Audience générale du pape François – mercredi 8 mai 2024

Giotto di Bondone, Scènes de la vie du Christ : Présentation du Christ au Temple. Wikimedia Commons.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François a parlé  de la vertu théologale de l’espérance. Il a déclaré qu’elle « est la réponse offerte à notre cœur, lorsque surgit en nous la question absolue : »Que vais-je devenir ? Quel est le but du voyage ? Quel est le destin du monde ? »

Lisez le texte intégral ci-dessous. Vous pouvez également regarder l’intégralité de l’émission ce soir à 19h30 HE soit 16h30 HP sur Sel + Lumière TV et sur Sel + Lumière Plus.

Chers frères et sœurs,

Lors de la dernière catéchèse, nous avons commencé à réfléchir sur les vertus théologales. Elles sont au nombre de trois : foi, espérance et charité. La dernière fois, nous avons réfléchi sur la foi, aujourd’hui c’est au tour de l’espérance.

« L’espérance est la vertu théologale par laquelle nous désirons le royaume des cieux et la vie éternelle comme notre bonheur, en mettant notre confiance dans les promesses du Christ et en nous appuyant non sur nos propres forces, mais sur le secours de la grâce de l’Esprit Saint » (Catéchisme de l’Église Catholique n° 1817). Ces paroles nous confirment que l’espérance est la réponse offerte à notre cœur, lorsque la question absolue surgit en nous : « Que vais-je devenir ? Quelle est la destination du voyage ? Quel est le destin du monde ?

Tous, nous réalisons qu’une réponse négative à ces questions engendre de la tristesse. Si le voyage de la vie n’a pas de sens, si le néant est au début et à la fin, nous nous demandons pourquoi nous devrions marcher : d’où le désespoir humain, le sentiment de l’inutilité de tout. Et beaucoup pourraient se rebeller : Je me suis efforcé d’être vertueux, d’être prudent, juste, fort, tempéré. J’ai aussi été un homme ou une femme de foi…. A quoi a servi mon combat si tout se termine ici ? Si l’espérance manque, toutes les autres vertus risquent de s’effondrer et de finir en cendres. S’il n’y a pas de lendemain sûr, pas d’horizon radieux, il ne reste plus qu’à conclure que la vertu est un effort inutile. « Ce n’est que lorsque l’avenir est certain en tant que réalité positive que le présent devient lui aussi vivable », disait (Lettre encyclique Spe Salvi, 2).

L’espérance du chrétien n’est pas due à ses propres mérites. S’il croit en l’avenir, c’est parce que le Christ est mort et ressuscité et qu’il nous a donné son Esprit. « La rédemption nous est offerte dans le sens où nous avons reçu une espérance, une espérance fiable, en vertu de laquelle nous pouvons affronter notre présent » (ibid., 1). En ce sens, une fois de plus, nous disons que l’espérance est une vertu théologale : elle n’émane pas de nous, elle n’est pas une obstination dont nous voulons nous convaincre, mais elle est un don qui vient directement de Dieu.

À de nombreux chrétiens qui doutaient, qui n’étaient pas complètement renés à l’espérance, l’apôtre Paul présente la nouvelle logique de l’expérience chrétienne : « Et si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur, vous êtes encore sous l’emprise de vos péchés ; et donc, ceux qui se sont endormis dans le Christ sont perdus. Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes ». (1 Co 15, 17-19). C’est comme si l’on disait : si tu crois en la résurrection du Christ, alors tu sais avec certitude qu’aucune défaite et aucune mort n’est éternelle. Mais si vous ne croyez pas en la résurrection du Christ, alors tout devient vide, même la prédication des Apôtres.

L’espérance est une vertu contre laquelle nous péchons souvent : dans nos mauvaises nostalgies, dans nos mélancolies, lorsque nous pensons que les bonheurs passés sont enterrés pour toujours. Nous péchons contre l’espérance lorsque nous nous décourageons à cause de nos péchés, en oubliant que Dieu est miséricordieux et plus grand que notre cœur. Ne l’oublions pas, frères et sœurs : Dieu pardonne tout, Dieu pardonne toujours. C’est nous qui en avons assez de demander le pardon. Mais n’oublions pas cette vérité : Dieu pardonne tout, Dieu pardonne toujours. Nous péchons contre l’espérance lorsque nous nous décourageons face à nos péchés ; nous péchons contre l’espérance lorsque l’automne en nous annule le printemps ; quand l’amour de Dieu cesse d’être un feu éternel et que nous n’avons pas le courage de prendre des décisions qui nous engagent pour toute la vie.

De cette vertu chrétienne, le monde d’aujourd’hui a tant besoin ! Le monde a besoin de l’espérance tout comme il a tant besoin de la patience, une vertu qui va de pair avec l’espérance. Les hommes patients sont des tisseurs de bien. Ils s’obstinent à vouloir la paix, et si certains sont pressés et voudraient tout et tout de suite, la patience a la capacité d’attendre. Même lorsque beaucoup alentour ont succombé à la désillusion, celui qui est animé par l’espérance et qui est patient est capable de traverser les nuits les plus sombres. L’espérance et la patience vont ensemble.

L’espérance est la vertu de qui a le cœur jeune ; et ici, l’âge ne compte pas. Car il y a aussi des personnes âgées aux yeux pleins de lumière, qui vivent une tension permanente vers l’avenir. Pensons à ces deux grands vieillards de l’Évangile, Siméon et Anne : ils ne se sont jamais lassés d’attendre et ont vu la dernière ligne droite de leur parcours bénie par la rencontre avec le Messie, qu’ils reconnurent en Jésus, emmené au Temple par ses parents. Quelle grâce s’il en était ainsi pour nous tous ! Si, après un long pèlerinage, déposant sacoches et bâton, notre cœur se remplissait d’une joie jamais éprouvée auparavant, et que nous puissions nous aussi nous exclamer : « Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur / s’en aller en paix, selon ta parole, / car mes yeux ont vu le salut, / que tu préparais à la face des peuples : / lumière qui se révèle aux nations / et donne gloire à ton peuple Israël. » (Lc 2,29-32).

Frères et sœurs, poursuivons notre chemin et demandons la grâce de l’espérance, de l’espérance avec la patience. Toujours envisager cette rencontre finale, toujours penser que le Seigneur est proche de nous, que jamais, au grand jamais, la mort ne sera victorieuse ! Avançons et demandons au Seigneur de nous donner cette grande vertu de l’espérance, accompagnée de la patience. Je vous remercie.

 

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 1er mai 2024

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François s’est penché sur la vertu théologique de la foi. Il a indiqué que « la foi est la vertu qui fait le chrétien. Parce qu’être chrétien, ce n’est pas d’abord et avant tout accepter une culture, avec les valeurs qui l’accompagnent, mais être chrétien, c’est accueillir et chérir un lien, un lien avec Dieu : Dieu et moi, moi et le visage aimable de Jésus. C’est ce lien qui fait de nous des chrétiens. »

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Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui, je voudrais parler de la vertu de foi. Avec la charité et l’espérance, cette vertu est appelée vertu « théologale » parce qu’elle ne peut être vécue que grâce au don de Dieu. Les trois vertus théologales sont les grands dons que Dieu fait à notre capacité morale. Sans elles, nous pourrions être prudents, justes, forts et tempérants, mais nous n’aurions pas des yeux qui voient même dans l’obscurité, nous n’aurions pas un cœur qui aime même quand il n’est pas aimé, nous n’aurions pas une espérance qui ose contre toute espérance.

Qu’est-ce que la foi ? Le Catéchisme de l’Église Catholique, citant la Constitution conciliaire Dei Verbum, explique que la foi est l’acte par lequel l’être humain s’abandonne librement à Dieu (n° 1814). Dans cette foi, Abraham est le grand père. Lorsqu’il accepta de quitter la terre de ses ancêtres pour aller vers celle que Dieu lui montrerait, il aurait sans doute été jugé fou : pourquoi quitter le connu pour l’inconnu, le certain pour l’incertain ? Mais Abraham s’est mis en route, comme s’il voyait l’invisible. Et c’est encore cet invisible qui le fera monter sur la montagne avec son fils Isaac, le seul fils de la promesse, qui ne sera épargné qu’au dernier moment du sacrifice. Dans cette foi, Abraham devient le père d’une longue lignée d’enfants.

L’homme de foi sera Moïse, qui, acceptant la voix de Dieu même lorsque plus d’un doute pouvait l’ébranler, a continué à tenir bon et à faire confiance au Seigneur, et a même défendu le peuple qui en revanche manquait si souvent de foi.

Une femme de foi sera la Vierge Marie qui, en recevant l’annonce de l’Ange, que beaucoup auraient rejetée comme étant trop difficile et risquée, a répondu : « Voici la servante du Seigneur : qu’il me soit fait selon ta parole » (Lc 1, 38). Le cœur plein de confiance en Dieu, Marie s’engage sur une route dont elle ne connaît ni le tracé ni les dangers.

La foi est la vertu qui fait le chrétien. Car être chrétien, ce n’est pas d’abord accepter une culture, avec les valeurs qui l’accompagnent, mais accueillir et chérir un lien entre soi et Dieu; entre ma personne et le visage aimable de Jésus.

En parlant de foi, un épisode de l’Évangile me vient à l’esprit. Les disciples de Jésus traversent le lac et sont pris dans une tempête. Ils pensent s’en sortir à la force de leurs bras, avec les ressources de l’expérience, mais la barque commence à se remplir d’eau et ils sont pris de panique (cf. Mc 4, 35-41). Ils ne se rendent pas compte qu’ils ont la solution sous les yeux : Jésus est là, avec eux, dans la barque, au milieu de la tempête, et il dort. Lorsqu’ils le réveillent enfin, effrayés et même en colère parce qu’il les a laissés mourir, Jésus les réprimande : « Pourquoi avez-vous peur ? N’avez-vous pas encore la foi ? » (Mc 4,40).

Voilà donc le grand ennemi de la foi : non pas l’intelligence, non pas la raison, comme certains continuent hélas à le répéter de manière obsessionnelle, mais simplement la peur. C’est pourquoi la foi est le premier don à accueillir dans la vie chrétienne : un don qu’il faut accueillir et demander chaque jour, pour qu’il se renouvelle en nous. Apparemment, c’est un petit don, mais c’est l’essentiel. Lorsque nous avons été portés sur les fonts baptismaux, nos parents, après avoir annoncé le nom qu’ils avaient choisi pour nous, se sont vus demander par le prêtre : « Que demandez-vous à l’Église de Dieu ? Ils ont répondu :  » La foi, le baptême ! « .

Pour un parent chrétien, conscient de la grâce qu’il a reçue, c’est le don à demander aussi pour son enfant : la foi. Avec elle, le parent sait que, même au milieu des épreuves de la vie, son enfant ne se noiera pas dans la peur. Il sait aussi que, lorsqu’il cessera d’avoir un parent sur cette terre, il continuera d’avoir un Dieu Père aux cieux, qui ne l’abandonnera jamais. Notre amour est si fragile, seul l’amour de Dieu surmonte la mort.

Certes, comme le dit l’Apôtre, la foi n’est pas l’apanage de tous (cf. 2 Th 3,2), et même nous, qui sommes croyants, nous nous rendons souvent compte que nous n’en avons qu’une petite parcelle. Jésus peut souvent nous reprocher, comme à ses disciples, d’être des « hommes de peu de foi ». Mais c’est le don le plus heureux, la seule vertu qu’il nous est permis d’envier. Car celui qui a la foi est habité par une force qui n’est pas seulement humaine ; en effet, la foi  » fait jaillir  » en nous la grâce et ouvre l’esprit au mystère de Dieu. Comme l’a dit Jésus : « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous aurait obéi. » (Lc 17,6). C’est pourquoi nous aussi, comme les disciples, nous lui répétons : « Seigneur, augmente en nous la foi ! »! (cf. Lc 17, 5).

 

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 24 avril 2024

Le pape François prononce son discours lors de l’audience générale d’aujourd’hui. © Sel + Lumière Média, 2024.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François s’est penché sur les vertus théologales de la foi, de l’espérance et de la charité. Il a souligné que « le grand don des vertus théologales est l’existence vécue dans l’Esprit Saint. Le chrétien n’est jamais seul. Il fait le bien non pas par un effort titanesque d’engagement personnel, mais parce que, en humble disciple, il marche sur les pas de Jésus, le Maître. »

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Chers frères et sœurs, bonjour !

Ces dernières semaines, nous avons réfléchi aux vertus cardinales : prudence, justice, force d’âme et tempérance. Ce sont les quatre vertus cardinales. Comme nous l’avons souligné plusieurs fois, ces quatre vertus appartiennent à une sagesse très ancienne, antérieure au christianisme. Avant même le Christ, l’on prêchait l’honnêteté comme devoir civique, la sagesse comme règle des actions, le courage comme l’ingrédient fondamental d’une vie orientée vers le bien, et la modération comme la mesure nécessaire pour ne pas se laisser submerger par les excès. Ce patrimoine si antique, patrimoine de l’humanité n’a pas été remplacé par le christianisme, mais il a été mis en valeur, enrichi, purifié et intégré dans la foi.

Il y a donc dans le cœur de chaque homme et de chaque femme la capacité de rechercher le bien. L’Esprit Saint est donné pour que ceux qui le reçoivent puissent distinguer clairement le bien du mal, avoir la force d’adhérer au bien en évitant le mal et, ce faisant, parvenir à la pleine réalisation d’eux-mêmes.

Mais sur le chemin que tous, nous avons emprunté vers la plénitude de la vie, qui fait partie du destin de chaque personne – le destin de chaque personne est la plénitude, être plein de vie -, le chrétien bénéficie d’une assistance spéciale de la part de l’Esprit Saint, l’Esprit de Jésus-Christ. Elle se concrétise par le don de trois autres vertus proprement chrétiennes, qui sont souvent mentionnées ensemble dans les écrits du Nouveau Testament. Ces attitudes fondamentales, qui caractérisent la vie du chrétien, sont trois vertus que nous dirons maintenant ensemble : la foi, l’espérance et la charité.  Disons-le ensemble : [ensemble] la foi, l’espérance … je n’entends rien, plus fort ! [ensemble] la foi, l’espérance et la charité. Que vous êtes braves ! Les auteurs chrétiens les ont très tôt appelées vertus « théologales », dans la mesure où elles sont reçues et vécues en relation avec Dieu, pour les différencier des quatre autres dites « cardinales », car constituant le  » pivot  » d’une vie bonne. Ces trois-là sont reçus dans le baptême et viennent de l’Esprit-Saint. Les unes et les autres, théologales et cardinales, à travers tant de réflexions systématiques, ont ainsi composé un merveilleux septénaire, qui est souvent mis en contraste avec la liste des sept péchés capitaux. Voici comment le Catéchisme de l’Église Catholique définit l’action des vertus théologales : « Elles fondent, animent et caractérisent l’agir moral du chrétien. Elles informent et vivifient toutes les vertus morales. Elles sont infusées par Dieu dans l’âme des fidèles pour les rendre capables d’agir comme ses enfants et de mériter la vie éternelle. Elles sont le gage de la présence et de l’action du Saint Esprit dans les facultés de l’être humain. » (n. 1813).

Alors que le risque des vertus cardinales est de générer des hommes et des femmes héroïques dans l’accomplissement du bien, mais seuls, isolés, le grand don des vertus théologales est l’existence vécue dans l’Esprit Saint. Le chrétien n’est jamais seul. Il fait le bien non pas par un effort titanesque d’engagement personnel, mais parce que, en tant qu’humble disciple, il marche derrière le Maître Jésus. Lui va devant sur la route. Le chrétien possède les vertus théologales qui sont le grand antidote à l’autosuffisance. Combien de fois certains hommes et certaines femmes moralement irréprochables courent-ils le risque de devenir vaniteux et arrogants aux yeux de ceux qui les connaissent ! C’est un danger contre lequel l’Évangile nous met bien en garde, là où Jésus recommande aux disciples : « De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir.” » (Lc 17,10). L’orgueil est un venin, c’est un venin puissant : une goutte suffit pour gâcher toute une vie marquée par le bien. Une personne peut avoir accompli une montagne d’actions bénéfiques, avoir récolté des applaudissements et des louanges, mais si elle n’a fait tout cela que pour elle-même, pour s’exalter elle-même, peut-elle encore se considérer comme une personne vertueuse ? Non !

Le bien n’est pas seulement une fin, mais aussi un processus. Le bien requiert beaucoup de discrétion, beaucoup de gentillesse. Par-dessus tout, le bien doit être dépouillé de cette présence parfois trop encombrante qu’est notre ego. Lorsque notre « ego » est au centre de tout, tout est gâché. Si chaque action que nous accomplissons dans la vie, nous ne l’accomplissons que pour nous-mêmes, cette motivation est-elle vraiment si importante ? Le pauvre « ego » prend le dessus sur tout et c’est ainsi que naît l’orgueil.

Pour corriger toutes ces situations qui deviennent parfois pénibles, les vertus théologales sont d’un grand secours. Elles le sont surtout dans les moments de chute, car même ceux qui ont de bonnes intentions morales tombent parfois. Tous, nous tombons, dans la vie, parce que nous sommes tous pécheurs. Tout comme ceux qui pratiquent quotidiennement la vertu se trompent parfois – tous, nous nous trompons dans la vie- : l’intelligence n’est pas toujours lucide, la volonté n’est pas toujours ferme, les passions ne sont pas toujours gouvernées, ce n’est pas toujours que le courage l’emporte sur la peur. Mais si nous ouvrons notre cœur à l’Esprit Saint – le Maitre intérieur -, Il ravive en nous les vertus théologales : alors, si nous avons perdu confiance, Dieu nous rouvre à la foi – avec la force de l’Esprit, si nous avons perdu confiance, Dieu nous rouvre à la foi ; si nous sommes découragés, Dieu réveille en nous l’espérance ; et si notre cœur est endurci, Dieu l’adoucit par son amour. Merci.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 17 avril 2024

Une allégorie de la tempérance. Marco Liberi. Wikimedia Commons.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François s’est penché sur la vertu de tempérance ou de « modération ». Il a précisé qu’il s’agit de « la capacité de maîtrise de soi, l’art de ne pas se laisser envahir par les passions rebelles, d’établir l’ordre dans le ‘fouillis du cœur humain’. »

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Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui, je parlerai de la quatrième et dernière vertu cardinale : la tempérance. Avec les trois autres, cette vertu partage une histoire très ancienne qui n’est pas l’apanage des seuls chrétiens. Pour les Grecs, la pratique des vertus avait comme objectif le bonheur. Le philosophe Aristote a écrit son plus important traité d’éthique en l’adressant à son fils Nicomaque pour l’instruire sur l’art de vivre. Comment se fait-il que tout le monde recherche le bonheur et que si peu y parviennent ? Voici la question. Pour répondre à cette question, Aristote aborde le thème des vertus, parmi lesquelles l’enkráteia, c’est-à-dire la tempérance, occupe une place de choix. Le terme grec signifie littéralement « pouvoir sur soi-même ». La tempérance est un pouvoir sur soi-même. Cette vertu est donc la capacité de se dominer soi-même, l’art de ne pas se laisser envahir par des passions rebelles, de mettre de l’ordre dans ce que Manzoni appelle le « fouillis du cœur humain ».

Le Catéchisme de l’Église Catholique nous dit que «la tempérance est la vertu morale qui modère l’attrait des plaisirs et procure l’équilibre dans l’usage des biens créés ». Et poursuis le Catéchisme, « Elle assure la maîtrise de la volonté sur les instincts et maintient les désirs dans les limites de l’honnêteté. La personne tempérante oriente vers le bien ses appétits sensibles, garde une saine discrétion et ne se laisse pas entraîner pour suivre les passions de son cœur » (n° 1809).

Ainsi, la tempérance, comme le dit la parole italienne, est la vertu de la juste mesure. Dans toutes les situations, on se comporte avec sagesse, car les personnes qui agissent toujours sous le coup de l’impulsion ou de l’exubérance ne sont finalement pas fiables. Les personnes sans tempérance ne sont pas toujours fiables. Dans un monde où tant de gens se vantent de dire ce qu’ils pensent, le tempérant préfère au contraire penser ce qu’il dit. Saisissez-vous la différence ? Ne pas dire ce qui me vient à l’esprit, ainsi… Non, penser à ce que je dois dire. Il ne fait pas de promesses en l’air, mais prend des engagements dans la mesure où il peut les tenir.

Même avec les plaisirs, la personne tempérante agit avec discernement. Le libre cours des pulsions et la licence totale accordée aux plaisirs finissent par se retourner contre nous-mêmes, nous plongeant dans l’ennui. Combien de personnes qui ont voulu tout essayer avec voracité se sont retrouvées à perdre le goût de toute chose ! Mieux vaut alors rechercher la juste mesure : par exemple, pour apprécier un bon vin, mieux vaut le savourer par petites gorgées que de l’avaler d’un trait. Tous nous le savons.

La personne tempérante sait bien peser et doser les paroles. Elle pense à ce qu’elle dit. Elle ne laisse pas un moment de colère détruire des relations et des amitiés qui ne se reconstruiront que difficilement par la suite. En particulier dans la vie de famille, où les inhibitions sont réduites, nous courons tous le risque de ne pas maîtriser les tensions, les irritations et la colère. Il y a un temps pour parler et un temps pour se taire, mais dans les deux cas, il faut savoir garder la mesure. Et cela vaut pour beaucoup de choses, par exemple être avec d’autres et rester seul.

Si la personne tempérante sait maîtriser sa propre irascibilité, ce n’est pas pour cela qu’on la verra toujours avec un visage paisible et souriant. En effet, il est parfois nécessaire de s’indigner, mais toujours de la manière juste. Ce sont là les termes : la juste mesure, la juste manière. Une parole de reproche est parfois plus salutaire qu’un silence aigre et rancunier. La personne tempérante sait que rien n’est plus désagréable que de corriger l’autre, mais elle sait aussi que c’est nécessaire : sinon, on donnerait libre cours au mal. Dans certains cas, la personne tempérante parvient à tenir ensemble les extrêmes : elle affirme des principes absolus, revendique des valeurs non négociables, mais sait aussi comprendre les gens et faire preuve d’empathie à leur égard. Elle fait preuve d’empathie.

Le don de la personne tempérante est donc l’équilibre, une qualité aussi précieuse que rare. Tout, en effet, dans notre monde, pousse à l’excès. Au contraire, la tempérance se marie bien avec des attitudes évangéliques telles que la petitesse, la discrétion, la dissimulation, la douceur. Qui est tempérant apprécie l’estime des autres, mais n’en fait pas le seul critère de chacun de ses actes et de chacune de ses paroles. Il est sensible, sait pleurer et n’en a pas honte, mais il ne pleure pas sur lui-même. Vaincu, il se relève ; victorieux, il est capable de retourner à la vie cachée de toujours. Il ne cherche pas les applaudissements, mais sait qu’il a besoin des autres.

Frères et sœurs, il n’est pas vrai que la tempérance rende maussade et sans joie. Au contraire, elle permet de mieux savourer les biens de la vie : être ensemble à table, la tendresse de certaines amitiés, la confiance des personnes sages, l’émerveillement devant les beautés de la création. Le bonheur dans la tempérance est une joie qui fleurit dans le cœur de ceux qui reconnaissent et valorisent ce qui compte le plus dans la vie. Prions le Seigneur de nous faire ce don : le don de la maturité, de la maturité de l’âge, de la maturité affective, de la maturité sociale. Le don de la tempérance.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 10 avril 2024

Photo Pexels

Lors de l’audience générale hebdomadaire, le pape François a réfléchi à la vertu de force d’âme. Il a souligné que « les passions » « ne sont pas nécessairement le résidu d’un péché, mais elles doivent être éduquées, canalisées, purifiées par l’eau du baptême ou, mieux encore, par le feu de l’Esprit Saint. »

Lisez le texte intégral ci-dessous. Vous pouvez également regarder l’intégralité de l’émission ce soir à 19h30 HE soit 16h30 HP sur Sel + Lumière TV et sur Sel + Lumière Plus.

Chers frères et sœurs, bonjour !

La catéchèse d’aujourd’hui est consacrée à la troisième des vertus cardinales, à savoir la force d’âme. Commençons par la description qu’en donne le Catéchisme de l’Église Catholique : « La force est la vertu morale qui assure dans les difficultés la fermeté et la constance dans la poursuite du bien. Elle affermit la résolution de résister aux tentations et de surmonter les obstacles dans la vie morale. La vertu de force rend capable de vaincre la peur, même de la mort, d’affronter l’épreuve et les persécutions. » (n. 1808). Ainsi déclare le Catéchisme de l’Église Catholique à propos de la vertu de la force d’âme.

Voici donc la plus « combative » des vertus. Alors que la première des vertus cardinales, la prudence, est d’abord associée à la raison de l’homme, et que la justice trouve sa place dans la volonté, cette troisième vertu, la force d’âme, est souvent rattachée par les auteurs scolastiques à ce que les anciens nommaient « l’appétit irascible ». La pensée antique n’imaginait pas un homme sans passions : ce serait une pierre. Et les passions ne sont pas nécessairement le résidu d’un péché, mais elles doivent être éduquées, elles doivent être dirigées, elles doivent être purifiées par l’eau du baptême, ou mieux par le feu de l’Esprit Saint. Un chrétien sans courage, qui ne plie pas ses propres forces au bien, qui ne dérange personne, est un chrétien inutile. Pensons-y ! Jésus n’est pas un Dieu diaphane et aseptisé, qui ne connaît pas les émotions humaines. Au contraire, face à la mort de son ami Lazare, il fond en larmes. Devant la mort de son ami Lazare, il fond en larmes ; et dans certaines expressions transparaît son âme passionnée, comme lorsqu’il dit : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » (Lc 12,49) ; et face au commerce dans le temple, il réagit vivement (cf. Mt 21,12-13). Jésus avait de la passion.

Mais cherchons maintenant une description existentielle de cette vertu très importante qui nous aide à porter du fruit dans la vie. Les anciens – tant les philosophes grecs que les théologiens chrétiens – reconnaissaient dans la vertu de force d’âme un double mouvement, un passif e un autre actif.

Le premier est orienté vers l’intérieur de nous-mêmes. Il y a des ennemis intérieurs que nous devons vaincre, qui ont pour nom anxiété, angoisse, peur, culpabilité : autant de forces qui s’agitent au plus profond de nous-mêmes et qui, dans certaines situations, nous paralysent. Combien de combattants succombent avant même d’avoir commencé le défi ! Pourquoi ne se rendent-ils pas compte de ces ennemis internes. La force d’âme est avant tout une victoire contre nous-mêmes. La plupart des peurs qui surgissent en nous sont irréalistes et ne se réalisent pas du tout. Mieux vaut alors invoquer l’Esprit Saint et tout affronter avec une patiente force d’âme : un problème à la fois, comme nous le pouvons, mais pas seuls ! Le Seigneur est avec nous, si nous lui faisons confiance et cherchons sincèrement le bien. Alors, dans chaque situation, nous pouvons compter sur la providence de Dieu qui nous sert de bouclier et d’armure.

Et puis le second mouvement de la vertu de force d’âme, de nature plus active cette fois. Aux épreuves intérieures s’ajoutent les ennemis extérieurs, que sont les épreuves de la vie, les persécutions, les difficultés auxquelles on ne s’attendait pas et qui nous surprennent. En effet, nous pouvons essayer de prévoir ce qui va nous arriver, mais la réalité est en grande partie faite d’événements impondérables, et dans cette mer, notre bateau est parfois ballotté par les vagues. La force d’âme fait alors de nous des marins résistants, qui ne s’effraient pas et ne se découragent pas.

La force d’âme est une vertu fondamentale parce qu’elle prend au sérieux le défi du mal dans le monde. Certains prétendent qu’il n’existe pas, que tout va bien, que la volonté humaine n’est pas parfois aveugle, que dans l’histoire il n’existe pas des forces obscures porteuses de mort. Mais il suffit de feuilleter un livre d’histoire, ou malheureusement même les journaux, pour découvrir les actes néfastes dont nous sommes en partie victimes et en partie protagonistes : guerres, violences, esclavage, oppression des pauvres, des blessures jamais guéries et qui saignent encore. La vertu de force nous fait réagir et crier un « non », un « non » catégorique à tout cela. Dans notre Occident confortable, qui a quelque peu édulcoré les choses, qui a transformé le chemin de la perfection en un simple développement organique, qui n’a pas besoin de lutter parce que tout lui semble identique, nous ressentons parfois une saine nostalgie des prophètes. Mais elles sont très rares les personnes inconfortables et visionnaires. Il faut que quelqu’un nous sorte de la mollesse dans laquelle nous nous sommes installés et nous fasse répéter résolument notre « non » au mal et à tout ce qui conduit à l’indifférence. « Non » au mal et « non » à l’indifférence ; « oui » au cheminement, au cheminement qui nous fait avancer, et pour cela nous devons lutter.

Redécouvrons donc dans l’Évangile la force d’âme de Jésus et apprenons-la du témoignage des saints et des saintes. Merci !

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 3 avril 2024

Statue de la justice par John van Nost le Jeune sur la porte de la justice, château de Dublin. Wikimedia Commons.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François s’est penché sur la vertu de justice ou de droiture. Il a déclaré que « le juste est droit, simple et direct ; il ne porte pas de masques, il se présente tel qu’il est, il dit la vérité. Les mots « merci » reviennent souvent sur ses lèvres : il sait que, quelle que soit notre générosité, nous restons toujours redevables à notre prochain. Si nous aimons, c’est aussi parce que nous avons été aimés les premiers. »

Lisez le texte intégral ci-dessous. Vous pouvez également regarder l’intégralité de l’émission ce soir à 19h30 HE soit 16h30 HP sur Sel + Lumière TV et sur Sel + Lumière Plus.

Nous voici arrivés à la deuxième des vertus cardinales: aujourd’hui nous parlerons de la justice. C’est la vertu sociale par excellence. Le Catéchisme de l’Eglise catholique la définit ainsi: «La vertu morale qui consiste dans la constante et ferme volonté de donner à Dieu et au prochain ce qui leur est dû» (n. 1807). Telle est la justice. Souvent, lorsqu’on évoque la justice, on cite également la devise qui la représente: «unicuique suum », à savoir, à «chacun son droit». C’est la vertu du droit, qui cherche à réglementer avec équité les relations entre les personnes.

Elle est représentée de façon allégorique par la balance, car elle se propose d’«équilibrer les comptes» entre les hommes, surtout lorsqu’ils risquent d’être faussés par un déséquilibre. Son but est que, dans une société, chacun soit traité selon sa dignité. Mais les anciens maîtres enseignaient déjà que cela nécessite également d’autres attitudes vertueuses, telles que la bienveillance, le respect, la gratitude, l’affabilité, l’honnêteté: des vertus qui contribuent à une bonne coexistence entre les personnes. La justice est une vertu pour une bonne coexistence entre les personnes.

Nous comprenons tous que la justice est fondamentale pour la coexistence pacifique dans la société: un monde sans lois qui respectent les droits serait un monde dans lequel il est impossible de vivre, il ressemblerait à une jungle. Sans justice, il n’y a pas de paix. Sans justice, il n’y a pas de paix. En effet, si la justice n’est pas respectée, cela engendre des conflits. Sans justice, on consacre la loi de la domination du plus fort sur les faibles, et cela n’est pas juste.

Mais la justice est une vertu qui agit aussi bien dans les grandes choses que dans les petites choses: elle ne concerne pas seulement les salles d’audience des tribunaux, mais aussi l’éthique qui caractérise notre vie quotidienne. Elle établit des relations sincères avec les autres: elle réalise le précepte de l’Evangile, selon lequel le discours chrétien doit être: «“Oui? oui”, “Non? non”: ce qu’on dit de plus vient du Mauvais» (Mt 5, 37). Les demi-vérités, les discours subtils qui cherchent à tromper le prochain, les réticences qui cachent les véritables intentions, ne sont pas des attitudes conformes à la justice. L’homme juste est droit, simple et franc, il ne porte pas de masque, il se présente tel qu’il est, il a un franc parler. Le mot «merci» est souvent sur ses lèvres: il sait que, quel que soit notre effort pour être généreux, nous restons toujours redevables à l’égard de notre prochain. Si nous aimons, c’est aussi parce que nous avons été aimés auparavant.

Dans la tradition, on trouve d’innombrables descriptions de l’homme juste. Voyons-en quelques-unes. L’homme juste vénère les lois et les respecte, sachant qu’elles constituent une barrière qui protège les faibles de l’arrogance des puissants. L’homme juste ne se préoccupe pas seulement de son propre bien-être individuel, mais il veut le bien de toute la société. C’est pourquoi il ne cède pas à la tentation de ne penser qu’à lui-même et de s’occuper de ses propres affaires, aussi légitimes soient-elles, comme s’il s’agissait de la seule chose qui existe au monde. La vertu de la justice rend évident — et met dans le cœur l’exigence — qu’il ne peut y avoir de vrai bien pour moi s’il n’y a pas aussi le bien de tous.

C’est pourquoi l’homme juste veille sur son propre comportement, afin qu’il ne soit pas préjudiciable aux autres: s’il commet une erreur, il s’excuse. L’homme juste s’excuse toujours. Dans certaines situations, il va jusqu’à sacrifier son bien personnel pour le mettre à la disposition de la communauté. Il souhaite une société ordonnée, où ce sont les personnes qui donnent du lustre aux fonctions, et non les fonctions qui donnent du lustre aux personnes. Il déteste les recommandations et n’échange pas de faveurs. Il aime la responsabilité et est exemplaire dans la vie et la promotion de la légalité. En effet, telle est la voie de la justice, l’antidote à la corruption: combien il est important d’éduquer les gens, en particulier les jeunes, à la culture de la légalité! C’est le moyen de prévenir le cancer de la corruption et d’éradiquer le crime, en ôtant le sol sous ses pieds.

De plus, le juste évite les comportements nuisibles tels que la calomnie, le faux témoignage, la fraude, l’usure, la moquerie, la malhonnêteté. Le juste maintient la parole donnée, rend ce qu’il a emprunté, reconnaît un juste salaire à tous les ouvriers — un homme qui ne reconnaît pas le juste salaire à ses ouvriers n’est pas juste, il est injuste —, il veille à ne pas porter de jugements téméraires sur les autres, il défend la réputation et la bonne renommée des autres.

Nul ne sait si, dans notre monde, les hommes justes sont aussi nombreux ou aussi rares que les perles précieuses. Mais ce sont des hommes qui attirent la grâce et les bénédictions tant sur eux-mêmes que sur le monde dans lequel ils vivent. Ce ne sont pas des perdants par rapport à ceux qui sont «malins et rusés», car, comme le dit l’Ecriture, «qui poursuit la justice et la miséricorde trouvera vie, justice et honneur» (Pr 21, 21). Les justes ne sont pas des moralistes qui revêtent les habits du censeur, mais des personnes droites qui «sont affamées et assoiffées de la justice» (Mt 5, 6), des rêveurs qui gardent dans leur cœur le désir d’une fraternité universelle. Et de ce rêve, spécialement aujourd’hui, nous avons tous un grand besoin. Nous avons besoin d’être des hommes et des femmes justes, et cela nous rendra heureux.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 27 mars 2024

Triptyque avec la Passion du Christ, Metropolitan Museum of Art. Wikimedia Commons.

Lors de l’audience générale du mercredi de la semaine sainte, le pape François s’est penché sur la vertu de patience. Il a déclaré que la souffrance et la mort du Christ « nous indiquent que [sa] patience ne consiste pas en une résistance stoïque à la souffrance, mais qu’elle est le fruit d’un amour plus grand. »

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Aujourd’hui, l’audience était prévue sur la place, mais en raison de la pluie, elle a été transférée à l’intérieur. C’est vrai que vous serez un peu tassés, mais au moins, vous ne serez pas mouillés. Merci pour votre patience. Dimanche dernier, nous avons écouté le récit de la Passion du Seigneur. Aux souffrances qu’il endure, Jésus répond par une vertu qui, bien qu’elle ne soit pas comptée parmi les vertus traditionnelles, est très importante: la vertu de la patience. La patience, hein! Il s’agit de supporter ce que l’on endure: ce n’est pas un hasard si la patience a la même racine que la passion. Et c’est précisément dans la Passion qu’apparaît la patience du Christ, qui accepte avec douceur et mansuétude d’être arrêté, giflé et injustement condamné; devant Pilate, il ne récrimine pas; il supporte les insultes, les crachats et les flagellations des soldats; il supporte le poids de la croix; il pardonne à ceux qui le clouent au bois et, sur la croix, il ne répond pas aux provocations, mais offre la miséricorde. Voilà la patience de Jésus. Tout cela nous dit  que la patience de Jésus ne consiste pas en une résistance stoïque à la souffrance, mais qu’elle est le fruit d’un amour plus grand.

L’apôtre Paul, dans l’«Hymne à la charité» (cf. 1 Co 13, 4-7), associe étroitement l’amour et la patience. En effet, pour décrire la première qualité de la charité, il utilise un mot qui se traduit par «magnanime» ou «patient». La charité est magnanime, elle est patiente. Elle exprime un concept surprenant, qui revient souvent dans la Bible: Dieu, face à notre infidélité, se montre «lent à la colère» (cf. Ex 34, 6; cf. Nm 14, 18): au lieu d’exprimer son dégoût pour le mal et le péché de l’homme, il se révèle plus grand, prêt à recommencer chaque fois avec une patience infinie. C’est pour Paul, le premier trait de l’amour de Dieu qui, face au péché, propose le pardon. Mais pas seulement: c’est le premier trait de tout grand amour, qui sait répondre au mal par le bien, qui ne s’enferme pas dans la colère et le découragement, mais qui persévère et qui repart. La patience qui recommence. Ainsi, à la racine de la patience se trouve l’amour, comme le dit saint Augustin: «L’on est d’autant plus fort pour supporter tout mal qu’en lui est plus grand l’amour de Dieu» (De patientia, XVII).

On pourrait donc dire qu’il n’y a pas de meilleur témoignage de l’amour de Jésus Christ que de rencontrer un chrétien patient. Mais pensons aussi à tous ces pères et mères de famille, ouvriers, médecins et infirmières, malades, qui chaque jour, dans l’ombre, gratifient le monde d’une sainte patience! Comme le dit l’Ecriture, «la patience vaut mieux que la force d’un héros» (Pr 16, 32). Mais soyons honnêtes: nous manquons souvent de patience. Dans la vie quotidienne, nous sommes tous impatients. Nous en avons besoin comme d’une «vitamine essentielle» pour vivre, mais il est instinctif pour nous de nous impatienter — s’impatienter est instinctif — et de répondre au mal par le mal: il est difficile de rester calmes, de contrôler nos instincts, de retenir les mauvaises réactions, de désamorcer les querelles et les conflits dans la famille, au travail, dans la communauté chrétienne. La réponse fuse immédiatement; nous ne sommes pas capables de rester patients.

Rappelons toutefois que la patience n’est pas seulement une nécessité, c’est un appel: si le Christ est patient, le chrétien est appelé à être patient. Cela nous appelle à aller à contre-courant de la mentalité aujourd’hui répandue, où dominent la précipitation et le «tout et tout de suite»; où, au lieu d’attendre que les situations mûrissent, on presse les personnes en espérant qu’elles changent instantanément. N’oublions pas que la précipitation et l’impatience sont les ennemies de la vie spirituelle: pourquoi?  Dieu est amour, et celui qui aime ne se lasse  pas, ne s’irrite pas, ne donne pas d’ultimatum,  Dieu est patient, Dieu sait attendre. Pensons à l’histoire du Père miséricordieux, qui attend son fils parti de la maison: il souffre avec patience, impatient uniquement de l’embrasser dès qu’il le voit revenir (cf. Lc 15, 21); ou bien pensons à la parabole du blé et de l’ivraie, avec le Seigneur qui ne s’empresse pas pour éradiquer le mal avant l’heure, pour que rien ne soit perdu (cf. Mt 13, 29-30). La patience nous fait tout sauver.

Mais, frères et sœurs, comment faire croître la patience? Puisqu’elle est, comme l’enseigne saint Paul, un fruit de l’Esprit Saint (cf. Ga 5, 22), il faut la demander précisément à l’Esprit du Christ. Il nous donne la douce force de la patience — la patience est une douce force —, car «c’est le propre de la vertu chrétienne non seulement de faire le bien, mais aussi de savoir supporter le mal» (Saint Augustin, Discours, 46, 13). Spécialement en ces jours, cela nous fera du bien de contempler le Crucifié pour assimiler sa patience. Un bon exercice consiste également à lui présenter les personnes les plus ennuyeuses, en lui demandant la grâce de pratiquer à leur égard cette œuvre de miséricorde si connue et si omise: supporter patiemment les personnes incommodantes. Et cela n’est pas facile. Pensons — je le répète à présent — si nous faisons cela: supporter patiemment les personnes incommodantes. Cela commence par demander de les regarder avec compassion, avec le regard de Dieu, en sachant distinguer leurs visages de leurs erreurs. Nous avons l’habitude de cataloguer les personnes selon les erreurs qu’elles commettent. Non, cela n’est pas bien. Cherchons les personnes selon leur visage, leur cœur, et non leurs erreurs.

Enfin, pour cultiver la patience, vertu qui donne du souffle à la vie, il est bon d’élargir son regard. Par exemple, en ne limitant pas le champ du monde à nos propres difficultés, comme nous y invite l’Imitation du Christ. Et qui dit: «Il faut donc que tu te souviennes des plus grandes souffrances des autres, pour apprendre à supporter les tiennes, qui sont petites», en se rappelant qu’«il n’y a pas de chose, si petite soit-elle, pourvu qu’elle soit supportée pour l’amour de Dieu, qui passe sans récompense auprès de Dieu» (III, 19). Et encore, lorsque nous nous sentons en proie à l’épreuve, comme l’enseigne Job, il est bon de s’ouvrir avec espérance à la nouveauté de Dieu, dans la ferme confiance qu’Il ne laissera pas nos attentes être déçues. Patience, et savoir supporter les maux.

Et ici, aujourd’hui, à cette audience, il y a deux personnes, deux pères. Ce sont les premiers: un israélien et un arabe. Tous deux ont perdu leurs filles dans cette guerre et tous deux sont amis; ils ne regardent pas l’inimitié de la guerre, mais ils regardent l’amitié de deux hommes qui s’aiment, et qui  sont passés par la même crucifixion. Pensons à ce témoignage si beau de ces deux personnes qui ont souffert à travers leurs filles de la guerre en Terre Sainte. Chers frères, merci pour votre témoignage.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 20 mars 2024

Prudencia, avec un livre, s’adresse à huit jeunes femmes assises sur le sol. Wellcome Images, Wikimedia Commons.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François a poursuivi son cycle de réflexions sur les vices et les vertus, en abordant la vertu cardinale de « prudence ». Il a rappelé que « la personne prudente est créative : elle raisonne, évalue, essaie de comprendre la complexité de la réalité et ne se laisse pas submerger par les émotions, l’oisiveté, les pressions et les illusions. »

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Chers frères et sœurs, bonjour !

La catéchèse d’aujourd’hui est consacrée à la vertu de la prudence. Avec la justice, la force d’âme et la tempérance, elle forme ce que l’on appelle les vertus cardinales, qui ne sont pas l’apanage des chrétiens, mais appartiennent au patrimoine de la sagesse antique, en particulier des philosophes grecs. C’est pourquoi l’un des thèmes les plus intéressants du travail de rencontre et d’inculturation fut précisément celui des vertus.

Dans les écrits médiévaux, la présentation des vertus n’est pas une simple énumération des qualités positives de l’âme. Reprenant les auteurs classiques à la lumière de la révélation chrétienne, les théologiens ont imaginé le septénaire des vertus – les trois théologales et les quatre cardinales – comme une sorte d’organisme vivant, où chaque vertu a un espace harmonieux à occuper. Il y a des vertus essentielles et des vertus accessoires, comme des piliers, des colonnes et des chapiteaux. Ici, rien de tel peut-être que l’architecture d’une cathédrale médiévale pour restituer l’idée de l’harmonie qui existe dans l’homme et de son attrait perpétuel vers le bien.

Commençons donc par la prudence. Ce n’est pas la vertu de la personne craintive, toujours hésitante quant à l’action à entreprendre. Non, c’est une interprétation erronée. Il ne s’agit pas non plus de la simple prudence. Accorder la primauté à la prudence signifie que l’action de l’homme est entre les mains de son intelligence et de sa liberté. La personne prudente est créative : elle raisonne, évalue, cherche à comprendre la complexité de la réalité et ne se laisse pas submerger par les émotions, la paresse, les pressions, les illusions.

Dans un monde dominé par les apparences, les pensées superficielles et la banalité du bien et du mal, l’antique leçon de prudence mérite d’être retrouvée.

Saint Thomas, dans le sillage d’Aristote, l’appelait « recta ratio agibilium ». C’est la capacité de gouverner les actions pour les orienter vers le bien, d’où son surnom de « cocher des vertus ». Prudent est celui ou celle qui sait choisir : tant qu’elle reste dans les livres, la vie est toujours facile, mais au milieu des vents et des vagues de la vie quotidienne, c’est une autre affaire, nous sommes souvent incertains et ne savons pas quelle direction prendre. Celui qui est prudent ne choisit pas au hasard : il sait d’abord ce qu’il veut, puis il réfléchit aux situations, se fait conseiller et, avec une vision large et une liberté intérieure, il choisit la voie à suivre. Certes, cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas faire d’erreurs, après tout nous restons des êtres humains, mais au moins il évitera les dérapages majeurs. Malheureusement, dans tous les milieux, il y a ceux qui ont tendance à écarter les problèmes par des plaisanteries superficielles ou à toujours susciter la controverse. La prudence, en revanche, est la qualité de qui est appelé à gouverner : il sait qu’administrer est difficile, qu’il y a de nombreux points de vue et qu’il faut essayer de les harmoniser, qu’il faut faire le bien non pas de quelques-uns mais de tous.

La prudence enseigne aussi que, comme on dit,  » le mieux est l’ennemi du bien « . Trop de zèle, en effet, dans certaines situations, peut provoquer du désastre : peut ruiner une construction qui aurait nécessité de la méthode ; peut générer des conflits et des incompréhensions ; peut même déclencher des violences.

La personne prudente sait conserver la mémoire du passé, non pas parce qu’elle a peur de l’avenir, mais parce qu’elle sait que la tradition est un patrimoine de sagesse. La vie est faite d’un chevauchement constant de choses anciennes et de choses nouvelles, et il n’est pas bon de toujours penser que le monde commence avec nous, que nous devons aborder les problèmes en partant de zéro.  La personne prudente est également prévoyante. Une fois que l’on a décidé du but à atteindre, il faut se donner tous les moyens d’y parvenir.

De nombreux passages de l’Évangile nous aident à éduquer la prudence. Par exemple : est prudent celui qui bâtit sa maison sur le roc et imprudent celui qui la bâtit sur le sable (cf. Mt 7, 24-27). Sages sont les jeunes filles qui portent de l’huile pour leurs lampes et folles celles qui n’en portent pas (cf. Mt 25, 1-13). La vie chrétienne est une combinaison de simplicité et de discernement. Préparant ses disciples à la mission, Jésus leur recommande : « Voici que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ; soyez donc prudents comme les serpents et simples comme les colombes » (Mt 10,16). Comme pour dire que Dieu ne veut pas seulement que nous soyons des saints, il veut que nous soyons des saints intelligents, parce que sans la prudence, c’est facile de s’égarer !

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 13 mars 2024

Saints Cyrille, Catherine de Sienne, Méthode, Brigitte de Suède, Benoît de Nursie et Thérèse-Bénédicte de la Croix. Wikimedia Commons

Aujourd’hui, lors de l’audience générale, le pape François a réfléchi à la vertu et au fait qu’elle est un « habitus de liberté ».

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Chers frères et sœurs, bonjour !

Après ce tour d’horizon des vices, il est temps de se tourner vers l’image symétrique, qui est à l’opposé de l’expérience du mal. Le cœur humain peut se laisser aller à des passions mauvaises, il peut céder à des tentations néfastes déguisées sous des atours persuasifs, mais il peut aussi s’opposer à tout cela. Aussi laborieux que cela puisse être, l’être humain est fait pour le bien, qui le comble vraiment, et il peut aussi pratiquer cet art, en faisant en sorte que certaines dispositions deviennent permanentes en lui. La réflexion sur cette merveilleuse possibilité qui est la nôtre constitue un chapitre classique de la philosophie morale : le chapitre des vertus.

Les philosophes romains l’appelaient virtus, les grecs aretè. Le terme latin souligne avant tout que la personne vertueuse est forte, courageuse, capable de discipline et d’ascèse ; l’exercice de la vertu est donc le fruit d’une longue germination, qui exige des efforts et même des souffrances. Le mot grec aretè, quant à lui, indique quelque chose qui excelle, qui se distingue, qui suscite admiration. La personne vertueuse est donc celle qui ne se dénature pas en se déformant, mais qui est fidèle à sa vocation, qui se réalise pleinement elle-même.

Nous ferions fausse route si nous pensions que les saints sont des exceptions de l’humanité : une sorte de cercle étroit de champions qui vivent au-delà des limites de notre espèce. Les saints, dans cette perspective que nous venons d’introduire sur les vertus, sont au contraire ceux qui deviennent pleinement eux-mêmes, qui réalisent la vocation propre à tout homme. Quel monde heureux ce serait si la justice, le respect, la bienveillance réciproque, la largeur d’esprit et l’espérance étaient la normalité partagée, et non pas une rare anomalie ! C’est pourquoi le chapitre sur la conduite vertueuse, en ces temps dramatiques où nous sommes souvent confrontés au pire de l’humain, devrait être redécouvert et pratiqué par tous. Dans un monde déformé, nous devons nous souvenir de la forme dans laquelle nous avons été façonnés, de l’image de Dieu qui est imprimée en nous pour toujours.

Mais comment définir le concept de vertu ? Le Catéchisme de l’Église Catholique nous offre une définition précise et concise : « La vertu est une disposition habituelle et ferme à faire le bien » (n° 1803). Il ne s’agit donc pas d’un bien improvisé et quelque peu aléatoire qui tomberait du ciel de manière épisodique. L’histoire nous apprend que même des criminels, dans un moment de lucidité, ont accompli des actes bons ; certainement, ces actes sont inscrits dans le « livre de Dieu », mais la vertu est une autre chose. C’est un bien qui provient d’une lente maturation de la personne, jusqu’à en constituer une caractéristique intérieure. La vertu est un habitus de liberté. Si nous sommes libres dans chaque acte, et chaque fois que nous sommes appelés à choisir entre le bien et le mal, la vertu est ce qui nous permet d’avoir un habitus vers le bon choix.

Si la vertu est un si beau cadeau, une question se pose immédiatement : comment est-il possible de l’acquérir ? La réponse à cette question n’est pas simple, elle est complexe.

Pour le chrétien, le premier secours est la grâce de Dieu. En effet, l’Esprit Saint agit en nous qui avons été baptisés, en travaillant dans notre âme pour la conduire à une vie vertueuse. Combien de chrétiens sont arrivés à la sainteté à travers les larmes, en réalisant qu’ils n’arrivaient pas à surmonter certaines faiblesses ! Mais ils ont fait l’expérience que Dieu a achevé cette bonne œuvre qui n’était pour eux qu’une esquisse. La grâce précède toujours notre engagement moral.

En outre, nous ne devons jamais oublier la très riche leçon de la sagesse des anciens, qui nous dit que la vertu grandit et peut être cultivée. Et pour cela, le premier don de l’Esprit à demander est précisément la sagesse. L’être humain n’est pas un territoire libre pour la conquête des plaisirs, des émotions, des instincts, des passions, sans pouvoir rien faire contre ces forces parfois chaotiques qui l’habitent. Un don inestimable que nous possédons est l’ouverture d’esprit, c’est la sagesse qui sait apprendre de ses erreurs pour bien diriger sa vie. Il faut ensuite la bonne volonté : la capacité de choisir le bien, de nous modeler nous-même par l’exercice ascétique, en évitant les excès.

Chers frères et sœurs, commençons donc notre voyage à travers les vertus, dans cet univers serein qui est un défi, mais qui est décisif pour notre bonheur.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 6 mars 2024

La tentation d’Adam et Eve. Cathédrale Notre-Dame, Chapelles du déambulatoire. Wikimedia Commons.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François s’est penché sur le vice de l’orgueil. Il l’a qualifié de « mal [qui] empoisonne le sentiment de fraternité qui devrait au contraire unir les hommes. »

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Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre catéchèse sur les vices et les vertus, nous abordons aujourd’hui le dernier des vices : l’orgueil. Les anciens Grecs le définissaient par un mot que l’on pourrait traduire par « splendeur excessive ». En fait, l’orgueil est l’auto exaltation, la prétention, la vanité. Le terme apparaît également dans cette série de vices que Jésus énumère pour expliquer que le mal vient toujours du cœur de l’homme (cf. Mc 7,22). L’orgueilleux est celui qui se croit beaucoup plus que ce qu’il est en réalité, celui qui s’agite pour être reconnu comme plus grand que les autres, qui veut toujours voir ses propres mérites reconnus et qui méprise les autres en les considérant comme inférieurs.

D’après cette première description, nous voyons que le vice de l’orgueil est très proche de celui de la vaine gloire, que nous avons déjà présenté la dernière fois. Cependant, si la vaine gloire est une maladie de l’ego humain, elle reste une maladie infantile comparée aux ravages que peut provoquer l’orgueil. En analysant les folies de l’homme, les moines de l’Antiquité reconnaissaient un certain ordre dans la séquence des maux : on part des péchés les plus grossiers, comme la gourmandise, pour arriver aux monstres les plus inquiétants. De tous les vices, l’orgueil est grande reine. Ce n’est pas un hasard si, dans la Divine Comédie, Dante le place dans la toute première case du purgatoire : ceux qui cèdent à ce vice sont loin de Dieu, et l’éradication de ce mal exige du temps et des efforts, plus que tout autre combat auquel est appelé le chrétien.

En réalité, c’est dans ce mal que réside le péché radical, la prétention absurde d’être comme Dieu. Le péché de nos ancêtres, raconté dans le livre de la Genèse, est en fait un péché d’orgueil. Le tentateur leur dit : « Quand vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous deviendrez comme Dieu » (Gn 3,5). Les auteurs de spiritualité sont plus attentifs à décrire les répercussions de l’orgueil dans la vie quotidienne, à illustrer comment il ruine les relations humaines, à souligner comment ce mal empoisonne le sentiment de fraternité qui devrait au contraire réunir les hommes.

Voici donc la longue liste des symptômes qui révèlent que l’on a succombé au vice de l’orgueil. C’est un mal qui a une apparence physique évidente : l’orgueilleux est hautain, il a la « nuque raide », c’est-à-dire qu’il a un cou raide qui ne plie pas. C’est un homme prompt à juger avec mépris : pour un rien, il porte des jugements irrévocables sur les autres, qui lui paraissent irrémédiablement ineptes et incapables. Dans son arrogance, il oublie que Jésus, dans les Évangiles, nous a donné très peu de préceptes moraux, mais qu’il a été intransigeant sur l’un d’entre eux : ne jamais juger. On se rend compte qu’on a affaire à un orgueilleux lorsque, lui faisant une petite critique constructive, ou une remarque tout à fait anodine, il réagit de manière exagérée, comme si on avait lésé sa majesté : il entre dans toute sa fureur, crie, rompt les relations avec les autres de manière rancunière.

Il n’y a pas grand-chose à faire avec une personne malade d’orgueil. Il est impossible de lui parler, et encore moins de le corriger, car après tout, il n’est plus présent à lui-même. Il faut simplement être patient avec lui, car un jour son édifice s’écroulera. Un proverbe italien dit : « L’orgueil va à cheval et revient à pied ». Dans les Évangiles, Jésus a affaire à beaucoup de gens orgueilleux, et il est souvent allé débusquer ce vice même chez des personnes qui le cachaient très bien. Pierre fait étalage de sa fidélité à toute épreuve : « Même si tous t’abandonnent, moi, non » (cf. Mt 26, 33). Mais bientôt, il fera l’expérience d’être comme les autres, apeuré lui aussi devant une mort qu’il n’imaginait pas si proche. Ainsi, le deuxième Pierre, celui qui ne lève plus le menton mais pleure des larmes salées, sera soigné par Jésus et sera finalement apte à porter le poids de l’Église. Avant, il affichait une présomption qu’il valait mieux ne pas afficher ; maintenant, en revanche, il est un disciple fidèle que, comme le dit une parabole, le maître peut mettre « à la tête de tous ses biens » (Lc 12,44).

Le salut passe par l’humilité, véritable remède à tout acte d’orgueil. Dans le Magnificat, Marie chante le Dieu qui, par sa puissance, disperse les orgueilleux dans les pensées malades de leur cœur. C’est inutile de voler quelque chose à Dieu, comme l’espèrent les orgueilleux, parce qu’en fin de compte, Lui, veut tout nous donner. C’est pourquoi l’apôtre Jacques, s’adressant à sa communauté blessée par des luttes intestines nées de l’orgueil, écrit : « Dieu s’oppose aux orgueilleux, aux humbles il accorde sa grâce. » (Jc 4, 6).

C’est pourquoi, chers frères et sœurs, profitons de ce Carême pour lutter contre notre orgueil.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

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