Lors de l’audience générale du mercredi de la semaine sainte, le pape François s’est penché sur la vertu de patience. Il a déclaré que la souffrance et la mort du Christ « nous indiquent que [sa] patience ne consiste pas en une résistance stoïque à la souffrance, mais qu’elle est le fruit d’un amour plus grand. »
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Aujourd’hui, l’audience était prévue sur la place, mais en raison de la pluie, elle a été transférée à l’intérieur. C’est vrai que vous serez un peu tassés, mais au moins, vous ne serez pas mouillés. Merci pour votre patience. Dimanche dernier, nous avons écouté le récit de la Passion du Seigneur. Aux souffrances qu’il endure, Jésus répond par une vertu qui, bien qu’elle ne soit pas comptée parmi les vertus traditionnelles, est très importante: la vertu de la patience. La patience, hein! Il s’agit de supporter ce que l’on endure: ce n’est pas un hasard si la patience a la même racine que la passion. Et c’est précisément dans la Passion qu’apparaît la patience du Christ, qui accepte avec douceur et mansuétude d’être arrêté, giflé et injustement condamné; devant Pilate, il ne récrimine pas; il supporte les insultes, les crachats et les flagellations des soldats; il supporte le poids de la croix; il pardonne à ceux qui le clouent au bois et, sur la croix, il ne répond pas aux provocations, mais offre la miséricorde. Voilà la patience de Jésus. Tout cela nous dit que la patience de Jésus ne consiste pas en une résistance stoïque à la souffrance, mais qu’elle est le fruit d’un amour plus grand.
L’apôtre Paul, dans l’«Hymne à la charité» (cf. 1 Co 13, 4-7), associe étroitement l’amour et la patience. En effet, pour décrire la première qualité de la charité, il utilise un mot qui se traduit par «magnanime» ou «patient». La charité est magnanime, elle est patiente. Elle exprime un concept surprenant, qui revient souvent dans la Bible: Dieu, face à notre infidélité, se montre «lent à la colère» (cf. Ex 34, 6; cf. Nm 14, 18): au lieu d’exprimer son dégoût pour le mal et le péché de l’homme, il se révèle plus grand, prêt à recommencer chaque fois avec une patience infinie. C’est pour Paul, le premier trait de l’amour de Dieu qui, face au péché, propose le pardon. Mais pas seulement: c’est le premier trait de tout grand amour, qui sait répondre au mal par le bien, qui ne s’enferme pas dans la colère et le découragement, mais qui persévère et qui repart. La patience qui recommence. Ainsi, à la racine de la patience se trouve l’amour, comme le dit saint Augustin: «L’on est d’autant plus fort pour supporter tout mal qu’en lui est plus grand l’amour de Dieu» (De patientia, XVII).
On pourrait donc dire qu’il n’y a pas de meilleur témoignage de l’amour de Jésus Christ que de rencontrer un chrétien patient. Mais pensons aussi à tous ces pères et mères de famille, ouvriers, médecins et infirmières, malades, qui chaque jour, dans l’ombre, gratifient le monde d’une sainte patience! Comme le dit l’Ecriture, «la patience vaut mieux que la force d’un héros» (Pr 16, 32). Mais soyons honnêtes: nous manquons souvent de patience. Dans la vie quotidienne, nous sommes tous impatients. Nous en avons besoin comme d’une «vitamine essentielle» pour vivre, mais il est instinctif pour nous de nous impatienter — s’impatienter est instinctif — et de répondre au mal par le mal: il est difficile de rester calmes, de contrôler nos instincts, de retenir les mauvaises réactions, de désamorcer les querelles et les conflits dans la famille, au travail, dans la communauté chrétienne. La réponse fuse immédiatement; nous ne sommes pas capables de rester patients.
Rappelons toutefois que la patience n’est pas seulement une nécessité, c’est un appel: si le Christ est patient, le chrétien est appelé à être patient. Cela nous appelle à aller à contre-courant de la mentalité aujourd’hui répandue, où dominent la précipitation et le «tout et tout de suite»; où, au lieu d’attendre que les situations mûrissent, on presse les personnes en espérant qu’elles changent instantanément. N’oublions pas que la précipitation et l’impatience sont les ennemies de la vie spirituelle: pourquoi? Dieu est amour, et celui qui aime ne se lasse pas, ne s’irrite pas, ne donne pas d’ultimatum, Dieu est patient, Dieu sait attendre. Pensons à l’histoire du Père miséricordieux, qui attend son fils parti de la maison: il souffre avec patience, impatient uniquement de l’embrasser dès qu’il le voit revenir (cf. Lc 15, 21); ou bien pensons à la parabole du blé et de l’ivraie, avec le Seigneur qui ne s’empresse pas pour éradiquer le mal avant l’heure, pour que rien ne soit perdu (cf. Mt 13, 29-30). La patience nous fait tout sauver.
Mais, frères et sœurs, comment faire croître la patience? Puisqu’elle est, comme l’enseigne saint Paul, un fruit de l’Esprit Saint (cf. Ga 5, 22), il faut la demander précisément à l’Esprit du Christ. Il nous donne la douce force de la patience — la patience est une douce force —, car «c’est le propre de la vertu chrétienne non seulement de faire le bien, mais aussi de savoir supporter le mal» (Saint Augustin, Discours, 46, 13). Spécialement en ces jours, cela nous fera du bien de contempler le Crucifié pour assimiler sa patience. Un bon exercice consiste également à lui présenter les personnes les plus ennuyeuses, en lui demandant la grâce de pratiquer à leur égard cette œuvre de miséricorde si connue et si omise: supporter patiemment les personnes incommodantes. Et cela n’est pas facile. Pensons — je le répète à présent — si nous faisons cela: supporter patiemment les personnes incommodantes. Cela commence par demander de les regarder avec compassion, avec le regard de Dieu, en sachant distinguer leurs visages de leurs erreurs. Nous avons l’habitude de cataloguer les personnes selon les erreurs qu’elles commettent. Non, cela n’est pas bien. Cherchons les personnes selon leur visage, leur cœur, et non leurs erreurs.
Enfin, pour cultiver la patience, vertu qui donne du souffle à la vie, il est bon d’élargir son regard. Par exemple, en ne limitant pas le champ du monde à nos propres difficultés, comme nous y invite l’Imitation du Christ. Et qui dit: «Il faut donc que tu te souviennes des plus grandes souffrances des autres, pour apprendre à supporter les tiennes, qui sont petites», en se rappelant qu’«il n’y a pas de chose, si petite soit-elle, pourvu qu’elle soit supportée pour l’amour de Dieu, qui passe sans récompense auprès de Dieu» (III, 19). Et encore, lorsque nous nous sentons en proie à l’épreuve, comme l’enseigne Job, il est bon de s’ouvrir avec espérance à la nouveauté de Dieu, dans la ferme confiance qu’Il ne laissera pas nos attentes être déçues. Patience, et savoir supporter les maux.
Et ici, aujourd’hui, à cette audience, il y a deux personnes, deux pères. Ce sont les premiers: un israélien et un arabe. Tous deux ont perdu leurs filles dans cette guerre et tous deux sont amis; ils ne regardent pas l’inimitié de la guerre, mais ils regardent l’amitié de deux hommes qui s’aiment, et qui sont passés par la même crucifixion. Pensons à ce témoignage si beau de ces deux personnes qui ont souffert à travers leurs filles de la guerre en Terre Sainte. Chers frères, merci pour votre témoignage.
Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana