L’ombre de Pierre a plané sur l’Amérique

par le père Thomas Rosica, c.s.b.,
Directeur général de Télévision Sel + Lumière 

Benoît XVI a conclu dimanche sa première visite en tant que pape aux États-Unis d’Amérique. Beaucoup se sont inquiétés de l’impact que le pape allemand pourrait avoir sur une Église plutôt assiégée. Ils se demandaient si Benoît XVI serait capable d’établir un rapport avec les gens comme son prédécesseur Jean-Paul II l’avait fait. Après tout, Benoît XVI est arrivé en Amérique à 80 ans alors que son prédécesseur avait seulement 59 ans lors de sa première visite en 1979.
 
Jusqu’à la semaine dernière, de nombreuses personnes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Église en Amérique du Nord, ne connaissaient tout simplement pas Joseph Ratzinger, certains ne voulant même pas le connaître. Ils connaissaient seulement des demies vérités à propos de ce « chien de garde du Vatican » qui a été souvent décrit comme un rat de bibliothèque strict et studieux qui n’avait pas le charisme et le talent de son prédécesseur sur le trône de Pierre. Mais la semaine passée, quelque chose a changé de manière significative dans la perception que les gens ont du pape Benoît XVI.
 
Le pèlerinage américain était soigneusement orchestré et planifié à la minute, avec un accueil royal à la Maison Blanche pour son 81ème anniversaire mercredi, une conférence majeure adressée aux présidents des universités catholiques et aux éducateurs, une rencontre privée et très émouvante avec les victimes d’abus sexuel du clergé à l’ambassade du Vatican à Washington, un discours aux représentants de plusieurs traditions religieuses, et une messe géante au Nationals Stadium.
 
Passant par la Big Apple pour la dernière étape du voyage, le souverain pontife a donné un discours important à l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies suivi par un autre discours important adressé aux gens qui travaillent dans les coulisses de l’ONU : secrétaires, concierges, stagiaires et le personnel de service. (Rares sont les dirigeants politiques qui reconnaissent les petites gens qui font fonctionner les grandes organisations!)
 
Le pape allemand a aussi visité une synagogue de Manhattan la veille du premier jour de la Pâque juive. Il a célébré la messe marquant le troisième anniversaire de son élection comme pape le 19 avril dans ce que beaucoup considèrent comme le siège symbolique du catholicisme aux États-Unis – la cathédrale Saint Patrick de New York. Au cours de cette messe il a lancé un cri de ralliement pour un «nouveau printemps» dans une église qui, a-t-il dit, était trop divisée et blessée de nombreuses manières, spécialement par le scandale des abus sexuels commis par le clergé. Comme nos caméras de Sel et Lumière couvraient l’évènement, nous avons vu de nombreux prêtres, religieux et religieuses en pleurs pendant cette messe.
 
À la fin de la messe célébrée le jour du troisième anniversaire de son élection, Benoît XVI a parlé de façon personnelle et sans notes : « À ce moment-ci, je peux seulement vous remercier pour votre amour de l’Église et de notre Seigneur, et pour l’amour que vous montrez au pauvre successeur de Saint Pierre. Je vais essayer de faire tout ce qui est possible pour être un digne successeur du grand Apôtre, qui était aussi un homme avec des défauts et des péchés, mais qui est resté finalement le roc pour l’Église. Et moi aussi, avec toute mes pauvretés spirituelles, je peux être pour ce temps, en vertu de la grâce du Seigneur, le Successeur de Pierre… »
 
Le samedi soir, à l’image d’un grand-père, Benoît XVI‚ a stupéfié le monde, et lui-même, par une grande représentation d’humanité, de compassion, de conviction, de joie pure et de mots émouvants lors du rassemblement des jeunes au séminaire de New York à Yonkers. Avant d’entrer dans l’atmosphère des journées mondiales de la jeunesse dehors, le pape a rencontré des dizaines d’enfants atteints d’un handicap dans la chapelle du séminaire – la plupart en fauteuil roulant. Le pape descendait lentement l’allée, le long de laquelle les enfants étaient alignés. Il a les a pris par la main et a embrassé certains. Les parents et les soignants à proximité ont pleuré sans retenue.
 
Lors du rassemblement en plein air de près de 30 000 jeunes, Benoît XVI a fait une rare référence à son éducation dans l’Allemagne nazie. « Mes années d’adolescence ont été dévastées par un régime sinistre qui pensait avoir les réponses à tout. Son influence a grandi, – infiltrant les écoles et les milieux sociaux, politiques et religieux – avant d’être pleinement reconnu comme le monstre qu’il était. » a dit le pape, qui a déserté l’armée allemande vers la fin de la seconde guerre mondiale.

Tout au long de la semaine, le Vatican a fait très attention d’articuler la position du pape sur l’immigration, en exposant le besoin de protéger l’unité de la famille et les droits humains des immigrants, mais en évitant subtilement toute question spécifique concernant le débat sur l’immigration américaine, notamment celle d’accorder un statut légal aux immigrants illégaux. Chose certaine, les paroles de Benoît XVI de la semaine dernière ont agité le débat de la campagne présidentielle aux USA.

Durant cette visite, je me suis souvenu d’une ancienne expression latine, utilisée pour la première fois par Saint Ambroise au IV siècle: “Ubi Petrus ibi ecclesia” ce qui signifie “Là où se trouve Pierre, c’est là que se trouve l’église”.

Pierre était aux États-Unis la semaine dernière, dans les jardins de la Maison Blanche et à l’Université catholique de l’Amérique (CUA). Le grand sourire de Pierre et sa sérénité évidente ont enflammé d’espoir une nation, une église et un continent au milieu du désespoir et du cynisme de beaucoup qui aimeraient accélérer la mort d’une église qui est vivante et jeune. Les mots de Pierre adressés à plus de 190 membres des Nations Unies parlaient de droits humains, de dignité, de dialogue et de paix dans un monde en guerre dans plusieurs lieux. Le silence éloquent de Pierre, sa prière et ses gestes à Ground Zero ont apporté guérison et paix aux victimes des attaques terroristes du 11 septembre.

Dans le Nouveau Testament, les Actes des Apôtres nous racontent «que l’on sortait les malades dans les rues et qu’ils étaient étendus sur des palettes afin que lorsque Pierre passerait, son ombre pourrait tomber sur chacun d’eux. Les gens des alentours aussi accourraient ensemble, amenant leurs malades ou ceux atteints d’esprits mauvais et ils étaient tous guéris.»

Benoît XVI est venu aux États-Unis la semaine dernière apporter guérison et espoir. Ses paroles et ses attitudes simples étaient désespérément attendues par une nation, déchirée par le terrorisme et les guerres, ainsi que par une église divisée. Seuls le temps, la réflexion et la prière révèleront si la guérison des catholiques américains a commencé la semaine dernière et portera du fruit pour l’Église de ce pays.

Une chose est cependant claire: la semaine dernière l’ombre de Pierre planait sur des millions de personnes aux États-Unis et bien au-delà. Et beaucoup ont reçu espoir et guérison de nos différents maux. Une autre chose s’est produite: Joseph Ratzinger s’est révélé. Même s’il a été élu et installé comme pape il y a 3 ans, je pense que sa papauté a réellement commencé dans les esprits et les coeurs des Nord-américains la semaine dernière alors que « Pierre était au milieu de nous ».

                                                                                                                                                                                                                                     

Au nom de la justice et des droits – Benoît XVI à l’ONU

C’est à l’occasion du 60e anniversaire de la Déclaration des droits de l’homme que Benoît XVI a prononcé son discours devant l’Assemblée générale des Nations Unis vendredi matin. En faisant un rappel de la mission de l’organisation, le Saint-Père a insisté sur le principe de la « responsabilité de protéger » qui est un concept récent (adopter en 2005 afin d’éviter d’autres génocides comme le Rwanda) mais essentiel qui doit être respecté par tous les pays, avec l’aide de la communauté internationale lorsque nécessaire.

Tout État a le devoir primordial de protéger sa population contre les violations graves et répétées des droits de l’homme, de même que des conséquences de crises humanitaires liées à des causes naturelles ou provoquées par l’action de l’homme.

Aujourd’hui comme alors, un tel principe doit faire apparaître l’idée de personne comme image du Créateur, ainsi que le désir d’absolu et l’essence de la liberté.

Le pape a affirmé qu’il faut redoubler d’efforts face aux pressions pour réinterpréter la Déclaration et de compromettre ainsi son unité afin de s’éloigner de la protection de la dignité humaine aux profits d’intérêts particuliers. Le pape s’est référé à l’un de ses maîtres spirituels, Saint Augustin d’Hippone, pour rappeler que les droits humains doivent être respectés puisqu’ils sont une expression de la justice, et ne doivent pas reposer sur la simple volonté du législateur.

Benoît XVI a affirmé que sa présence à l’Assemblée générale des Nations Unies est un signe d’estime pour l’organisation et veut montrer l’espoir du pape que l’Organisation soit un signe d’unité entre les états et un instrument de service pour toute la famille humaine.

Le discours de Benoît XVI passera à l’histoire pour plusieurs raisons, l’une d’elles étant qu’il nous a rappelé aujourd’hui en quoi consiste la véritable diplomatie, tournée vers ce qu’il y a de plus grand dans la personne humaine. L’Église est là  pour partager son expérience de « l’humanité », a conclue le pape, une expérience développée au long des siècles pour aider la communauté internationale à assurer la liberté des croyants et la protection des droits de la personne.

Suivre le Bon Berger…

Mercredi soir, Benoît XVI a rencontré les évêques des Etats-Unis au National Shrine of the Immaculate Conception. Le pape a voulu adresser un message fort, une feuille de route pour les années à venir aux évêques américains, et à travers eux à tous les catholiques de ce pays. Il n’a pas hésité non plus à aborder des questions plus politiques comme par exemple une invitation à poursuivre l’accueil des immigrés ou à réaffirmer  la nécessité de la cohérence entre la Foi professée le dimanche et les pratiques économiques ou les procédures médicales défendues durant la semaine.  Il s’oppose à l’idée que la religion doit être traitée comme une affaire privée.  « Les chrétiens deviennent ouverts au pouvoir transformant de l’Évangile seulement quand la foi imprègne tous les aspects de leurs vies. » Il s’agit là d’un soutien aux évêques qui ont pris la parole pour dénoncer les positions de politiciens catholiques qui séparaient leur foi et leurs choix éthiques. Dans la même ligne il a invité les évêques et tous les catholiques à participer aux échanges d’idées dans les débats publics. « En assurant que l’Évangile est clairement entendu (…), vous aidez la diffusion du message de l’espérance chrétienne à travers le monde » a-t-il déclaré.

Le pape a également mentionné l’assistance généreuse fournie par les catholiques américains pour nombre d’œuvres humanitaires, la construction d’un réseau de paroisses catholiques, d’hôpitaux, d’écoles et d’universités. Mais il a invité les évêques à se tourner vers l’avenir en posant la question :  « Comment l’évêque peut-il conduire son peuple à une rencontre avec le Dieu vivant ? »

Conscient que pour aborder sereinement l’avenir l’Église doit panser les blessures du passé, le pape n’a pas manqué d’aborder une nouvelle fois le scandale des abus sexuels. Il a reconnu, en reprenant les mots du président de la conférence épiscopale, que cette situation a été « parfois très mal gérée ». Il a aussi noté les mesures qui ont été adoptées pour y remédier et pour promouvoir un environnement sûr pour les jeunes.

« Que signifie de parler de protection de l’enfant quand la pornographie et la violence peuvent être regardées dans de nombreux foyers à travers les médias largement accessibles aujourd’hui? », a dit le pape.

« Tous ont leur rôle à jouer » pour offrir une « formation morale solide aux jeunes commes aux adultes », a-t-il dit: « pas seulement les parents, les dirigeants religieux, les enseignants et les catéchistes, mais aussi les médias et l’industrie des loisirs ».

Enfin, Benoît XVI a invité ses frères dans l’épiscopat à demeurer des modèles du Christ Bon Pasteur, pour aider les prêtres au service du ‘troupeau’ avec une générosité pareil au Christ. Il faut redonner confiance aux prêtres, les inspirer pour qu’ils soient à leur tour des modèles de sainteté.

En réponse à une question sur le déclin de vocations, Benoît XVI dit qu’il ne suffit pas de prier pour obtenir des vocations. Il faut apprendre aux jeunes à prier pour qu’ils découvrent le Seigneur dans leur vie. « S’ils savent prier, on peut avoir confiance que les jeunes sauront quoi faire de l’appel du Seigneur. »

Il y a plusieurs ‘responsables des vocations’ au sein de communautés religieuses et de diocèses, ici même au Canada, qui devraient relire les propos du pape et réfléchir à leurs ‘méthodes’…
 

Ami et porteur d’un message

Le pape Benoît XVI a été reçu ce matin à la Maison Blanche où une foule enthousiaste l’attendait dans les jardins ensoleillés. Le président George W. Bush a réservé un accueil chaleureux à son hôte avec tous les honneurs. La foule des invités a entonné un chant d’anniversaire à l’attention du pape qui fête ses 81 ans.

Le pape souriant et visiblement à l’aise, a répondu au discours d’accueil du président des Etats-Unis en déclarant qu’il était heureux d’être là comme un invité de tous les américains. «Je viens comme un ami, un prédicateur de l’Évangile et avec un grand respect pour cette vaste société pluraliste». Après avoir souligné l’excellente contribution des catholiques à la vie de leur pays, il a salué la vivacité de la vie religieuse américaine, soulignant qu’ «historiquement, non seulement les catholiques mais tous les croyants avaient trouvé ici la liberté d’adorer Dieu en accord avec leur conscience».

Le pape a une nouvelle fois manifesté son souci pour la paix dans le monde qu’il développera dans son discours à l’ONU. «Je suis sûr que ce souci de la grande famille humaine continuera à trouver son expression en soutenant les patients efforts de la diplomatie internationale pour résoudre les conflits et promouvoir le progrès». On peut voir là une critique de l’engagement des Etats-Unis dans le conflit en Irak indépendamment de l’ONU.

En revanche le pape a montré qu’il appréciait la place accordée à la religion dans le débat politique américain : «Alors que la Nation fait face à ces questions de plus en plus complexes, politiques et éthiques, qui sont celles de notre temps, je suis sûr que le peuple américain trouvera dans ses croyances religieuses une source précieuse de lumière et d’inspiration pour poursuivre un dialogue raisonné, responsable et respectueux afin de construire une société plus libre et plus humaine».

Cette cérémonie d’accueil est rediffusée en français sur Télévision Sel + Lumière mercredi à 15h30.  À 17h30 la prière des vêpres et la rencontre avec les évêques américains au National Shrine of the Immaculate Conception qui seront retransmises en direct en anglais.
 

Le Christ: notre espérance: USA 2008

Pour la première fois, le pape Benoît XVI se rend au Etats-Unis d’Amérique. Si la visite du pape dans ce pays est relativement courte, elle sera ponctuée par des moments forts au cours desquels il s’adressera aux catholiques mais aussi à tous les habitants de ce pays.  De nombreux médias suivent de près cet évènement. Télévision Sel + Lumière se mobilise pour apporter un éclairage différent sur ce moment important de le vie de l’Église. Dès son arrivée mardi jusqu’au dimanche 20 avril vous pourrez suivre en direct les faits marquants du voyage apostolique du Saint Père : visite au Siège des Nations Unies à New York, rencontre avec le Président américain, avec les jeunes, le clergé, messe au National Park, discours devant l’Assemblée générale des Nations Unies et la visite à Ground Zero. Voir le programme ici. Une équipe de Télévision Sel + Lumière fera partie du corps journalistique accompagnant le Saint Père pour une couverture complète de ce voyage historique.

Les paroles du pape sont très attendues dans un pays où l’Église est marquée par un esprit de réformes après les scandales qui l’ont profondément blessée. L’Église de ce pays qui connaît un fort dynamisme compte sur l’appui du pape pour traverser ses épreuves et remplir pleinement sa mission. Dimanche dernier Benoît XVI a annoncé : « Mon intention est de partager la parole de vie de notre Seigneur avec les différents groupes que je rencontrerai ». Puis il a demandé aux fidèles de prier pour le succès de sa visite « afin que ce soit un temps de renouveau spirituel pour tous les Américains ».

Le bon berger amène paix et unité

par le père Thomas Rosica, c.s.b.

Qu’avons-nous vu et entendu à-propos de la résurrection au cours des dernières semaines? Nous avons vu la nouvelle création, la marche au désert, l’arche traversant les eaux, de verts pâturages, le jardin d’un amoureux, le temple céleste, la ville qui attend depuis longtemps notre retour : la Nouvelle Jérusalem. Vivre en ressuscité signifie alors d’être baptisés et re-créés en Jésus, venir à la table, survivre le déluge, entendre la voix du berger, être le bien-aimé de Dieu, être l’héritier du trône, prêtre du temple et citoyen de la cité céleste.

En ce quatrième dimanche de pâques,  nous retrouvons le Bon Berger qui connaît intimement son troupeau. Jésus s’appuie sur l’une de ses métaphores préférées pour nous faire comprendre que nous pouvons avoir confiance en lui.

S’occuper d’un troupeau était l’un des éléments importants de l’économie palestinienne au temps de la bible. Dans l’ancien testament, Dieu est appelé le Berger d’Israël qui va devant le troupeau, le guide (Ps 22, 3), le mène vers la nourriture et l’eau (Ps 22, 2), le protège et porte ses petits (Is 40, 11). Imprégnant ainsi la piété des croyants, la métaphore démontre que tout le peuple est sous la protection de Dieu. Le Nouveau Testament ne juge pas les bergers autrement : ils connaissent leurs brebis (Jn 10,3), cherchent celle qui s’est égarée (Lc 15, 4ss.), et sont prêts à risquer leur vie pour leur troupeau (Jn 10, 11-12).

Le berger est donc une figure pour représenter Dieu lui-même (Lc 15, 4ss). Jésus connaissait des bergers et éprouvait de la sympathie à leur égard. Le Nouveau Testament ne qualifie jamais Dieu de berger et c’est seulement dans la parabole de la brebis perdue que l’auteur établit la comparaison (Lc 15, 4ss et Mt 18, 12ss). Dieu, comme l’heureux berger de la parabole, se réjouit du pardon et du rétablissement du pécheur. Le choix de l’image du berger reflète clairement le contraste entre l’amour de Jésus pour les pécheurs et le mépris des Pharisiens envers ces derniers. Nous pouvons dire en fait que le récit des disciples d’Emmaüs d’après Luc que nous avons lu la semaine dernière est un aspect de la mission de Jésus qui se continue : la poursuite des disciples entêtés était déjà préfigurée dans la parabole du berger qui va à la recherche de la brebis perdue jusqu’à ce qu’il la retrouve et la ramène au troupeau (15, 3-7).

La métaphore du bon berger est l’une des métaphores les plus belles et les plus fortes de toute la bible : notre Dieu et son Fils sont les bergers qui se soucient de nous, nous connaissent et nous aiment, même dans nos entêtements, nos manques d’écoute et nos doutes. Les anthropologues nous disent que les bergers ont traversé les âges. Ils ont, en fait, établi un pont entre l’ère de la chasse et l’ère de l’agriculture, ou l’ère agraire. C’est pour cette raison que les bergers apparaissent dans les mythes anciens et les récits, comme symbole de l’unité divine entre les éléments opposés.

Les anciens païens ont effleuré là quelque chose que les chrétiens ont réalisé pleinement : Jésus Christ est le grand réconciliateur. C’est Lui le Bon berger qui vient au cœur de chaque grand conflit pour y établir l’unité et la paix. L’expression de l’évangile de Jean qualifiant Jésus de ‘Bon Berger’ nous invite à porter un regard attentif sur la racine grecque du mot que nous avons traduit par ‘bon’. En fait, l’expression du Nouveau Testament en grec qualifie le berger est beau et noble. Sa noblesse et sa beauté extérieures reflètent une réalité intérieure de beauté et de noblesse.

Aujourd’hui, que Jésus notre Bon Berger nous guide vers ces pâturages de paix et de joie. Lorsque nous suivons le Seigneur Ressuscité et écoutons sa voix, la bonté et la bienveillance nous suivrons et nous pourrons ainsi vivre à jamais dans sa demeure.

Quand les années passent…

par Benoît Lévêque

Benoît XVI a reçu la semaine passée les participants à la XVIII Assemblée plénière du Conseil pontifical pour la famille, qui s’est tenue du 3 au 5 avril sur la mission des grands-parents dans la famille.  Ce fut l’occasion pour le pape de rappeler que l’Église a toujours reconnu leur importance sociale et spirituelle et il a constaté « qu’ils avaient autrefois un rôle important dans l’existence et le développement de la famille ». Il s’inquiète cependant des évolutions culturelles qui marginalisent les  personnes âgées : « La culture de la mort avance malheureusement et touche aussi le troisième âge. Avec de plus en plus d’insistance -a souligné le Saint-Père- on propose l’euthanasie comme solution aux situations difficiles (…). Si, comme on le dit souvent ici et là, les personnes âgées constituent une présence vivante dans la famille, l’Église et la société…elles doivent continuer à marquer l’unité et diffuser les valeurs d’un amour fondé sur la fidélité, qui seul engendre la foi et la joie de vivre».

L’attention que l’Église porte aux personnes âgées et l’appel renouvelé du pape qui invite à faire attention à elles, nous incitent à nous pencher sur ces questions. Qui sont les personnes âgées dans nos sociétés occidentales? Quelle est leur place dans la vie sociale? Le terme « personnes âgées » est sans doute trop général car il désigne une catégorie de personnes très diverses. Je crois qu’on peut difficilement faire des considérations générales sur une catégorie de personnes si différentes – le jeune retraité en pleine santé n’appréciera pas d’être rangé dans le même groupe que les personnes dépendantes en fin de vie. La présence sociale des personnes âgées « actives » qui poursuivent une activité professionnelle ou qui ont une retraite bien occupée est bien acceptée. Elles jouent un rôle important dans les familles, et parfois même, si elles ne vivent pas trop loin de leurs enfants, ils se font une joie d’accueillir leurs petits enfants. Cette relation particulière entre les grands-parents et les petits-enfants repose sur un enrichissement mutuel. La curiosité, les jeux et la capacité d’émerveillement des enfants rajeunissent les plus vieux qui apportent du même coup un savoir, une certaine sagesse et un témoignage de vie.

Et puis il y a ceux pour qui les années passent, et qui vieillissent sans le vouloir. Le poids des années qui rend le corps plus fragile rend la vie sociale plus difficile. Ce moment-là, tous ne le vivent pas de la même façon. Avoir une présence familiale ou amicale près de soi dans les dernières années de la vie terrestre peut rendre ce passage plus doux. Heureusement, atteindre le grand âge ne signifie pas être malheureux. J’ai entendu plusieurs fois le témoignage de jeunes qui disaient avoir pris la décision de s’engager dans la vie chrétienne car ils avaient été marqués par la piété et le témoignage de Foi de leurs grands-parents.

Pourtant, on ne doit pas oublier la souffrance de tant de personnes isolées. Des congrégations religieuses catholiques ont voulu se mettre à leur service. Elles oeuvrent toujours en ce sens aujourd’hui et rendent un service remarquable. Il faut les soutenir. Les familles ont un rôle primordial à jouer, mais les conditions de vie actuelles ne permettent plus la proximité qui existait autrefois. Il faut donc trouver de nouvelles façons d’être présent à tous. L’attention aux personnes dépendantes relève de la société toute entière qui contribue déjà financièrement grâce au système social et fiscal, mais qui ne doit jamais oublier la dignité humaine de ces personnes qu’il faut aussi accompagner humainement. On peut remarquer ces dernier temps la propagation d’un courant philosophique qui considère que la dépendance des personnes faible physiquement entraîne la perte de la dignité humaine. Ces conceptions rétrogrades de l’être humain qui constituent le fondement de la propagande en faveur de l’euthanasie doivent être rejetées avec force. Dans ce contexte le message du pape Benoît XVI a une résonance particulière. Les personnes âgées doivent avoir bien toute leur place dans le monde et dans l’Église et leur dignité n’a pas à être remise en question.

“Reste avec nous, Seigneur”

par le père Thomas Rosica, c.s.b.

 

Emmaüs, c’est d’abord une page d’Evangile.
Emmaüs, le nom d’un village.
Emmaüs, c’est un chemin.
Emmaüs, c’est aussi une maison, une auberge.
Emmaüs, c’est une école de prière.
Emmaüs, c’est un éclairage sur le visage du Christ.

L’histoire biblique des deux disciples d’Emmaüs raconte comment un chemin de tristesse peut devenir une promesse d’espérance. Deux compagnons découragés ont quitté Jérusalem. Tandis qu’ils s’éloignent de la Ville Sainte, un inconnu les rejoint, s’approche, les interroge et commence à leur parler.

Pour les disciples en route vers Emmaüs, la nouvelle les a fait sortir de leur propre apitoiement et de leur mauvaise interprétation des Écritures.  Par ailleurs, cette nouvelle les a amenés à se plonger plus profondément dans le mystère de la passion et de la mort de Jésus.

L’histoire d’Emmaüs parle du pain rompu et partagé au petit groupe.  Mais c’est encore peu de chose pour lui. Si ce geste n’est pas habité par une lumière plus profonde, il ne vaut rien du tout. 

Quelque chose s’éveille en eux et les bouleverse intérieurement : «Notre coeur n’était-il pas tout brûlant tandis qu’il nous parlait sur la route?», diront-ils, lorsque leurs yeux s’ouvriront et reconnaîtront Jésus ressuscité.

Ce récit biblique des disciples d’Emmaüs est avant tout une école de prière pour notre vie.  L’itinéraire des deux disciples nous offre un modèle et une consolation nous aidant à découvrir la présence de Dieu qui marche avec nous, surtout dans des moments difficiles, de désespoir, et de tristesse.

Prier avec les disciples d’Emmaüs nous est une invitation à retourner aux Écritures avec de nouvelles questions.  Jésus ouvre les Écritures aux deux disciples et il insiste sur la nécessité des souffrances du Messie, pour que celui-ci entre dans sa gloire.  Est-ce que notre lecture biblique nous mène vers une expérience du Seigneur Ressuscité comme cela fut le cas pour Cléophas et son compagnon?

Prier avec les disciples d’Emmaüs nous amène à une expérience de louange en communauté. Les disciples éprouvent un nouveau sens de l’appartenance et un nouveau courage pour témoigner de la Résurrection de Jésus.  Ils ne sont plus tristes et déçus. Ils sont lentement passés des ténèbres et du désespoir à la foi.  Ils sont eux-mêmes devenus porteurs de la bonne nouvelle et capable de louer Dieu en Esprit et Vérité.

Prier avec les disciples d’Emmaüs veut dire répéter leur prière souvent: “Reste avec nous, Seigneur”.  Par ces paroles, les disciples d’Emmaüs invitèrent le Voyageur à rester avec eux, alors que parvenait à son terme le premier jour après le sabbat au cours duquel l’incroyable était arrivé.

L’Evangile d’Emmaüs nous fait comprendre que nous sommes aussi attendus pour un autre repas. Le Seigneur se met à table avec nous. Il prend le pain, le bénit et nous le donne. C’est un geste qui résume toute la mission du Christ.  Rien n’est plus utile à l’humanité que ce partage concret et fraternel.

Ce repas est le moment d’une Révélation. A Emmaüs, pendant que le pain est rompu, les yeux des compagnons s’ouvrent et ils reconnaissent le Seigneur : Il est vraiment ressuscité. Désormais, la victoire de l’amour contre toutes les tristesses de ce monde est assurée. Mais le Christ disparaît ; ses disciples sont passés de la désillusion à l’enthousiasme. Aussitôt, ils partent sur la route comme des messagers d’espérance.

Je termine ma réflexion en vous offrant cette prière.

Seigneur, nous te remercions pour ta Parole.
Merci de ta voix qui nous parle dans les Écritures.
Que ta Parole nous transforme en témoins,
en prophètes, en hommes et femmes de l’aube.
Trace pour nous les chemins au milieu de nos déserts.
Maintiens parmi nous les signes de ta présence.
Ravive en nos familles et en nos communautés
la foi en tes promesses de vie,
et qu’au souvenir de ton amour fidèle,
nous allions aussi loin que ton Esprit nous entraîne.
À la suite des disciples d’Emmaüs,
que nos vies soient le reflet de ta vie-
que plus nous étudions les Écritures,
plus nous te trouvions.
que plus nous te connaissions,
plus nous nous immergions dans ta Parole
qui est vérité et vie pour tous les âges.  AMEN

Trois ans déjà…

par Marie-Noëlle Chaumette, x.m.c.j.

(NDLR: Marie-Noëlle est une nouvelle membre de l’équipe de Télévision Sel+Lumière. Religieuse de la communauté des Xavières, elle sera une collaboratrice régulière de ce blogue. Nous sommes très heureux de l’accueillir parmi nous.)

Trois ans après la mort du pape Jean-Paul II, pape exceptionnel, homme de foi, de prière et de communication sans précédents,  plusieurs images me viennent à l’esprit:

d’abord, à Assise le 27 octobre 1986, aux côtés de plusieurs représentants des différentes confessions religieuses qui ont répondu à son invitation. Dans son discours, Jean-Paul II a souligné le souci commun pour la paix et que l’église n’avait pas suffisamment œuvré en ce sens. Il a montré une image humble de l’église.

Prendre un temps ensemble pour dire au monde que la paix est plus forte que la guerre et que la prière est essentielle. Oser ce geste était, il y a plus de 20 ans, prophétique et cela a des conséquences encore aujourd’hui pour le dialogue interreligieux.
 

Puis, à Jérusalem, au mur des Lamentations où Jean-Paul II a glissé un message de repentance dans le mur. La portée de son geste dans sa simplicité dit bien combien il était un homme de prière. Ayant vécu pendant une année en Israël, j’ai été touchée personnellement par ses paroles vis-à-vis de la communauté juive comme étant “nos frères aînés”, reconnaissant nos liens très particuliers avec nos frères juifs. Ces paroles ouvrent de nouvelles perspectives pour l’avenir. 
 
Bien sûr, lors de ses dernières Journées Mondiales de la Jeunesse à Toronto, où affaibli par la maladie, le pape retrouvait des forces dès qu’il voyait les jeunes qu’il aimait; il avait le don de leur parler et de leur donner confiance en l’avenir. L’un d’entre eux m’a dit “pour moi, le pape, il est comme mon grand-père! Je n’ai connu que lui”. Il avait une proximité tout à fait exceptionnelle avec les jeunes, qui ne s’est pas démentie dans la durée.
 
Son dernier voyage en France à Lourdes, venu pour célébrer les 150 ans du dogme de l’Immaculée Conception et aussi en tant que malade pour prier à la grotte comme tout pèlerin, sachant qu’il était aussi au soir de sa vie, m’a beaucoup touchée. Lourdes est un lieu de pèlerinage et de conversion où chacun vient déposer ses soucis et se remettre dans les mains de Dieu, par l’intermédiaire de Vierge Marie.

C’est un homme de foi qui a osé poser des gestes forts de réconciliation, qui aimait communiquer la bonne nouvelle de l’évangile, qui a créé des ponts entre les personnes de différentes croyances, générations et peuples, qui a voyagé, n’a pas compté sa peine pour rencontrer des personnes que les chefs d’état vont rarement visiter comme les prisonniers, sans parler de l’homme qui avait voulu le tuer.

Jean-Paul II est à jamais le pèlerin de Dieu et il m’invite à l’audace pour témoigner, en tant que religieuse, de l’amour inconditionnel de Jésus-Christ “l’unique chemin de l’Homme” pour chacun et chacune de nous.
 
 
 

« Si le coeur n’y est pas, les mains hésitent. »

Par le père Thomas Rosica, c.s.b.

Il existe un proverbe qui dit: « Si le coeur n’y est pas, les mains hésitent. »  Ce proverbe convient bien à ce deuxième dimanche de Pâques où nous lisons le récit de Thomas, celui que l’on appelle souvent ‘le sceptique’. Thomas, le disciple qui n’était pas présent lors de la première apparition de Jésus qui, à son retour fera une exceptionnelle rencontre avec son Seigneur et Sauveur, Jésus.

C’est le soir, le premier jour de la semaine et les disciples sont enfermés à double tour dans une chambre haute. Ils ont peur. Soudain, le ressuscité défie les portes closes, les coeurs fermés et la vision bouchée. Il apparaît simplement. Doucement, jamais si doucement, il atteint l’apôtre démoralisé et blessé Thomas. Celui-ci met en hésitant son doigt dans les blessures de Jésus. C’est alors que l’amour l’envahit. Longtemps auparavant, St Grégoire le Grand a dit de Thomas «  Si, en touchant les plaies du corps de son Maître, Thomas peut nous aider à dépasser les blessures de l’incrédulité, le doute de Thomas nous est plus utile que la foi de tous les apôtres. »

L’apôtre Thomas est vraiment un des plus grands et des plus honnêtes amis intimes de Jésus et non l’éternel sceptique, le rebelle, l’entêté que la tradition chrétienne a souvent peint. Thomas se tient devant la croix, sans comprendre. Tous ses rêves sont accrochés à la croix avec son ami. Tous ses espoirs sont anéantis. Que faisons-nous lorsque tout ce sur quoi nous avions misé s’écroule devant nos yeux?

Que faisons-nous quand quelqu’un en qui nous avions mis toute notre confiance est soudainement écrasé par des institutions puissantes et sans nom? Que faisons-nous quand notre  première réaction dans un moment de crise est de fuir devant les foules en furie? Telles devaient être les questions de la plupart des disciples, Thomas inclus, qui ont soutenu et suivi Jésus de Nazareth durant ces 3 années de ministère. Ressemblons-nous à Thomas qui est absent lorsque Jésus vient? La rumeur de cette résurrection absurde nous a-t-elle fait fuir? Jésus continue de nous apparaître encore et encore, faisant sauter les verrous de la foi et du doute, entre la vie et la mort, entre le passé et le futur, entre la peur et la joie.

La bonne nouvelle de l’évangile est éminemment claire: Quand vous l’attendez le moins et que vous avez le plus besoin de Lui, Jésus apparaît! Des siècles après Thomas, nous lui sommes toujours reconnaissants pour son honnêteté et son combat. Mais nous avons peu d’informations sur les origines et le passé de ce disciple. Nous savons que son nom est Didymus, qui signifie “Jumeau”. Qui était l’autre moitié de Thomas? Qui était son jumeau?  Peut-être pouvons-nous le contempler en nous regardant dans un miroir. 

L’autre moitié de Thomas se situe dans toute personne combattant la souffrance de l’incroyance, du doute et du désespoir et qui a laissé la présence de Jésus ressuscité faire l’immense différence. L’incrédule, le poseur de questions, Thomas qui sommeille en chacun de nous peut être touché. Nous avons à répondre de nos blessures  et de celles des autres. Même dans notre faiblesse, nous avons à nous exposer au souffle de l’Esprit pour que nos blessures soient guéries et nos peurs dépassées. Nous croirons avec Thomas, nous pourrons partager avec les autres la bénédiction qui s’étend à partir de lui et à travers lui à tous les autres.

Béni sois-tu parce que tu as vu. Bénis soient tous ceux qui ont cru sans avoir vu.

Que cette bénédiction de Pâques soit sur chacun de nous.

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