La cathédrale Notre-Dame de l’Assomption et la mosquée Istiqlal se côtoient paisiblement dans la capitale indonésienne, Jakarta. Elles sont reliées par un « tunnel de l’amitié » souterrain, que le pape François a visité le 5 septembre 2024. Photo par Pexels.
Dans son audience hebdomadaire, le pape François a évoqué son récent voyage apostolique en Indonésie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, au Timor-Oriental et à Singapour. Il a déclaré que « la compassion est le chemin que les chrétiens peuvent et doivent emprunter pour témoigner du Christ Sauveur, tout en rencontrant les grandes traditions religieuses et culturelles ».
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Catéchèse. Le voyage apostolique en Indonésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Timor oriental et Singapour
Aujourd’hui, je vais parler du voyage apostolique que j’ai fait en Asie et en Océanie : on l’appelle voyage apostolique parce que ce n’est pas un voyage de tourisme, c’est un voyage pour apporter la Parole du Seigneur, pour faire connaître le Seigneur, et aussi pour connaître l’âme des peuples. Et cela est très beau.
C’est Paul VI, en 1970, qui a été le premier pape à s’envoler à la rencontre du soleil levant, en visitant longuement les Philippines et l’Australie, mais aussi en s’arrêtant dans divers pays d’Asie et à Samoa. Et ce fut un voyage mémorable, n’est-ce pas, car le premier à quitter le Vatican fut Saint Jean XXIII qui se rendit en train à Assise ; alors Saint Paul VI en fit autant : un voyage mémorable ! En cela, j’ai essayé de suivre son exemple, mais, avec quelques années en plus, je me suis limité à quatre pays : l’Indonésie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Timor-Oriental et Singapour. Je remercie le Seigneur qui m’a permis de faire en tant que vieux Pape ce que j’aurais aimé faire en tant que jeune Jésuite, car je voulais y aller en mission !
Une première réflexion qui vient naturellement après ce voyage, c’est qu’en pensant à l’Église, nous sommes encore trop euro-centriques, ou, comme on dit, “occidentaux”. Mais en réalité, l’Église est beaucoup plus grande, beaucoup plus grande que Rome et l’Europe, beaucoup plus grande, et aussi – permettez-moi de le dire – beaucoup plus vivante, dans ces pays ! J’en ai fait l’expérience avec émotion en rencontrant ces Communautés, en écoutant les témoignages de prêtres, de religieuses, de laïcs, surtout de catéchistes – les catéchistes sont ceux qui font l’évangélisation. Des Églises qui ne font pas de prosélytisme, mais qui croissent par “attraction”, comme le disait sagement Benoît XVI.
En Indonésie, les chrétiens sont environ 10 % et les catholiques 3 % – une minorité. Mais j’ai rencontré une Église vivante, dynamique, capable de vivre et de transmettre l’Évangile dans ce pays à la culture très noble, enclin à harmoniser les diversités, et qui compte en même temps le plus grand nombre de musulmans au monde. Dans ce contexte, j’ai eu la confirmation que la compassion est le chemin sur lequel les chrétiens peuvent et doivent marcher pour témoigner du Christ Sauveur et en même temps rencontrer les grandes traditions religieuses et culturelles. À propos de la compassion, n’oublions pas les trois caractéristiques du Seigneur : proximité, miséricorde et compassion. Dieu est proche, Dieu est miséricordieux et Dieu est compatissant. Si un chrétien n’a pas de compassion, il ne sert à rien. “Foi, fraternité, compassion” a été le thème de la visite en Indonésie : à travers ces mots, l’Évangile entre chaque jour, concrètement, dans la vie de ce peuple, en l’accueillant et en lui donnant la grâce de Jésus mort et ressuscité. Ces mots sont comme un pont, comme le passage sous-terrain qui relie la Cathédrale de Jakarta à la plus grande Mosquée de l’Asie. Là-bas, j’ai vu que la fraternité, c’est l’avenir, c’est la réponse à l’anti-civilisation, aux projets diaboliques de haine et de guerre, voire de sectarisme. Le rempart c’est la fraternité.
J’ai trouvé la beauté d’une Église missionnaire, en sortie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, un archipel qui s’étend vers l’immensité de l’océan Pacifique. Là, les différentes ethnies parlent plus de huit cents langues – on y parle huit cents langues : un environnement idéal pour l’Esprit Saint, qui aime faire résonner le message d’Amour dans la symphonie des langages. Ce n’est pas de l’uniformité, ce que fait l’Esprit Saint, c’est de la symphonie, c’est de l’harmonie, c’est le patron, c’est le chef de l’harmonie. Là, d’une manière particulière, les protagonistes ont été et sont encore les missionnaires et les catéchistes. J’ai été heureux de pouvoir passer un peu de temps avec les missionnaires et les catéchistes d’aujourd’hui, et j’ai été ému d’écouter les chants et la musique des jeunes : en eux, j’ai vu un nouvel avenir, sans violence tribale, sans dépendance, sans colonialismes idéologiques et économiques ; un avenir de fraternité et d’attention à l’environnement naturel merveilleux. La Papouasie-Nouvelle-Guinée peut être un “laboratoire” de ce modèle de développement intégral, animé par le “levain” de l’Évangile. Car il n’y a pas d’humanité nouvelle sans hommes et femmes nouveaux, et ceux-là seul le Seigneur les fait. Je voudrais aussi mentionner ma visite à Vanimo, où les missionnaires sont entre la forêt et la mer. Ils vont dans la forêt pour chercher les tribus les plus cachées, là… un beau souvenir, celui-là.
La force de promotion humaine et sociale du message chrétien se manifeste de manière particulière dans l’histoire du Timor Oriental. L’Église y a partagé le processus d’indépendance avec tout le peuple, en l’orientant toujours vers la paix et la réconciliation. Il ne s’agit pas d’une idéologisation de la foi, non, c’est la foi qui devient culture et en même temps l’éclaire, la purifie et l’élève. C’est pourquoi j’ai relancé la relation féconde entre foi et culture, sur laquelle Saint Jean-Paul II avait déjà mis l’accent lors de sa visite. La foi doit être inculturée et les cultures évangélisées. Foi et culture. Mais j’ai surtout été frappé par la beauté de ce peuple : un peuple éprouvé mais joyeux, un peuple sage dans la souffrance. Un peuple qui non seulement génère beaucoup d’enfants – mais il y avait une marée d’enfants, beaucoup, eh ? – mais qui leur enseigne à sourire. Je n’oublierai jamais le sourire des enfants de cette Patrie, de cette région. Ils sourient toujours, les enfants là-bas, et ils sont si nombreux. On leur enseigne à sourire, cette foi, et c’est une garantie pour l’avenir. Bref, au Timor oriental, j’ai vu la jeunesse de l’Église : des familles, des enfants, des jeunes, beaucoup de séminaristes et d’aspirants à la vie consacrée. Je dirais, sans exagérer, que j’y ai respiré “l’air du printemps” !
La dernière étape de ce voyage a été Singapour. Un pays très différent des trois autres : une cité-état, très moderne, pôle économique et financier de l’Asie et bien au-delà. Les chrétiens y sont minoritaires, mais ils forment une Église vivante, engagée à créer l’harmonie et la fraternité entre les différentes ethnies, cultures et religions. Même dans la riche Singapour, il y a des »petits » qui suivent l’Évangile et deviennent sel et lumière, témoins d’une espérance plus grande que celle que les gains économiques peuvent garantir.
Je voudrais remercier ces peuples qui m’ont accueilli avec tant de chaleur, avec tant d’amour, remercier leurs gouvernants qui m’ont beaucoup aidé dans cette visite, pour qu’elle puisse se faire dans de bonnes conditions, sans problèmes. Je remercie tous ceux qui y ont également collaboré, et je rends grâce à Dieu pour le don de ce voyage ! Et je leur renouvelle ma reconnaissance à tous, à tout le monde. Que Dieu bénisse les peuples que j’ai rencontrés et les guide sur le chemin de la paix et de la fraternité ! Salutations à tous !
Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana