Avance en eau profonde et lance tes filets

Cinquième dimanche du Temps ordinaire, Année C – 10 février 2019

Isaïe 6,1-2a.3-8
1 Corinthiens 15,1-11
Luc 5,1-11

La mer de Galilée est un lac d’eau douce d’environ 12 kilomètres de long et 6 de large. Elle s’étend 200 m au-dessous du niveau de la mer et à 60 m de profondeur. La pêche en est l’industrie principale. La mer est entourée par de hautes collines de tous cotés. La grande différence entre l’air du haut et celui près de l’eau cause des violentes tempêtes. On y fait référence dans le livre des Nombres 34,11 comme la mer de Kinnereth (de l’hébreu « kinnor », petite harpe). Le Nouveau Testament fait mentionne des lacs de Génésareth et de Tibériade ainsi que la mer de Galilée. Les prédications de Jésus sont situées le long de ces rives.

Selon Matthieu, Marc et Luc, Jésus appela ses premiers disciples, les invitant à laisser leurs barques de pêcheurs sur la mer de Galilée. Ce cours d’eau était une frontière naturelle entre le coté juif à l’Ouest et celui des Gentils à l’Est. Jésus traverse un bon nombre de fois la mer de Galilée dans l’évangile de Marc. Ces traversées font de cette mer un pont entre les Juifs et les Gentils grâce aux prédications et aux guérisons de Jésus.

Dans le Nouveau Testament, la mer représente le moment de conversion. En mer, rien n’arrive normalement mais toujours de manière abrupte, merveilleuse ou très difficile. Les miracles les plus spectaculaires de Jésus se sont produits en mer de Galilée. Marc 4,35 raconte le récit où Jésus apaise la tempête et les flots qui menaçaient la vie des disciples. En Marc 6,45, Jésus marche sur les eaux de ce lac et se révèle lui-même comme « Celui qui est ». En Jean 21, nous pouvons lire l’émouvante scène du déjeuner après la résurrection avec la confession de foi de Pierre et la confidence de Jésus à Pierre, le pécheur repentant.

L’acceptation de Jésus par Simon et ses partenaires

Le récit de l’évangile de ce dimanche (Luc 5,1-11) a lieu en mer et a été transposé de chez Marc 1,16-20, qui le met immédiatement après l’apparition de Jésus en Galilée. Par cette transposition, Luc utilise cet exemple de l’acceptation de Jésus par Simon pour contrer le rejet connu plus tôt par les habitants de sa ville natale. Puisque plusieurs incidents au sujet du pouvoir et de l’autorité de Jésus ont déjà été rapportés dans le récit, Luc crée un contexte plausible pour que Simon et ses partenaires accepte Jésus. On observe une similitude entre l’étonnante prise de poissons relatée dans Luc 4 et 5 et l’apparition après sa résurrection de Jésus dans Jean 21,1-11.

Le récit de Luc comporte des traces à l’effet que le contexte post-résurrection est original: dans Luc 4,8 Simon s’adresse à Jésus comme Seigneur (un titre accordé à Jésus après sa résurrection – voir Luc 24,34 ; Actes 2,36, qui a été relu dans le ministère historique de Jésus et il se reconnait lui-même comme pécheur. Utilisé par Luc, l’incident préfigure le leadership de Pierre dans Luc – Actes (Luc 6,14; 9,20 ; 22,31-32 ; 24,34 ; Actes 1,15 ; 2,14-40; 10,11-18; 15,7-12) et symbolise la réussite future de Pierre en tant que pêcheur (Actes 2,41).

Avance en eau profonde

Dans la scène de l’évangile de ce dimanche, Jésus enseigne sur la rive et les foules se pressent contre lui. Jésus aperçois la barque de Simon et monte dedans et lui demande de s’éloigner un peu du rivage afin de pouvoir prêcher. Lorsqu’il a terminé sa prédication, il dit à Simon d’avancer en eau profonde et de jeter ses filets. Simon est circonspect : « Maître, nous avons peiné toute la nuit et nous n’avons rien pris ! »… Des paroles lasses d’un vétéran qui sait combien la mer peut être décevante. Mais il y avait quelque chose au sujet de ce Galiléen qui fait que l’on veut s’y soumettre, alors Simon jeta ses filets.

En dépit de la déception de ce long labeur de nuit, la volonté de Simon de suivre la suggestion de Jésus de lancer les filets en eau profonde prépare le miracle qui est sur le point de survenir. Simon est porté par le pouvoir puissant de Jésus et cette expérience devient la base d’une promesse qui lui est faite. Même si Simon, conscient de son péché et indigne de s’associer avec une personne telle que Jésus, se laisse tomber à genoux en réaction, il est rassuré par Jésus qui lui promet qu’il jouera un rôle pour rassembler les êtres humains dans le royaume que Jésus est venu prêcher. Il le fera comme un pêcheur rassemble les poissons dans son filet.

Ce qui suit est « la pêche miraculeuse » – un banc de poisson, remplissant les filets et la barque à pleine capacité. Pierre tombe à genoux en adoration devant ce personnage mystérieux : « Éloigne-toi de moi, Ô Seigneur, car je suis un homme pécheur. Si seulement tu savais à qui tu t’adresses ! Mon esprit est bête et mon cœur faible. Je suis un fardeau pour mes compagnons et la risée de ceux qui font du commerce. Éloigne-toi de moi, un pécheur ! »

Mais Jésus assure le disciple rempli d’effroi : « Ne crains pas, Simon, désormais ce sont des hommes que tu prendras. »

C’est un peu comme si Jésus disait au pêcheur galiléen découragé : « Je ne t’abandonnerai pas. Je sais qui tu es. Je connais ton passé, mais c’est sans importance pour moi. J’ai besoin de tes mains, tes pieds, ton cœur et toute ta vie. Il y a de l’espoir pour toi ! J’ai lancé mes filets au large et tu es ma meilleure prise. Vois comment le filet est rompu et la barque commence à sombrer. Tu as peiné et combattu pendant bien des années sans espoir. Maintenant viens peiner avec moi. Je t’apprendrai à marcher sur l’eau, à jeter un filet de lumière dans les eaux au-dessus de l’abysse. Ne crains pas car je suis avec toi. »

Un appel irrésistible à une vie nouvelle

Dans le récit de Marc (1,16-20) et de Matthieu (4,18-22) les pêcheurs qui suivent Jésus laissent leurs filets et leur père ; dans Luc, ils laissent tout (voir aussi Luc 5,28; 12,33; 14,33; 18,32), c’est une indication du thème de Luc sur le détachement complet des biens matériels. Le fait d’être disciple est un appel puissant, irrésistible, à une vie nouvelle : un appel hors de la routine, des frustrations, des besoins nouveaux, Jésus lui-même va les appeler à être pêcheurs d’hommes, à s’engager dans le combat dans les eaux tumultueuses de la mer qui est à la fois source de leur bien-être, leur nourriture mais aussi qui est un mystère, une menace et un chaos, la mer que peut prendre leur vie aussi bien qu’elle peut les nourrir.

Ensemble dans la même barque

Jésus est monté dans la barque de Pierre pour enseigner les foules ; et de la barque de Pierre, l’Église, il continue d’enseigner le monde entier. À certains moments de l’histoire de l’Église, et peut-être dans notre propre histoire, il peut sembler que la lumière de l’Esprit s’est éteinte et que Jésus n’est plus avec nous dans la barque. Mais soyons honnête et réalisons que la flamme ne s’en va jamais et que la présence du Seigneur n’a jamais disparu. L’Église avance, sauvant des âmes et cheminant vers le port final. Dans ce royaume béni, au-delà des mers de cette vie, toutes choses qui menacent la vie de l’Église dans le monde, s’en iront à jamais.

Nous sommes dans la même barque ensemble avec le Seigneur lui- même. Nous pouvons faire confiance au Seigneur qui nous montre le chemin, qui nous mène au but et nourrit nos âmes durant notre itinéraire. Nous ne douterons pas de rencontrer des problèmes car il y aura des jours où nous lancerons nos filets durant le jour et la nuit sans rien prendre.

Dans ces moments, nous devons écouter le Seigneur, comme le fit Pierre, et jeter nos filets en eau profonde, car c’est notre foi qui est mise à l’épreuve, non pas pour voir si nous la professons ou non, mais pour voir si nous sommes prêts à faire quelque chose avec cette foi et agir.

Nous ne voguons pas sur l’Arche de Noé ou sur le Titanic. Nous sommes sur les eaux avec Jésus. Je me souviens des paroles du Frère Luis de León, un mystique espagnol du XVIe siècle qui a écrit : « Plus nous naviguons avec Dieu, plus nous découvrons des mers » Le Seigneur n’abandonne pas ceux qui cherchent sa miséricorde et son pardon. Il marche sur les eaux. Il apaise la tempête. Il mène la barque à bon port et ramène la grande pêche, la grande fête à ceux qui sont convoqués, la fête quotidienne de son Corps et de son Sang, notre nourriture de la vie éternelle.

Questions pour réfléchir cette semaine

Quels ont été les moments de votre conversion ? Avez-vous expérimenté un « appel » à être disciple ? Quelles expériences ou personnes dans votre vie ont été instruments pour approfondir votre foi ?

Pouvez-vous vous identifier aux disciples sur la mer ? Est-il possible d’être un disciple engagé de Jésus, tout en ayant expérimenté faiblesse et échec ?

Prions

Je prie pour que je puisse vivre en pêchant jusqu’au jour de ma mort. Et quand viendra ma dernière prise, je puisse alors prier humblement pour que, dans le grand filet du Seigneur, je m’endorme en paix, et que dans sa miséricorde, je sois jugé assez grand pour être gardé. Amen.

(Image : Pêche miraculeuse par Raphaël)

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