(Image : Courtoisie de Wikimedia)
Vivant dans des sociétés démocratiques et libérales, nous sommes habités par un idéal d’égalité qui, pour certains, rend la fête du Christ-Roi difficile à comprendre ou à apprécier.
L’idéal du roi chrétien
L’institution de cette fête, célébrée pour la première fois en 1926 et introduite par le pape Pie XI dans l’encyclique Quas primas, émerge d’une expérience politique et sociale concrète. Après la Première Guerre mondiale, l’Europe est frappée par la montée des idéologies. Sur tout le continent, des monarques pétris de religion sont déposés et remplacés par de nouveaux dirigeants, souvent hostiles au phénomène religieux. La fête du Christ-Roi est née en réponse à ce mouvement et insiste sur la souveraineté du Christ sur l’ensemble de la Création.
L’attachement à l’idée monarchique était courant chez les catholiques de l’époque, enraciné dans une tradition mystique qui existait du Moyen Âge au XIXe siècle. De même, la relation filiale entre le roi et son sujet est profondément ancrée dans notre expérience humaine. Le désir irrépressible de servir le vrai roi, et donc de participer à quelque chose qui va au-delà de – et transcende la – banale égalité passive de nos vies quotidiennes, est largement exprimé dans la culture humaine à travers les âges. Pourtant, bien que nous l’oublions trop souvent, nous avons un Roi :
Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. (Daniel 7:14)
Le Christ-Roi dans la culture populaire
Aujourd’hui, alors que nous nous donnons beaucoup de mal pour rendre invisible la relation de service mutuel entre celui qui commande et celui qui participe au bien commun par une obéissance active, cette expérience reste bien vivante à travers une remarquable diversité de représentations dans la culture populaire.
Par exemple, de nombreuses personnes, en particulier des catholiques, ont été touchées par les vertus héroïques des personnages de la trilogie Le seigneur des anneaux de Tolkien, qui, du plus humble au plus puissant, jouent chacun leur rôle dans un mouvement qui conduit à la défaite du seigneur des ténèbres et au couronnement dans la gloire du digne héritier de la véritable lignée royale.
Aragorn, le roi exilé du Gondor, représente ainsi un point culminant de la représentation narrative du Christ-Roi dans la culture populaire contemporaine, et l’extraordinaire approbation critique et populaire de son incarnation dans la trilogie cinématographique qui fête cette année son vingtième anniversaire illustre la permanence de ce trope, profondément inscrit dans notre imaginaire. Qui n’a pas envie de se battre aux côtés d’Aragorn?
La royauté cosmologique du Christ
En 1969, le pape saint Paul VI a changé le nom de cette fête, qui est devenue la solennité de Notre Seigneur Jésus-Christ, roi de l’Univers. En même temps, il en déplace la date au dernier dimanche du calendrier liturgique, juste avant le début de l’Avent.
D’une fête conçue comme une réponse à l’estrangement des ordres politique et religieux, le Christ-Roi a pris une orientation eschatologique, où la royauté du Christ est abordée du point de vue des derniers jours. Ces deux perspectives sur la royauté du Christ, loin de se contredire, se situent sur un continuum qui embrasse notre nature pour l’élever dans la Grâce.
Si nous sommes appelés, en effet, à participer à la vie sociale et politique de nos démocraties libérales avec bonne foi, avec le goût du bien commun, nous devons aussi garder une conscience aiguë de leurs défaillances. Le vrai Souverain seul commande en justice une allégeance sans réserve.
En un sens très profond, être disciple du Christ, être chrétien, c’est prêter un serment de fidélité au Roi des rois, s’engager dans l’armée du Christ, choisir son camp dans une combat spirituel qui se poursuit malgré l’assurance d’une victoire décisive. Le Christ-Roi se trouve au sommet d’une hiérarchie cosmique à laquelle nous appartenons concrètement. Lorsque nous reconnaissons le Christ comme notre Roi, faisons-le de manière très concrète, avec tout ce que cela implique.
Loin de nous les simples invocations pieuses !
Le gouvernement de nos âmes
Paul VI, en donnant une tonalité nouvelle à la fête du Christ-Roi, montre le chemin et le lieu concret de cette allégeance. Être fidèle au Christ, ce n’est pas d’abord rechercher le retour de l’État chrétien où s’harmonisent la justice divine et la justice humaine. L’armée du Christ n’est vraisemblablement pas composée de croisés :
Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. (Jean 18:36).
Le combat auquel le Seigneur nous invite n’est pas entre les hommes, ici sur la Terre. C’est d’abord un combat spirituel, qui se déroule en chacun de nous – dans nos cœurs, nos âmes et nos consciences. Dans cette lutte, le Christ doit être notre commandant, afin que nous devenions ses instruments inutiles.