Rencontre œcuménique et interreligieuse : Discours du Saint-Père

Au troisième jour de sa visite apostolique en Mongolie, le pape François s’est adressé à une réunion œcuménique et interreligieuse. Il a partagé l’espoir que « la mémoire des souffrances passées puisse donner la force nécessaire pour transformer les blessures sombres en sources de lumière, la violence insensée en sagesse de vie, le mal dévastateur en bonté constructive. »

Voici le texte intégral:

RENCONTRE ŒCUMÉNIQUE ET INTERRELIGIEUSE

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Théâtre Hun (Ulan-Bator)
Dimanche 3 septembre 2023

Bonjour à vous tous, chers frères et sœurs !

Permettez-moi de m’adresser à vous comme frère dans la foi avec les croyants en Christ et comme frère pour vous tous, au nom de la quête religieuse commune et de l’appartenance à la même humanité. L’humanité, dans son aspiration religieuse, peut être comparée à une communauté de voyageurs marchant sur la terre avec le regard tourné vers le ciel. À cet égard, ce qu’un croyant, venu de loin, a dit de la Mongolie est significatif : il a écrit qu’il a voyagé « sans rien voir d’autre que le ciel et la terre » (Guglielmo di Rubruk, Viaggio in Mongolia, XIII/3, Milano 2014, 63). Le ciel, si limpide, si bleu, étreint ici la terre vaste et imposante, évoquant les deux dimensions fondamentales de la vie humaine : la dimension terrestre, faite de relations avec les autres, et la dimension céleste, faite de la recherche de l’Autre, qui nous transcende. La Mongolie rappelle en somme le besoin, pour nous tous, pèlerins et voyageurs, de tourner le regard vers le haut pour trouver le cap de la marche sur la terre.

Je suis donc heureux d’être avec vous en ce moment important de rencontre. Je remercie chaleureusement chacun et chacune pour sa présence et pour chaque intervention qui a enrichi notre réflexion commune. Le fait d’être ensemble dans le même lieu est déjà un message : les traditions religieuses, dans leur originalité et leur diversité, représentent un formidable potentiel de bien au service de la société. Si les responsables des nations choisissaient la voie de la rencontre et du dialogue avec les autres, ils contribueraient certainement de manière décisive à mettre fin aux conflits qui continuent à faire souffrir tant de peuples.

Le bien-aimé peuple mongol, qui peut se targuer d’une histoire de coexistence entre les membres de diverses traditions religieuses, nous donne l’occasion de nous réunir pour apprendre à nous connaître et à nous enrichir mutuellement. Il est bon de rappeler cette expérience vertueuse de l’ancienne capitale impériale, Kharakorum, dans laquelle se trouvaient des lieux de culte appartenant à différentes croyances, témoignant d’une harmonie louable. Harmonie : je voudrais insister sur ce mot au goût typiquement asiatique. Elle est cette relation particulière qui se crée entre des réalités différentes, sans les superposer ni les homologuer, mais dans le respect des différences et au profit de la vie commune. Je me demande : qui, plus que les croyants, est appelé à travailler pour l’harmonie de tous ?

Frères, sœurs, la valeur sociale de notre religiosité se mesure à la manière dont nous parvenons à nous harmoniser avec les autres pèlerins sur terre, et à la manière dont nous parvenons à répandre l’harmonie là où nous vivons. Toute vie humaine, en effet, et à plus forte raison toute religion, est appelée à « se mesurer » en fonction de l’altruisme : non pas un altruisme abstrait, mais concret, se traduisant par la recherche de l’autre et la collaboration généreuse avec l’autre, parce que « le sage se réjouit dans le don, et c’est par là seulement qu’il devient heureux » (The Dhammapada The Buddha’s Path of Wisdom, Sri Lanka 1985, n. 177 ; cf. les paroles de Jésus rapportées dans Ac 20, 35). Une prière, inspirée par François d’Assise, récite : « Là où il y a de la haine, que je mette l’amour, là où il y a l’offense, que je mette le pardon, là où il y a la discorde, que je mette l’union ». L’altruisme construit l’harmonie et là où il y a l’harmonie, il y a l’entente, il y a la prospérité, il y a la beauté. En effet, harmonie est peut-être le synonyme le plus approprié de beauté. En revanche, la fermeture, l’imposition unilatérale, le fondamentalisme et la contrainte idéologique ruinent la fraternité, alimentent les tensions et sapent la paix. La beauté de la vie est le fruit de l’harmonie : elle est communautaire, elle grandit avec la gentillesse, l’écoute et l’humilité. Et c’est le cœur pur qui la saisit, car « la vraie beauté, après tout, réside dans la pureté du cœur » (M.K. Gandhi, Il mio credo, il mio pensiero, Roma 2019, 94).

Les religions sont appelées à offrir au monde cette harmonie que le progrès technique à lui seul ne peut assurer, car, en visant la dimension terrestre, horizontale de l’homme, il risque d’oublier le ciel pour lequel nous sommes faits. Sœurs et frères, nous sommes ici aujourd’hui en tant qu’humbles héritiers d’anciennes écoles de sagesse. En nous rencontrant, nous nous engageons à partager tout le bien que nous avons reçu, afin d’enrichir une humanité qui, dans son cheminement, est souvent désorientée par des recherches à court terme du profit et du bien-être. Elle est souvent incapable de trouver le fil conducteur : tournée uniquement vers les intérêts terrestres, elle finit par ruiner la terre elle-même, confondant progrès et régression, comme le montrent tant d’injustices, tant de conflits, tant de dévastations environnementales, tant de persécutions, tant de rejet de la vie humaine.

L’Asie a beaucoup à offrir à cet égard et la Mongolie, qui se trouve au cœur de ce continent, conserve un grand patrimoine de sagesse, que les religions répandues ici ont contribué à créer et que je voudrais inviter chacun à découvrir et à valoriser. Je ne ferai qu’évoquer, sans les approfondir, dix aspects de cet héritage de sagesse. Dix aspects : le bon rapport avec la tradition, malgré les tentations consuméristes ; le respect des anciens et des ancêtres – combien avons-nous besoin aujourd’hui d’une alliance générationnelle entre eux et les plus jeunes, de dialogue entre les grands-parents et les petits-enfants ! Et puis, le respect de l’environnement, notre maison commune, une autre nécessité d’une actualité brûlante : nous sommes en danger. Et encore : la valeur du silence et de la vie intérieure, antidote spirituel à tant de maux du monde d’aujourd’hui. Ensuite, un sens sain de la sobriété ; la valeur de l’accueil ; la capacité de résister à l’attachement aux choses ; la solidarité, qui découle de la culture des liens entre les personnes ; l’appréciation de la simplicité. Et, enfin, un certain pragmatisme existentiel, qui tend à rechercher avec ténacité le bien de l’individu et de la communauté. Ces dix aspects sont là quelques éléments du patrimoine de sagesse que ce pays peut offrir au monde.

À propos de vos traditions, j’ai déjà dit combien, en préparant ce voyage, j’avais été fasciné par les habitations traditionnelles à travers lesquelles le peuple mongol révèle une sagesse sédimentée par des millénaires d’histoire. La ger constitue en effet un espace humain : en son sein se déroule la vie de la famille, c’est un lieu de convivialité amicale, de rencontre et de dialogue où, même lorsqu’on est nombreux, on sait faire de la place à quelqu’un d’autre. Et puis c’est un point de repère concret, facilement identifiable dans les vastes étendues du territoire mongol ; c’est un motif d’espérance pour ceux qui se sont égarés : s’il y a une ger, il y a la vie. On la trouve toujours ouverte, prête à accueillir l’ami, mais aussi le voyageur et même l’étranger, pour lui offrir un thé fumant qui fait reprendre des forces dans le froid de l’hiver ou un lait fermenté frais qui apporte un rafraîchissement durant les chaudes journées d’été. C’est aussi l’expérience des missionnaires catholiques, provenant d’autres pays, qui sont accueillis ici comme pèlerins et hôtes, et qui entrent sur la pointe des pieds dans ce monde culturel, pour offrir l’humble témoignage de l’Évangile de Jésus-Christ.

Mais, en plus de l’espace humain, la ger évoque l’essentielle ouverture au divin. La dimension spirituelle de cette habitation est représentée par son ouverture vers le haut, avec un seul point d’où la lumière entre, sous la forme d’une lucarne en tranches. L’intérieur devient ainsi un grand cadran solaire, dans lequel la lumière et l’ombre se succèdent, marquant les heures du jour et de la nuit. Il y a là une belle leçon à tirer : le sens du temps qui passe vient d’en haut, et non du simple flux des activités terrestres. Ainsi, à certaines périodes de l’année, le rayon qui pénètre d’en haut illumine l’autel domestique, rappelant la primauté de la vie spirituelle. La coexistence humaine qui se déroule dans l’espace circulaire est ainsi constamment renvoyée à sa vocation verticale, transcendante et spirituelle.

L’humanité réconciliée et prospère, que nous contribuons à promouvoir en tant que représentants de différentes religions, est symboliquement représentée par cette convivialité harmonieuse ouverte à la transcendance, où l’engagement pour la justice et la paix trouve inspiration et fondement dans la relation avec le divin. Ici, chers sœurs et frères, notre responsabilité est grande, surtout en cette heure de l’histoire, car notre comportement est appelé à confirmer dans les faits les enseignements que nous professons ; il ne peut pas les contredire, en devenant un motif de scandale. Aucune confusion donc entre croyance et violence, entre sacré et imposition, entre parcours religieux et sectarisme. Que la mémoire des souffrances endurées dans le passé – je pense en particulier aux communautés bouddhistes – donne la force de transformer les sombres blessures en sources de lumière, l’absurdité de la violence en sagesse de vie, le mal qui détruit en bien qui construit. Qu’il en soit ainsi pour nous, disciples enthousiastes de nos maîtres spirituels respectifs et serviteurs consciencieux de leurs enseignements, disposés à offrir la beauté à ceux que nous accompagnons, en compagnons de route amicaux. Cela est vrai, parce que dans les sociétés pluralistes qui croient aux valeurs démocratiques, comme la Mongolie, toute institution religieuse, dûment reconnue par l’autorité civile, a le devoir et en premier lieu le droit d’offrir ce qu’elle est et ce qu’elle croit, dans le respect de la conscience d’autrui et avec pour objectif le plus grand bien de tous.

En ce sens, je voudrais vous confirmer que l’Église catholique veut marcher dans cette voie, en croyant fermement au dialogue œcuménique, au dialogue interreligieux et au dialogue culturel. Sa foi est fondée sur le dialogue éternel entre Dieu et l’humanité, incarné dans la personne de Jésus-Christ. Avec humilité et dans l’esprit de service qui a animé la vie du Maître, venu dans le monde non pas « pour être servi, mais pour servir » (Mc 10, 45), l’Église aujourd’hui offre le trésor qu’elle a reçu à toute personne et à toute culture, en restant dans une attitude d’ouverture et d’écoute de ce que les autres traditions religieuses ont à offrir. Le dialogue, en effet, n’est pas antithétique à l’annonce : il n’aplatit pas les différences, mais aide à les comprendre, les préserve dans leur originalité et leur permet de se confronter pour un enrichissement franc et réciproque. Ainsi, on peut trouver dans l’humanité bénie par le Ciel la clé pour marcher sur la terre. Frères et sœurs, nous avons une origine commune, qui confère à tous la même dignité, et nous avons un chemin commun, que nous ne pouvons parcourir qu’ensemble, en demeurant sous le même ciel qui nous enveloppe et nous illumine.

Frères et sœurs, notre présence ici aujourd’hui est signe qu’espérer est possible. Espérer est possible. Dans un monde déchiré par les conflits et les discordes, cela pourrait sembler utopique ; pourtant, les plus grandes entreprises commencent dans la discrétion, presque imperceptibles. Le grand arbre naît de la petite graine, enfoui dans la terre. Et si « le parfum des fleurs ne se répand que dans la direction du vent, le parfum de ceux qui vivent selon la vertu se répand dans toutes les directions » (cf. The Dhammapada, n. 54). Faisons fleurir cette certitude que nos efforts communs pour dialoguer et construire un monde meilleur ne sont pas vains. Cultivons l’espérance. Comme l’a dit un philosophe : « Chacun fut grand selon ce qu’il a espéré. L’un fut grand en espérant le possible, un autre en espérant l’éternel, mais celui qui espéra l’impossible fut le plus grand de tous » (S.A. Kierkegaard, Crainte et tremblement, Milan 2021, 16). Que les prières que nous élevons vers le ciel et la fraternité que nous vivons sur la terre nourrissent l’espérance ; qu’elles soient le témoignage simple et crédible de notre religiosité, de notre marche ensemble avec le regard fixé vers le haut, de notre façon d’habiter le monde en harmonie – n’oublions pas le mot « harmonie » – en tant que pèlerins appelés à garder l’atmosphère de la maison, pour tous. Merci.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Rencontre avec les évêques, les prêtres, les missionnaires, les personnes consacrées et les agents pastoraux: discours du Saint-Père

Le samedi 2 septembre, le pape François a poursuivi sa visite apostolique en Mongolie en rencontrant le clergé, les religieux, les missionnaires et les agents pastoraux. Il les a encouragés à « dépenser leur vie pour l’Évangile parce qu’ils ont « goûté » le Dieu qui s’est rendu visible, que l’on peut toucher et rencontrer en Jésus. »

Voici le texte intégral:

RENCONTRE AVEC LES ÉVÊQUES, LES PRÊTRES, LES MISSIONNAIRES,
LES PERSONNES CONSACRÉES ET LES AGENTS PASTORAUX

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul (Oulan-Bator)
Samedi 2 septembre 2023

 

Chers frères et sœurs, bon après-midi !

Merci, Excellence, pour vos paroles, merci à Sœur Salvia, à l’abbé Peter Sanjaajav et à Rufina pour vos témoignages, merci à vous tous pour votre présence et votre foi ! Je suis heureux de vous rencontrer. La joie de l’Évangile est la raison qui vous a poussés, hommes et femmes consacrés dans la vie religieuse et dans le ministère ordonné, à être ici et à vous dévouer, avec vos sœurs et vos frères laïcs, au Seigneur et aux autres. Je bénis Dieu pour cela. Je le fais à travers une belle prière de louange, le Psaume 34, duquel je m’inspire pour partager quelques réflexions avec vous. Il dit : « Goûtez et voyez : le Seigneur est bon » (v. 9).

Goûter et voir, parce que la joie et la bonté du Seigneur ne sont pas quelque chose de passager, mais demeurent à l’intérieur, donnent du goût à la vie et font voir les choses d’une manière nouvelle ; comme tu nous l’as dit, Rufina, dans ton beau témoignage. Je voudrais donc savourer le goût de la foi sur cette terre en me rappelant avant tout d’histoires et de visages, de vies dépensées pour l’Évangile. Dépenser sa vie pour l’Évangile : c’est une belle définition de la vocation missionnaire du chrétien, et en particulier de la manière dont les chrétiens la vivent ici. Dépenser sa vie pour l’Évangile !

Je me souviens ensuite de l’évêque Wenceslao Selga Padilla, premier Préfet Apostolique, pionnier de la phase contemporaine de l’Église en Mongolie et bâtisseur de cette cathédrale. Ici, toutefois, la foi ne remonte pas seulement aux années quatre-vingt-dix du siècle dernier, mais elle a des racines très anciennes. Aux expériences du premier millénaire, marquées par le mouvement évangélisateur de tradition syriaque, répandu le long de la route de la soie, a succédé un travail missionnaire considérable : comment ne pas rappeler les missions diplomatiques du XIIIe siècle, mais aussi la sollicitude apostolique manifestée par la nomination, vers 1310, de Jean de Montecorvino comme premier évêque de Khān Bālīq, et donc responsable de cette vaste région du monde sous la dynastie mongole Yuan ? C’est justement lui qui a fourni la première traduction mongole du Livre des Psaumes et du Nouveau Testament. Eh bien, cette grande histoire de passion pour l’Évangile a repris de façon extraordinaire en 1992 avec l’arrivée des premiers missionnaires de la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie, auxquels se sont joints des représentants d’autres instituts, du clergé diocésain et des volontaires laïcs. Parmi eux tous, je voudrais rappeler l’actif et zélé Père Stephano Kim Seong-hyeon. Et souvenons-nous de tant de fidèles serviteurs de l’Évangile en Mongolie, qui sont ici avec nous en ce moment et qui, après avoir dépensé leur vie pour le Christ, voient et goûtent les merveilles que sa bonté continue d’opérer en vous et par vous. Merci.

Mais pourquoi dépenser sa vie pour l’Évangile ? C’est une question que je vous pose. Comme le disait Rufina, la vie chrétienne avance en posant des questions, comme les enfants qui demandent toujours de nouvelles choses, parce qu’ils ne comprennent pas tout à l’âge des pourquoi. Et la vie chrétienne s’approche du Seigneur et pose toujours des questions, pour mieux comprendre le Seigneur, pour mieux comprendre son message. Dépenser la vie pour l’Évangile parce qu’on a goûté (cf. Ps 34) ce Dieu qui s’est rendu visible, tangible, accessible en Jésus. Oui, c’est Lui la bonne nouvelle destinée à tous les peuples, l’annonce que l’Église ne peut cesser d’apporter, en l’incarnant dans la vie et “en le murmurant” au cœur des individus et des cultures. Le langage de Dieu, tant de fois, est un murmure lent, qui prend son temps ; Il parle ainsi. Cette expérience de l’amour de Dieu dans le Christ est une lumière pure qui transfigure le visage et le rend lumineux à son tour. Frères et sœurs, la vie chrétienne naît de la contemplation de ce visage, c’est une question d’amour, de rencontre quotidienne avec le Seigneur dans la Parole et dans le Pain de Vie, et dans le visage de l’autre, dans les nécessiteux en qui Jésus est présent. Tu nous l’as rappelé, Sœur Salvia, avec ton témoignage, merci ! Cela fait plus de 20 ans que tu es ici et tu as appris à dialoguer avec ce peuple : merci.

Durant ces trente un an de présence en Mongolie, vous, chers prêtres, consacrés et agents pastoraux, vous avez donné vie à une grande variété d’initiatives caritatives, qui absorbent la plus grande partie de vos énergies et reflètent le visage miséricordieux du Christ Bon Samaritain. Elles sont votre carte de visite qui vous a rendus respectés et estimés pour les nombreux bienfaits que vous avez apportés à tant de personnes dans différents domaines : de l’assistance à l’éducation, en passant par les soins de santé et la promotion culturelle. Je vous encourage à poursuivre sur cette voie féconde et bénéfique pour le bien-aimé peuple mongol. Des Gestes d’amour et des gestes de charité.

En même temps, je vous invite à goûter et à voir le Seigneur – goûter et voir le Seigneur –, je vous invite à revenir toujours à ce regard originel d’où tout est né. Sans lui, en effet, les forces s’épuisent et l’engagement pastoral risque de devenir une prestation de services stérile, dans une succession d’actions dues, qui finissent par ne plus rien transmettre d’autre que lassitude et frustration. Au contraire, en restant en contact avec le visage du Christ, en le scrutant dans les Écritures et en le contemplant dans un silence d’adoration – dans un silence d’adoration – devant le tabernacle, vous le reconnaîtrez sur les visages de ceux que vous servez et vous vous sentirez transportés par une joie intime qui, même dans les difficultés, laisse la paix au cœur. C’est de cela que nous avons besoin, aujourd’hui et toujours : non pas de personnes occupées et distraites qui réalisent des projets, au risque parfois de paraître amères face à une vie qui n’est certainement pas facile, non : le chrétien est celui qui est capable d’adorer, d’adorer en silence. Et puis, de cette adoration naît l’activité. Mais n’oubliez pas l’adoration. Nous avons un peu perdu le sens de l’adoration en ce siècle pragmatique : n’oubliez pas d’adorer et, de l’adoration, de faire les choses. Il faut revenir à la source, au visage de Jésus, à sa présence à savourer : c’est Lui notre trésor (cf. Mt 13, 44), la perle précieuse pour laquelle il vaut la peine de tout dépenser (cf. Mt 13, 45-46). Les frères et sœurs de Mongolie qui ont un sens prononcé du sacré et – comme c’est typiquement le cas sur le continent asiatique – une histoire religieuse riche et articulée, attendent de vous ce témoignage et savent en reconnaître l’authenticité. C’est un témoignage que vous devez donner, parce que l’Évangile ne croît pas par le prosélytisme, l’Évangile croît par le témoignage.

Le Seigneur Jésus, en envoyant les siens dans le monde, ne les a pas envoyés pour propager une pensée politique, mais pour témoigner par leur vie de la nouveauté de la relation avec son Père, devenu “notre Père” (cf. Jn 20, 17), déclenchant ainsi une fraternité concrète avec chaque peuple. L’Église, qui naît de ce mandat, est une Église pauvre, qui ne repose que sur une foi authentique, sur la puissance désarmante et désarmée du Ressuscité, capable de soulager les souffrances de l’humanité blessée. Voilà pourquoi les gouvernements et les institutions séculières n’ont rien à craindre de l’action évangélisatrice de l’Église, parce que celle-ci n’a pas d’agenda politique à poursuivre, mais ne connaît que la force humble de la grâce de Dieu et d’une Parole de miséricorde et de vérité, capable de promouvoir le bien de tous.

Pour accomplir cette mission, le Christ a doté son Église d’une structure qui rappelle l’harmonie qui existe entre les différents membres du corps humain : Il en est la Tête, c’est-à-dire la tête qui continue à la guider, en répandant dans le Corps, c’est-à-dire en nous, son propre Esprit, opérant surtout dans ces signes de vie nouvelle que sont les sacrements. Pour en garantir l’authenticité et l’efficacité, il a institué l’ordre sacerdotal, marqué par une association intime avec Lui, avec Lui qui est le Bon Pasteur qui donne sa vie pour son troupeau. Toi aussi, abbé Peter, tu as été appelé à cette mission : merci d’avoir partagé ton expérience avec nous. Ainsi, même le saint Peuple de Dieu qui est en Mongolie possède la plénitude des dons spirituels. Et dans cette perspective, je vous invite à voir dans l’évêque non pas un gestionnaire, mais l’image vivante du Christ Bon Pasteur qui rassemble et qui guide son peuple ; un disciple comblé du charisme apostolique pour édifier votre fraternité dans le Christ et l’enraciner toujours plus dans cette nation à la noble identité culturelle. Le fait que votre évêque soit un Cardinal se veut ainsi une expression supplémentaire de proximité : vous tous, éloignés seulement physiquement, vous êtes très proches du cœur de Pierre ; et toute l’Église est proche de vous, de votre communauté, qui est vraiment catholique, c’est-à-dire universelle, et qui attire la sympathie de tous vos frères et sœurs dispersés dans le monde entier vers la Mongolie, dans une grande communion ecclésiale.

Et j’insiste sur ce mot : communion. L’Église ne se comprend pas sur la base d’un critère purement fonctionnel : non, l’Église n’est pas une entreprise fonctionnelle, l’Église ne grandit pas par prosélytisme, comme je l’ai dit. L’Église est une autre chose. Le mot “communion” nous explique bien ce qu’est l’Église. Dans ce corps de l’Église, l’évêque n’agit pas comme modérateur des différentes composantes en s’appuyant éventuellement sur le principe de la majorité, mais en vertu d’un principe spirituel, selon lequel Jésus Lui-même se rend présent en la personne de l’évêque pour assurer la communion dans son Corps mystique. En d’autres termes, l’unité de l’Église n’est pas une question d’ordre ni de respect, ni une bonne stratégie pour “faire équipe” ; c’est une question de foi et d’amour envers le Seigneur, c’est une fidélité à Lui. C’est pourquoi il est important que toutes les composantes ecclésiales s’unissent autour de l’évêque, qui représente le Christ vivant au milieu de son peuple, en construisant cette communion synodale qui est déjà une annonce et qui aide tant à inculturer la foi.

Très chers missionnaires, goûtez et voyez le don que vous êtes, goûtez et voyez la beauté de vous donner entièrement au Christ qui vous a appelés à témoigner de son amour précisément ici en Mongolie. Continuez à le faire en cultivant la communion. Réalisez-le dans la simplicité d’une vie sobre, à l’imitation du Seigneur, qui est entré à Jérusalem sur le dos d’un âne et qui fut même dépouillé de ses vêtements sur la croix. Soyez toujours proches des personnes, avec cette proximité qui est l’attitude de Dieu : Dieu est proche, compatissant et tendre – proximité, compassion et tendresse. Soyez ainsi avec les personnes, en prenant soin d’eux personnellement, en apprenant leur langue, en respectant et en aimant leur culture, en ne vous laissant pas tenter par des certitudes mondaines, mais en demeurant fermes dans l’Évangile à travers une rectitude exemplaire de vie spirituelle et morale. Simplicité et proximité, donc, sans vous lasser d’apporter à Jésus les visages et les histoires que vous rencontrez, les problèmes et les préoccupations, en consacrant du temps à la prière quotidienne qui vous permet de vous tenir debout dans les fatigues du service et de puiser en « Dieu de qui vient tout réconfort » (2 Co 1, 3), l’espérance à déverser dans les cœurs de ceux qui souffrent.

Frères et sœurs, près du Seigneur, en effet, une certitude se renforce en nous, comme nous le révèle toujours le Psaume 34 : « Rien ne manque à ceux qui le craignent. […] qui cherche le Seigneur ne manquera d’aucun bien » (v. 10-11). Certes, les déséquilibres et les contradictions de la vie affectent aussi les croyants, et les évangélisateurs ne sont pas exemptés de ce poids d’inquiétude qui est propre à la condition humaine : le psalmiste ne craint pas de parler de la malice et des malfaiteurs, mais il rappelle que le Seigneur, devant le cri des humbles, « les délivre de toutes leurs angoisses », parce que « il est proche du cœur brisé » et que « il sauve l’esprit abattu » (vv. 18-19). C’est pourquoi l’Église se présente au monde comme une voix solidaire de tous les pauvres et de tous les nécessiteux, elle ne se tait pas face aux injustices et, avec douceur, elle s’engage à promouvoir la dignité de tout être humain.

Chers amis, sur ce chemin de disciples-missionnaires, vous avez un soutien sûr : notre Mère céleste, qui – cela m’a beaucoup plu de le découvrir ! – a voulu vous donner un signe tangible de sa présence discrète et bienveillante en permettant qu’une effigie d’elle soit retrouvée dans une décharge. Cette belle statue de l’Immaculée Conception est apparue dans un dépotoir : sans tache, préservée de tout péché, elle a voulu se faire proche au point d’être mêlée aux déchets de la société, de sorte que la pureté de la sainte Mère de Dieu, la Mère du Ciel, a émergé de la saleté des ordures. J’ai appris l’intéressante tradition mongole de la suun dalai ijii, la mère au cœur aussi grand qu’un océan de lait.Si, dans le récit de l’Histoire secrète des Mongols, une lumière descendue à travers l’ouverture supérieure de la ger féconde la mythique reine Alungoo, vous pouvez contempler dans la maternité de la Vierge Marie l’action de la lumière divine qui d’en haut accompagne chaque jour les avancées de votre Église.

En levant les yeux vers Marie, soyez donc rassurés, en voyant que la petitesse n’est pas un problème, mais un atout. Oui, Dieu aime la petitesse et aime accomplir de grandes choses à travers la petitesse, comme en témoigne Marie (cf. Lc 1, 48-49). Frères et sœurs, n’ayez pas peur du petit nombre, des succès qui tardent, de la valeur qui ne se manifeste pas. Ce n’est pas la voie de Dieu. Regardons Marie qui, dans sa petitesse, est plus grande que les cieux, parce qu’elle a accueilli en elle Celui que les cieux et les hauteurs des cieux ne peuvent contenir (cf. 1 R 8, 27). Frères et sœurs, confions-nous à elle, en lui demandant un zèle renouvelé, un amour ardent qui ne se lasse pas de témoigner joyeusement de l’Évangile. Et allez de l’avant, courageux, ne vous fatiguez pas d’aller de l’avant. Merci beaucoup pour votre témoignage. Lui, le Seigneur, vous a choisis et croit en vous ; je suis avec vous et de tout mon cœur je vous dis : merci ; merci pour votre témoignage, merci pour votre vie dépensée pour l’Évangile. Continuez ainsi, constants dans la prière, continuez créatifs dans la charité, continuez inébranlables dans la communion, joyeux et doux en tout et avec tous. Je vous bénis de tout cœur et je vous garde dans mes pensées. Et vous, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Me

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Rencontre avec les autorités, la société civile et le corps diplomatique : Discours de Sa Sainteté

Le pape François a prononcé son premier discours lors de sa visite apostolique en Mongolie le 2 septembre, à l’occasion d’une rencontre avec les autorités, la société civile et le corps diplomatique du pays. Il a exprimé l’espoir en se référant à un proverbe mongol « que les sombres nuages de la guerre passent, qu’ils soient balayés par la volonté ferme d’une fraternité universelle où les tensions sont résolues sur la base de la rencontre et du dialogue, et où les droits fondamentaux sont garantis à tous ! »

Voici le texte intégral:

Rencontre avec les autorités, la société civile et le corps diplomatique : Discours de Sa Sainteté

Salle “Ikh Mongol” du Palais d’État (Oulan-Bator)
Samedi 2 septembre 2023

 

Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Président du Grand Khoural d’État,
Monsieur le Premier Ministre,
distingués Membres du Gouvernement et du Corps diplomatique,
illustres Autorités civiles et religieuses,
éminents Représentants du monde de la culture,
Mesdames et Messieurs !

Je remercie le Président pour son accueil et pour les mots qu’il m’a adressés, et j’adresse à chacun de vous mes salutations cordiales. Je suis honoré d’être ici, heureux de m’être rendu dans ce pays fascinant et vaste, auprès de ce peuple qui connaît bien le sens et la valeur du chemin. C’est ce que révèlent ses habitations traditionnelles, les ger, de magnifiques maisons itinérantes. J’imagine entrer pour la première fois, avec respect et émotion, dans l’une de ces tentes circulaires qui parsèment la majestueuse terre mongole, afin de vous rencontrer et mieux vous connaître. Me voici donc à l’entrée, pèlerin de l’amitié, venu à vous sur la pointe des pieds et le cœur joyeux, désireux de m’enrichir humainement en votre présence.

Lorsqu’on entre dans la maison d’amis, il est beau de s’échanger des cadeaux, en les accompagnant de mots qui évoquent les précédentes occasions de rencontre. Et si les relations diplomatiques modernes entre la Mongolie et le Saint-Siège sont récentes – cette année marque le 30ème anniversaire de la signature d’une lettre visant à renforcer les relations bilatérales – bien plus loin dans le passé, il y a exactement 777 ans, entre la fin du mois d’août et le début du mois de septembre 1246, Fra Giovanni di Pian del Carpine, émissaire du Pape, rendit visite à Guyug, le troisième empereur mongol, et remit au Grand Khan la lettre officielle du Pape Innocent IV. Peu après, la lettre de réponse, marquée du sceau du Grand Khan en caractères mongols traditionnels, fut rédigée et traduite en plusieurs langues. Elle est conservée à la bibliothèque du Vatican et j’ai aujourd’hui l’honneur de vous en remettre une copie authentique, réalisée avec les techniques les plus avancées pour en garantir la meilleure qualité possible. Puisse-t-elle être le signe d’une amitié ancienne qui grandit et se renouvelle.

J’ai appris que de la porte de la ger, tôt le matin, les enfants de vos campagnes regardent l’horizon lointain pour compter le bétail et en rapporter le nombre à leurs parents. Il est bon pour nous aussi d’embrasser du regard le vaste horizon qui nous entoure, en dépassant l’étroitesse de vues et en nous ouvrant à une mentalité d’ampleur globale, comme nous y invitent les ger, qui, nées de l’expérience du nomadisme des steppes, se sont répandues sur un vaste territoire, devenant un élément d’identification des différentes cultures voisines. Les immenses espaces de vos régions, du désert de Gobi à la steppe, des grandes prairies aux forêts de conifères, jusqu’aux chaînes montagneuses de l’Altaï et du Khangaï, avec les innombrables boucles des cours d’eau qui, vues d’en haut, ressemblent à des décorations raffinées sur d’anciennes étoffes précieuses : tout cela est un miroir de la grandeur et de la beauté de la planète tout entière, appelée à être un jardin accueillant. Votre sagesse, la sagesse de votre peuple, accumulée au fil des générations d’éleveurs et d’agriculteurs prudents, toujours attentifs à ne pas perturber l’équilibre délicat de l’écosystème, a beaucoup à enseigner à ceux qui, aujourd’hui, ne veulent pas s’enfermer dans la poursuite d’un intérêt particulier à court terme, mais souhaitent léguer à la postérité une terre encore accueillante, une terre encore fertile. Ce qui, pour nous chrétiens, est la création, c’est-à-dire le fruit du dessein bienveillant de Dieu, vous nous aidez à le reconnaître et à le promouvoir avec délicatesse et attention, en contrecarrant les effets de la dévastation humaine par une culture de l’attention et de la prévoyance, qui se traduit par des politiques d’écologie responsable. Les ger sont des espaces de vie que l’on pourrait qualifier aujourd’hui de smart et de green, car elles sont adaptables, multifonctionnels et n’ont aucun impact sur l’environnement. En outre, la vision holistique de la tradition chamanique mongole et le respect de chaque être vivant, issus de la philosophie bouddhiste, représentent une contribution précieuse à l’engagement urgent et désormais incontournable en faveur de la protection de la planète Terre.

Les ger, présentes dans les zones rurales comme dans les centres urbains, témoignent également de la précieuse combinaison entre tradition et modernité ; elles réunissent, en effet, la vie des personnes âgées et des jeunes, racontant la continuité du peuple mongol qui, de l’Antiquité à nos jours, a su préserver ses racines en s’ouvrant, surtout au cours des dernières décennies, aux grands défis mondiaux que sont le développement et la démocratie. La Mongolie d’aujourd’hui, en effet, avec son vaste réseau de relations diplomatiques, son adhésion active aux Nations Unies, son engagement en faveur des droits de l’homme et de la paix, joue un rôle important au cœur du grand continent asiatique et sur la scène internationale. Je voudrais également souligner votre détermination à mettre fin à la prolifération nucléaire et à vous présenter au monde comme un pays exempt d’armes nucléaires : la Mongolie est non seulement une nation démocratique qui met en œuvre une politique étrangère pacifique, mais elle entend également jouer un rôle important pour la paix dans le monde. En outre – autre élément providentiel à mentionner – la peine capitale ne figure plus dans votre système judiciaire.

Grâce à leur adaptabilité aux extrêmes climatiques, les ger permettent de vivre dans des territoires très différents, comme ce fut le cas lors de l’épopée bien connue de l’empire mongol, celui qui a connu la plus vaste continuité territoriale de tous les temps – par ailleurs, j’arrive en Mongolie pour un anniversaire important pour vous, le 860ème de la naissance de Gengis Khan. Au cours des siècles, embrasser des terres lointaines et si diverses a mis en évidence la capacité peu commune de vos ancêtres à reconnaître les excellences des peuples qui composaient l’immense territoire impérial et à les mettre au service du développement commun. C’est un exemple à valoriser et à proposer de nouveau à notre époque. Plaise au Ciel que sur la terre, ravagée par trop de conflits, les conditions de ce qui fut autrefois la pax mongolica, c’est-à-dire l’absence de conflits, soient reproduites dans le respect des lois internationales encore aujourd’hui. Comme le dit l’un de vos proverbes, « les nuages passent, le ciel reste » : que les sombres nuages de la guerre passent, qu’ils soient balayés par la volonté ferme d’une fraternité universelle où les tensions sont résolues sur la base de la rencontre et du dialogue, et où les droits fondamentaux sont garantis à tous ! Ici, dans votre pays riche d’histoire et de ciel, implorons ce don d’En-Haut et travaillons ensemble à la construction d’un avenir de paix.

En entrant dans une ger traditionnelle, le regard est attiré vers le point central le plus élevé, où se trouve une fenêtre sur le ciel. Je voudrais insister sur cette attitude fondamentale que votre tradition nous aide à redécouvrir : savoir garder le regard fixé vers le haut. Lever les yeux vers le ciel – l’éternel ciel bleu que vous vénérez toujours – signifie rester dans une attitude d’ouverture docile aux enseignements religieux. Il y a en effet une profonde connotation spirituelle entre les fibres de votre identité culturelle et il est beau que la Mongolie soit un symbole de liberté religieuse. Dans la contemplation des horizons sans fin et peu peuplés d’êtres humains, s’est en effet affinée dans votre peuple une propension au spirituel, à laquelle on accède en valorisant le silence et l’intériorité. Face à l’autorité solennelle de la terre qui vous entoure avec ses innombrables phénomènes naturels, naît aussi un sentiment d’émerveillement, qui suggère humilité et sobriété, choix de l’essentiel et capacité de détachement de tout ce qui ne l’est pas. Je pense au danger que représente l’esprit de consommation qui, aujourd’hui, en plus de créer tant d’injustices, conduit à un individualisme oublieux des autres et des bonnes traditions que nous avons reçues. Les religions, en revanche, lorsqu’elles s’appuient sur leur patrimoine spirituel originel et ne sont pas corrompues par des déviances sectaires, sont en effet des soutiens fiables dans la construction de sociétés saines et prospères, où les croyants se dépensent afin que la coexistence civile et la planification politique soient toujours davantage au service du bien commun, en représentant également une barrière contre le dangereux virus de la corruption. Celui-ci constitue en tout point une menace sérieuse pour le développement de tout groupe humain, en se nourrissant d’une mentalité utilitariste et sans scrupules qui appauvrit des pays entiers. La corruption appauvrit des pays entiers. Il est révélateur d’un regard qui se détourne du ciel et fuit les vastes horizons de la fraternité, en se refermant sur lui-même et en faisant passer ses propres intérêts avant tout le reste.

Au contraire, beaucoup de vos premiers leaders furent des protagonistes d’un regard tourné vers le haut et d’une vision plus ample, faisant preuve d’une capacité peu commune à intégrer des voix et des expériences différentes, y compris du point de vue religieux. En effet, une attitude respectueuse et conciliante était également réservée aux nombreuses traditions sacrées, comme en témoignent les différents lieux de culte – dont un chrétien – préservés dans l’ancienne capitale Kharakhorum. C’est donc presque naturellement que vous êtes parvenus à la liberté de pensée et de religion, entérinée par votre Constitution actuelle ; après avoir surmonté, sans effusion de sang, l’idéologie athée qui croyait devoir éradiquer le sens religieux, le considérant comme un frein au développement, vous vous reconnaissez aujourd’hui dans cette valeur essentielle d’harmonie et de synergie entre croyants de différentes confessions, qui – chacun de son point de vue – contribuent au progrès moral et spirituel.

En ce sens, la communauté catholique mongole est heureuse de continuer à apporter sa propre contribution. Elle a commencé, il y a un peu plus de trente ans, à célébrer sa foi précisément à l’intérieur d’une ger et même la cathédrale actuelle, qui se trouve dans cette grande ville, en rappelle la forme. Ce sont des signes du désir de partager son œuvre, dans un esprit de service responsable et fraternel avec le peuple mongol, qui est son peuple. Je me réjouis donc que la communauté catholique, aussi petite et discrète soit-elle, participe avec enthousiasme et engagement à la croissance du pays, en diffusant la culture de la solidarité, la culture du respect de tous et la culture du dialogue interreligieux, et en œuvrant pour la justice, la paix et l’harmonie sociale. Je souhaite que, grâce à une législation clairvoyante et attentive aux besoins concrets, les catholiques locaux, aidés par des hommes et des femmes consacrés nécessairement provenant principalement d’autres pays, puissent toujours offrir sans difficulté leur contribution humaine et spirituelle à la Mongolie, au bénéfice de ce peuple. À cet égard, la négociation en cours pour la conclusion d’un accord bilatéral entre la Mongolie et le Saint-Siège représente un canal important pour atteindre ces conditions essentielles au déroulement des activités ordinaires dans lesquelles l’Église catholique est engagée. Parmi celles-ci, outre la dimension plus proprement religieuse du culte, se distinguent les nombreuses initiatives de développement humain intégral, déclinées également dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’assistance, de la recherche et de la promotion culturelle : elles témoignent bien de l’esprit humble, l’esprit fraternel et solidaire de l’Évangile de Jésus, unique voie que les catholiques sont appelés à suivre sur le chemin qu’ils partagent avec tous les peuples.

La devise choisie pour ce Voyage, « Espérer ensemble« , exprime précisément le potentiel inhérent à la marche avec l’autre, dans le respect mutuel et la synergie en vue du bien commun. L’Église catholique, institution ancienne et répandue dans presque tous les pays, témoigne d’une tradition spirituelle, d’une tradition noble et féconde qui a contribué au développement de nations entières dans de nombreux domaines de la vie humaine, de la science à la littérature, de l’art à la politique. Je suis certain que les catholiques mongols sont aussi et seront prêts à apporter leur contribution à la construction d’une société prospère et sûre, en dialogue et en collaboration avec toutes les composantes qui habitent cette grande terre bénie du ciel.

« Sois comme le ciel ». Par ces mots, un célèbre poète invitait à transcender le caractère éphémère des vicissitudes terrestres, en imitant la magnanimité inspirée précisément par l’immense et limpide ciel bleu qui se contemple en Mongolie. Nous aussi, aujourd’hui, pèlerins et invités dans ce pays qui peut tant offrir au monde, nous désirons répondre à cette invitation, en la traduisant en signes concrets de compassion, de dialogue et de projet commun. Puissent les différentes composantes de la société mongole, bien représentées ici, continuer à offrir au monde la beauté et la noblesse d’un peuple unique. Tout comme votre écriture, puissiez-vous ainsi rester « debout » et soulager tant de souffrances humaines autour de vous, en rappelant à tous la dignité de chaque être humain, appelé à habiter la maison terrestre en étreignant le ciel. Bayarlalaa ! [merci !].

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Audience générale du pape François – 30 août 2023

Statue de sainte Kateri Tekakwitha à la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré, Québec. Wikimedia Commons.

Le pape François reprend sa catéchèse sur le zèle évangélique en évoquant Sainte Kateri Tekakwitha, la première sainte autochtone d’Amérique du Nord. Il a souligné que « la vie de Kateri nous montre que chaque défi peut être surmonté si nous ouvrons nos cœurs à Jésus, qui nous accorde la grâce dont nous avons besoin. »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Maintenant, en poursuivant notre catéchèse sur le thème du zèle apostolique et la passion pour l’annonce de l’Évangile, nous regardons aujourd’hui Sainte Kateri Tékakwitha, première femme autochtone d’Amérique du Nord qui a été canonisée. Née vers l’an 1656 dans un village du nord de l’État de New York, elle était la fille d’un chef Mohawk non baptisé et d’une mère chrétienne Algonquienne, qui lui a appris à prier et à chanter des hymnes à Dieu. Beaucoup d’entre nous ont également été introduits au Seigneur pour la première fois au sein de la famille, en particulier par nos mères et nos grands-mères. C’est ainsi que commence l’évangélisation et, en effet, ne l’oublions pas, la foi est toujours transmise en dialecte par les mères, par les grands-mères. La foi doit être transmise en dialecte et nous l’avons reçue dans ce dialecte de nos mères et de nos grands-mères. L’évangélisation commence ainsi, souvent : par de petits gestes simples, comme des parents qui aident leurs enfants à apprendre à parler à Dieu dans la prière et leur racontent son amour grand et miséricordieux. Et les fondements de la foi pour Kateri, et autant pour nous aussi ont été posés de cette manière. Elle l’avait reçue de sa mère en dialecte, le dialecte de la foi.

Lorsque Kateri avait quatre ans, une grave épidémie de variole frappa son peuple. Ses parents et son jeune frère moururent et Kateri elle-même en garda des cicatrices sur le visage et des problèmes de vue. Dès lors, Kateri a dû faire face à de nombreuses difficultés : certes, des difficultés physiques dues aux effets de la variole, mais aussi des incompréhensions, des persécutions et même des menaces de mort qu’elle a subies après son baptême le dimanche de Pâques 1676. Tout cela a donné à Kateri un grand amour pour la croix, signe ultime de l’amour du Christ, qui s’est donné jusqu’au bout pour nous. Le témoignage de l’Évangile ne se limite pas en fait à ce qui plaît ; nous devons aussi savoir porter nos croix quotidiennes avec patience, confiance et espérance. La patience, face aux difficultés, aux croix : la patience est une grande vertu chrétienne. Celui qui n’a pas de patience n’est pas un bon chrétien. La patience de tolérer : tolérer les difficultés et aussi tolérer les autres, qui sont parfois ennuyeux ou qui vous mettent en difficulté … La vie de Kateri Tekakwitha nous montre que tout défi peut être surmonté si nous ouvrons le cœur à Jésus, qui nous accorde la grâce dont nous avons besoin : patience et cœur ouvert à Jésus, c’est une recette pour bien vivre.

Après avoir été baptisée, Kateri a dû se réfugier parmi les Mohawks dans la mission des jésuites près de la ville de Montréal. Là, elle assistait à la Messe tous les matins, passait du temps en adoration devant le Très Saint Sacrement, priait le Chapelet et menait une vie de pénitence. Ses pratiques spirituelles impressionnaient tous les membres de la mission, qui reconnurent en Kateri une sainteté qui attirait parce qu’elle provenait de son amour profond pour Dieu. Cela est le propre de la sainteté, d’attirer. Dieu nous appelle par attraction, il nous appelle avec ce désir d’être proche de nous et elle a ressenti cette grâce de l’attraction divine. En même temps, elle enseignait aux enfants de la Mission à prier et, par l’accomplissement constant de ses responsabilités, y compris le soin des malades et des personnes âgées, elle offrait un exemple de service humble et plein d’amour à Dieu et au prochain. La foi s’exprime toujours dans le service. La foi ne consiste pas à se maquiller, à maquiller son âme : non, elle consiste à servir.

Bien qu’elle ait été encouragée à se marier, Kateri désirait au contraire consacrer entièrement sa vie au Christ. Ne pouvant entrer dans la vie consacrée, elle émit le vœu de virginité perpétuelle le 25 mars 1679. Son choix révèle un autre aspect du zèle apostolique qu’elle avait : le don total au Seigneur. Certes, tous ne sont pas appelés à faire le même vœu que Kateri ; cependant, chaque chrétien est appelé chaque jour à s’engager avec un cœur sans partage dans la vocation et la mission que Dieu lui a confiées, en le servant Lui et en servant son prochain dans un esprit de charité.

Chers frères et sœurs, la vie de Kateri est un témoignage supplémentaire du fait que le zèle apostolique implique à la fois une union avec Jésus, nourrie par la prière et par les Sacrements, et le désir de répandre la beauté du message chrétien à travers la fidélité à sa vocation particulière. Les dernières paroles de Kateri sont très belles. Avant de mourir elle a dit : « Jésus, je t’aime ».

Nous aussi, en puisant notre force dans le Seigneur, comme l’a fait sainte Kateri Tekakwitha, apprenons à accomplir des actions ordinaires de manière extraordinaire et ainsi à grandir chaque jour dans la foi, la charité et le témoignage zélé du Christ.

Ne l’oublions pas : chacun de nous est appelé à la sainteté, à la sainteté quotidienne, à la sainteté de la vie chrétienne commune. Chacun de nous reçoit cet appel : poursuivons ce chemin. Le Seigneur ne nous abandonnera pas.

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APPEL

Après demain, 1er septembre, on célèbre la Journée Mondiale de Prière pour la Sauvegarde de la Création, inaugurant le « Temps de la Création » qui durera jusqu’au 4 octobre, fête de Saint François d’Assise. À cette date, j’ai l’intention de publier une exhortation, une seconde Laudato sì. Unissons-nous à nos frères et sœurs chrétiens dans l’engagement de prendre soin de la création comme un don sacré du Créateur. Nous devons nous tenir aux côtés des victimes de l’injustice environnementale et climatique et nous efforcer de mettre fin à la guerre insensée contre notre Maison commune. Je vous invite tous à travailler et à prier pour qu’elle regorge à nouveau de vie.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Audience générale du pape François – 23 août 2023

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François poursuit la  découverte de la passion pour l’annonce de l’Évangile en portant le regard sur la Guadalupe où la Vierge est apparue, habillée de vêtements des autochtones. À travers Marie, Dieu continue à s’incarner dans la vie des peuples. lle annonce Dieu dans la langue maternelle de ces personnes. 

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Sur notre chemin à la redécouverte de notre passion pour l’annonce de l’Evangile, pour voir comment le zèle apostolique, cette passion pour annoncer l’Evangile s’est développée dans l’histoire de l’Eglise, sur ce chemin, nous nous tournons aujourd’hui  vers les Amériques. Ici, l’évangélisation a une source toujours vivante: Guadalupe. C’est une source vivante. Les Mexicains sont contents!  Bien sûr, l’Evangile y était déjà parvenu avant ces apparitions, mais il avait malheureusement été aussi accompagné d’intérêts mondains. Au lieu du chemin de l’inculturation, on a trop souvent emprunté le raccourci de la transplantation et de l’imposition de modèles pré-constitués — européens, par exemple —, sans respect pour les peuples autochtones. La Vierge de Guadalupe, en revanche, apparaît vêtue des habits des autochtones, parle leur langue, accueille et aime la culture locale: Marie est Mère et sous son manteau chaque enfant trouve sa place. En Elle, Dieu s’est fait chair et, à travers Marie, il continue à s’incarner dans la vie des peuples. La Vierge, en effet, annonce Dieu dans la langue la plus appropriée, c’est-à-dire la langue maternelle. Oui, l’Evangile est transmis dans la langue maternelle. Et à nous aussi la Vierge parle dans une langue maternelle, celle que nous connaissons bien. Oui, l’Evangile se transmet dans la langue maternelle. Et je voudrais dire merci aux nombreuses mères et aux nombreuses grands-mères qui le transmettent à leurs enfants et petits-enfants: la foi passe avec la vie, c’est pourquoi les mères et les grands-mères sont les premières annonciatrices. Un applaudissement aux mères et aux grands-mères! Et l’Evangile se communique, comme le montre Marie, dans la simplicité: la Vierge choisit toujours des personnes simples, sur la colline de Tepeyac au Mexique comme à Lourdes et à Fatima: en leur parlant, elle parle à chacun, dans un langage adapté à tous, dans un langage compréhensible, comme celui de Jésus.

Arrêtons-nous donc sur le témoignage de saint Juan Diego, qui est le messager, c’est le garçon, c’est l’au-tochtone qui a reçu la révélation de Marie: le messager de la Vierge de Guadalupe. C’était une personne humble, un Indien du peuple: Sur lui, s’est posé le regard de Dieu, qui aime accomplir  des miracles à travers les petits. Juan Diego était venu à la foi déjà adulte et marié. En décembre 1531, il avait environ 55 ans. En chemin, il aperçoit sur une colline la Mère de Dieu, qui l’appelle tendrement, et comment la Vierge l’appelle-t-elle? «Mon petit fils bien-aimé Juanito» (Nican Mopohua, 23). Elle l’envoie ensuite auprès de l’évêque pour lui demander de construire un temple à l’endroit où elle était apparue. Juan Diego, simple et disponible, y va avec la générosité de son cœur pur, mais il doit attendre longtemps. Il parle enfin à l’évêque, mais on ne le croit pas. Parfois, nous évêques… Il rencontre à nouveau la Vierge, qui le console et lui demande d’essayer à nouveau. L’indien retourne auprès de l’évêque et, non sans grande difficulté, le rencontre, mais ce dernier, après l’avoir écouté, le renvoie et envoie des hommes le suivre. Voilà la difficulté, l’épreuve de l’annonce: malgré le zèle, arrivent les imprévus,  parfois de l’Eglise elle-même. Pour annoncer, en effet, il ne suffit pas de témoigner du bien, il faut pouvoir supporter le mal. N’oublions pas cela: c’est très important pour annoncer l’Evangile, il ne suffit pas de témoigner le bien, mais il faut savoir supporter le mal. Un chrétien fait le bien, mais il supporte le mal. Les deux choses vont ensemble, la vie est ainsi.  Aujourd’hui aussi, dans de nombreux endroits, l’inculturation de l’Evangile et l’évangélisation des cultures exigent persévérance et patience, il ne faut pas craindre les conflits, ni perdre confiance. Je pense à un pays où les chrétiens sont persécutés, parce qu’ils sont chrétiens et ne peuvent pas  pratiquer leur religion  bien et dans la paix. Juan Diego, découragé, parce que l’évêque le ren-voyait, demande à la Vierge de le dispenser et de nommer quelqu’un de plus estimé et plus capable que lui, mais il est invité à persévérer. Il y a toujours le risque d’une certaine capitulation dans l’annonce: une chose ne va pas et on fait marche arrière, en se décourageant et en se réfugiant peut-être dans ses propres certitudes, dans les petits groupes et dans quelques dévotions intimistes. La Vierge, au contraire, tout en nous consolant, nous fait avancer et ainsi, nous fait grandir, comme une bonne mère qui, tout en suivant les pas de son fils, le lance dans les défis du monde.

Juan Diego, ainsi encouragé, retourne auprès de l’évêque qui lui demande un signe. La Vierge le lui promet et le réconforte par ces mots: «Que ton visage et ton cœur ne se troublent pas: […] Ne suis-je pas ici, ta mère?» (ibid., 118-119). C’est beau cela, très souvent, comme nous sommes  en proie au découragement, à la tristesse, aux difficultés,  la Vierge nous le dit à nous aussi, dans le cœur: «Ne suis-je pas ici, moi qui suis ta mère?». Toujours proche pour nous réconforter, et nous donner la force d’aller de l’avant.  Elle lui demande ensuite d’aller cueillir des fleurs au sommet de  la colline aride. C’est l’hiver, mais Juan Diego en trouve de très belles, les met dans son manteau et les offre à la Mère de Dieu, qui l’invite à les apporter à l’évêque comme preuve. Il s’y rend, attend patiemment son tour et finalement, en présence de l’évêque, ouvre sa tilma  — qui est ce qu’utilisaient les autochtones pour se couvrir — il ouvre sa tilma  en montrant les fleurs et voici:  sur le tissu du manteau apparaît l’image de la Madone, la Vierge extraordinaire et vivante que nous connaissons tous, dans les yeux de laquelle les protagonistes de l’époque se reflètent encore. Voici la surprise de Dieu: quand il y a disponibilité et quand il y a  obéissance, Il peut accomplir quelque chose d’inattendu, en des temps et des manières que nous ne pouvons pas prévoir. C’est ainsi que le  sanctuaire demandé par la Vierge a été construit et qu’aujourd’hui, on peut le visiter.

Juan Diego quitte tout et, avec la permission de l’évêque, consacre sa vie au sanctuaire. Il accueille les pèlerins et les évangélise. C’est ce qui a lieu dans les sanctuaires mariaux, destinations de pèlerinage et  lieux d’annonce, où chacun se sent chez soi — parce que c’est la maison de la mère, c’est la maison de la mère — et éprouve la nostalgie de sa maison, c’est-à-dire  la nostalgie du lieu où se trouve la Mère, le Ciel. Là, la foi est accueillie de manière simple, la foi est accueillie de façon authentique, de façon populaire, et  la Vierge, comme elle l’a dit à Juan Diego, écoute nos pleurs et guérit nos peines (cf. ibid., 32). Apprenons cela: quand il y a des difficultés dans la vie, allons voir la Mère; et quand la vie est heureuse, allons voir la Mère pour partager cela également. Nous avons besoin de nous rendre dans ces oasis de consolation et de miséricorde, où la foi s’exprime dans la langue maternelle, où nous déposons les difficultés de la vie dans les bras de la Vierge et où nous retournons à la vie avec la paix dans le cœur, peut-être avec la paix des enfants.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Audience générale du pape François – Mercredi 9 Août 2023

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François poursuit sa catéchèse sur le voyage apostolique au Portugal à l’occasion des Journées Mondiales de la Jeunesse qui ont eu lieu du 1er au 6 août 2023.

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Ces derniers jours, je suis allé au Portugal pour les 37èmes Journées Mondiales de la Jeunesse.

Ces JMJ de Lisbonne, qui ont eu lieu après la pandémie, ont été ressenties par tous comme un don de Dieu qui a remis en mouvement les cœurs et les pas des jeunes, tant de jeunes de toutes les parties du monde – beaucoup – pour aller se rencontrer et rencontrer Jésus.

La pandémie, nous le savons bien, a gravement affecté les comportements sociaux : le confinement a souvent dégénéré en renfermement, et les jeunes ont été particulièrement touchés. Avec ces Journées Mondiales de la Jeunesse, Dieu a donné un coup de pouce dans la direction opposée : elles ont marqué un nouveau départ du grand pèlerinage des jeunes à travers les continents, au nom de Jésus-Christ. Et ce n’est pas un hasard si c’est arrivé à Lisbonne, une ville qui donne sur l’océan, une ville-symbole des grandes explorations maritimes.

C’est ainsi qu’aux Journées Mondiales de la Jeunesse, l’Évangile a proposé aux jeunes le modèle de la Vierge Marie. Au moment le plus critique pour elle, [Marie] va rendre visite à sa cousine Elisabeth. L’Evangile dit : « elle se leva et partit en hâte  » (Lc 1,39). J’aime beaucoup invoquer la Vierge sous cet aspect : la Vierge  » en hâte « , qui fait toujours les choses en hâte, jamais, elle ne nous fait attendre, parce qu’elle est la mère de tous. – Ainsi Marie aujourd’hui au troisième millénaire, guide le pèlerinage des jeunes à la suite de Jésus. Comme elle l’avait déjà fait il y a un siècle au Portugal, à Fatima, lorsqu’elle s’est adressée à trois enfants, leur confiant un message de foi et d’espérance pour l’Église et le monde. C’est pourquoi, dans les JMJ, je suis retourné à Fatima, sur le lieu de l’apparition, et avec quelques jeunes malades, j’ai prié Dieu pour qu’il guérisse le monde des maladies de l’âme : l’orgueil, le mensonge, l’inimitié, la violence – ce sont des maladies de l’âme et le monde est malade de ces maladies. Et nous avons renouvelé la consécration de nous-mêmes, de l’Europe, du monde au cœur de Marie, au Cœur Immaculé de Marie. J’ai prié pour la paix, parce qu’il y a beaucoup de guerres dans toutes les parties du monde, beaucoup.

Les jeunes du monde entier sont venus à Lisbonne en grand nombre et avec un grand enthousiasme. Je les ai également rencontrés en petits groupes, certains avec beaucoup de problèmes ; le groupe de jeunes Ukrainiens racontait des histoires qui étaient douloureuses. Ce n’était pas des vacances, ni un voyage touristique, ni même un événement spirituel en soi ; les Journées Mondiales de la Jeunesse sont une rencontre avec le Christ vivant à travers l’Église. Les jeunes vont à la rencontre du Christ. C’est vrai, là où il y a des jeunes, il y a de la joie et il y a un peu de tout cela.

Ma visite au Portugal, à l’occasion des JMJ, a bénéficié de l’ambiance festive de cette vague de jeunes. Je remercie Dieu pour cela, en pensant surtout à l’Église de Lisbonne qui, en retour du grand effort déployé pour l’organisation et l’accueil, recevra des énergies nouvelles pour continuer le nouveau chemin, pour jeter à nouveau les filets avec une passion apostolique. Les jeunes au Portugal sont déjà aujourd’hui une présence vitale, et maintenant, après cette « transfusion » reçue des Églises du monde entier, ils le seront encore plus. Et beaucoup de jeunes, sur le chemin du retour, sont passés par Rome, nous les apercevons aussi ici, il y en a qui ont participé à ces Journées. Les voici ! Là où il y a des jeunes, il y a du bruit, ils savent bien le faire !

Alors qu’en Ukraine et dans d’autres endroits du monde, on se combat, et que dans certaines salles cachées, on planifie la guerre – C’est malheureux cela, on planifie la guerre-, les JMJ ont montré à tous qu’un autre monde est possible : un monde de frères et sœurs, où les drapeaux de tous les peuples flottent ensemble, l’une à côté de l’autre, sans haine, sans peur, sans fermetures, sans armes ! Le message des jeunes a été clair : les « grands de la terre » l’entendront-ils ? Je me demande, entendront-ils cet enthousiasme juvénile en faveur de la paix ? C’est une parabole pour notre temps, et aujourd’hui encore, Jésus dit : « Que celui qui a des oreilles entende ! Que celui qui a des yeux regarde ! » Espérons que le monde entier entende ces Journées de la Jeunesse et regarde cette beauté des jeunes qui vont de l’avant.

Une fois de plus, j’exprime ma gratitude au Portugal, à Lisbonne, au Président de la République, qui a assisté à toutes les célébrations, et aux autres Autorités civiles ; au Patriarche de Lisbonne – qui a été brave-, au Président de la Conférence Épiscopale et à l’Évêque coordinateur des Journées Mondiales de la Jeunesse, à tous les collaborateurs et à tous les volontaires. Pensez aux volontaires – je suis allé les retrouver le dernier jour avant de rentrer – ils étaient 25 000 : ces Journées comptaient 25 000 volontaires ! Merci à tous ! Par l’intercession de la Vierge Marie, que le Seigneur bénisse les jeunes du monde entier et qu’il bénisse le peuple portugais. Prions ensemble la Madone, tous ensemble, pour qu’Elle bénisse le peuple portugais.

[Récitation de l’Ave Maria].

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

La visite apostolique du Saint-Père au Canada : Rétrospective un an après

Ottawa, le 26 juillet 2023 – Aujourd’hui, en la solennité liturgique des saints Anne et Joachim, nous nous souvenons qu’il y a un an, en juillet 2022, Sa Sainteté le pape François est venu parmi nous au Canada (son 37e voyage apostolique) pour entreprendre ce qu’il a appelé un « pèlerinage pénitentiel ». Cette visite pastorale très importante pour le Saint-Père, effectuée en communion avec la Conférence des évêques catholiques du Canada, a marqué une étape importante en vue de « marcher ensemble » dans les relations de l’Église avec les peuples autochtones, tant au Canada qu’à l’étranger. Après avoir parcouru plus de 8 000 km pour arriver au Canada, le pape François a parcouru 5 700 km à l’intérieur du pays, s’arrêtant à Edmonton, à Québec et à Iqaluit, où il a participé à sept événements au total.

Lors du discours de Sa Sainteté à Maskwacis, le pape François a déclaré : « Je suis ici parce que la première étape de ce pèlerinage pénitentiel au milieu de vous est celle de renouveler la demande de pardon et de vous dire, de tout mon cœur, que je suis profondément affligé : je demande pardon pour la manière dont, malheureusement, de nombreux chrétiens ont soutenu la mentalité colonisatrice des puissances qui ont opprimé les peuples autochtones. Je suis affligé. Je demande pardon, en particulier, pour la manière dont de nombreux membres de l’Église et des communautés religieuses ont coopéré, même à travers l’indifférence, à ces projets de destruction culturelle et d’assimilation forcée des gouvernements de l’époque, qui ont abouti au système des écoles résidentielles. »

En se rappelant de la visite apostolique, Mgr Raymond Poisson, président de la CECC, souligne son importance : « Au cours de ces journées passées avec le pape François au Canada, nous avons reconnu en lui la miséricorde du Seigneur qu’il nous a offerte. Nous avons constaté que la présence du Saint-Père lui avait demandé un grand effort personnel et physique, mais nous comprenions aussi toute l’importance de ses rencontres avec les peuples autochtones, qui représentent toujours l’expression vivante d’un effort mutuel – du Saint-Père et de l’Église au Canada – pour « marcher ensemble » et ouvrir de nouveaux horizons d’espérance au sein de nos communautés. »

Depuis la visite du Saint-Père, la Conférence des évêques catholiques du Canada a publié quatre lettres pastorales sur la réconciliation avec les peuples autochtones : aux Premières Nations, aux Inuits, aux Métis et au Peuple de Dieu. Conçues comme un point de référence pour l’engagement local auprès des peuples autochtones, ces lettres sont le fruit de plusieurs mois de rencontres avec les peuples autochtones au niveau diocésain ou régional, notamment dans le cadre des Cercles d’écoute organisés à travers le Canada, ainsi que de la Délégation autochtone au Vatican en avril 2022 et de la visite apostolique du pape François au Canada en juillet de la même année.

De plus, la CECC a mis sur pied le Fonds de réconciliation avec les Autochtones (FRA) afin de recevoir les dons de 73 diocèses et éparchies catholiques à travers le pays, conformément à son engagement de 30 millions de dollars sur cinq ans. Jusqu’à présent, le Fonds a recueilli plus d’un tiers de la promesse initiale (11 264 838 $) et est en bonne voie d’atteindre son objectif. À ce jour, plus de 50 projets ont reçu des subventions du FRA pour faire avancer les initiatives de guérison et de réconciliation. Le Fonds vise à soutenir des projets au niveau local, déterminés en collaboration avec des partenaires des Premières Nations, des Métis et des Inuits.

En mars dernier, le Dicastère pour la culture et l’éducation et le Dicastère pour le service du développement humain intégral ont publié une note conjointe sur le concept de « doctrine de la découverte ». Cette note conjointe, que la CECC a accueillie favorablement dans sa propre déclaration, rejette tout concept qui ne reconnaît pas les droits inhérents des peuples autochtones et exprime son soutien aux principes de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, notamment en ce qui a trait à l’amélioration des conditions de vie des peuples autochtones, à la protection de leurs droits et au soutien de leur autodéveloppement dans le respect de leur identité, de leur langue, de leur histoire et de leur culture. Un projet de symposium sur le sujet est présentement à l’étude.

En juin 2023, le Conseil permanent de la CECC a publié un guide pour aider les diocèses à élaborer leurs propres politiques diocésaines en ce qui a trait aux documents qu’ils pourraient détenir relativement aux Autochtones. Tel que promis lors de l’Assemblée plénière de 2022, ce guide tente, avec transparence et simplicité, d’aborder les processus parfois lourds d’identification et de demandes de documents.

Tournée vers l’avenir, tout en restant ancrée dans les riches discours pastoraux prononcés par le pape François lors de sa visite historique au Canada, une vidéo intitulée Visite papale au Canada, un an après, a été produite par l’archidiocèse d’Edmonton avec des réflexions du Cardinal Gérald Cyprien Lacroix, de Mgr Anthony Wieslaw Krotki, de Mgr Richard Smith et du chef Victor Buffalo de Maskwacis. La vidéo décrit la visite du pape François comme une étape historique sur le chemin de la guérison et de la réconciliation, tout en précisant que le travail et l’engagement se poursuivront. Elle montre que la visite du Saint-Père a également permis de rêver non seulement à l’idée, mais à la réalisation de la réconciliation.

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Contact média:

Maribel Mayorga 

Directrice des Communications
Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC)
communications@cecc.ca

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Audience générale du pape François – 28 juin 2023

Statue de Sainte Marie-de-la-Croix à la cathédrale Sainte Marie de Sydney. Wikimedia Commons.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a poursuivi sa catéchèse sur les saints exemples de zèle apostolique en évoquant la vie et la mission de sainte Marie MacKillop. Il a déclaré qu’« une caractéristique essentielle de son zèle pour l’Évangile était son souci des personnes pauvres et marginalisées », ce qui « poussait Marie à aller là où d’autres ne voulaient pas ou ne pouvaient pas aller », à savoir leur offrir une éducation catholique qui consiste à « accompagner et encourager les étudiants sur le chemin de la croissance humaine et spirituelle, en leur montrant combien l’amitié avec Jésus ressuscité élargit le cœur et rend la vie plus humaine. »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui nous devons faire preuve d’un peu de patience avec cette chaleur ! Merci d’être venus par cette chaleur, par ce soleil, merci beaucoup de votre visite !

Dans cette série de catéchèses sur le zèle apostolique, nous allons à la rencontre de quelques figures exemplaires d’hommes et de femmes de tous temps et lieux, qui ont donné leur vie pour l’Évangile. Aujourd’hui, nous allons loin en Océanie, un continent composé de nombreuses îles, grandes et petites. La foi au Christ, que tant d’émigrants européens ont apportée sur ces terres, s’est rapidement enracinée et a porté des fruits abondants (cf. Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Oceania, n. 6). Parmi eux se trouve une religieuse extraordinaire, Sainte Mary MacKillop (1842-1909), fondatrice des Sœurs de Saint-Joseph du Sacré-Cœur, qui a consacré sa vie à la formation intellectuelle et religieuse des pauvres dans les régions rurales d’Australie.

Mary MacKillop naît près de Melbourne de parents écossais émigrés en Australie. Jeune fille, elle se sentit appelée par Dieu à le servir et à témoigner de lui, non seulement par des mots, mais surtout par une vie transformée par la présence de Dieu (cf. Evangelii gaudium, 259). Comme Marie Madeleine, qui, en premier rencontra Jésus ressuscité et fut envoyée par Lui pour porter l’annonce aux disciples, Mary était convaincue qu’elle aussi était envoyée pour répandre la Bonne Nouvelle et attirer d’autres personnes à la rencontre du Dieu vivant.

En lisant avec sagesse les signes des temps, elle comprit que le meilleur moyen d’y parvenir était à travers l’éducation des jeunes, considérant que l’éducation catholique est une forme d’évangélisation. C’est une excellente forme d’évangélisation. Ainsi, si l’on peut dire que « chaque saint est une mission ; il est un projet du Père pour refléter et incarner, à un moment déterminé de l’histoire, un aspect de l’Évangile » (Exhortation apostolique Gaudete et exsultate, 19), Mary MacKillop l’a été surtout à travers la fondation d’écoles.

Une caractéristique essentielle de son zèle pour l’Évangile était son souci des personnes pauvres et marginalisées. Et ceci est très important : sur le chemin de la sainteté, qui est le chemin chrétien, les pauvres et les marginaux sont les protagonistes et une personne ne peut pas avancer dans la sainteté si elle ne se consacre pas aussi à eux, d’une manière ou d’une autre. Eux, qui ont besoin de l’aide du Seigneur, portent la présence du Seigneur. J’ai lu un jour une phrase qui m’a frappé : « Le protagoniste de l’histoire est le mendiant : les mendiants sont ceux qui attirent l’attention sur l’injustice, qui est la grande pauvreté du monde » ; l’argent est dépensé pour fabriquer des armes et non pour produire des repas… Et n’oubliez pas : il n’y a pas de sainteté si, d’une manière ou d’une autre, on ne prend pas soin des pauvres, des indigents, de ceux qui sont un peu en marge de la société. Ce soin des pauvres et des marginaux poussait Mary à aller là où d’autres ne voulaient pas ou ne pouvaient pas aller. Le 19 mars 1866, jour de la fête de Saint Joseph, elle ouvrit la première école dans une petite banlieue dans le sud de l’Australie. De nombreuses autres suivirent, qu’elle et ses sœurs fondèrent dans les communautés rurales d’Australie et de Nouvelle-Zélande. Elles se sont multipliées, parce que le zèle apostolique fait ceci : il multiplie les œuvres.

Mary MacKillop était convaincue que le but de l’éducation est le développement intégral de la personne, à la fois comme individu et comme membre de la communauté, et que cela exige sagesse, patience et charité de la part de chaque enseignant. En effet, l’éducation ne consiste pas à remplir la tête d’idées : non, il ne s’agit pas seulement de cela. En quoi consiste l’éducation ? Il s’agit d’accompagner et d’encourager les étudiants sur le chemin de la croissance humaine et spirituelle, en leur montrant combien l’amitié avec Jésus ressuscité élargit le cœur et rend la vie plus humaine. Éduquer, c’est aider à bien penser, à bien comprendre – le langage du cœur – et à bien agir – le langage des mains. Cette vision est pleinement d’actualité aujourd’hui, où nous ressentons le besoin d’un « pacte éducatif » capable d’unir les familles, les écoles et la société dans son ensemble.

Le zèle de Mary MacKillop pour la diffusion de l’Évangile parmi les pauvres l’a également conduite à entreprendre plusieurs autres œuvres caritatives, à commencer par la  » Maison de la Providence  » ouverte à Adélaïde pour accueillir les personnes âgées et les enfants abandonnés. Mary avait une grande foi en la Providence de Dieu : elle a toujours été convaincue que, en toutes circonstances, Dieu pourvoyait à tout. Mais cela ne lui épargnait pas les angoisses et les difficultés liées à son apostolat, et Mary avait de bonnes raisons pour cela : il fallait payer les factures, traiter avec les évêques et les prêtres locaux, gérer les écoles et veiller à la formation professionnelle et spirituelle de ses sœurs ; et, plus tard, les problèmes de santé. Malgré tout, elle est restée calme, portant patiemment la croix qui fait partie intégrante de la mission.

Un jour, en la fête de l’Exaltation de la Croix, Marie a dit à l’une de ses consœurs : « Ma fille, depuis de nombreuses années, j’ai appris à aimer la Croix ». Elle n’a pas baissé les bras dans les moments d’épreuve et d’obscurité, lorsque sa joie était assombrie par l’opposition, le rejet. Vous voyez : tous les saints ont été confrontés à des oppositions, même au sein de l’Église. C’est curieux. Elle aussi, elle en a rencontré. Elle restait convaincue que même lorsque le Seigneur lui donnait « le pain de l’affliction et l’eau de la tribulation » (Is 30,20), le Seigneur lui-même aurait vite répondu à son cri et l’aurait entourée de sa grâce. Cela est le secret du zèle apostolique : la relation permanente avec le Seigneur.

Frères et sœurs, que la vie de disciple missionnaire de Sainte Mary MacKillop, sa réponse créative aux besoins de l’Église de son temps, son engagement dans la formation intégrale des jeunes nous inspirent tous aujourd’hui, nous qui sommes appelés à être ferment de l’Évangile dans nos sociétés en mutation rapide. Que son exemple et son intercession soutiennent le travail quotidien des parents, des enseignants, des catéchistes et de tous les éducateurs, pour le bien des jeunes et pour un avenir plus humain et plein d’espoir.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Saint Paul VI, pape du dialogue élu il y a 60 ans

Le pape Paul VI avec le cardinal Albino Luciani, le futur Jean-Paul Ier. Wikimedia Commons.

Qui est Paul VI et pourquoi est-ce qu’il est important pour nous aujourd’hui ? Canonisé en 2018, Paul VI a été élu pape il y a 60 ans, le 21 juin 1963. C’était en plein milieu du Concile Vatican II, qui avait été convoquée par le pape Jean XXIII. C’est Jean XXIII qui a eu l’intuition de lancer un concile pour ouvrir les fenêtres de l’Église, pour que l’Église puisse mieux accomplir sa mission dans le monde aujourd’hui. Malheureusement, Jean XXIII est décédé quelques mois après le début du concile. Il revenait à son successeur de prendre sa suite. De fait, le nouveau pape aurait même pu arrêter le concile ou changer de direction. Paul VI a choisi tout de suite de continuer l’élan du concile et de porter ses travaux à terme. Avec Jean XXIII, il est alors « le pape du Concile » qui a travaillé ardemment pour le renouveau de l’Église dans le monde moderne. 

Giovanni Battista Montini en mille huit-cent quatre-vingts dix-sept près de Brescia dans le nord de l’Italie, il a été diplomate du Vatican en Pologne, aumônier universitaire à Rome, adjoint au Secrétaire d’État du Vatican et bras droit du pape Pie XII, avant d’être nommé archevêque de Milan, sa dernière mission avant d’être élu pape. 

Sa première encyclique, Ecclesiam Suam, qui se traduit par « Son Église » c’est-à-dire l’Église du Christ, était un fort appel au dialogue. C’était le moment où l’Église s’ouvrait au terrain peu connu et tout nouveau du dialogue avec d’autres chrétiens en dehors de l’Église catholique et avec d’autres religions telles que le judaïsme, l’islam, le bouddhisme, l’hindouisme. Les voyages de Paul VI montrent bien son ouverture au monde et aux autres traditions religieuses. Il a été le premier pape à visiter la Terre Sainte, où il a rencontré le patriarche Athénagoras. Tous les deux, ils ont enlevé les excommunications mutuelles entre l’Église orthodoxe et l’Église catholique, un grand moment pour l’œcuménisme. 

Paul VI a été également le premier pape à voyager en avion, allant à New York au siège des Nations unies pour plaidoyer pour la paix dans les années tendues de la Guerre froide. Ayant lui-même vécu les deux guerres mondiales, il a déclaré à l’ONU : « Jamais plus la guerre, jamais plus la guerre ! C’est la paix, la paix, qui doit guider le destin des peuples et de toute l’humanité ! » Il est aussi allé en Inde pour rencontrer la diversité culturelle et religieuse du pays dans un esprit de dialogue et de fraternité. 

Paul VI a également souligné la joie de la vie chrétienne, sur lequel il a écrit son exhortation Gaudete in Domino, « Réjouissez-vous dans le Seigneur ! » Son exhortation Evangelii Nuntiandi, « Pour annoncer l’Évangile » est une boussole pour l’évangélisation qui peut nous inspirer encore aujourd’hui, afin de témoigner au Christ dans le monde contemporain. « L’Église existe pour évangéliser », a-t-il dit, à nous de trouver des moyens les plus féconds de répandre la saveur de l’Évangile dans chaque culture et dans chaque époque.  

Paul VI a donné à l’Église « un magistère de la main tendue », comme celle du Bon Samaritain, signe de l’ouverture à l’autre, au dialogue, à la solidarité et à la fraternité. Paul VI croyait profondément que l’Église a quelque chose à recevoir des diverses cultures du monde, qu’il vaut mieux être en solidarité plutôt qu’en conflit, et que Dieu se révèle à nous à travers nos relations avec ceux qui sont différents de nous. Lisons ses documents et inspirons-nous de ses enseignements afin de renouveler notre mission aujourd’hui.

De nos jours, le pape François a repris le flambeau de Paul VI, proposant à l’Église d’être en sortie à la rencontre de tous et de toutes, pour partager la joie du Christ et accomplir la mission que Dieu nous confie au service de la grande famille humaine

Saint Paul VI, pape du dialogue, priez pour nous. 

Audience générale du pape François – 7 juin 2023

Statue de Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus par Louis Richomme, crypte Basilique de Sainte-Thérèse à Lisieux

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François poursuit l’itinéraire sur le zèle apostolique du croyant et s’adresse au public devant les reliques de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, patronne des missions.

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bienvenus, bonjour !

Nous voici devant les reliques de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, patronne universelle des missions. Il est beau que cela se produise durant le moment de notre réflexion sur la passion pour l’évangélisation, sur le zèle apostolique. Aujourd’hui, donc, laissons-nous aider par le témoignage de Sainte Thérèse. Elle est née il y a 150 ans et, à l’occasion de cet anniversaire, j’ai l’intention de lui dédier une Lettre Apostolique.

Elle est la patronne des missions, bien qu’elle ne soit jamais partie en mission : comment explique-t-on cela ? Elle était carmélite et sa vie fut marquée par la petitesse et la faiblesse : elle se définissait elle-même comme « un petit grain de sable ». De santé fragile, elle mourut à l’âge de 24 ans seulement. Mais si son corps était infirme, son cœur était vibrant, était missionnaire. Dans son « diaire », elle raconte qu’être missionnaire était son désir et qu’elle voulait l’être non seulement pour quelques années, mais pour le reste de sa vie, voire jusqu’à la fin du monde. Thérèse fut la « sœur spirituelle » de plusieurs missionnaires : depuis le monastère, elle les accompagnait par ses lettres, ses prières et en offrant pour eux des sacrifices continuels. Sans en avoir l’air, elle intercédait pour les missions, cachée comme un moteur qui donne au véhicule la force pour avancer. Cependant, elle fut souvent incomprise par ses sœurs moniales : elle reçut d’elles « plus d’épines que de roses », mais elle accepta tout avec amour, avec patience, offrant, en même temps que sa maladie, les jugements et les incompréhensions. Et elle le fit avec joie, et elle le fit pour les besoins de l’Église, afin que, comme elle disait, se répandent « des roses sur tous », en particulier sur les plus éloignés.

Mais maintenant, je me demande, nous pouvons nous demander, d’où lui viennent ce zèle, cette force missionnaire et cette joie d’intercéder ? Deux épisodes survenus avant l’entrée de Thérèse au monastère nous aident à le comprendre. Le premier concerne le jour qui changea sa vie – un jour lui a changé la vie -, Noël 1886, où Dieu opère un miracle dans son cœur. Thérèse aura bientôt 14 ans. En tant que benjamine, elle est choyée par tout le monde à la maison mais non pas mal éduquée. Au retour de la messe de minuit, son père, très fatigué, n’a pas envie d’assister à l’ouverture des cadeaux de sa fille et dit : « Dieu merci, c’est la dernière année ! », parce qu’à l’âge de 15 ans, on ne le faisait déjà plus. Thérèse, de nature très sensible et prompte aux larmes, en fut blessée, monta dans sa chambre et pleura. Mais elle réprima rapidement ses larmes, redescendit et, pleine de joie, ce fut elle qui réjouit ainsi son père. Que s’est-il donc passé ? Cette nuit-là, alors que Jésus s’était fait faible par amour, elle était devenue forte dans son âme – un vrai miracle :  en quelques instants, elle était sortie de la prison de son égoïsme et de son apitoiement sur elle-même et elle commença à sentir que « la charité entrait dans son cœur- c’est ce qu’elle dit-, avec le besoin de s’oublier elle-même » (cf. Manuscrit A, 133-134). Dès lors, elle oriente son zèle vers les autres, pour qu’ils trouvent Dieu, et au lieu de chercher des consolations pour elle-même, elle se donne pour tâche de « consoler Jésus, [de] le faire aimer des âmes », car – note Thérèse – « Jésus est malade d’amour et […] la maladie de l’amour ne peut être guérie que par l’amour » (Lettre à Marie Guérin, juillet 1890). Voilà donc son objectif quotidien : « faire aimer Jésus » (Lettre à Céline, 15 octobre 1889), intercéder pour que les autres puissent l’aimer. Elle écrit : « Je voudrais sauver les âmes et m’oublier pour elles : je voudrais les sauver même après ma mort » (Lettre à l’abbé Roullan, 19 mars 1897). Plusieurs fois, elle dira : « Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre ». C’est le premier épisode qui a changé sa vie à l’âge de 14 ans.

Et son zèle était surtout dirigé vers les pécheurs, vers les « éloignés ». C’est ce que révèle le second épisode. C’est intéressant : Thérèse apprend l’existence d’un criminel condamné à mort pour des crimes horribles, il se nommait Enrico Pranzini – elle écrit le nom : reconnu coupable du meurtre brutal de trois personnes, il est destiné à la guillotine, mais ne veut pas recevoir les réconforts de la foi. Thérèse le prend à cœur et fait tout ce qu’elle peut : elle prie de toutes les manières pour sa conversion, afin que celui qu’elle appelle avec une compassion fraternelle « le pauvre Pranzini » ait un petit signe de repentir et fasse place à la miséricorde de Dieu, en qui Thérèse voue une confiance aveugle. L’exécution a lieu. Le lendemain, Teresa lit dans le journal que Pranzini, juste avant de poser sa tête sur l’échafaud, « soudain, saisi d’une inspiration subite, se retourne, saisit un Crucifix que le prêtre lui présentait et baise trois fois les plaies saintes » de Jésus. La sainte commente : « Alors son âme alla recevoir la sentence miséricordieuse de Celui qui a déclaré qu’au Ciel il y a plus de joie pour un seul pécheur qui fait pénitence que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de pénitence ! » (Manuscrit A, 135).

Frères et sœurs, voilà la force de l’intercession mue par la charité, voilà le moteur de la mission. Les missionnaires, en effet, dont Thérèse est la patronne, ne sont pas seulement ceux qui parcourent de longues distances, apprennent de nouvelles langues, font de bonnes œuvres et sont doués pour l’annonce ; non, missionnaire l’est aussi celui qui vit, là où il se trouve, comme instrument de l’amour de Dieu ; c’est celui qui fait tout pour que, par son témoignage, sa prière, son intercession, Jésus soit manifesté. Et c’est le zèle apostolique qui, rappelons-le toujours, ne procède jamais par prosélytisme – jamais ! – ou par contrainte– jamais ! -, mais par attraction : la foi nait par attraction, on ne devient pas chrétien parce qu’on y est forcé par quelqu’un, non, mais parce qu’on est touché par l’amour. Avant tant de moyens, de méthodes et de structures, qui parfois détournent de l’essentiel, l’Église a surtout besoin de cœurs comme celui de Thérèse, de cœurs qui attirent à l’amour et rapprochent de Dieu. Et demandons à la sainte – nous avons les reliques ici – demandons à la sainte la grâce de surmonter notre égoïsme et demandons la passion d’intercéder, d’intercéder pour que cet attrait soit plus grand chez les gens et pour que Jésus soit connu et aimé.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

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