Cette semaine, la Commission épiscopale pour l’unité chrétienne, les relations religieuses avec les Juifs et le dialogue interreligieux de la Conférence des évêques catholiques du Canada publiait un document intitulé « Nos voisins évangéliques : Réflexion sur l’évangélisme chrétien ». Cette brochure de 12 pages, se veut une ressource pour les catholiques afin qu’ils en apprennent davantage sur le christianisme évangélique à travers « l’histoire et les croyances des évangéliques et en prêtant une attention particulière aux relations entre les évangéliques et les catholiques ». Je retiens de ma lecture une foule d’informations tant historiques que théologiques ainsi qu’une posture cohérente avec le souhait du pape François pour que « la collaboration interreligieuse et œcuménique montre que les hommes et les femmes ne doivent pas oublier leur propre identité, ethnique ou religieuse, pour vivre en harmonie avec leurs frères et sœurs ».
Regard historique et théologique
La première chose que l’on note, c’est que les différences qui séparent les catholiques des évangéliques s’enracinent dans une longue histoire. En effet, on commémore cette année le 500ième anniversaire de la Réforme protestante ! L’évangélisme est donc un mouvement chrétien issu de la tradition protestante , ce qui implique l’acceptation des principes théologiques qui y sont liés tels que « l’autorité exclusive de l’Écriture » et « la justification par la seule foi » (p.2). Le document de la CECC offre ensuite une description des différentes explications et implications de ces principes avant de présenter quelques-unes de ces manifestations dans la vie concrète de nos frères protestants. On explique ainsi les expressions tels que « born again », de « revivalism » ou de « fondamentalisme », tout en spécifiant que « les évangéliques forment un groupe diversifié » (p.4).
D’une perception à une autre
Ce qui est significatif dans ce document, c’est que l’on ose sortir de l’énumération des traits distinctifs, à la manière d’une encyclopédie, pour prendre en compte l’expérience concrète que ces mêmes différences peuvent avoir sur la vie quotidienne des membres des deux communautés chrétiennes. On offre ainsi pour les deux perspectives, un dialogue qui tient compte des critiques réciproques.
En effet, on se demande d’abord ce que pensent les catholiques des évangéliques ? On offre alors un portrait réaliste des éléments dont les catholiques peuvent naturellement faire l’éloge comme leur attachement à la Parole de Dieu telle que transmise dans la Bible mais également l’emphase mise sur la relation personnelle au Christ. Toutefois, on ne cache pas les réticences que les catholiques peuvent également avoir face à une certaine tendance à interpréter l’Écriture Sainte d’une manière trop littérale sans tenir compte de la Tradition c’est-à-dire la vie des chrétiens qui nous ont précédés ou, en d’autres termes, « la grande communauté chrétienne qui s’étend aussi bien à travers le temps que dans l’espace » (p.7). Enfin, l’unité de l’Église catholique et sa structure hiérarchique bien définie, expliquent comment « l’aspect transconfessionnel de l’évangélisme engendrent une sorte de corps indéfini que les catholiques ont de la difficulté à identifier au Corps du Christ » (p.7).
Dans un deuxième temps, on se demande ce qui, dans la pratique catholique, peut sembler étranger à un christianisme authentique tel que le conçoivent les évangéliques. D’abord, bien que l’on souligne les nombreuses avancées du dialogue œcuménique, on affirme qu’un certain nombre de cette mouvance ne sont toujours pas certains que les catholiques soient de véritables chrétiens (p.8). De plus, on montre comment l’accent mis sur la relation personnelle avec le Christ peut pousser les évangéliques à parler de leur salut « à l’imparfait » c’est-à-dire comme quelque chose de déjà accompli tandis que, du côté catholique, on a souvent tendance à parler du salut « au futur », mettant ainsi l’accent davantage sur la dimension ultime c’est-à-dire après la mort.
Le dialogue, une responsabilité partagée
Dans la dernière partie du document, on trouve une analyse de la réalité du dialogue œcuménique aujourd’hui tout en manifestant l’ouverture que nous devons avoir pour être fidèles au souhait du Christ « Ut unum sint ».
Le contexte actuel et l’expansion rapide du phénomène de sécularisation doivent nous pousser à dépasser nos différences et les blessures héritées du passé afin d’offrir au monde un témoignage plus à même de convaincre de la véracité de la Révélation chrétienne. Toutefois, puisque l’estime mutuelle qui se construit peu à peu entre les deux communautés « scandalise certaines personnes » (p.11), le document de la CECC insiste sur le contexte dans lequel ce dialogue est en mesure de porter des fruits. En ce sens, pour que la vérité puisse être au centre des aspirations de tous les interlocuteurs, il est essentiel que des liens de charité profonde soient d’abord créés entre les membres. Ainsi le travail œcuménique ne pourra être concluant que s’il « s’établit au quotidien dans la vie chrétienne des croyants […] le succès du dialogue à venir dépend en grande partie de vous » (p.11).
Tant du point de vue de la richesse des informations contenues dans ce document que de la place laissée à l’expérience concrète des croyants des deux communautés, il est possible de conclure que ce document de la CECC remplit bien son mandat d’instrument au service de l’œcuménisme. Que ce soit dans le fait d’affirmer haut et fort les points de désaccord inhérents aux identités respectives que dans l’estime mutuelle et dans la capacité de reconnaître l’autre d’abord comme un frère « dans le contexte d’une foi commune » (p.5), ce document est certainement un outil de premier plan facilitant cette responsabilité missionnaire qui nous incombe à tous.