Église en sortie 10 juin 2016

Cette semaine à Église en sortie, Francis Denis reçoit Jacques Gauthier, auteur et théologien, pour parler de son livre « Récit d’un passage ». On vous présente un reportage sur la 31e assemblée générale de la Conférence Religieuse Canadienne à Montréal. Et dans la troisième partie d’émission, nous vous présentons une entrevue réalisée avec Mgr Paul Lortie, évêque de Mont-Laurier et président de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec.

Lettre ouverte du Cardinal Lacroix: « Aide à mourir » : pas de date butoir pour la dignité

Le 6 juin prochain, la décision de la Cour suprême du Canada concernant l’« aide médicale à mourir » prendra effet avec ou sans loi fédérale pour l’encadrer.

L’adoption de la loi C-14 ou l’entrée en vigueur de la décision Carter, donnera certainement lieu à des recours judiciaires afin d’élargir la portée de l’euthanasie au Québec, accessible chez nous depuis déjà 5 mois. Des pressions viendront également pour recourir au suicide assisté, tel que défini par C-14 : « de prescrire ou de fournir une substance à une personne, à la demande de celle-ci, afin qu’elle se l’administre et cause ainsi sa mort. »

Je désire m’adresser aujourd’hui particulièrement aux personnes affectées « de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap)1 » causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables.

La vie que vous avez reçue, le souffle qui vous habite, la personnalité qui vous caractérise sont empreints de beauté, de noblesse et de grandeur. L’amour reçu, l’amour donné sont toujours présents et font de vous, comme de chacun de nous, des êtres revêtus d’une grande dignité en toutes circonstances. Ce que vous avez été, ce que vous êtes maintenant requièrent, entre autres, le respect, l’accompagnement et des soins appropriés pour vous aider à grandir jusqu’à la fin.

Afin de respecter la primauté de la vie, l’Église catholique s’oppose fermement à l’euthanasie et au suicide assisté. Elle déplore que tous les scénarios envisagés par le gouvernement fédéral permettent éventuellement à un nombre croissant de personnes de demander à mettre fin à leurs jours.

Je le répète souvent, la position de l’Église n’est pas de valoriser la souffrance. Oui, la foi peut lui donner un sens, mais les chrétiens et chrétiennes, tout comme Jésus, souhaitent l’éviter lorsque cela est possible : « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne » (Luc 22, 42). J’ai la ferme conviction que Dieu nous aime d’un amour éternel, tels que nous sommes ici et maintenant, et ce, jusqu’à notre mort où il nous accueillera les bras grands ouverts. Il suffit d’écouter sur notre webtélé diocésaine ECDQ.tv la récente conférence de notre archevêque émérite Mgr Maurice Couture pour s’en convaincre.

D’ici le 6 juin prochain, je nous lance collectivement un grand défi. Vous connaissez sûrement une personne qui pourrait se reconnaître dans les critères québécois et (bientôt) canadiens d’accessibilité à l’aide médicale à mourir. Écoutez et accueillez jusqu’au bout l’expression de sa souffrance, de sa peur. Dites-lui qu’elle a du prix à vos yeux, qu’elle pourra toujours compter sur votre présence. Rappelez-lui votre amour inconditionnel.

Les demandes d’aide à mourir s’effacent habituellement lorsque les personnes souffrantes sont bien accompagnées. Ce sont les médecins et le personnel soignant en soins palliatifs qui me l’ont partagé à maintes reprises. Je les remercie de poursuivre leur rôle dans le nouveau contexte législatif au Québec. Leurs efforts pour soulager la souffrance physique et morale portent de réels fruits et les investissements en soins palliatifs doivent se poursuivre. Pour celles et ceux d’entre eux (toujours une majorité) qui s’opposent à l’euthanasie, leur objection de conscience doit être protégée. Si un médecin ne souhaite pas référer un patient vers sa mort médicalement provoquée, son choix doit être respecté sans remise en question.

Merci également à tous les proches aidants. Les débats actuels risquent de faire oublier leur dévouement, leur courage, leur force, mais surtout leur sens de l’autre et du respect de la vie. Ces personnes ont énormément besoin d’être reconnues et soutenues.

Mon accompagnement de personnes en fin de vie me confirme qu’il est périlleux d’accorder la permission de provoquer la mort d’une autre personne, même avec son consentement. Non seulement une loi dicte, mais elle éduque et elle imprime la revendication du droit et la suggestion du devoir. Avec le temps, les moeurs sont affectées et la rareté du geste cède le pas à l’habitude C’est, à mon humble avis, un bien triste « progrès ». Nous avons la responsabilité, la mission d’accompagner avec douceur et tendresse la vie de nos proches qui souffrent, et ce, sans recours à une loi qui incite à la mort. Dans ce contexte, nous sommes invités à prévenir ce mode suicidaire en choisissant de reconnaître la dignité de la vie.

Cardinal Gérald C. Lacroix
Archevêque de Québec
30 mai 2016

Église en sortie 22 avril 2016

Cette semaine à l’émission Église en Sortie, nous vous présentons une entrevue avec Alain Faubert, prêtre du diocèse de Montréal et membre du conseil Communautés et Ministères de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (Noté que le 19 avril, Mgr Faubert a été nommé évêque auxiliaire de Montréal par le pape François). Il s’est entretenu avec Francis Denis sur le récent document intitulé : « Le tournant missionnaire des communautés chrétiennes Devenir une « Église en sortie » à la suite de La Joie de l’Évangile ». Ensuite, nous vous présentons un reportage sur la JMJ du Diocèse de Montréal suivi de la    chronique du père Claude Paradis sur les « actualités de la rue ».

Église en sortie 8 avril 2016

Cette semaine à l’émission Église en Sortie, nous présentons une entrevue avec Élisabeth Garant Directrice générale du Centre justice et foi / Revue Relations qui s’est entretenu avec Francis Denis sur l’histoire de la revue Relations. Puis, on vous présente un reportage sur le vernissage inaugurant les activités du 75e anniversaire de la revue Relations. Dans la deuxième partie de l’émission, nous vous présentons une entrevue réalisée avec Mgr Gilles Lemay, évêque d’Amos, lors de l’Assemblée Générale de la Conférence des évêques catholiques du Canada 2015 à Cornwall

L’euthanasie ou l’humanisme perdu

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Jeudi le 25 février dernier, un rapport d’un comité mixte spécial fédéral a été déposé rendant publiques ses recommandations au Gouvernement fédéral sur l’enjeu crucial de la légalisation de l’euthanasie au pays. Faisant suite au jugement Carter de la Cour Suprême du Canada jugeant la criminalité de l’euthanasie inconstitutionnelle, ce rapport demande à l’éventuelle législation fédérale d’être beaucoup plus large que celle adoptée au Québec. En effet, selon ce rapport, l’État devrait non seulement permettre l’euthanasie volontaire dans les cas de mort imminente suite à une maladie incurable mais également pour les handicapés (Recommandation no 1), les personnes souffrant de troubles psychologiques (Recommandation no 3-4) et même pour les mineurs (Recommandation no 6). Ce document, long de 67 pages, donne ainsi raison à ceux qui craignaient que l’étendard des cas extrêmes utilisés lors des campagnes pro euthanasie n’aient été que le « cheval de Troie » d’un agenda caché. Tout compte fait, l’argument de la « pente glissante » aura encore une fois montré toute sa pertinence. Devant l’importance de cet enjeu, il était naturel que les évêques du Canada se lèvent pour dénoncer un tel effritement du droit le plus fondamental des Canadiens : le droit à la vie.

D’où vient donc cet acharnement en vue de conquérir ce prétendu « droit » à mourir? À ce sujet, plusieurs arguments sont avancés par les défenseurs de l’euthanasie. D’abord, il y a ceux qui voient dans cet enjeu l’exemple d’un combat d’une soi-disant libération. En ce sens, militer pour l’euthanasie aurait une valeur symbolique, ce serait l’occasion de s’insérer dans le mythe d’une modernité émancipatrice et de projeter une image de soi-même, à tort, au côté des grands héros tel Martin Luther King ou William Wilberforce.

D’autres pensent qu’il s’agit d’un combat motivé par la compassion, par une volonté de comprendre l’autre dans sa souffrance et dans les choix qui en découlent. J’imagine que certains pensent vraiment que l’euthanasie est un moyen raisonnable de venir en aide à une personne qui souffre. Loin de moi l’idée de juger l’intention des personnes favorables à cette pratique. Toutefois, l’enjeu mérite que l’on s’intéresse davantage aux arguments avancés plutôt qu’à l’honnêteté des interlocuteurs. Ici comme ailleurs, le prétendu « goût de mourir » n’est rien d’autre qu’un appel à l’aide déguisé. Une requête d’euthanasie ne tiendrait jamais dans des circonstances d’accompagnement adapté, répondant au besoin d’amour et de valorisation à la hauteur de la dignité humaine. Pensez-y deux minutes, pourrait-on croire qu’une personne entourée, aimée, valorisée, visitée, à qui l’on demande conseil, etc. entourée de petits-enfants ou de proches pourrait désirer quitter ce monde plus tôt que prévu ? Évidemment que non ! Pourquoi donc ne pas créer ces circonstances favorables autour de nous et socialement ?

Finalement, il y a ceux qui croient que ce « droit de mourir » entre parfaitement dans la logique du libéralisme effréné de notre monde actuel. Cette « culture du déchet » tant décriée par le pape François n’a pas que des applications économiques. En effet, elle réduit les hommes et les femmes à leur condition de consommateur c’est-à-dire à des machines à plaisir. Le citoyen n’est donc plus considéré comme une personne mais comme une « monade » dont le seul but est d’accroître les profits et les intérêts des puissants de ce monde, qu’ils soient PDG de multinationales, actionnaires, politiciens ou fonctionnaires gouvernementaux.

C’est de cette façon que, peu à peu, le moteur de la société est passé d’une vision holiste du bonheur humain à celle de la jouissance à tout prix. Passée d’une perspective humaniste à une perspective utilitariste, notre société en est venue à confondre la recherche légitime du bonheur avec celle du plaisir égoïste. Pas étonnant que, faute de ne plus comprendre le sens de la souffrance, nous ne soyons plus capables ni de la supporter ni de la tolérer ! C’est ici qu’a eu lieu le déplacement majeur qui aujourd’hui nous empêche de comprendre les implication de cette vérité fondamentale que la vie humaine est bien absolu. Puisque la vie n’est plus le Bien central à protéger mais plutôt le moyen par lequel nous jouissons des réalités qui nous entourent, il n’est pas surprenant qu’il soit commun de dire que la vie, peut, « ne plus valoir la peine d’être vécue ». En effet, si ma qualité de vie dépend de ma capacité de jouir, ne nous étonnons pas si la disparition de cette aptitude suffise à me convaincre que ma vie n’a plus de sens. Ainsi, puisqu’il est normal que les lois d’un pays suivent la culture et la mentalité d’un peuple, les changements de lois actuelles ne sont qu’un symptôme de cette révolution plus profonde.

Pour bien faire face à cette nouvelle menace contre la dignité des plus faibles de notre société, l’Assemblée des évêques du Québec a récemment publié un Parcours de réflexion intitulé Les soins de fin de vie à la lumière de la Parole de Dieu qui permet au lecteur de voir, à la fois, à quel point le riche patrimoine de la foi chrétienne donne un sens lumineux à la fin de vie mais également comment la mort peut être un chemin de réconciliation et d’humanisation. En ce sens, je vous invite à regarder l’épisode de l’émission Église en sortie  du 26 février 2016 dans lequel Mgr Paul Lortie, évêque de Mont-Laurier et président de l’AECQ nous présente ce document en cinq étapes ainsi que la lettre pastorale intitulée « Approcher de la mort avec le Christ ».

Église en sortie (26 février 2016)

Cette semaine à l’émission Église en Sortie, Francis Denis reçoit Mgr Daniel Jodoin, évêque de Bathurst au Nouveau-Brunswick. Dans cette entrevue, Mgr Jodoin parle de la réalité de son diocèse ainsi que des projets pour l’année de la Miséricorde. Dans la deuxième partie de l’émission, nous vous présentons une entrevue réalisée avec Mgr Paul Lortie, évêque de Mont-Laurier et président de l’Association des évêques catholiques du Québec. Il nous parle de la lettre pastorale « Approcher de la mort avec le Christ » et du parcours de réflexion intitulé Les soins de fin de vie à la lumière de la Parole de Dieu.

Devenir « Église en sortie » avec l’AECQ

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Le 26 janvier dernier, le Conseil Communauté et Ministère de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec publiait un document intitulé « Le tournant missionnaire des communautés chrétiennes. Devenir une « Église en sortie » à la suite de La Joie de l’Évangile ». Comme son nom l’indique, ce document offre une réflexion détaillée sur les modalités particulières de la conversion missionnaire de l’Église au Québec. Ainsi, le document, fruit d’une session d’étude et de réflexion qui a eu lieu à Trois-Rivières les 12 et 13 mars 2014, invite le lecteur à s’interroger sur les différents niveaux de changement qu’une telle conversion implique.

Ce document disponible sur le site de l’AECQ propose d’abord une relecture de l’exhortation apostolique du pape François Evangelii Gaudium afin d’y puiser les intuitions fondamentales qui doivent guider notre réflexion. Cette section un peu plus « théorique » nous invite donc à une démarche de « purification » au sens où nous devons sortir du « pessimisme, du fatalisme et de la méfiance. [En effet] certaines personnes ne se donnent pas à la mission, car elles croient que rien ne peut changer et pour elles, il est alors inutile de fournir des efforts » (EG no 175). Accepter d’être missionnaire signifie accepter de nous donner sans compter, offrir nos services au Seigneur sans s’attendre à trop de reconnaissance et sachant que les résultats ne seront peut-être jamais visibles pour nous. Cette conversion intérieure, qui manifeste pleinement que nous avons accepté d’être les instruments de l’Esprit Saint c’est-à-dire de Celui qui ne cherche pas à attirer l’attention, ne doit cependant pas se limiter à notre vie spirituelle. Elle doit aussi prendre forme dans notre propre conception de nous-mêmes comme Église.

Le document propose dans un deuxième temps une réflexion sur le constat de l’Église et de la société québécoise dans son ensemble. Comme on le dit souvent : « pour savoir où l’on va il faut savoir d’où on vient ». Bien qu’il est évident que l’histoire du Québec et l’histoire de l’Église sont intimement liées, il est également évident que les 50 dernières années ont été marquées par une fracture de plus en plus grande entre l’Église et la société québécoise. Ce passé de « chrétienté » étant bel et bien derrière nous, il est nécessaire de, non pas nous jeter dans le vide spirituel actuel, mais de revisiter nos fondateurs. En effet, comme l’a dit le pape François lors de la Messe d’action de Grâce pour la canonisation de Sainte Marie de l’Incarnation et Saint François de Laval, il est essentiel qu’aujourd’hui nous fassions :

« Mémoire de ceux qui nous ont précédés, de ceux qui ont fondé notre Église. Église féconde que celle du Québec ! Féconde de nombreux missionnaires qui sont allés partout. Le monde a été rempli de missionnaires canadiens comme ces deux-ci. Maintenant un conseil : que cette mémoire ne nous conduise pas à abandonner la franchise et le courage. Peut-être – ou plutôt non,  sans peut-être ! – le diable est jaloux et il ne tolère pas qu’une terre soit ainsi féconde de missionnaires. Prions le Seigneur pour que le Québec revienne sur ce chemin de la fécondité, pour donner au monde de nombreux missionnaires. Que ces deux-ci qui ont – pour ainsi dire – fondé l’Église du Québec, nous aident comme intercesseurs. Que la graine semée croisse et donne comme fruit de nouveaux hommes et femmes courageux, clairvoyants, avec le cœur ouvert à l’appel du Seigneur. Aujourd’hui, on doit demander cela pour votre pays. Eux, du ciel, seront nos intercesseurs. Que le Québec redevienne cette source de bons et de saints missionnaires. »

Revisiter nos fondateurs afin de nous laisser inspirer et, je dirais même, imbiber de leur zèle missionnaire. Seulement ainsi serons-nous en mesure d’effectuer cette transition douloureuse qu’impose la situation actuelle puisque nous garderons en tête que « le salut des âmes est, dans l’Église, la loi suprême »(no1752) qui doit guider notre agir.

Je vous invite à lire et méditer ce document du Conseil Communautés et Ministères de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec. Tant par sa réflexion fondamentale que par son souci de trouver des solutions aux problèmes concrets qui affectent l’Église de chez nous, ce document vous permettra d’approfondir votre réflexion sur la conversion missionnaire de l’Église tout en vous donnant des pistes pour mettre cette dernière en pratique. D’ici là, sachez que nous avons reçu Mgr Alain Faubert en studio et nous serons en mesure de vous présenter cette entrevue dans les semaines à venir dans le cadre de notre nouvelle émission « Église en Sortie ».

La corruption au Québec : vers un examen de conscience (2e partie)

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photo courtoisie: dszpiro

Le 19 février 2015, le Conseil Église et société de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec publiait un document intitulé : « Dans l’attente du rapport de la Commission Charbonneau, une réflexion sur la corruption ». Comme le titre l’indique, ce document se veut une réflexion portant sur le phénomène de la corruption, sur ses différents effets, causes et solutions. Faisant référence à l’exaspération et à l’indignation de « beaucoup de citoyennes et de citoyens qui peinent à gagner leur vie en respectant leurs devoirs de justice », l’AECQ souhaite offrir un outil qui pourra aider à faire face à ce « cancer qui ronge le corps social de nos pays en particulier, et la communauté internationale en général »

Des pistes de solution

Après avoir clarifié que la posture de l’Église ne consiste pas à se substituer aux actions de l’État mais à encourager les décideurs et acteurs de la société civile à favoriser un climat incitant à l’honnêteté et au respect de la primauté du Bien commun, les évêques du Québec poursuivent, à l’instar des premiers pasteurs chrétiens, et « insistent sur la nécessité de la conversion et de la transformation des consciences […] plus que sur les exigences de changement des structures sociales et politiques » (p.8). [2] Bien sûr, les actions politiques et sociales sur ce qui a été appelé les « causes externes » sont utiles, voir même essentielles. Cependant, elles doivent être accompagnées d’un biais plus en profondeur puisque la « multiplication des lois engendre nécessairement une bureaucratie de plus en plus envahissante » (p.9) ce qui peut entraîner l’effet pervers de légitimer les citoyens à contourner les lois. Par exemple, on remarque que le travail au noir augmente lorsque les taxes augmentent. De plus, il est important de retrouver le lien entre la politique et le monde de l’économie. En ce sens, nous devons refuser la logique qui tend à séparer ces deux sphères : « C’est pourquoi » écrivent les évêques, « il faut avoir présent à l’esprit que séparer l’agir économique, à qui il reviendrait seulement de produire de la richesse, de l’agir politique, à qui il reviendrait de rechercher la justice au moyen de la redistribution, est une cause de graves déséquilibres » [3]. L’agir moral concerne tout le monde et c’est pourquoi l’AECQ mentionne son admiration devant « les personnes qui dans le monde politique ou le milieu des affaires se sont élevées contre des situations de corruption ou qui ont passé leur vie sans se laisser corrompre » (p.12).

L’AECQ y va donc d’un discours original et étranger au discours ambiant. En effet, selon les évêques du Québec, c’est par la vertu, spécialement la vertu de justice et de courage, que cette pratique de la corruption pourra tendre davantage à la diminution qu’à l’augmentation. Pour ce faire, l’État devrait favoriser l’action d’organismes comme l’Église catholique, pour qu’elles puissent réaliser librement leur mission, par exemple dans les écoles ; et ainsi porter et transmettre « des convictions morales et religieuses » (p.9) à la société. En effet, il existe un lien entre le déni de la dimension transcendante de l’homme ou, en d’autres termes, la fermeture aux réalités spirituelles et l’appât du gain qui engendre la corruption.

Je recommande la lecture du document de réflexion du Conseil Église et société de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec. Il s’agit d’un excellent instrument pour nourrir la réflexion et trouver des solutions viables au problème de corruption dont le Québec n’est malheureusement pas exempt. Devant l’imminence de la publication du rapport de la Commission Charbonneau, il est de mise de non seulement surmonter la tentation du cynisme mais, surtout, de retrouver la dimension chrétienne de la vie citoyenne.

[2] Compendium, no 328. Le no 329 cite de très beaux textes de Pères de l’Église.

[3] Caritas in veritate, no 36.

Le corruption au Québec : vers un examen de conscience (1ère partie)

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photo courtoisie:  Paulo Barcelos

Le 19 février 2015, le Conseil Église et société de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec publiait un document intitulé : « Dans l’attente du rapport de la Commission Charbonneau, une réflexion sur la corruption ». Comme le titre l’indique, ce document se veut une réflexion portant sur le phénomène de la corruption, sur ses différents effets, causes et solutions. Faisant référence à l’exaspération et à l’indignation de « beaucoup de citoyennes et de citoyens qui peinent à gagner leur vie en respectant leurs devoirs de justice », l’AECQ souhaite offrir un outil qui pourra aider à faire face à ce « cancer qui ronge le corps social de nos pays en particulier, et la communauté internationale en général »[2] . Pour ce faire, le document se divise en 3 parties que nous explorerons plus en détails.

Qu’est-ce que la corruption :

La corruption est, selon le document de l’AECQ, une perversion du don (p.1), du caractère gratuit que peuvent prendre certaines de nos actions. En effet, nous pouvons aisément voir que la corruption ne réduit pas seulement les interactions humaines à leur simple utilité, elle détourne la portée des actions humaines pour les réduire à un intérêt particulier. Par exemple, lorsqu’une personne offre un pot de vin pour obtenir un contrat de construction, elle demande à ce que les lois qui sont orientées vers le Bien commun ne s’appliquent pas dans son cas. Ainsi, cette personne s’imagine être une exception par rapport à la population en ignorant sciemment la raison d’être de ces lois. En d’autres termes, la corruption se moque du principe selon lequel nous sommes tous égaux devant la loi (principe fondamental de tout état de droit) et qui nous empêche de vivre comme des animaux c’est-à-dire vivant selon la loi du plus fort. Comment donc vaincre ce fléau ? [Read more…]

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