Le dimanche 12 octobre dernier, le pape François présidait une Messe d’action de grâce pour la canonisation de deux saints de chez nous : Mgr de Laval et Marie de l’Incarnation. Pour l’occasion, une délégation du diocèse de Québec comprenant des pèlerins du monde entier s’était déplacée pour célébrer cet événement historique pour l’église particulière du Québec. En effet, cette reconnaissance du pouvoir d’intercession de la part de l’Église universelle allait avoir une triple dimension que je propose d’analyser brièvement.
Dans un premier temps, l’accueil de l’église du Québec autour du tombeau de Saint Pierre en compagnie de son successeur le pape François, avait pour but d’intensifier et d’approfondir la communion avec Dieu en demandant l’intercession de ces deux nouveaux saints. Cela se découvre plus amplement lorsque nous considérons le lien organique entre la foi en la communion des saints et la communion avec Dieu. Plus l’union avec Dieu le Père par l’humanité du Christ s’intensifie, plus nous sommes unie avec nos frères et sœurs en humanité et, plus particulièrement, avec la communauté des baptisés. Ainsi, puisque l’Église a reconnue la présence de deux membres de notre église du Québec auprès de Dieu, nous pouvons vivre plus pleinement dans l’espérance d’être écoutée et ainsi s’attendre à ce « que le Québec revienne sur ce chemin de la fécondité ». Durant son homélie, le pape François a fait référence à deux conséquences que cette canonisation peut avoir sur nos vies.
« Faire mémoire de nos fondateurs » (Hb 13, 7)
Le premier conseil que le pape François offre à l’église du Québec est d’être fidèle à notre devise nationale « je me souviens »! En ce sens, il est intéressant de noter comment le peuple québécois retrouvera la foi au même moment où il retrouvera conscience de sa propre identité. Mais qu’est-ce que signifie le fait de faire mémoire, de se souvenir de « ceux qui nous ont précédés, de ceux qui ont fondé notre Église » ? Lorsque nous nous rappelons un événement passé, nous ne faisons pas simplement nous représenté l’événement comme s’il n’était que derrière nous et, donc, comme étant « dépassé ». Au contraire, commémorer un événement passé implique que celui-ci soit porteur de sens pour nous. Ainsi, faire mémoire de nos fondateurs signifie prendre conscience de ce qu’ils peuvent nous apprendre aujourd’hui. Assumer cet héritage est essentiel à la mission de Nouvelle évangélisation qui nous incombe puisque « leur exemple nous attire, nous pousse à imiter leur foi. Ce sont des témoignages féconds qui engendrent la vie! » [3] Il est donc de mise de se poser la question à savoir comment peuvent-ils nous inspirer devant les défis que les chrétiens ont à relever aujourd’hui ?
Sainte Marie de l’Incarnation, « la Mère de l’Église en Canada » est un modèle inspirant pour nous qui avons un défi d’éducation aussi gigantesque que le sien. En effet, les défis de la catéchèse et de l’éducation civile sont grandissants. Manque de personnel, manque d’intérêt porté par les parents à la dimension spirituelle de leurs enfants, exclusion de la religion des milieux scolaires ne sont que quelques exemples des difficultés auxquels les éducateurs chrétiens font face aujourd’hui. En ce sens, Marie de l’Incarnation pourra nous aider à deux niveaux. D’abord en intercédant pour nous lorsque nous invoquerons Dieu pour nos divers besoins temporels et spirituels dans cette mission d’éducation. Ensuite, en nous invitant à prendre au sérieux notre devoir d’éducateur ou, en d’autres termes, de redécouvrir que la mission d’éducateur est une responsabilité commune qui incombe à tous.
De son côté saint François de Montmorency de Laval peut être un modèle à nous qui sommes appelés à construire ou reconstruire nos communautés. De fait, le défi de Saint François de Laval était de fonder l’église de Québec ! Sa mission n’était donc pas moins importante que la nôtre ! Comme nous, sa mission était à la fois spirituelle et temporelle puisqu’il avait d’énormes problèmes logistiques à résoudre. En ce sens, il a aussi connu notre situation à nous qui « faisons l’expérience de la rareté des ouvriers de l’Évangile ».
« Pour Dieu, la joie de ma jeunesse » (Psaume 42)
Le deuxième conseil du pape François à l’Église présente au Québec est de toujours garder en tête l’exhortation de l’auteur de la lettre aux Hébreux :
« Souvenez-vous de ces premiers jours où vous veniez de recevoir la lumière du Christ : vous avez soutenu alors le dur combat des souffrances… Ne perdez pas votre assurance ; grâce à elle, vous serez largement récompensés. Car l’endurance vous est nécessaire… » (10, 32.35-36).
Retrouver la joie nouvelle de la rencontre avec le Christ est nécessaire pour mener cette mission de Nouvelle Évangélisation qui nous incombe.
En ce sens, sainte Marie de l’Incarnation est un modèle d’endurance puisqu’elle a su rester fidèle à la vocation qu’elle avait reçu du Christ d’aller « au Canada construire une maison à Jésus et à Marie ». Elle n’a pas eu peur de tout abandonner pour ce Dieu dont
elle avait reçu la grâce de faire l’expérience du prix de la Rédemption. Aucun voyage, aucune tempête de neige, aucune attaque d’amérindiens n’a réussi à freiner son ardeur et son amour pour les âmes que le Seigneur lui avait confié. Notre temps ne requiert pas moins de vertus.
Saint Mgr de Laval peut aussi nous pousser à comprendre et prendre la résolution d’assumer notre mission ainsi que l’héroïcité qu’elle demande. En effet, le premier évêque d’Amérique du Nord est un exemple de ce courage et de cette franchise nécessaire à la mission de l’Église. Comme l’affirmait le pape François « le diable est jaloux et il ne tolère pas qu’une terre soit ainsi féconde de missionnaires »[7]. Faire face aux défis qui se présentent devant nous demandera la même audace et la même ingéniosité par lequel saint Mgr de Laval a su répondre « oui » à l’appel de Dieu.
Se mettre à l’école de ces deux géants demande, à la suite des exhortations du pape François, de « faire mémoire des témoins, des missionnaires de la foi dans votre terre ». Non pas comme des personnages historiques lointains mais comme étant une partie intégrante de notre identité individuelle et collective. C’est seulement ainsi que nous préparerons en nous l’espace par lequel l’Esprit pourra se répandre dans la réalité du Québec d’aujourd’hui.