Audience Générale du pape Léon XIV – Mercredi 20 août 2025

Van Heary, « La Cène ». Église Saint-Gilles, Bruges, Belgique. Image iStock.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape Léon XIV a poursuivi son cycle de catéchèse sur « Jésus-Christ, notre espérance » dans le cadre du Jubilé 2025. Il a médité sur le geste tendre de Jésus offrant du pain à Judas lors de la Cène, en déclarant : « Aimer jusqu’au bout : voilà la clé pour comprendre le cœur du Christ. Un amour qui ne cesse pas face au rejet, à la déception, voire à l’ingratitude. »

Lisez le texte intégral de son discours ci-dessous. Vous pourrez suivre l’intégralité de l’émission sur Sel + Lumière TV ce soir à 19h00 HE, 16h00 HP et sur slmedia.org/fr/endirect.

Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui, nous nous arrêtons sur l’un des gestes les plus bouleversants et lumineux de l’Evangile: le moment où Jésus, lors de la Dernière Cène, tend une bouchée à celui qui s’apprête à le trahir. Ce n’est pas seulement un geste de partage, c’est bien plus: c’est l’ultime tentative de l’amour de ne pas se rendre.

Saint Jean, avec sa profonde sensibilité spirituelle, nous décrit ainsi ce moment: «Au cours d’un repas, alors que déjà le diable avait mis au cœur de Judas Iscariote, fils de Simon, le dessein de le livrer […]  Jésus, sachant que son heure était venue […] les aima jusqu’à la fin» ( Jn 13, 1-2). Aimer jusqu’au bout: telle est la clé pour comprendre le cœur du Christ. Un amour qui ne s’arrête pas face au rejet, à la déception, ni même à l’ingratitude.

Jésus connaît l’heure, mais ne la subit pas: il la choisit. C’est lui qui reconnaît le moment où son amour devra endurer la blessure la plus douloureuse, celle de la trahison. Et au lieu de se retirer, d’accuser, de se défendre… il continue d’aimer: il lave les pieds, imbibe le pain et l’offre.

«C’est celui à qui je donnerai la bouchée que je vais tremper»   (Jn 13, 26). Par ce geste simple et humble, Jésus montre pleinement son amour. Non pas qu’il ignore ce qui se passe, mais précisément parce qu’il voit clairement. Il a compris que la liberté des autres, même quand on se perd dans le mal, peut encore être atteinte par la lumière d’un geste doux.  Car il sait que le véritable pardon n’attend pas le repentir, mais s’offre d’abord, comme  don gratuit, avant même d’être reçu.

Judas, malheureusement, ne comprend pas. Après la bouchée — dit l’Evangile — «Satan entra en lui» (v. 27). Ce passage nous frappe: comme si le mal, jusque-là caché, se manifestait après que l’amour eut montré son visage le plus désarmé. Et c’est précisément pour cela, frères et sœurs, que cette bouchée est notre salut: parce qu’elle nous dit que Dieu fait tout — absolument tout — pour aller vers nous, même à l’heure où nous le rejetons.

C’est ici que le pardon se révèle dans toute sa puissance et manifeste le visage concret de l’espérance. Il n’est ni oubli, ni faiblesse. Il est la capacité de laisser l’autre libre, tout en l’aimant jusqu’au bout. L’amour de Jésus ne nie pas la vérité de la douleur, mais il ne permet pas au mal d’avoir le dernier mot. Tel est le mystère que Jésus accomplit pour nous, auquel nous aussi, parfois, nous sommes appelés à participer.

Combien de relations se brisent, combien d’histoires se compliquent, combien de non-dits restent suspendus. Pourtant, l’Evangile nous montre qu’il y a toujours une façon de continuer à aimer, même lorsque tout semble irrémédiablement compromis. Pardonner ne signifie pas nier le mal, mais l’empêcher d’engendrer un autre mal. Il ne s’agit pas de dire qu’il ne s’est rien passé, mais de tout faire pour que le ressentiment ne décide pas de l’avenir.

Quand Judas quitte la pièce, «il faisait nuit» (v. 30). Mais aussitôt après, Jésus dit: «Maintenant, le Fils de l’homme a été glorifié» (v. 31). La nuit est encore là, mais une lumière a déjà commencé à briller. Et elle brille parce que le Christ reste fidèle jusqu’au bout, et ainsi son amour est plus fort que la haine.

Chers frères et sœurs, nous aussi, nous vivons des nuits douloureuses et difficiles. Des nuits de l’âme, des nuits de déception, des nuits où quelqu’un nous a blessés ou trahis. Dans ces moments-là, la tentation est de se renfermer, de se protéger, de riposter. Mais le Seigneur nous montre l’espérance qui existe, d’une autre voie qui existe toujours. Il nous enseigne que nous pouvons offrir une bouchée même à ceux qui nous tournent le dos. Que nous pouvons répondre par le silence de la confiance. Et que nous pouvons avancer avec dignité, sans renoncer à l’amour.

Demandons aujourd’hui la grâce de savoir pardonner, même lorsque nous nous sentons incompris, même lorsque nous nous sentons abandonnés. Car c’est précisément dans ces moments-là que l’amour peut atteindre son apogée. Comme Jésus nous l’enseigne, aimer signifie laisser l’autre libre — même de trahir — sans jamais cesser de croire que même cette liberté, blessée et perdue, peut être arrachée aux illusions des ténèbres et ramenée à la lumière du bien.

Lorsque la lumière du pardon parvient à filtrer à travers les  fissures les plus profondes du cœur, nous comprenons qu’il n’est jamais inutile. Même si l’autre ne l’accepte pas, même s’il semble vain, le pardon libère celui qui le donne: il dissout le ressentiment, restaure la paix et nous rend à nous-mêmes.

Jésus, par le geste simple du pain offert, montre que toute trahison peut devenir une occasion de salut, si elle est choisie comme espace d’un amour plus grand. Il ne cède pas au mal, mais le vainc par le bien, l’empêchant d’éteindre ce qu’il y a de plus vrai en nous: la capacité d’aimer.

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APPEL

Vendredi prochain, 22 août, nous célébrerons la mémoire de la Bienheureuse Vierge Marie Reine. Marie est la Mère des croyants ici sur terre et est invoquée également comme Reine de la paix. Tandis que notre terre continue d’être blessée par des guerres en Terre Sainte, en Ukraine et dans beaucoup d’autres régions du monde, j’invite tous les fidèles à vivre la journée du 22 août dans le jeûne et la prière, en suppliant le Seigneur de nous accorder la paix et la justice et de sécher les larmes de ceux qui souffrent à cause des conflits armés en cours.

Que Marie, Reine de la paix, intercède afin que les peuples trouvent la voie de la paix.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

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Audience Générale du pape Léon XIV – Mercredi 13 août 2025

Détail de La Cène. Église Saint-Patrick, Troy, Ohio. Wikimedia Commons.

Lors de son audience générale hebdomadaire, le pape Léon XIV a poursuivi son cycle de catéchèse sur « Jésus-Christ, notre espérance » dans le cadre du Jubilé 2025. Il a médité sur « le moment où, pendant le repas pascal, Jésus révèle que l’un des Douze est sur le point de le trahir ». Il a déclaré que la réponse des disciples, avec la question « Ce n’est sûrement pas moi ? », est peut-être l’une des plus sincères que nous puissions nous poser. Ce n’est pas la question de l’innocent, mais celle du disciple qui se découvre fragile. Ce n’est pas le cri du coupable, mais le murmure de celui qui, tout en voulant aimer, est conscient de pouvoir faire du mal. C’est dans cette prise de conscience que commence le chemin du salut.

Lisez le texte intégral de son discours ci-dessous. Vous pourrez suivre l’intégralité de l’émission sur Sel + Lumière TV ce soir à 19h00 HE, 16h00 HP et sur slmedia.org/fr/endirect.

Chers frères et sœurs,

Nous poursuivons notre chemin à l’école de l’Evangile, sur les traces de Jésus dans les derniers jours de sa vie. Aujourd’hui, nous nous arrêtons sur une scène intime, dramatique et pourtant profondément vraie: le moment, pendant la Cène pascale, où Jésus révèle que l’un des Douze est sur le point de le trahir: «En vérité, je vous le dis, l’un de vous me livrera, un qui mange avec moi» (Mc 14, 18).

Des paroles fortes. Jésus ne les prononce pas pour condamner, mais pour montrer que l’amour, lorsqu’il est vrai, ne peut ignorer la vérité. La pièce à l’étage, où tout avait été soigneusement préparé quelques instants auparavant, s’emplit soudain d’une douleur silencieuse, faite de questions, de soupçons et de vulnérabilité. C’est une douleur que nous connaissons bien nous aussi, lorsque l’ombre de la trahison s’insinue dans les relations les plus chères.

Pourtant, la manière dont Jésus parle de ce qui est sur le point d’arriver est surprenante. Il n’élève pas la voix, ne pointe pas du doigt, ne prononce pas le nom de Judas. Il parle de telle manière que chacun peut s’interroger. Et c’est précisément ce qui se passe. Saint Marc nous dit: «Ils devinrent tout tristes et se mirent à lui dire l’un après l’autre: “Serait-ce moi?”» (Mc 14, 19).

Chers amis, cette question — «Serait-ce moi?» — est peut-être l’une des plus sincères que nous puissions nous poser. Ce n’est pas la question de l’innocent, mais celle du disciple qui se découvre fragile. Ce n’est pas le cri du coupable, mais le murmure de celui qui, tout en voulant aimer, sait qu’il peut blesser. C’est dans cette prise de conscience que commence le chemin du salut.

Jésus ne dénonce pas pour humilier. Il dit la vérité parce qu’il veut sauver. Et pour être sauvés, il faut sentir: sentir que l’on est impliqué, comprendre qu’on est aimé malgré tout, sentir que le mal est réel mais n’a pas le dernier mot. Seul celui qui a connu la vérité d’un amour profond peut aussi accepter la blessure de la trahison.

La réaction des disciples n’est pas la colère, mais la tristesse. Ils ne s’indignent pas, ils sont tristes. C’est une douleur qui naît de la possibilité réelle d’être impliqués. Cette tristesse, précisément, si elle est accueillie sincèrement, devient un lieu de conversion. L’Evangile ne nous enseigne pas à nier le mal, mais à le reconnaître comme une opportunité douloureuse pour renaître.

Jésus ajoute ensuite une phrase qui nous inquiète et nous fait réfléchir: «Malheur à cet homme-là par qui le Fils de l’homme est livré! Mieux eût valu pour cet homme-là de ne pas naître!» (Mc 14, 21). Ce sont des paroles dures, certes, mais il faut bien les comprendre: il ne s’agit pas d’une malédiction, mais d’un cri de douleur. En grec, ce «malheur» sonne comme une lamentation, un «hélas», une exclamation de compassion sincère et profonde

Nous sommes habitués à juger. Dieu, lui, accepte la souffrance. Lorsqu’il voit le mal, il ne se venge pas, mais s’afflige. Et ce «mieux eût valu pour cet homme-là de ne pas naître» n’est pas une condamnation infligée a priori, mais une vérité que chacun de nous peut reconnaître: si nous renions l’amour qui nous a engendrés, si, en trahissant, nous devenons infidèles à nous-mêmes, alors nous perdons véritablement le sens de notre venue au monde et nous nous excluons nous-mêmes du salut.

Pourtant, précisément là, à l’endroit le plus sombre, la lumière ne s’éteint pas. Au contraire, elle commence à briller. Car si nous reconnaissons nos limites, si nous nous laissons toucher par la douleur du Christ, alors nous pouvons enfin naître de nouveau. La foi ne nous épargne pas la possibilité du péché, mais nous offre toujours une issue: celle de la miséricorde.

Jésus ne se scandalise pas face à notre fragilité. Il sait bien qu’aucune amitié n’est à l’abri du risque de trahison. Mais Jésus continue à se fier. Il continue à s’asseoir à table avec les siens. Il ne renonce pas à rompre le pain, même avec celui qui le trahira. Telle est la force silencieuse de Dieu: il n’abandonne jamais la table de l’amour, pas même lorsqu’il sait qu’il sera laissé seul.

Chers frères et sœurs, nous aussi nous pouvons nous demander aujourd’hui, sincèrement: «Serait-ce moi?». Non pas pour nous sentir accusés, mais pour ouvrir un espace à la vérité dans nos cœurs. Le salut commence ici: par la conscience que nous pourrions être ceux qui trahissent la confiance en Dieu, mais aussi ceux qui la recueillent, la protègent et la renouvellent.

Au fond, c’est cela l’espérance: savoir que, même si nous pouvons échouer, Dieu ne nous laisse jamais. Même si nous pouvons trahir, il ne cesse jamais de nous aimer. Et si nous nous laissons toucher par cet amour — humbles, blessés, mais toujours fidèles — alors nous pouvons véritablement renaître. Et commencer à vivre non plus comme des traîtres, mais comme des enfants toujours aimés.

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Libreria Editrice Vaticana

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