Homélie du Pape François à la veillée pour “essuyer les larmes” de ceux qui souffrent

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Jeudi 5 mai 2016
Solennité de l’Ascension
Basilique Saint-Pierre au Vatican

Frères et sœurs,

Après les témoignages émouvants que nous avons entendus, et à la lumière de la Parole du Seigneur qui éclaire notre condition de souffrance, invoquons avant tout la présence de l’Esprit Saint, pour qu’il vienne au milieu de nous. Que ce soit lui qui illumine notre esprit pour trouver les mots justes et capables de réconforter ; que ce soit lui qui ouvre notre cœur pour avoir la certitude de la présence de Dieu qui ne nous abandonne pas dans l’épreuve. Le Seigneur Jésus a promis à ses disciples qu’il ne les laisserait jamais seuls, qu’il leur serait proche dans toutes les situations de la vie en envoyant l’Esprit Consolateur (cf. Gn 14, 26), qu’il les aiderait, les soutiendrait et les réconforterait.

Dans les moments de tristesse, dans la souffrance de la maladie, dans l’angoisse de la persécution et dans la douleur du deuil, chacun cherche une parole de consolation. Nous sentons fortement le besoin que quelqu’un nous soit proche et éprouve de la compassion envers nous. Nous faisons l’expérience de ce que signifie être désorientés, confus, frappés au plus profond comme jamais nous l’aurions pensé. Nous regardons tout autour, incertains, pour voir si nous trouvons quelqu’un qui puisse réellement comprendre notre douleur. L’esprit est rempli de questions, mais les réponses n’arrivent pas. La raison toute seule n’est pas capable de faire la lumière au fond de soi, de saisir la douleur que nous éprouvons et de donner la réponse que nous attendons. Dans ces moments, nous avons davantage besoin des raisons du cœur, seules capables de nous faire comprendre le mystère qui entoure notre solitude.

Que de tristesse il nous arrive de découvrir sur tant de visages que nous rencontrons. Que de larmes versées à chaque instant dans le monde ; chacune différente de l’autre, et qui forment ensemble comme un océan de désolation qui demande pitié, compassion, consolation. Les plus amères sont celles provoquées par la méchanceté humaine : les larmes de celui qui s’est vu arraché violemment une personne chère ; les larmes des grands parents, des mamans et des papas, des enfants… Il y a des regards qui restent souvent fixés sur le couchant et qui ont du mal à voir l’aube d’un jour nouveau. Nous avons besoin de miséricorde, de la consolation qui vient du Seigneur. Nous en avons tous besoin ; c’est notre pauvreté mais aussi notre grandeur : invoquer la consolation de Dieu qui, avec sa tendresse, vient essuyer les larmes sur notre visage (cf. Is 25, 8 ; Ap 7, 17 ; 21, 4).

Dans cette douleur qui est nôtre, nous ne sommes pas seuls. Jésus aussi sait ce que signifie pleurer la perte d’une personne aimée. C’est une des pages les plus émouvantes de l’Evangile : quand Jésus voit pleurer Marie en raison de la mort de son frère Lazare, il ne parvient pas non plus à retenir ses larmes. Il a été saisi d’une profonde émotion et a fondu en larmes (cf. Gn 11, 33-35). L’évangéliste Jean a voulu par ce récit montrer la participation de Jésus à la douleur de ses amis, et le partage du découragement. Les larmes de Jésus ont déconcerté beaucoup de théologiens au cours des siècles, mais elles ont surtout lavé beaucoup d’âmes, elles ont adouci beaucoup de blessures. Jésus aussi a expérimenté dans sa personne la peur de la souffrance et de la mort, la déception et le découragement pour la trahison de Judas et de Pierre, la douleur pour la mort de son ami Lazare. Jésus « n’abandonne pas ceux qu’il aime » (Augustin In Joh 49,5). Si Dieu a pleuré, je peux moi aussi pleurer, sachant que je suis compris. Les pleurs de Jésus sont l’antidote contre l’indifférence envers la souffrance de mes frères. Ces pleurs m’enseignent à faire mienne la douleur des autres, à participer au malaise et à la souffrance de ceux qui vivent dans les situations les plus douloureuses. Ils me secouent pour me faire percevoir la tristesse et le désespoir de ceux qui se sont vus même soustraire le corps de leurs êtres chers, et qui n’ont même pas un lieu où trouver consolation. Les pleurs de Jésus ne peuvent pas rester sans réponse de la part de celui qui croit en lui. De la manière dont il console, nous sommes appelés, nous aussi, à consoler.

Au moment de la défaillance, de l’émotion, et des pleurs, la prière au Père jaillit dans le cœur de Jésus. La prière est le vrai remède à notre souffrance. Nous aussi, dans la prière, nous pouvons sentir la présence de Dieu près de nous. La tendresse de son regard nous console, la force de sa parole nous soutient, en nous insufflant l’espérance. Jésus a prié près de la tombe de Lazare en disant : « Père, je te rends grâce car tu m’as écouté. Je savais que tu m’écoutes toujours » (Jn 11, 41-42). Nous avons besoin de cette certitude : le Père nous écoute et vient à notre secours. L’amour de Dieu répandu dans nos cœurs permet de dire que lorsqu’on aime, rien ni personne ne pourra jamais nous arracher des personnes qu’on a aimées. L’Apôtre Paul le rappelle avec des paroles très consolantes : « Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? La détresse ? L’angoisse ? La persécution ? La faim ? Le dénuement ? Le danger ? Le glaive ? […] Mais, en tout cela nous somme les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés. J’en ai la certitude : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les Principautés célestes, ni le présent ni l’avenir, ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus Notre Seigneur » (Rm 8, 35.37-39). La force de l’amour transforme la souffrance dans la certitude de la victoire du Christ, et la nôtre avec lui, et dans l’espérance que nous serons un jour de nouveau ensemble et nous contemplerons pour toujours le visage de la Sainte Trinité, source éternelle de la vie et de l’amour.

Près de toute croix il y a toujours la Mère de Jésus. De son manteau elle essuie nos larmes. De sa main elle nous fait relever et nous accompagne sur le chemin de l’espérance.

(CNS photo/L’Osservatore Romano via EPA)

Message du Pape François pour la 50e Journée Mondiale des Communications Sociales

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Communication et miséricorde : une rencontre féconde

Solennité de l’Ascension

Chers frères et sœurs,

L’Année Sainte de la Miséricorde nous invite à réfléchir sur le rapport entre communication et miséricorde. En effet l’Église, unie au Christ, incarnation vivante de Dieu Miséricordieux, est appelée à vivre la miséricorde comme un trait distinctif de tout son être et de tout son agir. Ce que nous disons et la manière dont nous le disons, chaque parole et chaque geste, devrait pouvoir exprimer la compassion, la tendresse et le pardon de Dieu pour tous. L’amour, par nature, est communication, il conduit à s’ouvrir et non pas à s’isoler. Et si notre cœur et nos gestes sont animés par la charité, par l’amour divin, notre communication sera porteuse de la force de Dieu.

En tant qu’enfants de Dieu, nous sommes appelés à communiquer avec tous, sans exclusion. En particulier, c’est le propre du langage et des actions de l’Église que de transmettre la miséricorde, en sorte de toucher les cœurs des personnes et de les soutenir sur le chemin vers la plénitude de la vie que Jésus Christ, envoyé par le Père, est venu apporter à tous. Il s’agit d’accueillir en nous et de répandre autour de nous la chaleur de l’Église Mère, pour que Jésus soit connu et aimé ; cette chaleur qui donne consistance aux paroles de la foi et qui allume dans la prédication et dans le témoignage l’ « étincelle » qui les rend vivantes.

La communication a le pouvoir de créer des ponts, de favoriser la rencontre et l’inclusion, enrichissant ainsi la société. Comme il est beau de voir des personnes engagées à choisir avec soin des paroles et des gestes pour dépasser les incompréhensions, guérir la mémoire blessée et construire la paix et l’harmonie. Les paroles peuvent jeter des ponts entre les personnes, les familles, les groupes sociaux, les peuples ; que ce soit dans le domaine physique ou dans le domaine numérique. Que les paroles et les actions soient donc telles qu’elles nous aident à sortir des cercles vicieux des condamnations et des vengeances, qui continuent à piéger les individus et les nations, et qui conduisent à s’exprimer avec des messages de haine. La parole du chrétien, au contraire, se propose de faire grandir la communion et, même quand il faut condamner le mal avec fermeté, elle cherche à ne jamais briser la relation et la communication.

Je voudrais donc inviter toutes les personnes de bonne volonté à redécouvrir le pouvoir de la miséricorde de guérir les relations déchirées, et de ramener la paix et l’harmonie entre les familles et dans les communautés. Nous savons tous de quelle manière les vieilles blessures et les ressentiments peuvent piéger les personnes et les empêcher de communiquer et de se réconcilier. Et ceci vaut aussi pour les relations entre les peuples. Dans tous ces cas, la miséricorde est capable de créer une nouvelle manière de parler et de dialoguer, comme l’a ainsi très bien exprimé Shakespeare : « La miséricorde n’est pas une obligation. Elle descend du ciel comme la fraîcheur de la pluie sur la terre. Elle est une double bénédiction : elle bénit celui qui la donne et celui qui la reçoit » (Le Marchand de Venise, Acte 4, Scène 1).

Il est souhaitable que le langage de la politique et de la diplomatie se laisse aussi inspirer par la miséricorde, qui ne donne jamais rien pour perdu. Je fais appel surtout à tous ceux qui ont des responsabilités institutionnelles, politiques et dans la formation de l’opinion publique, pour qu’ils soient toujours vigilants sur la manière de s’exprimer envers celui qui pense ou agit autrement, et aussi envers celui qui peut s’être trompé. Il est facile de céder à la tentation d’exploiter de semblables situations et d’alimenter ainsi les flammes de la défiance, de la peur, de la haine. Il faut au contraire du courage pour orienter les personnes dans des processus de réconciliation ; et c’est justement cette audace positive et créative qui offre de vraies solutions à de vieux conflits, et l’occasion de réaliser une paix durable. « Bienheureux les miséricordieux, parce qu’ils obtiendront miséricorde […] Bienheureux les artisans de paix, parce qu’ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 7.9).

Comme je voudrais que notre manière de communiquer, et aussi notre service de pasteurs dans l’Église, n’exprime jamais l’orgueil fier du triomphe sur un ennemi, ni n’humilie ceux que la mentalité du monde considère comme perdants et à rejeter ! La miséricorde peut aider à tempérer les adversités de la vie et à offrir de la chaleur à tous ceux qui ont seulement connu la froideur du jugement. Que le style de notre communication soit en mesure de dépasser la logique qui sépare nettement les pécheurs des justes. Nous pouvons et devons juger des situations de péché – violence, corruption, exploitation, etc. – mais nous ne pouvons pas juger les personnes, parce que seul Dieu peut lire en profondeur dans leur cœur. C’est notre devoir d’avertir celui qui se trompe, en dénonçant la méchanceté et l’injustice de certains comportements, afin de libérer les victimes et de soulager celui qui est tombé. L’Évangile de Jean nous rappelle que « La vérité vous rendra libres » (Jn 8, 32). Cette vérité est, en définitive, le Christ lui-même, dont la douce miséricorde est la mesure de notre manière d’annoncer la vérité et de condamner l’injustice. C’est notre principal devoir d’affirmer la vérité avec amour (Cf. Ep 4, 15). Seules les paroles prononcées avec amour et accompagnées de douceur et de miséricorde touchent les cœurs des pécheurs que nous sommes. Des paroles et des gestes durs ou moralisants risquent d’aliéner plus tard ceux que nous voudrions conduire à la conversion et à la liberté, en renforçant leur sens du refus et de la défense.

Certains pensent qu’une vision de la société enracinée dans la miséricorde serait de façon injustifiée idéaliste ou excessivement indulgente. Mais essayons de repenser à nos premières expériences de relations au sein de la famille. Nos parents nous ont aimés et appréciés pour ce que nous sommes, plus que pour nos capacités et nos succès. Les parents veulent naturellement le meilleur pour leurs enfants, mais leur amour n’est jamais conditionné par le fait d’atteindre des objectifs. La maison paternelle est le lieu où tu es toujours accueilli (Cf. Lc 15, 11-32). Je voudrais vous encourager tous à penser la société humaine non comme un espace où des étrangers rivalisent et cherchent à dominer, mais plutôt comme une maison ou une famille, où la porte est toujours ouverte et où l’on cherche à s’accueillir réciproquement.

C’est pourquoi il est fondamental d’écouter. Communiquer signifie partager, et le partage exige l’écoute, l’accueil. Écouter est beaucoup plus qu’entendre. Entendre concerne le domaine de l’information ; écouter, en revanche, renvoie à celui de la communication, et exige la proximité. L’écoute nous permet d’avoir l’attitude juste, en sortant de la condition tranquille de spectateurs, d’auditeurs, de consommateurs. Écouter signifie aussi être capable de partager des questions et des doutes, de faire un chemin côte à côte, de s’affranchir de toute présomption de toute-puissance et de mettre humblement ses capacités et ses dons au service du bien commun.

Écouter n’est jamais facile. Parfois il est plus confortable de faire le sourd. Écouter signifie prêter attention, avoir le désir de comprendre, de valoriser, respecter, garder la parole de l’autre. Dans l’écoute une sorte de martyre se consume, un sacrifice de soi-même dans lequel le geste sacré accompli par Moïse devant le buisson ardent se renouvelle : retirer ses sandales sur la « terre sainte » de la rencontre avec l’autre qui me parle (Cf. Ex 3, 5). Savoir écouter est une grâce immense, c’est un don qu’il faut invoquer pour ensuite s’exercer à le pratiquer.

Les e-mail, sms, réseaux sociaux, chat peuvent, eux aussi, être des formes de communication pleinement humaines. Ce n’est pas la technologie qui décide si la communication est authentique ou non, mais le cœur de l’homme et sa capacité de bien user des moyens mis à sa disposition. Les réseaux sociaux sont capables de favoriser les relations et de promouvoir le bien de la société, mais ils peuvent aussi conduire plus tard à des polarisations et des divisions entre les personnes et les groupes. Le domaine numérique est une place, un lieu de rencontre, où l’on peut caresser ou blesser, avoir une discussion profitable ou faire un  lynchage moral. Je prie pour que l’Année jubilaire vécue dans la miséricorde « nous rende plus ouverts au dialogue pour mieux nous connaître et nous comprendre. Qu’elle chasse toute forme de fermeture et de mépris. Qu’elle repousse toute forme de violence et de discrimination » (Misericordiae vultus, n. 23). Une véritable citoyenneté se construit aussi en réseau. L’accès aux réseaux numériques comporte une responsabilité pour l’autre, que nous ne voyons pas mais qui est réel, il a sa dignité qui doit être respectée. Le réseau peut être bien utilisé pour faire grandir une société saine et ouverte au partage.

La communication, ses lieux et ses instruments, ont comporté un élargissement des horizons pour beaucoup de personnes. C’est un don de Dieu, et c’est aussi une grande responsabilité. J’aime définir ce pouvoir de la communication comme « proximité ». La rencontre entre la communication et la miséricorde est féconde dans la mesure où elle génère une proximité qui prend soin, réconforte, guérit, accompagne et fait la fête. Dans un monde divisé, fragmenté, polarisé, communiquer avec miséricorde signifie contribuer à la bonne, libre et solide proximité entre les enfants de Dieu et les frères en humanité.

FRANÇOIS

Du Vatican, le 24 janvier 2016

(CNS photo/Paul Haring)

Un travail au service de la famille

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Le premier mai, c’est la journée internationale des travailleurs. On le sait, le travail est une dimension centrale de la vie humaine qui a des répercussions sur toutes les autres, y compris sur la vie familiale. Il m’a donc semblé opportun de revisiter l’exhortation apostolique Amoris Laetitia en reprenant certains des enseignements qu’on y trouve sur le travail et ses incidences sur les familles de notre temps.

Un enseignement qui passe à travers les âges

L’enseignement de l’Église sur le travail est fortement enraciné dans la Révélation divine. Dès les premières pages de la Genèse, on trouve un enseignement profond et riche de signification. En effet, on y apprend que le travail, que nous trouvons parfois si ardu, n’est pas une punition de Dieu. Il ne s’agit pas non plus, comme on pourrait le penser, d’une conséquence du péché originel puisqu’il y est déclaré que « l’homme a été établi dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder » (Gn 2, 15). On ne doit donc pas considérer le travail comme un « mal nécessaire » qui devrait éventuellement disparaître. Contrairement aux idées reçues de la « société des loisirs » et qui ont aussi, selon moi, mal vieillies, le pape François affirme, que, Dieu Lui-même dans son Incarnation en Jésus « gagnait son pain en travaillant de ses mains » (no 65). On ne doit donc pas fuir le travail puisque (no24) « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2 Th 3, 10 ; cf. 1 Th 4, 11). Par contre, on ne doit jamais perdre de vue que le travail doit être au service de l’homme et non l’inverse.

Le travail au service de la famille

Pour le pape François et l’enseignement de l’Église, le travail est très important à la fois pour les personnes et la société ainsi que pour cette réalité mitoyenne qu’est la famille. En effet, si le travail est bon pour la famille, il sera bon et pour la personne, et pour la société. Les problèmes commencent lorsque ce n’est pas le cas. En effet, « le travail permet à la fois le développement de la société, l’entretien de la famille ainsi que sa stabilité et sa fécondité » (no 24)

Pour ce faire, la société doit, dans un premier temps, permettre au travail d’être au service des familles d’abord en faisant en sorte que les parents travaillent puisque « manquer de sources de travail affecte de diverses manières la sérénité des familles. » (no 25). De fait, les familles souffrent en particulier des problèmes liés au travail. Les possibilités pour les jeunes sont peu nombreuses et l’offre de travail est très sélective et précaire. Les journées de travail sont longues et souvent alourdies par de longues période de déplacement. Ceci n’aide pas les membres de la famille à se retrouver entre eux et avec leurs enfants, de façon à alimenter quotidiennement leurs relations ( no 44).

Deuxièmement, la société doit également prendre conscience qu’actuellement elle crée de nombreux obstacles à la formation de familles fortes. De fait, « le rythme de vie actuel, le stress, l’organisation sociale et l’organisation du travail, parce qu’ils sont des facteurs culturels qui font peser des risques sur la possibilité de choix permanents » (no 33 & 287). De plus, même dans les sociétés les plus développées comme la nôtre, on voit néanmoins de nouvelles formes de discrimination apparaître ici et là sous le couvert de nouvelles lois soit disant « à l’avant garde ». En effet, « à ceux qui travaillent dans les structures de santé, on rappelle leur obligation morale à l’objection de conscience. De même, l’Église sent non seulement l’urgence d’affirmer le droit à la mort naturelle, en évitant l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie », mais aussi elle « rejette fermement la peine de mort ». (no 83) [Read more…]

Homélie du pape François lors de la Messe pour le Jubilé des jeunes

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« À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13, 35).

Chers jeunes garçons et filles, quelle grande responsabilité le Seigneur nous confie aujourd’hui ! Il nous dit que les gens reconnaîtront les disciples de Jésus à la façon dont ils s’aiment entre eux. L’amour, en d’autres termes, est la carte d’identité du chrétien, c’est l’unique ‘‘document’’ valide pour être reconnu disciples de Jésus. Si ce document expire et n’est pas renouvelé continuellement, nous ne sommes plus des témoins du Maître. Alors, je vous demande : voulez-vous accueillir l’invitation de Jésus à être ses disciples ? Voulez-vous être des amis fidèles ? Le vrai ami de Jésus se distingue essentiellement par l’amour concret qui resplendit dans sa vie. Voulez-vous vivre cet amour qu’il nous donne ? Cherchons alors à nous mettre à son école, qui est une école de vie pour apprendre à aimer.

D’abord et avant tout, aimer, c’est beau, c’est la voie pour être heureux. Mais ce n’est pas facile, c’est exigeant, cela demande de l’effort. Pensons, par exemple, à ce qui se passe lorsque nous recevons un cadeau : cela nous rend heureux, mais pour préparer ce cadeau, des personnes généreuses ont consacré du temps et de l’énergie ; et ainsi en nous offrant quelque chose, ils nous ont donné également un peu d’eux-mêmes, quelque chose dont ils ont su se priver. Pensons aussi au don que vos parents et vos animateurs vous ont fait, en vous permettant de venir à Rome pour ce Jubilé qui vous est consacré. Ils ont tout planifié, organisé, préparé pour vous, et cela leur procurait de la joie, même si peut-être ils renonçait à un voyage pour eux-mêmes. Aimer, en effet, veut dire donner, non pas seulement quelque chose de matériel, mais quelque chose de soi-même : son propre temps, sa propre amitié, ses propres capacités.

Regardons le Seigneur, qui est invincible en générosité. Nous recevons de lui de nombreux bienfaits, et chaque jour nous devrions le remercier… Je voudrais vous demander : remerciez-vous le Seigneur chaque jour ? Même si nous, nous l’oublions, lui, il n’oublie pas de nous offrir chaque jour un cadeau spécial. Il ne s’agit pas d’un cadeau à tenir matériellement en main et à utiliser, mais c’est un cadeau plus grand, pour la vie. Il nous donne sa fidèle amitié, qu’il ne nous retirera jamais. Même si tu le déçois et t’éloignes de lui, Jésus continue à t’aimer et à être proche de toi, à croire en toi plus que tu crois en toi-même. Et cela est si important ! Car la menace principale, qui empêche de bien grandir, c’est lorsque tu ne comptes pour personne, lorsque tu vois que tu es mis à l’écart. Le Seigneur, au contraire, est toujours avec toi et il est content d’être avec toi. Comme il l’a fait avec ses jeunes disciples, il te regarde dans les yeux et t’appelle à le suivre, à ‘‘prendre le large’’ et à ‘‘jeter les filets’’ confiant en sa parole, c’est-à-dire à mettre en jeu tes talents dans la vie, avec lui, sans peur. Jésus t’attend patiemment, il attend une réponse, il attend ton ‘‘oui’’.

Chers jeunes, à votre âge, émerge en vous, aussi d’une nouvelle manière, le désir d’aimer et d’être aimé. Si vous allez à son école, le Seigneur vous enseignera à rendre également plus belles l’affection et la tendresse. Il mettra dans votre cœur une intention bonne, celle d’aimer sans être possessif : d’aimer les personnes sans les vouloir comme vôtres, mais en les laissant libres. Il y a toujours, en effet, la tentation de polluer l’affection par la prétention instinctive de prendre, d’‘‘avoir’’ ce qui plaît. Et aussi, la culture consumériste renforce cette tendance. Mais toute chose, si on l’étreint trop, se froisse, s’abîme : puis, on est déçu, gagné par un vide intérieur. Si vous écoutez sa voie, le Seigneur vous révélera le secret de la tendresse : prendre soin de l’autreCapture d’écran 2016-04-24 à 12.05.54 personne, ce qui veut dire la respecter, la protéger et l’attendre.

Au cours de ces années, vous sentez aussi un grand désir de liberté. Beaucoup vous diront qu’être libres signifie faire ce qu’on veut. Mais ici il faut savoir dire des ‘non’. La liberté n’est pas pouvoir toujours faire ce qui me convient : cela enferme, rend distant, empêche d’être des amis ouverts et sincères ; ce n’est pas vrai que lorsque je me sens bien tout va bien. La liberté, en revanche, est le don de pouvoir choisir le bien : est libre celui qui choisit le bien, celui qui cherche ce qui plaît à Dieu, même si c’est pénible. Cependant c’est seulement par des choix courageux et forts qu’on réalise les plus grands rêves, ceux auxquels il vaut la peine de consacrer la vie. Ne vous contentez pas de la médiocrité, de ‘‘vivoter’’ dans le confort et assis ; ne vous fiez pas à celui qui vous distrait de la vraie richesse, que vous êtes, en vous disant que la vie est belle uniquement lorsqu’on a beaucoup de choses : méfiez-vous de celui qui veut vous faire croire que vous avez de la valeur quand vous portez le masque des forts, comme les héros des films, ou quand vous endossez des habits dernier cri. Votre bonheur n’a pas de prix et ne se commercialise pas : il n’est pas une ‘‘app’’ qu’on télécharge sur un téléphone portable : même la version la plus actualisée ne peut vous aider à devenir libres et grands dans l’amour.

En effet, l’amour est le don libre de celui qui a le cœur ouvert ; c’est une belle responsabilité qui dure toute la vie ; c’est l’engagement quotidien de celui qui sait réaliser de grands rêves ! L’amour se nourrit de confiance, de respect et de pardon. L’amour ne se réalise pas parce que nous en parlons, mais quand nous le vivons : il n’est pas une douce poésie à apprendre par cœur, mais un choix de vie à mettre en pratique ! Comment pouvons-nous grandir dans l’amour ? Le secret est encore le Seigneur : Jésus se donne à nous dans la Messe, il nous offre le pardon et la paix dans la Confession. Là, nous apprenons à accueillir son Amour, à le faire nôtre et à le diffuser dans le monde. Et quand aimer semble dur, quand il est difficile de dire non à ce qui est erroné, regardez la croix de Jésus, embrassez-la et ne lâchez pas sa main, qui vous conduit vers le haut et vous relève quand vous tombez.

Je sais que vous êtes capables de gestes de grande amitié et de bonté. Vous êtes appelés à construire l’avenir ainsi : avec les autres et pour les autres, jamais contre quelqu’un ! Vous ferez des choses merveilleuses si vous vous préparez dès à présent, en vivant pleinement votre âge si riche de dons, et sans avoir peur de l’effort. Faites comme les champions sportifs, qui atteignent de hauts objectifs en s’entraînant avec humilité et durement chaque jour. Que votre programme quotidien soit les œuvres de miséricorde : entraînez-vous-y avec enthousiasme pour devenir des champions de la vie ! Ainsi, vous serez reconnus comme des disciples de Jésus. Et votre joie sera totale.

[00657-FR.01] [Texte original: Italien]

Nous sommes tous en « situation irrégulière » !

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Vendredi dernier, le pape François publiait son exhortation apostolique post synodale sur l’amour dans la famille. J’ai déjà donné mes impressions sur ce que je retenais de ma première lecture du texte. Aujourd’hui et dans les semaines à venir, j’aimerais vous présenter mon analyse de chacun des chapitres du document. Cette semaine, je propose donc ma compréhension du chapitre premier d’Amoris Laetitia.

Entre mystère et réalité

Le premier chapitre de l’exhortation nous met en contact direct avec une vérité fondamentale de la foi catholique que j’appellerais le « dialogue entre mystère et réalité ». Souvent, on présente l’enseignement moral de Jésus comme étant en opposition avec la réalité d’aujourd’hui, avec notre monde moderne. De cela découlerait une impossibilité de mettre concrètement ces enseignements en pratique. Ainsi, le grand nombre de situations dites « irrégulières », avec lesquelles l’Église devrait maintenant composer, légitimeraient la constante réprimande faite à l’Église de la nécessité de changer ses enseignements. En ce sens, je crois que le premier chapitre d’Amoris Laetitia répond à cette critique d’une manière admirable en nous replongeant au racine de la fo catholique.

En effet, dans un premier, temps, il est important de comprendre que la foi et l’appartenance à l’Église ne dépendent en aucune manière des bonnes actions des personnes. Le salut n’est pas d’abord méritoire. Elle est un don gratuit de Dieu. Nul n’est donc sauvé sur ses propres mérites mais sur ceux du Christ de qui nous recevons constamment la grâce de nous y associer par son Église. En d’autres termes, il n’y a ni salut obligatoire pour tous, puisque nous devons librement nous associer au mérite du Christ, ni exclusion totale puisque personne ne se sauve par lui-même. Nous sommes tous en « situation irrégulière » ! Nous avons tous besoin de la Miséricorde de Dieu. Cette vérité fondamentale est au cœur des enseignements du pape François sur la famille et sur l’Église.

Éternelle disponibilité

En ces  « temps de relations frénétiques et superficielles » (no 28)[1], on pourrait être tenté de se décourager et de croire que la situation des familles d’aujourd’hui est irrécupérable. A contrario, Amoris Laetitia, me semble-t-il, se place dans la logique inverse, celle de l’espérance. En effet, le texte débute en manifestant à quel point « la Bible abonde en familles, en générations, en histoires d’amour et en crises familiales, depuis la première page […] jusqu’à la dernière page » (no8)[2]. L’enseignement de Jésus sur la famille ne doit donc pas être compris comme une série de règles inertes à suivre pour se sauver soi-même mais comme la présence de Dieu en marche avec les personnes et toujours prêt à pardonner.

Nécessaire ouverture

Toutefois, cette invitation universelle à la vie éternelle doit être accueillie, dès ici bas, par des « oui » concrets à l’Amour de Dieu dans notre vie. La famille n’est-elle pas le lieu idéal de mise en pratique de cette vie nouvelle présente en nous depuis le baptême et qui n’attend que notre disponibilité pour se manifester ? Car, si « la famille, en effet, n’est pas étrangère à l’essence divine même » (no 11)[3], la prise de conscience de cette vie déjà présente n’attend que nous pour rayonner au-delà, d’où la vocation missionnaire de toute famille. Voilà pourquoi, le Pape insiste sur la nécessité d’une spiritualité familiale dans laquelle « est présentée l’icône de la famille de Nazareth, avec sa vie quotidienne faite de fatigues, voire de cauchemars » (no 30)[4].

Ainsi, sans prétendre épuiser la richesse du texte lui-même, le premier chapitre représente à mon sens un résumé de l’enseignement de l’Église dans le langage pastoral de la miséricorde. Tant par son souci d’affirmer que le contexte actuel est loin d’être étranger aux difficultés des familles que par son insistance sur la constante disponibilité et invitation de Dieu envers toutes les personnes, le pape François démontre une sagesse d’enseignement en présentant la logique de la Grâce dans un équilibre entre les largesses de la miséricorde de Dieu et notre liberté capable de choix éternellement définitifs. La semaine prochaine j’entamerai l’analyse du chapitre 2 d’Amortis Laetitia.

Amoris Laetitia ou la famille sur la voie de la charité

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Aujourd’hui même à midi heure de Rome, le pape François a publié sa très attendue exhortation apostolique intitulée Amoris Laetitia sur le thème de l’amour dans la famille. Ce document de 258 pages pour l’édition française est le fruit des travaux des deux synodes sur la famille qui ont eu lieu au Vatican en 2014 et 2015. Bien que, dès les premières pages du texte, le Pape « ne recommande pas une lecture générale hâtive » (no 7), la rédaction de ce premier article nécessitait que je le lise dans son entièreté assez rapidement… Toutefois, n’ayez crainte, nous aurons l’occasion d’en reparler dans une série d’articles dans lesquels nous nous arrêterons plus longuement sur les nombreux thèmes abordés. Je vous propose aujourd’hui mes premières impressions suite à ma lecture d’Amoris Laetitia, espérant que dans notre prochain rendez-vous, vous aurez eu l’occasion de parcourir cet important document vous-mêmes.

La première chose qui me vient à l’esprit après la lecture d’Amoris Laetitia c’est que ce texte respire la préoccupation de l’Église et du pape François pour les familles d’aujourd’hui. Conscient de sa mission d’accompagner tous les fidèles et tous les humains, on perçoit avec quelle intensité le présent Pape souhaite que tous puissent découvrir la grandeur de cette vocation humaine. Pour cela, le Pape souhaite que l’on redécouvre l’essence de l’attitude de l’Église qui consiste en ce qu’il appelle la « via caritatis » (no 306) qui signifie en français la voie de la charité. En effet, on a souvent taxé l’Église d’être dogmatique et d’avoir un enseignement qui n’est plus en accord avec notre monde d’aujourd’hui. Il me semble que ce document répond magnifiquement à cette critique, à la fois, en manifestant que l’Église est non seulement parfaitement consciente et à l’écoute de la réalité contemporaine mais aussi qu’elle est capable d’un esprit critique envers elle-même et face au monde, esprit qu’elle puise à la lumière de la Révélation d’amour accomplie en Jésus-Christ.

En ce sens, les deux précédents synodes l’ont démontré : l’Église n’est pas cette institution fermée et rétrograde mais bien une communauté d’hommes et de femmes qui marchent ensemble à la suite du Christ; une communauté universelle qui s’interroge sur les meilleurs chemins à prendre pour rester le plus fidèle possible à l’amour qui repose en leur être depuis le baptême. Comment donc réaliser ce projet de Dieu sur nous dans nos familles aujourd’hui? C’est la question fondamentale à laquelle ce texte tente d’apporter sa contribution.

Pour ce faire, le pape manifeste que le dessein de Dieu sur la famille n’est pas un idéal abstrait mais une réalité concrète. C’est pourquoi, on ne doit jamais se décourager de nous-mêmes ou des situations dans lesquelles nous nous trouvons. Nous ne sommes pas parfaits et la perfection à laquelle nous sommes destinés n’est pas de ce monde. Les chutes et les échecs sur le chemin sont pour Dieu et pour nous des occasions de réconciliation dont le but sublime est de manifester la grandeur de la Miséricorde de Dieu.

C’est le deuxième point qui a attiré mon attention : ce souci de montrer que la miséricorde est la clé de compréhension de tout l’enseignement et de la pratique de l’Église. En effet, la miséricorde « n’est pas seulement l’agir du Père, mais elle devient le critère pour comprendre qui sont ses véritables enfants. En résumé, nous sommes invités à vivre de miséricorde parce qu’il nous a d’abord été fait miséricorde » (no 310). Selon moi, tout le texte tient à revisiter cet enseignement sur la famille si incompris par bon nombre de personnes aujourd’hui; parmi lesquelles on retrouve malheureusement beaucoup de catholiques. Que ce soit dans la présentation des enseignements bibliques et magistériels sur la famille (chapitre 1 et 3), dans l’analyse des défis contemporains auxquels toutes les familles font face dans leur volonté (consciente ou non) de réaliser leurs plus grandes aspirations (chapitre 2 et 5), dans la présentation de la beauté et de l’héroïcité nécessaires à la mise en pratique des exigences de l’amour véritable (chapitre 4 et 7) ou de l’approche pastorale nécessaire pour accompagner les familles dans la réalisation de leur vocation universelle à la sainteté (chapitre 6 et 8), l’ensemble du document semble être orienté vers la proximité avec Dieu qui se trouve aux côtés de chacun d’entre nous et qui nous invite à le connaître et l’aimer par l’entremise de nos relations familiales « où se reflète, par grâce, le mystère de la Sainte Trinité » ( no 86).

Nous reviendrons, dans les prochaines semaines, sur les différents thèmes abordés dans cette exhortation apostolique qui, des plus polémiques aux plus apparemment anodins, auront sans doute eu l’occasion de faire surface ici et là dans l’actualité. Entre temps, je vous recommande fortement la lecture de ce document qui saura réchauffer le cœur de tous les lecteurs qui forcément sentiront l’immense trésor de sagesse dont l’Église est dépositaire et dont elle nous fait part gratuitement s’appuyant sur ce don ultime de Dieu par son Fils sur la Croix.

Synthèse de présentation de l’exhortation apostolique « Amoris Laetitia » sur l’amour et la famille

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Vous trouverez ci-dessous le texte de synthèse présenté lors de la conférence de Presse de présentation de l’exhortation apostolique Amoris Laetitia sur l’amour dans la famille:

« Amoris Laetitia » (AL – « La joie dans l’amour »), l’Exhortation apostolique post-synodale « sur l’amour dans la famille » qui ne porte pas par hasard la date du 19 mars, jour de la Solennité de Saint Joseph, rassemble les résultats des deux Synodes sur la famille convoqués par le Pape François en 2014 et 2015. Les Relations conclusives des deux Synodes y sont largement citées, ainsi que d’autres documents et enseignements des prédécesseurs du Pape François et des nombreuses catéchèses qu’il a prononcé sur la famille. Comme cela est déjà arrivé avec d’autres documents magistériels, le Pape puise également dans des documents de différentes Conférences épiscopales du monde (Kenya, Australie, Argentine…) et cite des personnalités bien connues telles que Martin Luther King ou Erich Fromm. A noter, une citation du film « Le Festin de Babette », que le Pape a souhaité évoquer pour expliquer le concept de gratuité.

Préambule

L’Exhortation apostolique frappe par son amplitude et son articulation. Elle est divisée en neuf chapitres et plus de 300 paragraphes. Elle s’ouvre avec sept paragraphes introductifs qui révèlent la conscience de la complexité du thème et de l’approfondissement qu’il requiert. Il y est dit que les interventions des Pères du Synode ont composé un « magnifique polyèdre » (AL 4) qui doit être préservé. En ce sens, le Pape écrit que « tous les débats doctrinaux, moraux ou pastoraux ne doivent pas être tranchés par des interventions magistérielles ». Ainsi concernant certaines questions, « dans chaque pays ou région, peuvent être cherchées des solutions plus inculturées, attentives aux traditions et aux défis locaux. Car “les cultures sont très diverses entre elles et chaque principe général […] a besoin d’être inculturé, s’il veut être observé et appliqué ” » (AL 3). Ce principe d’inculturation se révèle très important jusque dans la manière de formuler et de comprendre les problèmes qui, au-delà des questions dogmatiques bien définies par le Magistère de l’Eglise, ne peuvent être « mondialisées ».

Mais surtout, le Pape affirme d’emblée et avec clarté qu’il faut sortir de l’opposition stérile entre l’angoisse du changement et l’application pure et simple de normes abstraites. Il écrit : « Les débats qui se déroulent dans les moyens de communication ou bien dans les publications et même entre les ministres de l’Eglise, vont d’un désir effréné de tout changer sans une réflexion suffisante ou sans fondement, à la prétention de tout résoudre en appliquant des normes générales ou bien en tirant des conclusions excessives de certaines réflexions théologiques » (AL 2) .

Chapitre premier : « A la lumière de la Parole »

Ce préambule étant posé, le Pape articule sa réflexion à partir des Saintes Ecritures dans ce premier chapitre qui se développe comme une méditation sur le psaume 128, caractéristique tant de la liturgie nuptiale hébraïque que chrétienne. La Bible « abonde en familles, en générations, en histoires d’amour et en crises familiales » (AL 8) et à partir de cet état de fait, on peut méditer sur la manière dont la famille n’est pas un idéal abstrait, mais une « œuvre artisanale » (AL 16) qui s’exprime avec tendresse (AL 28) mais qui s’est confrontée aussi et dès le début au péché, quand la relation d’amour s’est transformée en une domination (cfr AL 19). Alors la Parole de Dieu « ne se révèle pas comme une séquence de thèses abstraites, mais comme une compagne de voyage, y compris pour les familles qui sont en crise ou sont confrontées à une souffrance ou à une autre, et leur montre le but du chemin » (AL 22).

Chapitre deux : « La réalité et les défis de la famille »

A partir du terrain biblique, le Pape considère, dans le deuxième chapitre, la situation actuelle des familles, en gardant « les pieds sur terre » (AL 6), en puisant amplement dans les Relations conclusives des deux Synodes, et en affrontant de nombreux défis : du phénomène migratoire aux négations idéologiques de la différence des sexes (idéologie du genre) ; de la culture du provisoire à la mentalité antinataliste et à l’impact des biotechnologies dans le domaine de la procréation ; du manque de logements et de travail à la pornographie et aux abus sur mineurs ; de l’attention aux handicapés, au respect des personnes âgées ; de la déconstruction juridique de la famille aux violences à l’encontre des femmes. Le Pape insiste sur le caractère concret qui est une donnée fondamentale de l’Exhortation. Le caractère concret et le réalisme établissent une différence essentielle entre la « théorie » d’interprétation de la réalité, et les « idéologies ».

Citant Familiaris consortio, le Pape François affirme qu’il « convient de prêter attention à la réalité concrète, parce que “les exigences, les appels de l’Esprit se font entendre aussi à travers les événements de l’histoire”, à travers lesquels “ l’Église peut être amenée à une compréhension plus profonde de l’inépuisable mystère du mariage et de la famille”» (AL 31). Sans écouter la réalité, il est impossible de comprendre aussi bien les exigences du présent, que les appels de l’Esprit. Le Pape note qu’en raison de l’individualisme exaspéré, il est aujourd’hui difficile de se donner avec générosité à une autre personne (cfr AL 33). Voilà une description intéressante de la situation : « On craint la solitude, on désire un milieu de protection et de fidélité, mais en même temps grandit la crainte d’être piégé dans une relation qui peut retarder la réalisation des aspirations personnelles » (AL 34).

L’humilité du réalisme aide à ne pas présenter « un idéal théologique du mariage trop abstrait, presqu’artificiellement construit, loin de la situation concrète et des possibilités effectives des familles réelles » (AL36). L’idéalisme nous empêche de prendre le mariage pour ce qu’il est, c’est-à-dire « un chemin dynamique de développement et d’épanouissement ». Pour cette raison, il ne faut pas croire que pour défendre la famille, il suffise d’insister « seulement sur des questions doctrinales, bioéthiques et morales, sans encourager l’ouverture à la grâce » (AL 37). Le Pape invite à l’autocritique face à une présentation inadéquate de la réalité matrimoniale et familiale et il insiste sur le fait qu’il est nécessaire d’accorder de la place à la formation des consciences des fidèles : « Nous sommes appelés à former les consciences, mais non à prétendre nous substituer à elles » (AL 37). Jésus proposait un idéal exigeant mais « ne renonçait jamais à une proximité compatissante avec les personnes fragiles comme la samaritaine ou la femme adultère » (AL 38).

Chapitre trois : « L’amour dans le mariage »

Le troisième chapitre est consacré à un certain nombre d’éléments essentiels de l’enseignement de l’Eglise concernant le mariage et la famille. L’existence de ce chapitre est important parce qu’il présente de manière synthétique, en 30 paragraphes, la vocation de la famille selon l’Evangile et la manière dont elle a été reçue par l’Eglise à travers les époques, surtout sur le thème de l’indissolubilité, du caractère sacramentel du mariage, de la transmission de la vie et de l’éducation des enfants. La constitution pastorale Gaudium et Spes du Concile Vatican II, l’Encyclique Humanae vitae de Paul VI et l’Exhortation apostolique Familiaris consortio de Jean-Paul II sont amplement citées.

Le regard est vaste et inclut aussi les « situations imparfaites ». On peut lire en effet : « “Le discernement de la présence des semina Verbi dans les autres cultures (cf. Ad Gentes, n. 11) peut être appliqué aussi à la réalité conjugale et familiale. Outre le véritable mariage naturel, il existe des éléments positifs présents dans les formes matrimoniales d’autres traditions religieuses”, même si les ombres ne manquent pas non plus » (AL 77). La réflexion inclut aussi «  les familles blessées » devant lesquelles le Pape affirme, en citant la Relatio finalis du Synode de 2015 – qu’« il faut toujours rappeler un principe général : ‘‘Les pasteurs doivent savoir que, par amour de la vérité, ils ont l’obligation de bien discerner les diverses situations’’ (Familiaris consortio, n. 84). Le degré de responsabilité n’est pas le même dans tous les cas et il peut exister des facteurs qui limitent la capacité de décision. C’est pourquoi, tout en exprimant clairement la doctrine, il faut éviter les jugements qui ne tiendraient pas compte de la complexité des diverses situations ; il est également nécessaire d’être attentif à la façon dont les personnes vivent et souffrent à cause de leur condition » (AL 79).

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Homélie du pape François lors de la Messe du dimanche de la Divine Miséricorde

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« Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre » (Jn 20, 30). L’Évangile est le livre de la miséricorde de Dieu, à lire et à relire, parce que tout ce que Jésus a dit et accompli est une expression de la miséricorde du Père. Toutefois, tout n’a pas été écrit ; l’Évangile de la miséricorde demeure un livre ouvert, où continuer à écrire les signes des disciples du Christ, gestes concrets d’amour, qui sont le meilleur témoignage de la miséricorde. Nous sommes tous appelés à devenir écrivains vivants de l’Évangile, porteurs de la Bonne Nouvelle à tout homme et à toute femme d’aujourd’hui. Nous pouvons le faire en mettant en pratique les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles, qui sont le style de vie du chrétien. Par ces gestes simples et forts, parfois même invisibles, nous pouvons visiter tous ceux qui sont dans le besoin, portant la tendresse et la consolation de Dieu. On poursuit ainsi ce que Jésus a accompli le jour de Pâques, quand il a répandu dans les cœurs des disciples effrayés la miséricorde du Père, soufflant sur eux l’Esprit Saint qui pardonne les péchés et donne la joie.

Toutefois, dans le récit que nous avons écouté émerge un contraste évident : il y a la crainte des disciples, qui ferment les portes de la maison ; de l’autre, il y a la mission de la part de Jésus, qui les envoie dans le monde porter l’annonce du pardon. Il peut y avoir aussi en nous ce contraste, une lutte intérieure entre la fermeture du cœur et l’appel de l’amour à ouvrir les portes closes et à sortir de nous-mêmes. Le Christ, qui par amour est passé à travers les portes closes du péché, de la mort et des enfers, désire entrer aussi chez chacun pour ouvrir tout grand les portes closes du cœur. Lui, qui par la résurrection a vaincu la peur et la crainte qui nous emprisonnent, veut ouvrir tout grand nos portes closes et nous envoyer. La route que le Maître ressuscité nous indique est à sens unique, elle avance dans une seule direction : sortir de nous-mêmes, sortir pour témoigner de la force de guérison de l’amour qui nous a conquis. Nous voyons devant nous une humanité souvent blessée et craintive, qui porte les cicatrices de la douleur et de l’incertitude. Face à l’implorationCapture d’écran 2016-04-03 à 10.04.46 douloureuse de miséricorde et de paix, nous entendons, aujourd’hui adressée à chacun de nous, l’invitation confiante de Jésus : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie » (v. 21).

Chaque infirmité peut trouver dans la miséricorde de Dieu un secours efficace. Sa miséricorde, en effet, ne s’arrête pas à distance : il désire venir à la rencontre de toutes les pauvretés et libérer des nombreuses formes d’esclavage qui affligent notre monde. Il veut rejoindre les blessures de chacun, pour les soigner. Être apôtres de miséricorde signifie toucher et caresser ses plaies, présentes aussi aujourd’hui dans le corps et dans l’âme de tant de ses frères et sœurs. En soignant ces plaies nous professons Jésus, nous le rendons présent et vivant ; nous permettons à d’autres, de toucher de la main sa miséricorde, de le reconnaître « Seigneur et Dieu » (cf. v. 28), comme fit l’Apôtre Thomas. C’est cela la mission qui nous a été confiée. Tant de personnes demandent d’être écoutées et comprises. L’Évangile de la miséricorde, à annoncer et à écrire dans la vie, cherche des personnes au cœur patient et ouvert, « bons samaritains » qui connaissent la compassion et le silence face au mystère du frère et de la sœur ; il demande des serviteurs généreux et joyeux, qui aiment gratuitement sans rien exiger en échange.

« La paix soit avec vous ! » (v. 21) : c’est le salut que le Christ adresse à ses disciples ; c’est la même paix qu’attendent les hommes de notre temps. Ce n’est pas une paix négociée, ce n’est pas l’arrêt de quelque chose qui ne va pas : c’est sa paix, la paix qui vient du cœur du Ressuscité, la paix qui a vaincu le péché, la mort et la peur. C’est la paix qui ne divise pas, mais unit ; c’est la paix qui ne laisse pas seuls, mais nous fait sentir accueillis et aimés ; c’est la paix qui demeure dans la douleur et fait fleurir l’espérance. Cette paix, comme le jour de Pâques, naît et renaît toujours du pardon de Dieu, qui enlève l’inquiétude du cœur. Être porteuse de sa paix : c’est la mission confiée à l’Église le jour de Pâques. Nous sommes nés dans le Christ comme instruments de réconciliation, pour porter à tous le pardon du Père, pour révéler son visage de seul amour dans les signes de la miséricorde.

Dans le Psaume responsorial il a été proclamé : « Son amour est pour toujours » (117/118, 2). C’est vrai, la miséricorde de Dieu est éternelle ; elle ne finit pas, elle ne s’épuise pas, elle ne se rend pas face aux fermetures, et elle ne se fatigue jamais. Dans ce « pour toujours » nous trouvons un soutien dans les moments d’épreuve et de faiblesse, parce que nous sommes certains que Dieu ne nous abandonne pas : il demeure avec nous pour toujours. Remercions pour son si grand amour, qu’il nous est impossible de comprendre : il si grand ! Demandons la grâce de ne jamais nous fatiguer de puiser la miséricorde du Père et de la porter dans le monde : demandons d’être nous-mêmes miséricordieux, pour répandre partout la force de l’Évangile, pour écrire ces pages de l’Évangile que l’apôtre Jean n’a pas écrites.

[00502-FR.01] [Texte original: Italien]

Message de Pâques du pape François durant la bénédiction « Ubi et Orbi »

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Vous trouverez ci-dessous le texte du pape François prononcé avant la bénédiction Ubi et Orbi:

« Rendez grâce au Seigneur : il est bon, éternel est son amour» (Ps 135, 1).

Chers frères et sœurs, bonnes fêtes de Pâques.
Jésus-Christ, incarnation de la miséricorde de Dieu, est mort par amour sur la croix, et, par
amour, est ressuscité. C’est pourquoi nous proclamons aujourd’hui : Jésus est le Seigneur !

Sa résurrection accomplit pleinement la prophétie du Psaume : la miséricorde de Dieu est éternelle, son amour est pour toujours, il ne mourra jamais. Nous pouvons nous confier totalement à lui, et nous lui rendons grâces parce qu’il est descendu pour nous jusqu’au fond de l’abîme.

Face aux gouffres spirituels et moraux de l’humanité, face aux vides qui s’ouvrent dans les cœurs et qui provoquent la haine et la mort, seule une miséricorde infinie peut nous donner le salut. Seul Dieu peut remplir de son amour ces vides, ces abîmes, et nous permettre de ne pas nous écrouler, mais de continuer à marcher ensemble vers le Terre de la liberté et de la vie.

L’annonce joyeuse de Pâques : Jésus, le crucifié, n’est pas ici, il est ressuscité (cf. Mt 28, 5- 6), nous offre la consolante certitude que l’abîme de la mort a été traversé et, avec lui, le deuil, la plainte et l’angoisse (cf. Ap 21, 4) ont été vaincus. Le Seigneur, qui a souffert l’abandon de ses disciples, le poids d’une condamnation injuste, et la honte d’une mort infâmante, nous rend maintenant participants de sa vie immortelle, et il nous donne son regard de tendresse et de compassion envers les affamés et les assoiffés, les étrangers et les prisonniers, les marginaux et les exclus, les victimes des abus et de la violence. Le monde est rempli de personnes qui souffrent dans leur corps et dans leur esprit, et chaque jour les journaux sont pleins de nouvelles de crimes atroces, commis souvent dans les murs du foyer domestique, et de conflits armés, à grande échelle, qui soumettent des populations entières à des épreuves indicibles.

Que le Christ ressuscité ouvre des chemins d’espérance à la Syrie bien aimée, pays déchiqueté par un long conflit, avec son triste cortège de destructions, de mort, de mépris du droit humanitaire et de décomposition de la cohabitation civile. Nous confions à la puissance du Seigneur ressuscité les discussions en cours, pour que, grâce à la bonne volonté et à la collaboration de tous, on puisse recueillir des fruits de paix et engager la construction d’une société fraternelle, respectueuse de la dignité et des droits de tout citoyen. Que le message de vie, qui a retenti dans la bouche de l’Ange près de la pierre basculée du tombeau, soit victorieux de la dureté des cœurs et promeuve une rencontre féconde des peuples et desCapture d’écran 2016-03-27 à 09.40.03 cultures dans les autres zones du bassin méditerranéen et du Moyen Orient, en particulier en Irak, au Yémen et en Lybie.

Que l’image de l’homme nouveau qui resplendit sur le visage du Christ favorise la cohabitation entre Israéliens et Palestiniens en Terre Sainte, ainsi que la disponibilité patiente et l’engagement quotidien à se dévouer pour construire les bases d’une paix juste et durable, par le moyen de négociations directes et sincères. Que le Seigneur de la vie accompagne aussi les efforts visant à trouver une solution définitive à la guerre en Ukraine, en inspirant et en soutenant également les initiatives d’aide humanitaire, parmi lesquelles la libération des personnes détenues.

Que le Seigneur Jésus, notre Paix (cf. Ep. 2, 14), qui par sa résurrection a vaincu le mal et le péché, stimule en cette fête de Pâques notre proximité aux victimes du terrorisme, forme aveugle et atroce de violence qui ne cesse pas de répandre le sang innocent en diverses parties du monde, comme cela s’est produit dans les récents attentats en Belgique, en Turquie, au Nigéria, au Tchad, au Cameroun et en Côte d’Ivoire. Que les ferments d’espérance et les perspectives de paix en Afrique aboutissent; je pense en particulier au Burundi, au Mozambique, à la République Démocratique du Congo et au Sud Soudan, marqués par des tensions politiques et sociales.

Avec les armes de l’amour, Dieu a vaincu l’égoïsme et la mort ; son Fils Jésus est la porte de la miséricorde grand ouverte à tous. Que son message pascal se projette de plus en plus sur le peuple vénézuélien, qui se trouve dans des conditions difficiles pour vivre, et sur tous ceux qui ont en main les destinées du pays, afin que l’on puisse travailler en vue du bien commun, en cherchant des espaces de dialogue et de collaboration avec tous. Que partout on se dévoue Capture d’écran 2016-03-27 à 09.54.29pour favoriser la culture de la rencontre, la justice et le respect réciproque, qui seuls peuvent garantir le bien être spirituel et matériel des citoyens.

Le Christ ressuscité, annonce de vie pour toute l’humanité, se prolonge au long des siècles, et nous invite à ne pas oublier les hommes et les femmes en chemin, dans la recherche d’un avenir meilleur, file toujours plus nombreuse de migrants et de réfugiés – parmi lesquels de nombreux enfants – fuyant la guerre, la faim, la pauvreté et l’injustice sociale. Ces frères et sœurs rencontrent trop souvent en chemin la mort ou du moins le refus de ceux qui pourraient leur offrir un accueil et de l’aide. Que le rendez-vous du prochain Sommet Humanitaire Mondial n’oublie pas de mettre au centre la personne humaine avec sa dignité et d’élaborer des politiques capables d’assister et de protéger les victimes des conflits et des autres situations d’urgence, surtout les plus vulnérables et tous ceux qui sont persécutés pour des raisons ethniques et religieuses.

En ce jour glorieux, « que notre terre soit heureuse, irradiée de tant de feux » (cf. Exultet ), terre qui est pourtant tellement maltraitée et vilipendée par une exploitation avide de gain qui altère les équilibres de la nature. Je pense en particulier à ces zones touchées par les effets des changements climatiques, qui provoquent souvent la sécheresse ou de violentes inondations, avec, en conséquence, des crises alimentaires en plusieurs endroits de la planète.

Avec nos frères et sœurs qui sont persécutés pour la foi et pour leur fidélité au nom du Christ, et face au mal qui semble avoir le dessus dans la vie de beaucoup de personnes, réécoutons la consolante parole du Seigneur : « Courage ! Moi, je suis vainqueur du monde » (Jn 16, 33). C’est aujourd’hui le jour resplendissant de cette victoire, parce que le Christ a foulé aux pieds la mort, et par sa résurrection il a fait resplendir la vie et l’immortalité (cf. 2Tm 1, 10). « Il nous fait passer de l’esclavage à la liberté, de la tristesse à la joie, du deuil à la fête, des ténèbres à la lumière, de l’esclavage à la rédemption. Disons-lui : Alléluia ! » (Méliton de Sardes, Homélie de Pâques).

A tous ceux qui, dans nos sociétés, ont perdu toute espérance et le goût de vivre, aux personnes âgées écrasées qui, dans la solitude, sentent leur forces diminuer, aux jeunes qui pensent ne pas avoir d’avenir, à tous j’adresse encore une fois les paroles du Ressuscité : « Voici que je fais toutes choses nouvelles…A celui qui a soif, moi, je donnerai l’eau de la source de vie, gratuitement (Ap 21, 5-6).

Que le message rassurant de Jésus nous aide chacun à repartir avec plus de courage pour construire des chemins de réconciliations avec Dieu et avec les frères.
[00469-FR.01] [Texte original: Italien]

Vigile Pascale: homélie du pape François

Le 26 mars 2016, le Saint Père a présidé la Vigile Pascale à la basilique vaticane. Voici l’homélie qu’il a prononcé suite à la lecture de l’Évangile selon Saint Luc (24 ,1-12):

« Pierre courut au tombeau » (Lc 24, 12). Quelles pensées pouvaient donc agiter l’esprit et le cœur de Pierre pendant cette course ? L’Evangile nous dit que les Onze, parmi lesquels Pierre, n’avaient pas cru au témoignage des femmes, à leur annonce pascale. Plus encore, « ces propos leur semblèrent délirants » (v. 11). Il y avait donc le doute dans le cœur de Pierre, accompagné de nombreuses pensées négatives : la tristesse pour la mort du Maître aimé, et la déception de l’avoir trahi trois fois pendant la Passion.

Mais il y a un détail qui marque un tournant : Pierre, après avoir écouté les femmes et ne pas les avoir cru, cependant « se leva » (v. 12). Il n’est pas resté assis à réfléchir, il n’est pas resté enfermé à la maison comme les autres. Il ne s’est pas laissé prendre par l’atmosphère morose de ces journées, ni emporter par ses doutes ; il ne s’est pas laissé accaparer par les remords, par la peur ni par les bavardages permanents qui ne mènent à rien. Il a cherché Jésus, pas lui-même. Il a préféré la voie de la rencontre et de la confiance et, tel qu’il était, il s’est levé et a couru au tombeau, d’où il revint « tout étonné » (v. 12 ). Cela a été le début de la « résurrection » de Pierre, la résurrection de son cœur. Sans céder à la tristesse ni à l’obscurité, il a laissé place à la voix de l’espérance : il a permis que la lumière de Dieu entre dans son cœur, sans l’éteindre.

Les femmes aussi, qui étaient sorties tôt le matin pour accomplir une œuvre de miséricorde, pour porter les aromates à la tombe, avaient vécu la même expérience. Elles étaient « saisies de crainte et gardaient le visage incliné vers le sol », mais elles ont été troublées en entendant les paroles de l’ange : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? » (v. 5).

Nous aussi, comme Pierre et les femmes, nous ne pouvons pas trouver la vie en restant tristes, sans espérance, et en demeurant prisonniers de nous-mêmes. Mais ouvrons au Seigneur nos tombeaux scellés, pour que Jésus entre et donne vie ; portons-lui les pierres des rancunes et les amas du passé, les lourds rochers des faiblesses et des chutes. Il souhaite venir et nous prendre par la main, pour nous tirer de l’angoisse. Mais la première pierre à faire rouler au loin cette nuit, c’est le manque d’espérance qui nous enferme en nous-mêmes. Que le Seigneur nous libère de ce terrible piège d’être des chrétiens sans espérance, qui vivent comme si le Seigneur n’était pas ressuscité et comme si nos problèmes étaient le centre de la vie.

Nous voyons et nous verrons continuellement des problèmes autour de nous et en nous. Il y en aura toujours. Mais, cette nuit, il faut éclairer ces problèmes de la lumière du Ressuscité, en un certain sens, les « évangéliser ». Les obscurités et les peurs ne doivent pas accrocher le regard de l’âme et prendre possession du cœur ; mais écoutons la parole de l’Ange : le Seigneur « n’est pas ici, il est ressuscité » (v. 6). Il est notre plus grande joie, il est toujours à nos côtés et ne nous décevra jamais. Voilà le fondement de l’espérance, qui n’est pas un simple optimisme, ni une attitude psychologique ou une bonne invitation à nous donner du courage. L’espérance chrétienne est un don que Dieu nous fait, si nous sortons de nous-mêmes et nous ouvrons à lui. Cette espérance ne déçoit pas car l’Esprit Saint a été répandu dans nos cœurs (cf. Rm 5, 5). Le Consolateur ne rend pas tout beau, il ne supprime pas le mal d’un coup de baguette magique, mais il infuse la vraie force de la vie, qui n’est pas une absence de problèmes mais la certitude d’être toujours aimés et pardonnés par le Christ qui, pour nous, a vaincu le péché, la mort et la peur. Aujourd’hui c’est la fête de notre espérance, la célébration de cette certitude : rien ni personne ne pourra jamais nous séparer de son amour (cf. Rm 8, 39).

Le Seigneur est vivant et veut être cherché parmi les vivants. Après l’avoir rencontré, il envoie chacun porter l’annonce de Pâques, susciter et ressusciter l’espérance dans les cœurs appesantis par la tristesse, chez celui qui peine à trouver la lumière de la vie. Il y en a tellement besoin aujourd’hui. Oublieux de nous-mêmes, comme des serviteurs joyeux de l’espérance, nous sommes appelés à annoncer le Ressuscité avec la vie et par l’amour ; autrement nous serions une structure internationale avec un grand nombre d’adeptes et de bonnes règles, mais incapables de donner l’espérance dont le monde est assoiffé.

Comment pouvons-nous nourrir notre espérance ? La liturgie de cette nuit nous donne un bon conseil. Elle nous apprend à faire mémoire des œuvres de Dieu. Les lectures nous ont raconté, en effet, sa fidélité, l’histoire de son amour envers nous. La Parole vivante de Dieu est capable de nous associer à cette histoire d’amour, en alimentant l’espérance et en ravivant la joie. L’Évangile que nous avons entendu nous le rappelle aussi ; les anges, pour insuffler l’espérance aux femmes, disent : « Rappelez-vous ce qu’il vous a dit » (v. 6). N’oublions pas sa Parole ni ses œuvres, autrement nous perdrions l’espérance ; au contraire, faisons mémoire du Seigneur, de sa bonté et de ses paroles de vie qui nous ont touchés ; rappelons-les et faisons-les nôtres, pour être les sentinelles du matin qui sachent découvrir les signes du Ressuscité.

Chers frères et sœurs, le Christ est ressuscité ! Ouvrons-nous à l’espérance et mettons-nous en route ; que la mémoire de ses œuvres et de ses paroles soit une lumière éclatante qui guide nos pas dans la confiance, vers la Pâque qui n’aura pas de fin.

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