Image: Courtoisie de CNS
En ce 4e jour du Synode des évêques sur la famille nous poursuivons notre analyse des débats en nous basant sur le 2e don du Saint Esprit : la piété. En effet, à plusieurs reprises, le pape François a prié afin qu’Il soit le protagoniste principal des travaux synodaux. «Ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils » (Jn 14, 12), penser l’institution synodale à la lumière du don de piété semble donc plus que raisonnable.
Selon le catéchisme de l’Église catholique, « La vie morale des chrétiens est soutenue par les dons du Saint-Esprit »[1]. Avoir recours à l’Esprit Saint n’est donc pas anodin puisque cette même vie morale est également l’objet principal des discussions en cours entre les évêques. Comment rendre la vie dans le Christ attrayante et accessible aux gens à travers cette vocation la plus commune qu’est le mariage ? Au cours des deux derniers jours, ce qui est ressorti peut être perçu comme un signe de la grande piété qui règne au Vatican en ce moment. Cela se voit de deux manières.
Dans un premier temps, on note une volonté commune d’être à l’écoute des inspirations divines présentes, à la fois, dans la doctrine de l’Église mais également dans les différents témoignages de couples mariés invités à participer aux échanges. Cette innovation voulue par le pape François nous montre sa disponibilité à la Volonté divine qui chemine avec son peuple mais également la piété par laquelle il nous fait tendre d’un seul cœur vers Dieu comme Père de l’Église et de l’humanité. En effet, durant l’audience générale du mercredi, le pape a exprimé son désir de voir l’unité parmi les chrétiens [2]. Cette unité, qu’il désire rendre de plus en plus visible et effective dans notre monde, n’est pas seulement la tâche de quelques ecclésiastiques. Au contraire, cette responsabilité incombe à tous les chrétiens. En ce sens, l’unité des chrétiens doit s’inscrire dans le même mouvement que le processus de guérison dont les familles ont besoin aujourd’hui. Bref, ce qui est valable pour les divisions au sein des églises est aussi valable pour les divisions au sein des familles.
Par la suite, le Pape a exprimé ce qu’il considère être des pistes de solutions. Dans un premier temps, ces divisions s’estompent lorsque nous essayons « de mettre en lumière la nature et la beauté de l’Église, et nous nous demandons ce que signifie pour chacun d’entre nous de faire partie de ce peuple, ce Peuple de Dieu qu’est l’Église »[3]. Cette expression résume bien l’un des éléments fondamentaux sur lesquels les participants au Synode doivent réfléchir puisque, d’une part, elle invite tout le monde à participer aux réflexions et, d’autre part, elle invite à
« une nouvelle ouverture : elle nous demande de ne pas être fermés au dialogue et à la rencontre mais d’accueillir tout ce qu’il y a de valide et de positif dans ce qui nous est offert et, ce, même de ceux qui ne pensent pas comme nous »[4].
Cette attitude n’est rendue possible que grâce au don de piété qu’insuffle le Saint Esprit aux hommes et aux femmes qui lui demandent humblement. En effet, l’orientation fondamentale vers Dieu qu’apporte le don de piété ne ressemble pas à celui d’une plante qui s’oriente vers le soleil sans jamais pouvoir y toucher. Au contraire, la piété nous manifeste que ce Dieu vers lequel nous tendons, est présent à nos côtés. Ce fort « sentiment de la présence de Dieu au milieu du Synode » (Card. Dolan) est largement reconnu par les participants et se rapproche grandement du climat familial relaté par le témoignage de Mme Jeannette Touré (Côte d’Ivoire) qui exposait aux pères synodaux son expérience de vie maritale avec un mari musulman et pour qui
« 52 ans de vie commune dans la tolérance, le respect mutuel de nos croyances, dans le soutien l’un de l’autre, dans l’éducation chrétienne de nos enfants […] tout cela en accueillant les joies reçues du Seigneur et en gardant beaucoup d’espérance au cœur des difficultés »[5].
Dans un deuxième temps, le don de piété a été rendu visible par la primauté donnée à la miséricorde. En effet, la piété est ce don du Saint Esprit qui porte à s’incliner pieusement vers ses frères et ses sœurs pour soulager leurs misères. En ce sens, l’homélie du Cardinal Philip Tartaglia, archevêque de Glasgow en Écosse, nous a montré comment l’Église doit être le lieu privilégié de la réconciliation. De fait, lors du dernier référendum qui a animé l’Écosse tout dernièrement, une image l’a beaucoup touché, celle de deux familles tenant chacune en main des affiches s’opposant les unes aux autres. La particularité de cette image est qu’au milieu d’eux se trouvait une troisième affiche avec l’inscription « nous aimons nos voisins ». Pour lui, cette image montrait bien que lorsque surviennent « les divisions familiales, l’amour est le premier blessé. L’amour qui est comme le ciment qui unie les époux peut se transformer en haine très rapidement »[6]. Face à une tragédie de ce genre, l’Église doit pouvoir parler avec les mots de saint Paul qui :
« Excuse et pardonne, guérit et renouvelle, où le pardon n’est pas indifférence ou accommodation mais une réconciliation authentique et, parfois, difficile à faire. Tout cela en engendrant une confiance renouvelée, une nouvelle endurance, une nouvelle fidélité, une nouvelle page dans l’histoire d’amour entre un mari, son épouse et leurs enfants »[7].
Dans ce contexte, l’Église doit être un instrument au service de la réconciliation si nécessaire au couple d’aujourd’hui et, ce, en mettant en place des orientations pastorales correspondant à cette exigence de médiation.
Un deuxième signe de cette réception du don de la piété se trouve dans cette attitude de miséricorde promue par le Pape et partagée par l’ensemble des évêques. Cela s’est manifesté par un rejet de toute rhétorique de condamnation. Comme l’affirmait le père Lombardi durant la conférence de presse de mercredi, les divers dialogues entre les participants révèlent une grande importance accordée à la « tendresse de Jésus devant les situations difficiles se trouvant dans les récits évangéliques ». Ce regard est le critère fondamental qui guide les interventions. On dénote ainsi une très grande proximité et un souci de se faire près de la réalité des personnes et de leurs difficultés. Les exemples de la violence, de la pauvreté, de l’immigration et de la solitude sont revenus plusieurs fois sur la table. Selon le Cardinal Tagle, archevêque de Manille, le Synode se doit de « développer des méthodes plus créatives et plus robustes pour transmettre la vérité que le mariage est un don de Dieu et non une institution faite de mains d’hommes [et que pour ce faire] nous devons ouvrir nos esprits et nos cœurs à l’Esprit Saint pour que la Volonté de Dieu puisse s’accomplir »[8].
Comme vous avez pu le constater avec moi, le Synode extraordinaire des évêques est un lieu où l’Esprit fait son chemin. La disponibilité des hommes d’Église au mouvement de l’Esprit continuera de nous édifier une fois de plus mardi prochain, journée pendant laquelle nous nous interrogerons sur le don de l’intelligence.