et peu sensible, bon avec les bons et mauvais avec les mauvais. Au contraire, notre Père « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons » (Mt 5, 45) et il nous invite au vrai courage : être plus forts que le mal en aimant chacun, même les ennemis. Ils pourront rire de vous, parce que vous croyez dans la force douce et humble de la miséricorde. N’ayez pas peur, mais pensez aux paroles de ces jours : « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Mt 5, 7). Ils pourront vous juger comme des rêveurs, parce que vous croyez en une humanité nouvelle, qui n’accepte pas la haine entre les peuples, ne voit pas les frontières des pays comme des barrières et garde ses propres traditions sans égoïsmes ni ressentiments. Ne vous découragez pas : avec votre sourire et avec vos bras ouverts, prêchez l’espérance et soyez une bénédiction pour l’unique famille humaine, qu’ici vous représentez si bien !

La foule, ce jour-là, a jugé Zachée, elle l’a regardé de haut en bas ; Jésus au contraire, a fait l’inverse : il a levé son regard vers lui (v. 5). Le regard de Jésus va au-delà des défauts et voit la personne ; il ne s’arrête pas au mal du passé, mais il entrevoit le bien dans l’avenir ; il ne se résigne pas devant les fermetures, mais il recherche la voie de l’unité et de la communion ; au milieu de tous, il ne s’arrête pas aux apparences, mais il regarde le cœur. Avec ce regard de Jésus, vous pouvez faire croître une autre humanité, sans attendre qu’ils vous disent “bravo”, mais en cherchant le bien pour lui-même, heureux de garder le cœur intègre et de lutter pacifiquement pour l’honnêteté et la justice. Ne vous arrêtez pas à la superficie des choses et défiez-vous des liturgies mondaines du paraître, du maquillage de l’âme pour sembler meilleurs. Au contraire, installez bien la connexion la plus stable, celle d’un cœur qui voit et transmet le bien sans se lasser. Et cette joie que gratuitement vous avez reçu de Dieu, donnez-la gratuitement (cf. Mt 10, 8), parce que beaucoup l’attendent !

Enfin, écoutons les paroles de Jésus à Zachée, qui semblent dites spécialement pour nous aujourd’hui : « Descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison » (v. 5). Jésus t’adresse la même invitation : “Aujourd’hui, je dois demeurer dans ta maison”. Les JMJ, pourrions- nous dire, commencent aujourd’hui et continuent demain, à la maison, parce que c’est là que Jésus veut te rencontrer à partir de maintenant. Le Seigneur ne veut pas rester seulement dans cette belle ville ou dans de chers souvenirs, mais il désire venir chez toi, habiter ta vie de chaque jour : les études et les premières années de travail, les amitiés et les affections, les projets et les rêves. Comme il lui plaît que dans la prière, tout cela lui soit porté ! Comme il espère que parmi tous les contacts et les chat de chaque jour il y ait à la première place le fil d’or de la prière ! Comme il désire que sa Parole parle à chacune de tes journées, que son Évangile devienne tien, et qu’il soit ton “navigateur” sur les routes de la vie !

Pendant qu’il te demande de venir chez toi, Jésus, comme il a fait avec Zachée, t’appelle par ton nom. Ton nom est précieux pour Lui. Le nom de Zachée évoquait, dans la langue de l’époque, le souvenir de Dieu. Confiez-vous au souvenir de Dieu : sa mémoire n’est pas un “disque dur” qui enregistre et archive toutes nos données, mais un cœur tendre de compassion, qui se réjouit d’effacer définitivement toutes nos traces de mal. Essayons, nous aussi, maintenant, d’imiter la mémoire fidèle de Dieu et de conserver le bien que nous avons reçu en ces jours. En silence, faisons mémoire de cette rencontre, gardons le souvenir de la présence de Dieu et de sa Parole, ravivons en nous la voix de Jésus qui nous appelle par notre nom. Ainsi prions en silence, en faisant mémoire, en remerciant le Seigneur qui ici nous a voulus et nous a rencontrés.

[01215-FR.01] [Texte original: Italien]

Homélie du pape François lors de la messe avec les prêtres, religieux, religieuses, consacrés et séminaristes polonais

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Vous trouverez ci-dessous le texte de l’homélie de la messe avec les prêtres, religieux, religieuses, consacrés et séminaristes polonais, samedi 30 juillet :

Le passage de l’Évangile que nous avons entendu (cf. Jn 20, 19-31) nous parle d’un lieu, d’un disciple et d’un livre. 

Le lieu est celui où se trouvaient les disciples le soir de Pâques : de celui-ci on dit seulement que ses portes étaient verrouillées (cf. v. 19). Huit jours après, les disciples se trouvaient encore dans cette maison, et les portes étaient encore verrouillées (cf. v. 26). Jésus y entre, se place au milieu et apporte sa paix, l’Esprit Saint et le pardon des péchés : en un mot, la miséricorde de Dieu. À l’intérieur de ce lieu fermé l’invitation que Jésus adresse aux siens résonne avec force : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie » (v. 21).

Jésus envoie. Lui, il désire, dès le début, que l’Église soit en sortie, qu’elle aille dans le monde. Et il veut qu’on le fasse comme lui-même a fait, comme lui a été envoyé dans le monde par le Père : non en puissant, mais dans la condition de serviteur (cf. Ph 2, 7), non « pour être servi, mais pour servir » (Mc 10, 45) et pour porter la Bonne Nouvelle (cf. Lc 4, 18) ; ainsi, les siens sont aussi envoyés, en tout temps. Le contraste est frappant : tandis que les disciples ferment les portes par crainte, Jésus les envoie en mission ; il veut qu’ils ouvrent les portes et sortent pour répandre le pardon et la paix de Dieu, avec la force de l’Esprit Saint. 

Cet appel est aussi pour nous. Comment ne pas y entendre l’écho de la grande invitation de saint Jean-Paul II : “Ouvrez les portes !” ? Toutefois, dans notre vie de prêtres et de consacrés, il peut y avoir souvent la tentation de rester, par crainte ou par commodité, un peu enfermés sur nous-mêmes et sur nos milieux. Mais la direction que Jésus indique est à sens unique : sortir de nous-mêmes. C’est un voyage sans billet de retour. Il s’agit d’accomplir un exode de notre moi, de perdre sa vie pour Lui (cf. Mc 8, 35), en suivant la voie du don de soi. D’autre part, Jésus n’aime pas les chemins parcourus à moitié, les portes laissées entrouvertes, les vies à deux quais. Il demande de se mettre en chemin en étant légers, de sortir en renonçant à ses propres sécurités, établis seulement en Lui. 

En d’autres termes, la vie de ses disciples les plus intimes, ceux que nous sommes appelés à être, est faite d’amour concret, c’est-à-dire de service et de disponibilité ; c’est une vie où il n’existe pas d’espaces clos et de propriétés privées pour ses propres commodités. Celui qui a choisi de conformer toute son existence sur Jésus ne choisit pas ses propres lieux, mais il va là où il est envoyé ; prêt à répondre à celui qui l’appelle, il ne choisit plus, pas même ses propres temps. La maison où il habite ne lui appartient pas, parce que l’Église et le monde sont les lieux ouverts de sa mission. Son trésor se trouve dans le Seigneur au milieu de la vie, sans rechercher quelque chose d’autre pour soi. Il fuit ainsi les situations satisfaisantes qui le mettraient au centre, il ne se dresse pas sur les piédestaux branlants des pouvoirs du monde et ne se complait pas dans les commodités qui amollissent l’évangélisation ; il ne perd pas de temps à faire des projets pour un avenir sûr et bien rétribué, pour ne pas risquer de devenir isolé et maussade, renfermé dans les murs étroits d’un égoïsme sans espérance et sans joie. Content dans le Seigneur, il ne se satisfait pas d’une vie médiocre, mais brûle du désir de témoigner et de rejoindre les autres ; il aime risquer et il sort, non contraint par des parcours déjà tracés, mais ouvert et fidèle aux caps indiquées par l’Esprit : au lieu de vivoter, il se réjouit d’évangéliser.

Dans l’Évangile d’aujourd’hui, en second lieu, émerge la figure de l’unique disciple nommé, Thomas. Dans son doute et dans son impatience de vouloir comprendre, ce disciple, aussi plutôt obstiné, nous ressemble un peu et nous est aussi sympathique. Sans le savoir, il nous fait un grand cadeau : il nous conduit plus près de Dieu, parce que Dieu ne se cache pas à celui qui le cherche. Jésus lui montre ses plaies glorieuses, il lui fait toucher de la main l’infinie tendresse de Dieu, les signes vivants de tout ce qu’il a souffert par amour des hommes.

Pour nous disciples, il est si important de mettre notre humanité au contact de la chair du Seigneur, c’est-à-dire lui porter, avec confiance et avec une sincérité totale, jusqu’au bout, ce que nous sommes. Jésus, comme il a dit à sainte Faustine, est content que nous lui parlions de tout, il ne se lasse pas de nos vies qu’il connaît déjà, il attend notre partage, jusqu’au récit de nos journées (cf. Diaire, 6 septembre 1937). On cherche Dieu ainsi, dans une prière qui soit transparente et qui n’oublie pas de confier et de remettre les misères, les peines et les résistances. Le cœur de Jésus est conquis par l’ouverture sincère, par des cœurs qui savent reconnaître et pleurer leurs propres faiblesses, confiants que la miséricorde divine agira justement là. Que nous demande Jésus ? Il désire des cœurs vraiment consacrés, qui vivent du pardon reçu de Lui, pour le reverser avec compassion sur les frères. Jésus cherche des cœurs ouverts et tendres envers les faibles, jamais durs ; des cœurs dociles et transparents, qui ne dissimulent pas devant celui qui a la tâche dans l’Église d’orienter le chemin. Le disciple n’hésite pas à poser des questions, il a le courage d’habiter le doute et de le porter au Seigneur, aux formateurs et aux Supérieurs, sans calculs ni réticences. Le disciple fidèle met en œuvre un discernement vigilant et constant, sachant que le cœur s’éduque chaque jour, à partir des affections, pour fuir toute duplicité dans les attitudes et dans la vie. 

L’apôtre Thomas, à la fin de sa recherche passionnée, n’est pas seulement parvenu à croire en la résurrection, mais il a trouvé en Jésus le tout de la vie, son Seigneur ; il lui a dit : « Mon Seigneur et mon Dieu » (v. 28). Cela nous fera du bien de prier chaque jour avec ces paroles splendides, avec lesquelles lui dire : tu es mon unique bien, la route de mon cheminement, le cœur de ma vie, mon tout.

Dans le dernier verset que nous avons entendu, on parle, enfin, d’un livre : c’est l’Évangile, dans lequel n’ont pas été écrits les nombreux autres signes accomplis par Jésus (v. 30). Après le grand signe de sa miséricorde, nous avons pu comprendre, il n’a pas été plus nécessaire d’ajouter autre chose. Mais il y a encore un défi, il y a un espace pour les signes accomplis par nous, qui avons reçu l’Esprit de l’amour et qui sommes appelés à répandre la miséricorde. On pourrait dire que l’Évangile, livre vivant de la miséricorde de Dieu, qui est lu et relu continuellement, a encore des pages blanches au fond : il reste un livre ouvert, que nous sommes appelés à écrire avec le même style, c’est-à-dire en accomplissant des œuvres de miséricorde. Je vous demande : les pages du livre de chacun de vous, comment sont-elles ? Sont-elles écrites chaque jour ? Sont-elles écrites un peu oui, un peu non ? Sont-elles blanches ? Que la Mère de Dieu nous aide en cela : qu’elle, qui a pleinement accueilli la Parole de Dieu dans sa vie (cf. Lc 8, 20-21), nous donne la grâce d’être des écrivains vivants de l’Évangile ; que notre Mère de miséricorde nous enseigne à prendre soin concrètement des plaies de Jésus dans nos frères et sœurs qui sont dans le besoin, de ceux qui sont proches comme de ceux qui sont loin, du malade comme du migrant, parce qu’en servant celui qui souffre, on honore la chair du Christ. Que la Vierge Marie nous aide à nous dépenser jusqu’au bout pour le bien des fidèles qui nous sont confiés, et à nous prendre en charge les uns les autres, comme de vrais frères et sœurs dans la communion de l’Église, notre sainte Mère.

Chers frères et sœurs, chacun de nous garde dans son cœur une page très personnelle du livre de la miséricorde de Dieu : c’est l’histoire de notre appel, la voix de l’amour qui a attiré et transformé notre vie, nous portant à tout laisser sur sa Parole et à le suivre (cf. Lc 5, 11). Ravivons aujourd’hui, avec gratitude, la mémoire de son appel, plus fort que toute résistance et fatigue. En continuant la célébration eucharistique, centre de notre vie, remercions le Seigneur, parce qu’il est entré à travers nos portes fermées avec sa miséricorde ; parce que comme Thomas, il nous a appelé par notre nom, afin qu’il nous donne la grâce de continuer à écrire son Évangile d’amour.

Homélie du pape François lors de la Messe de la Solennité des saints Pierre et Paul

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Bénédiction des pallia et Messe de la Solennité des saints Pierre et Paul

Lors de la Messe de Solennité des saints Pierre et Paul à 9h30 am dans la basilique vaticane, le pape François a béni les Pallia (du singulier « Pallium ») tiré de la confession de l’apôtre Pierre pour les nouveaux Archevêques métropolitains nommés au cours de la dernière année. Le Pallium sera ensuite imposé sur chacun des archevêques métropolitains par le représentant pontifical dans leur siège métropolitain et pays respectifs.

Après le rite de bénédiction des Pallia, le Pape a présidé à la Messe accompagné des nouveaux archevêques métropolitains. Comme le veux la coutume à l’occasion de la Fête des saints apôtres Pierre et Paul, patrons de la ville de Rome, furent présent lors de la Sainte Messe une délégation du Patriarcat Œcuménique de Constantinople. À la tête de cette délégation se trouvait le Patriarche Bartholomé 1er, Son Éminence Méthodios, Métropolitain de Boston, Son Excellence Job, Archevêque de Telmessos ainsi que le Révérend Diacre Patriarche Nephon Tsimalis.

Vous trouverez ci-dessous le texte complet de l’homélie telle que prononcée par le pape François :

La Parole de Dieu de cette liturgie contient un binôme central : fermeture / ouverture. Nous pouvons rapprocher aussi de cette image le symbole des clefs, que Jésus promet à Simon Pierre pour qu’il puisse ouvrir l’entrée du Royaume des cieux, et certainement pas pour la fermer aux gens, comme le faisaient certains scribes et pharisiens hypocrites que Jésus réprimandait (cf. Mt 23, 13).

La lecture des Actes des Apôtres (12, 1-11) nous présente trois fermetures : celle de Pierre en prison ; celle de la communauté recueillie en prière ; et – dans le contexte immédiat de notre texte – celle de la maison de Marie, mère de Jean surnommé Marc, où Pierre va frapper à la porte après avoir été libéré.

En ce qui concerne les fermetures, la prière apparaît comme la voie de sortie principale : voie de sortie pour la communauté, qui risque de se replier sur elle-même à cause de la persécution et de la peur ; voie de sortie pour Pierre, qui, encore au début de la mission qui lui a été confiée par le Seigneur, est jeté en prison par Hérode et risque la condamnation à mort. Et tandis que Pierre était en prison, « l’Église priait Dieu pour lui incessamment » (Ac 12, 5). Et le Seigneur répond à la prière et envoie son ange le libérer, ‘‘en l’arrachant aux mains d’Hérode’’ (cf. v. 11). La prière, en tant qu’humble abandon à Dieu et à sa sainte volonté, est toujours la voie de sortie de nos fermetures personnelles et communautaires. C’est la grande voie de sortie des fermetures.

De même Paul, en écrivant à Timothée, parle de son expérience de libération, de sortie du danger d’être lui aussi condamné à mort ; au contraire, le Seigneur lui a été proche et lui a donné la force de pouvoir porter à son achèvement son œuvre d’évangélisation des peuples (cf. 2 Tm 4, 17). Mais Paul parle d’une ‘‘ouverture’’ bien plus grande, vers un horizon infiniment plus vaste : celui de la vie éternelle, qui l’attend à la fin de sa ‘‘course’’ terrestre. Il est beau alors de voir la vie de l’Apôtre toute ‘‘en sortie’’ grâce àCapture d’écran 2016-06-29 à 10.12.16 l’Évangile : toute projetée en avant, d’abord pour porter le Christ à ceux qui ne le connaissent pas, et ensuite pour se jeter, pour ainsi dire, dans ses bras, et être conduit par lui, sain et sauf au ciel, dans son Royaume (cf. v. 18).

Retournons à Pierre. Le récit évangélique (Mt 16, 13-19) de sa confession de foi et de la mission qui lui a été confiée ensuite par Jésus nous montre que la vie de Simon, pêcheur galiléen, – comme la vie de chacun de nous – s’ouvre, s’épanouit pleinement lorsqu’elle accueille de Dieu le Père la grâce de la foi. Alors Simon se met en route – une route longue et dure – qui le conduira à sortir de lui-même, de ses sécurités humaines, surtout de son orgueil mêlé de courage et d’altruisme généreux. Dans ce parcours de libération, la prière de Jésus est décisive : « J’ai prié pour toi [Simon] afin que ta foi ne défaille pas » (Lc 22, 32). Et également décisif est le regard plein de compassion du Seigneur après que Pierre l’a eu renié trois fois : un regard qui touche le cœur et fait sécher les larmes de repentir (cf. Lc 22, 61-62). Alors Simon Pierre a été libéré de la prison de son moi orgueilleux, de son moi peureux, et il a surmonté la tentation de se fermer à l’appel de Jésus à le suivre sur la voie de la croix.

Comme je le disais, dans le contexte immédiat du passage des Actes des Apôtres il y a un détail qu’il peut nous faire du bien de noter (cf. 12, 12-17). Lorsque Pierre se retrouve miraculeusement libre, hors de la prison d’Hérode, il se rend dans la maison de la mère de Jean surnommé Marc. Il frappe à la porte, et de l’intérieur répond une domestique du nom de Rhodè, qui, ayant reconnu la voix de Pierre, au lieu d’ouvrir la porte, à la fois incrédule et pleine de joie, court rapporter la chose à sa patronne. Le récit, qui peut sembler comique – et qui peut donner origine au soi-disant “complexe de Rhodè”-, nous fait percevoir le climat de peur dans lequel se trouvait la communauté chrétienne, qui demeurait enfermée à la maison, et fermée aussi aux surprises de Dieu. Pierre frappe à la porte. “Regarde !”. Il y a de la joie, il y a de la peur… “Nous ouvrons, nous n’ouvrons pas ?…”. Et lui est en danger, parce que la police peut le prendre. Mais la peur nous arrête, elle nous arrête toujours ; elle nous ferme, elle nous ferme aux surprises de Dieu. Ce détail nous parle de la tentation qui existe toujours pour l’Église : celle de se replier sur elle-même, face aux dangers. Mais il y a aussi ici la spirale à travers laquelle peut passer l’action de Dieu : Luc dit que dans cette maison « se trouvaient rassemblés un certain nombre de personnes qui priaient » (v. 12). La prière permet à la grâce d’ouvrir une voie de sortie : de la fermeture vers l’ouverture, de la peur vers le courage, de la tristesse vers la joie. Et nous pouvons ajouter : de la division vers l’unité. Oui, nous le disons aujourd’hui, confiants, avec nos frères de la Délégation envoyée par le cher Patriarche Œcuménique Bartholomée, pour participer à la fête des Saints Patrons de Rome. Une fête de communion pour toute l’Église, comme le met aussi en évidence la présence des Archevêques Métropolitains venus pour la bénédiction des Palliums, qui leur seront imposés par mes Représentants dans leurs Sièges respectifs.

Que les saints Pierre et Paul intercèdent pour nous, afin que nous puissions parcourir avec joie ce chemin, faire l’expérience de l’action libératrice de Dieu et en témoigner à tous.

[01119-FR.02] [Texte original: Italien]

Homélie du pape François lors de la Messe de canonisation de Saint Stanislas de Jésus Marie Papczyński & Sainte Marie Élisabeth Hesselblad

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La Parole de Dieu que nous avons écoutée nous reconduit à l’événement central de la foi : la victoire de Dieu sur la souffrance et sur la mort. C’est l’Évangile de l’espérance jaillissant du Mystère pascal du Christ ; il irradie à partir de son visage qui révèle Dieu le Père, consolateur des affligés. C’est une Parole qui nous appelle à demeurer intimement unis à la passion de notre Seigneur Jésus, afin que se manifeste en nous la puissance de sa résurrection.

En effet, dans la Passion du Christ, il y a la réponse de Dieu au cri angoissé, et parfois indigné, que l’expérience de la souffrance et de la mort suscite en nous. Il s’agit de ne pas échapper de la Croix, mais de rester là, comme l’a fait la Vierge Mère, qui en souffrant avec Jésus a reçu la grâce d’espérer contre toute espérance (cf. Rm 4, 18).

Cela a aussi été l’expérience de Stanislas de Jésus Marie et de Marie Élisabeth Hesselblad, qui sont aujourd’hui proclamés saints : ils sont restés intimement unis à la passion de Jésus et la puissance de sa résurrection s’est manifestée en eux.

La première lecture et l’évangile de ce dimanche nous présentent justement deux signes prodigieux de résurrection : le premier opéré par le prophète Elie, le Capture d’écran 2016-06-05 à 09.30.17second par Jésus. Dans les deux cas, les morts sont de très jeunes fils de femmes veuves qui sont rendus vivants à leurs mères.

La veuve de Sarepta – une femme non juive, qui cependant avait accueilli dans sa maison le prophète Elie – s’est indignée contre le prophète et contre Dieu parce que, justement pendant qu’Elie était son hôte, son enfant était tombé malade et avait à présent expiré dans ses bras. Alors Elie dit à cette femme : « Donne-moi ton fils ! » (1 R17, 19). Voilà un mot-clé : il exprime l’attitude de Dieu devant notre mort (sous toutes ses formes) ; il ne dit pas : « Garde-le, arrange-toi ! », mais il dit : « Donne-le moi ». Et en effet, le prophète prend l’enfant et le porte dans la chambre à l’étage supérieur, et là, seul, dans la prière, « il lutte avec Dieu », le mettant devant l’absurdité de cette mort. Et le Seigneur écoute la voix d’Elie, parce qu’en réalité c’était Lui, Dieu, qui parlait et agissait à travers le prophète. C’était lui qui, par la bouche d’Elie, avait dit à la femme : « Donne- moi ton fils ». Et maintenant c’était Lui qui le rendait vivant à sa mère.

La tendresse de Dieu se révèle pleinement en Jésus. Nous avons entendu dans l’Évangile (Lc 7, 11-17) comme il a été saisi de compassion (cf. v. 13) pour cette veuve de Naïm, en Galilée, qui accompagnait son fils unique, encore adolescent, pour l’enterrer. Mais Jésus s’approche, touche le cercueil, arrête le cortège funèbre, et il aura certainement caressé le visage baigné de larmes de cette pauvre maman. « Ne pleure pas ! », lui dit-il (Lc 7, 13). Comme s’il lui demandait : « Donne-moi ton fils ». Jésus demande pour lui notre mort, afin de nous en libérer et de nous redonner la vie. En effet ce jeune s’est réveillé comme d’un sommeil profond et il a recommencé à parler. Et Jésus « le rendit à sa mère » (v. 15). Il n’est pas un magicien ! Il est la tendresse de Dieu incarnée ; en lui opère l’immense compassion du Père.

Que l’apôtre Paul d’ennemi et persécuteur féroce des chrétiens devienne témoin et héraut de l’Évangile (cf. Ga 1, 13-17) est aussi une espèce de résurrection. Ce Capture d’écran 2016-06-05 à 09.38.25changement radical n’a pas été son œuvre personnelle mais un don de la miséricorde de Dieu, qui l’« a mis à part » et l’« a appelé dans sa grâce » et a voulu révéler « en lui » son Fils pour qu’il annonce ce Fils parmi les nations (vv. 15-16). Paul dit qu’il a plu à Dieu le Père de révéler le Fils non seulement à lui mais aussi en lui, c’est-à-dire en imprimant dans sa personne, chair et esprit, la mort et la résurrection du Christ. Ainsi l’apôtre sera non seulement un messager, mais avant tout un témoin.

Et de même, avec les pécheurs, pris un à un, Jésus ne se lasse pas de faire resplendir la victoire de la grâce qui donne vie. Il dit à la Mère Église : « Donne-moi tes enfants », que nous sommes tous. Il prend sur lui nos péchés, les enlève et il nous redonne vivants à l’Église même. Et cela advient d’une manière spéciale durant cette Année Sainte de la Miséricorde.

Aujourd’hui, l’Église nous montre deux de ses enfants qui sont des témoins exemplaires de ce mystère de résurrection. Les deux peuvent chanter dans l’éternité avec les paroles du Psalmiste : « Tu as changé mon deuil en une danse, / sans fin, Seigneur, mon Dieu, je te rendrai grâce » (Ps 30, 12). Et tous ensemble nous nous unissons en disant : « Je t’exalte, Seigneur : tu m’as relevé » (Refrain du Psaume responsorial).

[00937-FR.01] [Texte original: Italien]

Homélie du pape François lors de la Messe et de la Procession Eucharistique pour la Solennité du Corpus Cristi

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« Faites cela en mémoire de moi » (1Co 11, 24.25)

Par deux fois, l’Apôtre Paul, écrivant à la communauté de Corinthe, rapporte de commandement de Jésus dans le récit de l’institution de l’Eucharistie. C’est le témoignage le plus ancien sur les paroles du Christ lors de la Dernière Cène.

« Faites cela ». C’est-à-dire prenez le pain, rendez grâce et rompez-le ; prenez le calice, rendez grâce et distribuez-le. Jésus commande de répéter le geste par lequel il a institué le mémorial de sa Pâque, au moyen duquel il nous a donné son Corps et son Sang. Et ce geste est parvenu jusqu’à nous : c’est le “faire” l’Eucharistie, qui a toujours Jésus comme sujet, mais qui se réalise à travers nos pauvres mains ointes d’Esprit Saint.

« Faites cela ». Déjà précédemment Jésus avait demandé aux disciples de “faire” ce qu’il avait déjà clair dans son esprit, en obéissance à la volonté du Père. Nous venons de l’entendre dans l’Évangile. Devant les foules fatiguées et affamées, Jésus dit aux disciples : « Donnez-leur vous- mêmes à manger » (Lc 9, 13). En réalité c’est Jésus qui bénit et rompt les pains jusqu’à rassasier tous ces gens, mais les cinq pains et les deux poissons ont été offerts par les disciples, et Jésus voulait précisément ceci : qu’au lieu de congédier la foule, ils mettent à sa disposition le peu qu’ils avaient. Et ensuite, il y a un autre geste : les morceaux de pain, rompus par les mains saintes et vénérables du Seigneur, passent dans les pauvres mains des disciples, qui les distribuent aux gens. Cela aussi c’est “faire” avec Jésus, c’est “donner à manger” avec lui. Il est clair que ce miracle ne veut pas seulement rassasier la faim d’un jour, mais il est signe de ce que le Christ entendCapture d’écran 2016-05-26 à 11.03.43 accomplir pour le salut de toute l’humanité en donnant sa chair et son sang (cf. Jn 6, 48-58). Et cependant il faut toujours passer par ces deux petits gestes : offrir le peu de pains et de poissons que nous avons ; recevoir le pain rompu des mains de Jésus et le distribuer à tous.

Rompre : c’est l’autre parole qui explique le sens du « faites cela en mémoire de moi ». Jésus s’est rompu, il se rompt pour nous. Et il nous demande de nous donner, de nous rompre pour les autres. Justement ce “rompre le pain” est devenu l’icône, le signe de reconnaissance du Christ et des chrétiens. Rappelons-nous Emmaüs : ils le reconnurent « à la fraction du pain » (Lc 24, 35). Rappelons-nous la première communauté de Jérusalem : « Ils étaient assidus […] à la fraction du pain » (Ac 2, 42). C’est l’Eucharistie, qui devient depuis le commencement le centre et la forme de la vie de l’Eglise. Mais pensons aussi à tous les saints et saintes – célèbres ou anonymes – qui se sont « rompus » eux-mêmes, leur propre vie, pour “donner à manger” à leurs frères. Que de mamans, que de papas, avec le pain quotidien, coupé sur la table de la maison, ont rompu leur cœur pour faire grandir leurs enfants, et les faire bien grandir ! Que de chrétiens, comme citoyens responsables, ont rompu leur propre vie pour défendre la dignité de tous, spécialement des plus pauvres, des exclus et des discriminés ! Où trouvent-ils la force pour faire tout cela ? Justement dans l’Eucharistie : dans la puissance d’amour du Seigneur ressuscité, qui aujourd’hui aussi rompt le pain pour nous et répète : « Faites cela en mémoire de moi ».

Puisse aussi le geste de la procession eucharistique, que nous allons accomplir dans peu de temps, répondre à ce mandat de Jésus. Un geste pour faire mémoire de Lui ; un geste pour donner à manger à la foule d’aujourd’hui ; un geste pour rompre notre foi et notre vie comme signe de l’amour du Christ pour cette ville et pour le monde entier.

[00881-FR.01] [Texte original: Italien]

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