Audience générale du pape François – mercredi 5 juin 2024

Éole soufflant le vent, Sant’Agata Bolognese, Bologne, Italie. Wikimedia Commons.

Le pape François a poursuivi son nouveau cycle catéchèse sur le thème « L’Esprit Saint et l’Épouse » lors de son audience générale hebdomadaire. Pensant à la liberté de l’Esprit Saint, il a affirmé que « l’Esprit fait et vit les institutions, mais lui-même ne peut être « institutionnalisé », « objectivé ». Citant 1 Corinthiens 12:11, il a continué en disant que « le vent souffle « où il veut », l’Esprit donne ses dons « comme il veut ».

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Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans la catéchèse d’aujourd’hui, je voudrais réfléchir avec vous sur le nom par lequel l’Esprit Saint est désigné dans la Bible.

La première chose que nous connaissons d’une personne, c’est son nom. Il nous permet de l’appeler, de la distinguer et de nous souvenir d’elle. La troisième personne de la Trinité a également un nom : elle s’appelle l’Esprit Saint. Mais « Esprit » est la version latinisée. Le nom de l’Esprit, celui par lequel les premiers destinataires de la révélation l’ont connu, celui par lequel les prophètes, les psalmistes, Marie, Jésus et les Apôtres l’ont invoqué, est Ruach, ce qui signifie souffle, vent, respiration.

Dans la Bible, le nom est si important qu’il est presque identifié à la personne elle-même. Sanctifier le nom de Dieu, c’est sanctifier et honorer Dieu lui-même. Le nom n’est jamais une simple appellation conventionnelle : il dit toujours quelque chose de la personne, de son origine ou de sa mission. C’est aussi le cas du nom Ruach. Il contient la première révélation fondamentale sur la personne et la fonction de l’Esprit Saint.

En observant le vent et ses manifestations, les auteurs bibliques ont été conduits par Dieu à découvrir un “vent” d’une autre nature. Ce n’est pas un hasard si, à la Pentecôte, l’Esprit Saint est descendu sur les Apôtres accompagné d’“un violent coup de vent” (cf. Ac 2, 2). C’est comme si l’Esprit Saint voulait apposer sa signature sur ce qui se passait.

Qu’est-ce que son nom Ruach nous apprend donc sur l’Esprit Saint ? L’image du vent sert avant tout pour exprimer la puissance de l’Esprit Saint. L’expression “Esprit et puissance”, ou “puissance de l’Esprit”, est un binôme récurrent dans la Bible. En effet, le vent est une force impétueuse, une force indomptable, capable même de déplacer les océans.

Mais là encore, pour découvrir tout le sens des réalités bibliques, il ne faut pas s’arrêter à l’Ancien Testament, mais arriver à Jésus. À côté de la puissance, Jésus va mettre en évidence une autre caractéristique du vent, celle de la liberté. À Nicodème, qui lui rend visite la nuit, Jésus dit solennellement : « Le vent souffle où il veut : tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient, ni où il va. Il en est ainsi pour qui est né du souffle de l’Esprit. » (Jn 3,8).

Le vent est la seule chose que l’on ne peut pas brider, que l’on ne peut pas “mettre en bouteille” ou en boîte. Tentons de “mettre en bouteille” ou en boîte le vent : ce n’est pas possible, il est libre. Prétendre enfermer l’Esprit Saint dans des concepts, des définitions, des thèses ou des traités, comme le rationalisme moderne a parfois tenté de le faire, signifie le perdre, l’annuler, le réduire à l’esprit purement humain, un esprit simple. Mais il existe une tentation analogue dans le domaine ecclésiastique, celle de vouloir enfermer l’Esprit Saint dans des canons, institutions, définitions. L’Esprit crée et anime les institutions, mais lui-même ne peut être “institutionnalisé”, “chosifié”.  Le vent souffle “où il veut”, de même l’Esprit distribue ses dons “comme il veut” (1 Co 12,11).

Saint Paul en fera la loi fondamentale de l’agir chrétien : « Là où l’Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté. » (2 Co 3,17) dit-il. Une personne libre, un chrétien libre, c’est celui qui a l’Esprit du Seigneur. Il s’agit d’une liberté très singulière, bien différente de ce que l’on entend communément. Il ne s’agit pas de la liberté de faire ce que l’on veut, mais de la liberté de faire librement ce que Dieu veut ! Non pas la liberté de faire le bien ou le mal, mais la liberté de faire le bien et de le faire librement, c’est-à-dire par attraction et non par contrainte. En d’autres termes, la liberté des enfants, et non des esclaves.

Saint Paul est bien conscient de l’abus ou de l’incompréhension que l’on peut faire de cette liberté ; il écrit aux Galates : « Vous, frères, vous avez été appelés à la liberté. Mais que cette liberté ne soit pas un prétexte pour votre égoïsme ; au contraire, mettez-vous, par amour, au service les uns des autres » (Ga 5,13). Il s’agit d’une liberté qui s’exprime dans ce qui semble être son contraire, elle s’exprime dans le service, c’est la vraie liberté.

Nous savons bien quand cette liberté devient un “prétexte pour la chair”. Paul en donne une liste toujours actuelle : « inconduite, impureté, débauche, idolâtrie, sorcellerie, haines, rivalité, jalousie, emportements, intrigues, divisions, sectarisme, envie, beuveries, orgies et autres choses du même genre » (Ga 5,19-21). Mais il en va de même pour la liberté qui permet aux riches d’exploiter les pauvres, c’est une liberté hideuse, celle qui permet aux forts d’exploiter les faibles, et à tous d’exploiter l’environnement en toute impunité.  Et cette liberté est mauvaise, ce n’est pas la liberté de l’Esprit.

Frères et sœurs, où puisons-nous cette liberté de l’Esprit, si contraire à la liberté de l’égoïsme ? La réponse se trouve dans les paroles que Jésus a adressées un jour à ses auditeurs : « Si donc le Fils vous rend libres, réellement vous serez libres » (Jn 8, 36). La liberté que nous donne Jésus. Demandons à Jésus de faire de nous, par son Esprit Saint, des hommes et des femmes vraiment libres. Libres de servir, dans l’amour et la joie. Je vous remercie !

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

Audience générale du pape François – mercredi 29 mai 2024

Détail de Daniel Heller, « Creation 2 ». Wikimedia Commons.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape François a entamé un nouveau cycle de catéchèses sur le thème « L’Esprit Saint et l’Épouse ». Réfléchissant aux premiers versets de la Genèse, il a déclaré que « l’Esprit de Dieu fait passer le monde de son état initial informe, désert et lugubre à son état ordonné et harmonieux ».

Lisez le texte intégral ci-dessous. Vous pouvez également regarder l’intégralité de l’émission ce soir à 19h30 HE soit 16h30 HP sur Sel + Lumière TV et sur Sel + Lumière Plus.

Chers frères et sœurs, bonjour!

Aujourd’hui avec cette catéchèse, nous entamons un cycle de réflexions sur le thème «L’Esprit et l’Epouse — L’Esprit est l’Epouse —. L’Esprit Saint guide le peuple de Dieu vers Jésus, notre espérance». Nous parcourrons ce chemin à travers les trois grandes étapes de l’histoire du salut: l’Ancien Testament, le Nouveau Testament et le temps de l’Eglise. En gardant toujours le regard fixé sur Jésus, qui est notre espérance.

Dans ces premières catéchèses sur l’Esprit dans l’Ancien Testament, nous ne ferons pas d’«archéologie biblique». Nous découvrirons au contraire que ce qui est donné comme promesse dans l’Ancien Testament s’est pleinement réalisé dans le Christ. Ce sera comme suivre le chemin du soleil de l’aube à midi.

Commençons par les deux premiers versets de toute la Bible: «Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et déserte, les ténèbres couvraient l’abîme, et l’Esprit de Dieu planait sur les eaux » (Gn 1,1-2). L’Esprit de Dieu nous apparaît comme la puissance mystérieuse qui fait passer le monde de son état initial informe, désert et ténébreux à son état ordonné et harmonieux. Parce que l’Esprit fait l’harmonie, l’harmonie dans la vie, l’harmonie dans le monde. En d’autres termes, c’est Lui qui fait passer le monde du chaos au cosmos, c’est-à-dire de la confusion à quelque chose de beau et d’ordonné. C’est d’ailleurs le sens du mot grec kosmos, ainsi que du mot latin mundus , c’est-à-dire quelque chose de beau, d’ordonné, de propre, d’harmonique, parce que l’Esprit est l’harmonie.

Cette indication encore vague de l’action de l’Esprit dans la création est précisée dans la révélation suivante. Dans un psaume, nous lisons: «Le Seigneur a fait les cieux par sa parole, l’univers, par le souffle de sa bouche » (Ps 33, 6); et encore: «Tu envoies ton souffle : ils sont créés; tu renouvelles la face de la terre» (Ps 104, 30).

Cette ligne de développement devient très claire dans le Nouveau Testament, qui décrit l’intervention de l’Esprit Saint dans la nouvelle création, en utilisant précisément les images que nous avons lues à propos de l’origine du monde: la colombe qui plane sur les eaux du Jourdain lors du baptême de Jésus (cf. Mt 3, 16); Jésus qui, au Cénacle, souffle sur les disciples et dit: «Recevez l’Esprit Saint» (Jn 20, 22), tout comme au commencement Dieu a soufflé sur Adam (cf. Gn 2, 7).

L’apôtre Paul introduit un nouvel élément dans cette relation entre l’Esprit Saint et la création . Il parle d’un univers qui «gémit, passe par les douleurs d’un enfantement» (cf. Rm 8, 22). Il souffre à cause de l’homme qui l’a soumis à «l’esclavage de la corruption» (cf. v. 20-21). C’est une réalité qui nous concerne de près et de manière dramatique. L’apôtre voit la cause de la souffrance de la création dans la corruption et le péché de l’humanité qui l’a entraînée dans son éloignement de Dieu. Cela demeure encore vrai aujourd’hui comme naguère. Nous voyons les ravages que l’humanité a causés et continue de causer à la création, en particulier à la partie de celle-ci qui a la plus grande capacité d’exploiter ses ressources.

Saint François d’Assise nous montre une belle voie de sortie, pour revenir à l’harmonie de l’Esprit: la voie de la contemplation et de la louange. Il voulait que s’élève des créatures un cantique de louange au Créateur. Rappelons-nous: «Laudato sì, mi Signore…», le cantique de François d’Assise.

Un psaume (18, 2) dit ainsi: «Les cieux racontent la gloire de Dieu » — mais ils ont besoin de l’homme et de la femme pour donner une voix à leur cri muet. Et dans le «Sanctus» de la Messe, nous répétons chaque fois: «Les cieux et la terre sont remplis de ta gloire». Ils en sont, pour ainsi dire, «enceintes», mais ils ont besoin des mains d’une bonne sage-femme pour donner naissance à cette louange qui est la leur. Notre vocation dans le monde, nous rappelle encore Paul, est d’être «louange de sa gloire » (Ep 1,12). C’est faire passer la joie de contempler avant la joie de posséder. Et personne ne s’est réjoui des créatures plus que François d’Assise, qui ne voulait pas en posséder aucune.

Frères et sœurs, l’Esprit Saint, qui au commencement transforma le chaos en cosmos, est à l’œuvre pour opérer cette transformation en chaque personne. Par le prophète Ezéchiel, Dieu promet: «Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un Esprit nouveau…. Je mettrai en vous mon Esprit » (Ez 36, 26-27). Car notre cœur ressemble à cet abîme désert et sombre des premiers versets de la Genèse. En lui s’agitent des sentiments et des désirs opposés: ceux de la chair et ceux de l’esprit. Nous sommes tous, en un sens, ce «royaume divisé en lui-même» dont parle Jésus dans l’Evangile (cf. Mc 3, 24). Nous pouvons dire qu’autour de nous il y a un chaos extérieur, un chaos social, un chaos politique: pensons aux guerres, pensons à tant d’enfants qui n’ont rien à manger, à tant d’injustices sociales, ça c’est le chaos à l’extérieur. Mais il y a aussi un chaos intérieur: intérieur à chacun de nous. Le premier ne peut être guéri que si nous commençons à guérir le second! Frères et sœurs, faisons en sorte que notre confusion intérieure devienne une clarté de l’Esprit Saint: c’est la puissance de Dieu qui le fait, et nous ouvrons nos cœurs pour qu’Il puisse le faire.

Puisse cette réflexion susciter en nous le désir de faire l’expérience de l’Esprit créateur. Depuis plus d’un millénaire, l’Eglise a mis sur nos lèvres le cri de la demande: «Veni creator Spiritus !», «Viens, Esprit Créateur! Visite nos esprits. Remplis de grâce céleste les cœurs que tu as créés». Demandons à l’Esprit Saint de venir à nous et de faire de nous des personnes nouvelles, avec la nouveauté de l’Esprit. Merci.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

 

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