Moment de réflexion avec les chefs religieux : Discours du Saint-Père

Croix Camargue, Marseille. iStock Photo.

Le Pape François a poursuivi sa visite apostolique à Marseille par un moment de réflexion interreligieuse au Mémorial dédié aux marins et migrants perdus en mer. Il a rappelé qu’ « aux racines des trois religions monothéistes méditerranéennes se trouve l’hospitalité, l’amour pour l’étranger au nom de Dieu. C’est essentiel si, comme notre père Abraham, nous rêvons d’un avenir prospère. N’oublions pas le refrain biblique : « l’orphelin, la veuve, le migrant, l’étranger ». Les orphelins, les veuves et les étrangers sont ceux que Dieu nous ordonne de chéri. »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs,

Je vous remercie d’être présents ici. La mer se trouve devant nous ; elle est source de vie, mais aussi un lieu qui évoque la tragédie des naufrages causant la mort. Nous sommes réunis en mémoire de ceux qui n’ont pas survécu, qui n’ont pas été sauvés. Ne nous habituons pas à considérer les naufrages comme des faits divers et les morts en mer comme des numéros : non, ce sont des noms et des prénoms, ce sont des visages et des histoires, ce sont des vies brisées et des rêves anéantis. Je pense à tant de frères et sœurs noyés dans la peur, avec les espérances qu’ils portaient dans leur cœur. Devant un tel drame, les mots ne servent à rien, mais des actes. Mais avant cela, il faut de l’humanité, il faut du silence, des larmes, de la compassion et de la prière. Je vous invite maintenant à un moment de silence à la mémoire de nos frères et sœurs : laissons-nous toucher par leurs tragédies. [Moment de silence].

Trop de personnes, fuyant les conflits, la pauvreté et les catastrophes environnementales, trouvent dans les flots de la Méditerranée le rejet définitif de leur quête d’un avenir meilleur. C’est ainsi que cette mer magnifique est devenue un immense cimetière où de nombreux frères et sœurs se trouvent même privés du droit à une tombe, et où seule est ensevelie la dignité humaine. Dans le livre-témoignage Fratellino, le protagoniste, à la fin du voyage mouvementé qui le mène de la République de Guinée à l’Europe, écrit : « Quand tu es assis sur la mer, tu es à un carrefour. D’un côté, il y a la vie, de l’autre, la mort. Il n’y a pas d’autre issue » (A. Arzallus Antia – I. Balde, Fratellino, Milan 2021, 107). Chers amis, nous sommes également à un carrefour : d’un côté la fraternité, qui féconde de bonté la communauté humaine; de l’autre l’indifférence, qui ensanglante la Méditerranée. Nous sommes à un carrefour de civilisations. Ou bien la culture de l’humanité et de la fraternité, ou la culture de l’indifférence : que chacun s’arrange comme il le peut.

Nous ne pouvons pas nous résigner à voir des êtres humains traités comme des monnaies d’échange, emprisonnés et torturés de manière atroce – nous savons que, bien souvent, lorsque nous les renvoyons, ils sont destinés à être torturés et emprisonnés – nous ne pouvons plus assister aux tragédies des naufrages provoqués par des trafics odieux et le fanatisme de l’indifférence. L’indifférence devient fanatique. Les personnes qui risquent de se noyer, lorsqu’elles sont abandonnées sur les flots, doivent être secourues. C’est un devoir d’humanité, c’est un devoir de civilisation !

Le Ciel nous bénira si, sur terre comme sur mer, nous savons prendre soin des plus faibles, si nous savons surmonter la paralysie de la peur et le désintérêt qui condamne à mort, avec des gants de velours. Et en cela, en tant que représentants des diverses religions, nous devons être exemplaires. Dieu, en effet, a béni Abraham qui a été appelé à quitter sa terre d’origine et « il partit sans savoir où il allait » (He 11, 8). Hôte et pèlerin en terre étrangère, il accueillait les voyageurs qui passaient devant sa tente (cf. Gn 18) : « Exilé de sa patrie, sans abri, il était lui-même la maison et la patrie de tous » (St Pierre Chrysologue, Discours, 121). Et « pour prix de son hospitalité, il reçut la récompense d’une postérité » (S. Ambroise de Milan, Des Devoirs, II, 21). Aux racines des trois monothéismes méditerranéens se trouve donc l’hospitalité, l’amour de l’étranger au nom de Dieu. Et cela est vital si, comme notre père Abraham, nous rêvons d’un avenir prospère. N’oublions pas le refrain de la Bible : « l’orphelin, la veuve et le migrant, l’étranger ». L’orphelin, la veuve et l’étranger : ce sont ceux que Dieu nous ordonne de protéger.

Croyants, nous devons donc être exemplaires dans l’accueil mutuel et fraternel. Souvent les relations entre les groupes religieux ne sont pas faciles, à cause du virus de l’extrémisme et du fléau idéologique du fondamentalisme qui rongent la vie réelle des communautés. Mais je voudrais, à cet égard, faire écho à ce qu’écrivait un homme de Dieu qui vivait non loin d’ici : « Que personne ne garde dans son cœur des sentiments de haine pour son prochain, mais d’amour, car celui qui hait ne serait-ce qu’un seul homme ne pourra pas se tenir tranquille devant Dieu. Dieu n’entend pas sa prière tant qu’il garde de la colère dans son cœur » (S. Césaire d’Arles, Discours, XIV, 2).

Aujourd’hui, Marseille, caractérisée par un riche pluralisme religieux diversifié, se trouve elle aussi à un carrefour : rencontre ou confrontation. Et je vous remercie tous, vous qui êtes sur le chemin de la rencontre : merci pour votre engagement solidaire et concret en faveur de la promotion humaine et de l’intégration. Marseille est un modèle d’intégration. Il est beau qu’ici, avec diverses réalités qui travaillent avec les migrants, il existe Marseille-Espérance, une instance de dialogue interreligieux qui promeut la fraternité et la coexistence pacifique. Nous nous tournons vers les pionniers et les témoins du dialogue, comme Jules Isaac qui a vécu à proximité et dont on a récemment commémoré le 60èmeanniversaire de la mort. Vous êtes le Marseille de l’avenir. Avancez sans vous décourager, afin que cette ville soit pour la France, pour l’Europe et pour le monde une mosaïque d’espérance.

En guise de vœu, je voudrais enfin citer quelques mots que David Sassoli a prononcés à Bari, à l’occasion d’une précédente rencontre sur la Méditerranée : « À Bagdad, dans la Maison de la Sagesse du Calife Al Ma’mun, juifs, chrétiens et musulmans se retrouvaient pour lire les livres sacrés et les philosophes grecs. Aujourd’hui, nous ressentons tous, croyants et laïcs, le besoin de reconstruire cette maison pour continuer ensemble à combattre les idoles, à abattre les murs, à construire des ponts et à donner corps à un nouvel humanisme. Regarder notre époque en profondeur et l’aimer plus encore quand elle est difficile à aimer, je crois que c’est la graine semée en ces journées si soucieuses de notre destin. Il faut cesser d’avoir peur des problèmes que la Méditerranée nous pose ! […] Pour l’Union européenne et pour nous tous, notre survie en dépend » (Discours à l’occasion de la Rencontre de réflexion et de spiritualité « Méditerranée frontière de paix », 22 février 2020).

Frères, sœurs, affrontons ensemble les problèmes, ne laissons pas sombrer l’espérance, composons ensemble une mosaïque de paix !

Je suis heureux de voir que vous êtes si nombreux ici à prendre la mer pour sauver, pour secourir les migrants. Et tant de fois on vous empêche d’y aller, parce que – dit-on – il manque quelque chose au bateau, il manque ceci, il manque cela… Ce sont des gestes de haine contre le frère, déguisés en « équilibre ». Merci pour tout ce que vous faites.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Prière mariale avec le clergé diocésain : Paroles du Saint-Père

Basilique Notre-Dame de la Garde, Marseille. Wikimedia Commons.

Le Pape François a débuté sa visite apostolique à Marseille par un service de prière mariale avec le clergé de l’archidiocèse de Marseille et d’autres personnes. Il leur a rappelé que « comme Marie qui, à Cana, a d’abord assumé puis porté devant le Seigneur les préoccupations de deux jeunes mariés (cf. Jean 2, 3), vous êtes vous aussi appelés à être une voix d’intercession pour les autres – des hommes et des femmes pour les autres (cf. Romains 8, 34). »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bon après-midi !

Je suis heureux de commencer ma visite en partageant avec vous ce moment de prière. Je remercie le Cardinal Jean-Marc Aveline pour son mot de bienvenue et je salue S.E. Mgr Éric de Moulins-Beaufort, les frères évêques, les Pères Recteurs et vous tous, prêtres, diacres et séminaristes, personnes consacrées, qui œuvrez dans cet archidiocèse avec générosité et dévouement pour construire une civilisation de la rencontre avec Dieu et avec le prochain. Merci pour votre présence, pour votre service, et merci pour vos prières !

Arrivant à Marseille, je me rallie aux plus grands : sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, Charles de Foucauld, Jean-Paul II, et tant d’autres qui sont venus ici en pèlerinage pour se confier à Notre Dame de la Garde. Nous déposons sous son manteau les fruits des Rencontres Méditerranéennes, avec les attentes et les espérances de vos cœurs.

Dans la lecture biblique, le prophète Sophonie nous a exhorté à la joie et à la confiance en nous rappelant que le Seigneur notre Dieu n’est pas loin, il est là, près de nous, pour nous sauver (cf. 3, 17). C’est un message qui nous renvoie, d’une certaine manière, à l’histoire de cette Basilique et à ce qu’elle représente. En effet, elle n’a pas été fondée en souvenir d’un miracle ou d’une apparition particulière, mais simplement parce que, depuis le XIIIe siècle, le saint peuple de Dieu cherche et trouve ici, sur la colline de La Garde, la présence du Seigneur dans le regard de sa Sainte Mère. C’est pourquoi, depuis des siècles, les Marseillais – spécialement ceux qui naviguent sur les flots de la Méditerranée – y montent pour prier. C’est le saint peuple fidèle de Dieu qui – j’utilise le mot – a “oint” ce sanctuaire, ce lieu de prière. Le saint peuple de Dieu qui, comme le dit le Concile, est infaillible in credendo.

Aujourd’hui encore, la Bonne Mère est pour chacun la protagoniste d’un tendre “croisement de regards” : d’une part celui de Jésus qu’elle nous indique toujours, et dont l’amour se reflète dans ses yeux – le geste le plus authentique de la Vierge est : “Faites ce qu’il vous dira”, en désignant Jésus – d’autre part celui de nombre d’hommes et de femmes de tous âges et de toutes conditions, qu’elle rassemble et conduit à Dieu, comme nous l’avons rappelé au début de cette prière en déposant à ses pieds un cierge allumé. En ce carrefour des peuples qu’est Marseille, je voudrais réfléchir avec vous sur ce croisement de regards, car il me semble que s’y exprime parfaitement la dimension mariale de notre ministère. Nous aussi, prêtres, personnes consacrées, diacres, nous sommes appelés à faire sentir aux gens le regard de Jésus et, en même temps, porter à Jésus le regard de nos frères. Un échange de regards. Dans le premier cas, nous sommes des instruments de miséricorde, dans le second, des instruments d’intercession.

Premier regard : celui de Jésus qui caresse l’homme. C’est un regard qui va de haut en bas, non pas pour juger mais pour relever celui qui est à terre. C’est un regard plein de tendresse qui transparaît dans les yeux de Marie. Et nous, appelés à transmettre ce regard, nous sommes tenus de nous abaisser, d’éprouver de la compassion – j’insiste sur ce mot : compassion. N’oublions pas que le style de Dieu est celui de la proximité, de la compassion et de la tendresse – de faire nôtre « la bienveillance, patiente et encourageante, du Bon Pasteur qui ne fait pas de remontrances à la brebis perdue, mais la charge sur ses épaules et fête son retour à la bergerie (cf. Lc 15, 4-7) » (Congrégation pour le Clergé, Directoire pour le ministère et la vie des prêtres, n. 41). J’aime à penser que le Seigneur ne sait pas faire le geste de pointer le doigt pour juger, mais qu’il sait faire le geste de tendre la main pour relever.

Frères, sœurs, apprenons de ce regard, ne laissons pas un jour passer sans nous rappeler le moment où nous-mêmes l’avons reçu, et faisons-le nôtre, pour être des hommes et des femmes de compassion. Proximité, compassion, tendresse. Ne l’oublions pas. Avoir de la compassion veut dire être proche et tendre. Ouvrons les portes des églises et des presbytères, mais surtout celles du cœur, pour montrer par notre douceur, notre gentillesse et notre accueil le visage de notre Seigneur. Que celui qui vous approche ne trouve ni distance ni jugement ; qu’il trouve le témoignage d’une humble joie, plus fructueuse que toute capacité affichée. Que les blessés de la vie trouvent un port sûr, un accueil dans votre regard, un encouragement dans votre étreinte, une caresse dans vos mains capables d’essuyer des larmes. Même dans les nombreuses occupations de chaque jour, s’il vous plaît, ne laissez pas faiblir la chaleur du regard paternel et maternel de Dieu. Et aux prêtres, s’il vous plaît : dans le sacrement de pénitence, pardonnez toujours ! Soyez généreux comme Dieu est généreux avec nous. Pardonnez ! Et avec le pardon de Dieu, de nombreux chemins s’ouvrent dans la vie. Il est bon de le faire en dispensant généreusement son pardon, toujours, toujours, afin de délivrer, par la grâce, les personnes des chaînes du péché et les libérer des blocages, des remords, des rancunes et des peurs dont elles ne peuvent triompher toutes seules. Il est beau de redécouvrir avec émerveillement, à tout âge, la joie d’éclairer les vies avec les sacrements dans les moments heureux et tristes, et de transmettre, au nom de Dieu, des espérances inattendues : sa proximité qui console, sa compassion qui guérit, sa tendresse qui émeut. Proximité, compassion, tendresse. Soyez proches de chacun, surtout des plus fragiles et des moins chanceux, et ne laissez jamais ceux qui souffrent manquer de votre proximité attentive et discrète. C’est ainsi que grandiront en eux – mais aussi en vous – la foi qui anime le présent, l’espérance qui ouvre sur l’avenir, et la charité qui dure pour toujours. Voilà le premier mouvement : porter à vos frères le regard de Jésus. Il n’y a qu’une seule situation dans la vie où il est permis de regarder une personne de haut en bas : c’est lorsque nous essayons de la prendre par la main et de la soulever. Dans les autres situations, c’est un péché d’orgueil. Regardez les personnes qui sont en bas et qui vous demandent – consciemment ou inconsciemment – de les soulever avec votre main. Prenez-les par la main et soulevez-les : c’est un très beau geste, un geste qui ne peut se faire sans tendresse.

Et puis il y a le second regard : celui des hommes et des femmes qui se tournent vers Jésus. De même que Marie à Cana recueillit et porta au Seigneur les inquiétudes de deux jeunes mariés (cf. Jn 2, 3), vous êtes, vous aussi, appelés à être pour les autres – des hommes et des femmes pour les autres -, la voix qui intercède (cf. Rm 8, 34). Alors, la récitation du Bréviaire, la méditation quotidienne de la Parole, le Rosaire et toute autre prière, je vous recommande surtout l’adoration. Nous avons perdu un peu le sens de l’adoration, nous devons le reprendre, je vous recommande cela. Toutes ces prières seront pleines des visages de ceux que la Providence met sur votre chemin. Vous porterez avec vous leurs regards, leurs voix, leurs questions, à la table eucharistique, devant le tabernacle ou dans le silence de votre chambre, là où le Père voit (cf. Mt 6, 6). Vous leur ferez écho fidèlement, en tant qu’intercesseurs, comme des “anges sur la terre”, des messagers qui portent tout « devant la gloire de Dieu » (Tb 12, 12).

Et je voudrais résumer cette brève méditation en attirant votre attention sur trois images de Marie qui sont vénérées dans cette Basilique. La première est la grande image qui la surplombe et qui la représente lorsqu’elle tient l’Enfant Jésus bénissant. Voilà : comme Marie, nous portons partout la bénédiction et la paix de Jésus, dans toutes les familles et dans tous les cœurs. Semez la paix ! C’est le regard de la miséricorde. La deuxième image se trouve en dessous de nous, dans la crypte : c’est la Vierge au bouquet, le don d’un laïc généreux. Elle aussi porte l’Enfant Jésus sur un bras et nous le montre, mais elle tient dans l’autre main, au lieu d’un sceptre, un bouquet de fleurs. Cela nous fait penser à la façon dont Marie, modèle de l’Église, en nous présentant son Fils, nous présente également à Lui, comme un bouquet de fleurs dans lequel chaque personne est unique, est belle et précieuse aux yeux du Père. C’est le regard de l’intercession. C’est très important : l’intercession. Le premier était le regard de miséricorde de la Vierge, celui-ci est le regard d’intercession. Enfin, la troisième image est celle que nous voyons ici au centre, sur l’autel, qui frappe par la splendeur dont elle rayonne. Nous aussi, chers frères et sœurs, nous devenons un Évangile vivant dans la mesure où nous le donnons, en sortant de nous-mêmes, en reflétant sa lumière et sa beauté par une vie humble, joyeuse et riche de zèle apostolique. Que nous y aident les si nombreux missionnaires qui sont partis de ce haut lieu pour annoncer la bonne nouvelle de Jésus-Christ au monde entier.

Bien-aimés, portons à nos frères le regard de Dieu, portons à Dieu la soif de nos frères, répandons la joie de l’Évangile. C’est notre vie, et elle est incroyablement belle malgré les difficultés et les chutes, et même nos péchés. Prions ensemble la Sainte Vierge, qu’elle nous accompagne, qu’elle nous garde. Et vous, s’il vous plaît, priez pour moi.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Audience Générale du pape François – Mercredi 13 septembre 2023

Le bienheureux José Gregorio Hernández Cisneros, Wikimedia Commons.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François s’est penché sur la vie du médecin laïc vénézuélien, le bienheureux José Gregorio Hernández Cisneros. Il a soulligné que José Gregorio est toujours connu comme « le médecin des pauvres » :  « Aux richesses de l’argent, il a préféré les richesses de l’Évangile, consacrant son existence à aider les nécessiteux. »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans nos catéchèses, nous continuons à rencontrer des témoins passionnés de l’annonce de l’Évangile. Rappelons qu’il s’agit d’une série de catéchèses sur le zèle apostolique, la volonté et aussi l’ardeur intérieure pour réaliser l’Évangile. Aujourd’hui, rendons-nous en Amérique Latine, plus précisément au Venezuela, pour connaître la figure d’un laïc, le Bienheureux José Gregorio Hernández Cisneros. Né en 1864, il a appris la foi surtout auprès de sa mère, comme il l’a raconté : « Ma mère m’a enseigné la vertu dès le berceau, elle m’a fait grandir dans la connaissance de Dieu et m’a donné la charité comme guide. » Soyons attentifs : ce sont les mamans qui transmettent la foi. La foi se transmet en dialecte, c’est-à-dire dans le langage des mères, ce dialecte que les mères savent parler à leurs enfants. Et vous, les mères, soyez attentives à transmettre la foi dans ce dialecte maternel.

La charité fut en effet l’étoile polaire qui orienta l’existence du Bienheureux José Gregorio : bon et solaire, d’humeur joyeuse, il était doué d’une grande intelligence et devint médecin, professeur d’université et scientifique. Mais il fut surtout un médecin proche des plus faibles, au point d’être connu dans sa patrie comme « le médecin des pauvres ». Il s’occupait des pauvres, toujours. À la richesse de l’argent, il préféra celle de l’Évangile, dépensant sa vie pour aider les nécessiteux. Dans les pauvres, les malades, les migrants, les souffrants, José Gregorio voyait Jésus. Et le succès qu’il ne chercha jamais dans le monde, il le reçut, et continue de le recevoir, des gens qui l’appellent « saint du peuple », « apôtre de la charité », « missionnaire de l’espérance ». De beaux noms :  » Saint du peuple « ,  » apôtre de la charité « ,  » missionnaire de l’espérance « .

José Gregorio était un homme humble, un homme aimable et serviable. En même temps, il était animé d’un feu intérieur, d’un désir de vivre au service de Dieu et du prochain. Poussé par cette ardeur, il essaya à plusieurs reprises de devenir religieux et prêtre, mais divers problèmes de santé l’en empêchèrent. Sa fragilité physique ne l’a cependant pas conduit à se renfermer sur lui-même, mais à devenir un médecin encore plus sensible aux besoins des autres ; il s’attacha à la Providence et, forgé dans son âme, alla davantage à l’essentiel. Voici le véritable zèle apostolique : il ne suit pas ses propres aspirations, mais la disponibilité aux desseins de Dieu. C’est ainsi que le Bienheureux comprit qu’en soignant les malades, il mettait en pratique la volonté de Dieu, en aidant les souffrants, en donnant de l`espérance aux pauvres, en témoignant de la foi non pas avec des paroles mais par l’exemple. C’est ainsi que – à travers ce chemin intérieur- il a accueilli la médecine comme un sacerdoce : « le sacerdoce de la douleur humaine » (M. YABER, José Gregorio Hernández : Médico de los Pobres, Apóstol de la Justicia Social, Misionero de las Esperanzas, 2004, 107). Combien est-il important de ne pas subir passivement les choses, mais, comme le dit l’Écriture, de tout faire dans un bon esprit, pour servir le Seigneur (cf. Col 3, 23).

Mais interrogeons-nous : d’où José Gregorio tenait-il tout cet enthousiasme, tout ce zèle ? Cela venait d’une certitude et d’une force. La certitude était la grâce de Dieu. Il écrivait que « s’il y a des bons et des mauvais dans le monde, les mauvais y sont parce qu’ils sont devenus mauvais eux-mêmes, mais les bons ne le sont qu’avec l’aide de Dieu » (27 mai 1914). Et lui en premier se sentait dans le besoin de la grâce qu’il mendiait dans les rues et avait grand besoin de l’amour. Et voici la force dont il s’inspirait : l’intimité avec Dieu. C’était un homme de prière – il y a la grâce de Dieu et l’intimité avec le Seigneur – c’était un homme de prière qui participait à la Messe.

Et au contact de Jésus, qui s’offre sur l’autel pour tous, José Gregorio s’est senti appelé à offrir sa vie pour la paix. Le premier conflit mondial était en cours. Nous arrivons ainsi au 29 juin 1919 : un ami lui rend visite et le trouve très heureux. José Gregorio a en effet appris que le traité mettant fin à la guerre avait été signé. Son offrande a été accueillie, et c’est comme s’il pressentait que sa tâche sur terre est terminée. Ce matin-là, comme d’habitude, il était allé à la messe et il descend maintenant dans la rue pour apporter des médicaments à un malade. Mais en traversant la route, il est percuté par un véhicule ; transporté à l’hôpital, il meurt en prononçant le nom de la Vierge. Son voyage terrestre se termine ainsi, sur une route en accomplissant une œuvre de miséricorde, et dans un hôpital, où il avait fait de son travail un chef-d’œuvre comme médecin.

Frères, sœurs, devant ce témoignage, demandons-nous : moi, devant Dieu présent dans les pauvres près de moi, devant ceux qui, dans le monde, souffrent le plus, comment est-ce que je réagis ? Et comment l’exemple de José Gregorio me touche-t-il ? Lui nous stimule à nous engager face aux grandes questions sociales, économiques et politiques d’aujourd’hui. Beaucoup en parlent, beaucoup critiquent et disent que tout va mal. Mais le chrétien n’est pas appelé à cela, mais à s’en occuper, à se salir les mains : tout d’abord, comme nous l’a dit saint Paul, à prier (cf. 1 Tm 2, 1-4), et ensuite à s’engager non pas dans le bavardage – le bavardage est une peste -, mais à promouvoir le bien, à construire la paix et la justice dans la vérité. Cela aussi est le zèle apostolique, c’est l’annonce de l’Évangile, et ceci est la béatitude chrétienne : « Heureux les artisans de paix » (Mt 5,9). Suivons le chemin du bienheureux Grégoire : un laïc, un médecin, un homme du quotidien, poussé par le zèle apostolique à vivre en faisant la charité durant toute sa vie.


Mes pensées vont aux populations de la Libye, durement touchées par de violentes pluies qui ont provoqué des crues et des inondations, faisant de nombreux morts et blessés, ainsi que des dégâts considérables. Je vous invite à vous associer à ma prière pour ceux qui ont perdu la vie, pour leurs familles et pour les personnes déplacées. Que notre solidarité avec ces frères et sœurs, éprouvés par une calamité aussi dévastatrice, ne fasse pas défaut. Et mes pensées vont encore vers le noble peuple marocain qui a subi ces séismes, ces tremblements de terre. Prions pour le Maroc, prions pour les habitants. Que le Seigneur leur donne la force de se relever après cette terrible « agression » qui est advenue sur leur terre.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

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