Audience générale du pape François – mercredi 31 janvier 2024

Colère (Ira) de la série Les sept péchés capitaux. Pieter van der Heyden. Collection MET. Wikimedia Commons.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François a poursuivi sa réflexion sur les vices et les vertus. Parlant du vice de la colère, il a déclaré qu’il « s’agit d’un vice qui détruit les relations humaines. Il exprime l’incapacité d’accepter la diversité des autres, surtout lorsque leurs choix de vie divergent des nôtres ». Il a ensuite ajouté que notre réponse est d’apprendre que « nous sommes redevables, nous avons tous des comptes à régler, et donc nous devons tous apprendre à pardonner pour être pardonnés ».

Lisez le texte intégral ci-dessous. Vous pouvez également regarder l’intégralité de l’émission ce soir à 19h30 HE soit 16h30 HP sur Sel + Lumière TV et sur Sel + Lumière Plus.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Ces dernières semaines, nous traitons du thème des vices et des vertus, et aujourd’hui nous nous arrêtons pour réfléchir sur le vice de la colère. Il s’agit d’un vice particulièrement sombre, et peut-être le plus facile à détecter d’un point de vue physique. La personne dominée par la colère peut difficilement la dissimuler : on le reconnaît aux mouvements de son corps, à son agressivité, à sa respiration laborieuse, à son regard obscur et renfrogné.

Dans sa manifestation la plus aiguë, la colère est un vice qui ne laisse aucun répit. Si elle naît d’une injustice subie (ou ressentie comme telle), elle ne se déchaîne souvent pas contre le coupable, mais contre le premier malchanceux. Il y a des hommes qui retiennent leur colère au travail, se montrant calmes et compatissants, mais qui, une fois à la maison, deviennent insupportables pour la femme et les enfants. La colère est un vice omniprésent : elle est capable de nous priver de sommeil et de nous faire constamment comploter dans notre esprit, incapables de trouver une barrière pour raisonner et penser.

La colère est un vice destructeur des relations humaines. Il exprime l’incapacité à accepter la diversité de l’autre, surtout lorsque ses choix de vie divergent des nôtres. Elle ne s’arrête pas au mauvais comportement d’une personne, mais jette tout dans la marmite : c’est l’autre, l’autre tel qu’il est, l’autre en tant que tel qui provoque la colère et le ressentiment. On se met à détester le ton de sa voix, les gestes banals de la vie quotidienne, ses façons de raisonner et de sentir.

Lorsque la relation atteint ce niveau de dégénérescence, la lucidité est désormais perdue. La colère fait perdre la lucidité. Car l’une des caractéristiques de la colère est parfois qu’elle ne s’apaise pas avec le temps. Dans ce cas, même la distance et le silence, au lieu d’apaiser le poids de l’incompréhension, l’amplifient. C’est pour cette raison que l’apôtre Paul – comme nous l’avons entendu – recommande à ses chrétiens d’aborder immédiatement le problème et de tenter une réconciliation : « Que le soleil ne se couche pas sur votre colère » (Ep 4,26). Il est important que tout soit résolu immédiatement, avant que le soleil ne se couche. Si un malentendu survient pendant la journée et que deux personnes ne se comprennent plus, se sentant soudain éloignées l’une de l’autre, la nuit ne doit pas être livrée au diable. Le vice nous maintiendrait éveillés dans l’obscurité, ruminant nos raisons et nos erreurs inexplicables qui ne sont jamais les nôtres et toujours celles de l’autre. C’est ainsi : lorsqu’une personne est dominée par la colère, elle dit toujours que le problème vient de l’autre ; elle n’est jamais capable de reconnaître ses propres fautes, ses propres déficiences.

Dans le « Notre Père », Jésus nous fait prier pour nos relations humaines qui sont un terrain miné : un plan qui ne s’équilibre jamais parfaitement. Dans la vie, nous avons affaire à des débiteurs qui nous sont redevables, tout comme nous n’avons certainement pas toujours aimé tout le monde à sa juste mesure. À certains, nous n’avons pas rendu l’amour qui leur était dû. Nous sommes tous des pécheurs, tous, et tous nous avons des comptes dans le rouge : il ne faut pas l’oublier ! Pour cela tous nous devons apprendre à pardonner pour être pardonnés. Les hommes ne restent pas ensemble s’ils ne pratiquent pas aussi l’art du pardon, pour autant que cela soit humainement possible. Ce qui peut contrer la colère, c’est la bienveillance, l’ouverture du cœur, la douceur, la patience.

Mais à propos de la colère, il faut dire une dernière chose. C’est un vice terrible, a-t-on dit, il est à l’origine des guerres et des violences. Le poème de l’Iliade décrit « la colère d’Achille », qui sera la cause d’un « deuil infini ». Mais tout ce qui naît de la colère n’est pas mauvais. Les anciens savaient bien qu’il y a en nous une part d’irascibilité qui ne peut et ne doit pas être niée. Les passions sont, dans une certaine mesure, inconscientes : elles se produisent, ce sont des expériences de la vie. Nous ne sommes pas responsables de l’apparition de la colère, mais toujours de son développement. Et parfois, il est bon que la colère soit évacuée de la bonne manière. Si une personne ne se met jamais en colère, si elle n’est pas indignée par une injustice, si elle ne ressent pas un frémissement dans ses tripes face à l’oppression d’une personne faible, cela signifierait que cette personne n’est pas humaine, et encore moins chrétienne.

La sainte indignation existe, qui n’est pas la colère mais un mouvement intérieur, une sainte indignation. Jésus l’a connue plusieurs fois dans sa vie (cf. Mc 3,5) : il n’a jamais répondu au mal par le mal, mais dans son âme il a ressenti ce sentiment et, dans le cas des marchands du Temple, il a accompli une action forte et prophétique, dictée non par la colère, mais par le zèle pour la maison du Seigneur (cf. Mt 21,12-13). Nous devons bien distinguer : une chose est le zèle, la sainte indignation, une autre est la colère qui est mauvaise.

Il nous appartient, avec l’aide de l’Esprit Saint, de trouver la juste mesure des passions, de bien les éduquer pour qu’elles s’orientent vers le bien et non vers le mal. Merci.


APPEL

Demain sera célébrée en Italie la Journée nationale des victimes civiles de la guerre. Au souvenir dans la prière de tous ceux qui sont morts au cours des deux conflits mondiaux, associons également les nombreux  — trop nombreux — civils, victimes innocentes des guerres qui ensanglantent malheureusement encore notre planète, comme cela a lieu au Moyen-Orient et en Ukraine. Que leur cri de douleur puisse toucher les cœurs des responsables des nations et susciter des projets de paix. Quand on lit les récits, ces jours-ci, de la guerre, il y a tant de cruauté, tant! Demandons au Seigneur la paix, qui est toujours douce, et jamais cruelle.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 24 janvier 2024

Avarice (Avaritia) de la série Les sept péchés capitaux. Pieter van der Heyden. Collection MET. Wikimedia Commons.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François s’est penché sur le vice de l’avarice ou de la cupidité. Il a expliqué que : « C’est une tentative d’exorciser la peur de la mort : on cherche des valeurs qui, en réalité, s’écroulent au moment même où on les tient dans la main. »

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Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous poursuivons les catéchèses sur les vices et les vertus et aujourd’hui nous parlons de l’avarice, c’est-à-dire de cette forme d’attachement à l’argent qui empêche l’homme d’être généreux.

Il ne s’agit pas d’un péché qui concerne uniquement les personnes qui possèdent un patrimoine important, mais d’un vice transversal, qui n’a souvent rien à voir avec le solde du compte courant. C’est une maladie du cœur, pas du portefeuille.

Les analyses des Pères du désert sur ce mal ont montré comment l’avarice pouvait s’emparer aussi des moines qui, ayant renoncé à d’énormes héritages, s’étaient attachés dans la solitude de leur cellule à des objets de peu de valeur : ils ne les prêtaient pas, ils ne les partageaient pas, et ils étaient encore moins disposés à les donner. Un attachement à de petites choses. Ces objets sont devenus pour eux une sorte de fétiche dont il était impossible de se détacher. Une sorte de régression au stade des enfants qui s’agrippent à leur jouet en répétant : « C’est à moi ! C’est à moi ! ». Un tel attachement prive de toute liberté. Dans cette revendication se cache un rapport maladif à la réalité, qui peut se traduire par des formes d’accaparement compulsif ou d’accumulation pathologique.

Pour guérir de cette maladie, les moines proposaient une méthode radicale, mais très efficace : la méditation sur la mort. Quelle que soit l’accumulation de biens dans ce monde, nous sommes absolument certains d’une chose : ils ne tiendront pas dans le cercueil. Nous ne pouvons pas emporter les biens. C’est là que se révèle l’absurdité de ce vice. Le lien de possession que nous construisons avec les choses n’est qu’apparent, car nous ne sommes pas les maîtres du monde : cette terre que nous aimons n’est en vérité pas la nôtre, et nous nous y déplaçons comme des étrangers et des pèlerins (cf. Lv 25, 23).

Ces simples considérations nous permettent de comprendre la folie de l’avarice, mais aussi sa raison profonde. Elle tente d’exorciser la peur de la mort : elle recherche la sécurité en des valeurs qui s’écroulent au moment même où nous les saisissons. Rappelez-vous la parabole de cet homme insensé, dont la campagne offrait une récolte très abondante, et qui se berçait de pensées sur la manière d’agrandir ses greniers pour y mettre toute la récolte. L’homme avait tout calculé, tout prévu pour l’avenir. Mais il n’avait pas pris en compte la variable la plus sûre de la vie : la mort. « Tu es fou – dit l’Évangile – cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ? » (Lc 12,20).

Dans d’autres cas, ce sont les voleurs qui rendent ce service. Même dans les Évangiles, ils font de nombreuses apparitions et, bien que leur action soit répréhensible, elle peut devenir un avertissement salutaire. C’est ce que Jésus prêche dans le Sermon sur la montagne : « Ne vous faites pas de trésors sur la terre, là où les mites et les vers les dévorent, où les voleurs percent les murs pour voler. Mais faites-vous des trésors dans le ciel, là où il n’y a pas de mites ni de vers qui dévorent, pas de voleurs qui percent les murs pour voler. » (Mt 6,19-20). Toujours dans les récits des Pères du désert, on raconte l’histoire d’un voleur qui surprend le moine dans son sommeil et lui dérobe les quelques biens qu’il gardait dans sa cellule. Lorsqu’il se réveille, nullement troublé par ce qui s’est passé, le moine se lance sur les traces du voleur et, une fois qu’il l’a trouvé, au lieu de réclamer les biens volés, il lui remet les quelques objets qui lui sont restés, en disant : « Tu as oublié de les prendre ! »

Nous, frères et sœurs, nous pouvons être les maîtres des biens que nous possédons, mais c’est souvent le contraire qui arrive : ces biens finissent par nous posséder. Certains riches ne sont plus libres, ils n’ont même plus le temps de se reposer, ils doivent surveiller leurs épaules parce que l’accumulation des biens exige aussi d’en prendre soin. Ils sont toujours anxieux car un patrimoine se construit à la sueur de son front, mais il peut disparaître à tout moment. Ils oublient la prédication de l’Évangile, qui ne prétend pas que les richesses soient un péché en soi, mais qu’elles sont certainement une responsabilité. Dieu n’est pas pauvre : il est le Seigneur de tout, mais – écrit saint Paul – « lui qui est riche, il s’est fait pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté » (2 Co 8, 9).

C’est ce que l’avare ne comprend pas. Il aurait pu être un motif de bénédiction pour beaucoup, mais au lieu de cela, il s’est engagé dans l’impasse de l’infélicité. Et la vie de l’avare est déplorable : je me souviens du cas d’un monsieur que j’ai connu dans l’autre diocèse, un homme très riche, dont la mère était malade. Il était marié. Les frères s’occupaient de la mère à tour de rôle, et la mère prenait un yaourt le matin. Il lui en donnait la moitié le matin pour lui donner l’autre moitié l’après-midi et économiser un demi-yogourt. Telle est l’avarice, tel est l’attachement aux biens. Puis ce monsieur est mort, et les commentaires des gens qui sont allés à la veillée funèbre ont été les suivants : « Mais vous voyez bien que cet homme n’a rien sur lui : il a tout laissé derrière lui ». Et puis, un peu moqueurs, ils disaient : « Non, non, ils ne pouvaient pas fermer le cercueil parce qu’il voulait tout emporter ». Et cela fait rire les autres, l’avarice : à la fin, nous devons donner notre corps, notre âme au Seigneur et nous devons tout laisser. Soyons vigilants et généreux : généreux avec tout le monde et généreux avec ceux qui ont le plus besoin de nous. Je vous remercie.


APPELS

Samedi prochain, le 27 janvier, sera la Journée internationale de commémoration des victimes de l’Holocauste. Que le souvenir et la condamnation de cette horrible extermination de millions de Juifs et de personnes d’autres confessions, qui a eu lieu dans la première moitié du siècle dernier, aident chacun à ne pas oublier que la logique de la haine et de la violence ne peut jamais être justifiée, parce qu’elle nie notre humanité elle-même.

La guerre elle-même est un déni d’humanité. Ne nous lassons pas de prier pour la paix, pour la fin des conflits, pour l’arrêt des armes et pour le secours des populations accablées. Je pense au Proche-Orient, à la Palestine, à Israël, je pense aux nouvelles inquiétantes qui nous parviennent de l’Ukraine tourmentée, notamment les bombardements qui frappent des lieux fréquentés par des civils, semant mort, destruction et souffrance. Je prie pour les victimes et leurs proches, et j’implore chacun, en particulier ceux qui ont une responsabilité politique, de protéger la vie humaine en mettant fin aux guerres. N’oublions pas que la guerre est toujours une défaite, toujours. Les seuls « gagnants » – entre guillemets – sont les fabricants d’armes.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 17 janvier 2024

Photo par Frank Cone sur Pexels.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François a évoqué le vice de la luxure comme une « moquerie » de l’amour. Il a déclaré qu’elle « pille, elle vole, elle consomme à la hâte, elle ne veut pas écouter l’autre mais seulement son propre besoin et son propre plaisir. »

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Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui, écoutons bien la catéchèse car ensuite nous aurons le cirque qui fera quelque chose pour nous divertir

Poursuivons notre itinéraire sur les vices et les vertus ; les anciens Pères nous enseignent qu’après la gourmandise, le deuxième « démon », c’est-à-dire vice, qui se tient toujours accroupi à la porte du cœur c’est celui de la luxure. Alors que la gourmandise est une voracité envers la nourriture, ce second vice est une sorte de « voracité » envers une autre personne, c’est-à-dire la relation empoisonnée que les êtres humains entretiennent entre eux, en particulier dans le domaine de la sexualité.

Attention : dans le christianisme, il n’y a pas de condamnation de l’instinct sexuel. Un livre de la Bible, le Cantique des Cantiques, est un merveilleux poème d’amour entre deux fiancés. Cependant, cette belle dimension de notre humanité, la dimension sexuelle, la dimension de l’amour, n’est pas sans danger, à tel point que saint Paul doit déjà aborder la question dans la première Lettre aux Corinthiens. Il écrit : « On entend dire partout qu’il y a chez vous un cas d’inconduite, une inconduite telle qu’on n’en voit même pas chez les païens » (5,1). Le reproche de l’Apôtre concerne précisément une gestion malsaine de la sexualité par certains chrétiens.

Mais regardons l’expérience humaine, l’expérience de tomber amoureux. Ici, il y a tant de nouveaux mariés, vous pouvez parler de cela ! Pourquoi ce mystère se produit, ni pourquoi il s’agit d’une expérience si bouleversante dans la vie des personnes. Aucun d’entre nous ne le sait. Une personne tombe amoureuse d’une autre, cela arrive de tomber amoureux. C’est l’une des réalités les plus surprenantes de l’existence. La plupart des chansons que nous entendons à la radio en parlent : des amours qui s’illuminent, des amours toujours recherchés et jamais atteints, des amours pleins de joie ou des amours qui tourmentent jusqu’aux larmes.

S’il n’est pas pollué par le vice, tomber amoureux est l’un des sentiments les plus purs. Une personne amoureuse devient généreuse, aime faire des cadeaux, écrit des lettres et des poèmes. Il cesse de penser à lui pour se projeter entièrement vers l’autre, que c’est beau. Et si vous demandez à une personne amoureuse : “pour quel motif tu aimes ?, elle ne trouvera pas de réponse : à bien des égards, son amour est inconditionnel, sans aucune raison. Patience si cet amour, si puissant, est aussi un peu naïf : l’amoureux ne connaît pas vraiment le visage de l’autre, il a tendance à l’idéaliser, il est prêt à faire des promesses dont il ne saisit pas immédiatement le poids. Ce « jardin » où se multiplient les merveilles n’est pourtant pas à l’abri du mal. Il est souillé par le démon de la luxure, et ce vice est particulièrement odieux, pour au moins deux raisons.

Tout d’abord parce qu’il dévaste les relations entre les personnes. Pour documenter une telle réalité, l’actualité quotidienne suffit malheureusement. Combien de relations qui avaient commencé dans les meilleures conditions se sont transformées en relations toxiques, de possession de l’autre, de manque de respect et du sens de limite ? Ce sont des amours où la chasteté a fait défaut : une vertu qu’il ne faut pas confondre avec l’abstinence sexuelle- la chasteté est plus que l’abstinence sexuelle -, elle doit plutôt être reliée avec la volonté de ne jamais posséder l’autre. Aimer, c’est respecter l’autre, rechercher son bonheur, cultiver l’empathie pour ses sentiments, se disposer à la connaissance d’un corps, d’une psychologie et d’une âme qui ne sont pas les nôtres et qui doivent être contemplés pour la beauté qu’ils portent. Aimer c’est cela, et c’est beau l’amour. La luxure, en revanche, se moque de tout cela : la luxure pille, elle vole, elle consomme à la hâte, elle ne veut pas écouter l’autre mais seulement son propre besoin et son propre plaisir ; la luxure juge toute fréquentation ennuyeuse, elle ne cherche pas cette synthèse entre raison, pulsion et sentiment qui nous aiderait à conduire l’existence avec sagesse. Le luxurieux ne cherche que des raccourcis : il ne comprend pas que le chemin de l’amour doit être parcouru lentement, et que cette patience, loin d’être synonyme d’ennui, nous permet de rendre heureuses nos relations amoureuses.

Mais il y a une deuxième raison pour laquelle la luxure est un vice dangereux. De tous les plaisirs humains, la sexualité a une voix puissante. Elle met en jeu tous les sens, elle habite à la fois le corps et la psyché, et c’est très beau, mais si elle n’est pas disciplinée avec patience, si elle n’est pas inscrite dans une relation et dans une histoire où deux individus la transforment en danse amoureuse, elle se transforme en une chaîne qui prive l’homme de sa liberté. Le plaisir sexuel qui est un don de Dieu, est miné par la pornographie : une satisfaction sans relation qui peut générer des formes de dépendance. Nous devons défendre l’amour, l’amour du cœur, de l’esprit, du corps, l’amour pur dans le don de soi, l’un à l’autre. Et c’est cela la beauté de la relation sexuelle.

Gagner la bataille contre la luxure, contre la « chosification » de l’autre, peut être l’affaire de toute une vie. Mais le prix de cette bataille est absolument le plus important de tous, car il s’agit de préserver cette beauté que Dieu a inscrite dans sa création lorsqu’il a imaginé l’amour entre l’homme et la femme, qui n’est pas pour s’utiliser l’un, l’autre, mais pour s’aimer. Cette beauté qui nous fait croire que construire une histoire ensemble vaut mieux que partir à l’aventure – il y a tant de Don Juan ! -, cultiver la tendresse vaut mieux que céder au démon de la possession – le véritable amour ne possède pas, il se donne -, servir vaut mieux que conquérir. Car s’il n’y a pas d’amour, la vie est triste, la vie est une triste solitude. Merci.


APPEL

J’exprime ma proximité et ma solidarité avec les victimes, toutes civiles, de l’attaque au missile qui a frappé une zone urbaine d’Erbil, capitale de la Région Autonome du Kurdistan Irakien. Les bonnes relations entre voisins ne se construisent pas par de telles actions, mais par le dialogue et la collaboration. Je demande à tous d’éviter toute mesure susceptible d’accroître les tensions au Moyen-Orient et dans d’autres scénario

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 10 janvier 2024

Le ci devant grand couvert de Gargantua moderne en famille. Photo de Wikimedia Commons.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François a poursuivi sa catéchèse sur les vertus et les vices en se penchant sur le péché de gourmandise. Il a souligné la dimension mondiale de ce vice en déclarant que « le péché de ceux qui succombent devant un morceau de gâteau, tout compte fait, ne cause pas de grands dommages, mais la voracité avec laquelle nous pillons les biens de la planète depuis quelques siècles compromet l’avenir de tous. »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre parcours de catéchèse que nous avons entrepris sur les vices et les vertus, aujourd’hui nous nous arrêtons sur le vice de la gourmandise.

Que nous dit l’Évangile à ce sujet ? Regardons Jésus. Son premier miracle, aux noces de Cana, révèle sa sympathie pour les joies humaines : il veille à ce que la fête se termine bien et donne aux mariés une grande quantité de très bon vin. Tout au long de son ministère, Jésus apparaît comme un prophète très différent du Baptiste : si l’on se souvient de Jean pour son ascétisme – il mangeait ce qu’il trouvait dans le désert -, Jésus est au contraire le Messie que l’on voit souvent à table. Son comportement suscite scandale pour certains, car non seulement il est bienveillant à l’égard des pécheurs, mais il mange même avec eux ; et ce geste démontrait sa volonté de communion et de proximité avec tous.

Mais il y a aussi autre chose. Si l’attitude de Jésus à l’égard des préceptes juifs révèle sa pleine soumission à la Loi, il fait cependant preuve de compréhension à l’égard de ses disciples : lorsqu’ils sont pris en flagrant délit de faim et qu’ils ramassent des épis le jour du sabbat, il les justifie en rappelant que le roi David et ses compagnons, se trouvant dans le besoin, avaient mangé des pains sacrés (cf. Mc 2, 23-26). Et Jésus affirme un nouveau principe : les invités aux noces ne peuvent pas jeûner quand l’époux est avec eux ; ils jeûneront quand l’époux leur sera enlevé. Tout est désormais relatif à Jésus. Quand il est au milieu de nous, nous ne pouvons pas nous affliger ; mais à l’heure de sa passion, alors oui, nous jeûnons (cf. Mc 2,18-20). Jésus veut que nous soyons dans la joie en sa compagnie- Lui est l’Epoux de l’Eglise ; mais il veut aussi que nous partagions ses souffrances, qui sont aussi celles des petits et des pauvres.

Un autre aspect important. Jésus abandonne la distinction entre aliments purs et impurs, qui était une distinction établie par la loi hébraïque. En réalité – enseigne Jésus – ce n’est pas ce qui entre dans l’homme qui le souille, mais ce qui sort de son cœur. C’est ainsi qu’il  » déclarait purs tous les aliments  » (Mc 7,19). C’est pourquoi le christianisme ne considère pas les aliments impurs. Mais l’attention que nous devons avoir est intérieure : elle ne porte donc pas sur la nourriture elle-même, mais sur la relation que nous entretenons avec elle. Et Jésus dit clairement que ce qui fait la bonté ou la malignité, pour ainsi dire, d’un aliment, ce n’est pas l’aliment lui-même, mais la relation que nous entretenons avec lui. Et nous le voyons, lorsqu’une personne a une relation désordonnée avec la nourriture, nous observons la façon dont elle mange, elle mange à la hâte, comme avec l’envie de se rassasier et ne se rassasie jamais, elle n’a pas une bonne relation avec la nourriture, elle est l’esclave de la nourriture.

Cette relation sereine que Jésus a établie envers l’alimentation devrait être redécouverte et valorisée, surtout dans les sociétés dites de l’abondance, où se manifestent tant de déséquilibres et tant de pathologies. On mange trop ou trop peu. Souvent on mange dans la solitude. Les troubles des comportements alimentaires se répandent : anorexie, boulimie, obésité… Et la médecine et la psychologie tentent de s’attaquer au mauvais rapport à la nourriture. Une mauvaise relation avec la nourriture est à l’origine de toutes ces maladies.

Il s’agit de maladies, souvent très douloureuses, qui sont principalement liées à des tourments de la psyché et de l’âme. L’alimentation est la manifestation de quelque chose d’intérieur : la prédisposition à l’équilibre ou à la démesure ; la capacité de rendre grâce ou la prétention arrogante à l’autonomie ; l’empathie de qui sait partager la nourriture avec celui qui est dans le besoin ou l’égoïsme de qui accumule tout pour soi-même. Cette demande est très importante : dis-moi comment tu manges et je te dirai quelle âme tu possèdes. Dans la manière de manger se révèlent notre intériorité, nos habitudes, nos attitudes psychiques.

Les anciens Pères donnaient au vice de la gourmandise le nom de « gastrimargie », terme que l’on peut traduire par « folie du ventre ». La gourmandise est une « folie du ventre ». Et il y a aussi ce proverbe qui dit qu’il faut manger pour vivre et non vivre pour manger. La gourmandise est un vice qui se greffe sur l’un de nos besoins vitaux, comme l’alimentation. Soyons prudents à ce sujet.

Si nous l’envisageons d’un point de vue social, la gourmandise est peut-être le vice le plus dangereux qui est en train de faire périr la planète. Car le péché de ceux qui cèdent devant une part de gâteau, somme toute, ne provoque pas de dommages importants, mais la voracité avec laquelle nous nous déchaînons, depuis quelques siècles, sur les biens de la planète, compromet l’avenir de tous. Nous nous sommes jetés sur tout, pour devenir maîtres de tout, alors que tout avait été confié à notre soin, et non à notre exploitation ! Voilà donc le grand péché, la fureur du ventre : nous avons abjuré le nom d’hommes, pour en prendre un autre, celui de « consommateurs ». C’est ainsi que l’on dit aujourd’hui dans la vie sociale : « consommateurs ». Nous ne nous sommes même pas aperçus que quelqu’un avait commencé à nous appeler ainsi. Nous sommes faits pour être des hommes et des femmes « eucharistiques », capables de rendre grâce, discrets dans l’utilisation de la terre, et au lieu de cela, le danger est de se transformer en prédateurs, et maintenant nous nous rendons compte que cette forme de « gloutonnerie » a fait beaucoup de mal au monde. Demandons au Seigneur de nous aider sur le chemin de la sobriété, et que les différentes formes de gourmandise n’envahissent pas nos vies.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 3 janvier 2024

Le baptême du Christ. Musée Städel. Wikimedia Commons.

Lors de sa première Audience générale de 2024, le pape François a poursuivi sa catéchèse sur les vertus et les vices de la vie chrétienne. Il a réfléchi à la miséricorde de Dieu au milieu des luttes humaines, en disant que « Jésus est à nos côtés pour nous aider, pour nous protéger, et même pour nous relever après le péché ».

Voici le texte intégral:

La semaine dernière, nous avons introduit le thème des vices et des vertus. Cela rappelle le combat  spirituel du chrétien. En effet, la vie spirituelle du chrétien n’est pas paisible, linéaire et sans défis; au contraire, la vie chrétienne exige un combat continu: la lutte chrétienne pour préserver la foi, pour enrichir les dons de la foi en nous. Ce n’est pas un hasard si la première onction que chaque chrétien reçoit dans le sacrement du Baptême — l’onction catéchuménale — est sans aucun parfum et annonce symboliquement que la vie est un combat. En effet, dans les temps anciens, les lutteurs étaient complètement oints, aussi bien pour tonifier leurs muscles que pour que leur corps échappe à l’emprise de l’adversaire. L’onction des catéchumènes fait immédiatement comprendre que le chrétien n’est pas épargné par la lutte, qu’un chrétien doit se battre : son existence, comme celle de chacun, devra entrer dans l’arène, car la vie est une succession d’épreuves et de tentations.

Un dicton célèbre attribué à  Antoine le Grand, le premier grand père du monachisme, dit ceci: « Ote les tentations et personne ne sera sauvé ». Les saints ne sont pas des hommes qui ont été épargnés par la tentation, mais plutôt des gens qui sont bien conscients du fait que les séductions du mal apparaissent à plusieurs reprises dans la vie, pour être démasquées et rejetées. Nous en avons tous fait l’expérience de cela, nous tous : une mauvaise pensée te vient à l’esprit, une envie de faire ceci ou de dire du mal d’autrui… Tout le monde, nous sommes tous tentés, et nous devons lutter pour ne pas tomber dans ces tentations. Si l’un d’entre vous n’a pas de tentations, dites-le-moi, car ce serait une chose extraordinaire! Nous avons tous des tentations et nous devons tous apprendre à gérer ces situations.

Pourtant, il y a beaucoup de gens qui s’absolvent continuellement, qui croient qu’ils sont « en règle » — « Non, je suis bon, je suis bonne, je n’ai pas ces problèmes ». Mais aucun de nous n’est en règle; si quelqu’un se sent en règle, il rêve; chacun d’entre nous a beaucoup de choses à mettre au point et nous devons aussi être vigilants. Et parfois il arrive que nous allions au sacrement de la Réconciliation et nous disions, avec sincérité: « Père, je ne me souviens pas, je ne sais pas si j’ai des péchés… ». Ceci est un manque de connaissance de ce qui se passe dans notre cœur. Nous sommes tous pécheurs, tous. Et un peu d’introspection, un petit regard intérieur nous fera du bien. Sinon nous risquons de vivre dans les ténèbres, parce que nous sommes désormais habitués à l’obscurité et nous ne savons plus distinguer le bien du mal. Isaac de Ninive disait que dans l’Eglise, celui qui connaît ses péchés et en pleure est plus grand que celui qui ressuscite un mort. Nous devons tous demander à Dieu la grâce de nous reconnaître comme de pauvres pécheurs qui nécessitent d’une conversion, en gardant dans notre cœur la confiance qu’aucun péché n’est trop grand pour la miséricorde infinie de Dieu le Père. Voici la leçon inaugurale que Jésus nous offre.

Nous le voyons dans les premières pages des Evangiles, tout d’abord lorsqu’on nous parle du baptême du Messie dans les eaux du Jourdain. L’épisode a en soi quelque chose de déconcertant: pourquoi Jésus se soumet-il à un tel rite de purification? Il est Dieu, il est parfait! De quel péché Jésus doit-il se repentir? Aucun! Même Jean-Baptiste est scandalisé, au point que le texte dit: « Celui-ci l’en détournait, en disant: “C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et toi, tu viens à moi!” » (Mt 3, 14). Mais Jésus est un Messie très différent de la façon dont Jean l’avait présenté et dont les gens l’imaginaient : il n’incarne pas le Dieu en colère et ne convoque pas pour le jugement, mais, au contraire, il fait la queue avec les pécheurs. Pourquoi? Oui, Jésus nous accompagne, nous tous pécheurs. Il n’est pas pécheur, mais il est parmi nous. Et c’est une belle chose. « Mon père, j’ai tellement de péchés! » — « Mais Jésus est avec toi: parles-en, il t’aidera à t’en sortir ». Jésus ne nous laisse jamais seuls, jamais! Réfléchissez bien à cela. « Mon père, j’ai fait de grosses bêtises! » — « Mais Jésus te comprend et t’accompagne: il comprend ton péché et le pardonne ». N’oublie jamais ça! Dans les pires moments, dans les moments où nous glissons dans le péché, Jésus est à nos côtés pour nous aider à nous relever. Cela donne une consolation. Nous ne devons pas perdre cette certitude: Jésus est à nos côtés pour nous aider, pour nous protéger, et même pour nous relever après le péché. « Mon père, est-il vrai que Jésus pardonne tout? » — « Tout. Il est venu pour pardonner, pour sauver. Mais Jésus veut que ton cœur soit ouvert». Il n’oublie jamais de pardonner: c’est nous, bien souvent, qui perdons la capacité de demander pardon. Reprenons cette capacité à demander pardon. Chacun de nous a beaucoup de raisons de demander pardon: que chacun y pense en lui-même et en parle aujourd’hui à Jésus. Parles-en à Jésus: « Seigneur, je ne sais pas si cela est vrai ou pas, mais je suis sûr que tu ne t’éloignes pas de moi. Je suis sûr que tu me pardonnes. Seigneur, je suis un pécheur, une pécheresse, mais je t’en prie ne t’éloigne pas de moi ». Ce serait une belle prière à adresser à Jésus aujourd’hui: « Seigneur, ne t’éloigne pas de moi ».

Et immédiatement après l’épisode du baptême, les Evangiles racontent que Jésus se retire dans le désert, où il est tenté par Satan. Même dans ce cas, nous nous demandons: pour quelle raison le Fils de Dieu doit-il connaître la tentation? Dans ce cas également, Jésus se montre solidaire de notre nature humaine fragile et devient notre grand exemplum: les tentations qu’il traverse et surmonte au milieu des pierres arides du désert sont la première instruction qu’il donne à notre vie de disciples. Il a fait l’expérience de ce à quoi nous aussi devons toujours nous préparer à affronter: la vie est faite de défis, d’épreuves, de carrefours, de visions opposées, de séductions cachées, de voix contradictoires. Certaines voix sont même séduisantes, au point que Satan tente Jésus en recourant aux paroles des Ecritures. Nous devons préserver notre clarté intérieure pour choisir le chemin qui nous mène véritablement au bonheur, puis nous efforcer de ne pas nous arrêter en route.

Rappelons-nous que nous sommes toujours tiraillés entre des extrêmes opposés: l’orgueil défie l’humilité; la haine s’oppose à la charité; la tristesse fait obstacle à la vraie joie de l’Esprit; l’endurcissement du cœur rejette la miséricorde. Les chrétiens marchent continuellement sur ces crêtes. Il est donc important de réfléchir sur les vices et les vertus: cela nous aide à surmonter la culture nihiliste où les frontières entre le bien et le mal restent floues et, en même temps, cela nous rappelle que l’être humain, contrairement à toute autre créature, peut toujours se transcender lui-même, en s’ouvrant à Dieu et en marchant vers la sainteté.

Le combat spirituel nous amène donc à regarder de près ces vices qui nous enchaînent et à marcher, avec la grâce de Dieu, vers ces vertus qui peuvent fleurir en nous, apportant le printemps de l’Esprit dans notre vie.


APPEL

Et n’oublions pas les peuples qui sont en guerre. La guerre est une folie, la guerre est toujours une défaite! Prions. Prions pour les peuples de Palestine, d’Israël, d’Ukraine et de tant d’autres lieux où sévit la guerre. Et n’oublions pas nos frères Rohingyas, qui sont persécutés.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 20 décembre 2023

Photo par Omar Trejo sur Cathopic.

Au cours de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a réfléchi à l’intention de la Nativité vivante de Saint François à Greccio. Il a déclaré que « la crèche est comme un petit puits où l’on peut puiser la proximité de Dieu, source d’espérance et de joie ».

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs,

Il y a 800 ans, à Noël 1223, saint François a réalisé la crèche vivante à Greccio. A l’heure où la crèche se prépare, ou s’achève, dans les maisons et dans de nombreux autres lieux, il est bon que nous redécouvrions ses origines.

Comment est née la crèche? Quelle était l’intention de saint François? Il disait: «Je voudrais représenter l’Enfant né à Bethléem, et voir en quelque sorte avec les yeux du corps les difficultés dans lesquelles il s’est trouvé par manque du nécessaire pour un nouveau-né, comment il a été couché dans une mangeoire et comment il était sur le foin entre le bœuf et l’âne» (Tommaso da Celano, Vita prima, XXX, 84: FF 468). François ne veut pas réaliser une belle œuvre d’art, mais susciter, à travers la crèche, l’émerveillement devant l’extrême humilité du Seigneur, devant les épreuves qu’il a subies, par amour pour nous, dans la pauvre grotte de Bethléem. En effet, le biographe du saint d’Assise note que: «Dans cette scène émouvante, la simplicité évangélique resplendit, la pauvreté est -louée, l’humilité est recommandée. Greccio est devenu comme une nouvelle Bethléem» (ibid., 85). J’ai souligné un terme: l’émerveillement. Et cela est important. Si nous, chrétiens, regardons la crèche comme une belle chose, comme une chose historique, et aussi religieuse, et que nous prions, cela n’est pas suffisant. Devant le mystère de l’incarnation du Verbe, devant la naissance de Jésus, il faut cette attitude religieuse de l’émerveillement. Si devant les mystères, je n’arrive pas à cet émerveillement, ma foi n’est que superficielle; une foi «informatique». N’oubliez pas cela.

C’est une caractéristique de la crèche, qui est comme une école de sobriété. Et cela a beaucoup à nous dire aussi. Aujourd’hui, en effet, le risque de perdre ce qui compte dans la vie est élevé et, paradoxalement, il augmente précisément à Noël — la mentalité change à Noël —: plongés dans un consumérisme qui en corrompt le sens. Le consumérisme de Noël. C’est vrai, on veut faire des cadeaux, c’est bien, c’est une façon de le célébrer, mais cette frénésie d’aller acheter des cadeaux, cela attire l’attention d’un autre côté et ce n’est plus la sobriété de Noël.  Regardons la crèche: cet émerveillement devant la crèche. Parfois, il n’y a pas l’espace intérieur pour l’émerveillement, mais uniquement pour organiser les fêtes, pour faire la fête.

Et la crèche naît pour nous ramener à ce qui compte: à Dieu qui vient habiter parmi nous. Pour cela, il est important de regarder la crèche, parce qu’elle nous aide à comprendre ce qui compte et aussi les relations sociales de Jésus à ce moment, la famille, Joseph et Marie, et les personnes chères, les pasteurs. Les personnes viennent avant les choses. Et souvent, nous plaçons les choses avant les personnes. Cela ne va pas.

Mais la crèche de Greccio, outre la sobriété qu’elle fait voir, parle aussi de joie, car la joie n’est pas la même chose que le divertissement. Mais se divertir n’est pas une mauvaise chose si on le fait en suivant de bons chemins; ce n’est pas une mauvaise chose, c’est une chose humaine. Mais la joie est plus profonde encore, plus humaine. Et parfois, il y a la tentation de se divertir, sans joie; se divertir en faisant du bruit, mais la joie est absente. C’est un peu la figure du pantin qui rit, rit, fait rire, mais son cœur est triste. La joie est la racine d’un sain divertissement pour Noël. Et sur la joie, les chroniques de l’époque disent: «Le jour de l’allégresse arrive, le temps de la joie! François […] est rayonnant […]. Le peuple afflue et se réjouit d’une joie qu’il n’avait jamais goûtée auparavant […]. Tous rentrèrent chez eux emplis d’une joie ineffable» (Vita prima, XXX, 85-86: FF  469-470). La sobriété, l’émerveillement, te conduit à la joie, la vraie joie, pas celle artificielle.

Mais d’où venait cette joie extraordinaire de Noël? Certainement pas du fait d’avoir apporté des cadeaux à la maison ou d’avoir vécu des fêtes somptueuses. Non, c’était la joie qui déborde du cœur quand on touche du doigt la proximité de Jésus, la tendresse de Dieu, qui ne laisse pas seul, mais qui console. Proximité, tendresse et compassion, telles sont les trois attitudes de Dieu. Et en regardant la crèche, en priant devant la crèche, nous pourrions entendre ces choses du Seigneur qui nous aident dans la vie de chaque jour.

Chers frères et sœurs, la crèche est comme un petit puits d’où puiser la proximité de Dieu, source d’espérance et de joie. Elle est comme un Evangile vivant, un Evangile domestique. Elle est comme le puits de la Bible, elle est le lieu de la rencontre, où nous apportons à Jésus, comme l’ont fait les bergers de Bethléem et les habitants de Greccio, elle est comme les attentes et les préoccupations de la vie. Si, devant la crèche, nous confions à Jésus tout ce qui nous est cher, nous éprouverons nous aussi «une très grande joie» (Mt 2, 10), une joie qui vient précisément de la contemplation, de l’esprit d’émerveillement avec lequel je vais contempler ces mystères. Allons devant la crèche. Que chacun regarde et laisse son cœur ressentir quelque chose.


APPEL

J’adresse ma pensée aux victimes et aux blessés qu’a causés le tremblement de terre dévastateur qui, lundi dernier, a frappé les provinces chinoises du Gansu et du Qinghai. Je suis proche par l’affection et la prière des populations qui souffrent, j’encourage les services de secours et j’invoque sur tous la bénédiction du Tout-Puissant, pour qu’Il apporte réconfort et soulagement dans la douleur.

Je salue aussi le groupe de Mediterranea Saving Humans qui est présent ici et qui va en mer sauver les pauvres gens qui fuient l’esclavage de l’Afrique. Ils font un beau travail, ils sauvent beaucoup de gens.

N’oublions pas les personnes, les peuples qui souffrent du mal de la guerre. Les guerres sont toujours une défaite. N’oublions pas cela. Une défaite. Seuls  les fabricants d’armes y gagnent. S’il vous plaît, pensons à la Palestine, à Israël. Pensons à l’Ukraine —  l’ambassadeur est  ici présent — l’Ukraine martyrisée, qui souffre tant. Et pensons aux enfants en guerre, aux choses qu’ils voient. Allons devant la crèche et demandons la paix à Jésus. Il est le prince de la paix.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 13 décembre 2023

Photo par Francois Gha sur Unsplash.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a conclu ses catéchèses sur le thème du zèle apostolique, en répétant les paroles de Jésus « à chaque croyant et à son Église : ‘Soyez ouverts’, soyez ouverts parce que le message de l’Évangile a besoin de vous pour en témoigner et pour l’annoncer ! »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs,

Nous concluons aujourd’hui le cycle consacré au zèle apostolique, au cours duquel la Parole de Dieu nous a inspirés à aider à cultiver la passion pour l’annonce de l’Evangile. Et cela concerne tout chrétien, dès le début. Pensons au fait que dans le  baptême, le célébrant dit, en touchant les oreilles et les lèvres du baptisé: «Que le Seigneur Jésus, qui a fait entendre les sourds et parler les muets, t’accorde d’entendre bientôt sa parole et de professer ta foi».

Et nous avons entendu le prodige de Jésus. L’évangéliste Marc s’attarde à décrire le lieu où cela s’est produit: vers «la mer de Galilée» (Mc 7, 31). Qu’est-ce que ces territoires ont en commun? Le fait d’être  habités majoritairement par des païens. Ce n’était pas des territoires habités par les juifs, mais majoritairement par des païens.  Les disciples sont sortis avec Jésus, qui est capable d’ouvrir les oreilles et la bouche, c’est-à-dire le phénomène du mutisme et de la surdité, qui dans la Bible est également métaphorique, et désigne la fermeture aux appels de Dieu. Il existe une surdité physique, mais dans la Bible, celui qui est sourd à la parole de Dieu est muet, il ne communique pas la Parole de Dieu.

Un autre signe est indicatif: l’Evangile rapporte la parole décisive de Jésus en araméen, effatà, qui  signifie «ouvre-toi», que s’ouvrent les oreilles et que se délie la langue et  c’est une invitation adressée non pas tant au sourd-muet, qui ne pouvait pas l’entendre, mais précisément aux disciples de l’époque et de tous les temps. Nous aussi, qui avons reçu l’effatà de l’Esprit dans le Baptême,  nous sommes appelés à nous ouvrir. «Ouvre-toi», dit Jésus à chaque -croyant et à son Eglise: ouvre-toi parce que le message de l’Evangile a besoin de toi pour être témoigné et proclamé!  Et cela nous fait penser aussi à l’attitude d’un chrétien: le chrétien doit être ouvert à la Parole de Dieu et au service des autres. Les chrétiens fermés finissent mal, toujours, parce qu’ils ne sont pas chrétiens, ce sont des idéologues, des idéologues de la fermeture. Un chrétien doit être ouvert à l’annonce de la Parole, à l’accueil de ses frères et sœurs. Et pour cela, cet effatà, ce «ouvre-toi», est une invitation à nous tous à nous ouvrir.

Même à la fin des Evangiles, Jésus nous livre ce désir missionnaire: allez au-delà, allez paître, allez prêcher l’Evangile.

Frères, sœurs, sentons-nous tous appelés, en tant que baptisés, à témoigner et à annoncer Jésus. Et demandons la grâce, en tant qu’Eglise, de savoir mettre en œuvre une conversion pastorale et missionnaire. Le Seigneur, sur les rives de la mer de Galilée, a demandé à -Pierre s’il l’aimait et lui a ensuite demandé d’être le berger de ses brebis (cf. v. 15-17). Nous aussi, interrogeons-nous, qui chacun de nous se pose cette question, interrogeons-nous: est-ce que j’aime vraiment le Seigneur, au point de vouloir l’annoncer? Est-ce que je veux devenir son témoin ou est-ce que je me contente d’être son disciple? Est-ce que je prends à cœur les personnes que je rencontre, est-ce que je les amène à Jésus dans la prière? Est-ce que je désire faire quelque chose pour que la joie de l’Evangile, qui a transformé ma vie, embellisse aussi la leur? Pensons à cela, pensons à ces questions et allons de l’avant avec notre témoignage.


APPEL

Je continue de suivre avec une profonde préoccupation le conflit en Israël et en Palestine.

Je renouvelle mon appel pour un cessez-le-feu humanitaire immédiat: on souffre beaucoup, là-bas. J’encourage toutes les parties impliquées à reprendre les négociations et je demande à tous de s’engager avec urgence à faire arriver les aides humanitaires à la population de Gaza, qui est à bout de forces et qui en a véritablement besoin.

Que l’on libère immédiatement tous les otages, qui avaient vu une espérance dans la trêve il y a quelques jours. Que cette grande souffrance pour les israéliens et pour les palestiniens finisse.

S’il vous plaît: non aux armes, oui à la paix!

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 29 novembre 2023

Détail de la peinture murale The Word of Life, Theodore Hesburgh Library, University of Notre Dame. Wikimedia Commons.

Au cours de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a réfléchi sur l’évangélisation et sur l’inculturation à l’heure actuelle. Il a déclaré que « Jésus ne peut être annoncé qu’en habitant la culture de son temps, et en prenant toujours à cœur les paroles de l’apôtre Paul sur le présent : Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut » (2 Corinthiens 6:2).

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs,

La dernière fois, nous avons vu que l’annonce chrétienne est joie et qu’elle est pour tous ; observons aujourd’hui, un troisième aspect : elle est pour l’aujourd’hui.

On entend presque toujours dire du mal de l’aujourd’hui. Certes, entre guerres, changements climatiques, injustices planétaires et migrations, crises de la famille et de l’espérance, les motifs d’inquiétude ne manquent pas. En général, l’époque actuelle semble être habitée par une culture qui place l’individu au-dessus de tout et la technologie au centre de tout, avec sa capacité à résoudre de nombreux problèmes et ses gigantesques progrès dans tant de domaines. Mais en même temps, cette culture du progrès technico-individuel conduit à l’affirmation d’une liberté qui ne veut pas se donner de limites et qui est indifférente à ceux qui restent en arrière. Elle livre ainsi les grandes aspirations humaines à la logique souvent vorace de l’économie, avec une vision de la vie qui écarte ceux qui ne produisent pas et peine à dépasser l’immanent. Nous pourrions même dire que nous nous trouvons dans la première civilisation de l’histoire qui tente globalement d’organiser une société humaine sans la présence de Dieu, en se concentrant dans d’immenses villes qui restent horizontales même si elles ont des gratte-ciels vertigineux.

L’on se rappelle l’histoire de la ville de Babel et de sa tour (cf. Gn 11, 1-9). On y raconte un projet de société où chaque individualité est sacrifiée à l’efficacité de la collectivité. L’humanité parle une seule langue – nous pourrions dire qu’elle a une « pensée unique » -, elle est comme enveloppée dans une sorte de sortilège général qui absorbe l’unicité de chacun dans une bulle d’uniformité. Alors Dieu confond les langues, c’est-à-dire qu’il rétablit les différences, recrée les conditions pour que l’unicité puisse se développer, fait revivre le multiple là où l’idéologie voudrait imposer l’unique. Le Seigneur détourne aussi l’humanité de son délire de la toute-puissance : « faisons-nous un nom », disent les habitants exaltés de Babel (v. 4), qui veulent s’élever jusqu’au ciel, se mettre à la place de Dieu. Mais ce sont là des ambitions dangereuses, aliénantes, destructrices, et le Seigneur, en confondant ces attentes, protège l’humanité, en évitant une catastrophe annoncée. Ce récit semble vraiment d’actualité : aujourd’hui encore, la cohésion, au lieu de la fraternité et de la paix, est souvent basée sur l’ambition, les nationalismes, l’homologation et les structures technico-économiques qui inculquent la persuasion que Dieu soit insignifiant et inutile : non pas tant parce que l’on cherche plus de savoir, mais surtout pour plus de pouvoir. C’est une tentation qui s’insinue dans les grands défis de la culture d’aujourd’hui.

Dans Evangelii gaudium, j’ai essayé de décrire certaines d’entre elles (cf. n. 52-75), mais j’ai surtout appelé à « une évangélisation qui éclaire les nouvelles manières de se mettre en relation avec Dieu, avec les autres et avec l’environnement, et qui suscite les valeurs fondamentales. Il est indispensable d’arriver là où se forment les nouveaux récits et paradigmes, d’atteindre avec la Parole de Jésus les éléments centraux les plus profonds de l’âme de la ville. » (n. 74). En d’autres termes, on ne peut annoncer Jésus qu’en habitant la culture de son temps et en ayant toujours à l’esprit les paroles de l’apôtre Paul sur l’aujourd’hui : « Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut » (2 Co 6,2). Il n’est donc pas nécessaire d’opposer à l’aujourd’hui des visions alternatives provenant du passé. Il ne suffit pas non plus de réaffirmer des convictions religieuses acquises qui, même si elles sont vraies, deviennent abstraites avec le temps. Une vérité ne devient pas plus crédible parce que l’on élève la voix en l’affirmant, mais parce qu’elle est attestée par la vie.

Le zèle apostolique n’est jamais la simple répétition d’un style acquis, mais le témoignage que l’Évangile est vivant aujourd’hui pour nous. Conscients de cela, regardons donc notre époque et notre culture comme un don. Elles sont les nôtres et les évangéliser ne signifie pas les juger de loin, ni même se tenir sur un balcon en criant le nom de Jésus, mais descendre dans la rue, aller dans les lieux où les gens vivent, fréquenter les espaces où les gens souffrent, travaillent, étudient et réfléchissent, habiter les carrefours où les êtres humains partagent ce qui a du sens pour leur vie. Cela signifie être, comme Église, « ferment de dialogue, de rencontre, d’unité. Du reste, nos formulations de foi elles- mêmes sont le fruit d’un dialogue et d’une rencontre entre cultures, communautés et instances différentes. Nous ne devons pas avoir peur du dialogue : c’est même au contraire la confrontation et la critique qui nous aident à préserver la théologie d’une transformation en idéologie » (Discours à la Ve conférence nationale de l’Église italienne, Florence, 10 novembre 2015).

Il est nécessaire de se tenir aux carrefours de l’aujourd’hui. Les quitter appauvrirait l’Évangile et réduirait l’Église à une secte. Les fréquenter, en revanche, nous aide, nous chrétiens, à comprendre de manière renouvelée les raisons de notre espérance, à extraire et à partager du trésor de la foi « du neuf et de l’ancien » (Mt 13, 52). En définitive, plus que de vouloir convertir le monde d’aujourd’hui, il faut convertir la pastorale pour qu’elle incarne mieux l’Évangile dans l’aujourd’hui (cf. Evangelii gaudium, 25). Faisons nôtre le désir de Jésus : aider les compagnons de voyage à ne pas perdre le désir de Dieu, à Lui ouvrir le cœur et à trouver le seul qui, aujourd’hui et toujours, donne la paix et la joie à l’humanité.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 22 novembre 2023

La fille de la Cananéenne, extrait des Très Riches Heures du duc de Berry. Wikimedia Commons.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a réfléchi à la « destination universelle de l’Évangile », qui « s’adresse à tous ».

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs,

Après avoir vu la dernière fois que l’annonce chrétienne est joie, nous nous arrêtons aujourd’hui sur un second aspect : c’est pour tous, l’annonce chrétienne est joie pour tous. Quand nous rencontrons vraiment le Seigneur Jésus, l’émerveillement de cette rencontre envahit notre vie et demande à être porté au-delà de nous. C’est ce qu’Il veut, que son Évangile soit pour tous. En lui en effet, existe une « force humanisante », une plénitude de vie qui est destinée à tout homme et à toute femme, car pour tous Christ est né, est mort, est ressuscité. Pour tous : personne n’est exclu.

Dans Evangelii gaudium, on peut lire : « Tous ont le droit de recevoir l’Évangile. Les chrétiens ont le devoir de l’annoncer sans exclure personne, non pas comme quelqu’un qui impose un nouveau devoir, mais bien comme quelqu’un qui partage une joie, qui indique un bel horizon, qui offre un banquet désirable. L’Église ne grandit pas par prosélytisme, mais « par attraction » » (n. 14). Frères, sœurs, considérons-nous au service de la destination universelle de l’Évangile, c’est pour tous ; et distinguons-nous par notre capacité à sortir de nous-mêmes, – une annonce pour être une vraie annonce doit sortir de l’égoïsme même – et avoir aussi la capacité – de dépasser toutes les frontières. Les chrétiens se rassemblent sur le parvis plus que dans la sacristie, et vont « sur les places et dans les rues de la ville » (Lc 14,21). Ils doivent être ouverts et expansifs, les chrétiens doivent être « extravertis », et ce caractère leur vient de Jésus, qui a fait de sa présence dans le monde un déplacement continuel, visant à aller à la rencontre de tous, apprenant même de certaines de ses rencontres.

Dans ce sens, l’Évangile rapporte la surprenante rencontre de Jésus avec une femme étrangère, une Cananéenne qui le supplie de guérir sa fille malade (cf. Mt 15, 21-28). Jésus refuse en disant qu’il n’a été envoyé qu’ « aux brebis perdues de la maison d’Israël » et qu’ « il n’est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens » (v. 24.26). Mais la femme, avec l’insistance typique des gens simples, répliqua que même « les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres » (v. 27). Jésus en reste impressionné et lui dit : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » (v. 28). Cette rencontre avec cette femme a quelque chose d’unique. Non seulement quelqu’un fait changer d’avis à Jésus, et c’est une femme, étrangère et païenne, mais le Seigneur lui-même y trouve la confirmation que sa prédication ne doit pas se limiter au peuple auquel il appartient, mais s’ouvrir à tous.

La Bible nous montre que lorsque Dieu appelle une personne et conclut une alliance avec elle, le critère est toujours le suivant : il élit quelqu’un pour en atteindre d’autres, ceci est le critère de Dieu, de l’appel de Dieu Tous les amis du Seigneur ont fait l’expérience de la beauté, mais aussi de la responsabilité et du poids d’avoir été « choisis » par Lui. Et tous ont éprouvé le découragement face à leurs propres faiblesses ou la perte de leurs sécurités. Mais la tentation peut-être plus grande est celle de considérer l’appel reçu comme un privilège, s’il vous plait non, l’appel n’est pas un privilège, jamais. Nous ne pouvons pas dire que nous sommes privilégiés par rapport aux autres, non. L’appel est pour un service. Et Dieu choisit un pour aimer tous, pour arriver à tous.

Aussi pour prévenir la tentation d’identifier le christianisme avec une culture, avec une ethnie, avec un système. Mais de cette façon, il perd sa nature vraiment catholique, c’est-à-dire pour tous, universelle : il ne s’agit pas d’un petit groupe d’élus de première classe. Ne l’oublions pas : Dieu choisit quelqu’un pour aimer tous. Cet horizon de l’universalité. L’Évangile n’est pas seulement pour moi, il est pour tous, ne l’oublions pas. Merci.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 15 novembre 2023

Le repas à Emmaüs (Source : Wikimedia Commons)

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a réfléchi à l’aspect évangélisateur de la joie et au fait que la rencontre avec Jésus est toujours source de joie.

Voici le texte intégral:

Après avoir rencontré divers témoins de l’annonce de l’Évangile, je propose de résumer ce cycle de catéchèses sur le zèle apostolique en quatre points, inspirés par l’Exhortation apostolique Evangelii gaudium, qui fête ce mois-ci ses dix ans. Le premier point, que nous examinons aujourd’hui, le premier des quatre, ne peut concerner que l’attitude dont dépend la substance du geste évangélisateur : la joie. Le message chrétien, comme nous l’avons entendu dans les paroles adressées par l’ange aux bergers, est l’annonce d’une « grande joie » (Lc 2,10). Et la raison ? Une bonne nouvelle, une surprise, un bel événement ? Bien plus, une Personne : Jésus ! Jésus est la joie. C’est Lui le Dieu fait homme qui est venu chez nous ! La question, chers frères et sœurs, n’est donc pas de savoir s‘il faut l’annoncer, mais comment l’annoncer, et ce « comment » est la joie. Ou nous annonçons Jésus avec joie, ou nous ne l’annonçons pas, parce qu’une autre voie pour l’annoncer n’est pas capable de porter la vraie réalité de Jésus.

C’est pourquoi un chrétien mécontent, un chrétien triste, un chrétien insatisfait ou, pire encore, en proie au ressentiment ou à la rancœur n’est pas crédible. Celui-ci parlera de Jésus mais personne ne le croira ! Une personne m’a dit un jour, en parlant de ces chrétiens : « Mais ce sont des chrétiens à visage de morue ! », c’est-à-dire sans aucune expression, ils sont comme ça, et la joie est essentielle. C’est essentiel de veiller sur nos sentiments. L’évangélisation met en œuvre la gratuité, parce qu’elle vient de la plénitude et non de la pression. Et quand on fait une évangélisation – on veut la faire mais cela ne va pas – sur la base d’idéologies, ce n’est pas cela évangéliser, ce n’est pas l’Évangile. L’Évangile n’est pas une idéologie : l’Évangile est une annonce, une annonce de joie. Les idéologies sont froides, toutes. L’Évangile a la chaleur de la joie. Les idéologies ne savent pas sourire, l’Évangile est un sourire, il te fait sourire parce qu’il touche l’âme avec la Bonne Nouvelle.

La naissance de Jésus, dans l’histoire comme dans la vie, est le principe de la joie : pensez à ce qui est arrivé aux disciples d’Emmaüs qui dans la joie ne pouvaient pas croire, et aux autres, puis à l’ensemble des disciples, lorsque Jésus se rend au Cénacle, qui ne pouvaient pas croire à cause de la joie (cf. Lc 24, 13-35). La joie d’avoir Jésus ressuscité. La rencontre avec Jésus apporte toujours de la joie, et si cela ne t’arrive pas, ce n’est pas une vraie rencontre avec Jésus.

Et ce que Jésus fait avec les disciples nous révèle que les premiers à être évangélisés sont les disciples, les premiers qui doivent être évangélisés c’est nous, chrétiens : c’est nous. Et c’est très important. Immergés dans le climat actuel, rapide et confus, même nous en effet nous pouvons nous aussi vivre la foi avec un sens subtil du renoncement, convaincus que l’Évangile n’est plus audible et qu’il ne vaut plus la peine de s’engager pour l’annoncer. Nous pourrions même être tentés par l’idée de laisser « les autres » suivre leur propre chemin. En revanche, c’est précisément le moment de revenir à l’Évangile pour découvrir que le Christ « est toujours jeune et source constante de nouveauté » (Evangelii gaudium, 11).

Alors, comme les deux d’Emmaüs, on retourne à la vie quotidienne avec l’élan de celui qui a trouvé un trésor : ils étaient joyeux ces deux disciples, parce qu’ils avaient trouvé Jésus et il leur a changé la vie. Et l’on découvre que l’humanité regorge de frères et de sœurs qui attendent une parole d’espérance. L’Évangile est également attendu aujourd’hui : l’humanité d’aujourd’hui est comme l’humanité de tout temps : elle en a besoin, même la civilisation de l’incroyance programmée et de la sécularité institutionnalisée ; et mème, surtout la société qui laisse déserts les espaces du sens religieux a besoin de Jésus. C’est le moment favorable pour l’annonce de Jésus. C’est pourquoi je voudrais redire à tous : « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours. (ibid., 1) ». N’oublions pas cela. Et si l’un d’entre nous ne perçoit pas cette joie, qu’il se demande s’il a trouvé Jésus. Une joie intérieure. L’Évangile emprunte le chemin de la joie, toujours, c’est la grande annonce. J’invite chaque chrétien, où qu’il soit, à renouveler aujourd’hui même sa rencontre avec Jésus-Christ. Que chacun d’entre nous prenne aujourd’hui un peu de temps et médite : « Jésus, Tu es en moi : je veux Te rencontrer tous les jours. Tu es une Personne, pas une idée ; Tu es un compagnon de route, pas un programme. Tu es Amour qui résout tant de problèmes. Tu es le principe de l’évangélisation. Toi, Jésus, tu es la source de la joie ».

Amen.

 

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

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