Audience générale du pape François – 12 avril 2023

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Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a poursuivi sa catéchèse sur le « zèle évangélique ». Il a réfléchi sur la référence à Éphésiens 6:15 « aux pieds du héraut de la bonne nouvelle », en disant que « celui qui va proclamer doit se déplacer, doit marcher ! »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Après avoir vu, il y a quinze jours, le zèle personnel de saint Paul pour l’Évangile, nous pouvons aujourd’hui réfléchir plus profondément sur le zèle évangélique tel qu’il en parle lui-même et qu’il le décrit dans quelques-unes de ses lettres.

En vertu de sa propre expérience, Paul n’ignore pas le danger d’un zèle déformé, orienté dans la mauvaise direction ; il était lui-même tombé dans ce danger avant la chute providentielle sur le chemin de Damas. Nous avons parfois affaire à un zèle mal orienté, obstiné dans l’observation de normes purement humaines et obsolètes pour la communauté chrétienne. « Certains, écrit l’apôtre, ont pour vous un attachement qui n’est pas bon ». (Gal 4, 17).

Nous ne pouvons pas ignorer la sollicitude avec laquelle certains se consacrent à de mauvaises occupations, même au sein de la communauté chrétienne ; on peut se vanter d’un faux zèle évangélique tout en poursuivant en réalité la vanité ou ses propres convictions.

Quelles sont les caractéristiques du véritable zèle évangélique selon Paul ? Le texte que nous avons entendu au début me semble utile à cet égard, une liste d’« armes » que l’apôtre indique pour le combat spirituel. Parmi ces armes, il y a la volonté de propager l’Évangile, que certains traduisent par « zèle » et qu’ils qualifient de « chaussure ». Pourquoi ? En quoi le zèle pour l’Évangile est-il lié à ce que l’on met à ses pieds ? Cette métaphore reprend un texte du prophète Isaïe : « Comme ils sont beaux sur les montagnes, les pas du messager, celui qui annonce la paix, qui porte la bonne nouvelle, qui annonce le salut, et vient dire à Sion : ‹ Il règne, ton Dieu ! › » (52,7).

Ici aussi, il est question des pieds d’un héraut de la bonne nouvelle. Pourquoi ? Parce que celui qui va proclamer doit se déplacer, il doit marcher ! Mais nous remarquons aussi que Paul, dans ce texte, parle des chaussures comme d’une partie de l’armure, selon l’analogie de l’équipement du soldat qui va au combat : dans le combat, il est essentiel d’avoir une bonne stabilité, d’éviter les pièges du terrain, car l’adversaire a souvent truffé le champ de bataille de pièges, et d’avoir la force de courir et de se déplacer dans la bonne direction.

Le zèle évangélique est le support sur lequel repose l’annonce, et les annonciateurs sont un peu comme les pieds du corps du Christ qui est l’Église. Il n’y a pas de proclamation sans mouvement, sans « sortie”, sans initiative. On n’annonce pas l’Évangile en restant immobile, enfermé dans un bureau, devant son pupitre ou son ordinateur, à discuter comme des « lions du clavier “et à remplacer la créativité de l’annonce par des copier-coller d’idées prises ici et là. L’Évangile s’annonce en se déplaçant, en marchant, en allant.

Le terme utilisé par Paul pour désigner la chaussure de ceux qui portent l’Évangile est un mot grec qui signifie empressement, préparation, alacrité. C’est le contraire du laisser-aller, qui est incompatible avec l’amour. En effet, Paul dit ailleurs : « Ne ralentissez pas votre élan, restez dans la ferveur de l’Esprit, servez le Seigneur » (Rm 12,11). Cette attitude était celle requise dans le livre de l’Exode pour célébrer le sacrifice de la Pâque de délivrance : « Vous mangerez ainsi : la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la main. Vous mangerez en toute hâte : c’est la Pâque du Seigneur. Je traverserai le pays d’Égypte, cette nuit-là » (12,11-12a).

Le héraut est prêt à partir et il sait que le Seigneur passe de manière surprenante ; il doit donc être libre de tout projet et prêt pour une action inattendue et nouvelle. Celui qui annonce l’Évangile ne peut pas être fossilisé dans des cages de plausibilité ou dans le « on a toujours fait comme ça », mais il est prêt à suivre une sagesse qui n’est pas de ce monde, comme le dit Paul en parlant de lui-même : « Mon langage, ma proclamation de l’Évangile, n’avaient rien d’un langage de sagesse qui veut convaincre ; mais c’est l’Esprit et sa puissance qui se manifestaient, pour que votre foi repose, non pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu »  (1 Co 2,4-5).

Ici, il est important d’avoir cette disponibilité à la nouveauté de l’Évangile, cette attitude qui est un élan, une prise d’initiative, un « primerear ». Il s’agit de ne pas laisser passer les occasions de promulguer l’annonce de l’Évangile de la paix, cette paix que le Christ sait donner plus et mieux que le monde ne le fait.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation du Bureau de presse du Saint-Siège.

E6 | Béatitude

Homélie du pape François lors de la Messe Chrismale – 6 avril 2023

Le Jeudi Saint 6 avril 2023, le pape François a prononcé l’homélie lors de la célébration de la Messe  Chrismale. Il a dit: L’Esprit du Seigneur est sur moi. Chacun de nous peut le dire ; et ce n’est pas de la présomption, c’est une réalité, puisque tout chrétien, et en particulier tout prêtre, peut faire siennes les paroles suivantes : « Le Seigneur m’a consacré par l’onction » (Is 61, 1).

Vous pouvez lire le texte intégral de l’homélie ci-dessous.

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Célébration de la Messe Chrismale

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Basilique Saint-Pierre
Jeudi Saint, 6 avril 2023

« L’Esprit du Seigneur est sur moi » (Lc 4,18) : c’est à partir de ce verset qu’a commencé la prédication de Jésus, et c’est à partir de ce même verset que la Parole que nous avons entendue aujourd’hui a débuté (cf. Is 61,1). Au commencement, donc, il y a l’Esprit du Seigneur.

Et c’est sur lui que je voudrais réfléchir avec vous aujourd’hui, chers confrères, sur l’Esprit du Seigneur. En effet, sans l’Esprit du Seigneur, il n’y a pas de vie chrétienne, et sans son onction, il n’y a pas de sainteté. Il est le protagoniste et c’est beau, en ce jour de naissance du sacerdoce, de reconnaître qu’il est à l’origine de notre ministère, de la vie et de la vitalité de chaque pasteur. En effet, notre Sainte Mère l’Église nous enseigne à professer que l’Esprit Saint « donne la vie » [1] comme l’a affirmé Jésus en disant : « C’est l’Esprit qui fait vivre » ( Jn 6, 63) ; un enseignement repris par l’apôtre Paul qui écrit : « La lettre tue, mais l’Esprit donne la vie » (2 Co 3, 6) et parle de la « loi de l’Esprit qui donne la vie dans le Christ Jésus » ( Rm 8, 2). Sans Lui, l’Église ne serait pas l’Épouse vivante du Christ, mais tout au plus une organisation religieuse – plus ou moins bonne ; elle ne serait pas le Corps du Christ, mais un temple construit par des mains humaines. Comment l’Église peut-elle être construite, sinon à partir du fait que nous sommes les « temples de l’Esprit Saint » qui « habite en nous » (cf. 1 Co 6, 19 ; 3,16) ? Nous ne pouvons pas le laisser dehors ou le « parquer » dans une zone de dévotion, non, au centre !. Nous avons besoin de dire chaque jour : « Viens, car sans ta puissance rien n’est en l’homme ». [2]

L’Esprit du Seigneur est sur moi. Chacun de nous peut le dire ; et ce n’est pas de la présomption, c’est une réalité, puisque tout chrétien, et en particulier tout prêtre, peut faire siennes les paroles suivantes : « Le Seigneur m’a consacré par l’onction » (Is 61, 1). Frères, sans mérite, par pure grâce, nous avons reçu une onction qui a fait de nous des pères et des pasteurs du Peuple saint de Dieu. Arrêtons-nous donc sur cet aspect de l’Esprit : l’onction.

Après la première « onction » dans le sein de Marie, l’Esprit est descendu sur Jésus au Jourdain. Par la suite, comme l’explique saint Basile, « chaque action [du Christ] s’est accomplie avec la co-présence de l’Esprit Saint ». [3] En effet, c’est par la puissance de cette onction qu’Il prêchait et accomplissait des signes, en vertu de laquelle « une force sortait de Lui et les guérissait tous » ( Lc 6, 19). Jésus et l’Esprit œuvrent toujours ensemble, de sorte qu’ils sont comme les deux mains du Père [4] – Irénée dit cela – qui, tendues vers nous, nous étreignent et nous relèvent. Et c’est par elles que nos mains, ointes par l’Esprit du Christ ont été marquées. Oui, frères, le Seigneur ne nous a pas seulement choisis et appelés de partout : il a répandu en nous l’onction de son Esprit, celui-là même qui est descendu sur les Apôtres. Frères nous sommes des “oints”.

Regardons donc vers eux, vers les Apôtres. Jésus les choisit et, à son appel, ils quittent leurs barques, leurs filets, leurs maisons et ainsi de suite… L’onction de la Parole change leur vie. Avec enthousiasme, ils suivent le Maître et commencent à prêcher, convaincus d’accomplir par la suite des choses encore plus grandes ; jusqu’à ce que survienne la Pâque. Là, tout semble s’arrêter : ils en viennent à renier et à abandonner le Maître. Nous ne devons pas avoir peur. Soyons courageux en lisant notre propre vie et nos chutes. Ils parviennent à renier et à abandonner le Maitre, Pierre, le premier. Ils se rendent compte de leur incapacité et réalisent qu’ils ne l’avaient pas compris : le « Je ne connais pas cet homme » (Mc 14, 71), que Pierre prononce dans la cour du grand prêtre après la dernière Cène, n’est pas seulement une défense impulsive, mais un aveu d’ignorance spirituelle : lui et les autres s’attendaient peut-être à une vie de succès derrière un Messie attirant les foules et accomplissant des prodiges. Mais ils ne reconnaissent pas le scandale de la croix qui brise leurs certitudes. Jésus savait qu’ils n’y arriveraient pas seuls, et c’est pourquoi il leur avait promis le Paraclet. Et c’est justement cette « seconde onction », à la Pentecôte, qui transforme les disciples, en les amenant à paître le troupeau de Dieu et non plus eux-mêmes.Et telle est la contradiction à résoudre : suis-je pasteur du peuple de Dieu ou de moi-même ? Et il y a l’Esprit qui m’enseigne le chemin. C’est cette onction de feu qui fait disparaître leur religiosité centrée sur eux-mêmes et sur leurs propres capacités : une fois l’Esprit reçu, les craintes et les hésitations de Pierre se dissiperont ; Jacques et Jean, brûlés par le désir de donner leur vie, cesseront de courir après les places d’honneur (cf. Mc 10, 35-45) ; notre carriérisme, frères ; les autres ne resteront plus enfermés et craintifs au Cénacle, mais ils sortiront et deviendront apôtres dans le monde.C’est l’esprit qui change notre cœur, qui le met dans ce plan différent.

Frères, un tel chemin embrasse notre vie sacerdotale et apostolique. Pour nous aussi, il y a eu une première onction qui a commencé par un appel d’amour qui a ravi nos cœurs. Pour lui nous avons rompu nos amarres et sur cet enthousiasme authentique est descendue la force de l’Esprit, qui nous a consacrés. Ensuite, selon le temps voulu par Dieu, vient pour chacun l’étape pascale, qui marque le moment de vérité. Et c’est un moment de tension qui prend des formes diverses. Il arrive à chacun, tôt ou tard, de connaître des déceptions, des fatigues, des faiblesses, l’idéal semblant se diluer devant les exigences de la réalité, tandis qu’une certaine habitude prend le dessus et que certaines épreuves, auparavant difficilement imaginables, rendent la fidélité plus inconfortable qu’elle ne l’était auparavant. Cette étape – de cette tentation, de cette épreuve que nous avons tous eue, que nous avons et que nous aurons – cette étape représente une ligne de crête décisive pour ceux qui ont reçu l’onction. On peut s’en sortir mal, en glissant vers une certaine médiocrité, en se traînant avec lassitude dans une « normalité » où s’insinuent trois tentations dangereuses : celle du compromis, où l’on se contente de ce que l’on peut faire ; celle des compensations, où l’on cherche à se « recharger » avec autre chose que notre onction ; celle du découragement – qui est la plus commune –, où, mécontents, l’on continue par inertie. Et c’est là que réside le grand risque : alors que les apparences demeurent intactes – “Je suis prêtre” –, on se replie sur soi-même et on se traîne sans énergie ; le parfum de l’onction n’embaume plus la vie et le cœur ; et le cœur ne se dilate plus mais se rétrécit, enserré dans le désenchantement.C’est un distillat, tu sais ? Lorsque le sacerdoce glisse lentement sur le cléricalisme et que le prêtre oublie d’être pasteur du peuple, pour devenir un clerc d’État.

Mais cette crise peut aussi devenir le tournant du sacerdoce, « l’étape décisive de la vie spirituelle, où il faut faire l’ultime choix entre Jésus et le monde, entre l’héroïsme de la charité et la médiocrité, entre la croix et un certain bien-être, entre la sainteté et une honnête fidélité à l’engagement religieux ». [5] À la fin de cette célébration, on vous donnera comme cadeau un classique, un livre qui traite de ce problème : “ Le second appel”, c’est un classique du Père Voillaume qui touche ce problème, lisez-le. Ensuite, nous avons tous besoin réfléchir à ce moment de notre sacerdoce. C’est le moment béni où, comme les disciples à Pâques, nous sommes appelés à être « assez humbles pour confesser que nous avons été vaincus par le Christ humilié et crucifié, et pour accepter de commencer un nouveau chemin, celui de l’Esprit, de la foi et d’un amour fort et sans illusions ». [6] C’est le kairos où l’on découvre que « tout cela ne se réduit pas à abandonner la barque et les filets pour suivre Jésus pendant un certain temps, mais nous oblige à aller jusqu’au Calvaire, à accueillir la leçon et le fruit, et à aller avec l’aide de l’Esprit Saint jusqu’au bout d’une vie qui doit s’achever dans la perfection de la Charité divine ».  [7] Avec l’aide de l’Esprit Saint : c’est le temps, pour nous comme pour les Apôtres, d’une « seconde onction », temps d’un second appel que nous devons écouter, pour la seconde onction, celle où nous accueillons l’Esprit, non pas à partir de l’enthousiasme de nos rêves, mais à partir de la fragilité de notre réalité. C’est une onction qui fait la vérité en profondeur, qui permet à l’Esprit d’oindre nos faiblesses, nos travaux, nos pauvretés intérieures. Alors l’onction embaume à nouveau : de son parfum et non du nôtre.En ce moment, intérieurement, je fais mémoire de certains d’entre vous qui sont en crise – disons ainsi – qui sont désorientés et qui ne savent pas comment prendre le chemin, comment reprendre le chemin dans cette seconde onction de l’Esprit. À ces frères – je les ai présents – je dis simplement : courage, le Seigneur est plus grand que tes faiblesses, que tes péchés. Confie-toi au Seigneur et laisse-toi appeler une deuxième fois, cette fois avec l’onction de l’Esprit Saint. La double vie ne t’aidera pas ; jeter tout par la fenêtre, non plus. Regarde en avant, laisse-toi caresser par l’onction de l’Esprit Saint.

Et le chemin pour ce pas de maturité est d’admettre la vérité de sa propre faiblesse. « L’Esprit de vérité » (Jn 16, 13) nous y exhorte, il nous pousse à regarder en nous-mêmes jusqu’au fond et à nous demander : mon épanouissement dépend-il de mes capacités, du rôle que j’obtiens, des compliments que je reçois, de la carrière que je poursuis, des supérieurs ou des collaborateurs, ou du confort que je peux me garantir, ou de l’onction qui parfume ma vie ? Frères, la maturité sacerdotale passe par l’Esprit Saint, elle se réalise quand Il devient le protagoniste de notre vie. Alors tout change de perspective, même les déceptions et les amertumes – même les péchés – parce qu’il ne s’agit plus d’essayer de nous améliorer en corrigeant quelque chose, mais de nous en remettre, sans rien retenir, à Celui qui nous a gratifiés de son onction et veut descendre en nous au plus profond. Frères, nous redécouvrons alors que la vie spirituelle devient libre et joyeuse non pas quand on sauve les formes et que l’on rapièce, mais quand on laisse l’initiative à l’Esprit et que, abandonnés à ses desseins, on se dispose à servir là et comme on nous le demande : notre sacerdoce ne grandit pas en rapiéçant, mais en débordant !

Si nous laissons l’Esprit de vérité agir en nous, nous conserverons l’onction – conserver l’onction –, car les faussetés – les hypocrisies cléricales – les faussetés avec lesquelles nous sommes tentés de vivre viendront à la lumière immédiatement. Et l’Esprit, qui « lave ce qui est sale », nous suggérera, sans se lasser, de « ne pas souiller l’onction », ne serait-ce qu’un peu. Il me vient à l’esprit cette phrase du Qohèleth qui dit : « Une seule mouche morte infeste et gâte l’huile du parfumeur » (10, 1). C’est vrai, toute duplicité – la duplicité cléricale, s’il vous plaît – toute duplicité qui s’insinue est dangereuse : elle ne doit pas être tolérée mais mise à la lumière de l’Esprit. Parce que, si « rien n’est plus faux que le cœur de l’homme, il est incurable » ( Jr 17, 9), l’Esprit Saint, Lui seul, nous guérit de l’infidélité (cf. Os 14, 5). C’est pour nous un combat essentiel : il est en effet indispensable, comme l’écrivait saint Grégoire le Grand que « celui qui annonce la parole de Dieu se consacre d’abord à son propre mode de vie, pour apprendre ensuite, à partir de sa propre vie, ce qu’il doit dire et comment il doit le dire. […] Que nul ne prétende dire à l’extérieur ce qu’il n’a pas d’abord entendu à l’intérieur ». [8] Et c’est l’Esprit, le maître intérieur, qu’il faut écouter, sachant qu’il n’y a rien en nous qu’Il ne veuille oindre. Frères, préservons l’onction : que l’invocation de l’Esprit ne soit pas une pratique sporadique, mais le souffle de chaque jour. Viens, viens, conserve-nous l’onction. Moi, consacré par Lui, je suis appelé à m’immerger en Lui, à laisser sa lumière pénétrer mes obscurités – nous en avons beaucoup – pour retrouver la vérité de ce que je suis. Laissons-nous entraîner par Lui pour combattre les contradictions qui s’agitent en nous ; et laissons-nous régénérer par Lui dans l’adoration, car lorsque nous adorons le Seigneur, Il déverse son Esprit dans nos cœurs.

L’esprit du Seigneur est sur moi, parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction ; il m’a envoyé – poursuit la prophétie – et m’a envoyé pour apporter la bonne nouvelle, la délivrance, la guérison et la grâce (cf. Is 61, 1-2 ; Lc 4, 18-19) : en un mot, pour apporter l’harmonie là où il n’y en a pas. Car comme le dit saint Basile : “L’Esprit est l’harmonie” c’est Lui qui fait l’harmonie. Après vous avoir parlé de l’onction, je voudrais vous dire quelque chose de cette harmonie qui en est la conséquence. L’Esprit Saint, en effet, est harmonie. D’abord au ciel : saint Basile explique que « cette supra-céleste et indicible harmonie dans service de Dieu et dans la symphonie réciproque des puissances supra-cosmiques, il est impossible qu’elle soit conservée sinon par l’autorité de l’Esprit » [9]. Et aussi sur la terre : dans l’Église, c’est bien Lui cette « Harmonie divine et musicale » [10] qui relie tout.Mais pensez à un presbyterium sans harmonie, sans l’Esprit : cela ne fonctionne pas. Il suscite la diversité des charismes et la refonde en unité, il crée une concorde qui n’est pas fondée sur l’homologation, mais sur la créativité de la charité. Il en va de même pour l’harmonie entre les uns et les autres. Il en va de même pour l’harmonie dans un presbytère. Pendant les années du Concile Vatican II, qui a été un don de l’Esprit, un théologien a publié une étude dans laquelle il parlait de l’Esprit non pas dans son individualité, mais dans son pluralisme. Il nous invitait à le considérer comme une Personne divine non pas tant singulière que « plurielle », comme le « nous de Dieu », le « nous » du Père et du Fils, parce qu’il est leur lien, il est en lui-même concorde, communion, harmonie. [11] Je me souviens que quand j’ai lu ce traité théologique – c’était en théologie, en étudiant – je me suis scandalisé : il semblait une hérésie, parce que dans notre formation on ne comprenait pas bien comment était l’Esprit Saint.

Créer l’harmonie, c’est ce qu’Il désire, surtout parmi ceux sur qui Il a répandu son onction. Frères, construire l’harmonie entre nous n’est donc pas une bonne méthode pour que la structure ecclésiale puisse mieux fonctionner, ce n’est pas danser le Minuet, ce n’est pas une question de stratégie ou de courtoisie, mais une exigence interne de la vie de l’Esprit. On pèche contre l’Esprit, qui est communion, quand on devient, même par légèreté, un instrument de division, par exemple – et revenons sur le même thème – avec le bavardage. Quand nous devenons des instruments de division, nous péchons contre l’Esprit. Et on fait le jeu de l’ennemi qui ne se montre pas au grand jour et qui aime les rumeurs et les insinuations, qui fomente des partis et des groupes de pressions, nourrit la nostalgie du passé, la méfiance, le pessimisme, la peur. Veillons, s’il vous plaît, à ne pas souiller l’onction de l’Esprit et la tunique de la Sainte Mère l’Église par la désunion, les polarisations, par tout manque de charité et de communion. Rappelons-nous que l’Esprit, « le nous de Dieu », préfère la forme communautaire : c’est-à-dire la disponibilité par rapport à ses propres exigences, l’obéissance par rapport à ses propres goûts, l’humilité par rapport à ses propres attentes.

L’harmonie n’est pas une vertu parmi d’autres, elle est davantage. Saint Grégoire le Grand écrit : « La valeur de la vertu d’harmonie est démontrée par le fait que, sans elle, toutes les autres vertus ne valent absolument rien ». [12] Aidons-nous les uns les autres, mes frères, à préserver l’harmonie, – préserver l’harmonie – ce serait le devoir – en commençant non pas par les autres, mais chacun par soi-même ; en nous demandant : dans mes paroles, dans mes commentaires, dans ce que je dis et écris, y a-t-il l’empreinte de l’Esprit ou celle du monde ? Je pense aussi à la gentillesse du prêtre – mais si souvent les prêtres, nous… sommes impolis – : pensons à la gentillesse du prêtre, si les gens trouvent, même chez nous, des personnes insatisfaites, vieux garçons, des personnes mécontentes qui critiquent et pointent du doigt, où verront-ils l’harmonie ? Combien ne s’approchent pas, ou bien s’éloignent, parce qu’ils ne se sentent ni accueillis ni aimés dans l’Église, mais regardés avec suspicion et jugés ! Au nom de Dieu, accueillons et pardonnons, toujours ! Et rappelons-nous que le fait d’être crispés et de se plaindre, outre que cela ne produit rien de bon, compromet l’annonce, parce que cela est un contre-témoignage de Dieu qui est communion et harmonie. Et cela déplaît beaucoup et surtout à l’Esprit Saint que l’apôtre Paul nous exhorte à ne pas contrister (cf. Ep 4, 30).

Frères, je vous laisse avec ces pensées qui sont sorties du cœur et je termine en vous adressant une parole simple et importante : merci. Merci pour votre témoignage, merci pour votre service ; merci pour tout le bien caché que vous faites, merci pour le pardon et la consolation que vous offrez au nom de Dieu : toujours pardonner, s’il vous plaît, ne jamais refuser le pardon ; merci pour votre ministère qui s’exerce souvent au prix de beaucoup de fatigues, d’incompréhensions et de peu de reconnaissance. Frères, que l’Esprit de Dieu, qui ne déçoit pas ceux qui se confient en Lui, vous comble de paix et achève en vous ce qu’il a commencé, afin que vous soyez prophètes de son onction et apôtres d’harmonie.

 

[1] Symbole de Nicée-Constantinople.

[2] Cf. Séquence de la Pentecôte.

[3] Spir. XVI, 39.

[4] Cf. Irené de Lyon, Adv. haer. IV, 20,1.

[5] R. Voillaume, «La seconda chiamata», in S. Stevan ed.,  La Seconda chiamata. Il coraggio della fragilità, Bologna 2018, 15. (« Le second appel », Lettres aux fraternités, t. 1, Paris, Cerf, 1960, pp. 11-35).

[6] Ibid., 24.

[7] Ibid., 16.

[8] Homélies sur Ezéchiel, I, X ,13-14.

[9] Spir. XVI, 38. Basile de Césarée, De Spiritu sancto, Sources Chrétiennes 17, [SPIR.S] 16, 38 (p.382).

[10] In Ps. 29,1.

[11] Cf. H. Mühlen, Der Heilige Geist als Person. Ich – Du – Wir, Münster in W., 1963.

[12] Homélies sur Ezéchiel, I, VIII, 8.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Audience générale du pape François – 5 avril 2023

« Le roi qui mérite tous les éloges ». Crédit photo: Mirna Encinas on Cathopic.

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a réfléchi sur « Le crucifix, source d’espérance ». Il a déclaré que sur la croix, « nous voyons Jésus nu, Jésus dépouillé, Jésus blessé, Jésus tourmenté. Est-ce la fin de tout ? C’est là que se trouve notre espérance. »

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dimanche dernier, la Liturgie nous a fait écouter la Passion du Seigneur. Elle se termine par ces mots : « Ils mirent les scellés sur la pierre » (Mt 27, 66). Ils mirent les scellés sur la pierre : tout semble fini. Pour les disciples de Jésus, ce bloc de pierre marque la fin de l’espérance. Le Maître a été crucifié, tué de la manière la plus cruelle et la plus humiliante qui soit, pendu à un infâme gibet hors de la ville : un échec public, la pire fin possible – à cette époque c’était la pire. Le découragement qui oppressait les disciples ne nous est pas totalement étranger aujourd’hui. En nous aussi, fusent des idées noires et des sentiments de frustration : pourquoi tant d’indifférence à l’égard de Dieu ? C’est curieux : pourquoi tant d’indifférence à l’égard de Dieu ? Pourquoi tant de mal dans le monde ? Mais regardez, il y a du mal dans le monde ! Pourquoi les inégalités continuent-elles à se creuser et la paix tant désirée ne se réalise pas ? Pourquoi sommes-nous si attachés à la guerre, à nous faire du mal l’un à l’autre ? Et dans le cœur de chacun, que d’attentes envolées, que de déceptions ! Et toujours ce sentiment que les temps passés étaient meilleurs et que dans le monde, peut-être même dans l’Église, les choses ne sont plus ce qu’elles étaient… Bref, aujourd’hui encore, l’espérance semble parfois scellée sous la pierre de la méfiance. Et j’invite chacun d’entre vous à réfléchir à ceci : où est ton espérance ? Toi, as-tu une espérance vive ou l’as-tu scellée là, ou l’as-tu dans le tiroir comme un souvenir ? Est-ce que ton espérance te fait avancer, ou est-ce un souvenir romantique comme quelque chose qui n’existerait pas ? Où est ton espérance aujourd’hui ?

Une image est restée gravée dans l’esprit des disciples : la croix. Et c’est là que tout est fini. C’est là que se concentrait la fin de tout. Mais peu de temps après, ils découvriront dans la croix elle-même un nouveau commencement. Chers frères et sœurs, c’est ainsi que germe l’espérance de Dieu, elle naît et renaît dans les trous noirs de nos attentes déçues, et l’espérance véritable, au contraire, ne déçoit jamais. Pensons à la croix : du plus terrible instrument de torture, Dieu a tiré le plus grand signe d’amour. Ce bois de la mort, transformé en arbre de vie, nous rappelle que les débuts de Dieu commencent souvent à partir de nos limites : c’est ainsi qu’il aime opérer des merveilles. Aujourd’hui, regardons donc l’arbre de la croix pour que germe en nous l’espérance : cette vertu de tous les jours, cette vertu silencieuse, humble, mais cette vertu qui nous maintient debout, qui nous aide à aller de l’avant. Sans espérance, on ne peut pas vivre. Demandons-nous : où est mon espérance ? Aujourd’hui, regardons l’arbre de la croix pour que germe en nous l’espérance : pour être guéris de la tristesse – mais, que de gens tristes… Moi, quand je pouvais aller dans les rues, maintenant je ne peux plus parce qu’on ne me laisse pas faire, mais quand je pouvais aller dans les rues dans l’autre diocèse, j’aimais bien regarder le regard des gens. Tant de regards tristes ! Des gens tristes, des gens qui parlent tout seuls, des gens qui marchent avec leur téléphone portable, mais sans paix, sans espérance. Et où est ton espérance aujourd’hui ? Nous avons besoin d’un peu d’espérance pour guérir de la tristesse dont nous sommes malades, pour guérir de l’amertume avec laquelle nous polluons l’Église et le monde. Frères et sœurs, regardons le Crucifix. Et que voyons-nous ? Nous voyons Jésus nu, Jésus dépouillé, Jésus blessé, Jésus tourmenté. Est-ce la fin de tout ? C’est là que réside notre espérance.

Observons donc comment, sous ces deux aspects, l’espérance, qui semblait mourir, renaît. Tout d’abord, nous voyons Jésus dépouillé : car « après l’avoir crucifié, ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort » (v. 35). Dieu dépouillé : Celui qui a tout se laisse dépouiller de tout. Mais cette humiliation est le chemin de la rédemption. Dieu triomphe ainsi de nos apparences. En effet, nous avons du mal à nous mettre à nu, à faire la vérité : nous essayons toujours de dissimuler les vérités parce qu’elles ne nous plaisent pas ; nous nous revêtons d’apparences extérieures que nous recherchons et soignons, des masques pour nous déguiser et nous montrer meilleurs que nous ne sommes. Un peu comme l’habitude du maquillage : maquillage intérieur, paraître meilleur que les autres …Nous pensons que l’important est l’ostentation, le paraitre, pour que les autres disent du bien de nous. Et nous nous parons d’apparences, nous nous parons d’apparences, de choses superflues, mais de cette manière nous ne trouvons pas la paix. Puis le maquillage disparaît et tu te regardes dans le miroir avec le visage laid que tu as, mais le vrai, celui que Dieu aime, pas celui qui est « maquillé ». Et Jésus dépouillé de tout nous rappelle que l’espérance renaît en faisant la vérité sur nous-mêmes – se dire la vérité à soi-même -, en abandonnant la duplicité, en nous libérant de la coexistence pacifique avec nos mensonges. Parfois, nous sommes tellement habitués à nous dire des mensonges que nous vivons avec ces mensonges comme s’il s’agissait de vérités et nous finissons par être empoisonnés par nos mensonges. Voilà ce qui est nécessaire : revenir au cœur, à l’essentiel, à une vie simple, dépouillée de tant de choses inutiles, qui sont des substituts de l’espérance. Aujourd’hui, alors que tout est complexe et que nous risquons de perdre le fil, nous avons besoin de simplicité, nous avons besoin de redécouvrir la valeur de la sobriété, la valeur du renoncement, de faire le ménage dans ce qui pollue le cœur et nous rend tristes. Chacun de nous peut penser à une chose inutile dont il peut se débarrasser pour se retrouver. Pensez-y, que de choses inutiles ! Ici, il y a quinze jours, à Santa Marta, où je vis – c’est un hôtel pour tant de gens – on a dit que pour cette Semaine Sainte, il serait bon de regarder l’armoire et de se dépouiller, de nous débarrasser des choses que nous avons, que nous n’utilisons pas… vous ne pouvez pas imaginer la quantité de choses ! Il est bon de se débarrasser des choses inutiles. Et cela a été donné aux pauvres, aux personnes dans le besoin. Nous aussi, nous avons tant de choses inutiles à l’intérieur de notre cœur – et à l’extérieur aussi. Regardez votre garde-robe : regardez-la. Ce qui est utile, ce qui est inutile… et faire le ménage. Regardez l’armoire de l’âme : combien de choses inutiles vous avez, combien d’illusions stupides. Revenons à la simplicité, aux choses essentielles, qui n’ont pas besoin de maquillage. Voilà un bel exercice !

Jetons un second regard sur le crucifix et voyons Jésus blessé. La croix montre les clous qui transpercent ses mains et ses pieds, son côté ouvert. Mais aux blessures du corps s’ajoutent celles de l’âme : mais quelle angoisse ! Jésus est seul : trahi, livré et renié par les siens, de ses amis et également de ses disciples, condamné par le pouvoir religieux et civil, excommunié, Jésus fait même l’expérience de l’abandon de Dieu (cf. v. 46). Sur la croix, apparaît également le motif de la condamnation : « Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs » (v. 37). C’est une moquerie : lui qui s’était enfui quand on avait voulu le faire roi (cf. Jn 6,15), est condamné pour s’être fait roi ; alors qu’il n’a commis aucun crime, il est mis entre deux malfaiteurs et on lui préfère le violent Barabbas (cf. Mt 27,15-21). Jésus, en somme, est blessé dans son corps et dans son âme. Je me demande : en quoi cela aide-t-il notre espérance ? Ainsi, Jésus nu, dépouillé de tout, de tout : qu’est-ce que cela dit de mon espérance, en quoi cela m’aide-t-il ?

Nous aussi nous sommes blessés : qui n’est pas blessé dans la vie ? Et tant de fois avec des blessures cachées, que nous cachons à cause de la honte. Qui ne porte pas les cicatrices de choix passés, d’incompréhensions, de douleurs qui restent à l’intérieur et qui sont difficiles à surmonter ? Mais aussi des torts subis, des paroles acerbes, des jugements sans clémence ? Dieu ne cache pas à nos yeux les blessures qui ont transpercé son corps et son âme. Il les montre pour nous dévoiler qu’un nouveau passage peut s’ouvrir à Pâques : faire de ses blessures des trous de lumière. « Mais, Sainteté, n’exagérez pas », pourrait-on me dire. Non, c’est vrai : essaie. Essaie. Pense à tes blessures, celles que tu es le seul à connaître, celles que chacun a cachées dans le cœur. Et regarde le Seigneur. Et tu verras, tu verras comment de ces blessures jaillissent des trous de lumière. Jésus en croix, ne récrimine pas, il aime. Il aime et pardonne à ceux qui le blessent (cf. Lc 23, 34). Il transforme ainsi le mal en bien, ainsi convertit-il et transforme-t-il la douleur en amour.

Frères et sœurs, la question n’est pas d’être blessé un peu ou beaucoup par la vie, la question est ce que je fais de mes blessures. Les petites, les grandes, celles qui laisseront toujours une trace dans mon corps, dans mon âme. Qu’est-ce que je fais avec mes blessures ? Que fais-tu, toi avec tes blessures ? « Non, mon Père, je n’ai pas de blessures » – « Attention, réfléchis-y par deux fois avant de dire cela ». Et moi je te demande : que fais-tu de tes blessures, celles que toi seul connais ? Tu peux les laisser s’infecter dans le ressentiment, la tristesse, ou je peux les unir à celles de Jésus, pour que mes blessures aussi deviennent lumineuses. Pensez au nombre de jeunes qui ne supportent pas leurs blessures et qui considèrent le suicide comme une voie de salut : aujourd’hui, dans nos villes, il y a beaucoup, beaucoup de jeunes qui ne voient pas d’issue, qui n’ont pas d’espérance et qui préfèrent aller plus loin avec la drogue, avec l’oubli… pauvres choses. Pensez à eux. Et toi, quelle est ta drogue, pour couvrir tes blessures ? Nos blessures peuvent devenir sources d’espérance quand, au lieu de pleurer sur nous-mêmes ou de les cacher, nous essuyons les larmes des autres ; quand, au lieu de nourrir du ressentiment pour ce qui nous est enlevé, nous nous occupons de ce qui manque aux autres ; quand, au lieu de ruminer en nous-mêmes, nous nous penchons sur ceux qui souffrent ; quand, au lieu d’être assoiffés d’amour pour nous-mêmes, nous étanchons la soif de ceux qui ont besoin de nous. Car seulement si nous cessons de penser à nous-mêmes, nous nous trouvons nous-mêmes. Mais si nous continuons à penser à nous-mêmes, nous ne nous retrouverons plus jamais. Et c’est ainsi que – comme le dit l’Écriture – notre blessure se cicatrise rapidement (cf. Is 58, 8) et que l’espérance refleurit. Réfléchissez : que puis-je faire pour les autres ? Je suis blessé, je suis blessé par le péché, je suis blessé par l’histoire, chacun a sa propre blessure. Que dois-je faire : est-ce que je lèche mes propres blessures comme ça, toute la vie ? Ou est-ce que je regarde les blessures des autres et je pars avec l’expérience blessée de ma propre vie, pour guérir, pour aider les autres ? C’est le défi d’aujourd’hui, pour vous tous, pour chacun d’entre nous. Que le Seigneur nous aide à aller de l’avant.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

L’Église aux peuples Autochtones: la « doctrine de la découverte » n’a jamais été catholique

Une « note » conjointe des Dicastères de la Culture et du Développement Humain Intégral reconnait  que «de nombreux chrétiens ont commis des actes malveillants à l’encontre des peuples indigènes».  Mais les bulles papales du XVe siècle qui ont cédaient aux souverains colonisateurs les biens des  peuples originaires sont des documents politiques, instrumentalisés pour des actes immoraux. Dès  1537, Paul III déclarait solennellement que les Autochtones ne devaient pas être réduits en esclavage  ni dépouillés de leurs biens. 

Vatican News- Grâce à l’aide des peuples Autochtones, « l’Église a acquis une plus grande conscience de leurs  souffrances, passées et présentes, dues à l’expropriation de leurs terres… ainsi qu’aux politiques  d’assimilation forcée, promues par les autorités gouvernementales de l’époque, destinées à éliminer leurs cultures Autochtones ». C’est ce qu’affirme la « Note commune sur la doctrine de la découverte »  des Dicastères de la culture et de l’éducation et du service du développement humain intégral, publiée  le jeudi 30 mars. Le document affirme que la « doctrine de la découverte », théorie utilisée pour justifier  l’expropriation des peuples indigènes par les souverains colonisateurs, «ne fait pas partie de  l’enseignement de l’Église catholique» et que les bulles papales par lesquelles des concessions ont été  faites aux souverains colonisateurs n’ont jamais fait partie du magistère. 

Il s’agit d’un texte important qui, huit mois après le voyage du pape François au Canada, réaffirme  clairement le rejet par l’Église catholique de la mentalité colonisatrice. « Au cours de l’histoire, rappelle le texte, les papes ont condamné les actes de violence, d’oppression, d’injustice sociale et  d’esclavage, y compris ceux commis contre les peuples indigènes ». Et il y a « de nombreux exemples» d’évêques, de prêtres, de religieux et de laïcs qui «ont donné leur vie pour défendre la dignité de ces  peuples ». La note ne manque pas non plus de mentionner que « de nombreux chrétiens ont commis  des actes malveillants à l’encontre des peuples indigènes, pour lesquels les papes récents ont  demandé pardon à de nombreuses reprises »

En ce qui concerne la « doctrine de la découverte », le texte indique que « Le concept juridique de  “découverte” a été débattu par les puissances coloniales à partir du XVIe siècle et a trouvé une  expression particulière dans la jurisprudence du XIXe siècle des tribunaux de plusieurs pays, selon  laquelle la découverte de terres par des colons conférait un droit exclusif d’éteindre, par achat ou  conquête, le titre ou la possession de ces terres par les peuples Autochtones ». Selon certains  chercheurs, cette « doctrine » s’appuie sur plusieurs documents pontificaux, notamment les bulles de  Nicolas V Dum Diversas (1452) et Romanus Pontifex (1455), et celle d’Alexandre VI Inter Caetera (1493). Il s’agit d’actes par lesquels ces deux Papes ont autorisé les souverains portugais et espagnols  à s’approprier les terres colonisées en soumettant les populations d’origine. 

« La recherche historique démontre clairement que les documents pontificaux en question, rédigés à  une période historique spécifique et liés à des questions politiques, n’ont jamais été considérés comme des expressions de la foi catholique », indique la note. En même temps, l’Église « reconnaît que ces  bulles pontificales n’ont pas reflété de manière adéquate l’égale dignité et les droits des peuples  Autochtones ». Elle ajoute que «le contenu de ces documents a été manipulé à des fins politiques par  des puissances coloniales concurrentes afin de justifier des actes immoraux à l’encontre des peuples  indigènes qui ont été réalisés parfois sans que les autorités ecclésiastiques ne s’y opposent». Il est  donc juste, affirment les deux dicastères du Saint-Siège, « de reconnaître ces erreurs, de reconnaître  les terribles effets des politiques d’assimilation et la douleur éprouvée par les peuples indigènes, et  de demander pardon ».  

Le Pape François est ensuite cité: «que la communauté chrétienne ne se laisse plus jamais contaminer  par l’idée qu’il existe une supériorité d’une culture par rapport à une autre et qu’il est légitime  d’utiliser des moyens de coercition sur les autres». Il est également rappelé que le magistère de  l’Église défend le respect dû à tout être humain et que l’Église « rejette donc les concepts qui ne  reconnaissent pas les droits humains inhérents aux peuples Autochtones », y compris la soi-disant « doctrine de la découverte ». 

Enfin, la note cite les déclarations «nombreuses et répétées» de l’Église et des Papes en faveur des  droits des peuples Autochtones, à commencer par celle contenue dans la bulle Sublimis Deus de Paul  III (1537), qui a déclaré solennellement que les peuples Autochtones ne devaient «en aucun cas être  privés de leur liberté ou de la possession de leurs biens, même s’ils ne sont pas de foi chrétienne ; et  qu’ils peuvent et doivent, librement et légitimement, jouir de leur liberté et de la possession de leurs  biens ; ils ne doivent en aucun cas être réduits en esclavage; si le contraire se produit, cela sera nul  et sans effet». Plus récemment, la solidarité de l’Église avec les peuples Autochtones s’est traduite par  «un fort soutien du Saint-Siège aux principes contenus dans la Déclaration des Nations Unies sur les  Droits des Peuples Indigènes». Leur mise en œuvre «améliorerait les conditions de vie et  contribuerait à protéger» les droits de ces peuples.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation du Dicastère pour la communication

Déclaration du CECC sur la « Doctrine de la découverte »

 

La Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) est reconnaissante au Dicastère pour la culture et l’éducation et au Dicastère pour le service du développement humain intégral d’avoir publié une Note commune sur le concept de la « Doctrine de la découverte », y compris sur la question de certaines bulles papales du XVe siècle qui, selon certains chercheurs, auraient servi de base à cette « doctrine ».

Contrairement à cette affirmation, de nombreuses déclarations publiées par l’Église et des papes au cours des siècles ont défendu les droits et les libertés des peuples Autochtones, par exemple la Bulle Sublimis Deus de 1537. En effet, plus récemment, les papes ont demandé pardon à de nombreuses reprises pour des actes malveillants commis contre les peuples Autochtones par des chrétiens et chrétiennes. Ayant entendu le désir exprimé par les peuples Autochtones pour que l’Église se penche sur la « doctrine de la découverte », la présente Note commune des deux Dicastères rejette en outre tout concept qui ne reconnaît pas les droits fondamentaux des peuples Autochtones.

Plus précisément, la Note commune affirme en termes clairs que :
« le magistère de l’Église défend le respect dû à tout être humain. L’Église catholique rejette donc les concepts qui ne reconnaissent pas les droits humains inhérents aux peuples Autochtones, y compris ce qui est connu sous le nom juridique et politique de ‘doctrine de la découverte’. »

La Note commune souligne que la « doctrine de la découverte » ne fait pas partie de l’enseignement de l’Église catholique et que les documents pontificaux examinés par certains chercheurs – en particulier les Bulles Dum Diversas (1452), Romanus Pontifex (1455) et Inter Caetera (1493) – n’ont jamais été considérés comme des expressions de la foi catholique. En même temps, elle reconnaît que ces bulles pontificales ne reflétaient pas correctement l’égalité de dignité et de droits des peuples Autochtones, qu’elles ont été manipulées à des fins politiques par des puissances coloniales concurrentes et que les peuples Autochtones ont subi les terribles effets des politiques d’assimilation des nations colonisatrices.

De plus, la Note commune soutient les principes de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples Autochtones, dont la mise en œuvre contribuerait à améliorer les conditions de vie de ces derniers, à protéger leurs droits, et à soutenir leur auto-développement dans le respect de leur identité, de leur langue, de leur histoire et de leur culture.

La CECC, la Conférence des évêques catholiques des États-Unis (USCCB) et le Comité pontifical des sciences historiques examinent ensemble la possibilité d’organiser un symposium universitaire réunissant des étudiants, Autochtones et non Autochtones, afin d’approfondir la compréhension historique de la « doctrine de la découverte ». Cette idée de symposium a également été encouragée par les deux Dicastères qui ont émis la présente Note commune.

Enfin, la CECC fait écho à la déclaration du pape François à Québec en juillet 2022, citée dans la Note d’aujourd’hui : « Que la communauté chrétienne ne se laisse plus jamais contaminer par l’idée qu’il existe une supériorité d’une culture par rapport à une autre et qu’il est légitime d’utiliser des moyens de coercition contre les autres. »

Le 30 mars 2023

La Conférence des évêques catholiques du Canada est l’assemblée nationale des évêques catholiques au Canada, qui sont actuellement en fonction. Le Conseil permanent est la plus haute instance décisionnelle de la Conférence lorsque l’Assemblée plénière n’est pas en session.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Conférence des évêques catholiques du Canada.

Note commune sur la « Doctrine de la découverte »

Le pape François s’adresse à une réunion des peuples Autochtones–Premières Nations, Métis et Inuit à l’ancien pensionnat Ermineskin à Maskwacis, Alberta, le 25 juillet 2022.

Note commune sur la « Doctrine de la découverte » du Dicastère pour la Culture et l’Éducation et du Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral

 

1. Fidèle au mandat reçu du Christ, l’Église catholique s’efforce de promouvoir la fraternité universelle et le respect de la dignité de tout être humain.

2. C’est pourquoi, au cours de l’histoire, les papes ont condamné les actes de violence, d’oppression, d’injustice sociale et d’esclavage, y compris ceux commis contre les peuples Autochtones. Il y a également eu de nombreux exemples d’évêques, de prêtres, de religieux, de religieuses et de fidèles laïcs qui ont donné leur vie pour défendre la dignité de ces peuples.

3. En même temps, le respect des faits de l’histoire exige la reconnaissance de la faiblesse humaine et des échecs des disciples du Christ dans chaque génération. De nombreux chrétiens ont commis des actes malveillants à l’encontre des peuples Autochtones, pour lesquels les papes récents ont demandé pardon à de nombreuses reprises.

4. De nos jours, un dialogue renouvelé avec les peuples Autochtones, en particulier avec ceux qui professent la foi catholique, a aidé l’Église à mieux comprendre leurs valeurs et leurs cultures. Avec leur aide, l’Église a acquis une plus grande conscience de leurs souffrances, passées et présentes, dues à l’expropriation de leurs terres, qu’ils considèrent comme un don sacré de Dieu et de leurs ancêtres, ainsi qu’aux politiques d’assimilation forcée, promues par les autorités gouvernementales de l’époque, destinées à éliminer leurs cultures Autochtones. Comme l’a souligné le Pape François, leurs souffrances constituent un puissant appel à abandonner la mentalité colonisatrice et à marcher avec eux côte à côte, dans le respect mutuel et le dialogue, en reconnaissant les droits et les valeurs culturelles de toutes les personnes et de tous les peuples. À cet égard, l’Église s’engage à accompagner les peuples Autochtones et à favoriser les efforts visant à promouvoir la réconciliation et la guérison.

5. C’est dans ce contexte d’écoute des peuples Autochtones que l’Église a compris l’importance d’aborder le concept appelé « de la découverte ». Le concept juridique de « découverte » a été débattu par les puissances coloniales à partir du XVIe siècle et a trouvé une expression particulière dans la jurisprudence du XIXe siècle des tribunaux de plusieurs pays, selon laquelle la découverte de terres par des colons conférait un droit exclusif d’éteindre, par achat ou conquête, le titre ou la possession de ces terres par les peuples Autochtones. Certains chercheurs ont affirmé que la base de la « doctrine » susmentionnée se trouve dans plusieurs documents pontificaux, tels que les Bulles Dum Diversas (1452), Romanus Pontifex (1455) et Inter Caetera (1493).

6. La « doctrine de la découverte » ne fait pas partie de l’enseignement de l’Église catholique. La recherche historique démontre clairement que les documents pontificaux en question, rédigés à une période historique spécifique et liés à des questions politiques, n’ont jamais été considérés comme des expressions de la foi catholique. En même temps, l’Église reconnaît que ces bulles pontificales n’ont pas reflété de manière adéquate l’égale dignité et les droits des peuples Autochtones. L’Église est également consciente que le contenu de ces documents a été manipulé à des fins politiques par des puissances coloniales concurrentes afin de justifier des actes immoraux à l’encontre des peuples Autochtones qui ont été réalisés parfois sans que les autorités ecclésiastiques ne s’y opposent. Il est juste de reconnaître ces erreurs, de reconnaître les terribles effets des politiques d’assimilation et la douleur éprouvée par les peuples Autochtones, et de demander pardon. En outre, le Pape François a exhorté: « Que la communauté chrétienne ne se laisse plus jamais contaminer par l’idée qu’il existe une supériorité d’une culture par rapport à une autre et qu’il est légitime d’utiliser des moyens de coercition sur les autres ».

7. En termes clairs, le magistère de l’Église défend le respect dû à tout être humain. L’Église catholique rejette donc les concepts qui ne reconnaissent pas les droits humains inhérents aux peuples Autochtones, y compris ce qui est connu sous le nom juridique et politique de « doctrine de la découverte ».

8. Des déclarations nombreuses et répétées de l’Église et des papes défendent les droits des peuples Autochtones. Par exemple, dans la Bulle Sublimis Deus de 1537, le Pape Paul III a écrit : « Nous définissons et déclarons […] que [, …] lesdits Indiens et tous les autres peuples qui seront découverts plus tard par les chrétiens, ne doivent en aucun cas être privés de leur liberté ou de la possession de leurs biens, même s’ils ne sont pas de foi chrétienne ; et qu’ils peuvent et doivent, librement et légitimement, jouir de leur liberté et de la possession de leurs biens ; ils ne doivent en aucun cas être réduits en esclavage; si le contraire se produit, cela sera nul et sans effet ».

9. Plus récemment, la solidarité de l’Église avec les peuples Autochtones a donné lieu à un fort soutien du Saint-Siège aux principes contenus dans la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones. La mise en œuvre de ces principes améliorerait les conditions de vie et contribuerai.t à protéger les droits des peuples Autochtones, ainsi qu’à faciliter leur développement dans le respect de leur identité, de leur langue et de leur culture.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation du Bureau de presse du Saint-Siège.

Audience Générale du pape François – 29 mars 2023

Lors de l’audience générale d’aujourd’hui, le pape François a poursuivi sa catéchèse sur l’évangélisation et le zèle apostolique. Il réfléchit à la conversion de saint Paul en disant que « le vrai catholique, le vrai chrétien est celui qui reçoit Jésus en lui, ce qui change son cœur ».

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre parcours catéchétique sur le zèle apostolique, nous commençons aujourd’hui à considérer certaines figures qui, de manières et à des époques différentes, ont donné un témoignage exemplaire de ce que signifie la passion pour l’Évangile. Le premier témoin est bien naturellement l’apôtre Paul. Je voudrais lui dédier deux catéchèses.

L’histoire de Paul de Tarse est emblématique à ce sujet. Dans le premier chapitre de la Lettre aux Galates, tout comme dans le récit des Actes des Apôtres, nous voyons que son zèle pour l’Évangile apparaît après sa conversion, et prend la place de son zèle précédent pour le judaïsme. C’était un homme zélé pour la loi de Moïse, pour le judaïsme, et après sa conversion, ce zèle s’est poursuivi, mais pour proclamer, pour prêcher Jésus-Christ. Paul était un passionné de Jésus. Saul – le nom initial de Paul – était déjà zélé, mais le Christ convertit son zèle : de la Loi à l’Évangile. Son zèle voulait d’abord détruire l’Église, plus tard au contraire, il la construit. Nous pouvons nous demander : que s’est-il passé ? Comment fait-il le passage de la destruction à la construction ? Qu’est-ce qui a changé chez Paul ? Dans quel sens son zèle, son élan pour la gloire de Dieu ont-ils été transformés ?

Saint Thomas d’Aquin enseigne que la passion, d’un point de vue moral, n’est ni bonne ni mauvaise : son utilisation vertueuse la rend moralement bonne, le péché la rend mauvaise [1]. Dans le cas de Paul, ce qui l’a changé, ce n’est pas une simple idée ou conviction : c’est la rencontre avec le Seigneur ressuscité – ne l’oubliez pas, ce qui change une vie, c’est la rencontre avec le Seigneur – ce fut pour Saül la rencontre avec le Seigneur Ressuscité qui a transformé tout son être. L’humanité de Paul, sa passion pour Dieu et sa gloire n’est pas anéantie, mais transformée, « convertie » par l’Esprit Saint. Le Saint-Esprit est l’unique capable de changer nos cœurs. Il en va de même pour tous les aspects de sa vie. Exactement comme dans l’Eucharistie : le pain et le vin ne disparaissent pas, mais deviennent le Corps et le Sang du Christ. Le zèle de Paul demeure, mais devient le zèle pour le Christ. Le sens change mais le zèle reste le même. Le Seigneur, nous le serons avec notre humanité, avec nos prérogatives et nos caractéristiques, mais ce qui change tout, ce n’est pas une idée, mais la vie elle-même, comme le dit Paul lui-même : « Si donc quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né. » (2 Co 5,17). La rencontre avec Jésus-Christ te change de l’intérieur, elle fait de toi une personne différente. Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature, c’est le sens d’être une nouvelle créature. Devenir chrétien n’est pas un maquillage qui change ta face, non ! Si tu es chrétien, cela change ton cœur, mais si tu es un chrétien d’apparence, ce n’est pas bon… des chrétiens de maquillage, ce n’est pas bon. Le vrai changement, c’est celui du cœur. C’est ce qui est arrivé à Paul.

La passion pour l’Évangile n’est pas une question de compréhension ou d’étude, qui sont utiles mais ne la suscitent pas ; elle signifie plutôt passer par cette même expérience de  » chute et de résurrection  » que Saul/Paul a vécue et qui est à l’origine de la transfiguration de son élan apostolique. Tu peux étudier toute la théologie que tu veux, tu peux étudier la Bible et tout ça et devenir athée ou mondain, ce n’est pas une question d’étude ; il y a eu beaucoup de théologiens athées tout au long de l’histoire ! L’étude sert mais ne génère pas la vie nouvelle de la grâce. En effet, comme le dit saint Ignace de Loyola : « Ce n’est pas tant la connaissance qui satisfait et rassasie l’âme, mais le fait de sentir et de goûter intérieurement les choses » [2]. Il s’agit des choses qui te changent de l’intérieur, qui te font connaître quelque chose d’autre, goûter quelque chose d’autre. Que chacun d’entre nous y réfléchisse : « Suis-je un religieux ? » – « Très bien » – « Est-ce que je prie ? » – « Oui » – « Est-ce que j’essaie d’observer les commandements ? » – « Oui » – « Mais où est Jésus dans ta vie ? » – Ah, non, je fais les choses que l’Église commande. Mais Jésus où est-il ? As-tu rencontré Jésus, as-tu parlé à Jésus ? Prends-tu l’Évangile ou parles-tu avec Jésus, te souviens-tu qui est Jésus ? Et c’est quelque chose qui nous échappe si souvent. Quand Jésus entre dans ta vie, comme il est entré dans la vie de Paul, Jésus entre, tout change. Tant de fois nous avons entendu des commentaires sur des personnes : « Mais regarde celui-là qui était un malheureux et qui maintenant est un homme bon, une femme bonne… Qui l’a changé ? Jésus, il a trouvé Jésus. Ta vie de chrétien a-t-elle changé ? « Et non, plus ou moins, oui… ». Si Jésus n’est pas entré dans ta vie, elle n’a pas changé. Tu peux être chrétien de l’extérieur seulement. Non, Jésus doit entrer dans ta vie et cela te change, et c’est ce qui est arrivé à Paul. On a besoin de trouver Jésus et c’est pourquoi Paul a dit que l’amour du Christ nous saisit, ce qui te fait progresser. Le même changement s’est produit pour tous les saints qui, lorsqu’ils ont trouvé Jésus, ont progressé.

Nous pouvons faire une autre réflexion sur le changement qui s’opère chez Paul, qui de persécuteur est devenu apôtre du Christ. Nous constatons qu’il se produit chez lui une sorte de paradoxe : en effet, tant qu’il se considère juste devant Dieu, il se sent autorisé à persécuter, à arrêter, voire à tuer, comme dans le cas d’Étienne ; mais lorsque, illuminé par le Seigneur Ressuscité, il découvre qu’il a été  » un blasphémateur et un homme violent  » (cf. 1 Tm 1, 13), – C’est ce qu’il dit de lui-même : « J’étais un blasphémateur et un homme violent » – alors il commence à être vraiment capable d’aimer. Et voici comment. Si l’un d’entre nous dit : « Ah, merci Seigneur, parce que je suis une bonne personne, je fais de bonnes choses, je ne commets pas de gros péchés… » : ce n’est pas un bon chemin, c’est un chemin d’autosuffisance, c’est un chemin qui ne te justifie pas, qui fait de toi un catholique élégant, mais un catholique élégant n’est pas un saint catholique, il est élégant. Le vrai catholique, le vrai chrétien est celui qui reçoit Jésus à l’intérieur, qui change son cœur. C’est la question que je vous pose à tous aujourd’hui : que signifie Jésus pour moi ? Est-ce que je l’ai laissé entrer dans mon cœur, ou est-ce que je le garde à portée de main, mais je ne le laisse pas entrer tellement à l’intérieur ? Me suis-je laissé changer par lui ? Ou bien Jésus n’est-il qu’une idée, une théologie qui se poursuit… Et c’est cela le zèle, quand on trouve Jésus, on sent le feu et, comme Paul, on doit prêcher Jésus, parler de Jésus, aider les gens, faire de bonnes choses. Quand on trouve l’idée de Jésus, on reste un idéologue du christianisme et cela ne sauve pas, seul Jésus nous sauve, si tu l’as rencontré et si tu lui as ouvert la porte de ton cœur. L’idée de Jésus ne te sauve pas ! Que le Seigneur nous aide à trouver Jésus, à rencontrer Jésus, et que ce Jésus de l’intérieur change notre vie et nous aide à aider les autres.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

Audience Générale du pape François – 22 mars 2023

Dans son audience générale aujourd’hui le pape François met à l’école de l’Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi de saint Paul VI, charte fondamentale de l’évangélisation dans le monde contemporain. Si l’évangélisation suppose la foi professée, c’est-à-dire l’adhésion manifeste à Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, qui par amour nous a créés et rachetés, elle est avant tout un témoignage de la rencontre personnelle avec Jésus Christ, le Verbe incarné par lequel s’accomplit le salut. Le témoignage est donc indissociable de la cohérence entre ce que l’on croit et ce que l’on proclame.

Voici le texte intégral:

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui, nous nous mettons à l’écoute de la « Magna Carta » la Charte fondamentale de l’évangélisation dans le monde contemporain : l’Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi de saint Paul VI (EN, 8 décembre 1975). Ce texte est d’actualité, il a été écrit en 1975, mais c’est comme s’il avait été écrit hier. L’évangélisation est plus qu’une simple transmission doctrinale et morale. Elle est avant tout témoignage : on ne peut pas évangéliser sans témoignage ; le témoignage de la rencontre personnelle avec Jésus-Christ, Verbe Incarné en qui le salut s’est accompli. Un témoignage indispensable parce que, avant tout, le monde a besoin « d’évangélisateurs qui lui parlent d’un Dieu qu’ils connaissent et qui leur est familier » (EN, 76) Ce n’est pas transmettre une idéologie ou une « doctrine » sur Dieu, non. C’est transmettre Dieu qui se fait vie en moi : c’est cela le témoignage ; et aussi parce que « l’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres, […] ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins » (ibid., 41). Le témoignage du Christ est donc en même temps le premier moyen d’évangélisation (cf. ibid.) et la condition essentielle de son efficacité (cf. ibid., 76), pour que l’annonce de l’Évangile soit féconde. Être témoins.

Il est nécessaire de rappeler que le témoignage comprend aussi la foi professée, c’est-à-dire l’adhésion convaincue et manifeste à Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit, qui par amour nous a créés, nous a rachetés. Une foi qui nous transforme, qui transforme nos relations, les critères et les valeurs qui déterminent nos choix. Le témoignage est donc indissociable de la cohérence entre ce que l’on croit et ce que l’on annonce et ce que l’on vit. On n’est pas crédible seulement en énonçant une doctrine ou une idéologie, non. Une personne est crédible s’il y a harmonie entre ce qu’elle croit et ce qu’elle vit. Tant de chrétiens disent seulement qu’ils croient, mais vivent autre chose, comme s’ils ne croyaient pas. C’est de l’hypocrisie. Le contraire du témoignage, c’est l’hypocrisie. Combien de fois avons-nous entendu  » ah, celui-là qui va à la messe tous les dimanches, et ensuite il vit ainsi, ainsi, ainsi, ainsi » : c’est vrai, c’est le contre-témoignage.

Chacun de nous est appelé à répondre à trois questions fondamentales, ainsi formulées par Paul VI : « Croyez-vous vraiment à ce que vous annoncez ? Vivez-vous ce que vous croyez ? Prêchez-vous vraiment ce que vous vivez ? » (cf. ibid.). Y a-t-il une harmonie : croyez-vous ce que vous annoncez ? Vivez-vous ce que vous croyez ? Annoncez-vous ce que vous vivez ? Nous ne pouvons pas nous contenter de réponses faciles et toutes faites. Nous sommes appelés à prendre le risque, même déstabilisant, de chercher, en faisant pleinement confiance à l’action de l’Esprit Saint qui agit en chacun de nous, nous poussant toujours à aller au-delà : au-delà de nos frontières, au-delà de nos barrières, au-delà de nos limites, quelles qu’elles soient.

En ce sens, témoigner d’une vie chrétienne implique un chemin de sainteté, fondé sur le Baptême, qui nous rend « participants de la nature divine et donc vraiment saints » (Constitution dogmatique Lumen Gentium, 40). Une sainteté qui n’est pas réservée à quelques-uns, qui est un don de Dieu et qui demande à être accueillie et à porter du fruit pour nous et pour les autres. Choisis et aimés par Dieu, nous devons porter cet amour aux autres. Paul VI enseigne que le zèle pour l’évangélisation jaillit de la sainteté de vie, jaillit du cœur qui est rempli de Dieu. Alimentée par la prière et surtout par l’amour de l’Eucharistie, l’évangélisation fait à son tour grandir en sainteté les gens qui la mettent en œuvre (cf. EN, 76). En même temps, sans la sainteté, la parole de l’évangélisateur « fera difficilement son chemin dans le cœur de l’homme de notre temps. », mais « risque d’être vaine et inféconde » (ibid.).

Nous devons donc être conscients que les destinataires de l’évangélisation ne sont pas seulement les autres, ceux qui professent d’autres confessions ou qui n’en professent aucune, mais aussi nous-mêmes, croyants dans le Christ et membres actifs du Peuple de Dieu. Et nous devons nous convertir chaque jour, accepter la parole de Dieu et changer notre vie : chaque jour. C’est ainsi que se fait l’évangélisation du cœur. Pour donner ce témoignage, l’Église comme telle doit aussi commencer par s’évangéliser elle-même. Si l’Église ne s’évangélise pas elle-même, elle reste une pièce de musée. En revanche, ce qui contribue à l’actualiser en permanence, c’est l’évangélisation d’elle-même. Elle a besoin d’écouter sans cesse ce qu’elle doit croire, ses raisons d’espérer, le commandement nouveau de l’amour. L’Eglise, qui est un Peuple de Dieu immergé dans le monde, et souvent tenté par les idoles- beaucoup – elle a toujours besoin d’entendre proclamer les œuvres de Dieu. Cela signifie, en bref, qu’elle a toujours besoin d’être évangélisée, qu’elle a besoin de recevoir l’Évangile, de prier et de sentir la force de l’Esprit qui change les cœurs (EN, 15).

Une Église qui s’évangélise pour évangéliser est une Église qui, guidée par l’Esprit Saint, est appelée à parcourir un chemin exigeant, un chemin de conversion, de renouvellement. Cela implique aussi la capacité de changer les manières de comprendre et de vivre sa présence évangélisatrice dans l’histoire, en évitant de se réfugier dans les zones protégées par la logique du « on a toujours fait comme ça ». Ce sont des refuges qui rendent l’Église malade. L’Église doit aller de l’avant, elle doit grandir continuellement, alors elle restera jeune. Cette Église est entièrement tournée vers Dieu, donc elle participe à son plan de salut pour l’humanité, et, en même temps, entièrement tournée vers l’humanité. L’Église doit être une Église qui dialogue avec le monde contemporain, qui tisse des relations fraternelles, qui crée des espaces de rencontre, en mettant en œuvre de bonnes pratiques d’hospitalité, d’accueil, de reconnaissance et d’intégration de l’autre et de l’altérité, et qui prend soin de la maison commune qu’est la création. C’est-à-dire une Église qui se met en dialogue avec le monde contemporain, dialogue avec le monde contemporain, mais qui rencontre tous les jours le Seigneur et dialogue avec le Seigneur, et laisse entrer l’Esprit Saint qui est le protagoniste de l’évangélisation. Sans l’Esprit Saint, nous ne pourrions que faire de la publicité pour l’Église, pas évangéliser. C’est l’Esprit Saint en nous qui nous pousse à l’évangélisation et c’est la vraie liberté des enfants de Dieu.

Chers frères et sœurs, je vous renouvelle mon invitation à lire et à relire Evangelii Nuntiandi : je vous dis la vérité, je le lis souvent, car c’est le chef-d’œuvre de saint Paul VI, c’est l’héritage qu’il nous a laissé pour évangéliser.


Homélie du saint Père lors de la messe du Mercredi des Cendres

L’homélie du pape François lors de la messe du Mercredi des Cendres à la Basilique Sainte-Sabine.

Lisez le texte intégral ci-dessous

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS 

Basilique Sainte-Sabine
Mercredi 22 février 2023

« Voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut ! » (2 Co 6, 2). Cette phrase, de l’Apôtre Paul nous aide à entrer dans l’esprit du temps du Carême. Le Carême est, en effet, le temps favorable pour revenir à l’essentiel, pour nous dépouiller de ce qui nous encombre, pour nous réconcilier avec Dieu, pour rallumer le feu de l’Esprit Saint qui demeure caché dans les cendres de notre fragile humanité. Revenir à l’essentiel. C’est le temps de grâce pour mettre en pratique ce que le Seigneur nous a demandé dans le premier verset de la Parole que nous venons d’écouter : « Revenez à moi de tout votre cœur » (Jl 2, 12). Revenir à l’essentiel qui est le Seigneur

Le rite des cendres nous introduit sur ce chemin de retour et nous adresse deux invitations : revenir à la vérité sur nous-mêmes et revenir à Dieu et à nos frères.

Tout d’abord, revenir à la vérité sur nous-mêmes. Les cendres nous rappellent qui sommes-nous et d’où venons-nous, elles nous ramènent à la vérité fondamentale de la vie : seul le Seigneur est Dieu et nous sommes l’œuvre de ses mains. C’est notre vérité. Nous avons la vie alors que Lui, il est la vie. C’est Lui le Créateur, tandis que nous sommes de l’argile fragile qui est modelée par ses mains. Nous venons de la terre et avons besoin du Ciel, de Lui ; avec Dieu nous renaîtrons de nos cendres, mais sans Lui nous sommes poussière. ET alors que nous inclinons humblement la tête pour recevoir les cendres, ayons donc à cœur cette vérité : nous sommes du Seigneur, nous Lui appartenons. En effet, Il « modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie » (Gn 2, 7) : nous existons, parce qu’Il a insufflé en nous le souffle de vie. Et, en tant que Père tendre et miséricordieux, Il vit aussi le Carême, parce qu’Il nous désire, nous attend, attend notre retour. Et Il nous encourage toujours à ne pas désespérer, même lorsque nous tombons dans la poussière de notre fragilité et de notre péché, car « Il sait de quoi nous sommes pétris, il se souvient que nous sommes poussière » (Ps 103, 14). Réécoutons ceci : Il se souvient que nous sommes poussière. Dieu le sait ; nous par contre, nous l’oublions souvent, pensant que nous sommes autosuffisants, forts, invincibles sans Lui ; nous utilisons des maquillages pour nous croire meilleurs de ce que nous sommes : nous sommes poussière.

Le Carême est donc le temps de nous rappeler qui est le Créateur et qui est la créature, de proclamer que Dieu seul est Seigneur, de nous dépouiller de la prétention de nous suffire à nous-mêmes et de la soif de nous mettre au centre, à être les premiers de la classe, à penser qu’avec nos seules capacités nous pouvons être les protagonistes de la vie et transformer le monde qui nous entoure. C’est le temps favorable pour nous convertir, pour changer de regard avant tout sur nous-mêmes, pour regarder à l’intérieur de nous-mêmes : combien de distractions et de superficialités nous détournent de ce qui compte, combien de fois nous nous concentrons sur nos envies ou sur ce qui nous manque, nous éloignant du centre de notre cœur, oubliant d’embrasser le sens de notre être dans le monde. Le Carême est un temps de vérité pour faire tomber les masques que nous portons chaque jour pour paraître parfaits aux yeux du monde ; pour lutter, comme Jésus nous l’a dit dans l’Évangile, contre le mensonge et l’hypocrisie : pas ceux des autres, les nôtres : les regarder en face et lutter.

Il y a cependant une deuxième étape : les cendres nous invitent également à revenir à Dieu et à nos frères. En effet, si nous revenons à la vérité de ce que nous sommes et que nous nous rendons compte que notre moi ne se suffit pas à lui-même, nous découvrons alors que nous n’existons qu’à travers les relations : la relation originelle avec le Seigneur et les relations vitales avec les autres. Ainsi, les cendres que nous recevons aujourd’hui sur nos têtes nous disent que toute présomption d’autosuffisance est fausse et que l’idolâtrie du moi est destructrice et nous enferme dans la prison de la solitude : se regarder dans le miroir en imaginant être parfait, en imaginant être au centre du monde. Notre vie, par contre, est avant tout une relation : nous l’avons reçue de Dieu et de nos parents, et nous pouvons toujours la renouveler et la régénérer grâce au Seigneur et à ceux qu’il place à nos côtés. Le Carême est le temps favorable pour revitaliser nos relations avec Dieu et avec les autres : pour nous ouvrir dans le silence à la prière et sortir de la forteresse de notre ego fermé, pour briser les chaînes de l’individualisme et de l’isolement et redécouvrir, à travers la rencontre et l’écoute, ceux qui marchent chaque jour à nos côtés, et réapprendre à les aimer comme des frères ou sœurs.

Frères et sœurs, comment réaliser tout cela ? Pour accomplir ce parcours – pour revenir à la vérité sur nous-mêmes, pour revenir à Dieu et aux autres – nous sommes invités à parcourir trois grandes voies : l’aumône, la prière et le jeûne. Ce sont les voies classiques : il ne faut pas de nouveautés sur cette route. Jésus l’a dit, c’est clair : l’aumône, la prière et le jeûne. Et il ne s’agit pas de rites extérieurs, mais de gestes qui doivent exprimer un renouvellement du cœur. L’aumône n’est pas un geste rapide pour se donner bonne conscience, pour équilibrer un peu le déséquilibre intérieur, mais c’est le fait de toucher de ses mains et de ses larmes la souffrance des pauvres ; la prière n’est pas un rituel, mais un dialogue de vérité et d’amour avec le Père ; et le jeûne n’est pas un simple renoncement, mais un geste fort pour rappeler à notre cœur ce qui compte et ce qui passe. La mise en garde de Jésus est un « avertissement qui conserve sa valeur salutaire également pour nous: aux gestes extérieurs doit toujours correspondre la sincérité de l’âme et la cohérence des œuvres. À quoi sert en effet – se demande l’auteur inspiré – de déchirer ses vêtements, si le cœur demeure éloigné du Seigneur, c’est-à-dire du bien et de la justice? » (Benoît XVI, Homélie Mercredi des Cendres, 1er mars 2006). Cependant, trop souvent nos gestes et nos rituels ne touchent pas la vie, ils ne sont pas vrais ; peut-être les accomplissons-nous uniquement pour être admirés des autres, pour recevoir des applaudissements, pour nous attribuer des mérites. Rappelons-nous ceci : dans la vie personnelle, comme dans la vie de l’Église, les apparences extérieures, les jugements humains et le goût du monde ne comptent pas ; seul compte le regard de Dieu qui y lit l’amour et la vérité.

Si nous nous mettons humblement sous son regard, alors l’aumône, la prière et le jeûne ne restent pas des gestes extérieurs, mais expriment ce que nous sommes vraiment : des enfants de Dieu et des frères entre nous. L’aumône, c’est-à-dire la charité, manifestera notre compassion envers ceux qui sont dans le besoin, nous aidera à revenir vers les autres ; la prière donnera voix à notre désir intime de rencontrer le Père, en nous faisant revenir vers Lui ; le jeûne sera le gymnase spirituel pour renoncer joyeusement à ce qui est superflu et qui nous encombre, pour devenir intérieurement plus libres et revenir à la vérité sur nous-mêmes. Rencontre avec le Père, liberté intérieure, compassion.

Chers frères et sœurs, inclinons la tête, recevons les cendres, rendons notre cœur léger. Mettons-nous en route dans la charité : quarante jours favorables nous sont donnés pour nous rappeler que le monde ne doit pas être enfermé dans les limites étroites de nos besoins personnels, et pour redécouvrir la joie non pas dans les choses à accumuler, mais dans l’attention aux personnes dans le besoin et dans l’affliction. Mettons-nous en route dans la prière : quarante jours favorables nous sont donnés pour redonner à Dieu la primauté dans nos vies, pour nous remettre à dialoguer avec lui de tout cœur, et non occasionnellement. Mettons-nous en route dans le jeûne : quarante jours favorables nous sont donnés pour nous retrouver, pour limiter la dictature des agendas toujours pleins de choses à faire, des prétentions d’un ego toujours plus superficiel et encombrant, et choisir ce qui compte.

Frères et sœurs, ne perdons pas la grâce de ce temps saint : fixons le Crucifix et marchons, répondons avec générosité aux appels forts du Carême. Et au bout du chemin, nous rencontrerons avec une plus grande joie le Seigneur de la vie, nous le rencontrerons, le seul qui nous fera renaître de nos cendres.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de Libreria Editrice Vaticana.

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