Messe de canonisation de Jean XXIII et Jean Paul II – Homélie du Saint-Père

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Au centre de ce dimanche qui conclut l’Octave de Pâques, et que Jean Paul II a voulu dédier à la Divine Miséricorde, il y a les plaies glorieuses de Jésus ressuscité.

Il les montre dès la première fois qu’il apparaît aux Apôtres, le soir même du jour qui suit le sabbat, le jour de la résurrection. Mais ce soir là Thomas n’est pas là ; et quand les autres lui disent qu’ils ont vu le Seigneur, il répond que s’il ne voyait pas et ne touchait pas les blessures, il ne croirait pas. Huit jours après, Jésus apparut de nouveau au Cénacle, parmi les disciples, et Thomas aussi était là ; il s’adresse à lui et l’invite à toucher ses plaies. Et alors cet homme sincère, cet homme habitué à vérifier en personne, s’agenouille devant Jésus et lui dit « Mon Seigneur et mon Dieu » (Jn 20,28).

Les plaies de Jésus sont un scandale pour la foi, mais elles sont aussi la vérification de la foi. C’est pourquoi dans le corps du Christ ressuscité les plaies ne disparaissent pas, elles demeurent, parce qu’elles sont le signe permanent de l’amour de Dieu pour nous, et elles sont indispensables pour croire en Dieu. Non pour croire que Dieu existe, mais pour croire que Dieu est amour, miséricorde, fidélité. Saint Pierre, reprenant Isaïe, écrit aux chrétiens : « Par ses plaies vous avez été guéris » (1P 2,24 ; Cf. Is 53,5).

Jean XXIII et Jean Paul II ont eu le courage de regarder les plaies de Jésus, de toucher ses mains blessées et son côté transpercé. Ils n’ont pas eu honte de la chair du Christ, ils ne se sont pas scandalisés de lui, de sa croix ; ils n’ont pas eu honte de la chair du frère (Cf. Is 58,7), parce qu’en toute personne souffrante ils voyaient Jésus. Ils ont été deux hommes courageux, remplis de la liberté et du courage (parresia) du Saint Esprit, et ils ont rendu témoignage à l’Église et au monde de la bonté de Dieu, de sa miséricorde. [Read more…]

Veillée pascale – Homélie du Saint-Père

_X5A732419 avril 2014

L’évangile de la résurrection de Jésus Christ commence par la marche des femmes vers le sépulcre, à l’aube du jour qui suit le sabbat. Elles vont au tombeau, pour honorer le corps du Seigneur, mais elles le trouvent ouvert et vide. Un ange puissant leur dit : « Vous, soyez sans crainte ! » (Mt 28, 5), et il leur demande d’aller porter la nouvelle aux disciples : « Il est ressuscité d’entre les morts ; il vous précède en Galilée » (v. 7). Vite, les femmes courent, et le long du chemin, Jésus lui-même vient à leur rencontre et dit : « Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront » (v. 10).

Après la mort du Maître ; les disciples s’étaient dispersés ; leur foi s’était brisée, tout semblait fini, les certitudes écroulées, les espérances éteintes. Mais maintenant, cette annonce des femmes, bien qu’incroyable, arrivait comme un rayon de lumière dans l’obscurité. La nouvelle se répand : Jésus est ressuscité ; comme il avait prédit… Et aussi ce commandement d’aller en Galilée ; par deux fois les femmes l’avaient entendu, d’abord de l’ange, puis de Jésus lui-même : « Qu’ils aillent en Galilée, là ils me verront ».

La Galilée est le lieu du premier appel, où tout avait commencé ! Revenir là, revenir au lieu du premier appel. Sur la rive du lac, Jésus était passé, tandis que les pécheurs étaient en train de réparer leurs filets. Il les avait appelés, et eux avaient tout laissé et l’avaient suivi (cf. Mt 4, 18-22).

Revenir en Galilée veut dire tout relire à partir de la croix et de la victoire. Tout relire – la prédication, les miracles, la nouvelle communauté, les enthousiasmes et les défections, jusqu’à la trahison – tout relire à partir de la fin, qui est un nouveau commencement, à partir de ce suprême acte d’amour.

Pour chacun de nous aussi, il y a une “Galilée” à l’origine de la marche avec Jésus. “Aller en Galilée” signifie quelque chose de beau, signifie pour nous redécouvrir notre Baptême comme source vive, puiser une énergie nouvelle à la racine de notre foi et de notre expérience chrétienne. Revenir en Galilée signifie surtout revenir là, à ce point incandescent où la grâce de Dieu m’a touché au début du chemin. C’est à cette étincelle que je puis allumer le feu pour l’aujourd’hui, pour chaque jour, et porter chaleur et lumière à mes frères et à mes sœurs. À cette étincelle s’allume une joie humble, une joie qui n’offense pas la douleur et le désespoir, une joie bonne et douce.

Dans la vie chrétienne, après le Baptême, il y a aussi une “Galilée” plus existentielle : l’expérience de la rencontre personnelle avec Jésus Christ, qui m’a appelé à le suivre et à participer à sa mission. En ce sens, revenir en Galilée signifie garder au cœur la mémoire vivante de cet appel, quand Jésus est passé sur ma route, m’a regardé avec miséricorde, m’a demandé de le suivre ; retrouver la mémoire de ce moment où ses yeux ont croisé les miens, le moment où il m’a fait sentir qu’il m’aimait.

Aujourd’hui, en cette nuit, chacun de nous peut se demander : quelle est ma Galilée ? Où est ma Galilée ? Est-ce que je m’en souviens ? L’ai-je oubliée ? Je suis allé par des routes et des sentiers qui me l’ont fait oublier. Seigneur, aide-moi : dis-moi quelle est ma Galilée ; tu sais, je veux y retourner pour te rencontrer et me laisser embrasser par ta miséricorde.

L’évangile de Pâques est clair : il faut y retourner, pour voir Jésus ressuscité, et devenir témoins de sa résurrection. Ce n’est pas un retour en arrière, ce n’est pas une nostalgie. C’est revenir au premier amour, pour recevoir le feu que Jésus a allumé dans le monde, et le porter à tous, jusqu’aux confins de la terre.

« Galilée des gentils » (Mt 4, 15 ; Is 8, 23) : horizon du Ressuscité, horizon de l’Église ; désir intense de rencontre… Mettons-nous en chemin !

Il y avait aussi avec eux Judas, le traître

Capture d’écran 2014-04-18 à 12.08.28Célébration de la Passion du Seigneur
Homélie du père Raniero Cantalamessa, o.f.m. cap.

L’histoire divine et humaine de Jésus renferme de nombreux petits récits d’hommes et de femmes entrés dans le rayon de sa lumière ou de son ombre. Le plus tragique est celui de Judas Iscariote. L’un des rares faits attestés, avec la même importance, par les quatre Evangiles et par le reste du Nouveau Testament. La première communauté chrétienne a beaucoup réfléchi à son histoire et nous ferions mal de ne pas faire la même chose. Celle-ci a tant à nous dire.

Judas a été choisi dès la première heure pour être l’un des Douze. En insérant son nom dans la liste des apôtres l’évangéliste Luc écrit « Juda Iscariote qui devint (egeneto) un traître » (Lc 6, 16). Donc Judas n’était pas né traître et il ne l’était pas au moment où Jésus l’a choisi; il le devint ! Nous sommes devant un des drames les plus sombres de la liberté humaine.

Pourquoi le devint-il ? Il n’y a pas si longtemps, quand la thèse de Jésus « révolutionnaire » était à la mode, on a cherché à donner à son geste des motivations idéales. Certains ont vu dans son surnom « Iscariote » une déformation du mot « sicariote », c’est-à-dire faisant partie du groupe de zélotes extrémistes qui prônaient l’emploi du glaive (sica) contre les Romains; d’autres ont pensé que Judas a été déçu de la façon dont Jésus suivait son idée du « royaume de Dieu » et qu’il voulait lui forcer la main, en le poussant à agir aussi au plan politique contre les païens. C’est le Judas du célèbre « Jésus Christ Superstar » et d’autres spectacles et romans récents. Un Judas pas loin d’un autre célèbre traître de son bienfaiteur : Brutus, qui tua Jules César, en pensant de sauver ainsi la république!

Ces reconstructions sont respectables quand elles revêtent quelque dignité littéraire ou artistique, mais elles n’ont aucun fondement historique. Les évangiles – seules sources dignes de foi que nous ayons sur le personnage – parlent d’un motif plus terre-à-terre : l’argent. Judas avait reçu la garde de la bourse commune du groupe; à l’occasion de l’onction de Béthanie il avait protesté contre le gaspillage du précieux parfum versé par Marie sur les pieds de Jésus, non pas par souci des pauvres, relève Jean, mais parce que « c’était un voleur : comme il tenait la bourse commune, il prenait ce que l’on y mettait » (Jn 12,6). Sa proposition aux chefs des prêtres est explicite: « Que voulez-vous me donner, si je vous le livre ? » Ils lui remirent trente pièces d’argent » (Mt 26, 15).

Mais pourquoi être surpris par cette explication et la trouver trop banale ? N’est-ce pourtant pas presque toujours comme ça aujourd’hui ? Mammon, l’argent, n’est pas une idole parmi tant d’autres; c’est l’idole par antonomase : littéralement, « l’idole en métal fondu » (cf. Ex 34, 17). Et l’on comprend pourquoi. Qui est, objectivement, sinon subjectivement (autrement dit, dans les faits, si non dans les intentions), le vrai ennemi, le concurrent de Dieu, dans ce monde ? Satan ? Mais aucun homme ne décide de servir Satan, sans raison. S’il le fait c’est parce qu’il croit obtenir de lui quelque pouvoir ou quelque bénéfice temporel. Qui est, dans les faits, l’autre-maître, l’anti-Dieu, Jésus nous le dit clairement: « Nul ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent » (Mt 6, 24). L’argent est le « dieu visible », contrairement au vrai Dieu qui est invisible.

Mammon est l’anti-dieu car il crée un univers spirituel alternatif, donne un autre objet aux vertus théologales. La foi, l’espérance et la charité ne reposent plus sur Dieu, mais sur l’argent. Une affreuse inversion de toutes les valeurs se met en marche. « Tout est possible pour celui qui croit », disent les Ecritures (Mc 9, 23); or le monde dit : « Tout est possible pour celui qui a de l’argent ». Et, à un certain niveau, tous les faits semblent lui donner raison.

« La racine de tous les maux – disent les Ecritures – c’est l’amour de l’argent” (1 Tm 6,10). Derrière chaque mal de notre société il y a l’argent, ou du moins il y a aussi l’argent. Celui-ci est le Moloch de la Bible, auquel on sacrifiait les petits garçons et les petites filles (cf. Jr 32, 35), soit le dieu aztèque, auquel il fallait offrir quotidiennement un certain nombre de cœurs humains. Qu’y a-t-il derrière le commerce de la drogue qui détruit tant de vies humaines, l’exploitation de la prostitution, le phénomène des différentes mafias, la corruption politique, la fabrication et le commerce des armes, voire même – chose horrible à se dire – derrière la vente d’organes humains enlevés à des enfants ? Et la crise financière que le monde a traversé et que ce pays traverse encore, n’est-elle pas due en bonne partie à cette « exécrable avidité d’argent », l’auri sacra fames, de la part de quelques uns ? Judas commença par soutirer un peu d’argent de la caisse commune. Cela ne dit-il rien à certains administrateurs de l’argent public ?

Mais sans penser à ces moyens criminels pour accumuler de l’argent, n’est-il déjà pas un scandale que certains perçoivent des salaires et des retraites cinquante ou cent fois supérieurs aux salaires et retraites de ceux qui travaillent à leurs dépendances et qu’ils élèvent la voix dès que se profile l’éventualité de devoir renoncer à quelque chose, en vue d’une plus grand justice sociale?

Dans les années 70 et 80, pour expliquer, en Italie, les soudains renversements politiques, les jeux occultes de pouvoir, le terrorisme et les mystères en tout genre dont était frappée la coexistence civile, s’affirmait l’idée, presque mythique, de l’existence d’un « grand Vieux » : un personnage rusé et puissant qui, en coulisses, aurait manipulé tous les fils, à des fins que lui seul connaissait. Ce « grand Vieux » existe vraiment, ça n’est pas un mythe ; il s’appelle Argent!

Comme toutes les idoles, l’argent est « faux et menteur » : il promet la sécurité alors qu’il l’enlève ; il promet la liberté alors qu’il la détruit. Saint François d’Assise décrit, de manière inhabituellement sévère, la fin d’une personne ayant vécu uniquement pour augmenter son « capital ». La mort approche ; on fait venir le prêtre. Celui-ci demande au moribond: « Veux-tu recevoir l’absolution de tes péchés ? », et il « oui »: « Veux-tu, dans la mesure où tu le peux, prendre sur ta fortune pour réparer tes fautes et restituer à ceux que tu as volés et trompés ? » Et lui: « Je ne peux pas ». « Pourquoi ne peux-tu pas ? » « Parce que j’ai tout remis entre les mains de mes parents et amis ». Ainsi, il meurt impénitent et dès qu’il est mort ses parents et ses amis disent entre eux: « Maudite soit son âme ! Il aurait pu amasser bien d’avantage et nous le laisser, et il ne l’a pas fait! »

Que de fois, en cette période, avons-nous dû repenser à ce cri que Jésus lança au riche de la parabole qui avait amassé des biens à n’en plus finir et qui se sentait en sécurité pour le restant de sa vie: « Cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ? » (Lc 12,20). Des hommes placés à des postes de responsabilité qui ne savaient plus dans quelle banque ou dans quel paradis fiscal amasser les recettes de leur corruption se sont retrouvés sur le banc des accusés, ou dans la cellule d’une prison, juste au moment où ils s’apprêtaient à se dire: « Maintenant profites-en, mon âme ». Pour qui l’ont-ils fait ? Cela valait-il la peine? Ont-ils vraiment fait le bien de leurs enfants et de leur famille, ou du parti, si c’est cela qu’ils cherchaient? Ou alors ne se sont-ils pas ruinés eux-mêmes et les autres ? Le dieu argent se charge de punir lui-même ses adorateurs.

La trahison de Judas continue dans l’histoire et le « trahi » c’est toujours lui, Jésus. Judas vendit le chef, ses adeptes vendent son corps, parce que les pauvres sont les membres du Christ: « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). Mais la trahison de Judas ne se poursuit pas seulement dans les affaires retentissantes comme celles que je viens d’évoquer. Ça serait pratique pour nous de penser cela, mais il n’en est pas ainsi. L’homélie que don Primo Mazzolari prononça un Jeudi Saint sur « Notre frère Judas » est restée célèbre : « Laissez-moi penser un moment au Judas qui est au fond de moi, avait-il dit aux quelques paroissiens présents devant lui, au Judas qui est peut-être aussi en vous ».

On peut trahir Jésus aussi pour d’autres formes de récompense qui ne soient pas les trente pièces d’argent. Trahit le Christ celui ou celle qui trahit son épouse ou son époux. Trahit Jésus le ministre de Dieu infidèle à son état, ou qui au lieu de paître ses brebis se paît lui-même. Trahit Jésus quiconque trahit sa conscience. Je peux le trahir moi aussi, en ce moment – et la chose me fait trembler – si pendant que je prêche sur Judas je me préoccupe plus de l’approbation de l’auditoire que de participer à l’immense peine du Sauveur. Judas avait des circonstances atténuantes que nous n’avons pas. Il ne savait pas qui était Jésus, il pensait seulement qu’il était « un homme juste » ; il ne savait pas qu’il était le Fils de Dieu, nous, si.

Comme chaque année, à l’approche de Pâques, j’ai voulu réécouter la « Passion selon saint Matthieu » de Bach. Il y a un détail qui me fait sursauter à chaque fois. A l’annonce de la trahison de Judas, tous les apôtres demandent à Jésus: « Serait-ce moi, Seigneur ? » « Herr, bin ich’s ? » Mais avant de nous faire écouter la réponse du Christ, annulant toute distance entre l’événement et sa commémoration, le compositeur insère un chœur qui commence ainsi: «  C’est moi, c’est moi le traître ! Je dois faire pénitence ! », « Ich bin’s, ich sollte büßen ». Comme tous les chœurs de cette œuvre, celui-ci exprime les sentiments du peuple qui écoute; il est une invitation à confesser nous aussi nos péchés.

L’Evangile décrit la fin horrible de Judas: «  Alors, en voyant que Jésus était condamné, Judas, qui l’avait livré, fut pris de remords ; il rendit les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens. Il leur dit : « J’ai péché en livrant à la mort un innocent. » Ils répliquèrent : « Que nous importe ? Cela te regarde ! » Jetant alors les pièces d’argent dans le Temple, il se retira et alla se pendre » (Mt 27, 3-5). Mais ne portons pas de jugement hâtif. Jésus n’a jamais abandonné Judas et personne ne sait où il est tombé au moment il s’est lancé de l’arbre, la corde au cou: si c’est dans les mains de Satan ou dans celles de Dieu. Qui peut dire ce qui s’est passé dans son âme à ces derniers instants ? « Ami », avait été le dernier mot de Jésus à son égard dans le jardin des oliviers et il ne pouvait l’avoir oublié, tout comme il ne pouvait avoir oublié son regard.

Il est vrai qu’en parlant de ses disciples au Père, Jésus avait dit de Judas: « Aucun ne s’est perdu, sauf celui qui s’en va à sa perte » (Jn 17, 12), mais ici, comme dans tant d’autres cas, il parle dans la perspective du temps et non de l’éternité. L’autre parole terrible dite sur Judas: « Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né, cet homme-là ! »  (Mc 14, 21) s’explique elle aussi par l’énormité du fait, sans besoin de penser à un échec éternel. Le destin éternel de la créature est un secret inviolable de Dieu. L’Eglise nous garantit qu’un homme ou une femme proclamés saints sont dans la béatitude éternelle; mais d’aucun celle-ci ne sait s’il est certainement en enfer.

Dante Alighieri qui, dans la Divine Comédie, situe Judas dans les profondeurs de l’enfer, raconte la conversion au dernier moment de Manfred, le fils de Frédéric II, roi de Sicile. Tout le monde, à l’époque, pensait qu’il était damné parce que mort excommunié. Blessé à mort durant une bataille, il confie au poète qu’au dernier moment de sa vie, il se rendit en pleurant à celui « qui volontiers pardonne » et du purgatoire, à travers le poète, envoie sur terre ce message qui vaut aussi pour nous :
Horribles furent mes péchés;
Mais la bonté divine a si grands bras
Qu’elle prend ce qui se rend à elle. (Purgatoire,III, 118-120).

Voilà à quoi l’histoire de notre frère Judas doit nous pousser: à nous rendre à celui qui volontiers pardonne, à nous jeter nous aussi dans les grands bras du crucifié. Dans l’histoire de Judas, ce qui importe le plus , ce n’est pas sa trahison, mais la réponse que Jésus lui donne. Il savait bien ce qui était en train de mûrir dans le cœur de son disciple ; mais il ne l’expose pas, il veut lui donner la possibilité jusqu’à la fin de revenir en arrière, comme s’il le protégeait. Il sait pourquoi il est venu, mais il ne refuse pas, dans le Jardin des oliviers, son baiser de glace, allant même jusqu’à l’appeler mon ami (Mt 26, 50). De même qu’il chercha le visage de Pierre après son reniement pour lui donner son pardon, qui sait s’il n’aura pas cherché aussi celui de Judas à quelque tournant de son chemin de croix! Quand sur la croix il prie: « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34), il n’exclut certainement pas Judas.

Alors, nous, que ferons-nous ? Qui suivrons-nous, Judas ou Pierre ? Pierre eut des remords de ce qu’il avait fait, mais Judas eut lui aussi un tel remord qu’il s’écria : « J’ai trahi le sang innocent !» et il rendit les trente pièces d’argent. Alors, où est la différence ? En une seule chose: Pierre eut confiance en la miséricorde du Christ, pas Judas! Le plus grand péché de Judas ne fut pas d’avoir trahi Jésus, mais d’avoir douté de sa miséricorde.

Si nous l’avons imité, qui plus qui moins, dans la trahison, ne l’imitons pas dans ce manque de confiance dans le pardon. Il existe un sacrement où il est possible de faire une expérience sûre de la miséricorde du Christ : le sacrement de la réconciliation. Quel beau sacrement ! Il est doux de faire l’expérience de Jésus comme maître, comme Seigneur, mais encore plus doux d’en faire l’expérience comme Rédempteur : comme celui qui vous sort du gouffre, comme Pierre de la mer, qui vous touche, comme il fit avec le lépreux, et vous dit : « Je le veux, sois purifié ! » (Mt 8,3).
La confession nous permet de vivre ce que l’Eglise dit du péché d’Adam dans l’Exultet pascal: « O heureuse faute qui nous a mérité un tel et un si grand Rédempteur ! » Jésus sait faire de toutes les fautes humaines, une fois que nous sommes repentis, des « heureuses fautes », des fautes dont on ne garde aucun souvenir si ce n’est celui de l’expérience de miséricorde et de tendresse divine dont elles furent l’occasion!
J’ai un vœu à faire, à moi-même et à vous tous, Vénérables Pères, frères et sœurs: que le matin de Pâques nous puissions nous réveiller et entendre résonner dans nos cœurs les paroles d’un grand converti de notre temps, le poète et dramaturge Paul Claudel:

« Mon Dieu, je suis ressuscité et je suis encore avec Toi !
Je dormais et j’étais couché ainsi qu’un mort dans la nuit.
Dieu dit : Que la lumière soit ! Et je me suis réveillé comme on pousse un cri ! […]
Mon père qui m’avez engendré avant l’Aurore, je me place dans Votre Présence.
Mon cœur est libre et ma bouche est nette, mon corps et mon esprit sont à jeun.
Je suis absous de tous mes péchés que j’ai confessés un par un.
L’anneau nuptial est à mon doigt et ma face est nettoyée.
Je suis comme un être innocent dans la grâce que Vous m’avez octroyée* ».

C’est cela que la Pâque du Christ peut faire de nous.
(*Paul Claudel, Prière pour le dimanche matin, in Œuvres poétiques (Paris: Gallimard, 1967), 377)

« Oints avec l’huile de joie » – Homélie du pape François pour la messe chrismale

Pope Francis gives homily during Holy Thursday chrism Mass at Vatican

Chers frères dans le sacerdoce !

En ce jour du Jeudi saint, où le Christ nous a aimés jusqu’au bout (cf. Jn 13, 1), nous faisons mémoire de l’heureux jour de l’Institution du sacerdoce et de celui de notre Ordination sacerdotale. Le Seigneur nous a oints dans le Christ avec l’huile de joie et cette onction nous invite à recevoir ce grand don et à nous en faire porteurs : la joie, l’allégresse sacerdotale. La joie du prêtre est un bien précieux non seulement pour lui mais aussi pour tout le peuple fidèle de Dieu : ce peuple fidèle au milieu duquel le prêtre est appelé pour être oint et auquel il est envoyé pour oindre.

Oints avec l’huile de joie pour oindre avec l’huile de joie. La joie sacerdotale a sa source dans l’Amour du Père, et le Seigneur désire que la joie de cet Amour « soit en nous », et soit « pleine » (Jn 15, 11). J’aime penser à la joie en contemplant la Vierge : Marie, la « Mère de l’Évangile vivant est source de joie pour les petits » (Exhort. Ap. Evangelii gaudium, n. 288), et je crois que nous n’exagérons pas si nous disons que le prêtre est une personne très petite : l’incommensurable grandeur du don qui nous est fait par le ministère nous relègue parmi les plus petits des hommes. Le prêtre est le plus pauvre des hommes si Jésus ne l’enrichit pas de sa pauvreté, il est le serviteur le plus inutile si Jésus ne l’appelle pas ami, le plus insensé des hommes si Jésus ne l’instruit pas patiemment comme Pierre, le plus sans défense des chrétiens si le Bon Pasteur ne le fortifie pas au milieu de son troupeau. Personne n’est plus petit qu’un prêtre laissé à ses seules forces ; donc notre prière de protection contre tout piège du Malin est la prière de notre Mère : je suis prêtre parce qu’il a regardé avec bonté ma petitesse (cf. Lc 1, 48). Et à partir de cette petitesse, nous accueillons notre joie. [Read more…]

« Le diable existe, même au XXIème siècle »

1_0_789969Nous apprenons dans l’Évangile comment lutter contre les tentations du démon. C’est ce qu’a affirmé le Pape François lors de la messe célébrée ce matin en la chapelle de la maison Sainte-Marthe. Le Souverain Pontife a souligné que nous sommes tous soumis à la tentation car le diable ne veut pas de notre sainteté. Et il a répété que la vie chrétienne est vraiment une lutte contre le mal.

« La vie de Jésus a été une lutte. Il est venu vaincre le mal, vaincre le prince de ce monde, vaincre le monde ». Le Pape François a débuté ainsi son homélie, consacrée à la lutte contre le démon. Une lutte, a-t-il dit, que doit affronter chaque chrétien. Le démon, a-t-il souligné, « a tenté Jésus de nombreuses fois et Jésus a éprouvé les tentations dans sa vie » comme « les persécutions ». Et il a averti que nous, les chrétiens « qui voulons suivre Jésus », « nous devons bien connaître cette vérité » :

« Nous aussi, nous sommes tentés, nous aussi nous sommes sujets à l’attaque du démon, car l’Esprit du mal ne veut pas de notre sainteté, il ne veut pas de notre témoignage chrétien, il ne veut pas que nous soyons des disciples de Jésus. Et comment procède l’Esprit du mal pour nous éloigner du chemin de Jésus par sa tentation ? La tentation du démon a trois caractéristiques et nous devons les connaître pour ne pas tomber dans le piège. Comment procède le démon pour nous éloigner du chemin de Jésus ? La tentation commence doucement mais elle grandit : elle grandit toujours. Elle grandit et contamine un autre, elle se transmet à un autre, elle cherche à être communautaire. Et à la fin, pour tranquilliser l’âme, elle se justifie. Elle grandit, elle contamine et se justifie ». [Read more…]

Le Pape met en garde contre toute instrumentalisation de la Parole de Dieu

1_0_783455Pour ne pas « tuer dans le coeur » la Parole de Dieu, il est nécessaire d’être « humble et capable de prier ». Deux attitudes que le Pape François a signalé en commentant l’Évangile durant la messe présidée à la maison Sainte-Marthe.

Le Pape a commenté l’Evangile du jour, dans lequel Jésus raconte la parabole du vigneron homicide, qui tue les serviteurs et finalement le fils du patron de cette vigne, avec l’intention de s’emparer de l’héritage.

Dans cette parabole du vigneron, il y a des pharisiens, des anciens, des prêtres contre lesquels Jésus se révolte pour faire leur faire comprendre « où ils sont tombés » pour ne pas avoir eu « le cœur ouvert à la Parole de Dieu »

Le risque d’une instrumentalisation de la Parole de Dieu

« C’est le drame de ces personnes, et c’est aussi le nôtre, s’est exclamé le Pape. Ils se sont emparés de la Parole de Dieu, et la Parole de Dieu devient la leur, une parole selon leur intérêt, leur idéologie, leur théologie, mais à leur service. Et chacun l’interprète selon sa propre volonté, selon son propre intérêt. C’est le drame de ce peuple. Et pour conserver cela, ils tuent. C’est ce qui est arrivé à Jésus.» Un risque toujours actuel pour le Pape : le chrétien peut détourner la Parole de Dieu pour son propre plaisir et son propre intérêt, s’il n’est pas humble et ne prie pas.

« Les chefs des prêtres et des pharisiens, a poursuivi le Pape François, ont compris qu’il parlait d’eux, quand ils ont entendu cette parabole de Jésus. Ils cherchaient à le caricaturer et le faire mourir. De cette façon, la Parole de Dieu devient morte, devient emprisonnée, l’Esprit Saint est mis en cage dans les désirs de chacun d’eux. Et c’est exactement ce qui nous arrive quand nous ne sommes pas ouverts à la nouveauté de la Parole de Dieu, quand nous ne sommes pas obéissants à la Parole de Dieu. » [Read more…]

«L’homme qui ne compte que sur lui-même sera malheureux »

1_0_783135L’homme qui ne compte que sur lui-même, que sur ses propres richesses, ou qui se fie aux idéologies, est destiné à être malheureux. Qui fait confiance au Seigneur, par contre, produit du fruit même durant les périodes de sécheresse. C’est en résumé ce qu’a déclaré ce jeudi matin le Pape François durant la messe célébrée en la chapelle de la Maison Sainte Marthe.

« Maudit soit l’homme qui se confie en l’homme », « l’homme qui ne compte que sur lui-même » : il sera comme « un tamarinier dans la steppe », condamné par la sécheresse à ne produire aucun fruit et à mourir. Le Pape est parti de la Première Lecture du jour qui définit, par contre, « comme béni l’homme qui se confie dans le Seigneur » : « il est comme un arbre planté le long d’un cours d’eau », qui durant les sécheresses « ne cesse pas de produire du fruit ». « Seulement dans le Seigneur, affirme le Pape François, réside notre vraie confiance. Les autres confiances ne servent pas, ne nous sauvent pas, ne nous donnent pas la vie, ne nous donnent pas la joie ».

L’homme riche de l’Evangile n’a pas d’identité

Et même si nous le savons, « nous aimons ne compter que sur nous-mêmes, ou sur cet ami, ou ne croire qu’à notre bonne situation ou en cette idéologie », et « le Seigneur reste un peu à part ». L’homme, ainsi, se referme sur lui-même, « sans horizons, sans portes ouvertes, sans fenêtres » et « ne trouvera pas le salut, ne peut se sauver ». C’est ce qui arrive à l’homme riche de l’Evangile, a expliqué le Pape. « Il avait tout : il portait des habits de pourpre, il mangeait tous les jours, à l’occasion de grands banquets ». « Il était tellement content », mais « il ne se rendait pas compte qu’à la porte de sa maison, couvert de plaies », se trouvait un pauvre.  [Read more…]

Le Carême peut transformer notre vie

1_0_782508Le Carême est une période pour « ajuster notre vie », « pour nous rapprocher du Seigneur ». C’est ce qu’a souligné le Pape François lors de l’homélie de la messe célébrée ce mardi matin à la chapelle de la maison Sainte-Marthe. Le Pape a mis en garde contre le fait de se sentir « meilleur que les autres ». Les hypocrites, a-t-il averti, « se déguisent en bonnes personnes » et ils ne comprennent pas que « personne n’est juste de par soi-même », tout le monde a besoin d’être justifié.

Conversion. Le Pape François a commencé son homélie en soulignant que c’est la parole clef du Carême, une période propice pour « se rapprocher » de Jésus. Et commentant la première lecture, tirée du Livre d’Isaïe, il a souligné que le Seigneur appelle à la conversion deux « villes pécheresses » comme Sodome et Gomorrhe. Ceci, a-t-il affirmé, met en évidence le fait que nous avons tous besoin de « changer notre vie », de bien regarder « dans notre âme » où nous trouverons toujours quelque chose. Donc, le Carême, a-t-il souligné, est une période idéale pour « ajuster sa vie », se rapprocher du Seigneur. Il nous veut « proche » et nous rassure sur le fait qu’il « nous attendra pour nous pardonner ». Cependant, a-t-il averti, le Seigneur veut « un rapprochement sincère » et nous met en garde sur le fait d’être hypocrite :

Ne soyons pas des chrétiens hypocrites

« Que font les hypocrites ? Ils se déguisent, ils se déguisent en bonnes personnes : ils font des têtes comme celles des images pieuses, ils prient en regardant le ciel en se faisant voir, ils se sentent plus justes que les autres, ils méprisent les autres.» « Mais- disent-ils, moi je suis très catholique car mon oncle était un grand bienfaiteur, ma famille est ainsi et moi, j’ai connu tel évêque, tel cardinal, tel père…Moi, je suis…Ils se sentent meilleurs que les autres. Ça, c’est l’hypocrisie. Le Seigneur dit « Non, pas celui-là ». « Personne n’est juste de soi-même. Nous avons tous besoin d’être justifiés. Et le seul qui nous justifie est Jésus Christ. » [Read more…]

La miséricorde est la voie de la paix dans le monde

1_0_782104Pardonner pour être miséricordieux, c’est le chemin qui porte la paix dans nos cœurs et dans le monde : voilà en résumé ce qu’a déclaré le Pape François ce lundi matin dans l’homélie de la messe qu’il a célébrée en la chapelle Sainte Marthe au Vatican. « Soyez miséricordieux comme Votre Père est miséricordieux ». Le Pape a commenté l’exhortation de Jésus, en affirmant d’emblée « qu’il n’est pas aisé de comprendre cette attitude de la miséricorde » parce que nous sommes habitués à juger : « nous ne donnons pas naturellement un peu d’espace à la compréhension et à la miséricorde ». « Pour être miséricordieux, a précisé le Pontife, deux attitudes sont nécessaires. »

La première c’est « la connaissance de soi-même ». « Savoir que nous avons fait un tas de mauvaises choses : nous sommes des pécheurs ! » Et face à la repentance, « la justice de Dieu se transforme en miséricorde et en pardon ». Mais pour le Pape, c’est bien clair qu’il faut avant tout se repentir, « avoir honte devant Dieu ». « Cela semble simple, mais c’est si difficile à dire : ‘J’ai péché’. » Le Pape a ensuite tenu à expliquer que souvent nous justifions nos péchés en reportant la faute sur les autres, comme l’ont fait Adam et Eve.

Elargir son coeur, avoir un coeur généreux

La deuxième attitude pour être miséricordieux, a affirmé le Pape, « c’est d’élargir son cœur », car « un cœur petit et égoïste est incapable de miséricorde ». « Qui suis-je pour juger cette personne? Qui suis-je pour mal parler de telle autre ? Qui suis-je pour ? Le Seigneur nous dit : ‘ Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés ! Ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés ! Pardonnez et vous serez pardonnés ! Donnez et on vous donnera ! Cette générosité du coeur est essentielle. Si tu as le coeur large, grand, tu peux recevoir plus. » «

Le cœur grand, a ajouté le Pape, ne condamne pas, mais pardonne, oublie » parce que « Dieu a oublié mes péchés. Dieu a pardonné mes péchés. Il faut être miséricordieux ». « Si nous tous étions miséricordieux, a conclu le Pape, si les peuples, les personnes, les familles, les quartiers avaient cette attitude de la miséricorde, nous aurions tellement plus de paix dans le monde, dans nos cœurs ! Parce que la miséricorde nous porte à la paix. Rappelez-vous donc toujours de cette phrase : ‘Qui suis-je pour juger ?’ Et rappelons-nous d’avoir honte et d’élargir notre cœur. Que le Seigneur nous donne cette grâce ».

Radio Vatican

Mercredi des Cendres : le Pape invite à ouvrir les cœurs à la conversion

1900176_10152300923513055_433039917_nL’Église catholique entame ce mercredi, premier jour de Carême, l’un des moments forts de l’année liturgique, pour 40 jours de recueillement. Ce temps de conversion repose sur la prière, la pénitence et le partage.

Le Pape François, comme le veut la tradition, a célébré ce mercredi la messe du mercredi des Cendres depuis la basilique Sainte-Sabine sur la colline de l’Aventin, à Rome. Juste auparavant, il avait présidé, entouré des cardinaux, des évêques, des moines bénédictins et des pères dominicains, la procession pénitentielle au chant des litanies depuis l’église bénédictine Saint-Anselme, située à quelques pas de Sainte Sabine.

Dans son homélie, le Saint-Père a rappelé quel est le sens du Carême, en invitant à une ouverture des cœurs et non seulement de l’apparence. Pour François « la conversion ne se réduit pas à des formes extérieures, à de vagues propositions, mais doit transformer l’existence entière à partir du centre de la personne, de la conscience.»

Nous ne sommes pas Dieu

Le Pape le précise : « Nous vivons dans un monde toujours plus artificiel, dans une culture du faire, de l’utile, dans laquelle nous excluons Dieu de notre horizon. Le Carême nous appelle à nous souvenir que nous sommes de simples créatures, que nous ne sommes pas Dieu, a souligné François qui n’a alors pas hésité à sortir de son texte pour déclarer avec fermeté:
Quand je vois quelques luttes de pouvoir dans mon petit environnement quotidien, je me dis que ces personnes jouent à vouloir être Dieu alors qu’elles ne le sont pas! » [Read more…]

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