par le père Thomas Rosica, c.s.b.
Qu’avons-nous vu et entendu à-propos de la résurrection au cours des dernières semaines? Nous avons vu la nouvelle création, la marche au désert, l’arche traversant les eaux, de verts pâturages, le jardin d’un amoureux, le temple céleste, la ville qui attend depuis longtemps notre retour : la Nouvelle Jérusalem. Vivre en ressuscité signifie alors d’être baptisés et re-créés en Jésus, venir à la table, survivre le déluge, entendre la voix du berger, être le bien-aimé de Dieu, être l’héritier du trône, prêtre du temple et citoyen de la cité céleste.
En ce quatrième dimanche de pâques, nous retrouvons le Bon Berger qui connaît intimement son troupeau. Jésus s’appuie sur l’une de ses métaphores préférées pour nous faire comprendre que nous pouvons avoir confiance en lui.
S’occuper d’un troupeau était l’un des éléments importants de l’économie palestinienne au temps de la bible. Dans l’ancien testament, Dieu est appelé le Berger d’Israël qui va devant le troupeau, le guide (Ps 22, 3), le mène vers la nourriture et l’eau (Ps 22, 2), le protège et porte ses petits (Is 40, 11). Imprégnant ainsi la piété des croyants, la métaphore démontre que tout le peuple est sous la protection de Dieu. Le Nouveau Testament ne juge pas les bergers autrement : ils connaissent leurs brebis (Jn 10,3), cherchent celle qui s’est égarée (Lc 15, 4ss.), et sont prêts à risquer leur vie pour leur troupeau (Jn 10, 11-12).
Le berger est donc une figure pour représenter Dieu lui-même (Lc 15, 4ss). Jésus connaissait des bergers et éprouvait de la sympathie à leur égard. Le Nouveau Testament ne qualifie jamais Dieu de berger et c’est seulement dans la parabole de la brebis perdue que l’auteur établit la comparaison (Lc 15, 4ss et Mt 18, 12ss). Dieu, comme l’heureux berger de la parabole, se réjouit du pardon et du rétablissement du pécheur. Le choix de l’image du berger reflète clairement le contraste entre l’amour de Jésus pour les pécheurs et le mépris des Pharisiens envers ces derniers. Nous pouvons dire en fait que le récit des disciples d’Emmaüs d’après Luc que nous avons lu la semaine dernière est un aspect de la mission de Jésus qui se continue : la poursuite des disciples entêtés était déjà préfigurée dans la parabole du berger qui va à la recherche de la brebis perdue jusqu’à ce qu’il la retrouve et la ramène au troupeau (15, 3-7).
La métaphore du bon berger est l’une des métaphores les plus belles et les plus fortes de toute la bible : notre Dieu et son Fils sont les bergers qui se soucient de nous, nous connaissent et nous aiment, même dans nos entêtements, nos manques d’écoute et nos doutes. Les anthropologues nous disent que les bergers ont traversé les âges. Ils ont, en fait, établi un pont entre l’ère de la chasse et l’ère de l’agriculture, ou l’ère agraire. C’est pour cette raison que les bergers apparaissent dans les mythes anciens et les récits, comme symbole de l’unité divine entre les éléments opposés.
Les anciens païens ont effleuré là quelque chose que les chrétiens ont réalisé pleinement : Jésus Christ est le grand réconciliateur. C’est Lui le Bon berger qui vient au cœur de chaque grand conflit pour y établir l’unité et la paix. L’expression de l’évangile de Jean qualifiant Jésus de ‘Bon Berger’ nous invite à porter un regard attentif sur la racine grecque du mot que nous avons traduit par ‘bon’. En fait, l’expression du Nouveau Testament en grec qualifie le berger est beau et noble. Sa noblesse et sa beauté extérieures reflètent une réalité intérieure de beauté et de noblesse.
Aujourd’hui, que Jésus notre Bon Berger nous guide vers ces pâturages de paix et de joie. Lorsque nous suivons le Seigneur Ressuscité et écoutons sa voix, la bonté et la bienveillance nous suivrons et nous pourrons ainsi vivre à jamais dans sa demeure.