Image: Courtoisie de CNS
Comme nous l’avons dit dans le blog précédent, la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements vient de publier un nouveau Directoire qui se veut en continuité au monition du pape François pour qui « un prédicateur qui ne se prépare pas, qui ne prie pas « est malhonnête et irresponsable » (EG, 145) et un « faux prophète, un escroc ou un charlatan sans consistance » (EG, 151). Le document propose donc une réflexion, à la fois, théorique et pratique sur l’homélie.
On retrouve dans la première partie une réflexion visant à promouvoir une meilleure connaissance de la nature de l’homélie. L’homélie est, dans l’Église catholique, intimement liée à la célébration de l’Eucharistie puisque les deux s’insèrent dans la même logique. En effet, comme l’Eucharistie rend présent, à la fois, le sacrifice rédempteur de l’humanité et la glorification parfaite de Dieu, l’homélie doit être non seulement orientée vers la sanctification des hommes mais également servir à la glorification de Dieu. Ainsi, « l’homélie est une hymne d’action de grâces pour les magnalia Dei : elle annonce aux membres de l’assemblée que la Parole de Dieu s’accomplit dans le fait qu’ils l’écoutent et la reçoivent, et, bien plus, qu’ils louent Dieu pour cet accomplissement. » (no 4). Pour ce faire, le document poursuit en donnant quelques orientations.
On montre dans un premier temps ce que l’homélie doit éviter: longueur excessive, exercice d’exégèse biblique, enseignement catéchétique, témoignage personnel (no 6). Toutefois, on montre que ces éléments peuvent parfois être utilisés tout en restant des moyens utiles. « Comme le feu, affirme t-on, tous ces éléments sont de bons serviteurs, mais de mauvais maîtres; ils sont bons dans la mesure où ils sont utiles à la fonction de l’homélie. » (no7). Quelle est donc cette fonction de l’homélie ? Le document répond à cette question en la déployant dans sa dynamique composée de 3 mouvements distincts : 1) le « mystère pascal du Christ est annoncé par les lectures et l’homélie ». En ce sens, « l’homélie consiste en une extension de la proclamation des lectures » (no 12) ; 2). Le deuxième mouvement de l’homélie a pour but « d’aider la communauté à mieux entrer dans la célébration eucharistique » ou, en d’autres termes, à s’unir au « sacrifice de la Messe (no. 13) ; 3) enfin, l’homélie doit disposer d’une conclusion qui doit aider les fidèles à réaliser « qu’ils ont pour mission de porter l’Évangile dans le monde par le témoignage de leur vie quotidienne » (no14).
Pour que ces mouvements se déploient avec toute la force de la Parole de Dieu, il est essentiel, affirme le document, que la « sélection plus riche des textes bibliques » (no16), voulue par la réforme liturgique du Concile Vatican II, soit accompagnée par une plus profonde connaissance des règles et « critères interprétatifs des Saintes Écritures » (no 17). On énumère alors les trois principes traditionnels présentés dans le Catéchisme de l’Église catholique selon lesquels il faut comprendre la Bible : 1) en portant une grande attention « au contenu et l’unité de toute l’Écriture »; 2) en lisant les textes dans « la Tradition vivante de toute l’Église »; 3) en étant attentif à la « cohésion des vérités de la foi entre elles et dans le projet total de la Révélation (CEC 114) [1] ; exprimant ainsi la volonté que tous les prédicateurs approfondissent et remettent l’utilisation du catéchisme de l’Église catholique au centre de la préparation de leurs homélies (no 23). Il est intéressant de noter l’insistance du nouveau Directoire sur la primauté du sens spirituel des Écritures qui doit toujours orienter l’interprétation des Écritures. C’est en ce sens que l’invitation du Concile selon laquelle la science « du ministère sacré doit elle-même être sacrée; découlant d’une source sacrée, elle vise un but qui est lui-même sacré » (no19) sera mise en pratique dans la préparation d’homélies attentive aux paroles des Pères de l’Église. En ce sens, on suggère la lecture et l’étude de la Catena Aurea de Saint Thomas d’Aquin qui présente un regroupement de textes et commentaires de l’Écriture Sainte par les Pères de l’Église.
Enfin, pour faciliter cette lecture spirituelle, le Directoire sur l’homélie, dont la publication fut autorisée par le pape François, propose une « technique » de préparation aussi spirituelle que traditionnelle : la Lectio divina. Le document décline ainsi les différentes étapes de la lectio divina en mettant en relief le mode par lequel elle peut s’insérer dans la préparation de l’homélie. Par exemple, on mentionne au numéro 32 «qu’en mettant en évidence ce que le texte biblique nous dit, nous sommes guidés par l’enseignement de la foi de l’Église; il s’agit d’un principe d’interprétation biblique très important, qui permet d’éviter les interprétations fausses ou partielles (cf. EG 148). Enfin, on mentionne que « finalement, c’est Dieu qui agit pour mettre en œuvre sa Parole, et que la formation en nous de la physionomie propre du Christ s’accomplit progressivement tout au long de notre vie » (no 35). Voilà un principe important lorsque l’on considère l’aspect condensé des informations divulguées durant certaines homélies.
La deuxième partie du Directoire sera très utile pour le pasteur soucieux d’améliorer sa prédication. En effet, nous trouvons dans cette partie intitulée l’Ars Praedicandi des lignes directrices se voulant des «exemples concrets et des suggestions pour aider le prédicateur à mettre en pratique les principes présentés » (no 37) dans la première partie du document. On offre ainsi une panoplie de réflexions sur les différents textes lus durant l’année liturgique en commençant par le Lectionnaire du Triduum pascal puisque « celui-ci constitue le centre de l’année liturgique » (no 38). Enfin, cette deuxième partie longue de 63 pages est suivie de deux annexes des plus utiles. La première présentant les numéros du Catéchisme de l’Église catholique permettant une préparation d’homélies fructueuse et suivant les lectures des différents temps liturgiques. La deuxième annexe se veut un glossaire des sources ecclésiales postconciliaires importantes concernant la prédication.
Comme nous l’avons mentionné dans ces deux articles sur le nouveau Directoire sur l’homélie, la réforme de l’homélitique est un des éléments de cette vaste réforme voulue par le pape François. Que ce soit par ses homélies journalières ou par ce nouveau document, son intention est de montrer à quel point la coopération de l’homme à l’œuvre du salut est importante. Dieu désire ardemment notre participation à la communion avec Lui ici et maintenant. Pour qu’une telle chose soit possible, il est impératif que les prédicateurs remettent l’homélie au centre de leurs préoccupations afin qu’elle puisse être universellement à la hauteur du rôle qu’elle est sensée jouer pour la sanctification des hommes et la gloirification de Dieu. Le Directoire sur l’homélie est, en ce sens, un outil incontournable qui permettra à tous les prédicateurs de redécouvrir ce mystère efficace de cet « extension » de la Parole de Dieu qu’est l’homélie.