Le Christ, roi de nos âmes

(Image : Courtoisie de Wikimedia)

Vivant dans des sociétés démocratiques et libérales, nous sommes habités par un idéal d’égalité qui, pour certains, rend la fête du Christ-Roi difficile à comprendre ou à apprécier.

L’idéal du roi chrétien

L’institution de cette fête, célébrée pour la première fois en 1926 et introduite par le pape Pie XI dans l’encyclique  Quas primas, émerge d’une expérience politique et sociale concrète. Après la Première Guerre mondiale, l’Europe est frappée par la montée des idéologies. Sur tout le continent, des monarques pétris de religion sont déposés et remplacés par de nouveaux dirigeants, souvent hostiles au phénomène religieux. La fête du Christ-Roi est née en réponse à ce mouvement et insiste sur la souveraineté du Christ sur l’ensemble de la Création. 

L’attachement à l’idée monarchique était courant chez les catholiques de l’époque, enraciné dans une tradition mystique qui existait du Moyen Âge au XIXe siècle. De même, la relation filiale entre le roi et son sujet est profondément ancrée dans notre expérience humaine. Le désir irrépressible de servir le vrai roi, et donc de participer à quelque chose qui va au-delà de – et transcende la – banale égalité passive de nos vies quotidiennes, est largement exprimé dans la culture humaine à travers les âges. Pourtant, bien que nous l’oublions trop souvent, nous avons un Roi : 

Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. (Daniel 7:14)

Le Christ-Roi dans la culture populaire

Aujourd’hui, alors que nous nous donnons beaucoup de mal pour rendre invisible la relation de service mutuel entre celui qui commande et celui qui participe au bien commun par une obéissance active, cette expérience reste bien vivante à travers une remarquable diversité de représentations dans la culture populaire. 

Par exemple, de nombreuses personnes, en particulier des catholiques, ont été touchées par les vertus héroïques des personnages de la trilogie Le seigneur des anneaux de Tolkien, qui, du plus humble au plus puissant, jouent chacun leur rôle dans un mouvement qui conduit à la défaite du seigneur des ténèbres et au couronnement dans la gloire du digne héritier de la véritable lignée royale. 

Aragorn, le roi exilé du Gondor, représente ainsi un point culminant de la représentation narrative du Christ-Roi dans la culture populaire contemporaine, et l’extraordinaire approbation critique et populaire de son incarnation dans la trilogie cinématographique qui fête cette année son vingtième anniversaire illustre la permanence de ce trope, profondément inscrit dans notre imaginaire. Qui n’a pas envie de se battre aux côtés d’Aragorn? 

La royauté cosmologique du Christ 

En 1969, le pape saint Paul VI a changé le nom de cette fête, qui est devenue la solennité de Notre Seigneur Jésus-Christ, roi de l’Univers. En même temps, il en déplace la date au dernier dimanche du calendrier liturgique, juste avant le début de l’Avent. 

D’une fête conçue comme une réponse à l’estrangement des ordres politique et religieux, le Christ-Roi a pris une orientation eschatologique, où la royauté du Christ est abordée du point de vue des derniers jours. Ces deux perspectives sur la royauté du Christ, loin de se contredire, se situent sur un continuum qui embrasse notre nature pour l’élever dans la Grâce. 

Si nous sommes appelés, en effet, à participer à la vie sociale et politique de nos démocraties libérales avec bonne foi, avec le goût du bien commun, nous devons aussi garder une conscience aiguë de leurs défaillances. Le vrai Souverain seul commande en justice une allégeance sans réserve. 

En un sens très profond, être disciple du Christ, être chrétien, c’est prêter un serment de fidélité au Roi des rois, s’engager dans l’armée du Christ, choisir son camp dans une combat spirituel qui se poursuit malgré l’assurance d’une victoire décisive. Le Christ-Roi se trouve au sommet d’une hiérarchie cosmique à laquelle nous appartenons concrètement. Lorsque nous reconnaissons le Christ comme notre Roi, faisons-le de manière très concrète, avec tout ce que cela implique. 

Loin de nous les simples invocations pieuses ! 

Le gouvernement de nos âmes

Paul VI, en donnant une tonalité nouvelle à la fête du Christ-Roi, montre le chemin et le lieu concret de cette allégeance. Être fidèle au Christ, ce n’est pas d’abord rechercher le retour de l’État chrétien où s’harmonisent la justice divine et la justice humaine. L’armée du Christ n’est vraisemblablement pas composée de croisés : 

Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. (Jean 18:36). 

Le combat auquel le Seigneur nous invite n’est pas entre les hommes, ici sur la Terre. C’est d’abord un combat spirituel, qui se déroule en chacun de nous – dans nos cœurs, nos âmes et nos consciences. Dans cette lutte, le Christ doit être notre commandant, afin que nous devenions ses instruments inutiles. 

Une vie qui suscite la louange de Dieu

(Image : courtoisie de Unsplash)

«Les fidèles apprécieront ce ministère à sa valeur, et ils rendront gloire à Dieu pour cette soumission avec laquelle vous professez l’Évangile du Christ, et pour la générosité qui vous met en communion avec eux et avec tous. » (2Co 9:13)

Le but ultime de tout chrétien est de vivre une vie qui suscite la louange de Dieu.

Une vie que les autres ne puissent voir sans s’exclamer:  « Dieu, merci! ».

Je crois que c’est ce que tous les saints ont fait nous contemplons leurs vies et nous ne pouvons nous empêcher de sentir un chemin s’ouvrir vers Dieu, s’approchant de la Source divine. Lorsque nous découvrons leurs vies, dans un livre, un film ou à l’occasion d’une conversation avec un ami, nous ne pouvons nous empêcher de louer Dieu. Les saints ont suscité la louange de Dieu tout au long de leur vie et même – surtout – après leur mort.

Il est remarquable  que certains saints aient eu un tel impact sur les gens autour d’eux et que parfois un simple geste inspiré ait tourné des âmes directement vers Dieu. Je pense aux récits de pêcheurs qui, ayant simplement croisé le regard de Padre Pio, ont vécu une expérience profonde, irréversible. Certains partaient en tremblant, en pleurant ou en implorant la miséricorde de Dieu.

Je suis certaine qu’après avoir partagé un repas, serré la main de quelqu’un, écrit une lettre, fait un geste ou eu une simple conversation, les saints ont laissé les gens dire: « merci, mon Dieu!». Ils vivent de manière si authentique, dans une telle union avec Dieu, que ces petites actions évangélisent et étendent le Royaume de Dieu.

Bien sûr, nous ne pouvons pas oublier tous les fruits de leur travail sur Terre, qui génèrent tant de bonté dans le monde, des décennies et des siècles plus tard. Ce travail est important.

Mais c’est leur témoignage, leur confession de l’Évangile du Christ, qui compte le plus. Les saints, en plus de leur travail connu, ont suscité d’innombrables instants de louange à Dieu. Il y a une surabondance d’histoires de ce genre, qu’elles soient silencieuses et gardées dans le cœur de ceux qu’elles ont touchés, ou manifestes et partagées avec émotion pour que les autres puissent les connaître.

Lorsque nous vivons pleinement et totalement en Dieu, même lorsque nous tenons la main de quelqu’un, même lorsque nous le regardons simplement dans les yeux, d’autres aussi louent Dieu. Cela ne devrait-il pas être notre but, la mission de notre vie dans sa plus simple expression, que de passer dans ce monde en suscitant la louange de Dieu? Faire en sorte que tous ceux qui nous rencontrent chantent la gloire du Tout-Puissant!

Cette idée prend notamment racine dans les mots de saint Paul, lorsqu’il exhorte les premiers chrétiens de Corinthe à susciter la louange de Dieu par leurs actions. Cependant, elle apparaît et réapparaît également ailleurs dans les Écritures. Un autre verset de saint Paul, par exemple, rend compte de cette mission de manière simple et précise:

« Tout ce que vous faites : manger, boire, ou toute autre action, faites-le pour la gloire de Dieu. » (1Co 10:31)

Jésus lui-même nous appelle chacun à vivre une telle vie dans l’Évangile selon saint Matthieu:

« De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »  (Mt 5:16)

Lorsqu’on vit pleinement notre foi, lorsqu’on en témoigne par nos actions, on ouvre le chemin vers Dieu. L’Évangile de Jésus-Christ qui nous le montre. Que la louange de Dieu continue de s’accroître, et qu’elle déborde à travers ses fidèles ici sur Terre!

Les Béatitudes révèlent la justice ultime de Dieu

Sixième dimanche du Temps ordinaire, Année C – 17 février 2019

Jérémie 17,5-8
1 Corinthiens 15,12.16-20
Luc 6,17.20-26

L’évangile de ce dimanche nous présente les Béatitudes de Luc (6,17-26) enseignées à une multitude de personnes venant d’horizons divers. La référence à la région côtière de Tyr et de Sidon au verset 17 signifie que non seulement les juifs de Judée et Jérusalem, mais même les Gentils hors de Palestine, viennent écouter Jésus. La version de Luc et le sermon sur la montagne de Matthieu (Matthieu 5,7) offrent quelques similitudes mais aussi des différences. Matthieu a neuf béatitudes et aucune malédiction, Luc en a quatre de chaque. Luc compare la bénédiction du pauvre, de l’affamé, du malheureux et du persécuté à la tristesse du célèbre, du suffisant, du repu et du riche. « Malédiction » est pour Luc la manière de décrire ce qui va advenir à ceux qui ne veulent pas reconnaître Dieu comme seule source de vrai sens et de la joie qui dure.

Ce texte de Luc (Luc 6,17; 20-26) est formé d’une partie de l’introduction du sermon et des bénédictions et malédictions concernant les conditions économiques et sociales de l’humanité. En contraste, Matthieu accentue les valeurs religieuses et spirituelles des disciples dans le Royaume inauguré par Jésus (« pauvre de cœur », Mt 5,5 ; « affamé et assoiffé pour la justice » Mt 5,6). Dans toutes ces bénédictions et malédictions, la condition des personnes auxquelles elles s’adressent changera complètement dans l’avenir. L’enseignement de Jésus sur l’amour pour ses ennemis est au cœur de la version de Luc (6,27-36) faisant référence à la compassion de Dieu pour toute l’humanité (6,37-42), caractérisée par le pardon et la générosité. On trouve presque toutes les paroles de Jésus rapportées par Luc dans la version de Matthieu.

La proximité prophétique de Jésus

Le ministère entier de Jésus, qui était centré sur la proclamation du Royaume de Dieu, a eu lieu au Nord du rivage de la Mer de Galilée, dans une région réputée pour sa violence et ses factions rivales. Jésus cherche à y apporter la justice. Les foules qui écoutèrent Jésus sont subjuguées parce qu’il parlait avec autorité, avec la force de quelqu’un qui connaissait la vérité et l’offrait librement aux autres. Les Béatitudes révèlent la justice ultime de Dieu. Elles soulignent la proximité prophétique envers ceux qui vivent aux franges de la société. Dans cette magnifique scène, surplombant la Mer, Jésus met la justice biblique en pratique en proclamant les Béatitudes. La justice authentique est un élan de soi-même vers le malade, l’infirme, le pauvre et l’affamé.

Jésus est le nouveau code de sainteté

Les Béatitudes ne sont pas un code de bonnes manières. Jésus est le pauvre de cœur, l’humble, le persécuté et le pacificateur. Il est le nouveau « code de sainteté » qui doit être gravé dans les cœurs, et contemplé à travers l’action du Saint Esprit. Sa Passion et sa Mort sont le couronnement de sa sainteté.

La sainteté est une manière de vivre qui implique engagement et action. Ce n’est pas un effort passif mais plutôt un choix continuel d’approfondir sa relation avec Dieu et ensuite d’autoriser cette relation à guider toutes ses actions dans le monde. La sainteté requiert un changement radical dans nos mentalités et attitudes. L’acceptation de l’appel à la sainteté place Dieu comme but final dans tous les aspects de nos vies. Cette orientation fondamentale envers Dieu enveloppe et maintient notre relation avec les autres êtres humains.

Devenir le peuple des Béatitudes

Je ne peux lire, prier ou entendre les Béatitudes proclamées sans réentendre avec grande émotion la voix du pape Jean-Paul II parlant des Béatitudes aux centaines de milliers de jeunes qui s’étaient rassemblés à Toronto, au Canada pour la Journée Mondiale de la Jeunesse 2002. Le thème des Béatitudes a guidé notre expérience des JMJ et nous a profondément marqués à la Télévision Sel et Lumière, née au Canada sur les ailes de cet événement béni. Rappelons-nous avec gratitude les paroles de Saint Jean-Paul II :

Chers jeunes […] L’homme est fait pour le bonheur. Votre soif de bonheur est donc légitime. Le Christ a la réponse à votre attente. Il vous demande donc de lui faire confiance. La joie véritable est une conquête, qui ne s’obtient pas sans une lutte longue et difficile. Le Christ possède le secret de la victoire.

Le « Discours sur la Montagne » trace la carte de ce chemin. Les huit Béatitudes sont les panneaux signalétiques qui indiquent la direction à suivre. C’est un chemin qui monte, mais Jésus l’a parcouru le premier. Et il est prêt à le parcourir de nouveau avec vous. Il déclara un jour: « Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres » (Jn 8,12). Et dans une autre circonstance il ajouta: « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que vous soyez comblés de joie » (Jn 15,11). […]

Rassemblés autour de la Croix du Seigneur, nous nous tournons vers lui: Jésus ne s’est pas contenté d’énoncer les Béatitudes. Il les a vécues. Parcourant de nouveau sa vie, relisant l’Évangile, nous restons émerveillés: le plus pauvre parmi les pauvres, l’être le plus doux parmi les humbles, la personne au cœur le plus pur et miséricordieux, c’est précisément lui, Jésus. Les béatitudes ne sont que la description d’un visage, son Visage !

En même temps, les Béatitudes décrivent le chrétien. Elles sont le portrait du disciple de Jésus, la photographie de l’homme qui a accueilli le règne de Dieu et qui veut harmoniser sa vie avec les exigences de l’Évangile. Jésus s’adresse à cet homme en l’appelant « heureux ».

La joie que les Béatitudes promettent est la joie même de Jésus: une joie cherchée et trouvée dans l’obéissance au Père et dans le don de soi à ses frères. […] Regardant Jésus, vous pouvez apprendre ce que signifie être pauvre de cœur, humble et miséricordieux, ce que veut dire rechercher la justice, avoir un cœur pur, être un artisan de paix. […]

Chers amis, l’Église aujourd’hui vous regarde avec confiance et attend que vous deveniez le peuple des béatitudes. Heureux êtes vous si vous êtes comme Jésus, pauvres de cœur, bons et miséricordieux; si vous savez chercher ce qui est juste et droit; si vous avez un cœur pur, si vous êtes artisans de paix, si vous aimez et servez les pauvres. Heureux êtes-vous !

Jésus seul est le Maître véritable, Jésus seul propose un message qui ne change pas, mais qui répond aux attentes les plus profondes du cœur de l’homme, parce lui seul sait « ce qu’il y a dans l’homme » (Jn 2,25). Aujourd’hui, il vous appelle à être sel et lumière du monde, à choisir la bonté, à vivre dans la justice, à devenir instruments d’amour et de paix. Son appel a toujours demandé un choix entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres, entre la vie et la mort. La même invitation vous est adressée aujourd’hui à vous qui êtes ici, sur les rives du lac Ontario.

Mettre les Béatitudes en pratique aujourd’hui

Nous devons tenir les Béatitudes comme un miroir dans lequel nous examinons nos vies et consciences. En regardant Jésus, nous voyons ce que signifie être pauvre de cœur, doux et miséricordieux, pleurer, se soucier de ce qui est droit, d’avoir le cœur pur, d’être artisan de paix, d’être persécuté.

Comment pouvons-nous être disciples de Jésus et mettre en pratique l’enseignement des Béatitudes en pratique ? Cette semaine, posons-nous quelques questions sérieuses au sujet de cette leçon de Jésus sur la colline de Galilée.

La différence entre les Béatitudes chez Matthieu et chez Luc m’apporte t-elle quelques nouvelles révélations ? Quelle béatitude me touche le plus ? Pourquoi ? Suis-je pauvre de cœur ? Suis-je humble et miséricordieux ? Ai-je un cœur pur ? Est-ce que j’apporte la paix ? Suis-je « béni » en d’autres termes, heureux ? Que veut dire justice biblique pour moi ? Comment je la pratique dans ma vie ?

Et prions avec le Pape Jean-Paul II :

Seigneur Jésus Christ, proclame encore une fois
tes Béatitudes devant ces jeunes,
rassemblés à Toronto pour leur Journée mondiale.

Regarde avec amour et écoute ces jeunes cœurs,
qui sont disposés à risquer leur avenir pour Toi.
Tu les as appelés à être « sel de la terre et lumière du monde ».

Continue à leur enseigner la vérité et la beauté
des perspectives que tu as annoncées sur la Montagne.

Rends-les hommes et femmes des Béatitudes !

Fais resplendir en eux la lumière de ta sagesse,
afin que, par leurs paroles et par leurs actes ils sachent
répandre dans le monde la lumière et le sel de l’Évangile.

Fais de toute leur vie un reflet lumineux de Toi,
qui es la lumière véritable, venue en ce monde,
afin que quiconque croie en toi ne meure pas,
mais ait la vie éternelle (cf. Jn 3,16) !

(Image : Sermon sur la Montagne par Carl Heinrich Bloch)

Avance en eau profonde et lance tes filets

Cinquième dimanche du Temps ordinaire, Année C – 10 février 2019

Isaïe 6,1-2a.3-8
1 Corinthiens 15,1-11
Luc 5,1-11

La mer de Galilée est un lac d’eau douce d’environ 12 kilomètres de long et 6 de large. Elle s’étend 200 m au-dessous du niveau de la mer et à 60 m de profondeur. La pêche en est l’industrie principale. La mer est entourée par de hautes collines de tous cotés. La grande différence entre l’air du haut et celui près de l’eau cause des violentes tempêtes. On y fait référence dans le livre des Nombres 34,11 comme la mer de Kinnereth (de l’hébreu « kinnor », petite harpe). Le Nouveau Testament fait mentionne des lacs de Génésareth et de Tibériade ainsi que la mer de Galilée. Les prédications de Jésus sont situées le long de ces rives.

Selon Matthieu, Marc et Luc, Jésus appela ses premiers disciples, les invitant à laisser leurs barques de pêcheurs sur la mer de Galilée. Ce cours d’eau était une frontière naturelle entre le coté juif à l’Ouest et celui des Gentils à l’Est. Jésus traverse un bon nombre de fois la mer de Galilée dans l’évangile de Marc. Ces traversées font de cette mer un pont entre les Juifs et les Gentils grâce aux prédications et aux guérisons de Jésus.

Dans le Nouveau Testament, la mer représente le moment de conversion. En mer, rien n’arrive normalement mais toujours de manière abrupte, merveilleuse ou très difficile. Les miracles les plus spectaculaires de Jésus se sont produits en mer de Galilée. Marc 4,35 raconte le récit où Jésus apaise la tempête et les flots qui menaçaient la vie des disciples. En Marc 6,45, Jésus marche sur les eaux de ce lac et se révèle lui-même comme « Celui qui est ». En Jean 21, nous pouvons lire l’émouvante scène du déjeuner après la résurrection avec la confession de foi de Pierre et la confidence de Jésus à Pierre, le pécheur repentant.

L’acceptation de Jésus par Simon et ses partenaires

Le récit de l’évangile de ce dimanche (Luc 5,1-11) a lieu en mer et a été transposé de chez Marc 1,16-20, qui le met immédiatement après l’apparition de Jésus en Galilée. Par cette transposition, Luc utilise cet exemple de l’acceptation de Jésus par Simon pour contrer le rejet connu plus tôt par les habitants de sa ville natale. Puisque plusieurs incidents au sujet du pouvoir et de l’autorité de Jésus ont déjà été rapportés dans le récit, Luc crée un contexte plausible pour que Simon et ses partenaires accepte Jésus. On observe une similitude entre l’étonnante prise de poissons relatée dans Luc 4 et 5 et l’apparition après sa résurrection de Jésus dans Jean 21,1-11.

Le récit de Luc comporte des traces à l’effet que le contexte post-résurrection est original: dans Luc 4,8 Simon s’adresse à Jésus comme Seigneur (un titre accordé à Jésus après sa résurrection – voir Luc 24,34 ; Actes 2,36, qui a été relu dans le ministère historique de Jésus et il se reconnait lui-même comme pécheur. Utilisé par Luc, l’incident préfigure le leadership de Pierre dans Luc – Actes (Luc 6,14; 9,20 ; 22,31-32 ; 24,34 ; Actes 1,15 ; 2,14-40; 10,11-18; 15,7-12) et symbolise la réussite future de Pierre en tant que pêcheur (Actes 2,41).

Avance en eau profonde

Dans la scène de l’évangile de ce dimanche, Jésus enseigne sur la rive et les foules se pressent contre lui. Jésus aperçois la barque de Simon et monte dedans et lui demande de s’éloigner un peu du rivage afin de pouvoir prêcher. Lorsqu’il a terminé sa prédication, il dit à Simon d’avancer en eau profonde et de jeter ses filets. Simon est circonspect : « Maître, nous avons peiné toute la nuit et nous n’avons rien pris ! »… Des paroles lasses d’un vétéran qui sait combien la mer peut être décevante. Mais il y avait quelque chose au sujet de ce Galiléen qui fait que l’on veut s’y soumettre, alors Simon jeta ses filets.

En dépit de la déception de ce long labeur de nuit, la volonté de Simon de suivre la suggestion de Jésus de lancer les filets en eau profonde prépare le miracle qui est sur le point de survenir. Simon est porté par le pouvoir puissant de Jésus et cette expérience devient la base d’une promesse qui lui est faite. Même si Simon, conscient de son péché et indigne de s’associer avec une personne telle que Jésus, se laisse tomber à genoux en réaction, il est rassuré par Jésus qui lui promet qu’il jouera un rôle pour rassembler les êtres humains dans le royaume que Jésus est venu prêcher. Il le fera comme un pêcheur rassemble les poissons dans son filet.

Ce qui suit est « la pêche miraculeuse » – un banc de poisson, remplissant les filets et la barque à pleine capacité. Pierre tombe à genoux en adoration devant ce personnage mystérieux : « Éloigne-toi de moi, Ô Seigneur, car je suis un homme pécheur. Si seulement tu savais à qui tu t’adresses ! Mon esprit est bête et mon cœur faible. Je suis un fardeau pour mes compagnons et la risée de ceux qui font du commerce. Éloigne-toi de moi, un pécheur ! »

Mais Jésus assure le disciple rempli d’effroi : « Ne crains pas, Simon, désormais ce sont des hommes que tu prendras. »

C’est un peu comme si Jésus disait au pêcheur galiléen découragé : « Je ne t’abandonnerai pas. Je sais qui tu es. Je connais ton passé, mais c’est sans importance pour moi. J’ai besoin de tes mains, tes pieds, ton cœur et toute ta vie. Il y a de l’espoir pour toi ! J’ai lancé mes filets au large et tu es ma meilleure prise. Vois comment le filet est rompu et la barque commence à sombrer. Tu as peiné et combattu pendant bien des années sans espoir. Maintenant viens peiner avec moi. Je t’apprendrai à marcher sur l’eau, à jeter un filet de lumière dans les eaux au-dessus de l’abysse. Ne crains pas car je suis avec toi. »

Un appel irrésistible à une vie nouvelle

Dans le récit de Marc (1,16-20) et de Matthieu (4,18-22) les pêcheurs qui suivent Jésus laissent leurs filets et leur père ; dans Luc, ils laissent tout (voir aussi Luc 5,28; 12,33; 14,33; 18,32), c’est une indication du thème de Luc sur le détachement complet des biens matériels. Le fait d’être disciple est un appel puissant, irrésistible, à une vie nouvelle : un appel hors de la routine, des frustrations, des besoins nouveaux, Jésus lui-même va les appeler à être pêcheurs d’hommes, à s’engager dans le combat dans les eaux tumultueuses de la mer qui est à la fois source de leur bien-être, leur nourriture mais aussi qui est un mystère, une menace et un chaos, la mer que peut prendre leur vie aussi bien qu’elle peut les nourrir.

Ensemble dans la même barque

Jésus est monté dans la barque de Pierre pour enseigner les foules ; et de la barque de Pierre, l’Église, il continue d’enseigner le monde entier. À certains moments de l’histoire de l’Église, et peut-être dans notre propre histoire, il peut sembler que la lumière de l’Esprit s’est éteinte et que Jésus n’est plus avec nous dans la barque. Mais soyons honnête et réalisons que la flamme ne s’en va jamais et que la présence du Seigneur n’a jamais disparu. L’Église avance, sauvant des âmes et cheminant vers le port final. Dans ce royaume béni, au-delà des mers de cette vie, toutes choses qui menacent la vie de l’Église dans le monde, s’en iront à jamais.

Nous sommes dans la même barque ensemble avec le Seigneur lui- même. Nous pouvons faire confiance au Seigneur qui nous montre le chemin, qui nous mène au but et nourrit nos âmes durant notre itinéraire. Nous ne douterons pas de rencontrer des problèmes car il y aura des jours où nous lancerons nos filets durant le jour et la nuit sans rien prendre.

Dans ces moments, nous devons écouter le Seigneur, comme le fit Pierre, et jeter nos filets en eau profonde, car c’est notre foi qui est mise à l’épreuve, non pas pour voir si nous la professons ou non, mais pour voir si nous sommes prêts à faire quelque chose avec cette foi et agir.

Nous ne voguons pas sur l’Arche de Noé ou sur le Titanic. Nous sommes sur les eaux avec Jésus. Je me souviens des paroles du Frère Luis de León, un mystique espagnol du XVIe siècle qui a écrit : « Plus nous naviguons avec Dieu, plus nous découvrons des mers » Le Seigneur n’abandonne pas ceux qui cherchent sa miséricorde et son pardon. Il marche sur les eaux. Il apaise la tempête. Il mène la barque à bon port et ramène la grande pêche, la grande fête à ceux qui sont convoqués, la fête quotidienne de son Corps et de son Sang, notre nourriture de la vie éternelle.

Questions pour réfléchir cette semaine

Quels ont été les moments de votre conversion ? Avez-vous expérimenté un « appel » à être disciple ? Quelles expériences ou personnes dans votre vie ont été instruments pour approfondir votre foi ?

Pouvez-vous vous identifier aux disciples sur la mer ? Est-il possible d’être un disciple engagé de Jésus, tout en ayant expérimenté faiblesse et échec ?

Prions

Je prie pour que je puisse vivre en pêchant jusqu’au jour de ma mort. Et quand viendra ma dernière prise, je puisse alors prier humblement pour que, dans le grand filet du Seigneur, je m’endorme en paix, et que dans sa miséricorde, je sois jugé assez grand pour être gardé. Amen.

(Image : Pêche miraculeuse par Raphaël)

Le prix d’une prophétie authentique

Quatrième dimanche du Temps ordinaire, Année C – 3 février 2019

Jérémie 1,4-5.17-19
1 Corinthiens 12,31-13,13
Luc 4,21-30

La lecture de l’Ancien Testament de ce dimanche tirée de Jérémie (1,4-5.17-19) et le passage de l’évangile de Luc (4,21-30) nous offrent une occasion de réfléchir sur les bienfaits, les contraintes et les risques des vrais prophètes de notre tradition judéo-chrétienne. Parmi les prophètes de la Bible, nous connaissons probablement Jérémie mieux que tous les autres. Fils du prêtre Hilkija, il est né en Anatoth, une dizaine de kilomètres au nord de Jérusalem et fut appelé très tôt à réaliser sa mission prophétique, peut-être en 626, sous le règne de Josias (Jr 22,16). Jérémie était si jeune qu’il pria le Seigneur de lui permettre de mener une vie normale et de lui épargner la tâche de « fouetter » le peuple d’Israël et la mission de prophétiser l’invasion des étrangers « du nord », qui déporteraient les Juifs et détruiraient le Temple de Salomon.

Jérémie a vu le malheur de son peuple comme une conséquence inévitable de la culpabilité de tout un peuple qui ne se souvenait plus de son histoire. Les Hébreux, qui comptaient aveuglément sur l’Alliance garantie par le Seigneur et sur l’arche conservée dans le Temple, se croyaient ainsi protégés et se permirent tous les péchés, parce que de toutes manières, « le Seigneur était avec eux ! » Après être sorti du joug du Seigneur, Jérémie dit au peuple élu qu’il tomberait sous le joug des étrangers. Mais la tâche qui lui est assignée par Dieu n’est pas seulement destructrice: « Sache que je te donne aujourd’hui autorité sur les peuples et les royaumes, pour arracher et abattre, pour démolir et détruire, pour bâtir et planter » (1,10). Il s’agissait déjà de bâtir et de planter, mais il fallait d’abord déraciner cette plante afin que la croissance réelle puisse se produire.

Jérémie préfigure le Christ  

Jérémie a souvent été considéré comme une figure préfigurant le Christ. Non seulement parle-t-il au nom de Dieu et prédit-t-il l’avenir, sa vie et son ministère même ont des connotations prophétiques. Comme Jésus allait faire après lui, Jérémie prédit la destruction du Temple, a pleuré sur les futures ruines de Jérusalem, a condamné le comportement des prêtres, a été mal compris par ses compatriotes, humilié et condamné à mort. Pourtant, la condamnation du péché et les prophéties de malheur du prophète sont toujours liées à un message d’espoir et la perspective d’une renaissance, d’un retour de l’exil babylonien.

Le Christ, lui aussi, afin d’affirmer sa victoire sur la mort, devrait d’abord endurer la croix sur le Calvaire. La vie même du prophète Jérémie se prépare à l’acceptation de l’amertume de la Croix et la gloire de la résurrection. Nous ne devrions pas être surpris ensuite, lorsque Jésus demanda à ses disciples ce que les gens disaient de lui, ils répondirent: « Certains disent que tu es Jean le Baptiste, d’autres le prophète Élie, d’autres Jérémie… »

Jésus et la foule à Nazareth  

Ce dimanche, le récit de l’évangile (Luc 4,21-30) est la suite continuation des grands débuts de Jésus à Nazareth que nous avons lus dimanche dernier. Dans la synagogue de Nazareth, Jésus expose sa mission universelle en répétant les paroles du prophète Isaïe (61,1-2). Dans cette scène en terrain connu, à Nazareth, le message de Jésus porte à confusion. Un murmure d’excitation traverse l’assemblée. « N’est-ce pas le fils de Joseph ? Ne connaissons-nous pas ce fils de Nazareth ? » Mais Jésus sait que ses concitoyens veulent le posséder pour eux-mêmes : « Nous avons appris tout ce qui s’est passé à Capharnaüm : fais donc de même ici dans ton pays ! » Mais il refuse de le faire. « Aucun prophète n’est bien reçu dans son pays. » Jésus résiste à l’attitude possessive manifestée par son peuple. Il refuse de placer ses dons extraordinaires au service de son propre peuple, plaçant les étrangers en premier.

Les références à Élie et Élisée (v 25-26) servent plusieurs fins dans cet épisode : ils soulignent le portrait que fait Luc de Jésus comme un prophète à l’image d’Élie et Élisée : ils permettent d’expliquer pourquoi l’admiration initiale de la population se transforme en rejet, et ils fournissent la justification biblique pour la future mission chrétienne auprès des Gentils.

L’ambiance dans la synagogue tourne au vinaigre. La foule devient terriblement jalouse de l’un des siens et tente de se débarrasser de lui (v 22-30). Jésus n’a pas réussi à se faire entendre ni comprendre et dut s’enfuir au plus vite – pour sa vie (v 30). Le rejet de Jésus dans sa ville natale laisse entrevoir son rejet encore plus important, cette fois par Israël (Actes 13:46).

La raison de leur mécontentement         

Les gens de Nazareth en voulaient à Jésus et ont refusé d’écouter ce qu’il avait à dire. Ils méprisaient sa prédication, parce qu’il était de la classe ouvrière, un charpentier, un simple laïc méprisé à cause de sa famille. Jésus ne pouvait pas faire de miracles parmi eux parce qu’ils étaient fermés et refusaient de croire en lui. Si les gens se sont rassemblés pour le détester et refuser de le comprendre, ils ne verront aucun autre point de vue que le leur et ils refuseront d’aimer et accepter quelqu’un de différent. Est-ce que cette histoire nous est familière ? Combien de fois nous sommes-nous trouvés dans des situations similaires ?

Les critiques les plus sévères viennent souvent de gens proches de nous, membres de notre famille, parents, membres de nos communautés, des voisins que l’on côtoie sur une base régulière. Les gens de Nazareth ont refusé de renoncer à leur attitude possessive envers Jésus. Quand l’amour possessif est obstrué, il s’ensuit une réaction violente. Ce genre de réaction provoque de nombreux drames de jalousie et de passion. « Tous dans la synagogue étaient furieux (Lc 4,28-29) et ils cherchèrent à le tuer. » Le refus d’ouvrir notre cœur peut mener à de tels extrêmes. 

La vision universelle et le grand cœur de Jésus        

Jésus a été âprement critiqué, car il a démontré une grande ouverture de cœur, particulièrement envers les personnes en marge de la société. Son ouverture a soulevé une telle opposition qu’il fut conduit à la croix. Dans les Actes des Apôtres, on peut lire plus d’une fois que le succès de la prédication de saint Paul aux gentils a suscité des jalousies parmi certains Juifs, qui se sont opposés à l’Apôtre et ont lancé la persécution contre lui (Actes 13,45; 17,5; 22,21-22). Également au sein de la communauté chrétienne, il suffit de rappeler la situation de Corinthe, où des attitudes possessives similaires ont causé de graves préjudices alors que plusieurs fidèles s’attachaient jalousement à un apôtre ou un autre, ce qui fut source de conflit et de division dans la communauté. Paul dut intervenir énergiquement (I Cor 1,10-3:23).

L’Evangile d’aujourd’hui montre combien il est difficile pour nous de parvenir à une vision universelle. Lorsque nous sommes face à quelqu’un comme Jésus, une personne avec un cœur généreux et une vision large, nos réactions sont très souvent remplies de jalousie, d’égoïsme, et de méchanceté. Ses propres voisins ne pouvaient pas reconnaître sa sainteté, parce qu’ils n’avaient jamais vraiment accepté la leur. Ils souffraient d’une forme particulière de cécité. Ils ne pouvaient pas honorer la relation de Jésus avec Dieu, parce qu’ils n’avaient jamais totalement exploré leur propre sentiment d’appartenance à Dieu. Ils ne pouvaient pas voir le Messie, debout juste à côté d’eux, parce qu’il ressemblait trop à l’un d’eux. Jusqu’à ce que nous nous considérions comme le peuple bien-aimé de Dieu, les miracles seront rares et les prophètes et messagers qui s’élèveront parmi nous auront du mal à être entendus et acceptés vraiment.

Appelés à être prophètes comme Jésus et Jérémie   

Jésus a été appelé à briser nos barrières et porter le message du salut de Dieu à des personnes et à des lieux inattendus. De toute évidence, il faut endurer la douleur et l’hostilité avant que le nouvel âge de Jésus vienne. Par notre baptême commun, chacun de nous est appelé à être prophète pour le Royaume de Dieu. Nous allons rencontrer de nombreuses réactions de ceux à qui nous sommes envoyés, pas toutes positives. Comme Jérémie et Jésus, le dévouement indéfectible, le courage audacieux et une espérance biblique profonde doivent être notre marque.

L’Évangile d’aujourd’hui nous met en garde contre certaines attitudes qui sont incompatibles avec l’exemple de Jésus: la tendance humaine à être possessif et égoïste, à fermer notre cœur et notre esprit. Nous ne pouvons pas oublier que Jésus est le Sauveur du monde (Jn 4,42), et non pas seulement d’un petit village, d’une ville ou une nation !

Prions afin que Jésus ne soit pas surpris par notre propre incrédulité, mais qu’il se réjouisse tous les jours de nos petits gestes de fidélité et de service envers nos sœurs et frères. Puisse le Seigneur nous accorder un cœur magnanime, afin que nous puissions chercher bien loin au-delà de nous-mêmes et reconnaissions la bonté, la grandeur et la beauté des autres personnes, au lieu d’être jaloux de leurs dons. La puissance de Dieu seul peut nous sauver de la vacuité et de la pauvreté d’esprit, de la confusion et de l’erreur, de la peur de la mort et du désespoir. L’évangile du salut est toujours « Bonne Nouvelle » pour nous aujourd’hui. Comment pouvons-nous parler de la Parole de Dieu avec autorité aujourd’hui ? Comment pouvons-nous partager les « Bonnes Nouvelles » avec les autres ? Comment utilisons-nous notre autorité pour promouvoir le Royaume de Dieu ? Comment nos paroles, gestes, écrits, et toute notre vie sont-ils aujourd’hui prophétiques dans l’Église et dans le monde ?

(Image : Jésus rejeté à Nazareth par James Tissot)

Une parole accomplie en notre présence : Esdras et Néhémie ravivent la foi

Troisième dimanche du Temps ordinaire, Année C – 27 janvier 2019

Néhémie 8,2-4a.5-6.8-10
1 Corinthiens 12,12-30
Luc 1,1-4 ; 4,14-21

La première lecture de ce dimanche est tirée du Livre de Néhémie (8,2-4a.5-6.8-10), un livre qui raconte la reconstitution de la communauté juive après l’exil, la dispersion et la destruction de Jérusalem. On y relate l’histoire des débuts d’une nouvelle communauté. Ce livre déborde d’espoir et ce malgré de grandes difficultés qui pointent à l’horizon. Le prêtre Ezra, et un laïc, Néhémie, ont vécu à l’époque où le peuple d’Israël a été reconduit à sa terre, après les années de la captivité babylonienne. Il s’agissait clairement d’un temps de reconstruction. Le peuple avait perdu tout lien avec sa foi. Le Seigneur a envoyé Esdras et Néhémie pour enseigner au peuple ce qui avait été perdu, lui inspirer une fois de plus les idéaux de sa foi juive et reconstruire les structures communes de sorte qu’il puisse commencer à vivre sainement tant sur le plan social que religieux.

Dans cette première lecture, la scène émouvante est celle où la loi sur laquelle la vie de cette communauté a été fondée, est proclamée de nouveau publiquement. L’assemblée l’écouta dans une atmosphère profondément spirituelle. Certains ont commencé à pleurer de joie pour avoir pu une fois de plus écouter librement la Parole de Dieu après la tragédie de la destruction de Jérusalem et ainsi commencer de nouveau l’histoire du salut. Néhémie les mit en garde, disant que c’était jour de fête et qu’afin d’avoir la force du Seigneur, il était nécessaire de se réjouir, en exprimant sa reconnaissance pour les dons de Dieu. En fin de compte, la Parole de Dieu est force et joie.

Quelle est notre propre réaction à cette scène puissante ? Cette lecture est une invitation à chaque personne, spécialement celles qui œuvrent en pastorale, à remercier Dieu pour sa fidélité et ses dons et remercier tous ceux et celles qui ont travaillé à la reconstruction des fondations de notre foi et de notre Église chaque jour.

La stratégie pastorale de Luc        

L’Évangile selon Luc est le seul des évangiles synoptiques à commencer par un prologue littéraire [1,1-4]. Luc reconnaît sa dette envers les témoins oculaires et les ministres de la parole qui l’ont précédé, mais il affirme que sa contribution est un compte rendu complet et précis, destiné à fournir à Théophile (« ami de Dieu ») et aux autres lecteurs une certitude à propos des enseignements antérieurs qu’ils ont reçus. Luc ne dit pas aux gens que ce qu’ils ont appris auparavant était erroné. Au contraire, il les confirme dans leur foi, les affermit dans leur désir d’en savoir plus au sujet de Jésus, et met aussi les choses en ordre pour eux afin que la foi soit renforcée. Une telle stratégie pastorale est encore très efficace dans la transmission de la foi aujourd’hui. 

Le retour de l’enfant du pays        

Luc n’est pas le seul évangéliste qui rapporte la visite de Jésus à Nazareth « où il avait grandi » (4,16). Marc et Matthieu réfèrent également à cet épisode, sans toutefois mentionner le nom de la ville, appelé simplement « sa ville natale » (Mc 6,1; Mt 13,54). Il existe toutefois plusieurs différences entre le récit raconté par Luc et ceux de Marc et de Matthieu. Dans Marc, la visite de Jésus dans sa ville natale ne se trouve pas au début de son ministère, mais après une longue période de prédication et de ministère de guérison, même après le discours en paraboles (4,1-34) et la résurrection de la fille de Jaïre (5,21-43). Dans Matthieu, Jésus a déjà prononcé son discours sur la mission de « Douze Apôtres » (10,2-42).

Luc a choisi de donner à cet épisode la première place dans son récit du ministère de Jésus. À première vue on pourrait penser que l’intention de Luc était de corriger la chronologie de Marc et de Matthieu. Un détail de son récit montre toutefois que cette supposition est erronée: alors qu’il prêche, il déclare que les gens de Nazareth lui diront : « Nous avons appris tout ce qui s’est passé à Capharnaüm : fais donc de même ici dans ton pays ! » (4,23). Ces paroles montrent qu’avant d’aller à Nazareth, Jésus avait commencé son ministère à Capharnaüm et avait déjà suscité une grande admiration au sein du peuple, au point que sa renommée avait atteint Nazareth.

Un moment électrique 

Jésus se tenant dans la synagogue de Nazareth fut sans l’ombre d’un doute un moment « électrique » Il prit le livre d’Isaïe et commença à lire à partir du chapitre 61. Le texte d’Isaïe est tiré d’un recueil de poèmes sur les derniers jours, qui prédit la rédemption de Jérusalem et symbolise le renouveau du peuple d’Israël. Placés sur les lèvres de Jésus, ces mots identifient ce dernier comme le prophète messianique de la fin des temps, et ils annoncent sa mission: annoncer la Bonne Nouvelle, libérer les hommes et les femmes et leur faire part de la grâce de Dieu. L’ensemble du ministère de Jésus doit donc être compris dans cette perspective.

En déroulant le manuscrit, Jésus trouva le passage où il est écrit: « L’Esprit du Seigneur est sur moi … ! » (4,16-18; Is 61,1). De façon très significative la dernière ligne d’Isaïe lu par Jésus dit: « annoncer une année de grâces accordée par le Seigneur » (4,19; Is 61,2), et tout de suite après, Jésus affirmait précisément que « cette parole » a été accomplie aujourd’hui même. L’expression d’Isaïe 61,2 « année de grâce accordée par le Seigneur » fait clairement référence à des prescriptions du Livre du Lévitique sur l’année jubilaire (Lev 25,10-13).

Le récit de Jésus dans la synagogue d’après Luc ne cite pas toute la phrase d’Isaïe, qui comprend deux compléments d’objet après le verbe « annoncer » en Isaïe 61,2. L’Évangile ne cite que la première (« l’année de grâce accordée par le Seigneur ») pour négliger le second : « un jour de vengeance pour notre Dieu ». La prophétie d’Isaïe prévoit deux aspects de l’intervention divine, la première, la libération du peuple juif, l’autre, le châtiment de ses ennemis. L’Évangile n’a pas retenu cette opposition. L’omission a clairement deux conséquences: a) le message ne contient rien de négatif; b) il est implicitement universel. On ne suggère pas de distinction entre Juifs et non-juifs. L’ouverture universelle est une caractéristique essentielle du ministère et de la prédication de Jésus, en particulier dans l’évangile de Luc et les Actes des Apôtres.

La scène de l’évangile de ce dimanche se termine avec Jésus disant à ses auditeurs qu’il est l’accomplissement des paroles prophétiques d’Isaïe. En affirmant que ses paroles sont accomplies « aujourd’hui », Jésus dit en effet que l’inauguration de son ministère public marque le début des derniers temps et l’entrée du salut divin dans l’histoire de l’humanité. En s’appropriant les paroles d’Isaïe pour son propre ministère, Jésus nous rappelle que cette histoire ne cache pas les triomphes et les désastres, les fidélités et les infidélités d’Israël à travers les âges. Au contraire, l’histoire les fit ressortir davantage.

Le moment était venu pour Jésus de prendre l’histoire en ses propres mains, de la confronter à sa propre personne et de rappeler à son auditoire que Dieu n’avait pas ignoré leurs cris, leurs espoirs, leurs souffrances et leurs rêves. Dieu les réalise par son propre Fils, debout au milieu d’eux dans la synagogue de Nazareth. Grâce à la puissance de l’Esprit Saint, Jésus accomplit la prophétie d’Isaïe, apportant la bonne nouvelle et proclamant la liberté aux captifs. Tous n’embrasseront pas cette bonne nouvelle, comme le reste de l’Évangile nous le montrera.

L’évangéliste déchu    

Si nous poursuivons la lecture du récit de l’évangile d’aujourd’hui, nous nous rendons compte que l’atmosphère d’excitation, d’émerveillement et d’adoration change rapidement lorsque le prophète de Nazareth ne prononce pas les mots que la population locale voulait entendre. Après que Jésus ait énoncé les principaux points de son ministère dans la scène d’ouverture à la synagogue de Nazareth (v. 16-21), la foule devient terriblement jalouse de l’un des siens et tente de se débarrasser de lui (v. 22-30). Jésus n’a pas réussi à se faire comprendre et il dut s’enfuir au plus vite – pour sauver sa vie (v. 30). Les premières images du ministère de Jésus sont celles d’un homme qui est déchu, qui passera inaperçu et qui est malvenu. Les gens de Nazareth ont refusé d’entendre son message de libération et de réconciliation, ils ont entendu une approximation de celui-ci, fortement colorée par leur propre attitude.

Notre réponse à la Parole de Dieu  

Comme le peuple d’Israël dans la première lecture, qui s’est rassemblé autour du prêtre Esdras et écoutait la parole de Dieu avec une profonde émotion (Néhémie 8,5), nous sommes aussi présents pour entendre le message de salut de Dieu et sentir sa présence ici; dans chaque liturgie. Esdras bénit le Seigneur, le Dieu grand, et tout le peuple, les mains levées vers le ciel, répondit: « Amen, amen » (8,6). Grâce à ce grand « Amen » à la fin de chaque prière eucharistique, nous reconnaissons la présence réelle sur l’autel, la Parole vivante et éternelle du Père.

Avec les gens rassemblés dans la synagogue de Nazareth, nous aussi pouvons voir et entendre la Parole de Dieu accomplie en la personne de Jésus, le Verbe fait chair. À cette proclamation, nos voix crient aussi: « Amen. » « Je crois ! » Puisse l’Esprit dont Jésus fut marqué nous rassembler en un seul corps et nous envoyer proclamer la liberté et la grâce de Dieu pour tous les peuples.

(Image : Jésus au synagogue par James Tissot)

Lorsque chronos se transforme en kairos

Deuxième dimanche du Temps ordinaire, Année C – 20 janvier 2019

Isaïe 62,1-5
1 Corinthiens 12,4-11
Jean 2,1-11

L’évangile de dimanche dernier fut l’occasion de réfléchir au baptême de Jésus dans le Jourdain de même qu’à notre propre engagement baptismal. Dans l’Évangile de ce dimanche (Jean 2,1-11), les noces de Cana représentent une manifestation de la gloire de Dieu, la suite du thème de l’Épiphanie du Christ et l’inauguration de la mission divine sur terre par le Baptême de Jésus. Ce texte inspirant de la prière du soir (Vêpres) de la Fête de l’Épiphanie nous déclare : trois mystères distinguent ce jour saint; aujourd’hui, l’étoile mena les rois mages à l’enfant Jésus; aujourd’hui, l’eau se transforme en vin pour la fête du mariage; aujourd’hui, le Christ sera baptisé par Jean dans la rivière du Jourdain pour que l’on puisse obtenir le salut. Chaque événement est lié à une théophanie, par les preuves irréfutables d’une intervention divine, l’étoile, l’eau en vin, la voix des cieux, et la colombe.

Le récit de la fête des noces de Cana s’inspire tout probablement d’un événement réel de la vie de Jésus. Une lecture approfondie du texte nous permet de repérer l’œuvre de l’évangéliste Jean qui illustre cette situation en superposant de multiples sens symboliques. Aujourd’hui, nous observons l’eau transformée en vin, l’ordinaire qui se transforme en l’extraordinaire et les débuts d’une ère messianique. Le miracle de Cana anticipe la façon par laquelle Jésus accomplira sa mission en versant son sang sur la croix.

Éléments-clés du récit

Prenons en considération plusieurs éléments-clés de ce récit largement symbolique de cet évangile qui n’a aucun parallèle avec les autres passages de l’évangile. Le mot signe (semeion) est le terme symbolique de Jean qui renvoie aux exploits merveilleux de Jésus. Jean s’intéresse principalement au sens des signes (semeia), c’est-à-dire à la nouvelle façon dont Jésus intervient dans l’humanité. À Cana, le symbolisme et la réalité se font face. Plus précisément, le mariage humain de deux jeunes est l’occasion d’aborder une autre union, celle du Christ et de l’Église qui sera atteinte lors de « son heure » sur la croix. À Cana en Galilée, nous découvrons le premier signe lorsque Jésus manifeste sa gloire et que les disciples crurent.

La mère de Jésus

L’invité principal lors de ce mariage n’était pas Jésus lui-même, mais bien sa mère, et l’évangile nous raconte que Jésus était également là avec ses disciples (vv 1-2). On ne nomme jamais la mère de Jésus dans l’Évangile de Jean. Le titre Femme que Jésus utilise pour désigner sa mère est une forme de politesse normale, excepté pour sa propre mère. (Voir Jean 19,26 où on utilise Femme et Mère pour la désigner.)

Marie apparaît de façon symbolique; son rôle consiste à compléter celui des disciples. Elle est l’élément déclencheur du signe qui mène à l’expression de la foi des disciples. Ses paroles aux serviteurs lors du banquet nuptial : « Faites tout ce qu’il vous dira » (2,5) lancent une invitation à tous afin qu’ils deviennent le nouveau peuple de Dieu. Dans le quatrième évangile, à la fois à Cana et au calvaire, Marie symbolise non seulement sa relation maternelle et physique avec son fils, mais également son rôle largement représentatif de « Femme » et « Mère » du peuple de Dieu.

« Mon heure n’est pas encore venue » fut la réponse de Jésus à la demande de Marie. Autrement dit, le temps de manifester pleinement sa gloire n’était pas encore venu. Elle se révélerait sur la croix. Cependant, les paroles de Jésus adressées à Marie ne sont pas la seule indication de ce dont il s’agit réellement. Le miracle en soi, c’est-à-dire la transformation de l’eau en vin, signifie que l’Ancienne Alliance entre le ciel et la terre sera changée en une chose entièrement nouvelle. Une situation malheureuse s’est transformée au moment où Marie prononça ces paroles à son fils. Lors de la fête des noces, le miracle eut lieu dès que Jésus s’adressa aux serviteurs.

L’heure

Un aspect important du récit de Cana est l’usage et le sens du mot « heure ». Dans le Nouveau Testament, le mot grec hora qui signifie heure, est généralement utilisé au sens du temps kairos plutôt que du temps chronos : « Mais l’heure (hora) vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs […] » (4,23-24). On utilise le terme hora dans plusieurs récits des merveilles de Dieu afin d’identifier le moment de guérison et dans ces cas, on le traduit habituellement de façon instantanée. « L’heure » que Jésus mentionne à Cana est celle de sa passion, sa mort, sa résurrection, et son ascension (Jean 13,1).

D’un côté, le temps chronos est la mesure de circonstances ordinaires qui donne la fausse impression que nous pouvons le gérer. Nous pouvons l’inscrire dans nos Blackberry, nos iPhone, et nos agendas pour ensuite nous en occuper selon nos propres termes.

D’un autre côté, le temps kairos représente la discontinuité, c’est-à-dire un obstacle inattendu qui se dresse sur un parcours prévu et oblige la personne de s’adapter à de nouvelles réalités. L’heure de Jésus, le temps convenu ou le moment kairos, est apparu avant qu’il ne le veule ou ne s’y attende. Jésus avait un horaire en tête, mais les circonstances l’ont obligé à prendre une autre direction.

Les noces de Cana

Ce passage symbolique de l’Évangile comporte plusieurs niveaux d’interprétation. Un angle de vision consiste en une description du contraste entre ce que Jésus allait offrir et l’insuffisance du judaïsme. Selon cette hypothèse, le judaïsme se serait épuisé, asséché ou vidé. Ainsi, le vin raffiné du christianisme allait justement évincer l’eau ordinaire du judaïsme.

Une deuxième interprétation tient compte de la joie qui caractérise le règne émergeant de Dieu. Jésus a eu l’occasion de se présenter au peuple rassemblé par la joie de l’union de deux vies. Cette révélation du Seigneur s’est avérée une fête parmi une fête, une célébration parmi une célébration, un mariage parmi un mariage. Cette perspective s’ancre fermement dans la tradition juive où les mariages sont des moments sacrés. La première lecture de la liturgie d’aujourd’hui tirée d’Isaïe 62, commence par une métaphore sur le mariage; la légitimation du divin signifiera que Juda ne sera plus abandonnée ou désolée; Juda sera l’épouse de nul autre que du Saint d’Israël.

La troisième et probablement la nuance symbolique la plus profonde montre à quel point la perturbation du temps chronos peut se transformer en une situation de temps kairos. Jésus s’attendait à un moment apparent qu’il pourrait facilement identifier et ainsi, gérer. Mais son hora s’est plutôt présentée de façon inattendue. Il fut ainsi forcé par les circonstances et par la persistance de sa mère.

Jésus offre une vie nouvelle à ces noces de Cana. Il n’offre pas le vin de qualité au commencement alors que leurs papilles sont éveillées, mais plutôt lorsque la fête bat son plein. Le Jésus de l’évangile de Jean a gardé le bon vin jusqu’au moment de la première révélation de sa gloire (v 10). C’était une manifestation ou une épiphanie qui devait être célébrée plus tard dans l’Église telle que l’Épiphanie de la fête de Dionysos. Le 6 janvier de notre calendrier actuel célébrait, dans le monde grec, le dieu Dionysos qui a transformé l’eau en vin.

Quand nos moments de Chronos deviennent des moments de Kairos

Il nous arrive trop souvent dans nos vies individuelles et communautaires, dans nos divers ministères, nos paroisses et notre quotidien, d’avancer d’un pas lourd de jour en jour puis de vivre avec un sentiment de désespoir, de monotonie ou de lourdeur. Nous sommes ainsi coincés dans un temps chronos où nous n’arrivons pas à percevoir la façon dont Dieu tente de mettre fin à l’ordinaire pour transformer notre existence et notre histoire en extraordinaire. Le Seigneur nous invite à le laisser remplir de vin nouveau, les structures et les jarres de notre existence. Lorsque nous écoutons le Seigneur et nous faisons tout ce qu’il nous demande, l’ordinaire dans nos vies devient l’extraordinaire, les jarres vides se remplissent de ce vin nouveau et nous devenons « fête » les uns pour les autres.

L’épisode de l’Évangile de Cana offre au couple une solution pour ne pas se retrouver dans une telle situation ou s’en sortir, le cas échéant : inviter Jésus à son mariage. Ce qui s’est passé lors du mariage de Cana survient dans tous les mariages. Le début est marqué d’enthousiasme et de joie (représenté par le vin), mais l’enthousiasme initial tout comme le vin à Cana, diminue avec l’écoulement du temps. Enfin, les choses ne sont plus effectuées par joie et par amour, mais par habitude et routine. Si nous n’y portons pas attention, un nuage d’ennui assombrira nos vies par la tristesse et la morosité.

Malheureusement, on peut ajouter que ces couples « n’ont plus de vin ».

Ce remarquable récit de l’évangile ne porte ni sur une intercession de Marie ni sur un reproche de Jésus envers sa mère. En fin de compte, le récit touche la révélation de la gloire masquée de Jésus, le fils d’une famille ordinaire lors d’une fête. Il ne s’agit certainement pas de consommation excessive pendant les mariages juifs ! Le récit ne porte pas sur les normes, les traditions et les règles de vie familiale. Il n’est même pas question de mariage ou encore de judaïsme considéré comme étant vide et de christianisme comme étant plein.

La narration de Jean de la noce à Cana nous invite sérieusement à nous pencher sur la question du maître de la fête qui donne un ordre : « remplissez d’eau ces jarres » et vous pourrez renouveler votre propre vie. Notre heure viendra lorsque le moment kairos se présentera à l’intersection même de notre planification bâclée et de notre ouverture au Divin. Le récit de Cana nous apprend que le Messie de ce monde a dû adapter son horaire quand les événements ont pris une tournure surprenante. Ce déroulement raconté par Jean nous montre sa flexibilité spirituelle. Comment peut-on transformer notre temps chronos en kairos ; une véritable percée et un moment d’espoir, de promesses et de nouvelles possibilités ?

Aujourd’hui, implorons le Seigneur et sa Mère afin de devenir de bons serviteurs prêts à faire tout ce que nous demande Jésus et désireux de partager le vin qu’il nous offre. Lorsque nous écoutons le Seigneur et nous faisons tout ce qu’il nous demande, l’ordinaire dans nos vies devient l’extraordinaire, les bassins vides se remplissent de ce vin nouveau, nos moments de Chronos deviennent des moments de Kairos. Ainsi, nous devenons littéralement fête les uns pour les autres.

(Image : Les Noces de Cana par Bartolomé Esteban Murillo)

Le baptême : un appel a une carrière prophétique

Fête du Baptême du Seigneur – dimanche 13 janvier 2019

Isaïe 42,1-4.6-7
Actes 10,34-38
Luc 3,15-16.21-22

Le thème de l’Épiphanie du Christ, de Jésus qui inaugure sa mission divine sur terre, atteint sa plénitude dans la fête du Baptême du Seigneur. Cette fête semble mettre fin à la saison de Noël. En réalité, la fête de la Présentation du Seigneur célébrée le 2 février est la grande conclusion de Noël.

Dans le récit de l’évangile de ce dimanche [Luc 3,15-16.21-22], Jésus commence son ministère en Galilée après le baptême prêché par Jean. En décrivant l’attente du peuple [3,15], Luc contextualise la prédication de Jean de la même manière qu’il avait déjà qualifié la situation d’autres Israélites pieux dans le récit de l’enfance [2,25-26.37-38]. Jean le Baptiste parle de celui qui est plus grand que lui, avec un baptême encore plus puissant.

Contrairement au baptême de Jean avec de l’eau, on dit que Jésus baptisera dans l’Esprit Saint et le feu [v.16]. Du point de vue de la première communauté chrétienne, l’Esprit et le feu doivent avoir été compris à la lumière du symbolisme du feu de l’effusion de l’Esprit à la Pentecôte [Actes 2,1-4], mais dans le cadre de la prédication de Jean, l’Esprit et le feu devraient être liés à leurs propriétés de purifier et de raffiner [Ezéchiel 36,25-27 ; Malachie 3,2-3].

Lorsque Jésus est baptisé, la voix du ciel se fait entendre et l’appelle : « C’est toi mon Fils: moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. » Cette affirmation est un moment déterminant pour le prophète de Nazareth. Elle est la déclaration d’amour de Dieu au nouvel Israël, c’est la nomination de Dieu à la responsabilité suprême, c’est la surprise de Dieu qui vient à la rencontre du monde des orgueilleux et des puissants.

Grâce à son baptême par Jean dans les eaux boueuses du Jourdain, Jésus nous ouvre la possibilité d’accepter notre condition humaine et de nous lier à Dieu. Jésus accepte la condition humaine, qui comprend la souffrance et la mort. Il étendit les bras dans le fleuve du Jourdain et sur la croix. Jésus reçut sa mission dans le Jourdain. Il l’acheva sur la croix. Baptisé par Jean dans le Jourdain, Jésus est profondément identifié au peuple qu’il est venu racheter.

Nous aussi, nous sommes appelés à une carrière prophétique

Lorsque nous avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés dans sa mort. Notre baptême est une onction publique, prophétique et royale. Nous recevons la vie de l’Église et sommes appelés à nourrir cette vie de foi. La foi, c’est avoir le souci des autres. La foi, c’est une responsabilité publique, non privée.

Le baptême est un appel à une carrière prophétique. Les manières de le vivre peuvent varier d’une personne à l’autre. Elles n’ont pas à être aussi dramatiques que les aventures d’un Isaïe ou d’un Jean-Baptiste, et pourtant elles font partie cette même grande tradition prophétique. Être prophétique exige de s’engager et de se salir les mains.

Grâce à notre baptême, nous pouvons devenir une lumière pour les autres, comme Jésus est une lumière pour nous, et pour le monde. Notre propre baptême nous remplit d’une certaine audace, de confiance et d’enthousiasme, et nous rappelle que l’Évangile doit être proclamé avec gratitude pour toute sa beauté.

Lorsque nous découvrons peu à peu les exigences de cette foi, là où la voie du repentir conduit, lorsque nous pouvons distinguer le bien du mal, lorsque nous recherchons ce que Dieu veut faire dans nos vies et lui demandons de nous aider à l’accomplir, lorsque nous apprenons tout ce que nous pouvons au sujet de Dieu et de son monde, lorsque nous arrivons près de Dieu, alors, à ce moment, la personne pour qui le ciel s’est ouvert se révèle aussi à nous.

Le baptême dans l’Église aujourd’hui

Dans de nombreuses régions du monde aujourd’hui, baptiser les enfants est déjà devenue l’exception. Le nombre d’enfants, de jeunes et d’adultes non baptisés est à la hausse. La baisse de la pratique du baptême est le résultat d’une érosion des liens familiaux et d’un abandon de l’Église. Lors de nombreuses retraites de prêtres, des rassemblements de prêtres et curés, j’ai souvent entendu des discussions où l’on affirmait que lorsque le prêtre ne voit pas de signes visibles de la pratique de la foi, alors l’Église aurait le droit de refuser les sacrements aux personnes, en particulier le baptême. Il s’agit d’une question très complexe.

Ne pourrions-nous pas aussi écouter de nouveau l’injonction missionnaire de l’Évangile de « baptiser, prêcher et enseigner » non pas en attendant que les gens viennent à nous, mais en allant à la rencontre des gens là où ils sont dans le monde chaotique d’aujourd’hui ? Voilà ce qui nous est demandé : une nouvelle ferveur missionnaire et un zèle qui ne nécessitent pas d’événements extraordinaires. C’est dans l’ordinaire, dans la vie quotidienne, que le travail missionnaire se fait. Le baptême est absolument fondamental pour cette ferveur et ce zèle. Les sacrements sont pour la vie des hommes et des femmes tels qu’ils sont, non pas comme nous voudrions qu’ils soient ! Je peux entendre Saint Jean-Paul II s’écriant: « Duc in altum ! » Ce n’est pas dans les eaux tranquilles et peu profondes que vous trouverez ceux et celles qui ont le plus besoin de vous !

Le dilemme d’empêcher ou non l’accès au baptême et à d’autres sacrements à des personnes considérées inaptes à les recevoir a toujours été présent dans l’Église. C’est un dilemme que le cardinal Joseph Ratzinger a vécu personnellement en tant que jeune homme, et qu’il a pu résoudre plus tard dans sa vie. Écoutez ce que Ratzinger, aujourd’hui le pape émérite Benoît XVI, a dit en répondant à une question d’un prêtre de Bressanone dans le nord de l’Italie, lors d’une séance de questions-réponses avec le clergé du diocèse, le 6 août 2008. A cette occasion, le prêtre, Paolo Rizzi, curé et professeur de théologie, a interrogé Benoît XVI à propos des baptêmes, confirmations et premières communions :

Saint-Père, il y a trente-cinq ans, je pensais que nous nous préparions à être un petit troupeau, une communauté minoritaire plus ou moins dans toute l’Europe. Que l’on ne devait donc donner les sacrements qu’à celui qui s’engage véritablement dans la vie chrétienne. Par la suite, grâce aussi au style du pontificat de Jean-Paul II, j’ai reconsidéré les choses. S’il est possible de faire des prévisions pour l’avenir, qu’en pensez-vous ? Quelles attitudes pastorales pouvez-vous nous indiquer ?

Benoît XVI a répondu par ces mots, très à-propos pour nous en cette Fête du Baptême du Seigneur:

Je dois dire que j’ai parcouru une route similaire à la vôtre. Quand j’étais plus jeune, j’étais plutôt sévère. Je disais : les sacrements sont les sacrements de la foi, et donc là où il n’y a pas de foi, où il n’y a pas de pratique de la foi, le sacrement ne peut pas être conféré. Et puis, quand j’étais archevêque de Munich, j’ai toujours dialogué avec mes paroissiens : là aussi, il y avait deux écoles, une sévère et une clémente. Et moi aussi, j’ai compris dans le temps que nous devons plutôt suivre l’exemple du Seigneur, qui était très ouvert même envers les personnes aux marges de l’Israël de l’époque. Il était un Seigneur de la miséricorde, trop ouvert – selon les autorités officielles – avec les pécheurs, en les accueillant ou en se laissant accueillir par eux à leurs tables, en les attirant vers lui dans sa communion […]

Je dirais donc que, dans le contexte de la catéchèse des enfants, le travail avec les parents est toujours très important. Et c’est justement une occasion de rencontrer les parents, en montrant de nouveau la vie de la foi aux adultes également, parce que – me semble-t-il – ils peuvent eux-mêmes réapprendre des enfants la foi et comprendre que cette grande solennité n’a de sens, n’est vraie et authentique, que si elle se fait dans le contexte d’un cheminement avec Jésus, dans le contexte d’une vie de foi. Il faut donc convaincre un peu les parents, à travers leurs enfants, de la nécessité d’un chemin préparatoire, qui se montre dans la participation aux mystères et commence à faire aimer ces mystères.

Je dirais que c’est certainement une réponse assez insuffisante, mais la pédagogie de la foi est toujours un cheminement et nous devons accepter les situations d’aujourd’hui, mais également les ouvrir un peu plus, pour qu’il ne reste pas à la fin qu’un souvenir extérieur de choses, mais que le cœur soit véritablement touché. Au moment où nous sommes convaincus, le cœur est touché, a senti un peu l’amour de Jésus, a éprouvé un peu le désir de se mouvoir et de se diriger sur cette ligne et dans cette direction, à ce moment, me semble-t-il, nous pouvons dire que nous avons fait une vraie catéchèse. Le vrai sens de la catéchèse, en effet, devrait être celui-ci : porter la flamme de l’amour de Jésus, même si elle est faible, aux cœurs des enfants et à travers les enfants aux parents, ouvrant à nouveau ainsi les lieux de la foi à notre époque.

Puisse la fête du Baptême du Seigneur être une invitation à nous rappeler avec gratitude de notre baptême et à renouveler nos promesses baptismales. Revivons le moment où l’eau tombe sur nous. Prions pour que la grâce de notre propre baptême nous aide à être lumière pour les autres et pour le monde, et nous donne la force et le courage de faire une différence dans le monde et dans l’Église.

(Image : Baptême du Christ par Navarrete el Mudo)

Crucifié non pas pour condamner mais pour sauver : le don de Vendredi saint

Une réflexion sur la Passion de notre Seigneur

Qu’est-ce que nous célébrons le Vendredi saint ? Pourquoi nous attardons-nous à la Passion du Christ chaque année au lieu de sauter directement dans la joie de la résurrection ? Ne savons-nous pas que Jésus est ressuscité ? Souffrons-nous d’ amnésie annuelle, en nous remémorant les mêmes évènements sans arrêt ?

Le Vendredi saint, nous nous rassemblerons en silence devant la Croix du Christ. Les prêtres et les diacres se prosterneront, face contre terre, solennels devant la souffrance de Jésus. Nous écouterons la lecture de la Passion selon Saint Jean. Nous nous agenouillerons silencieusement lorsque nous entendrons les dernières paroles de Jésus sur la Croix, « Tout est accompli ». Nous marquerons ce jour par un jeûne, nos cœurs contemplant la mort de Dieu aux mains des hommes pleins de haine. Nous serons sans voix devant la torture d’un homme innocent.

Quel est le sens de tout cela ?

Est-ce simplement pour aiguiser notre culpabilité ? Est-ce pour nous mettre mal à l’aise, en tant que membres d’une espèce qui a tué Dieu incarné quand Il est venu sur terre ? Est-ce pour engendrer la désespérance et la tristesse ?

Nous trouvons une clé pour répondre à ces questions dans la Lettre aux Hébreux, deuxième lecture du Vendredi saint, qui nous oriente vers la signification de ce que nous célébrons :

« En Jésus, le Fils de Dieu, nous avons le grand prêtre par excellence, celui qui a traversé les cieux ; tenons donc ferme l’affirmation de notre foi. En effet, nous n’avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses, mais un grand prêtre éprouvé en toutes choses, à notre ressemblance, excepté le péché. Avançons-nous donc avec assurance vers le Trône de la grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours » (Hébreux 4,14-16).

Sur la Croix, nous ne voyons pas un juge tyrannique. Nous ne voyons pas un censeur venu nous condamner. Nous ne voyons pas un Dieu qui est nerveux et amer. Nous voyons notre Sauveur. Nous voyons Jésus. Nous voyons un homme en train de souffrir volontairement pour notre salut. Nous voyons la miséricorde du Père donnée à chacun d’entre nous – pour chaque homme et femme de toute l’histoire humaine, pour vous et pour moi !

Voilà le mystère de la Croix. Voilà l’amour de Dieu. Voilà le don que nous célébrons le Vendredi saint. Nous ne sommes pas enthousiastes comme les foules du dimanche des Rameaux. Nous ne sommes pas fous de joie comme les disciples qui voient le tombeau vide le dimanche de Pâques. En silence et solennellement, nous recevons le don de Jésus offert à tous et chacun. Nous remercions Celui qui n’a rien retenu. Nous nous ouvrons à recevoir ce qu’Il est venu nous donner.

Le don de Jésus c’est pas la honte pour nos péchés. Il n’est pas venu nous accuser et nous laisser enchaînés dans notre culpabilité. Il est venu Se donner à nous. Rien d’autre ne pouvait nous sauver. Rien d’autre ne pouvait enlever ce qui nous sépare de Dieu. Rien d’autre ne pouvait libérer cette abondance de vie, maintenant et pour toujours. Il est venu nous rendre libres. Il est venu racheter nos péchés. Il est venu nous apporter un amour qui nous comble pleinement.

Voici l’amour de Dieu, qui S’est donné entièrement pour nous. Non pas afin de nous faire sentir coupables ou inconvenants, mais afin que nous puissions recevoir le don de Lui-même. De retour, Il ne veut pas notre désespérance, ni notre mélancolie, ni notre auto-condamnation. Il veut que nous Lui donnions nos péchés, afin de les surmonter, afin de les détruire, afin de les effacer, pour nous rendre libres, heureux, et en paix.

Jésus meurt sur la Croix, notre Sauveur miséricordieux. Jésus vient Se donner à nous, pour nous. Il ne cesse pas de Se donner jusqu’au « Tout est accompli ».

Chasser l’aveuglement : retrouver la vue dans la lumière du Christ

Une réflexion pour le quatrième dimanche du Carême

Il est difficile d’imaginer à quel point la vie serait différente si nous étions nés aveugles. Comment fonctionnerions-nous ? Comment percevrions-nous le monde ? Mais est-ce que la cécité physique est la seule sorte d’aveuglement ? S’agit-il du pire type d’aveuglement ?

Le quatrième dimanche du Carême nous montre que ce n’est pas le cas. Il nous est présenté l’Évangile du mendiant aveugle de naissance (Jean 9,1-41). Le récit commence lorsque Jésus arrive sur les lieux avec Ses disciples. Tout de suite, ils Lui demandent : « Qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? ». « Ni lui, ni ses parents », réplique Jésus. C’était plutôt pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui. Jésus termine : « Je suis la lumière du monde. » Puis, Il crache à terre, Il fait de la boue, Il la met sur les yeux du mendiant, et Il l’envoie se laver à la piscine de Siloé. Miraculeusement, quand l’homme revient, il voit.

Les voisins de l’aveugle-né sont sceptiques : « Comment est-ce possible ? ». Celui-ci répond simplement : « L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, il me l’a appliquée sur les yeux et il m’a dit : ‘Va à Siloé et lave-toi.’ J’y suis donc allé et je me suis lavé ; alors, j’ai vu. ». Incrédules, ils l’amènent aux Pharisiens. Là, il raconte une deuxième fois ce que Jésus a fait pour lui. La stratégie des Pharisiens est de discréditer Jésus en en faisant un pécheur. Dans l’échange qui suit, même les parents de l’homme sont interrogés pour confirmer qu’il était véritablement né aveugle. Doute sur doute sur doute.

Jésus revient à l’homme, qui proclame sa foi toute simple, pas du tout affectée par le cynisme qui l’entoure : « Je crois, Seigneur ! ». Les Pharisiens inquisiteurs reviennent une fois encore. Ils demandent à Jésus : « Serions-nous aveugles, nous aussi ? ». La réponse de Jésus met un point final qui résume tout l’événement : « Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais à partir du moment où vous dites : ‘Nous voyons !’, votre péché demeure. »

Que tirons-nous de tout cela ?

Dès le début, les disciples, les voisins, et les Pharisiens nous révèlent quelque chose sur notre nature humaine. Les disciples pointent leurs doigts accusateurs. Sûrement, ce doit être la faute de quelqu’un dans le cas d’un homme né aveugle. Alors, qui est coupable ? – Le mendiant ou ses parents ? Ses voisins se joignent au cynisme des disciples. Au lieu de se réjouir du fait que leur voisin peut finalement voir, ils sont méfiants. Ne trouvant aucune autre façon d’expliquer la situation, les Pharisiens ont recours à une accusation contre Jésus, et Lui trouvent comme une fraude.

Comme il est facile de tomber dans le même piège ! Quand nous ne comprenons pas, quand nous ne maitrisons pas une situation, nous nous sentons menacés ! Alors nous devenons méfiants, nous accusons les autres, nous fabriquons des histoires. Nous sommes alors absorbés par notre propre perspective et nous perdons de vue l’ensemble. Nous pensons seulement à notre propre bien au détriment du bien des autres. Pourquoi est-il si difficile de se réjouir et d’apprécier les bonnes choses qui arrivent aux autres ? Pourquoi est-ce que les hommages et les succès qui arrivent aux autres nous rendent-ils malheureux ou mal-à-l’aise ? Quel aveuglement nous empêche de voir la bonté qui nous entoure ? Et comment sortir de cet aveuglement ?

Jésus donne à Ses disciples le secret pour guérir leur aveuglement même avant qu’Il commence à guérir l’homme né aveugle. Il leur dit : « Je suis la lumière du monde. ». Voilà le remède à leur aveuglement. L’homme aveugle de naissance manifeste la puissance de Dieu en révélant le remède à notre aveuglement. Le remède qui nous rend capable de voir véritablement : c’est Jésus !

L’aveuglement des Pharisiens prend racine dans leur manque d’assurance. Ils ne peuvent pas accepter que Jésus fasse du bien de peur que cela mette en péril leur statut dans la société. Leur vision était si obscurcie par leur volonté d’avoir raison qu’ils étaient incapables de se réjouir lorsque l’homme né aveugle fut définitivement guéri. Ils étaient à ce point absorbés par leurs tentatives de prouver leur supériorité face aux autres que leurs manigances les ont empêchés de voir la puissance de la bonté de Dieu. Leur attachement à leur propre perspective a brouillé leur vision les empêchant de voir les choses à partir de la perspective de Dieu.

Jésus est la vraie lumière par laquelle nous sommes capables de nous voir nous-même et notre voisin. Dieu voit les choses comme elles sont véritablement. Jésus nous révèle la perspective de Dieu. Il est l’antidote à notre cynisme, notre doute, et notre méfiance qui nous empêchent de voir clairement la réalité. Ils obscurcissent notre vision et nous portent à trébucher. Si nous doutons de la bonté de Dieu, nous aussi, nous devenons insécures. Nous pouvons faire passer notre manque d’assurance sur les autres, et nous pouvons être tentés de les rabaisser afin de réussir. Nous pouvons les ignorer afin de nous rassurer. Nous pouvons échouer à voir notre vraie valeur. L’orgueil et l’égoïsme s’installent quand nous ne nous voyons pas comme Dieu nous voit. Alors, nous essayons de compenser en prétendant être meilleurs que les autres, en les rabaissant pour nous sentir mieux. Comme dans le cas des Pharisiens, notre aveuglement face à la vérité sur les autres vient de notre aveuglement face à la vérité sur nous-même.

La cure c’est de croire avec la foi simple de l’homme né aveugle : « Je crois, Seigneur ! ». Cette cure nous permet de voir la vérité sur nous-mêmes, de nous voir à travers la lumière de Jésus. Dans Sa lumière, nous nous voyons tels que nous sommes véritablement. Nous nous voyons comme Dieu nous voit. Nous voyons que Dieu nous aime vraiment, nous voyons que Dieu nous a créés, et nous voyons qu’en Jésus, Dieu est venu pour racheter nos péchés. Nous voyons ainsi que Dieu est vraiment miséricordieux, qu’Il se réjouit de nous pardonner. Nous voyons que le pardon de Dieu n’est pas seulement pour toute l’humanité globalement, mais aussi pour chacun de nous, pour moi personnellement. Nous voyons que Dieu veut ce qui est véritablement bon pour nous, et qu’Il ne se fatigue jamais de nous accueillir encore et encore, les bras ouverts. Nous voyons que nous sommes bons à Ses yeux. Lorsque nous voyons par la lumière du Christ, nous commençons à voir véritablement.

Quelle menace est-ce que l’homme né aveugle représentait pour les Pharisiens ? Pourquoi est-ce que ses voisins n’ont pas accepté qu’il soit guéri ? La guérison de cet aveugle menaçait l’aveuglement des Pharisiens. Leur aveuglement les a empêchés de voir la lumière qui vient de Jésus. Leurs yeux sont restés fermés à la vérité sur eux-mêmes, et donc ils n’ont pas pu accepter la vérité sur Dieu et sur les autres. Jésus vient illuminer notre vision afin que nous puissions voir la bonté de Dieu – à l’œuvre dans notre vie et la vie de nos voisins. Il ouvre nos yeux afin que nous puissions voir véritablement.

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