Qu’est-ce que la résurrection ?

Qu’est-ce que la résurrection ? Bien sûr, on pense tout d’abord à la résurrection de Jésus, trois jours après sa mort. C’est ce qu’on célèbre chaque année à Pâques. C’est aussi ce qu’on célèbre chaque dimanche, jour de la résurrection ! C’est pour cela que les chrétiens du monde entier se rassemblent le dimanche. La mort n’a pas pu emprisonner Jésus. Il est le Vivant. Il est le Ressuscité. Il va rencontrer les disciples sur le chemin d’Emmaüs, il rentre dans le cénacle où les apôtres sont rassemblés, il laisse Thomas toucher ses mains et son côté. Il est vraiment ressuscité ! 

Mais la résurrection de Jésus n’est pas le seul moment dans les évangiles où une personne revient à la vie après sa mort. Par exemple, Jésus ressuscite son ami Lazare, mort et enterré depuis quatre jours. « Lazare, viens dehors ! » cria Jésus d’une voix forte devant le tombeau de son ami, qui sort, les mains et les pieds liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. « Déliez-le et laissez-le aller » dit Jésus, « Je suis la Résurrection et la Vie. » Il y aussi la fille de Jaïre, le chef de la synagogue qui tombe aux pieds de Jésus et le supplie de venir dans sa maison, pour sauver sa fille qui est en train de mourir. En route vers la maison, on reçoit la nouvelle que la fille est morte, mais cela n’arrête pas Jésus. Arrivé à la maison, Jésus prend la main de la petite fille et lui dit, « Mon enfant, éveille-toi ! » L’esprit lui revient et elle se lève. Et Jésus demande de lui donner à manger. Mais dans ces deux cas, Lazare et la fille de Jaïre ne sont pas ressuscités éternellement. Tous les deux, ils reviennent à la vie terrestre, comme s’ils s’étaient simplement endormis.   

Jésus ne nous ressuscite pas pour continuer tranquillement notre vie ici sur terre. En fait, la résurrection de Jésus le jour de Pâques a pour but de nous ressusciter tous à la vie éternelle. C’est pour cela qu’il est mort et ressuscité le troisième jour. Pas pour montrer sa puissance personnelle, mais pour que nous puissions ressusciter avec lui et partager sa vie éternelle. Déjà entre le Vendredi saint et le dimanche de Pâques, Jésus descend aux enfers – comme on dit dans le Credo – pour libérer tous ceux et celles qui y séjournent attendant que se réalisent les promesses de Dieu. On peut penser à toutes les personnes justes de l’Ancien Testament : Abraham, Moïse, Ruth. Jésus vient les ressusciter. Et c’est ainsi qu’il veut ressusciter tout le genre humain. Sa résurrection est la récapitulation de la création toute entière, qui attend le salut. Le dimanche de Pâques ouvre notre horizon au dernier jour où le Christ ressuscitera toute chair. Car oui, ce n’est pas simplement nos âmes que Jésus convie à la vie éternelle, mais nos corps glorifiés comme le sien, et toute la création renouvelée ! « Terre nouvelle et cieux nouveaux » comme nous dit le livre de l’Apocalypse. 

Toi et moi, nous sommes appelés à la vie et à la résurrection. C’est l’espérance et la promesse que Jésus nous donne. Il ne veut pas ressusciter tout seul mais avec nous et avec tous. Déjà ici-bas, dans notre quotidien, nous pouvons faire l’expérience de sa résurrection. Par exemple, dans les moments où nous sommes dans le désespoir, puis il nous arrive une bonne nouvelle. Quand on a peur, puis on est consolé. Quand un défi nous semble insurmontable, nous y arrivons quand même. Quand une amitié ou une relation semble brisée de manière irréparable et puis, s’ouvre la voie du pardon. Quand la nuit nous écrase, mais arrive un jour nouveau. Saint Jean Paul II nous dit : « Nous sommes un peuple pascal et l’Alléluia est notre hymne ». Vivons cette espérance et cette joie que Jésus nous a obtenues par sa victoire sur la mort. Sa résurrection est aussi la nôtre ! 

Viens Jésus, sois vivant en nous pour toujours. Amen.

Qu’est-ce que nous célébrons à Pâques ? Dieu nous tend la main

Que célébrons-nous à Pâques ? Tout le mystère de Pâques peut se résumer en une phrase simple : Dieu tend les mains. Dieu tend les mains entre la Croix et la Résurrection, entre la mort et la vie, entre le ciel et la terre, pour unir toute l’humanité à lui. 

De la Croix à la Résurrection

À la messe, nous entendons que Jésus « étendit les mains à l’heure de sa passion, afin que soit brisée la mort, et que la résurrection soit manifestée » (Prière eucharistique II). Imagine Jésus tendant les bras pour endurer sa passion. Jésus n’est pas contraint à ouvrir ses bras : il les tend volontairement, afin de mourir pour notre salut. C’est ce que nous célébrons et ce dont nous sommes témoins le Vendredi saint, lorsque nous voyons notre Seigneur souffrir et donner sa vie pour nous. Mais la mort n’a pas le dernier mot. Les bras tendus de Jésus sur la Croix ne s’affaissent pas en signe de défaite, mais s’étendent pour nous étreindre, comme l’arbre de vie d’où jaillit la source du salut éternel.

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De la Croix à la Résurrection

AÀ la messe, nous entendons que Jésus « étendit les mains à l’heure de sa passion, afin que soit brisée la mort, et que la résurrection soit manifestée » (Prière eucharistique II). Imagine Jésus tendant les bras pour endurer sa passion. Jésus n’est pas contraint à ouvrir ses bras : il les tend volontairement, afin de mourir pour notre salut. C’est ce que nous célébrons et ce dont nous sommes témoins le Vendredi saint, lorsque nous voyons notre Seigneur souffrir et donner sa vie pour nous. Mais la mort n’a pas le dernier mot. Les bras tendus de Jésus sur la Croix ne s’affaissent pas en signe de défaite, mais s’étendent pour nous étreindre, comme l’arbre de vie d’où jaillit la source du salut éternel.

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Entre la mort et la vie

Les bras tendus de Jésus sont un pont entre la mort et la vie. C’est le pont que Jésus traverse le samedi saint, lorsqu’il descend aux enfers pour réveiller ceux qui se sont endormis. Il existe de magnifiques icônes représentant Jésus, les bras étendus, en train de ressusciter ceux qui sont morts. Jésus ne ressuscite pas seulement pour lui-même : il ressuscite pour nous ressusciter ! Il revient à la vie pour restaurer notre vie. Il passe de la mort à la vie pour que nous puissions l’accompagner sur ce même chemin. 

Jésus se lève de la tombe et nous tire de notre tombe avec lui. C’est ce que Jésus fait également avec nos proches qui sont décédés. Pour le Christ, ils ne sont pas morts mais endormis, et il vient les relever et leur donner une vie nouvelle. Ainsi, Pâques n’est pas seulement la fête de la résurrection de Jésus, mais la fête de la résurrection de tous ceux et celles qui se sont endormis, et la fête de notre résurrection aussi. En Christ, nous restons en communion avec ceux qui nous ont précédés. Il est notre pont vers eux, et leur pont vers nous.

 

Entre ciel et terre

Sur la Croix, Jésus tend les bras pour réunir le ciel et la terre. En effet, toute la vie de Jésus dans notre monde est un rendez-vous entre la terre et le ciel. Jésus est le royaume de Dieu présent parmi nous. Il vient de Dieu pour nous amener à Dieu. Jésus descend sur terre depuis le cœur de la Trinité, comme le bras tendu du Père, pour venir au secours de l’humanité, pour nous sauver de nos fautes et même de la mort. Jésus monte au ciel pour nous amener avec lui, nous donnant de partager la vie de la Trinité. Dieu le Fils est devenu un être humain afin que nous puissions vivre éternellement avec lui en tant que fils et filles du Père, frères et sœurs les uns des autres. 

 

Entre le Juif et le Grec

Jésus jette un pont entre le ciel et la terre, non seulement pour que nous puissions être unis à Dieu en tant qu’individus, mais surtout collectivement. En effet, le paradis n’est pas une expérience solitaire dans laquelle chacun d’entre nous a sa propre petite chambre d’hôtel, où nous nous reposons tranquillement, loin des autres. Au contraire, le paradis est à la fois l’union avec Dieu et l’unité de tout le genre humain. Être sauvé, ce n’est pas seulement être réconcilié avec Dieu, c’est aussi être réconcilié avec tous nos frères et sœurs de l’humanité. Dieu ne nous sauve pas seulement en tant qu’individus, mais ensemble en tant que peuple qu’il rassemble à lui (cf. Lumen Gentium, 1 ; 9). 

La mort et la résurrection de Jésus n’ont pas seulement le pouvoir de nous réconcilier avec Dieu, mais aussi de nous réconcilier les uns avec les autres. À l’époque de Jésus, la société était divisée entre les Juifs et les païens. Les uns étaient considérés comme le peuple de Dieu, les autres comme des infidèles. Pourtant, Jésus brise les murs de division entre eux, les réconciliant l’un avec l’autre par le sang de la Croix. Pour reprendre les mots de saint Paul :

Mais maintenant, dans le Christ Jésus, vous qui autrefois étiez loin, vous êtes devenus proches par le sang du Christ. C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité ; par sa chair crucifiée, il a détruit ce qui les séparait, le mur de la haine ; il a supprimé les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. Ainsi, à partir des deux, le Juif et le païen, il a voulu créer en lui un seul Homme nouveau en faisant la paix, et réconcilier avec Dieu les uns et les autres en un seul corps par le moyen de la croix ; en sa personne, il a tué la haine. Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin, la paix pour ceux qui étaient proches. Par lui, en effet, les uns et les autres, nous avons, dans un seul Esprit, accès auprès du Père. Ainsi donc, vous n’êtes plus des étrangers ni des gens de passage, vous êtes concitoyens des saints, vous êtes membres de la famille de Dieu, car vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondations les Apôtres et les prophètes ; et la pierre angulaire, c’est le Christ Jésus lui-même. En lui, toute la construction s’élève harmonieusement pour devenir un temple saint dans le Seigneur. En lui, vous êtes, vous aussi, les éléments d’une même construction pour devenir une demeure de Dieu par l’Esprit Saint (Éphésiens 2,13-22).

La mort de Jésus marque un tournant dans nos relations mutuelles en tant qu’êtres humains. Par sa vie, sa mort et sa résurrection, Jésus cherche à établir la paix entre des peuples en guerre. Il meurt pour abattre les murs qui nous séparent de Dieu, ainsi que les murs qui nous séparent les uns des autres. Cela est vrai non seulement pour les guerres, mais aussi dans notre vie quotidienne, dans les divisions, les conflits et les tensions qui affectent nos relations les uns avec les autres, que ce soit dans nos familles, sur notre lieu de travail ou dans nos communautés. Il veut faire de nous des citoyens du ciel, des membres de la famille de Dieu, dès ici et maintenant.

Cette année, laisse Jésus être le pont dans ta vie. Laisse-le marcher avec toi à travers les croix que tu portes pour qu’il touche ta vie avec la puissance de la résurrection. Laisse-le te réconcilier avec Dieu et avec les autres, et te conduire, toi et ceux et celles qui t’entourent, sur le chemin de la vie éternelle. Laisse Jésus te tendre la main. Qu’il nous embrasse et nous réunisse en lui.

Jésus ressuscité, viens et sois le Pont entre le ciel et la terre, dans nos vies et dans notre monde. Rassemble-nous dans l’unité et la paix pour unir tout le genre humain avec Dieu. Amen.

Audience générale du pape François – 12 avril 2023

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Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a poursuivi sa catéchèse sur le « zèle évangélique ». Il a réfléchi sur la référence à Éphésiens 6:15 « aux pieds du héraut de la bonne nouvelle », en disant que « celui qui va proclamer doit se déplacer, doit marcher ! »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Après avoir vu, il y a quinze jours, le zèle personnel de saint Paul pour l’Évangile, nous pouvons aujourd’hui réfléchir plus profondément sur le zèle évangélique tel qu’il en parle lui-même et qu’il le décrit dans quelques-unes de ses lettres.

En vertu de sa propre expérience, Paul n’ignore pas le danger d’un zèle déformé, orienté dans la mauvaise direction ; il était lui-même tombé dans ce danger avant la chute providentielle sur le chemin de Damas. Nous avons parfois affaire à un zèle mal orienté, obstiné dans l’observation de normes purement humaines et obsolètes pour la communauté chrétienne. « Certains, écrit l’apôtre, ont pour vous un attachement qui n’est pas bon ». (Gal 4, 17).

Nous ne pouvons pas ignorer la sollicitude avec laquelle certains se consacrent à de mauvaises occupations, même au sein de la communauté chrétienne ; on peut se vanter d’un faux zèle évangélique tout en poursuivant en réalité la vanité ou ses propres convictions.

Quelles sont les caractéristiques du véritable zèle évangélique selon Paul ? Le texte que nous avons entendu au début me semble utile à cet égard, une liste d’« armes » que l’apôtre indique pour le combat spirituel. Parmi ces armes, il y a la volonté de propager l’Évangile, que certains traduisent par « zèle » et qu’ils qualifient de « chaussure ». Pourquoi ? En quoi le zèle pour l’Évangile est-il lié à ce que l’on met à ses pieds ? Cette métaphore reprend un texte du prophète Isaïe : « Comme ils sont beaux sur les montagnes, les pas du messager, celui qui annonce la paix, qui porte la bonne nouvelle, qui annonce le salut, et vient dire à Sion : ‹ Il règne, ton Dieu ! › » (52,7).

Ici aussi, il est question des pieds d’un héraut de la bonne nouvelle. Pourquoi ? Parce que celui qui va proclamer doit se déplacer, il doit marcher ! Mais nous remarquons aussi que Paul, dans ce texte, parle des chaussures comme d’une partie de l’armure, selon l’analogie de l’équipement du soldat qui va au combat : dans le combat, il est essentiel d’avoir une bonne stabilité, d’éviter les pièges du terrain, car l’adversaire a souvent truffé le champ de bataille de pièges, et d’avoir la force de courir et de se déplacer dans la bonne direction.

Le zèle évangélique est le support sur lequel repose l’annonce, et les annonciateurs sont un peu comme les pieds du corps du Christ qui est l’Église. Il n’y a pas de proclamation sans mouvement, sans « sortie”, sans initiative. On n’annonce pas l’Évangile en restant immobile, enfermé dans un bureau, devant son pupitre ou son ordinateur, à discuter comme des « lions du clavier “et à remplacer la créativité de l’annonce par des copier-coller d’idées prises ici et là. L’Évangile s’annonce en se déplaçant, en marchant, en allant.

Le terme utilisé par Paul pour désigner la chaussure de ceux qui portent l’Évangile est un mot grec qui signifie empressement, préparation, alacrité. C’est le contraire du laisser-aller, qui est incompatible avec l’amour. En effet, Paul dit ailleurs : « Ne ralentissez pas votre élan, restez dans la ferveur de l’Esprit, servez le Seigneur » (Rm 12,11). Cette attitude était celle requise dans le livre de l’Exode pour célébrer le sacrifice de la Pâque de délivrance : « Vous mangerez ainsi : la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la main. Vous mangerez en toute hâte : c’est la Pâque du Seigneur. Je traverserai le pays d’Égypte, cette nuit-là » (12,11-12a).

Le héraut est prêt à partir et il sait que le Seigneur passe de manière surprenante ; il doit donc être libre de tout projet et prêt pour une action inattendue et nouvelle. Celui qui annonce l’Évangile ne peut pas être fossilisé dans des cages de plausibilité ou dans le « on a toujours fait comme ça », mais il est prêt à suivre une sagesse qui n’est pas de ce monde, comme le dit Paul en parlant de lui-même : « Mon langage, ma proclamation de l’Évangile, n’avaient rien d’un langage de sagesse qui veut convaincre ; mais c’est l’Esprit et sa puissance qui se manifestaient, pour que votre foi repose, non pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu »  (1 Co 2,4-5).

Ici, il est important d’avoir cette disponibilité à la nouveauté de l’Évangile, cette attitude qui est un élan, une prise d’initiative, un « primerear ». Il s’agit de ne pas laisser passer les occasions de promulguer l’annonce de l’Évangile de la paix, cette paix que le Christ sait donner plus et mieux que le monde ne le fait.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation du Bureau de presse du Saint-Siège.

Homélie du pape François lors de la Messe Chrismale – 6 avril 2023

Le Jeudi Saint 6 avril 2023, le pape François a prononcé l’homélie lors de la célébration de la Messe  Chrismale. Il a dit: L’Esprit du Seigneur est sur moi. Chacun de nous peut le dire ; et ce n’est pas de la présomption, c’est une réalité, puisque tout chrétien, et en particulier tout prêtre, peut faire siennes les paroles suivantes : « Le Seigneur m’a consacré par l’onction » (Is 61, 1).

Vous pouvez lire le texte intégral de l’homélie ci-dessous.

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Célébration de la Messe Chrismale

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Basilique Saint-Pierre
Jeudi Saint, 6 avril 2023

« L’Esprit du Seigneur est sur moi » (Lc 4,18) : c’est à partir de ce verset qu’a commencé la prédication de Jésus, et c’est à partir de ce même verset que la Parole que nous avons entendue aujourd’hui a débuté (cf. Is 61,1). Au commencement, donc, il y a l’Esprit du Seigneur.

Et c’est sur lui que je voudrais réfléchir avec vous aujourd’hui, chers confrères, sur l’Esprit du Seigneur. En effet, sans l’Esprit du Seigneur, il n’y a pas de vie chrétienne, et sans son onction, il n’y a pas de sainteté. Il est le protagoniste et c’est beau, en ce jour de naissance du sacerdoce, de reconnaître qu’il est à l’origine de notre ministère, de la vie et de la vitalité de chaque pasteur. En effet, notre Sainte Mère l’Église nous enseigne à professer que l’Esprit Saint « donne la vie » [1] comme l’a affirmé Jésus en disant : « C’est l’Esprit qui fait vivre » ( Jn 6, 63) ; un enseignement repris par l’apôtre Paul qui écrit : « La lettre tue, mais l’Esprit donne la vie » (2 Co 3, 6) et parle de la « loi de l’Esprit qui donne la vie dans le Christ Jésus » ( Rm 8, 2). Sans Lui, l’Église ne serait pas l’Épouse vivante du Christ, mais tout au plus une organisation religieuse – plus ou moins bonne ; elle ne serait pas le Corps du Christ, mais un temple construit par des mains humaines. Comment l’Église peut-elle être construite, sinon à partir du fait que nous sommes les « temples de l’Esprit Saint » qui « habite en nous » (cf. 1 Co 6, 19 ; 3,16) ? Nous ne pouvons pas le laisser dehors ou le « parquer » dans une zone de dévotion, non, au centre !. Nous avons besoin de dire chaque jour : « Viens, car sans ta puissance rien n’est en l’homme ». [2]

L’Esprit du Seigneur est sur moi. Chacun de nous peut le dire ; et ce n’est pas de la présomption, c’est une réalité, puisque tout chrétien, et en particulier tout prêtre, peut faire siennes les paroles suivantes : « Le Seigneur m’a consacré par l’onction » (Is 61, 1). Frères, sans mérite, par pure grâce, nous avons reçu une onction qui a fait de nous des pères et des pasteurs du Peuple saint de Dieu. Arrêtons-nous donc sur cet aspect de l’Esprit : l’onction.

Après la première « onction » dans le sein de Marie, l’Esprit est descendu sur Jésus au Jourdain. Par la suite, comme l’explique saint Basile, « chaque action [du Christ] s’est accomplie avec la co-présence de l’Esprit Saint ». [3] En effet, c’est par la puissance de cette onction qu’Il prêchait et accomplissait des signes, en vertu de laquelle « une force sortait de Lui et les guérissait tous » ( Lc 6, 19). Jésus et l’Esprit œuvrent toujours ensemble, de sorte qu’ils sont comme les deux mains du Père [4] – Irénée dit cela – qui, tendues vers nous, nous étreignent et nous relèvent. Et c’est par elles que nos mains, ointes par l’Esprit du Christ ont été marquées. Oui, frères, le Seigneur ne nous a pas seulement choisis et appelés de partout : il a répandu en nous l’onction de son Esprit, celui-là même qui est descendu sur les Apôtres. Frères nous sommes des “oints”.

Regardons donc vers eux, vers les Apôtres. Jésus les choisit et, à son appel, ils quittent leurs barques, leurs filets, leurs maisons et ainsi de suite… L’onction de la Parole change leur vie. Avec enthousiasme, ils suivent le Maître et commencent à prêcher, convaincus d’accomplir par la suite des choses encore plus grandes ; jusqu’à ce que survienne la Pâque. Là, tout semble s’arrêter : ils en viennent à renier et à abandonner le Maître. Nous ne devons pas avoir peur. Soyons courageux en lisant notre propre vie et nos chutes. Ils parviennent à renier et à abandonner le Maitre, Pierre, le premier. Ils se rendent compte de leur incapacité et réalisent qu’ils ne l’avaient pas compris : le « Je ne connais pas cet homme » (Mc 14, 71), que Pierre prononce dans la cour du grand prêtre après la dernière Cène, n’est pas seulement une défense impulsive, mais un aveu d’ignorance spirituelle : lui et les autres s’attendaient peut-être à une vie de succès derrière un Messie attirant les foules et accomplissant des prodiges. Mais ils ne reconnaissent pas le scandale de la croix qui brise leurs certitudes. Jésus savait qu’ils n’y arriveraient pas seuls, et c’est pourquoi il leur avait promis le Paraclet. Et c’est justement cette « seconde onction », à la Pentecôte, qui transforme les disciples, en les amenant à paître le troupeau de Dieu et non plus eux-mêmes.Et telle est la contradiction à résoudre : suis-je pasteur du peuple de Dieu ou de moi-même ? Et il y a l’Esprit qui m’enseigne le chemin. C’est cette onction de feu qui fait disparaître leur religiosité centrée sur eux-mêmes et sur leurs propres capacités : une fois l’Esprit reçu, les craintes et les hésitations de Pierre se dissiperont ; Jacques et Jean, brûlés par le désir de donner leur vie, cesseront de courir après les places d’honneur (cf. Mc 10, 35-45) ; notre carriérisme, frères ; les autres ne resteront plus enfermés et craintifs au Cénacle, mais ils sortiront et deviendront apôtres dans le monde.C’est l’esprit qui change notre cœur, qui le met dans ce plan différent.

Frères, un tel chemin embrasse notre vie sacerdotale et apostolique. Pour nous aussi, il y a eu une première onction qui a commencé par un appel d’amour qui a ravi nos cœurs. Pour lui nous avons rompu nos amarres et sur cet enthousiasme authentique est descendue la force de l’Esprit, qui nous a consacrés. Ensuite, selon le temps voulu par Dieu, vient pour chacun l’étape pascale, qui marque le moment de vérité. Et c’est un moment de tension qui prend des formes diverses. Il arrive à chacun, tôt ou tard, de connaître des déceptions, des fatigues, des faiblesses, l’idéal semblant se diluer devant les exigences de la réalité, tandis qu’une certaine habitude prend le dessus et que certaines épreuves, auparavant difficilement imaginables, rendent la fidélité plus inconfortable qu’elle ne l’était auparavant. Cette étape – de cette tentation, de cette épreuve que nous avons tous eue, que nous avons et que nous aurons – cette étape représente une ligne de crête décisive pour ceux qui ont reçu l’onction. On peut s’en sortir mal, en glissant vers une certaine médiocrité, en se traînant avec lassitude dans une « normalité » où s’insinuent trois tentations dangereuses : celle du compromis, où l’on se contente de ce que l’on peut faire ; celle des compensations, où l’on cherche à se « recharger » avec autre chose que notre onction ; celle du découragement – qui est la plus commune –, où, mécontents, l’on continue par inertie. Et c’est là que réside le grand risque : alors que les apparences demeurent intactes – “Je suis prêtre” –, on se replie sur soi-même et on se traîne sans énergie ; le parfum de l’onction n’embaume plus la vie et le cœur ; et le cœur ne se dilate plus mais se rétrécit, enserré dans le désenchantement.C’est un distillat, tu sais ? Lorsque le sacerdoce glisse lentement sur le cléricalisme et que le prêtre oublie d’être pasteur du peuple, pour devenir un clerc d’État.

Mais cette crise peut aussi devenir le tournant du sacerdoce, « l’étape décisive de la vie spirituelle, où il faut faire l’ultime choix entre Jésus et le monde, entre l’héroïsme de la charité et la médiocrité, entre la croix et un certain bien-être, entre la sainteté et une honnête fidélité à l’engagement religieux ». [5] À la fin de cette célébration, on vous donnera comme cadeau un classique, un livre qui traite de ce problème : “ Le second appel”, c’est un classique du Père Voillaume qui touche ce problème, lisez-le. Ensuite, nous avons tous besoin réfléchir à ce moment de notre sacerdoce. C’est le moment béni où, comme les disciples à Pâques, nous sommes appelés à être « assez humbles pour confesser que nous avons été vaincus par le Christ humilié et crucifié, et pour accepter de commencer un nouveau chemin, celui de l’Esprit, de la foi et d’un amour fort et sans illusions ». [6] C’est le kairos où l’on découvre que « tout cela ne se réduit pas à abandonner la barque et les filets pour suivre Jésus pendant un certain temps, mais nous oblige à aller jusqu’au Calvaire, à accueillir la leçon et le fruit, et à aller avec l’aide de l’Esprit Saint jusqu’au bout d’une vie qui doit s’achever dans la perfection de la Charité divine ».  [7] Avec l’aide de l’Esprit Saint : c’est le temps, pour nous comme pour les Apôtres, d’une « seconde onction », temps d’un second appel que nous devons écouter, pour la seconde onction, celle où nous accueillons l’Esprit, non pas à partir de l’enthousiasme de nos rêves, mais à partir de la fragilité de notre réalité. C’est une onction qui fait la vérité en profondeur, qui permet à l’Esprit d’oindre nos faiblesses, nos travaux, nos pauvretés intérieures. Alors l’onction embaume à nouveau : de son parfum et non du nôtre.En ce moment, intérieurement, je fais mémoire de certains d’entre vous qui sont en crise – disons ainsi – qui sont désorientés et qui ne savent pas comment prendre le chemin, comment reprendre le chemin dans cette seconde onction de l’Esprit. À ces frères – je les ai présents – je dis simplement : courage, le Seigneur est plus grand que tes faiblesses, que tes péchés. Confie-toi au Seigneur et laisse-toi appeler une deuxième fois, cette fois avec l’onction de l’Esprit Saint. La double vie ne t’aidera pas ; jeter tout par la fenêtre, non plus. Regarde en avant, laisse-toi caresser par l’onction de l’Esprit Saint.

Et le chemin pour ce pas de maturité est d’admettre la vérité de sa propre faiblesse. « L’Esprit de vérité » (Jn 16, 13) nous y exhorte, il nous pousse à regarder en nous-mêmes jusqu’au fond et à nous demander : mon épanouissement dépend-il de mes capacités, du rôle que j’obtiens, des compliments que je reçois, de la carrière que je poursuis, des supérieurs ou des collaborateurs, ou du confort que je peux me garantir, ou de l’onction qui parfume ma vie ? Frères, la maturité sacerdotale passe par l’Esprit Saint, elle se réalise quand Il devient le protagoniste de notre vie. Alors tout change de perspective, même les déceptions et les amertumes – même les péchés – parce qu’il ne s’agit plus d’essayer de nous améliorer en corrigeant quelque chose, mais de nous en remettre, sans rien retenir, à Celui qui nous a gratifiés de son onction et veut descendre en nous au plus profond. Frères, nous redécouvrons alors que la vie spirituelle devient libre et joyeuse non pas quand on sauve les formes et que l’on rapièce, mais quand on laisse l’initiative à l’Esprit et que, abandonnés à ses desseins, on se dispose à servir là et comme on nous le demande : notre sacerdoce ne grandit pas en rapiéçant, mais en débordant !

Si nous laissons l’Esprit de vérité agir en nous, nous conserverons l’onction – conserver l’onction –, car les faussetés – les hypocrisies cléricales – les faussetés avec lesquelles nous sommes tentés de vivre viendront à la lumière immédiatement. Et l’Esprit, qui « lave ce qui est sale », nous suggérera, sans se lasser, de « ne pas souiller l’onction », ne serait-ce qu’un peu. Il me vient à l’esprit cette phrase du Qohèleth qui dit : « Une seule mouche morte infeste et gâte l’huile du parfumeur » (10, 1). C’est vrai, toute duplicité – la duplicité cléricale, s’il vous plaît – toute duplicité qui s’insinue est dangereuse : elle ne doit pas être tolérée mais mise à la lumière de l’Esprit. Parce que, si « rien n’est plus faux que le cœur de l’homme, il est incurable » ( Jr 17, 9), l’Esprit Saint, Lui seul, nous guérit de l’infidélité (cf. Os 14, 5). C’est pour nous un combat essentiel : il est en effet indispensable, comme l’écrivait saint Grégoire le Grand que « celui qui annonce la parole de Dieu se consacre d’abord à son propre mode de vie, pour apprendre ensuite, à partir de sa propre vie, ce qu’il doit dire et comment il doit le dire. […] Que nul ne prétende dire à l’extérieur ce qu’il n’a pas d’abord entendu à l’intérieur ». [8] Et c’est l’Esprit, le maître intérieur, qu’il faut écouter, sachant qu’il n’y a rien en nous qu’Il ne veuille oindre. Frères, préservons l’onction : que l’invocation de l’Esprit ne soit pas une pratique sporadique, mais le souffle de chaque jour. Viens, viens, conserve-nous l’onction. Moi, consacré par Lui, je suis appelé à m’immerger en Lui, à laisser sa lumière pénétrer mes obscurités – nous en avons beaucoup – pour retrouver la vérité de ce que je suis. Laissons-nous entraîner par Lui pour combattre les contradictions qui s’agitent en nous ; et laissons-nous régénérer par Lui dans l’adoration, car lorsque nous adorons le Seigneur, Il déverse son Esprit dans nos cœurs.

L’esprit du Seigneur est sur moi, parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction ; il m’a envoyé – poursuit la prophétie – et m’a envoyé pour apporter la bonne nouvelle, la délivrance, la guérison et la grâce (cf. Is 61, 1-2 ; Lc 4, 18-19) : en un mot, pour apporter l’harmonie là où il n’y en a pas. Car comme le dit saint Basile : “L’Esprit est l’harmonie” c’est Lui qui fait l’harmonie. Après vous avoir parlé de l’onction, je voudrais vous dire quelque chose de cette harmonie qui en est la conséquence. L’Esprit Saint, en effet, est harmonie. D’abord au ciel : saint Basile explique que « cette supra-céleste et indicible harmonie dans service de Dieu et dans la symphonie réciproque des puissances supra-cosmiques, il est impossible qu’elle soit conservée sinon par l’autorité de l’Esprit » [9]. Et aussi sur la terre : dans l’Église, c’est bien Lui cette « Harmonie divine et musicale » [10] qui relie tout.Mais pensez à un presbyterium sans harmonie, sans l’Esprit : cela ne fonctionne pas. Il suscite la diversité des charismes et la refonde en unité, il crée une concorde qui n’est pas fondée sur l’homologation, mais sur la créativité de la charité. Il en va de même pour l’harmonie entre les uns et les autres. Il en va de même pour l’harmonie dans un presbytère. Pendant les années du Concile Vatican II, qui a été un don de l’Esprit, un théologien a publié une étude dans laquelle il parlait de l’Esprit non pas dans son individualité, mais dans son pluralisme. Il nous invitait à le considérer comme une Personne divine non pas tant singulière que « plurielle », comme le « nous de Dieu », le « nous » du Père et du Fils, parce qu’il est leur lien, il est en lui-même concorde, communion, harmonie. [11] Je me souviens que quand j’ai lu ce traité théologique – c’était en théologie, en étudiant – je me suis scandalisé : il semblait une hérésie, parce que dans notre formation on ne comprenait pas bien comment était l’Esprit Saint.

Créer l’harmonie, c’est ce qu’Il désire, surtout parmi ceux sur qui Il a répandu son onction. Frères, construire l’harmonie entre nous n’est donc pas une bonne méthode pour que la structure ecclésiale puisse mieux fonctionner, ce n’est pas danser le Minuet, ce n’est pas une question de stratégie ou de courtoisie, mais une exigence interne de la vie de l’Esprit. On pèche contre l’Esprit, qui est communion, quand on devient, même par légèreté, un instrument de division, par exemple – et revenons sur le même thème – avec le bavardage. Quand nous devenons des instruments de division, nous péchons contre l’Esprit. Et on fait le jeu de l’ennemi qui ne se montre pas au grand jour et qui aime les rumeurs et les insinuations, qui fomente des partis et des groupes de pressions, nourrit la nostalgie du passé, la méfiance, le pessimisme, la peur. Veillons, s’il vous plaît, à ne pas souiller l’onction de l’Esprit et la tunique de la Sainte Mère l’Église par la désunion, les polarisations, par tout manque de charité et de communion. Rappelons-nous que l’Esprit, « le nous de Dieu », préfère la forme communautaire : c’est-à-dire la disponibilité par rapport à ses propres exigences, l’obéissance par rapport à ses propres goûts, l’humilité par rapport à ses propres attentes.

L’harmonie n’est pas une vertu parmi d’autres, elle est davantage. Saint Grégoire le Grand écrit : « La valeur de la vertu d’harmonie est démontrée par le fait que, sans elle, toutes les autres vertus ne valent absolument rien ». [12] Aidons-nous les uns les autres, mes frères, à préserver l’harmonie, – préserver l’harmonie – ce serait le devoir – en commençant non pas par les autres, mais chacun par soi-même ; en nous demandant : dans mes paroles, dans mes commentaires, dans ce que je dis et écris, y a-t-il l’empreinte de l’Esprit ou celle du monde ? Je pense aussi à la gentillesse du prêtre – mais si souvent les prêtres, nous… sommes impolis – : pensons à la gentillesse du prêtre, si les gens trouvent, même chez nous, des personnes insatisfaites, vieux garçons, des personnes mécontentes qui critiquent et pointent du doigt, où verront-ils l’harmonie ? Combien ne s’approchent pas, ou bien s’éloignent, parce qu’ils ne se sentent ni accueillis ni aimés dans l’Église, mais regardés avec suspicion et jugés ! Au nom de Dieu, accueillons et pardonnons, toujours ! Et rappelons-nous que le fait d’être crispés et de se plaindre, outre que cela ne produit rien de bon, compromet l’annonce, parce que cela est un contre-témoignage de Dieu qui est communion et harmonie. Et cela déplaît beaucoup et surtout à l’Esprit Saint que l’apôtre Paul nous exhorte à ne pas contrister (cf. Ep 4, 30).

Frères, je vous laisse avec ces pensées qui sont sorties du cœur et je termine en vous adressant une parole simple et importante : merci. Merci pour votre témoignage, merci pour votre service ; merci pour tout le bien caché que vous faites, merci pour le pardon et la consolation que vous offrez au nom de Dieu : toujours pardonner, s’il vous plaît, ne jamais refuser le pardon ; merci pour votre ministère qui s’exerce souvent au prix de beaucoup de fatigues, d’incompréhensions et de peu de reconnaissance. Frères, que l’Esprit de Dieu, qui ne déçoit pas ceux qui se confient en Lui, vous comble de paix et achève en vous ce qu’il a commencé, afin que vous soyez prophètes de son onction et apôtres d’harmonie.

 

[1] Symbole de Nicée-Constantinople.

[2] Cf. Séquence de la Pentecôte.

[3] Spir. XVI, 39.

[4] Cf. Irené de Lyon, Adv. haer. IV, 20,1.

[5] R. Voillaume, «La seconda chiamata», in S. Stevan ed.,  La Seconda chiamata. Il coraggio della fragilità, Bologna 2018, 15. (« Le second appel », Lettres aux fraternités, t. 1, Paris, Cerf, 1960, pp. 11-35).

[6] Ibid., 24.

[7] Ibid., 16.

[8] Homélies sur Ezéchiel, I, X ,13-14.

[9] Spir. XVI, 38. Basile de Césarée, De Spiritu sancto, Sources Chrétiennes 17, [SPIR.S] 16, 38 (p.382).

[10] In Ps. 29,1.

[11] Cf. H. Mühlen, Der Heilige Geist als Person. Ich – Du – Wir, Münster in W., 1963.

[12] Homélies sur Ezéchiel, I, VIII, 8.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Audience générale du pape François – 5 avril 2023

« Le roi qui mérite tous les éloges ». Crédit photo: Mirna Encinas on Cathopic.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a réfléchi sur « Le crucifix, source d’espérance ». Il a déclaré que sur la croix, « nous voyons Jésus nu, Jésus dépouillé, Jésus blessé, Jésus tourmenté. Est-ce la fin de tout ? C’est là que se trouve notre espérance. »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dimanche dernier, la Liturgie nous a fait écouter la Passion du Seigneur. Elle se termine par ces mots : « Ils mirent les scellés sur la pierre » (Mt 27, 66). Ils mirent les scellés sur la pierre : tout semble fini. Pour les disciples de Jésus, ce bloc de pierre marque la fin de l’espérance. Le Maître a été crucifié, tué de la manière la plus cruelle et la plus humiliante qui soit, pendu à un infâme gibet hors de la ville : un échec public, la pire fin possible – à cette époque c’était la pire. Le découragement qui oppressait les disciples ne nous est pas totalement étranger aujourd’hui. En nous aussi, fusent des idées noires et des sentiments de frustration : pourquoi tant d’indifférence à l’égard de Dieu ? C’est curieux : pourquoi tant d’indifférence à l’égard de Dieu ? Pourquoi tant de mal dans le monde ? Mais regardez, il y a du mal dans le monde ! Pourquoi les inégalités continuent-elles à se creuser et la paix tant désirée ne se réalise pas ? Pourquoi sommes-nous si attachés à la guerre, à nous faire du mal l’un à l’autre ? Et dans le cœur de chacun, que d’attentes envolées, que de déceptions ! Et toujours ce sentiment que les temps passés étaient meilleurs et que dans le monde, peut-être même dans l’Église, les choses ne sont plus ce qu’elles étaient… Bref, aujourd’hui encore, l’espérance semble parfois scellée sous la pierre de la méfiance. Et j’invite chacun d’entre vous à réfléchir à ceci : où est ton espérance ? Toi, as-tu une espérance vive ou l’as-tu scellée là, ou l’as-tu dans le tiroir comme un souvenir ? Est-ce que ton espérance te fait avancer, ou est-ce un souvenir romantique comme quelque chose qui n’existerait pas ? Où est ton espérance aujourd’hui ?

Une image est restée gravée dans l’esprit des disciples : la croix. Et c’est là que tout est fini. C’est là que se concentrait la fin de tout. Mais peu de temps après, ils découvriront dans la croix elle-même un nouveau commencement. Chers frères et sœurs, c’est ainsi que germe l’espérance de Dieu, elle naît et renaît dans les trous noirs de nos attentes déçues, et l’espérance véritable, au contraire, ne déçoit jamais. Pensons à la croix : du plus terrible instrument de torture, Dieu a tiré le plus grand signe d’amour. Ce bois de la mort, transformé en arbre de vie, nous rappelle que les débuts de Dieu commencent souvent à partir de nos limites : c’est ainsi qu’il aime opérer des merveilles. Aujourd’hui, regardons donc l’arbre de la croix pour que germe en nous l’espérance : cette vertu de tous les jours, cette vertu silencieuse, humble, mais cette vertu qui nous maintient debout, qui nous aide à aller de l’avant. Sans espérance, on ne peut pas vivre. Demandons-nous : où est mon espérance ? Aujourd’hui, regardons l’arbre de la croix pour que germe en nous l’espérance : pour être guéris de la tristesse – mais, que de gens tristes… Moi, quand je pouvais aller dans les rues, maintenant je ne peux plus parce qu’on ne me laisse pas faire, mais quand je pouvais aller dans les rues dans l’autre diocèse, j’aimais bien regarder le regard des gens. Tant de regards tristes ! Des gens tristes, des gens qui parlent tout seuls, des gens qui marchent avec leur téléphone portable, mais sans paix, sans espérance. Et où est ton espérance aujourd’hui ? Nous avons besoin d’un peu d’espérance pour guérir de la tristesse dont nous sommes malades, pour guérir de l’amertume avec laquelle nous polluons l’Église et le monde. Frères et sœurs, regardons le Crucifix. Et que voyons-nous ? Nous voyons Jésus nu, Jésus dépouillé, Jésus blessé, Jésus tourmenté. Est-ce la fin de tout ? C’est là que réside notre espérance.

Observons donc comment, sous ces deux aspects, l’espérance, qui semblait mourir, renaît. Tout d’abord, nous voyons Jésus dépouillé : car « après l’avoir crucifié, ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort » (v. 35). Dieu dépouillé : Celui qui a tout se laisse dépouiller de tout. Mais cette humiliation est le chemin de la rédemption. Dieu triomphe ainsi de nos apparences. En effet, nous avons du mal à nous mettre à nu, à faire la vérité : nous essayons toujours de dissimuler les vérités parce qu’elles ne nous plaisent pas ; nous nous revêtons d’apparences extérieures que nous recherchons et soignons, des masques pour nous déguiser et nous montrer meilleurs que nous ne sommes. Un peu comme l’habitude du maquillage : maquillage intérieur, paraître meilleur que les autres …Nous pensons que l’important est l’ostentation, le paraitre, pour que les autres disent du bien de nous. Et nous nous parons d’apparences, nous nous parons d’apparences, de choses superflues, mais de cette manière nous ne trouvons pas la paix. Puis le maquillage disparaît et tu te regardes dans le miroir avec le visage laid que tu as, mais le vrai, celui que Dieu aime, pas celui qui est « maquillé ». Et Jésus dépouillé de tout nous rappelle que l’espérance renaît en faisant la vérité sur nous-mêmes – se dire la vérité à soi-même -, en abandonnant la duplicité, en nous libérant de la coexistence pacifique avec nos mensonges. Parfois, nous sommes tellement habitués à nous dire des mensonges que nous vivons avec ces mensonges comme s’il s’agissait de vérités et nous finissons par être empoisonnés par nos mensonges. Voilà ce qui est nécessaire : revenir au cœur, à l’essentiel, à une vie simple, dépouillée de tant de choses inutiles, qui sont des substituts de l’espérance. Aujourd’hui, alors que tout est complexe et que nous risquons de perdre le fil, nous avons besoin de simplicité, nous avons besoin de redécouvrir la valeur de la sobriété, la valeur du renoncement, de faire le ménage dans ce qui pollue le cœur et nous rend tristes. Chacun de nous peut penser à une chose inutile dont il peut se débarrasser pour se retrouver. Pensez-y, que de choses inutiles ! Ici, il y a quinze jours, à Santa Marta, où je vis – c’est un hôtel pour tant de gens – on a dit que pour cette Semaine Sainte, il serait bon de regarder l’armoire et de se dépouiller, de nous débarrasser des choses que nous avons, que nous n’utilisons pas… vous ne pouvez pas imaginer la quantité de choses ! Il est bon de se débarrasser des choses inutiles. Et cela a été donné aux pauvres, aux personnes dans le besoin. Nous aussi, nous avons tant de choses inutiles à l’intérieur de notre cœur – et à l’extérieur aussi. Regardez votre garde-robe : regardez-la. Ce qui est utile, ce qui est inutile… et faire le ménage. Regardez l’armoire de l’âme : combien de choses inutiles vous avez, combien d’illusions stupides. Revenons à la simplicité, aux choses essentielles, qui n’ont pas besoin de maquillage. Voilà un bel exercice !

Jetons un second regard sur le crucifix et voyons Jésus blessé. La croix montre les clous qui transpercent ses mains et ses pieds, son côté ouvert. Mais aux blessures du corps s’ajoutent celles de l’âme : mais quelle angoisse ! Jésus est seul : trahi, livré et renié par les siens, de ses amis et également de ses disciples, condamné par le pouvoir religieux et civil, excommunié, Jésus fait même l’expérience de l’abandon de Dieu (cf. v. 46). Sur la croix, apparaît également le motif de la condamnation : « Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs » (v. 37). C’est une moquerie : lui qui s’était enfui quand on avait voulu le faire roi (cf. Jn 6,15), est condamné pour s’être fait roi ; alors qu’il n’a commis aucun crime, il est mis entre deux malfaiteurs et on lui préfère le violent Barabbas (cf. Mt 27,15-21). Jésus, en somme, est blessé dans son corps et dans son âme. Je me demande : en quoi cela aide-t-il notre espérance ? Ainsi, Jésus nu, dépouillé de tout, de tout : qu’est-ce que cela dit de mon espérance, en quoi cela m’aide-t-il ?

Nous aussi nous sommes blessés : qui n’est pas blessé dans la vie ? Et tant de fois avec des blessures cachées, que nous cachons à cause de la honte. Qui ne porte pas les cicatrices de choix passés, d’incompréhensions, de douleurs qui restent à l’intérieur et qui sont difficiles à surmonter ? Mais aussi des torts subis, des paroles acerbes, des jugements sans clémence ? Dieu ne cache pas à nos yeux les blessures qui ont transpercé son corps et son âme. Il les montre pour nous dévoiler qu’un nouveau passage peut s’ouvrir à Pâques : faire de ses blessures des trous de lumière. « Mais, Sainteté, n’exagérez pas », pourrait-on me dire. Non, c’est vrai : essaie. Essaie. Pense à tes blessures, celles que tu es le seul à connaître, celles que chacun a cachées dans le cœur. Et regarde le Seigneur. Et tu verras, tu verras comment de ces blessures jaillissent des trous de lumière. Jésus en croix, ne récrimine pas, il aime. Il aime et pardonne à ceux qui le blessent (cf. Lc 23, 34). Il transforme ainsi le mal en bien, ainsi convertit-il et transforme-t-il la douleur en amour.

Frères et sœurs, la question n’est pas d’être blessé un peu ou beaucoup par la vie, la question est ce que je fais de mes blessures. Les petites, les grandes, celles qui laisseront toujours une trace dans mon corps, dans mon âme. Qu’est-ce que je fais avec mes blessures ? Que fais-tu, toi avec tes blessures ? « Non, mon Père, je n’ai pas de blessures » – « Attention, réfléchis-y par deux fois avant de dire cela ». Et moi je te demande : que fais-tu de tes blessures, celles que toi seul connais ? Tu peux les laisser s’infecter dans le ressentiment, la tristesse, ou je peux les unir à celles de Jésus, pour que mes blessures aussi deviennent lumineuses. Pensez au nombre de jeunes qui ne supportent pas leurs blessures et qui considèrent le suicide comme une voie de salut : aujourd’hui, dans nos villes, il y a beaucoup, beaucoup de jeunes qui ne voient pas d’issue, qui n’ont pas d’espérance et qui préfèrent aller plus loin avec la drogue, avec l’oubli… pauvres choses. Pensez à eux. Et toi, quelle est ta drogue, pour couvrir tes blessures ? Nos blessures peuvent devenir sources d’espérance quand, au lieu de pleurer sur nous-mêmes ou de les cacher, nous essuyons les larmes des autres ; quand, au lieu de nourrir du ressentiment pour ce qui nous est enlevé, nous nous occupons de ce qui manque aux autres ; quand, au lieu de ruminer en nous-mêmes, nous nous penchons sur ceux qui souffrent ; quand, au lieu d’être assoiffés d’amour pour nous-mêmes, nous étanchons la soif de ceux qui ont besoin de nous. Car seulement si nous cessons de penser à nous-mêmes, nous nous trouvons nous-mêmes. Mais si nous continuons à penser à nous-mêmes, nous ne nous retrouverons plus jamais. Et c’est ainsi que – comme le dit l’Écriture – notre blessure se cicatrise rapidement (cf. Is 58, 8) et que l’espérance refleurit. Réfléchissez : que puis-je faire pour les autres ? Je suis blessé, je suis blessé par le péché, je suis blessé par l’histoire, chacun a sa propre blessure. Que dois-je faire : est-ce que je lèche mes propres blessures comme ça, toute la vie ? Ou est-ce que je regarde les blessures des autres et je pars avec l’expérience blessée de ma propre vie, pour guérir, pour aider les autres ? C’est le défi d’aujourd’hui, pour vous tous, pour chacun d’entre nous. Que le Seigneur nous aide à aller de l’avant.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Le Carême and Pâques : soyons transformés, cheminant ensemble

Quel est le lien entre la synodalité, le Carême et Pâques ? Comment vivre le chemin de Carême et de Pâques de manière synodale ?

Pensons à deux images clés : celle de « marcher ensemble » et celle de la « transformation ». 

La synodalité nous rappelle que le Carême et la Pâques ne sont pas un trajet à faire tout seul, mais un chemin que nous sommes appelés à parcourir ensemble. Tout d’abord, nous marchons ensemble avec Dieu. C’est le Christ qui nous précède et qui nous conduit. Le Carême et Pâques sont un temps où nous avançons avec Jésus, où nous le suivons de plus près, où nous réalisons à nouveau combien il est proche de nous. En même temps, l’expérience de marcher avec le Christ nous ouvre les uns aux autres. Être disciple, ce n’est pas seulement suivre Jésus, mais le faire avec d’autres, comme les premiers apôtres que Jésus a rassemblés autour de lui. Ils ont parcouru ensemble la Galilée et la Judée pendant trois ans en suivant Jésus. Ils ne marchaient pas tout seuls : ils faisaient partie d’une communauté en marche, qui s’appelle aujourd’hui « l’Église » !

Comme il est facile de considérer le Carême comme un chemin personnel dans lequel chacun de nous s’efforce de faire ses propres efforts. Mais le Carême n’est pas destiné à être vécu seul, tout comme Pâques n’est pas destiné à être célébré seul. Le Carême et Pâques sont le voyage de l’Église toute entière – c’est le chemin qui mène du désert à la terre promise, de la mort à la vie nouvelle, du péché au salut, de la Croix à la Résurrection. Cette année, profitons de ce temps pour vivre ce cheminement ensemble avec le Christ et avec d’autres. 

Cela nous amène à notre deuxième image-clé : la transformation. Notre expérience du Carême et de Pâques est censée nous transformer, tout comme le chemin de la synodalité. Les deux vont de pair. Comme nous le savons, le Carême est un temps de conversion : pour nous préparer à Pâques, pour ouvrir nos cœurs et nous laisser renouveler par Dieu. Jésus nous invite à nous concentrer sur Lui et sur les autres, en surmontant nos tentations de rester centrés sur nous-mêmes. La synodalité implique ce même type de conversion, d’ouverture à Dieu et aux autres. Notre pèlerinage du Carême et de Pâques est une chance de se laisser renouveler par le Christ chaque année. La synodalité est le chemin par lequel Dieu veut renouveler toute l’Église en ce moment de l’histoire. Le Christ nous transforme lorsque nous marchons ensemble, en tant que chrétiens et en tant qu’êtres humains. Car la synodalité n’est pas seulement une façon de marcher ensemble en tant que disciples mais aussi une façon de marcher ensemble avec le monde. Notre mission en tant qu’Église est de partager avec tous la joie de Pâques – du Christ qui est vraiment ressuscité et présent au milieu de nous. Marcher avec le monde est le chemin par lequel nous pouvons vivre la mission de l’Église au 21ème siècle. 

Alors que nous traversons les temps du Carême et de Pâques, cherchons des moyens de partager notre expérience avec d’autres. Ce n’est pas un chemin que nous parcourons seuls. Profitons de ce temps pour parler aux autres de la manière dont tu as grandi spirituellement pendant le Carême. Ose répandre la joie de Pâques plus largement cette année, en particulier avec ceux et celles qui sont dans la difficulté et le besoin. Pourquoi pas inviter quelqu’un qui est seul à célébrer le dimanche de Pâques avec toi et ta famille à se joindre à vous pour Pâques, ou tend la main à un membre de ta famille élargie avec qui tu as perdu le contact. Laisse-toi transformer par l’expérience de marcher ensemble avec d’autres dans la lumière du Christ ressuscité, qui nous appelle non seulement en tant qu’individus mais ensemble. Notre Seigneur crucifié et ressuscité vient à notre rencontre à travers les autres, tout comme il vient à la rencontre des autres à travers nous. Il est présent et vivant au milieu de nous alors que nous cheminons ensemble, les uns avec les autres.

Pour en savoir davantage sur le parcous sur la synodalité, regardez le dernier épisode de « Sur le chemin du Synode » sur Sel + Lumière plus.

 

Homélie du pape François durant la célébration de la messe du dimanche des Rameaux 2023

Le dimanche 2 avril 2023, le pape François a prononcé l’homélie lors de la célébration du dimanche des Rameaux de la Passion du Seigneur. Il a souligné qu’ «à l’heure de l’abandon, Jésus a continué à faire confiance. À l’heure de l’abandon, il a continué à aimer ses disciples qui s’étaient enfuis, le laissant seul. Dans son abandon, il a pardonné à ceux qui l’avaient crucifié. (Luc 23:34) Nous voyons ici l’abîme de nos nombreux péchés immergé dans un amour plus grand, avec pour résultat que notre isolement devient communion. »

Vous pouvez lire le texte intégral de l’homélie ci-dessous.

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Célébration du dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Place Saint-Pierre
Dimanche 2 avril 2023

« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 26, 46). C’est l’invocation que la liturgie d’aujourd’hui nous a fait répéter dans le Psaume responsorial (Cf. Ps 22, 2) et c’est la seule prononcée sur la croix par Jésus dans l’Évangile que nous avons entendu. Ce sont donc les paroles qui nous conduisent au cœur de la passion du Christ, au point culminant des souffrances qu’il a endurées pour nous sauver. “Pourquoi m’as-tu abandonné ?”

Les souffrances de Jésus ont été nombreuses, et chaque fois que nous écoutons le récit de la passion, elles nous pénètrent. Il y a eu les souffrances du corps : pensons aux gifles, aux coups, à la flagellation, à la couronne d’épines, jusqu’à la torture de la croix. Il y a eu les souffrances de l’âme : la trahison de Judas, les reniements de Pierre, les condamnations religieuses et civiles, les railleries des gardes, les insultes sous la croix, le rejet de beaucoup de gens, l’échec de tout, l’abandon des disciples. Pourtant, dans toute cette souffrance, il reste à Jésus une certitude : la proximité du Père. Mais voilà que l’impensable se produit : avant de mourir, il s’écrie : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». L’abandon de Jésus.

Voici la souffrance la plus déchirante, c’est la souffrance de l’esprit : à l’heure la plus tragique, Jésus fait l’expérience de l’abandon de Dieu. Jamais auparavant il n’avait appelé le Père par le nom générique de Dieu. Pour nous transmettre la force de cet événement, l’Évangile rapporte la phrase également en araméen : c’est la seule, parmi celles prononcées par Jésus sur la croix qui nous parvient dans la langue originale. L’événement est l’abaissement extrême, c’est-à-dire l’abandon de son Père, l’abandon de Dieu. Le Seigneur vient souffrir par amour pour nous, comme il est difficile pour nous de le comprendre. Il voit le ciel fermé, il expérimente l’amère frontière de la vie, le naufrage de l’existence, l’effondrement de toute certitude : il crie « le pourquoi des pourquoi ». “Toi, Dieu, pourquoi ?”

Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Le verbe « abandonner » dans la Bible est fort ; il apparaît dans des moments de douleur extrême : dans les amours manquées, rejetées et trahies ; dans les enfants rejetés et avortés ; dans les situations de répudiation, de veuvage et d’orphelinat ; dans les mariages épuisés, dans les exclusions qui privent des liens sociaux, dans l’oppression de l’injustice et dans la solitude de la maladie : bref, dans les lacérations les plus implacables des liens. Là, on dit ce mot : “abandon”. Le Christ a porté cela sur la croix, en prenant sur lui le péché du monde. Et au point culminant, Lui, le Fils unique et bien-aimé, fait l’expérience de la situation qui Lui était la plus étrangère : l’abandon, l’éloignement de Dieu.

Et pourquoi en est-il arrivé là ? Pour nous, il n’y a pas d’autre réponse. Pour nous. Frères et sœurs, aujourd’hui ce n’est pas un spectacle. En écoutant l’abandon de Jésus, que chacun de nous se dise : pour moi. Cet abandon est le prix qu’il a payé pour moi. Il s’est fait solidaire avec chacun de nous jusqu’à l’extrême, pour être avec nous jusqu’à la fin. Il a connu l’abandon pour ne pas nous laisser otages de la désolation et pour être à nos côtés pour toujours. Il l’a fait pour moi, pour toi, pour que lorsque moi, toi ou n’importe qui d’autre se voit le dos au mur, perdu dans une impasse, plongé dans l’abîme de l’abandon, aspiré dans le tourbillon des nombreux « pourquoi » sans réponse, il y ait une espérance. Lui, pour toi, pour moi. Ce n’est pas la fin, car Jésus est passé par là et il est maintenant avec toi : Lui qui a souffert la distance de l’abandon pour accueillir dans son amour toutes nos distances. Pour que chacun de nous puisse dire : dans mes chutes – chacun de nous est tombé plusieurs fois –, dans ma désolation, quand je me sens trahi, ou quand j’ai trahi les autres, quand je me sens rejeté ou quand j’ai rejeté les autres, quand je me sens abandonné ou quand j’ai abandonné les autres, pensons qu’Il a été abandonné, trahi, rejeté. Et là nous Le trouvons. Quand je me sens mal et perdu, quand je n’y arrive plus, Il est avec moi ; dans mes nombreux pourquoi sans réponse, Il est là.

C’est ainsi que le Seigneur nous sauve, à partir de nos « pourquoi ». C’est à partir de là qu’il entrouvre l’espérance qui ne déçoit pas. En effet, sur la croix, alors qu’il ressent un extrême abandon, il ne se laisse pas aller au désespoir – c’est la limite –, mais il prie et se confie. Il crie son « pourquoi » avec les mots d’un psaume (22, 2) et s’abandonne entre les mains du Père, même s’il le sent loin (cf. Lc 23, 46) ou il ne le sent pas car il se trouve abandonné. Dans l’abandon, il se confie. Dans l’abandon, il continue à aimer les siens qui l’avaient laissé seul. Dans l’abandon, il pardonne à ceux qui l’ont crucifié (v. 34). Voilà que l’abîme de nos nombreux maux est plongé dans un amour plus grand, de sorte que toute séparation se transforme en communion.

Frères et sœurs, un tel amour total pour nous, jusqu’au bout, l’amour de Jésus est capable de transformer nos cœurs de pierre en cœurs de chair. C’est un amour de pitié, de tendresse, de compassion. Le style de Dieu est ceci : proximité, compassion et tendresse. Dieu est ainsi. Le Christ abandonné nous pousse à le chercher et à l’aimer dans les personnes abandonnées. Car en elles, il n’y a pas seulement des nécessiteux, mais il y a Lui, Jésus abandonné, Celui qui nous a sauvés en descendant au plus profond de notre condition humaine. Il est avec chacun d’eux, abandonnés jusqu’à la mort… Je pense à cet homme dit “de la rue”, allemand, qui mourut sous la colonnade, seul, abandonné. C’est Jésus pour chacun de nous. Beaucoup ont besoin de notre proximité, beaucoup sont abandonnés. J’ai aussi besoin que Jésus me caresse et s’approche de moi, et c’est pourquoi je vais le trouver dans les abandonnés, dans les personnes seules. Il veut que nous nous occupions des frères et des sœurs qui Lui ressemblent le plus, dans les situations extrêmes de douleur et de solitude. Aujourd’hui, chers frères et sœurs, il y a tant de « christs abandonnés ». Des peuples entiers sont exploités et abandonnés à eux-mêmes ; des pauvres dont nous n’avons pas le courage de croiser le regard vivent aux carrefours de nos rues ; il y a des migrants qui n’ont plus de visages mais qui sont des numéros ; il y a des prisonniers qui sont rejetés, des personnes qui sont cataloguées comme un problème. Mais aussi tant de christs invisibles, cachés, abandonnés, sont rejetés avec des gants blancs : des enfants à naître, des personnes âgées laissées seules – ça peut être ton père, ta mère peut-être, le grand-père, la grand-mère, abandonnés dans les instituts gériatriques –, des malades non visités, des handicapés ignorés, des jeunes qui ressentent un grand vide intérieur sans que personne n’écoute vraiment leur cri de souffrance. Et ils ne trouvent pas d’autre voie que le suicide. Les abandonnés d’aujourd’hui. Les christs d’aujourd’hui.

Jésus abandonné nous demande d’avoir des yeux et un cœur pour les personnes abandonnées. Pour nous, disciples de l’Abandonné, personne ne peut être marginalisé, personne ne peut être laissé à lui-même ; parce que, rappelons-nous, les rejetés et les exclus sont des icônes vivantes du Christ, ils nous rappellent son amour fou, son abandon qui nous sauve de toute solitude et de toute désolation. Frères et sœurs, demandons cette grâce aujourd’hui : savoir aimer Jésus abandonné et savoir aimer Jésus dans toute personne abandonnée, dans toute personne abandonnée. Demandons la grâce de savoir regarder, de savoir reconnaître le Seigneur qui crie encore en eux. Ne laissons pas sa voix se perdre dans le silence assourdissant de l’indifférence. Dieu ne nous a pas laissés seuls ; prenons soin de ceux qui sont laissés seuls. Alors, seulement, nous ferons nôtres les désirs et les sentiments de Celui qui, pour nous, « s’est dépouillé lui-même » (Ph 2, 7). Il s’est dépouillé totalement pour nous.

 

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

L’Église aux peuples Autochtones: la « doctrine de la découverte » n’a jamais été catholique

Une « note » conjointe des Dicastères de la Culture et du Développement Humain Intégral reconnait  que «de nombreux chrétiens ont commis des actes malveillants à l’encontre des peuples indigènes».  Mais les bulles papales du XVe siècle qui ont cédaient aux souverains colonisateurs les biens des  peuples originaires sont des documents politiques, instrumentalisés pour des actes immoraux. Dès  1537, Paul III déclarait solennellement que les Autochtones ne devaient pas être réduits en esclavage  ni dépouillés de leurs biens. 

Vatican News- Grâce à l’aide des peuples Autochtones, « l’Église a acquis une plus grande conscience de leurs  souffrances, passées et présentes, dues à l’expropriation de leurs terres… ainsi qu’aux politiques  d’assimilation forcée, promues par les autorités gouvernementales de l’époque, destinées à éliminer leurs cultures Autochtones ». C’est ce qu’affirme la « Note commune sur la doctrine de la découverte »  des Dicastères de la culture et de l’éducation et du service du développement humain intégral, publiée  le jeudi 30 mars. Le document affirme que la « doctrine de la découverte », théorie utilisée pour justifier  l’expropriation des peuples indigènes par les souverains colonisateurs, «ne fait pas partie de  l’enseignement de l’Église catholique» et que les bulles papales par lesquelles des concessions ont été  faites aux souverains colonisateurs n’ont jamais fait partie du magistère. 

Il s’agit d’un texte important qui, huit mois après le voyage du pape François au Canada, réaffirme  clairement le rejet par l’Église catholique de la mentalité colonisatrice. « Au cours de l’histoire, rappelle le texte, les papes ont condamné les actes de violence, d’oppression, d’injustice sociale et  d’esclavage, y compris ceux commis contre les peuples indigènes ». Et il y a « de nombreux exemples» d’évêques, de prêtres, de religieux et de laïcs qui «ont donné leur vie pour défendre la dignité de ces  peuples ». La note ne manque pas non plus de mentionner que « de nombreux chrétiens ont commis  des actes malveillants à l’encontre des peuples indigènes, pour lesquels les papes récents ont  demandé pardon à de nombreuses reprises »

En ce qui concerne la « doctrine de la découverte », le texte indique que « Le concept juridique de  “découverte” a été débattu par les puissances coloniales à partir du XVIe siècle et a trouvé une  expression particulière dans la jurisprudence du XIXe siècle des tribunaux de plusieurs pays, selon  laquelle la découverte de terres par des colons conférait un droit exclusif d’éteindre, par achat ou  conquête, le titre ou la possession de ces terres par les peuples Autochtones ». Selon certains  chercheurs, cette « doctrine » s’appuie sur plusieurs documents pontificaux, notamment les bulles de  Nicolas V Dum Diversas (1452) et Romanus Pontifex (1455), et celle d’Alexandre VI Inter Caetera (1493). Il s’agit d’actes par lesquels ces deux Papes ont autorisé les souverains portugais et espagnols  à s’approprier les terres colonisées en soumettant les populations d’origine. 

« La recherche historique démontre clairement que les documents pontificaux en question, rédigés à  une période historique spécifique et liés à des questions politiques, n’ont jamais été considérés comme des expressions de la foi catholique », indique la note. En même temps, l’Église « reconnaît que ces  bulles pontificales n’ont pas reflété de manière adéquate l’égale dignité et les droits des peuples  Autochtones ». Elle ajoute que «le contenu de ces documents a été manipulé à des fins politiques par  des puissances coloniales concurrentes afin de justifier des actes immoraux à l’encontre des peuples  indigènes qui ont été réalisés parfois sans que les autorités ecclésiastiques ne s’y opposent». Il est  donc juste, affirment les deux dicastères du Saint-Siège, « de reconnaître ces erreurs, de reconnaître  les terribles effets des politiques d’assimilation et la douleur éprouvée par les peuples indigènes, et  de demander pardon ».  

Le Pape François est ensuite cité: «que la communauté chrétienne ne se laisse plus jamais contaminer  par l’idée qu’il existe une supériorité d’une culture par rapport à une autre et qu’il est légitime  d’utiliser des moyens de coercition sur les autres». Il est également rappelé que le magistère de  l’Église défend le respect dû à tout être humain et que l’Église « rejette donc les concepts qui ne  reconnaissent pas les droits humains inhérents aux peuples Autochtones », y compris la soi-disant « doctrine de la découverte ». 

Enfin, la note cite les déclarations «nombreuses et répétées» de l’Église et des Papes en faveur des  droits des peuples Autochtones, à commencer par celle contenue dans la bulle Sublimis Deus de Paul  III (1537), qui a déclaré solennellement que les peuples Autochtones ne devaient «en aucun cas être  privés de leur liberté ou de la possession de leurs biens, même s’ils ne sont pas de foi chrétienne ; et  qu’ils peuvent et doivent, librement et légitimement, jouir de leur liberté et de la possession de leurs  biens ; ils ne doivent en aucun cas être réduits en esclavage; si le contraire se produit, cela sera nul  et sans effet». Plus récemment, la solidarité de l’Église avec les peuples Autochtones s’est traduite par  «un fort soutien du Saint-Siège aux principes contenus dans la Déclaration des Nations Unies sur les  Droits des Peuples Indigènes». Leur mise en œuvre «améliorerait les conditions de vie et  contribuerait à protéger» les droits de ces peuples.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation du Dicastère pour la communication

Déclaration du CECC sur la « Doctrine de la découverte »

 

La Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) est reconnaissante au Dicastère pour la culture et l’éducation et au Dicastère pour le service du développement humain intégral d’avoir publié une Note commune sur le concept de la « Doctrine de la découverte », y compris sur la question de certaines bulles papales du XVe siècle qui, selon certains chercheurs, auraient servi de base à cette « doctrine ».

Contrairement à cette affirmation, de nombreuses déclarations publiées par l’Église et des papes au cours des siècles ont défendu les droits et les libertés des peuples Autochtones, par exemple la Bulle Sublimis Deus de 1537. En effet, plus récemment, les papes ont demandé pardon à de nombreuses reprises pour des actes malveillants commis contre les peuples Autochtones par des chrétiens et chrétiennes. Ayant entendu le désir exprimé par les peuples Autochtones pour que l’Église se penche sur la « doctrine de la découverte », la présente Note commune des deux Dicastères rejette en outre tout concept qui ne reconnaît pas les droits fondamentaux des peuples Autochtones.

Plus précisément, la Note commune affirme en termes clairs que :
« le magistère de l’Église défend le respect dû à tout être humain. L’Église catholique rejette donc les concepts qui ne reconnaissent pas les droits humains inhérents aux peuples Autochtones, y compris ce qui est connu sous le nom juridique et politique de ‘doctrine de la découverte’. »

La Note commune souligne que la « doctrine de la découverte » ne fait pas partie de l’enseignement de l’Église catholique et que les documents pontificaux examinés par certains chercheurs – en particulier les Bulles Dum Diversas (1452), Romanus Pontifex (1455) et Inter Caetera (1493) – n’ont jamais été considérés comme des expressions de la foi catholique. En même temps, elle reconnaît que ces bulles pontificales ne reflétaient pas correctement l’égalité de dignité et de droits des peuples Autochtones, qu’elles ont été manipulées à des fins politiques par des puissances coloniales concurrentes et que les peuples Autochtones ont subi les terribles effets des politiques d’assimilation des nations colonisatrices.

De plus, la Note commune soutient les principes de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples Autochtones, dont la mise en œuvre contribuerait à améliorer les conditions de vie de ces derniers, à protéger leurs droits, et à soutenir leur auto-développement dans le respect de leur identité, de leur langue, de leur histoire et de leur culture.

La CECC, la Conférence des évêques catholiques des États-Unis (USCCB) et le Comité pontifical des sciences historiques examinent ensemble la possibilité d’organiser un symposium universitaire réunissant des étudiants, Autochtones et non Autochtones, afin d’approfondir la compréhension historique de la « doctrine de la découverte ». Cette idée de symposium a également été encouragée par les deux Dicastères qui ont émis la présente Note commune.

Enfin, la CECC fait écho à la déclaration du pape François à Québec en juillet 2022, citée dans la Note d’aujourd’hui : « Que la communauté chrétienne ne se laisse plus jamais contaminer par l’idée qu’il existe une supériorité d’une culture par rapport à une autre et qu’il est légitime d’utiliser des moyens de coercition contre les autres. »

Le 30 mars 2023

La Conférence des évêques catholiques du Canada est l’assemblée nationale des évêques catholiques au Canada, qui sont actuellement en fonction. Le Conseil permanent est la plus haute instance décisionnelle de la Conférence lorsque l’Assemblée plénière n’est pas en session.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Conférence des évêques catholiques du Canada.

Note commune sur la « Doctrine de la découverte »

Le pape François s’adresse à une réunion des peuples Autochtones–Premières Nations, Métis et Inuit à l’ancien pensionnat Ermineskin à Maskwacis, Alberta, le 25 juillet 2022.

Note commune sur la « Doctrine de la découverte » du Dicastère pour la Culture et l’Éducation et du Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral

 

1. Fidèle au mandat reçu du Christ, l’Église catholique s’efforce de promouvoir la fraternité universelle et le respect de la dignité de tout être humain.

2. C’est pourquoi, au cours de l’histoire, les papes ont condamné les actes de violence, d’oppression, d’injustice sociale et d’esclavage, y compris ceux commis contre les peuples Autochtones. Il y a également eu de nombreux exemples d’évêques, de prêtres, de religieux, de religieuses et de fidèles laïcs qui ont donné leur vie pour défendre la dignité de ces peuples.

3. En même temps, le respect des faits de l’histoire exige la reconnaissance de la faiblesse humaine et des échecs des disciples du Christ dans chaque génération. De nombreux chrétiens ont commis des actes malveillants à l’encontre des peuples Autochtones, pour lesquels les papes récents ont demandé pardon à de nombreuses reprises.

4. De nos jours, un dialogue renouvelé avec les peuples Autochtones, en particulier avec ceux qui professent la foi catholique, a aidé l’Église à mieux comprendre leurs valeurs et leurs cultures. Avec leur aide, l’Église a acquis une plus grande conscience de leurs souffrances, passées et présentes, dues à l’expropriation de leurs terres, qu’ils considèrent comme un don sacré de Dieu et de leurs ancêtres, ainsi qu’aux politiques d’assimilation forcée, promues par les autorités gouvernementales de l’époque, destinées à éliminer leurs cultures Autochtones. Comme l’a souligné le Pape François, leurs souffrances constituent un puissant appel à abandonner la mentalité colonisatrice et à marcher avec eux côte à côte, dans le respect mutuel et le dialogue, en reconnaissant les droits et les valeurs culturelles de toutes les personnes et de tous les peuples. À cet égard, l’Église s’engage à accompagner les peuples Autochtones et à favoriser les efforts visant à promouvoir la réconciliation et la guérison.

5. C’est dans ce contexte d’écoute des peuples Autochtones que l’Église a compris l’importance d’aborder le concept appelé « de la découverte ». Le concept juridique de « découverte » a été débattu par les puissances coloniales à partir du XVIe siècle et a trouvé une expression particulière dans la jurisprudence du XIXe siècle des tribunaux de plusieurs pays, selon laquelle la découverte de terres par des colons conférait un droit exclusif d’éteindre, par achat ou conquête, le titre ou la possession de ces terres par les peuples Autochtones. Certains chercheurs ont affirmé que la base de la « doctrine » susmentionnée se trouve dans plusieurs documents pontificaux, tels que les Bulles Dum Diversas (1452), Romanus Pontifex (1455) et Inter Caetera (1493).

6. La « doctrine de la découverte » ne fait pas partie de l’enseignement de l’Église catholique. La recherche historique démontre clairement que les documents pontificaux en question, rédigés à une période historique spécifique et liés à des questions politiques, n’ont jamais été considérés comme des expressions de la foi catholique. En même temps, l’Église reconnaît que ces bulles pontificales n’ont pas reflété de manière adéquate l’égale dignité et les droits des peuples Autochtones. L’Église est également consciente que le contenu de ces documents a été manipulé à des fins politiques par des puissances coloniales concurrentes afin de justifier des actes immoraux à l’encontre des peuples Autochtones qui ont été réalisés parfois sans que les autorités ecclésiastiques ne s’y opposent. Il est juste de reconnaître ces erreurs, de reconnaître les terribles effets des politiques d’assimilation et la douleur éprouvée par les peuples Autochtones, et de demander pardon. En outre, le Pape François a exhorté: « Que la communauté chrétienne ne se laisse plus jamais contaminer par l’idée qu’il existe une supériorité d’une culture par rapport à une autre et qu’il est légitime d’utiliser des moyens de coercition sur les autres ».

7. En termes clairs, le magistère de l’Église défend le respect dû à tout être humain. L’Église catholique rejette donc les concepts qui ne reconnaissent pas les droits humains inhérents aux peuples Autochtones, y compris ce qui est connu sous le nom juridique et politique de « doctrine de la découverte ».

8. Des déclarations nombreuses et répétées de l’Église et des papes défendent les droits des peuples Autochtones. Par exemple, dans la Bulle Sublimis Deus de 1537, le Pape Paul III a écrit : « Nous définissons et déclarons […] que [, …] lesdits Indiens et tous les autres peuples qui seront découverts plus tard par les chrétiens, ne doivent en aucun cas être privés de leur liberté ou de la possession de leurs biens, même s’ils ne sont pas de foi chrétienne ; et qu’ils peuvent et doivent, librement et légitimement, jouir de leur liberté et de la possession de leurs biens ; ils ne doivent en aucun cas être réduits en esclavage; si le contraire se produit, cela sera nul et sans effet ».

9. Plus récemment, la solidarité de l’Église avec les peuples Autochtones a donné lieu à un fort soutien du Saint-Siège aux principes contenus dans la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones. La mise en œuvre de ces principes améliorerait les conditions de vie et contribuerai.t à protéger les droits des peuples Autochtones, ainsi qu’à faciliter leur développement dans le respect de leur identité, de leur langue et de leur culture.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation du Bureau de presse du Saint-Siège.

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