Le Pape François a débuté sa visite apostolique à Marseille par un service de prière mariale avec le clergé de l’archidiocèse de Marseille et d’autres personnes. Il leur a rappelé que « comme Marie qui, à Cana, a d’abord assumé puis porté devant le Seigneur les préoccupations de deux jeunes mariés (cf. Jean 2, 3), vous êtes vous aussi appelés à être une voix d’intercession pour les autres – des hommes et des femmes pour les autres (cf. Romains 8, 34). »
Voici le texte intégral:
Chers frères et sœurs, bon après-midi !
Je suis heureux de commencer ma visite en partageant avec vous ce moment de prière. Je remercie le Cardinal Jean-Marc Aveline pour son mot de bienvenue et je salue S.E. Mgr Éric de Moulins-Beaufort, les frères évêques, les Pères Recteurs et vous tous, prêtres, diacres et séminaristes, personnes consacrées, qui œuvrez dans cet archidiocèse avec générosité et dévouement pour construire une civilisation de la rencontre avec Dieu et avec le prochain. Merci pour votre présence, pour votre service, et merci pour vos prières !
Arrivant à Marseille, je me rallie aux plus grands : sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, Charles de Foucauld, Jean-Paul II, et tant d’autres qui sont venus ici en pèlerinage pour se confier à Notre Dame de la Garde. Nous déposons sous son manteau les fruits des Rencontres Méditerranéennes, avec les attentes et les espérances de vos cœurs.
Dans la lecture biblique, le prophète Sophonie nous a exhorté à la joie et à la confiance en nous rappelant que le Seigneur notre Dieu n’est pas loin, il est là, près de nous, pour nous sauver (cf. 3, 17). C’est un message qui nous renvoie, d’une certaine manière, à l’histoire de cette Basilique et à ce qu’elle représente. En effet, elle n’a pas été fondée en souvenir d’un miracle ou d’une apparition particulière, mais simplement parce que, depuis le XIIIe siècle, le saint peuple de Dieu cherche et trouve ici, sur la colline de La Garde, la présence du Seigneur dans le regard de sa Sainte Mère. C’est pourquoi, depuis des siècles, les Marseillais – spécialement ceux qui naviguent sur les flots de la Méditerranée – y montent pour prier. C’est le saint peuple fidèle de Dieu qui – j’utilise le mot – a “oint” ce sanctuaire, ce lieu de prière. Le saint peuple de Dieu qui, comme le dit le Concile, est infaillible in credendo.
Aujourd’hui encore, la Bonne Mère est pour chacun la protagoniste d’un tendre “croisement de regards” : d’une part celui de Jésus qu’elle nous indique toujours, et dont l’amour se reflète dans ses yeux – le geste le plus authentique de la Vierge est : “Faites ce qu’il vous dira”, en désignant Jésus – d’autre part celui de nombre d’hommes et de femmes de tous âges et de toutes conditions, qu’elle rassemble et conduit à Dieu, comme nous l’avons rappelé au début de cette prière en déposant à ses pieds un cierge allumé. En ce carrefour des peuples qu’est Marseille, je voudrais réfléchir avec vous sur ce croisement de regards, car il me semble que s’y exprime parfaitement la dimension mariale de notre ministère. Nous aussi, prêtres, personnes consacrées, diacres, nous sommes appelés à faire sentir aux gens le regard de Jésus et, en même temps, porter à Jésus le regard de nos frères. Un échange de regards. Dans le premier cas, nous sommes des instruments de miséricorde, dans le second, des instruments d’intercession.
Premier regard : celui de Jésus qui caresse l’homme. C’est un regard qui va de haut en bas, non pas pour juger mais pour relever celui qui est à terre. C’est un regard plein de tendresse qui transparaît dans les yeux de Marie. Et nous, appelés à transmettre ce regard, nous sommes tenus de nous abaisser, d’éprouver de la compassion – j’insiste sur ce mot : compassion. N’oublions pas que le style de Dieu est celui de la proximité, de la compassion et de la tendresse – de faire nôtre « la bienveillance, patiente et encourageante, du Bon Pasteur qui ne fait pas de remontrances à la brebis perdue, mais la charge sur ses épaules et fête son retour à la bergerie (cf. Lc 15, 4-7) » (Congrégation pour le Clergé, Directoire pour le ministère et la vie des prêtres, n. 41). J’aime à penser que le Seigneur ne sait pas faire le geste de pointer le doigt pour juger, mais qu’il sait faire le geste de tendre la main pour relever.
Frères, sœurs, apprenons de ce regard, ne laissons pas un jour passer sans nous rappeler le moment où nous-mêmes l’avons reçu, et faisons-le nôtre, pour être des hommes et des femmes de compassion. Proximité, compassion, tendresse. Ne l’oublions pas. Avoir de la compassion veut dire être proche et tendre. Ouvrons les portes des églises et des presbytères, mais surtout celles du cœur, pour montrer par notre douceur, notre gentillesse et notre accueil le visage de notre Seigneur. Que celui qui vous approche ne trouve ni distance ni jugement ; qu’il trouve le témoignage d’une humble joie, plus fructueuse que toute capacité affichée. Que les blessés de la vie trouvent un port sûr, un accueil dans votre regard, un encouragement dans votre étreinte, une caresse dans vos mains capables d’essuyer des larmes. Même dans les nombreuses occupations de chaque jour, s’il vous plaît, ne laissez pas faiblir la chaleur du regard paternel et maternel de Dieu. Et aux prêtres, s’il vous plaît : dans le sacrement de pénitence, pardonnez toujours ! Soyez généreux comme Dieu est généreux avec nous. Pardonnez ! Et avec le pardon de Dieu, de nombreux chemins s’ouvrent dans la vie. Il est bon de le faire en dispensant généreusement son pardon, toujours, toujours, afin de délivrer, par la grâce, les personnes des chaînes du péché et les libérer des blocages, des remords, des rancunes et des peurs dont elles ne peuvent triompher toutes seules. Il est beau de redécouvrir avec émerveillement, à tout âge, la joie d’éclairer les vies avec les sacrements dans les moments heureux et tristes, et de transmettre, au nom de Dieu, des espérances inattendues : sa proximité qui console, sa compassion qui guérit, sa tendresse qui émeut. Proximité, compassion, tendresse. Soyez proches de chacun, surtout des plus fragiles et des moins chanceux, et ne laissez jamais ceux qui souffrent manquer de votre proximité attentive et discrète. C’est ainsi que grandiront en eux – mais aussi en vous – la foi qui anime le présent, l’espérance qui ouvre sur l’avenir, et la charité qui dure pour toujours. Voilà le premier mouvement : porter à vos frères le regard de Jésus. Il n’y a qu’une seule situation dans la vie où il est permis de regarder une personne de haut en bas : c’est lorsque nous essayons de la prendre par la main et de la soulever. Dans les autres situations, c’est un péché d’orgueil. Regardez les personnes qui sont en bas et qui vous demandent – consciemment ou inconsciemment – de les soulever avec votre main. Prenez-les par la main et soulevez-les : c’est un très beau geste, un geste qui ne peut se faire sans tendresse.
Et puis il y a le second regard : celui des hommes et des femmes qui se tournent vers Jésus. De même que Marie à Cana recueillit et porta au Seigneur les inquiétudes de deux jeunes mariés (cf. Jn 2, 3), vous êtes, vous aussi, appelés à être pour les autres – des hommes et des femmes pour les autres -, la voix qui intercède (cf. Rm 8, 34). Alors, la récitation du Bréviaire, la méditation quotidienne de la Parole, le Rosaire et toute autre prière, je vous recommande surtout l’adoration. Nous avons perdu un peu le sens de l’adoration, nous devons le reprendre, je vous recommande cela. Toutes ces prières seront pleines des visages de ceux que la Providence met sur votre chemin. Vous porterez avec vous leurs regards, leurs voix, leurs questions, à la table eucharistique, devant le tabernacle ou dans le silence de votre chambre, là où le Père voit (cf. Mt 6, 6). Vous leur ferez écho fidèlement, en tant qu’intercesseurs, comme des “anges sur la terre”, des messagers qui portent tout « devant la gloire de Dieu » (Tb 12, 12).
Et je voudrais résumer cette brève méditation en attirant votre attention sur trois images de Marie qui sont vénérées dans cette Basilique. La première est la grande image qui la surplombe et qui la représente lorsqu’elle tient l’Enfant Jésus bénissant. Voilà : comme Marie, nous portons partout la bénédiction et la paix de Jésus, dans toutes les familles et dans tous les cœurs. Semez la paix ! C’est le regard de la miséricorde. La deuxième image se trouve en dessous de nous, dans la crypte : c’est la Vierge au bouquet, le don d’un laïc généreux. Elle aussi porte l’Enfant Jésus sur un bras et nous le montre, mais elle tient dans l’autre main, au lieu d’un sceptre, un bouquet de fleurs. Cela nous fait penser à la façon dont Marie, modèle de l’Église, en nous présentant son Fils, nous présente également à Lui, comme un bouquet de fleurs dans lequel chaque personne est unique, est belle et précieuse aux yeux du Père. C’est le regard de l’intercession. C’est très important : l’intercession. Le premier était le regard de miséricorde de la Vierge, celui-ci est le regard d’intercession. Enfin, la troisième image est celle que nous voyons ici au centre, sur l’autel, qui frappe par la splendeur dont elle rayonne. Nous aussi, chers frères et sœurs, nous devenons un Évangile vivant dans la mesure où nous le donnons, en sortant de nous-mêmes, en reflétant sa lumière et sa beauté par une vie humble, joyeuse et riche de zèle apostolique. Que nous y aident les si nombreux missionnaires qui sont partis de ce haut lieu pour annoncer la bonne nouvelle de Jésus-Christ au monde entier.
Bien-aimés, portons à nos frères le regard de Dieu, portons à Dieu la soif de nos frères, répandons la joie de l’Évangile. C’est notre vie, et elle est incroyablement belle malgré les difficultés et les chutes, et même nos péchés. Prions ensemble la Sainte Vierge, qu’elle nous accompagne, qu’elle nous garde. Et vous, s’il vous plaît, priez pour moi.
Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana