Homélie du Saint-Père sur le front de mer de Beyrouth

Photo Crédit: Vatican Media

Pape Léon XIV, lors de son homélie de la messe offerte sur le front de mer de Beyrouth en présence de plus de 150 000 personnes : « En ce front de mer où se rejoignent la beauté et les blessures du Liban, nous nous rassemblons pour confier au Seigneur nos épreuves et notre espérance. Que cette célébration ravive en nous le désir de paix, de réconciliation et de fraternité pour tout le peuple libanais. ».

Lisez le texte intégral de son discours ci-dessous. Pour en savoir plus sur le voyage apostolique du pape Léon XIV en Turquie et au Liban, rendez-vous sur slmedia.org/fr/turquie-liban.

Chers frères et sœurs,

au terme de ces journées intenses que nous avons partagées dans la joie, nous rendons grâce au Seigneur pour les nombreux dons de sa bonté, pour la manière dont Il se rend présent au milieu de nous, pour la Parole qu’Il nous offre en abondance et pour ce qu’Il nous a donné de vivre ensemble.

Jésus aussi – comme nous venons de l’entendre dans l’Évangile –a des paroles de gratitude envers le Père et, s’adressant à Lui, Il prie en disant : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange » (Lc 10, 21).

Cependant, la louange ne trouve pas toujours sa place en nous. Parfois, accablés par les difficultés de la vie, préoccupés par les nombreux problèmes qui nous entourent, paralysés par l’impuissance face au mal et opprimés par tant de situations difficiles, nous sommes davantage portés à la résignation et à la plainte qu’à l’émerveillement du cœur et à l’action de grâce.

C’est à vous, cher peuple libanais, que j’adresse cette invitation à cultiver toujours des attitudes de louange et de gratitude. À vous qui êtes les destinataires d’une beauté rare dont le Seigneur a enrichi votre terre et qui, en même temps, êtes les spectateurs et les victimes de la manière dont le mal, sous de multiples formes, peut obscurcir cette magnificence.

Depuis cette esplanade qui surplombe la mer, je peux moi aussi contempler la beauté du Liban chantée dans les Écritures. Le Seigneur y a planté ses hauts cèdres, les nourrissant et les rassasiant (cf. Ps 103, 16), Il a parfumé les vêtements de l’épouse du Cantique des Cantiques avec le parfum de cette terre (cf. Ct 4, 11), et à Jérusalem, ville sainte revêtue de lumière pour la venue du Messie, Il a annoncé : « La gloire du Liban viendra chez toi : cyprès, orme et mélèze ensemble, pour faire resplendir le lieu de mon sanctuaire ; et ce lieu où je pose mes pieds, je le glorifierai » (Is 60, 13).

Mais en même temps, cette beauté est assombrie par la pauvreté et les souffrances, par les blessures qui ont marqué votre histoire – je viens de me rendre sur le lieu de l’explosion, au port, pour prier – ; elle est assombrie par les nombreux problèmes qui vous affligent, par un contexte politique fragile et souvent instable, par la crise économique dramatique qui vous oppresse, par la violence et les conflits qui ont réveillé d’anciennes peurs.

Dans un tel contexte, la gratitude cède facilement la place au désenchantement, le chant de louange ne trouve pas sa place dans la désolation du cœur, la source de l’espérance est asséchée par l’incertitude et la désorientation.

La Parole du Seigneur, cependant, nous invite à trouver les petites lumières qui brillent au cœur de la nuit, pour nous ouvrir à la gratitude et pour nous inciter à nous engager ensemble en faveur de cette terre.

Comme nous l’avons entendu, Jésus ne rend pas grâce au Père en raison des œuvres extraordinaires, mais parce qu’Il révèle sa grandeur précisément aux petits et aux humbles, à ceux qui n’attirent pas l’attention, qui semblent compter peu ou pas du tout, ceux qui n’ont pas de voix. Le Royaume que Jésus vient inaugurer a en effet cette caractéristique dont nous a parlé le prophète Isaïe : il est un germe, un petit rameau qui pousse sur un tronc (cf. Is 11, 1), une petite espérance qui promet la renaissance quand tout semble mourir. C’est ainsi que le Messie est annoncé et, venant dans la petitesse d’un germe, il ne peut être reconnu que par les petits, par ceux qui, sans grandes prétentions, savent reconnaître les détails cachés, les traces de Dieu dans une histoire apparemment perdue.

Cela est aussi une indication pour nous, afin que nous puissions avoir le regard assez clairvoyant pour reconnaître la petitesse du germe qui pousse et grandit même au sein d’une histoire douloureuse. Les petites lumières qui brillent dans la nuit, les petites pousses qui apparaissent, les petites graines plantées dans le jardin aride de cette époque, nous pouvons les voir nous aussi, ici aussi, aujourd’hui aussi. Je pense à votre foi simple et authentique, enracinée dans vos familles et nourrie par les écoles chrétiennes ; je pense au travail constant des paroisses, des congrégations et des mouvements pour répondre aux demandes et besoins des gens ; je pense aux nombreux prêtres et religieux qui se dépensent dans leur mission au milieu de multiples difficultés ; je pense aux laïcs, engagés dans le domaine de la charité et de la promotion de l’Évangile dans la société. Pour ces lumières qui tentent avec peine d’éclairer l’obscurité de la nuit, pour ces petits germes invisibles qui ouvrent cependant l’espérance en l’avenir, nous devons aujourd’hui dire comme Jésus : “Nous te louons, ô Père!”. Nous te remercions d’être avec nous et de ne pas nous laisser vaciller.

En même temps, cette gratitude ne doit pas être une consolation intimiste et illusoire. Elle doit nous conduire à la transformation du cœur, à la conversion de la vie, à considérer que c’est précisément dans la lumière de la foi, dans la promesse de l’espérance et dans la joie de la charité que Dieu a pensé notre vie. C’est pourquoi nous sommes tous appelés à cultiver ces germes, à ne pas nous décourager, à ne pas céder à la logique de la violence et à l’idolâtrie de l’argent, à ne pas nous résigner face au mal qui se répand.

Chacun doit faire sa part et nous devons tous unir nos efforts pour que cette terre retrouve sa splendeur. Et nous n’avons qu’un seul moyen de le faire : désarmons nos cœurs, faisons tomber les armures de nos fermetures ethniques et politiques, ouvrons nos confessions religieuses à la rencontre réciproque, réveillons au plus profond de nous-mêmes le rêve d’un Liban uni, où triomphent la paix et la justice, où tous puissent se reconnaître frères et sœurs et où, enfin, puisse se réaliser ce que nous décrit le prophète Isaïe : «  Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble » (Is 11, 6).

Tel est le rêve qui vous est confié ; c’est ce que le Dieu de la paix met entre vos mains : Liban, relève-toi ! Sois une maison de justice et de fraternité ! Sois une prophétie de paix pour tout le Levant !

Frères et sœurs, je voudrais moi aussi répéter les paroles de Jésus : “Je proclame ta louange ô Père”. Je rends grâce au Seigneur de m’avoir permis de partager ces journées avec vous, tout en portant dans mon cœur vos souffrances et vos espérances. Je prie pour vous, afin que cette terre du Levant soit toujours éclairée par la foi en Jésus-Christ, soleil de justice, et que grâce à Lui, elle garde l’espérance qui ne passe pas.

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Appel du Saint-Père

Chers frères et sœurs,

au cours de ces journées de mon premier Voyage Apostolique, entrepris en cette Année Jubilaire, j’ai voulu venir en pèlerin d’espérance au Moyen-Orient, implorant Dieu d’accorder la paix à cette terre bien-aimée, marquée par l’instabilité, les guerres et la douleur.

Chers chrétiens du Levant, lorsque les résultats de vos efforts pour la paix tardent à venir, je vous invite à lever les yeux vers le Seigneur qui    vient ! Regardons-le avec espérance et courage, en invitant chacun à s’engager sur la voie de la coexistence, de la fraternité et de la paix. Soyez des artisans de paix, des annonciateurs de paix, des témoins de paix !

Le Moyen-Orient a besoin de nouvelles attitudes, pour rejeter la logique de la vengeance et de la violence, pour surmonter les divisions politiques, sociales et religieuses, pour ouvrir de nouveaux chapitres sous le signe de la réconciliation et de la paix. La voie de l’hostilité réciproque et de la destruction, dans l’horreur de la guerre, a été trop longtemps empruntée, avec les résultats déplorables que tout le monde peut constater. Il faut changer de voie, il faut éduquer le cœur à la paix.

Depuis cette place, je prie pour le Moyen-Orient et tous les peuples qui souffrent à cause de la guerre. Je prie également pour la Guinée-Bissau, en espérant une solution pacifique aux conflits politiques. Je n’oublie pas non plus les victimes de l’incendie survenu à Hong Kong et leurs chères familles.

Je prie tout particulièrement pour le Liban bien-aimé ! Je demande une fois encore à la communauté internationale de ne ménager aucun effort pour promouvoir les processus de dialogue et de réconciliation. Je lance un appel pressant à tous ceux qui détiennent une autorité politique et sociale, ici et dans tous les pays en proie à la guerre et à la violence : écoutez le cri de vos peuples qui implorent la paix ! Mettons-nous tous au service de la vie, du bien commun et du développement intégral des personnes.

Enfin, à vous, chrétiens du Levant, citoyens à part entière de ces terres, je répète : courage ! Toute l’Église vous regarde avec affection et admiration. Que la Bienheureuse Vierge Marie, Notre-Dame de Harissa, vous protège toujours.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

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Au port de Beyrouth, prière d’espérance du pape pour le Liban

Vue panoramique du port de Beyrouth où s’est produite l’énorme explosion du 4 août 2020. Istock

Vous pouvez suivre notre couverture médiatique du voyage apostolique du pape Léon XIV au Liban à partir de demain sur Sel + Lumière TV et Sel + Lumière Plus. Visitez slmedia.org/fr/turquie-liban pour en savoir plus.

Le Liban est connu pour sa diversité religieuse unique : on y compte officiellement dix-huit communautés reconnues par l’État. Parmi elles, le christianisme occupe une place centrale et se répartit principalement entre deux grandes appartenances : l’Église orthodoxe et l’Église catholique. Du côté catholique, on retrouve plusieurs Églises orientales en communion avec Rome, notamment l’Église maronite — la plus nombreuse — ainsi que les Églises : melkite grecque-catholique, arménienne catholique, syriaque catholique, chaldéenne et latine (romaine). Chacune possède son propre héritage liturgique, spirituel et culturel, ce qui contribue à la mosaïque religieuse du pays. 

Cette diversité a profondément influencé non seulement la culture, la vie politique et l’architecture libanaises, mais aussi la population elle-même, façonnant une société.

Au-delà du système politique libanais, qui reste fortement confessionnel, la réalité quotidienne est bien différente : les Libanais et les Libanaises vivent, étudient et travaillent ensemble dans une grande spontanéité. Je me souviens d’ un cours que je suivais au Centre-ville de Beyrouth : nous étions douze étudiant.es, chacun.e issu.e d’une communauté différente. Cette diversité ne créait aucune barrière; au contraire, elle était et est toujours source de richesse parce qu’au Liban, on se côtoie naturellement dans la vie de tous les jours. C’est souvent lorsque la politique s’en mêle que les tensions réapparaissent, comme si certains s’efforçaient d’appliquer le vieux principe du « diviser pour régner ». Cette dualité entre convivialité quotidienne et manipulation politique est une réalité profondément ancrée dans l’expérience libanaise.

Depuis toujours, le Liban a été une terre marquée par des tensions : des siècles de conflits, de guerres de succession et d’invasions étrangères ont marqué son histoire. Diverses civilisations : Romains, Perses, Ottomans, Français, et bien d’autres,  ont tour à tour occupé ce territoire, profitant parfois des divisions locales. Tel que la guerre civile (1975-1990) qui s’est conclue avec une occupation syrienne qui a duré quinze ans. Un grand rassemblement de tous les Libanais et Libanaises en 2005 a mis fin à cette période. Toutefois, l’ombre de l’occupation et des rivalités ne s’est jamais tout à fait estompée.

Les cinq dernières années

Au cours des cinq dernières années, le Liban a traversé certaines des épreuves les plus difficiles de son histoire récente : 

  • L’effondrement financier de 2019, né d’un soulèvement populaire menant à une crise bancaire, a fait disparaître les économies de toute une population et dissous une classe moyenne autrefois solide ; 
  • La dévaluation brutale de la livre libanaise a entraîné une inflation galopante et rendu l’accès aux biens essentiels toujours plus ardu ; 
  • La pandémie de COVID-19 est survenue en plein chaos, aggravant pauvreté, fragilité sociale et difficultés d’accès aux soins ; 
  • Puis l’explosion ou blast du port de Beyrouth le 4 août 2020 : l’une des plus violentes non nucléaires de l’histoire moderne, a dévasté la capitale, causant plusieurs centaines de morts, des centaines de milliers de déplacé.es et plus de dix milliards de dollars de dégâts ; 
  • Enfin, en 2024, une nouvelle guerre le long de la frontière sud, marquée par bombardements et destructions massives, a forcé plus d’un million de personnes à fuir, rendant certaines zones inhabitables.

Cette succession de crises économiques, sanitaires, humaines et militaires révèle un pays profondément éprouvé, mais jamais entièrement brisé malgré la fragilité de l’État, la corruption persistante et les tensions régionales. Mais elle a cependant laissé derrière elle une population déboussolée, et une jeunesse de plus en plus désespérée, souvent poussée à envisager de quitter le pays faute de perspectives dans leur propre patrie. 

La visite du pape Léon XIV, un messager de paix

La visite historique du pape Léon XIV au Liban, du 30 novembre au 2 décembre 2025, revêt une signification particulièrement forte, après des années de souffrance et d’épreuves pour le pays. Il vient porter un message de paix et d’espérance — non seulement aux Libanais et Libanaises sur place, mais aussi à toute la diaspora libanaise, qui suit avec anxiété le sort de son pays. 

Léon XIV n’est pas le premier pape à fouler le sol libanais : trois de ses prédécesseurs l’ont déjà fait :

  • Paul VI est passé à Beyrouth le 2 décembre 1964, lors d’une escale sur son chemin vers l’Inde. 
  • Jean-Paul II a visité le Liban les 10 et 11 mai 1997, à l’occasion de la conclusion d’un synode spécial pour le Liban.
  • Benoît XVI y est allé du 14 au 16 septembre 2012.

Cette visite s’annonce comme un véritable rayon d’espérance : dans un contexte de profonde crise  économique, sociale, politique, le pape Léon XIV est perçu comme un messager de paix. Sa venue peut contribuer à remonter le moral des Libanais et des Libanaises, et rappeler à tous et à toutes que le Liban que le pape Jean Paul II a considéré une Terre Sainte dans son exhortation apostolique post-synodale: Une Espérance Nouvelle Pour le Liban en 1997, est un symbole d’unité religieuse et de dialogue, même dans la tourmente et que les Libanais et Libanaises continueront à être messagers et messagères de la foi et de l’espérance.

La prière du pape sur le site de l’explosion au port de Beyrouth

La prière du pape Léon XIV particulièrement sur le site du port de Beyrouth dépasse largement le cadre d’un geste symbolique : elle porte une dimension spirituelle profonde, adressée aux Libanais, et aux Libanaises, surtout à cette jeune génération qui, découragée par l’instabilité, l’exil forcé ou la perte d’espoir, cherche une vie ailleurs. En se tenant devant les ruines du port, le Pape rappelle que cette terre n’est pas seulement une géographie blessée — c’est une Terre de mission, de foi, d’histoire et de vocation. 

Les procédures d’enquête autour de l’explosion ou du blast sont embrouillées, bloquées, contestées, manipulées au gré des intérêts. Beaucoup de Libanais et Libanaises ont fini par craindre que la vérité ne soit jamais complètement révélée et qu’elle reste noyée sous les pressions, les menaces et le silence officiel. 

Ainsi, la prière du Pape au port relie le ciel et la terre, l’espérance et la responsabilité, la foi et la justice. Elle rappelle aux Libanais et aux Libanaises que leur douleur est vue, portée, reconnue, et que malgré les mécanismes opaques qui tentent d’étouffer la vérité, il existe encore un regard extérieur qui appelle à la transparence, à la dignité et à la guérison véritable.

Selon S.E. Mgr Paul Marwan Tabet, Évêque de l’Éparchie Saint-Maron du Canada en réfléchissant sur ce sujet : « la prière du pape Léon XIV sur le site de l’explosion du port de Beyrouth (4 août 2020) peut être interprétée comme un appel explicite à la justice mondiale. En choisissant ce lieu chargé de douleur, il rappelle que la catastrophe n’est pas seulement un événement passé, mais une plaie encore ouverte pour ceux qui continuent de souffrir : les blessés, les familles des victimes, les habitants traumatisés, la capitale du Liban détruite, et tous ceux qui ont tout perdu. Par ce geste, il souligne la nécessité de faire toute la lumière sur les responsabilités qu’elles soient individuelles, institutionnelles ou liées à des négligences graves et d’obtenir une justice digne pour les innocents touchés. Sa présence incarne ainsi un soutien moral puissant et une invitation à la communauté internationale à ne pas détourner le regard tant que la vérité et la réparation n’auront pas été pleinement assurées ».

La visite apostolique au Liban du pape Léon XIV vient confirmer ce que pape François a déclaré lors de son discours, le premier vendredi saint de son pontificat en 2013 : « Nous l’avons vu quand le Pape Benoît est allé au Liban : nous avons vu la beauté et la force de la communion des chrétiens de cette Terre et de l’amitié de tant de nos frères musulmans et de beaucoup d’autres. Ce fut un signe pour le Moyen-Orient et pour le monde entier : un signe d’espérance. »

La foi en temps de crise – au Liban

Dans cet épisode nous parlons du Liban, pays dont la capitale (Beyrouth) a été meurtrie par des explosions le 4 août dernier, dans un contexte sanitaire déjà difficile à cause du coronavirus. À cela s’ajoute une profonde crise politique, économique et sociale. Nous en discutons avec Carl Hétu, directeur national de CNEWA, Association catholique d’aide à l’Orient.

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