Audience générale du pape François – mercredi 29 novembre 2023

Détail de la peinture murale The Word of Life, Theodore Hesburgh Library, University of Notre Dame. Wikimedia Commons.

Au cours de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a réfléchi sur l’évangélisation et sur l’inculturation à l’heure actuelle. Il a déclaré que « Jésus ne peut être annoncé qu’en habitant la culture de son temps, et en prenant toujours à cœur les paroles de l’apôtre Paul sur le présent : Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut » (2 Corinthiens 6:2).

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs,

La dernière fois, nous avons vu que l’annonce chrétienne est joie et qu’elle est pour tous ; observons aujourd’hui, un troisième aspect : elle est pour l’aujourd’hui.

On entend presque toujours dire du mal de l’aujourd’hui. Certes, entre guerres, changements climatiques, injustices planétaires et migrations, crises de la famille et de l’espérance, les motifs d’inquiétude ne manquent pas. En général, l’époque actuelle semble être habitée par une culture qui place l’individu au-dessus de tout et la technologie au centre de tout, avec sa capacité à résoudre de nombreux problèmes et ses gigantesques progrès dans tant de domaines. Mais en même temps, cette culture du progrès technico-individuel conduit à l’affirmation d’une liberté qui ne veut pas se donner de limites et qui est indifférente à ceux qui restent en arrière. Elle livre ainsi les grandes aspirations humaines à la logique souvent vorace de l’économie, avec une vision de la vie qui écarte ceux qui ne produisent pas et peine à dépasser l’immanent. Nous pourrions même dire que nous nous trouvons dans la première civilisation de l’histoire qui tente globalement d’organiser une société humaine sans la présence de Dieu, en se concentrant dans d’immenses villes qui restent horizontales même si elles ont des gratte-ciels vertigineux.

L’on se rappelle l’histoire de la ville de Babel et de sa tour (cf. Gn 11, 1-9). On y raconte un projet de société où chaque individualité est sacrifiée à l’efficacité de la collectivité. L’humanité parle une seule langue – nous pourrions dire qu’elle a une « pensée unique » -, elle est comme enveloppée dans une sorte de sortilège général qui absorbe l’unicité de chacun dans une bulle d’uniformité. Alors Dieu confond les langues, c’est-à-dire qu’il rétablit les différences, recrée les conditions pour que l’unicité puisse se développer, fait revivre le multiple là où l’idéologie voudrait imposer l’unique. Le Seigneur détourne aussi l’humanité de son délire de la toute-puissance : « faisons-nous un nom », disent les habitants exaltés de Babel (v. 4), qui veulent s’élever jusqu’au ciel, se mettre à la place de Dieu. Mais ce sont là des ambitions dangereuses, aliénantes, destructrices, et le Seigneur, en confondant ces attentes, protège l’humanité, en évitant une catastrophe annoncée. Ce récit semble vraiment d’actualité : aujourd’hui encore, la cohésion, au lieu de la fraternité et de la paix, est souvent basée sur l’ambition, les nationalismes, l’homologation et les structures technico-économiques qui inculquent la persuasion que Dieu soit insignifiant et inutile : non pas tant parce que l’on cherche plus de savoir, mais surtout pour plus de pouvoir. C’est une tentation qui s’insinue dans les grands défis de la culture d’aujourd’hui.

Dans Evangelii gaudium, j’ai essayé de décrire certaines d’entre elles (cf. n. 52-75), mais j’ai surtout appelé à « une évangélisation qui éclaire les nouvelles manières de se mettre en relation avec Dieu, avec les autres et avec l’environnement, et qui suscite les valeurs fondamentales. Il est indispensable d’arriver là où se forment les nouveaux récits et paradigmes, d’atteindre avec la Parole de Jésus les éléments centraux les plus profonds de l’âme de la ville. » (n. 74). En d’autres termes, on ne peut annoncer Jésus qu’en habitant la culture de son temps et en ayant toujours à l’esprit les paroles de l’apôtre Paul sur l’aujourd’hui : « Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut » (2 Co 6,2). Il n’est donc pas nécessaire d’opposer à l’aujourd’hui des visions alternatives provenant du passé. Il ne suffit pas non plus de réaffirmer des convictions religieuses acquises qui, même si elles sont vraies, deviennent abstraites avec le temps. Une vérité ne devient pas plus crédible parce que l’on élève la voix en l’affirmant, mais parce qu’elle est attestée par la vie.

Le zèle apostolique n’est jamais la simple répétition d’un style acquis, mais le témoignage que l’Évangile est vivant aujourd’hui pour nous. Conscients de cela, regardons donc notre époque et notre culture comme un don. Elles sont les nôtres et les évangéliser ne signifie pas les juger de loin, ni même se tenir sur un balcon en criant le nom de Jésus, mais descendre dans la rue, aller dans les lieux où les gens vivent, fréquenter les espaces où les gens souffrent, travaillent, étudient et réfléchissent, habiter les carrefours où les êtres humains partagent ce qui a du sens pour leur vie. Cela signifie être, comme Église, « ferment de dialogue, de rencontre, d’unité. Du reste, nos formulations de foi elles- mêmes sont le fruit d’un dialogue et d’une rencontre entre cultures, communautés et instances différentes. Nous ne devons pas avoir peur du dialogue : c’est même au contraire la confrontation et la critique qui nous aident à préserver la théologie d’une transformation en idéologie » (Discours à la Ve conférence nationale de l’Église italienne, Florence, 10 novembre 2015).

Il est nécessaire de se tenir aux carrefours de l’aujourd’hui. Les quitter appauvrirait l’Évangile et réduirait l’Église à une secte. Les fréquenter, en revanche, nous aide, nous chrétiens, à comprendre de manière renouvelée les raisons de notre espérance, à extraire et à partager du trésor de la foi « du neuf et de l’ancien » (Mt 13, 52). En définitive, plus que de vouloir convertir le monde d’aujourd’hui, il faut convertir la pastorale pour qu’elle incarne mieux l’Évangile dans l’aujourd’hui (cf. Evangelii gaudium, 25). Faisons nôtre le désir de Jésus : aider les compagnons de voyage à ne pas perdre le désir de Dieu, à Lui ouvrir le cœur et à trouver le seul qui, aujourd’hui et toujours, donne la paix et la joie à l’humanité.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Message du Saint-Père François pour la 38ème journée mondiale de la jeunesse

Les délégués canadiens accompagnés par le cardinal Lacroix pour la messe d’ouverture des Journées mondiales de la jeunesse à Lisbonne en 2023. Photo © Sel + Lumière Média, 2023.

MESSAGE DU SAINT-PÈRE FRANÇOIS
POUR LA 38ème JOURNÉE MONDIALE DE LA JEUNESSE

26 novembre 2023

Joyeux dans l’espérance (cf. Rm 12, 12)

Voici le texte intégral:

Chers jeunes,

en août dernier, j’ai rencontré des centaines de milliers de vos semblables, venus du monde entier à Lisbonne pour les Journées Mondiales de la Jeunesse. Au temps de la pandémie, dans les nombreuses incertitudes, nous avions nourri l’espérance que cette grande célébration de la rencontre avec le Christ et avec d’autres jeunes pourrait voir le jour. Cette espérance s’est réalisée et, pour beaucoup d’entre nous qui étions présents, et moi aussi, elle a dépassé toutes les attentes ! Que notre rencontre à Lisbonne a été belle ! Une véritable expérience de transfiguration, une explosion de lumière et de joie !

À la fin de la messe de clôture au “Champ de la grâce”, j’ai indiqué la prochaine étape de notre pèlerinage intercontinental : Séoul, en Corée, en 2027. Mais auparavant, je vous ai donné rendez-vous à Rome, en 2025 pour le Jubilé des jeunes, où vous serez également des “pèlerins de l’espérance”.

Vous, les jeunes, vous êtes en effet la joyeuse espérance d’une Église et d’une humanité toujours en marche. Je voudrais vous prendre par la main et parcourir avec vous le chemin de l’espérance. Je voudrais parler avec vous de nos joies et de nos espérances, mais aussi des tristesses et des angoisses de nos cœurs et de l’humanité souffrante (cf. Const. past. Gaudium et spes, n. 1). Au cours de ces deux années de préparation au Jubilé, nous méditerons d’abord sur l’expression paulinienne « Joyeux dans l’espérance » (cf. Rm 12, 12), puis nous approfondirons celle du prophète Isaïe : « Ceux qui mettent leur espérance dans le Seigneur […] marchent sans se fatiguer » (Is 40, 31).

D’où provient cette joie ?

« Ayez la joie de l’espérance » (Rm 12, 12) est une exhortation de saint Paul à la communauté de Rome qui se trouve dans une période de grave persécution. En réalité, la “joie de l’espérance” prêchée par l’Apôtre jaillit du mystère pascal du Christ, de la puissance de sa résurrection. Elle n’est pas le fruit de l’effort humain, de l’ingéniosité ni du savoir-faire. Elle est la joie qui découle de la rencontre avec le Christ. La joie chrétienne vient de Dieu lui-même, du fait que nous nous savons aimés de Lui.

Benoît XVI, réfléchissant à l’expérience qu’il avait vécue lors des Journées Mondiales de la Jeunesse à Madrid, en 2011, demandait : la joie, « d’où vient-elle ? Comment s’explique-t-elle ? Il y a certainement de nombreux facteurs qui agissent ensemble. Mais celui qui est décisif est […] la certitude qui provient de la foi : je suis voulu. J’ai une mission dans l’histoire. Je suis accepté, je suis aimé ». Et il précise : « En fin de compte, nous avons besoin d’un accueil inconditionnel. C’est seulement si Dieu m’accueille et que j’en deviens sûr, que je sais définitivement : il est bien que j’existe. […] Il est bien d’exister comme personne humaine, même dans des temps difficiles. La foi rend heureux à partir de l’intérieur » (Discours à la Curie romaine, n. 22 décembre 2011).

Où est mon espérance ?

La jeunesse est une période pleine d’espoirs et de rêves, nourris par les belles réalités qui enrichissent nos vies : la splendeur de la création, les relations avec nos proches et nos amis, les expériences artistiques et culturelles, les connaissances scientifiques et techniques, les initiatives qui promeuvent la paix, la justice et la fraternité, et autres choses encore. Nous vivons cependant une époque où, pour beaucoup, y compris des jeunes, l’espérance semble être la grande absente. Beaucoup de vos semblables, qui connaissent la guerre, la violence, le harcèlement et diverses formes de détresses, sont malheureusement en proie au désespoir, à la peur et à la dépression. Ils se sentent comme enfermés dans une sombre prison, incapables de voir les rayons du soleil. Le taux élevé de suicide chez les jeunes dans plusieurs pays en est la preuve dramatique. Dans un tel contexte, comment éprouver la joie et l’espérance dont parle saint Paul ? Il y a plutôt un risque que le désespoir prenne le dessus, la pensée qu’il est inutile de faire du bien sous prétexte qu’il ne serait apprécié et reconnu par personne, comme nous le lisons dans le Livre de Job : « Où donc est mon espoir ? Mon espérance, qui l’entrevoit ? » (Jb 17, 15).

Face aux drames de l’humanité, en particulier à la souffrance des innocents, nous aussi demandons au Seigneur, comme nous le prions dans certains Psaumes : “Pourquoi ?” Or, nous pouvons faire partie de la réponse de Dieu. Créés par Lui à son image et à sa ressemblance, nous pouvons être une expression de son amour qui fait naître la joie et l’espérance même là où cela semble impossible. Il me vient à l’esprit le personnage principal du film “La vie est belle” ; un jeune père qui, avec délicatesse et imagination, parvient à transformer la dure réalité en une sorte d’aventure et de jeu, donnant de la sorte à son fils un “regard d’espérance” en le protégeant des horreurs du camp de concentration, en sauvegardant son innocence et en empêchant la méchanceté humaine de lui voler son avenir. Mais il ne s’agit pas seulement d’histoires inventées ! C’est ce que nous voyons dans la vie de tant de saints qui ont été des témoins de l’espérance même au milieu de la méchanceté humaine la plus cruelle. Nous pensons à saint Maximilien Marie Kolbe, à sainte Joséphine Bakhita ou au couple de bienheureux Józef et Wiktoria Ulma avec leurs sept enfants.

La possibilité d’allumer l’espérance dans le cœur des hommes, à partir du témoignage chrétien, a été magistralement mise en lumière par saint Paul VI lorsqu’il a rappelé : « Un chrétien ou un groupe de chrétiens au sein de la communauté humaine dans laquelle ils vivent […] rayonnent, d’une façon toute simple et spontanée, leur foi en des valeurs qui sont au-delà des valeurs courantes, et leur espérance en quelque chose qu’on ne voit pas, dont on n’oserait pas rêver » (Exhort. ap. Evangelii nuntiandi, n. 21).

La “petite” espérance

Le poète français Charles Péguy, au début de son poème sur l’espérance, parle des trois vertus théologales – la foi, l’espérance et la charité – comme de trois sœurs qui marchent ensemble :

« La petite espérance s’avance entre ses deux grandes sœurs et on ne prend pas seulement garde à elle.
[…]
C’est elle, cette petite qui entraîne tout.
Car la Foi ne voit que ce qui est.
Et elle, elle voit ce qui sera.
La Charité n’aime que ce qui est.
Et elle, elle aime ce qui sera.
[…]
En réalité, c’est elle qui fait marcher les deux autres.
Et qui les traîne.
Et qui fait marcher tout le monde ».
(Le porche du mystère de la deuxième vertu, Gallimard, 1986)

Je suis moi aussi convaincu de ce caractère humble, “petit”, et pourtant fondamental de l’espérance. Pensez-y : comment pourrions-nous vivre sans espérance ? À quoi ressembleraient nos journées ? L’espérance est le sel du quotidien.

L’espérance, lumière qui brille dans la nuit

Dans la tradition chrétienne du Triduum pascal, le Samedi saint est le jour de l’espérance. Entre le Vendredi saint et le Dimanche de Pâques, il est comme un intermédiaire entre le désespoir des disciples et leur joie pascale. Il est le lieu où naît l’espérance. L’Église, ce jour-là, commémore en silence la descente aux enfers du Christ. Nous pouvons le voir sous forme picturale dans de nombreuses icônes. Elles nous montrent le Christ rayonnant de lumière qui descend dans les ténèbres les plus profondes et les traverse. C’est ainsi : Dieu ne se contente pas de regarder avec compassion nos lieux de mort ou de nous appeler de loin, mais Il entre dans nos expériences des enfers comme une lumière qui resplendit dans les ténèbres, et Il en triomphe (cf. Jn 1, 5). Un poème en langue sud-africaine xhosa l’exprime bien : « Bien que toute espérance soit perdue, avec ce poème, je réveille l’espérance. Mon espérance est réveillée parce que j’espère dans le Seigneur. J’espère que nous nous unirons ! Restez forts dans l’espérance, car l’heureuse issue est proche ».

Si nous y réfléchissons bien, il s’agit là de l’espérance de la Vierge Marie qui est restée forte au pied de la croix de Jésus, certaine que l’“heureuse issue” était proche. Marie est la femme de l’espérance, la Mère de l’espérance. Au Calvaire, « espérant contre toute espérance » (Rm 4, 18), elle n’a pas laissé s’éteindre dans son cœur la certitude de la résurrection annoncée par son Fils. C’est elle qui remplit le silence du Samedi Saint d’une attente aimante et pleine d’espérance, en inculquant aux disciples la certitude que Jésus vaincra la mort et que le mal n’aura pas le dernier mot.

L’espérance chrétienne n’est pas un optimisme facile ni un placebo pour les crédules : elle est la certitude, enracinée dans l’amour et dans la foi, que Dieu ne nous laisse jamais seuls et qu’il tient sa promesse : « Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi » (Ps 22, 4). L’espérance chrétienne n’est pas une négation de la souffrance et de la mort, elle est une célébration de l’amour du Christ ressuscité qui est toujours avec nous, même lorsqu’il semble loin. Le Christ lui-même est pour nous la grande lumière de l’espérance et la boussole dans notre nuit, car il est “l’étoile radieuse du matin” » (Exhort. ap. Christus vivit, n. 33).

Nourrir l’espérance

Lorsque l’étincelle de l’espérance a été allumée en nous, il y a parfois le risque qu’elle soit étouffée par les soucis, les peurs et les fardeaux de la vie quotidienne. Mais une étincelle a besoin d’air pour continuer à briller et se raviver en un grand feu d’espérance. C’est la douce brise de l’Esprit Saint qui nourrit l’espérance. Nous pouvons contribuer à la nourrir de différentes manières.

L’espérance est nourrie par la prière. On conserve et renouvelle l’espérance en priant. On maintient l’étincelle de l’espérance allumée en priant. « La prière est la première force de l’espérance. Tu pries et l’espérance grandit, tu vas de l’avant » (Catéchèse, 20 mai 2020). Prier, c’est comme prendre de la hauteur : souvent lorsque nous sommes au sol, nous ne voyons pas le soleil parce que le ciel est couvert de nuages. Mais si nous montons au-dessus des nuages, la lumière et la chaleur du soleil nous enveloppent, et nous retrouvons dans cette expérience la certitude que le soleil est toujours présent, même quand tout semble gris.

Chers jeunes, lorsque l’épais brouillard de la peur, du doute et de l’oppression vous entoure et que vous ne parvenez plus à voir le soleil, prenez le chemin de la prière. Car « si personne ne m’écoute plus, Dieu m’écoute encore » (Benoît XVI, Lett. enc. Spe Salvi, n. 32). Prenons chaque jour le temps de nous reposer en Dieu face aux angoisses qui nous assaillent : « Je n’ai mon repos qu’en Dieu seul ; oui, mon espoir vient de lui » (Ps 61, 6).

L’espérance est nourrie par nos choix quotidiens. L’invitation à se réjouir dans l’espérance, que saint Paul adresse aux chrétiens de Rome (cf. Rm 12, 12), nécessite des choix très concrets dans la vie de tous les jours. Je vous invite donc à choisir un style de vie fondé sur l’espérance. Je vous donne un exemple : sur les réseaux sociaux, il semble plus facile de partager les mauvaises nouvelles que les nouvelles d’espérance. Je vous fais donc une proposition concrète : essayez de partager une parole d’espérance chaque jour. Devenez des semeurs d’espérance dans la vie de vos amis et de tous ceux qui vous entourent. En effet, « l’espérance est humble, et c’est une vertu qui se travaille – disons – tous les jours […]. Chaque jour, il faut se rappeler que nous avons le dépôt, qui est l’Esprit, qui travaille en nous avec de petites choses » (Méditation du matin, 29 octobre 2019).

Allumer le flambeau de l’espérance

Vous sortez parfois le soir avec vos amis et, s’il fait nuit, vous prenez votre smartphone et allumez la torche pour faire de la lumière. Lors de grands concerts, vous êtes des milliers à faire bouger ces lampes modernes au rythme de la musique, créant ainsi une ambiance particulière. La nuit, la lumière nous fait voir les choses d’une manière nouvelle, et même dans l’obscurité, une dimension de beauté apparaît. Il en va de même pour la lumière de l’espérance qu’est le Christ. Par Lui, par sa résurrection, notre vie est illuminée. Avec lui, nous voyons tout sous un jour nouveau.

On raconte que lorsque les gens s’adressaient à saint Jean-Paul II pour lui parler d’un problème, sa première question était : “Comment cela se présente-t-il à la lumière de la foi ?” Un regard éclairé par l’espérance fait également apparaître les choses sous un jour différent. Je vous invite donc à adopter ce regard dans votre vie quotidienne. Animé par l’espérance divine, le chrétien est rempli d’une joie différente qui vient de l’intérieur. Les défis et les difficultés, il y en a et il y en aura toujours, mais si nous sommes habités par une espérance “pleine de foi”, nous les affronterons en sachant qu’ils n’ont pas le dernier mot et nous deviendrons nous-mêmes un petit flambeau d’espérance pour les autres.

Chacun de vous peut l’être dans la mesure où sa foi devient concrète, collant à la réalité et aux histoires de ses frères et sœurs. Pensons aux disciples de Jésus qui, un jour, sur une haute montagne, l’ont vu resplendir d’une lumière glorieuse. S’ils étaient restés là-haut, cela aurait été un beau moment pour eux, mais les autres auraient été laissés de côté. Il fallait qu’ils descendent. Nous ne devons pas fuir le monde, mais aimer notre époque dans laquelle Dieu nous a placés non sans raison. Nous ne pouvons être heureux qu’en partageant, avec les frères et sœurs que le Seigneur nous donne jour après jour, la grâce reçue.

Chers jeunes, n’ayez pas peur de partager avec les autres l’espérance et la joie du Christ ressuscité ! L’étincelle qui s’est allumée en vous, entretenez-la, mais en même temps donnez-la : vous constaterez qu’elle grandira ! Nous ne pouvons pas garder l’espérance chrétienne pour nous, comme un beau sentiment, parce qu’elle est destinée à tout le monde. Soyez particulièrement proches de vos amis qui peuvent sourire en apparence mais qui pleurent à l’intérieur, pauvres en espérance. Ne vous laissez pas contaminer par l’indifférence et l’individualisme : restez ouverts, comme des canaux à travers lesquels l’espérance de Jésus peut s’écouler et se répandre dans les milieux où vous vivez.

« Il vit, le Christ, notre espérance et il est la plus belle jeunesse de ce monde » (Exhort. ap. Christus vivit, n. 1). C’est ce que je vous ai écrit il y a presque cinq ans, après le Synode des jeunes. Je vous invite tous, en particulier ceux qui sont impliqués dans la pastorale des jeunes, à vous saisir du Document final de 2018 et de l’Exhortation apostolique Christus vivit. Le moment est venu de faire le point ensemble et de travailler avec espérance à la pleine mise en œuvre de ce Synode inoubliable.

Confions toute notre vie à Marie, Mère de l’Espérance. Elle nous apprend à porter en nous Jésus, notre joie et notre espérance, et à le donner aux autres. Bon cheminement, chers jeunes ! Je vous bénis et vous accompagne par la prière. Et vous aussi, priez pour moi !

 

 

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 22 novembre 2023

La fille de la Cananéenne, extrait des Très Riches Heures du duc de Berry. Wikimedia Commons.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a réfléchi à la « destination universelle de l’Évangile », qui « s’adresse à tous ».

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs,

Après avoir vu la dernière fois que l’annonce chrétienne est joie, nous nous arrêtons aujourd’hui sur un second aspect : c’est pour tous, l’annonce chrétienne est joie pour tous. Quand nous rencontrons vraiment le Seigneur Jésus, l’émerveillement de cette rencontre envahit notre vie et demande à être porté au-delà de nous. C’est ce qu’Il veut, que son Évangile soit pour tous. En lui en effet, existe une « force humanisante », une plénitude de vie qui est destinée à tout homme et à toute femme, car pour tous Christ est né, est mort, est ressuscité. Pour tous : personne n’est exclu.

Dans Evangelii gaudium, on peut lire : « Tous ont le droit de recevoir l’Évangile. Les chrétiens ont le devoir de l’annoncer sans exclure personne, non pas comme quelqu’un qui impose un nouveau devoir, mais bien comme quelqu’un qui partage une joie, qui indique un bel horizon, qui offre un banquet désirable. L’Église ne grandit pas par prosélytisme, mais « par attraction » » (n. 14). Frères, sœurs, considérons-nous au service de la destination universelle de l’Évangile, c’est pour tous ; et distinguons-nous par notre capacité à sortir de nous-mêmes, – une annonce pour être une vraie annonce doit sortir de l’égoïsme même – et avoir aussi la capacité – de dépasser toutes les frontières. Les chrétiens se rassemblent sur le parvis plus que dans la sacristie, et vont « sur les places et dans les rues de la ville » (Lc 14,21). Ils doivent être ouverts et expansifs, les chrétiens doivent être « extravertis », et ce caractère leur vient de Jésus, qui a fait de sa présence dans le monde un déplacement continuel, visant à aller à la rencontre de tous, apprenant même de certaines de ses rencontres.

Dans ce sens, l’Évangile rapporte la surprenante rencontre de Jésus avec une femme étrangère, une Cananéenne qui le supplie de guérir sa fille malade (cf. Mt 15, 21-28). Jésus refuse en disant qu’il n’a été envoyé qu’ « aux brebis perdues de la maison d’Israël » et qu’ « il n’est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens » (v. 24.26). Mais la femme, avec l’insistance typique des gens simples, répliqua que même « les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres » (v. 27). Jésus en reste impressionné et lui dit : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » (v. 28). Cette rencontre avec cette femme a quelque chose d’unique. Non seulement quelqu’un fait changer d’avis à Jésus, et c’est une femme, étrangère et païenne, mais le Seigneur lui-même y trouve la confirmation que sa prédication ne doit pas se limiter au peuple auquel il appartient, mais s’ouvrir à tous.

La Bible nous montre que lorsque Dieu appelle une personne et conclut une alliance avec elle, le critère est toujours le suivant : il élit quelqu’un pour en atteindre d’autres, ceci est le critère de Dieu, de l’appel de Dieu Tous les amis du Seigneur ont fait l’expérience de la beauté, mais aussi de la responsabilité et du poids d’avoir été « choisis » par Lui. Et tous ont éprouvé le découragement face à leurs propres faiblesses ou la perte de leurs sécurités. Mais la tentation peut-être plus grande est celle de considérer l’appel reçu comme un privilège, s’il vous plait non, l’appel n’est pas un privilège, jamais. Nous ne pouvons pas dire que nous sommes privilégiés par rapport aux autres, non. L’appel est pour un service. Et Dieu choisit un pour aimer tous, pour arriver à tous.

Aussi pour prévenir la tentation d’identifier le christianisme avec une culture, avec une ethnie, avec un système. Mais de cette façon, il perd sa nature vraiment catholique, c’est-à-dire pour tous, universelle : il ne s’agit pas d’un petit groupe d’élus de première classe. Ne l’oublions pas : Dieu choisit quelqu’un pour aimer tous. Cet horizon de l’universalité. L’Évangile n’est pas seulement pour moi, il est pour tous, ne l’oublions pas. Merci.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 15 novembre 2023

Le repas à Emmaüs (Source : Wikimedia Commons)

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a réfléchi à l’aspect évangélisateur de la joie et au fait que la rencontre avec Jésus est toujours source de joie.

Voici le texte intégral:

Après avoir rencontré divers témoins de l’annonce de l’Évangile, je propose de résumer ce cycle de catéchèses sur le zèle apostolique en quatre points, inspirés par l’Exhortation apostolique Evangelii gaudium, qui fête ce mois-ci ses dix ans. Le premier point, que nous examinons aujourd’hui, le premier des quatre, ne peut concerner que l’attitude dont dépend la substance du geste évangélisateur : la joie. Le message chrétien, comme nous l’avons entendu dans les paroles adressées par l’ange aux bergers, est l’annonce d’une « grande joie » (Lc 2,10). Et la raison ? Une bonne nouvelle, une surprise, un bel événement ? Bien plus, une Personne : Jésus ! Jésus est la joie. C’est Lui le Dieu fait homme qui est venu chez nous ! La question, chers frères et sœurs, n’est donc pas de savoir s‘il faut l’annoncer, mais comment l’annoncer, et ce « comment » est la joie. Ou nous annonçons Jésus avec joie, ou nous ne l’annonçons pas, parce qu’une autre voie pour l’annoncer n’est pas capable de porter la vraie réalité de Jésus.

C’est pourquoi un chrétien mécontent, un chrétien triste, un chrétien insatisfait ou, pire encore, en proie au ressentiment ou à la rancœur n’est pas crédible. Celui-ci parlera de Jésus mais personne ne le croira ! Une personne m’a dit un jour, en parlant de ces chrétiens : « Mais ce sont des chrétiens à visage de morue ! », c’est-à-dire sans aucune expression, ils sont comme ça, et la joie est essentielle. C’est essentiel de veiller sur nos sentiments. L’évangélisation met en œuvre la gratuité, parce qu’elle vient de la plénitude et non de la pression. Et quand on fait une évangélisation – on veut la faire mais cela ne va pas – sur la base d’idéologies, ce n’est pas cela évangéliser, ce n’est pas l’Évangile. L’Évangile n’est pas une idéologie : l’Évangile est une annonce, une annonce de joie. Les idéologies sont froides, toutes. L’Évangile a la chaleur de la joie. Les idéologies ne savent pas sourire, l’Évangile est un sourire, il te fait sourire parce qu’il touche l’âme avec la Bonne Nouvelle.

La naissance de Jésus, dans l’histoire comme dans la vie, est le principe de la joie : pensez à ce qui est arrivé aux disciples d’Emmaüs qui dans la joie ne pouvaient pas croire, et aux autres, puis à l’ensemble des disciples, lorsque Jésus se rend au Cénacle, qui ne pouvaient pas croire à cause de la joie (cf. Lc 24, 13-35). La joie d’avoir Jésus ressuscité. La rencontre avec Jésus apporte toujours de la joie, et si cela ne t’arrive pas, ce n’est pas une vraie rencontre avec Jésus.

Et ce que Jésus fait avec les disciples nous révèle que les premiers à être évangélisés sont les disciples, les premiers qui doivent être évangélisés c’est nous, chrétiens : c’est nous. Et c’est très important. Immergés dans le climat actuel, rapide et confus, même nous en effet nous pouvons nous aussi vivre la foi avec un sens subtil du renoncement, convaincus que l’Évangile n’est plus audible et qu’il ne vaut plus la peine de s’engager pour l’annoncer. Nous pourrions même être tentés par l’idée de laisser « les autres » suivre leur propre chemin. En revanche, c’est précisément le moment de revenir à l’Évangile pour découvrir que le Christ « est toujours jeune et source constante de nouveauté » (Evangelii gaudium, 11).

Alors, comme les deux d’Emmaüs, on retourne à la vie quotidienne avec l’élan de celui qui a trouvé un trésor : ils étaient joyeux ces deux disciples, parce qu’ils avaient trouvé Jésus et il leur a changé la vie. Et l’on découvre que l’humanité regorge de frères et de sœurs qui attendent une parole d’espérance. L’Évangile est également attendu aujourd’hui : l’humanité d’aujourd’hui est comme l’humanité de tout temps : elle en a besoin, même la civilisation de l’incroyance programmée et de la sécularité institutionnalisée ; et mème, surtout la société qui laisse déserts les espaces du sens religieux a besoin de Jésus. C’est le moment favorable pour l’annonce de Jésus. C’est pourquoi je voudrais redire à tous : « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours. (ibid., 1) ». N’oublions pas cela. Et si l’un d’entre nous ne perçoit pas cette joie, qu’il se demande s’il a trouvé Jésus. Une joie intérieure. L’Évangile emprunte le chemin de la joie, toujours, c’est la grande annonce. J’invite chaque chrétien, où qu’il soit, à renouveler aujourd’hui même sa rencontre avec Jésus-Christ. Que chacun d’entre nous prenne aujourd’hui un peu de temps et médite : « Jésus, Tu es en moi : je veux Te rencontrer tous les jours. Tu es une Personne, pas une idée ; Tu es un compagnon de route, pas un programme. Tu es Amour qui résout tant de problèmes. Tu es le principe de l’évangélisation. Toi, Jésus, tu es la source de la joie ».

Amen.

 

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 8 novembre 2023

Photo de Luca Paolini. CC BY-ND 2.0, sur flickr.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a évoqué la vie et la mission de la vénérable Madeleine Delbrêl. Il a cité son adresse à Jesus « Pour être avec Toi sur Ton chemin, nous devons partir, même quand notre paresse nous supplie de rester. Tu nous as choisis pour être dans un équilibre étrange, un équilibre qui ne peut s’établir et se maintenir que dans le mouvement, que dans l’élan. »

Voici le texte intégral:

Au nombre des témoins de la passion pour l’annonce de l’Évangile, ces évangélisateurs passionnés, aujourd’hui je présente la figure d’une femme française du XXe siècle, la vénérable servante de Dieu Madeleine Delbrêl. Née en 1904 et décédée en 1964, elle a été assistante sociale, écrivaine et mystique, elle a vécu pendant plus de trente ans dans les banlieues pauvres et ouvrières de Paris. Eblouie par sa rencontre avec le Seigneur, elle écrit : « Quand nous avons connu la parole de Dieu, nous n’avons pas le droit de ne pas la recevoir ; quand nous l’avons reçue, nous n’avons pas le droit de ne pas la laisser s’incarner en nous ; quand elle s’est incarnée en nous, nous n’avons pas le droit de la garder pour nous : dès lors, nous appartenons à ceux qui l’attendent » (Nous autres, gens des rues, Seuil, coll. «Livre de vie», n. 107, Paris, 1971). Beau : beau ce qu’elle écrit…

Après une adolescence vécue dans l’agnosticisme, – elle ne croyait en rien – à vingt ans environ Madeleine rencontre le Seigneur, frappée par le témoignage d’amis croyants. Elle se met alors à la recherche de Dieu, laissant s’exprimer une soif profonde qu’elle ressentait en elle, et comprend que le « vide qui criait dans son angoisse » c’était Dieu qui la cherchait (Eblouie par Dieu – correspondance 1: 1910-1941 dans Œuvres complètes vol. 1, Nouvelle cité, coll. «Spiritualité», Mont-rouge, 2004). La joie de la foi l’a conduite à mûrir un choix de vie entièrement donnée à Dieu, au cœur de l’Église et au cœur du monde, partageant simplement en fraternité la vie des « gens de la rue ».  Poétiquement elle s’’adressait à Jésus, ainsi : « Pour être avec Toi sur Ton chemin, nous devons partir, même quand notre paresse nous supplie de rester. Tu nous as choisis pour être dans un équilibre étrange, un équilibre qui ne peut s’établir et se maintenir que dans le mouvement, que dans l’élan. Un peu comme une bicyclette, qui ne peut tenir debout sans rouler […] Nous ne pouvons tenir debout qu’en avançant, en se déplaçant, dans un élan de charité ». C’est ce qu’elle appelle la « spiritualité de la bicyclette » (Humour dans l’amour: Méditations et fantaisies dans Œuvres complètes vol. 3, Nouvelle cité, coll. «Spiritualité», Montrouge, 2005). Ce n’est qu’en se mettant en route, en marchant que nous vivons dans l’équilibre de la foi, qui est un déséquilibre, mais c’est comme ça : comme la bicyclette. Si tu t’arrêtes, elle ne tient pas.

Madeleine avait le cœur constamment en éveil et se laisse interpeller par le cri des pauvres. Elle comprenait que le Dieu vivant de l’Évangile devait brûler en nous jusqu’à ce que nous ayons porté son nom à ceux qui ne l’ont pas encore trouvé. Dans cet esprit, tournée vers l’agitation du monde et le cri des pauvres, Madeleine se sent appelée à « vivre entièrement et à la lettre l’amour de Jésus, depuis l’huile du Bon Samaritain jusqu’au vinaigre du Calvaire, lui rendant ainsi amour pour amour […] afin qu’en l’aimant sans réserve et en se laissant aimer jusqu’au bout, les deux grands commandements de la charité s’incarnent en nous et n’en fassent plus qu’un » (La vocation de la charité, 1, Œuvres complètes XIII, Bruyères-le-Châtel, 138-139).

Enfin, Madeleine Delbrêl nous enseigne encore une chose : qu’en évangélisant, on est évangélisés : en évangélisant, nous sommes évangélisés. C’est pourquoi elle disait, en écho à saint Paul :  » malheur à moi si l’évangélisation ne m’évangélise pas « . En évangélisant, on s’évangélise soi-même. Et c’est une belle doctrine.

En contemplant cette femme témoin de l’Evangile, nous apprenons nous aussi que dans toute situation et circonstance personnelle ou sociale de notre vie, le Seigneur est présent et nous appelle à habiter notre temps, à partager la vie des autres, à nous mêler aux joies et aux tristesses du monde. En particulier, elle nous enseigne que même les milieux sécularisés peuvent aider pour la conversion, parce que le contact avec les non-croyants provoque le croyant à une révision continuelle de sa manière de croire et à redécouvrir la foi dans son essentialité (cf. Nous autres, gens des rues, Seuil, coll. «Livre de vie», n. 107, Paris, 1971).

Que Madeleine Delbrêl nous apprenne à vivre cette foi “in moto” –  » en mouvement « , disons, cette foi féconde qui fait de tout acte de foi un acte de charité dans l’annonce de l’Évangile. Je vous remercie.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Homélie du pape François pour la conclusion de l’Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques

Conclusion de l’Assemblée générale ordinaire du synode des évêques. Photo © Sel + Lumière Média.

L’Assemblée générale 2023 du Synode sur la synodalité s’est achevée par la messe du 29 octobre, 30e dimanche du temps ordinaire. Dans son homélie, le pape François a déclaré : « Nous pouvons avoir beaucoup de bonnes idées sur la façon de réformer l’Église, mais rappelons-nous : adorer Dieu et aimer nos frères et sœurs de son amour, voilà la grande et éternelle réforme. »

Lisez le texte intégral de son homélie ci-dessous :

Messe du 30ème dimanche du temps ordinaire
Conclusion de l’Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques
Homélie de Sa Sainteté

C’est vraiment avec un prétexte qu’un docteur de la Loi se présente à Jésus, et seulement pour le mettre à l’épreuve. Il s’agit cependant d’une question importante, une question toujours actuelle, qui se fraye parfois un chemin dans nos cœurs et dans la vie de l’Église : « Quel est le grand commandement ? » (Mt 22, 36). Nous aussi, plongés dans le fleuve vivant de la Tradition, nous nous demandons : quelle est la chose la plus importante ? Quel est le centre propulseur ? Qu’est-ce qui compte le plus, au point d’être le principe inspirateur de tout ? Et la réponse de Jésus est claire : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt 22, 37-39).

Frères cardinaux, frères évêques et prêtres, religieuses et religieux, sœurs et frères, au terme de cette étape du chemin que nous avons parcouru, il est important de regarder le “principe et le fondement” sur lequel tout commence et recommence : aimer. Aimer Dieu par toute notre vie et aimer notre prochain comme soi-même. Non pas nos stratégies, non pas les calculs humains, non pas les manières du monde, mais aimer Dieu et le prochain : voilà le cœur de tout. Mais comment traduire cet élan d’amour ? Je vous propose deux verbes, deux mouvements du cœur sur lesquels je voudrais réfléchir : adorer et servir. Aimer Dieu se fait à travers l’adoration et le service.

Le premier verbe, adorer. Aimer, c’est adorer. L’adoration est la première réponse que nous pouvons donner à l’amour gratuit, à l’amour surprenant de Dieu. L’émerveillement de l’adoration est essentiel dans l’Église, surtout à notre époque où nous avons perdu l’habitude de l’adoration. Adorer c’est en effet reconnaître dans la foi que Dieu seul est Seigneur et que notre vie, le chemin de l’Église, le destin de l’histoire dépendent de la tendresse de son amour. Il est le sens de la vie.

En l’adorant, nous nous redécouvrons libres. C’est pourquoi l’amour du Seigneur dans l’Écriture est souvent associé à la lutte contre l’idolâtrie. Ceux qui adorent Dieu rejettent les idoles car, alors que Dieu libère, les idoles asservissent. Elles nous trompent et ne tiennent jamais leurs promesses car elles sont « ouvrages de mains humaines » (Ps 113b, 4). L’Écriture est sévère à l’égard de l’idolâtrie parce que les idoles sont l’œuvre de l’homme qui les manipule, alors que Dieu est toujours le Vivant, qui est ici et au-delà, « qui n’est pas fait comme je le pense, qui ne dépend pas de ce que j’attends de lui, qui peut donc bouleverser mes attentes, précisément parce qu’il est vivant. La preuve que nous n’avons pas toujours une idée juste de Dieu, c’est que nous sommes parfois déçus : je m’attendais à ceci, j’imaginais que Dieu se comportait ainsi, et je me suis trompé. Nous nous engageons ainsi sur la voie de l’idolâtrie en voulant que le Seigneur agisse selon l’image que nous nous sommes faite de lui » (C.M. Martini, I grandi della Bibbia. Esercizi spirituali con l’Antico Testamento, Firenze 2022, 826-827). Et c’est un risque que nous pouvons toujours courir : penser que nous “contrôlons Dieu”, enfermer son amour dans nos schémas. Au contraire, son action est toujours imprévisible, elle va au-delà, et c’est pourquoi cet agir de Dieu exige émerveillement et adoration. L’émerveillement est si important !

Nous devons toujours lutter contre les idolâtries ; les idolâtries mondaines qui découlent souvent de la vanité personnelle, comme la soif de succès, l’affirmation de soi à tout prix, l’avidité pour l’argent – le diable entre par la poche, ne l’oublions pas -, l’attrait du carriérisme ; mais aussi les idolâtries déguisées en spiritualité : ma propre spiritualité, mes propres idées religieuses, mes prouesses pastorales… Soyons vigilants pour ne pas nous mettre au centre plutôt que Lui. Et revenons à l’adoration. Qu’elle soit centrale pour nous, pasteurs : consacrons chaque jour du temps à l’intimité avec Jésus Bon Pasteur devant le tabernacle. Adorer. Que l’Église soit adoratrice : dans chaque diocèse, dans chaque paroisse, dans chaque communauté, adorons le Seigneur ! Parce que ce n’est que de cette manière que nous nous tournerons vers Jésus et non vers nous-mêmes ; parce que ce n’est qu’à travers un silence d’adoration que la Parole de Dieu habitera nos paroles ; parce que ce n’est que devant Lui que nous serons purifiés, transformés et renouvelés par le feu de son Esprit. Frères et sœurs, adorons le Seigneur Jésus !

Le second verbe est servir. Aimer, c’est servir. Dans le grand commandement, le Christ lie Dieu et le prochain pour qu’ils ne soient jamais séparés. Il n’existe pas d’expérience religieuse qui soit sourde aux cris du monde, une véritable expérience religieuse. Il n’y a pas d’amour de Dieu sans implication dans le soin du prochain, sous peine de pharisaïsme. Nous pouvons en effet avoir beaucoup de belles idées pour réformer l’Église, mais rappelons-nous : adorer Dieu et aimer nos frères de son amour, voilà la grande et durable réforme. Être une Église adoratrice et une Église du service qui lave les pieds de l’humanité blessée, qui accompagne le chemin des personnes fragiles, faibles et laissées-pour-compte, qui va tendrement à la rencontre des plus pauvres. C’est ce que Dieu a ordonné, nous l’avons entendu, dans la première lecture.

Frères et sœurs, je pense à ceux qui sont victimes des atrocités de la guerre ; aux souffrances des migrants, à la douleur cachée de ceux qui se retrouvent seuls et dans la pauvreté ; à ceux qui sont écrasés par les fardeaux de la vie ; à ceux qui n’ont plus de larmes, à ceux qui n’ont plus de voix. Et je pense à combien de fois, derrière de belles paroles et de douces promesses, des formes d’exploitation sont encouragées ou rien n’est fait pour les empêcher. C’est un péché grave que d’exploiter les plus faibles, un péché grave qui ronge la fraternité et dévaste la société. Nous, disciples de Jésus, nous voulons apporter au monde un autre levain, celui de l’Évangile : Dieu à la première place, et avec Lui ceux qu’Il préfère, les pauvres et les faibles.

Telle est, frères et sœurs, l’Église dont nous sommes appelés à rêver : une Église au service de tous, au service des derniers. Une Église qui n’exige jamais un bulletin de “bonne conduite”, mais qui accueille, sert, aime, pardonne. Une Église aux portes ouvertes qui soit un port de miséricorde. « L’homme miséricordieux – dit Chrysostome – est un port pour ceux qui sont dans le besoin : le port accueille et sauve du danger tous les naufragés ; qu’ils soient méchants, bons, ou qu’ils soient ce qu’ils sont […], le port les abrite dans son anse. Toi donc aussi, quand tu verras à terre un homme qui a fait naufrage dans la pauvreté, ne le juge pas, ne lui demande pas compte de sa conduite, mais délivre-le du malheur » (Discours sur le pauvre Lazare, II, 5).

Frères et sœurs, l’Assemblée synodale s’achève. Dans cette « conversation de l’Esprit », nous avons pu expérimenter la tendre présence du Seigneur et découvrir la beauté de la fraternité. Nous nous sommes écoutés les uns les autres et surtout, dans la riche variété de nos histoires et de nos sensibilités, nous nous sommes mis à l’écoute de l’Esprit-Saint. Aujourd’hui, nous ne voyons pas le fruit complet de ce processus, mais avec anticipation, nous pouvons regarder l’horizon qui s’ouvre devant nous : le Seigneur nous guidera et nous aidera à être une Église plus synodale et plus missionnaire, qui adore Dieu et sert les femmes et les hommes de notre temps, en allant porter à tous la joie consolatrice de l’Évangile.

Frères et sœurs : pour tout ce que vous avez fait au sein du Synode et continuez à faire, je vous dis merci ! Merci pour le chemin que nous avons parcouru ensemble, pour l’écoute et le dialogue. En vous remerciant, je voudrais formuler un vœu pour nous tous : que nous puissions grandir dans l’adoration de Dieu et dans le service au prochain. Adorer et servir. Que le Seigneur nous accompagne. Et en avant, dans la joie !

 

 

Audience générale du pape François – Mercredi 25 octobre 2023

Statue des saints Cyrille et Méthode à Trebíc, en République tchèque. Photo de Jirí Sedlácek – Frettie, CC BY-SA 3.0, par Wikimedia Commons.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François s’est penché sur la mission des saints Cyrille et Méthode auprès du peuple slave. Il a souligné que « la foi doit être inculturée et la culture évangélisée. »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui, je vais vous parler de deux frères très célèbres en Orient, au point d’être appelés « les apôtres des Slaves » : les Saints Cyrille et Méthode. Nés en Grèce au IXe siècle dans une famille aristocratique, ils renoncent à leur carrière politique pour se consacrer à la vie monastique. Mais leur rêve d’une existence retirée est de courte durée. Ils sont envoyés comme missionnaires dans la Grande Moravie, qui comprenait alors divers peuples, déjà en partie évangélisés, mais parmi lesquels persistaient de nombreuses coutumes et traditions païennes. Leur prince demandait un maître pour expliquer la foi chrétienne dans leur langue.

La première tâche de Cyrille et Méthode est donc d’étudier en profondeur la culture de ces peuples. Toujours cette ritournelle : la foi doit être inculturée et la culture doit être évangélisée. Inculturation de la foi, évangélisation de la culture, toujours. Cyrille leur demande s’ils ont un alphabet ; ils lui répondent par la négative. Il réplique : « Qui peut écrire un discours sur l’eau ? En effet, pour annoncer l’Évangile et prier, il fallait un outil adéquat, approprié, spécifique. Il invente donc l’alphabet glagolitique. Il traduit la Bible et les textes liturgiques. Les gens sentent que la foi chrétienne n’est plus « étrangère », mais qu’elle devient leur foi, parlée dans leur langue maternelle. Pensez-y : deux moines grecs qui donnent un alphabet aux Slaves. C’est cette ouverture du cœur qui a enraciné l’Évangile parmi eux. Ils n’avaient pas peur ces deux-là, ils étaient courageux.

Très tôt, cependant, une opposition se fait jour de la part de certains Latins, qui s’estiment dépossédés du monopole de la prédication chez les Slaves, cette lutte à l’intérieur de l’Eglise, toujours ainsi. Leur objection est religieuse, mais seulement en apparence : Dieu ne peut être loué – disent-ils – que dans les trois langues écrites sur la croix, l’hébreu, le grec et le latin. Ceux-ci avaient la mentalité fermée pour défendre leur propre autonomie. Mais Cyrille répond avec force : Dieu veut que chaque peuple le loue dans sa propre langue. Avec son frère Méthode, il s’adresse au Pape qui approuve leurs textes liturgiques en langue slave, les fait placer sur l’autel de l’église de Sainte-Marie-Majeure et chante avec eux les louanges du Seigneur selon ces livres. Cyrille mourut quelques jours plus tard et ses reliques sont toujours vénérées à Rome, dans la Basilique de Saint-Clément. Méthode, quant à lui, est ordonné évêque et renvoyé dans les territoires des Slaves. Là, il devra beaucoup souffrir, il sera même emprisonné, mais, frères et sœurs, nous avons qu’on ne peut enchaîner la Parole de Dieu et elle se répand parmi ces peuples.

En considérant le témoignage de ces deux évangélisateurs, que Saint Jean-Paul II a voulu co-patrons de l’Europe et sur lesquels il a écrit l’Encyclique Slavorum Apostoli, examinons trois aspects importants.

Tout d’abord, l’unité : les Grecs, le Pape, les Slaves : à cette époque, il y avait en Europe une chrétienté non divisée, qui collaborait pour évangéliser.

Un second aspect important est l’inculturation, dont j’ai parlé précédemment : évangéliser la culture et l’inculturation met en évidence que l’évangélisation et la culture sont étroitement liées. On ne peut pas prêcher un Évangile abstrait, distillé, non : l’Évangile doit être inculturé et est aussi une expression de la culture.

Un dernier aspect, la liberté. La liberté est nécessaire dans la prédication mais la liberté a toujours besoin du courage, une personne est libre dans la mesure où elle est plus courageuse et ne se laisse pas enchainer par tant de choses qui la privent de sa liberté.

Frères et sœurs, demandons aux saints Cyrille et Méthode, apôtres des Slaves, d’être des instruments de « liberté dans la charité » pour les autres. Être créatifs, être constants et être humbles, avec la prière et avec le service.

 


APPEL

Je pense toujours à la grave situation en Palestine et en Israël : j’encourage la libération des otages et l’entrée de l’aide humanitaire à Gaza. Je continue à prier pour ceux qui souffrent et à espérer des chemins de paix, au Moyen-Orient, dans l’Ukraine tourmentée et dans d’autres régions blessées par la guerre. Je rappelle à tous qu’après-demain, vendredi 27 octobre, nous vivrons une journée de jeûne, de prière et de pénitence ; à 18 heures, à Saint-Pierre, nous nous réunirons pour prier et implorer la paix dans le monde.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – Mercredi 18 octobre

Ermitage et chapelle de Nazareth, où Saint Charles de Foucauld a marché sur les traces de Jésus. iStock photo

Au cours de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a évoqué le zèle missionnaire de Saint Charles de Foucauld. Il a souligné que saint Charles était « une figure prophétique pour notre temps » qui « a témoigné de la beauté de la communication de l’Évangile à travers l’apostolat de la douceur : se considérant comme un ‘frère universel’ et accueillant tout le monde, il nous montre la force évangélisatrice de la douceur, de la tendresse. »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs,

Nous poursuivons dans notre rencontre avec certains chrétiens témoins riches de zèle dans l’annonce de l’Évangile. Le zèle apostolique, le zèle pour l’annonce : et nous allons à la rencontre de certains chrétiens qui ont été des exemples de ce zèle apostolique. Aujourd’hui, je voudrais vous parler d’un homme qui a fait de Jésus et de ses frères les plus pauvres la passion de sa vie. Je me réfère à Saint Charles de Foucauld qui, « grâce à son expérience intense de Dieu, a fait un cheminement de transformation jusqu’à se sentir le frère de tous » (Lett. enc. Fratelli tutti, 286).

Et quel a été le « secret » de Charles de Foucauld, de sa vie ? Après avoir vécu une jeunesse loin de Dieu, sans croire à rien sinon qu’à la recherche désordonnée du plaisir, il le confie à un ami non-croyant, auquel, après s’être converti en accueillant la grâce du pardon de Dieu dans la Confession, il révèle la raison de sa vie. Il écrit : « J’ai perdu mon cœur pour Jésus de Nazareth » [1]. Frère Charles nous rappelle ainsi que le premier pas dans l’évangélisation est d’avoir Jésus dans son cœur, c’est de « perdre la tête » pour Lui. Si ce n’est pas le cas, difficilement nous réussissons à le montrer par notre vie. Nous risquons en revanche de parler de nous-mêmes, dans notre groupe d’appartenance, d’une morale ou, pire encore, d’un ensemble de règles, mais pas de Jésus, de son amour, de sa miséricorde. Cela je le vois dans certains nouveaux mouvements qui émergent : ils parlent de leur vision de l’humanité, ils parlent de leur spiritualité et ils se sentent une nouvelle voie… Mais pourquoi ne parlez-vous pas de Jésus ? Ils parlent de beaucoup de choses, d’organisation, de chemins spirituels, mais ils ne savent pas parler de Jésus. Je crois qu’aujourd’hui, il serait bon que chacun d’entre nous se demande : « Est-ce que j’ai Jésus au centre de mon cœur ? Ai-je un peu perdu la tête pour Jésus ?

Charles le fait, au point de passer de l’attraction pour Jésus à l’ imitation de Jésus. Conseillé par son confesseur, il se rend en Terre Sainte pour visiter les lieux où le Seigneur a vécu et pour marcher où le Maitre a marché. En particulier, c’est à Nazareth qu’il comprend le devoir de se former à l’école du Christ. Il vit une relation intense avec le Seigneur, passe de longues heures à lire les Évangiles et se sent comme son petit frère. Et connaissant Jésus, nait en lui le désir de le faire connaitre : cela survient toujours ainsi. Lorsque chacun de nous connait plus Jésus, nait le désir de le faire connaitre, de partager ce trésor. En commentant le récit de la visite de la Vierge à Elisabeth, il Lui fait dire, à la Vierge, à lui : « Je me suis donné au monde… portez-moi au monde ». Oui mais comment faire ? Comme Marie dans le mystère de la Visitation : « en silence, par l’exemple, par la vie » [2]. Par la vie, parce que « toute notre existence, écrit frère Charles – doit crier l’Évangile » [3]. Et tant de fois notre existence crie mondanité, crie tant de choses stupides, choses étranges et lui nous dit : “Non, toute notre existence doit crier l’Évangile”.

Il décide alors de s’installer dans des régions lointaines pour crier l’Évangile dans le silence, en vivant dans l’esprit de Nazareth, dans la pauvreté et de manière cachée. Il se rend dans le désert du Sahara, parmi les non-chrétiens, et y arrive en ami et en frère, apportant la douceur de Jésus Eucharistie. Charles laisse que ce soit Jésus à agir silencieusement, convaincu que la « vie eucharistique » évangélise. En effet, il croit que le Christ est le premier évangélisateur. Il reste donc en prière aux pieds de Jésus, devant le tabernacle, environ dix heures par jour, sûr que la force évangélisatrice se trouve là et réalisant que c’est Jésus qui le rend proche de tant de frères lointains. Et nous, je me demande croyons-nous au pouvoir de l’Eucharistie ? Notre sortie vers les autres, notre service, trouve-t-il là, dans l’adoration, son commencement et son accomplissement ? Je suis convaincu que nous avons perdu le sens de l’adoration : nous devons le retrouver, en commençant par nous, personnes consacrées, évêques, prêtres, religieuses et toutes les personnes consacrées. « Perdre » du temps devant le tabernacle, retrouver le sens de l’adoration.

Charles de Foucauld écrivait : « Tout chrétien est un apôtre » [4] et rappelle à un ami qu’ « à côté des prêtres, nous avons besoin de laïcs qui voient ce que le prêtre ne voit pas, qui évangélisent avec une proximité de charité, avec une bonté pour tous, avec une affection toujours prête à se donner » [5]. Les saints laïcs, pas les arrivistes, mais ces laïcs, hommes et femmes qui sont amoureux de Jésus, font comprendre au prêtre qu’il n’est pas un fonctionnaire, qu’il est un médiateur, un prêtre. Combien nous, prêtres, avons besoin d’avoir à nos côtés ces laïcs qui croient sérieusement et qui, par leur témoignage, nous enseignent le chemin. Charles de Foucauld, avec cette expérience laïque, anticipe l’époque du Concile Vatican II, il perçoit l’importance des laïcs et comprend que l’annonce de l’Évangile est la responsabilité du peuple de Dieu tout entier. Mais comment accroître cette participation ? Comme Charles de Foucauld l’a fait : en se mettant à genoux et en accueillant l’action de l’Esprit, qui suscite toujours de nouvelles manières pour s’engager, rencontrer, écouter et dialoguer, toujours dans la collaboration et dans la confiance, toujours en communion avec l’Église et avec les pasteurs.

Saint Charles de Foucauld, figure qui est une prophétie pour notre temps, a témoigné de la beauté de la communication de l’Évangile à travers l’ apostolat de la douceur : lui qui se sentait « frère universel » et accueillait tous, nous montre la force évangélisatrice de la douceur, de la tendresse. Ne l’oublions pas, le style de Dieu ce sont trois paroles : proximité, compassion et tendresse. Dieu est toujours proche, toujours compatissant, toujours tendre. Et le témoignage chrétien doit suivre ce chemin : de proximité, de compassion, de tendresse. Et il était ainsi doux et tendre. Il voulait que quiconque le rencontrait voit, à travers sa bonté, la bonté de Jésus. Il disait qu’il était en fait « le serviteur de quelqu’un qui est bien meilleur que moi » [6]. Vivre la bonté de Jésus l’entrainait à tisser des liens fraternels et d’amitié avec les pauvres, avec les Touaregs, avec ceux qui sont les plus éloignés de sa mentalité. Peu à peu, ces liens généraient la fraternité, l’inclusion, l’appréciation de la culture de l’autre. La bonté est simple et demande d’être des gens simples, qui n’ont pas peur de donner un sourire. Et avec son sourire, avec sa simplicité, Frère Charles a témoigné de l’Évangile. Jamais de prosélytisme, jamais : le témoignage. L’évangélisation ne se fait pas par le prosélytisme, mais par témoignage, par attraction. Demandons-nous alors enfin si nous portons en nous et aux autres la joie chrétienne, la douceur chrétienne, la tendresse chrétienne, la compassion chrétienne, la proximité chrétienne. Merci.

* * *

Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents à cette audience, notamment les groupes de paroissiens et d’élèves venus de Suisse, de Côte d’Ivoire, de France et du Maroc, notamment la Délégation de l’Institut oecuménique de théologie Al Mowafaqa, accompagnée par le Cardinal Cristobal Lopez Romero et Madame Karen Smith.

Puisse saint Charles de Foucauld, nous apprendre la valeur du silence et la force évangélisatrice d’une vie cachée en Dieu.

Que le Seigneur vous bénisse !


APPELS 

Aujourd’hui encore, chers frères et sœurs, nos pensées vont vers la Palestine et Israël. Le nombre de victimes augmente et la situation à Gaza est désespérée. Que tout ce qui est possible soit fait, s’il vous plait, pour éviter une catastrophe humanitaire. Il est inquiétant de constater que le conflit pourrait s’étendre alors que tant de fronts de guerre sont déjà ouverts dans le monde. Faites taire les armes, écoutez le cri de paix des pauvres, des peuples, des enfants… Frères et sœurs, la guerre ne résout aucun problème : elle ne fait que semer la mort et la destruction, accroître la haine, multiplier les vengeances. La guerre efface l’avenir, elle efface l’avenir. J’exhorte les croyants à ne prendre qu’un seul parti dans ce conflit : celui de la paix. Mais pas avec des mots, mais avec la prière, avec un dévouement total. C’est dans cet esprit que j’ai décidé d’appeler à une journée de jeûne et de prière le vendredi 27 octobre, une journée de pénitence à laquelle j’invite les sœurs et les frères des différentes confessions chrétiennes, ceux qui appartiennent à d’autres religions et tous ceux qui ont à cœur la cause de la paix dans le monde, à se joindre comme ils l’entendent. Ce soir-là, à 18 heures, à Saint-Pierre, nous vivrons dans un esprit de pénitence une heure de prière pour implorer la paix, la paix dans ce monde. Je demande à toutes les Églises particulières de participer en organisant des initiatives similaires impliquant le Peuple de Dieu.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Catéchèse sur le zèle apostolique du croyant

Portrait en tapisserie de sainte Joséphine Bakhita, décédée en 1947 et canonisée en 2000.

Lors de son audience générale aujourd’hui, le pape François continue la série de catéchèses sur le zèle apostolique. Il nous laisse inspirer aujourd’hui par le témoignage de sainte Joséphine Bakhita, une sainte soudanise.

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans la série de catéchèses sur le zèle apostolique, – nous sommes en train de réfléchir sur le zèle apostolique – aujourd’hui nous nous laissons inspirer par le témoignage de Sainte Joséphine Bakhita, une sainte soudanaise. Malheureusement, depuis des mois, le Soudan est déchiré par un terrible conflit armé dont on parle peu aujourd’hui ; prions pour le peuple soudanais, afin qu’il vive en paix ! Mais la renommée de Sainte Bakhita a franchi toutes les frontières pour rejoindre tous ceux qui sont privés d’identité et de dignité.

Née au Darfour – le Darfour tourmenté ! – en 1869, elle est enlevée de sa famille à l’âge de sept ans et transformée en esclave. Ses ravisseurs l’appelèrent « Bakhita« , ce qui signifie « chanceuse ». Elle a connu huit maîtres – l’un la vendait à l’autre… Les souffrances physiques et morales qu’elle a subies pendant son enfance l’ont laissée sans identité. Elle a subi la malveillance et la violence : elle avait plus d’une centaine de cicatrices sur le corps. Mais elle-même témoigne : « Comme esclave, je n’ai jamais désespéré, car je sentais une force mystérieuse qui me soutenait ».

Face à cela je me demande : quel est le secret de Sainte Bakhita ? Nous savons que souvent la personne blessée blesse à son tour ; l’opprimé devient facilement un oppresseur. Par contre, la vocation des opprimés est de se libérer et de libérer les oppresseurs en devenant des restaurateurs d’humanité. Seulement dans la faiblesse de l’opprimé peut se révéler la puissance de l’amour de Dieu qui libère les deux. Sainte Bakhita exprime très bien cette vérité. Un jour, son tuteur lui fait cadeau d’un petit crucifix, et elle, qui n’avait jamais rien possédé, le garde comme un trésor jalousement. En le regardant, elle éprouve une libération intérieure parce qu’elle se sent comprise et aimée et donc capable de comprendre et d’aimer : ceci est le début. Elle se sent comprise, elle se sent aimée et par conséquent capable de comprendre et d’aimer les autres. En effet, elle dira : « L’amour de Dieu m’a toujours accompagnée d’une manière mystérieuse… Le Seigneur m’a tant aimée : il faut aimer tout le monde… Il faut compatir !  » Ainsi est l’âme de Bakhita. Réellement, compatir signifie à la fois souffrir avec les victimes de tant d’inhumanité dans le monde et avoir pitié de ceux qui commettent des erreurs et des injustices, non pas en les justifiant, mais en les humanisant. C’est la caresse qu’elle nous enseigne : humaniser. Lorsque nous entrons dans la logique de la lutte, de la division entre nous, des mauvais sentiments, l’un contre l’autre, nous perdons l’humanité. Et bien souvent, nous pensons que nous avons besoin d’humanité, d’être plus humains. Et c’est le travail que Sainte Bakhita nous enseigne : humaniser, nous humaniser nous-mêmes et humaniser les autres.

Sainte Bakhita, devenue chrétienne, est transformée par les paroles du Christ qu’elle méditait quotidiennement : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34). C’est pourquoi elle a dit : « Si Judas avait demandé pardon à Jésus, lui aussi aurait trouvé miséricorde ». Nous pouvons dire que la vie de Sainte Bakhita est devenue une parabole existentielle du pardon. Que c’est beau de dire d’une personne « elle a été capable, elle a été capable de pardonner toujours ». Et elle a été capable de le faire toujours, bien plus : sa vie est une parabole existentielle du pardon. Pardonner parce qu’ensuite nous serons pardonnés. N’oublions pas ceci : le pardon, c’est la caresse de Dieu pour nous tous.

Le pardon l’a rendue libre. Le pardon d’abord reçu à travers l’amour miséricordieux de Dieu, et ensuite le pardon donné a fait d’elle une femme libre, joyeuse, capable d’aimer.

Bakhita a pu vivre le service non pas comme un esclavage, mais comme l’expression du don gratuit de soi. Et ceci est très important : elle s’est faite servante volontairement – elle a été vendue comme esclave – elle a ensuite choisi librement de se faire servante, de porter sur ses épaules les fardeaux des autres.

Sainte Joséphine Bakhita, par son exemple, nous montre le chemin pour être finalement libérés de nos esclavages et de nos peurs. Elle nous aide à démasquer nos hypocrisies et nos égoïsmes, à surmonter rancœurs et conflictualités. Et elle nous encourage toujours.

Chers frères et sœurs, le pardon n’enlève rien mais ajoute – qu’est-ce que le pardon ajoute ? – de la dignité : le pardon ne t’enlève rien mais ajoute de la dignité à la personne, il fait porter le regard de soi-même vers les autres, pour les voir aussi fragiles que nous, mais toujours frères et sœurs dans le Seigneur. Frères et sœurs, le pardon est la source d’un zèle qui devient miséricorde et appelle à une sainteté humble et joyeuse, comme celle de Sainte Bakhita.

* * *

Je salue cordialement les pèlerins de langue française venus de différentes nations.

Frères et sœurs, par l’intercession de sainte Joséphine Bakhita, demandons au Seigneur le courage de nous réconcilier avec nous-mêmes et avec les autres, et d’œuvrer pour la paix dans nos familles et nos communautés.

Que Dieu vous bénisse !


APPELS

Je continue à suivre avec douleur et appréhension ce qui se passe en Israël et en Palestine : tant de personnes tuées, d’autres blessées… Je prie pour les familles qui ont vu un jour de fête se transformer en jour de deuil, et je demande que les otages soient libérés immédiatement. C’est le droit de qui est attaqué de se défendre, mais je suis très préoccupé par le siège total dans lequel vivent les Palestiniens à Gaza, où il y a également eu de nombreuses victimes innocentes. Le terrorisme et les extrémismes ne contribuent pas à trouver une solution au conflit entre Israéliens et Palestiniens, mais alimentent la haine, la violence et la vengeance, et font seulement souffrir les uns et les autres. Le  Moyen-Orient n’a pas besoin de guerre mais de paix, une paix fondée sur la justice, le dialogue et le courage de la fraternité.

J’adresse une pensée spéciale à la population de l’Afghanistan qui souffre des conséquences du tremblement de terre dévastateur qui l’a frappée, faisant des milliers de victimes (dont beaucoup de femmes et d’enfants) et de personnes déplacées. J’invite toutes les personnes de bonne volonté à aider ce peuple déjà si éprouvé, en contribuant dans un esprit de fraternité à alléger les souffrances des gens et à soutenir la reconstruction nécessaire.

 

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Homélie du pape François lors de la messe d’ouverture du Synode 2023

L’Assemblée générale 2023 du Synode sur la synodalité a débuté par la Sainte Messe le 4 octobre, en la fête de Saint François d’Assise. Dans son homélie, le pape François a affirmé que « le Synode sert à nous rappeler ceci : notre Mère l’Église a toujours besoin d’être purifiée, d’être « réparée », car nous sommes un peuple composé de pécheurs pardonnés – les deux éléments : pécheurs pardonnés – qui ont toujours besoin de revenir à la source qu’est Jésus et de se remettre sur les chemins de l’Esprit pour atteindre tout le monde avec son Évangile. »

Messe avec les nouveaux cardinaux et le Collège des cardinaux
Ouverture de l’Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques
Homélie de Sa Sainteté
Place Saint-Pierre
Mercredi 4 octobre 2023

Voici le texte intégral:

L’Évangile que nous venons d’entendre est précédé par le récit d’un moment difficile de la mission de Jésus, que nous pourrions définir comme un moment de “désolation pastorale” : Jean Baptiste doute qu’il soit vraiment le Messie ; de nombreuses villes qu’il a traversées, malgré les miracles accomplis, ne se sont pas converties ; les gens l’accusent d’être un glouton et un ivrogne, alors qu’un peu plus tôt ils s’étaient plaints du Baptiste parce qu’il était trop austère (cf. Mt 11, 2-24). Cependant, nous voyons que Jésus ne se laisse pas abattre par la tristesse, mais il lève les yeux vers le ciel et bénit le Père parce qu’il a révélé aux simples les mystères du Royaume de Dieu : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » (Mt 11, 25). Au moment de la désolation, Jésus a donc un regard capable de voir au-delà: il loue la sagesse du Père et il est capable de discerner le bien caché qui grandit, la semence de la Parole accueillie par les simples, la lumière du Royaume de Dieu qui se fraye un chemin même dans la nuit. 

Chers frères cardinaux, frères évêques, sœurs et frères, nous sommes à l’ouverture de l’Assemblée synodale. Et nous n’avons pas besoin d’un regard immanent, fait de stratégies humaines, de calculs politiques ou de batailles idéologiques. Nous ne sommes pas ici pour mener une réunion parlementaire ou un plan de réforme. Non. Nous sommes ici pour marcher ensemble sous le regard de Jésus, qui bénit le Père et accueille tous ceux qui sont fatigués et opprimés. Partons donc du regard de Jésus, un regard qui bénit et qui accueille.

1. C’est avant tout un regard qui bénit. Bien qu’il ait fait l’expérience du rejet et qu’il ait vu tant de dureté de cœur autour de lui, le Christ ne se laisse pas emprisonner par la déception, il ne devient pas amer, il n’éteint pas la louange ; son cœur, enraciné dans le primat du Père, reste serein même dans la tempête. 

Ce regard qui bénit du Seigneur nous invite aussi à être une Église qui, avec un esprit joyeux, contemple l’action de Dieu et discerne le présent. Et qui, au milieu des vagues parfois agitées de notre temps, ne se décourage pas, ne cherche pas d’échappatoires idéologiques, ne se barricade pas derrière des convictions acquises, ne cède pas aux solutions faciles, ne se laisse pas dicter son agenda par le monde. Telle est la sagesse spirituelle de l’Église, résumée avec sérénité par saint Jean XXIII : « Il est nécessaire avant tout que l’Église ne détourne jamais son regard de l’héritage sacré de vérité qu’elle a reçu des anciens. Mais il faut aussi qu’elle se tourne vers les temps présents, qui entraînent de nouvelles situations, de nouvelles formes de vie et ouvrent de nouvelles voies à l’apostolat » (Discours pour l’ouverture solennelle du Concile œcuménique Vatican II, 11 octobre 1962). 

Le regard qui bénit de Jésus nous invite à être une Église qui n’affronte pas les défis et les problèmes d’aujourd’hui avec un esprit de division et de conflit, mais qui, au contraire, tourne les yeux vers Dieu qui est communion et, avec crainte et humilité, le bénit et l’adore, le reconnaissant comme son unique Seigneur. Nous Lui appartenons et – ne l’oublions pas – nous n’existons que pour Le 

porter au monde. Comme nous l’a dit l’apôtre Paul, « la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste notre seule fierté » (Ga 6, 14). Cela nous suffit, Il nous suffit. Nous ne voulons pas de gloires terrestres, nous ne voulons pas paraitre beaux aux yeux du monde, mais le rejoindre avec la consolation de l’Évangile, pour mieux témoigner, à tous, de l’amour infini de Dieu. En effet, comme l’a dit Benoît XVI en s’adressant à une Assemblée synodale, « La question pour nous est la suivante : Dieu a parlé, Il a vraiment rompu le grand silence, Il s’est montré, mais comment pouvons-nous faire arriver cette réalité à l’homme d’aujourd’hui afin qu’elle devienne salut? » (Méditation au cours de la 1ère Congrégation générale de la XIIIe Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques, 8 octobre 2012). Telle est la question fondamentale. Et c’est la tâche première du Synode : recentrer notre regard sur Dieu, pour être une Église qui regarde l’humanité avec miséricorde. Une Église unie et fraternelle, qui écoute et dialogue ; une Église qui bénit et encourage, qui aide ceux qui cherchent le Seigneur, qui secoue avec bienveillance les indifférents, qui ouvre des chemins pour initier les personnes à la beauté de la foi. Une Église qui a Dieu en son centre et qui, par conséquent, ne se divise pas à l’intérieur et n’est jamais dure à l’extérieur. C’est ainsi que Jésus veut l’Église, son Épouse.

2. Après le regard qui bénit, nous contemplons le regard du Christ qui accueille. Alors que ceux qui se croient sages ne reconnaissent pas l’œuvre de Dieu, lui se réjouit dans le Père parce qu’il se révèle aux petits, aux simples, aux pauvres en esprit. Ainsi, tout au long de sa vie, il adopte ce regard hospitalier envers les plus faibles, les souffrants, les laissés-pour-compte. C’est vers eux, en particulier, qu’il se tourne, en disant ce que nous avons entendu : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos » (Mt 11, 28).

Ce regard accueillant de Jésus nous invite également à être une Église hospitalière. Dans une époque complexe comme la nôtre, de nouveaux défis culturels et pastoraux apparaissent, qui requièrent une attitude intérieure cordiale et douce, afin que nous puissions nous confronter sans crainte. Dans le dialogue synodal, dans cette belle “marche dans l’Esprit Saint” que nous entreprenons ensemble en tant que Peuple de Dieu, nous pouvons grandir dans l’unité et l’amitié avec le Seigneur pour regarder les défis d’aujourd’hui avec son regard ; pour devenir, selon une belle expression de saint Paul VI, une Église qui « se fait conversation » (Lett. enc. Ecclesiam suam, n. 67). Une Église dont “le joug est doux” (cf. Mt 11, 30), qui n’impose pas de fardeaux et qui répète à chacun : “Venez, vous qui êtes fatigués et opprimés, venez, vous qui vous êtes égarés ou qui vous sentez loin, venez, vous qui avez fermé les portes de l’espérance : l’Église est là pour vous”.

3. Frères et sœurs, Peuple saint de Dieu, face aux difficultés et aux défis qui nous attendent, le regard qui accueille et bénit Jésus nous empêche de tomber dans certaines tentations dangereuses : être une Église rigide, qui s’arme contre le monde et regarde en arrière ; être une Église tiède, qui se soumet aux modes du monde ; être une Église fatiguée, repliée sur elle-même. Marchons ensemble, humbles, ardents et joyeux. Marchons sur les traces de saint François d’Assise, le saint de la pauvreté et de la paix, le “fou de Dieu” qui a porté dans son corps les stigmates de Jésus et s’est dépouillé de tout pour se revêtir de Lui. Saint Bonaventure raconte que, tandis qu’il priait, le Crucifié lui dit : « Va et répare mon église » (Legenda maior, II, 1). Le Synode sert à nous rappeler ceci : notre Mère l’Église a toujours besoin d’être purifiée, d’être “réparée”, parce que tous nous sommes un Peuple de pécheurs pardonnés, qui ont toujours besoin de revenir à la source qu’est Jésus et de se remettre sur les chemins de l’Esprit pour rejoindre tout le monde avec son Évangile. François d’Assise, à une époque de grandes luttes et de divisions entre les pouvoirs temporel et religieux, entre l’Église institutionnelle et les courants hérétiques, entre les chrétiens et les autres croyants, n’a critiqué ni critiqué personne, mais il a pris à bras le corps les armes de l’Évangile : l’humilité et l’unité, la prière et la charité. Faisons de même !

Et si le saint Peuple de Dieu, et ses pasteurs, partout dans le monde, nourrit des attentes, des espoirs et même quelques craintes à l’égard du Synode que nous commençons, souvenons-nous qu’il ne s’agit non pas d’un rassemblement politique, mais d’une convocation dans l’Esprit ; non pas d’un parlement polarisé, mais d’un lieu de grâce et de communion. L’Esprit Saint brise souvent nos attentes pour créer quelque chose de nouveau qui dépasse nos prédictions et notre négativité. Ouvrons-nous à Lui et invoquons-Le, Lui le protagoniste, l’Esprit Saint. Et avec Lui, marchons, dans la confiance et la joie. 

 

 

Secured By miniOrange